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Article de revue

De l'éclipse au retour ? Regards historiens sur le flux et le reflux des religions africaines

Pages 23 à 42

Notes

  • [1]
    Pour des études plus approfondies, il faut se référer à des revues plus spécialisées sur l’Afrique (Africa), sur les religions en Afrique (The Journal of Religion in Africa, ou encore les Cahiers des religions africaines [lancés à Kinshasa en 1967]), sur les questions missionnaires en Afrique (Revue africaine des sciences de la mission) ou sur la théologie en Afrique (Revue africaine de théologie), etc.
  • [2]
    Le missiologue Pierre Charles, dans l’entre-deux-guerres, a écrit des lignes suggestives sur l’influence exercée par l’écrivain Chateaubriand à l’origine de cet engouement pour les missions dans le monde catholique. Le Génie du Christianisme (1802), de Chateaubriand, avec ses tournures incantatoires et épiques, fait briller le missionnaire, héros généreux et intrépide, travaillant au salut des populations ignorantes et sauvages. Le livre IV de la IVe partie du Génie du Christianisme est entièrement consacré aux missions. Voir P. Charles, « Le prestigieux vicomte », dans Missiologie. Études. Rapports. Conférences, t. I, Louvain-Bruxelles-Paris, 1939, p. 147-164.
  • [3]
    G. Kurth, Les origines de la civilisation moderne, Louvain, 1886, t. I, p. XXXIII ; Bruxelles, 7e éd., 1923 (Introduction).
  • [4]
    A.T. Sanon, « Religion traditionnelle et religion chrétienne », dans L’Afrique au cœur. Défis et espoirs, Paris, 1999, p. 32.
  • [5]
    Voir par exemple, pour le Kivu (R. D. du Congo) des réflexions dans S. Bahuchet et P. de Maret (dir.), Les peuples des forêts tropicales aujourd’hui, vol. 3, Région Afrique centrale, Bruxelles, APFT-CEE, Bruxelles, 2000, p. 428 à 441 (Programme Avenir des forêts tropicales).
  • [6]
    R. Horton, « African conversion », dans Africa, t. XLI, 1971, p. 85-108 ; « On the rationality of conversion », ibid., t. XLV, 1975, p. 373-399. Un autre point de vue a été exposé par Humphrey J. Fischer, dans « Conversion reconsidered », ibid., t. XLIII, 1973, p. 27-40. Voir aussi Jean Ilboudo et Martin Birba, à propos du Burkina-Faso, « La religion des Moose et le christianisme », dans L’accueil et le refus du christianisme, Lyon, 1986, p. 48-59.
  • [7]
    H. Maurier, Les missions. Religions et civilisations confrontées à l’universalisme. Contribution à une histoire en cours, Paris, Cerf, 1993, p. 203. – Id., La religion spontanée. Philosophie des religions traditionnelles d’Afrique noire, Paris, 1997.
  • [8]
    Ethnologie missionnaire et missiologie, ces deux disciplines vont à la fois se mêler et se différencier. Voir Anthropologie et missiologie. xixe-xxe siècles. Entre connivence et rivalité, sous la dir. d’Olivier Servais et Gérard Van’t Spijker, Paris, Karthala, 2004
  • [9]
    Sur Bernardino de Sahagún (auteur d’une Historia de la cosas de Nueva España ; trad. française : Histoire générale des choses de la Nouvelle Espagne, Paris, 1981), voir Christian Duverger, La conversion des Indiens de la Nouvelle Espagne, avec le texte du « Colloque des douze » de Bernardino de Sahagún (1564), Paris, 1987.
  • [10]
    Cette nécessité de la traduction dans les différentes langues locales avait abouti dès 1626 à la création à Rome de l’Imprimerie polyglotte rattachée à la Congrégation de Propaganda fide, créée, elle, en 1622.
  • [11]
    Voir : F. Bornemann, P.Wilhelm Schmidt S.V.D. 1868-1954, Rome, 1982. – Wilhelm Schmidt, un etnologo sempre attuale, sous la dir. de F. Demarchi, Bologne, 1988. Voir J. Masson, Les missionnaires et la science, dans Histoire universelle des missions catholiques, sous la dir. de S. Delacroix, t. IV, Paris, 1958, p. 49-58. Voir aussi le numéro thématique de Mémoire spiritaine : Approches des cultures africaines, de Mgr Le Roy à aujourd’hui (n° 12, 2000).
  • [12]
    Il faut citer le grand ouvrage de M. Leenhardt, Do Kamo. La personne et le mythe dans le monde mélanésien, Paris, 1947. Sur cet anthropologue, voir J. Clifford, Maurice Leenhardt. Personne et mythe en Nouvelle Calédonie, trad. de l’anglais, Paris, 1987 ; G. Gusdorf, Situation de M. Leenhardt ou l’ethnologie française de Levy-Bruhl en Levi-Strauss, dans Le monde non chrétien [Paris], n° 71-71, juill.-déc. 1964, p. 139-192.
  • [13]
    Voir Raymond Ekotsi, « Mission et langage », dans L’altérité religieuse. Un défi pour la mission chrétienne. xviiie-xxe siècle, sous la dir. de Françoise Jacquin et Jean-François Zorn, Paris, Karthala, 2001, p. 273-280.
  • [14]
    Ce courant agit comme un aiguillon pour la recherche ethno-linguistique chez les missionnaires. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un regard sur la somme des publications réunies dans la monumentale collection bibliographique en 30 volumes parus de 1916 à 1975 sous la direction de R. Steit et J. Dindinger, puis J. Rommerskirchen et J. Metzler, la Bibliotheca missionum (Münster, puis Aix-la-Chapelle, puis Fribourg-en-Brisgau), rassemblant les dizaines de milliers de titres d’ouvrages publiés sur les missions et les peuples à évangéliser.
  • [15]
    G. Warneck, Abriss einer Geschichte der protestantischen Missionen von der Reformation bis auf die Gegenwart, Berlin, 1898 ; Evangelische Missionslehre. Ein missionstheoretiker Versuch, 1892-1905 ; 2e éd., 5 vol. Gotha, 1897-1905. Warneck fut le titulaire de la première chaire de missiologie fondée à Halle (Allemagne) en 1897.
  • [16]
    Parmi ses publications, signalons : Katholische Missionsgeschichte, Steyl, 1924. Voir K. Muller, Joseph Schmidlin (1876-1944), Nettetal, 1989.
  • [17]
    Voir J. Masson, « Charles (Pierre) », dans Biographie nationale, t. XXXV (Supplément, VII), Bruxelles, col. 108-119. On trouvera une bio-bibliographie dans G. van Bulck, « R.P.P. Charles. 1883-1954 », dans Studia missionalia, X, 1960, p. 3-56. Sur son activité d’animateur, voir : J. Pirotte, « Aux origines de Lovanium. L’AUCAM pousse Louvain vers l’Afrique », dans Louvain. Revue trimestrielle des amis de l’Université de Louvain, octobre 1976, n° 3, p. 45-54. – Id., « Pierre Charles à Louvain. Les formes d’une “action” missionnaire », in J. Comby (dir.), Diffusion et acculturation du christianisme (xixe-xxe s.), Paris, Karthala, 2005, p. 121-137. Parmi les publications du P. Charles, signalons : Les dossiers de l’action missionnaire. Manuel de missiologie, 2e éd. Louvain, 1939 ; Études missiologiques, Bruges, 1956.
  • [18]
    Allusion au titre du recueil poétique d’Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, dans la revue Volonté, Paris, 1939 ; Paris, Bordas, 1947 ; Paris, Présence africaine, 1956.
  • [19]
    Voir P. Decraene, Le panafricanisme, Paris, PUF, 3e éd., 1979.
  • [20]
    Voir W.E.B. Du Bois, The Soul of Black Folk, Chicago, 1904. Concernant l’impossible retour des Afro-américains au pays natal, on peut citer la phrase de Clarence E. Walker « We can’t go Home again », dans son livre L’impossible retour. À propos de l’afrocentrisme (traduit de l’anglais par R. Meunier), Paris, Karthala, 2004.
  • [21]
    Voir Dale Bisnauth, History of Religions in the Caribbean, Trenton, Africa World Press, 1996.
  • [22]
    Voir Lilyan Kesteloot, Les écrivains noirs de langue française : naissance d’une littérature, Bruxelles, 1963. – Id., Histoire de la littérature négro-africaine, Paris Karthala, 2001 (rééd. 2004). Voir aussi Cheikh Anta Diop, Nations nègres et culture, Paris, Présence africaine, 3e éd., 1979
  • [23]
    Voir L. Kaba, Kwame N’Krumah et le rêve de l’unité africaine, Dakar, 1991.
  • [24]
    Voir le récent panorama proposé par C. Wauthier, Sectes et prophètes d’Afrique noire, Paris, Seuil, 2007, 283 p. (présenté dans la rubrique “Lectures” de ce numéro).
  • [25]
    Voir S. Asch, L’Église du prophète Kimbangu. De ses origines à son rôle actuel au Zaïre (1921-1981), Paris, 1983.
  • [26]
    Voir une analyse contemporaine de ces mouvements, M. Leenhardt, Le mouvement éthiopien au sud de l’Afrique de 1896 à 1899, Cahors, 1902.
  • [27]
    Sur ce mouvement, voir The man of Heaven and the beautiful ones of God. Umuntu wasezulwini nabantu abahle bakankulunkulu. Writings from Ibandla lamaNazaretha, a South African Church, texte bilingue établi par Elizabeth Gunner, Leyde, Brill, 2002.
  • [28]
    Voir pour l’Afrique du Sud G. C. oosthuizen, The healer-prophet in Afro-christian Churches, Leyde, 1992.
  • [29]
    À titre d’exemple pour deux pays d’Afrique, le Cameroun et le Kenya, la créativité des religions chrétiennes a été analysée dans L’effervescence religieuse en Afrique, sous la dir. de Gilles Séraphin, Paris, Karthala, 2004.
  • [30]
    G.E. Simpson, Black Religions in the New World, New York, Columbia Univ. Press, 1978.
  • [31]
    R. Bastide, Les Amériques noires. Les civilisations africaines dans le Nouveau-Monde, Paris, 1967 ; rééd., Paris, L’Harmattan, 1996.
  • [32]
    Ph. Delisle, Le catholicisme en Haïti au xixe siècle. Le rêve d’une « Bretagne noire » (1860-1915), Paris, Karthala, 2003, p. 152.
  • [33]
    « En somme c’est l’art du faible », dans M. de Certeau, L’invention du quotidien, t. 2, Paris, Gallimard, 1990, p. 61. Sur la ruse comme arme du faible, voir les approches anthropologiques du volume Les raisons de la ruse. Une perspective anthropologique et psychanalytique, sous la dir. de S. Latouche, P.-J. Laurent, O. Servais, M. Singleton, Paris, La Découverte, M.A.U.S.S., 2004.
  • [34]
    Max Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, 1922 (notamment le chapitre V de la 2e partie : Typen religiöser Vergemeinschaftung). Voir : Jean Séguy, Rationalisation, modernité et avenir de la religion chez Max Weber, dans Archives de sciences sociales des religions, n° 61-1, janvier-mars 1986, p. 137-138. – Pierre Bourdieu, Genèse et structure du champ religieux, dans Revue française de sociologie, t. XII, 1971, p. 295-334.
  • [35]
    Voir Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, Éloge de la créolité, Paris, Gallimard, 1989.
  • [36]
    Éloi Messi Metogo, Dieu peut-il mourir en Afrique ? Essai sur l’indifférence religieuse et l’incroyance en Afrique noire, Paris, Karthala, 1997.
  • [37]
    Sur le rôle des frustrations dans la naissance des sectes, voir Joachim Wach, Types of religious experience, christian and non christian, Chicago, 1951.
  • [38]
    Voir Boris Cyrulnik, Un merveilleux malheur, Paris, O. Jacob, 1999 ; Id. (dir.), La résilience ou comment renaître de sa souffrance ?, Paris, Fabert, 2003.
  • [39]
    Voir la définition donnée par le P. Pedro Arrupe dans Itinéraire d’un jésuite, Paris, 1982, p. 76. On se référera aux articles d’A. A. Roest-Crollius parus dans Gregorianum : What is so new about inculturation ? (1978, t. LIX, p. 721-738) et Inculturation and the meaning of culture (1980, t. LXI, p. 253-274). Voir aussi les essais de clarification de J. Scheuer, L’inculturation, dans Lumen vitae (1984, t. XXXIX, n° 3, p. 251-259) et de N. Standaert, L’histoire d’un néologisme, dans Nouvelle revue théologique (1988, t. 110, p. 555-570). Les milieux protestants inclinent davantage vers la notion voisine de « contextualisation ».
  • [40]
    Kä Mana, « Voorbij het christendom van de catastrofe » (Au-delà du christianisme de la catastrophe), dans Wereld en Zending 27/1, avril 1998, p. 103-107
  • [41]
    Kä Mana, La Nouvelle évangélisation en Afrique, Paris/Yaoundé, Karthala/Clé, 2000, p. 84-85.

1Comment baliser, en quelques pages, des voies de pénétration dans ce domaine vaste et enchevêtré des religions africaines face au monde moderne..., domaine aussi inextricable et diversifié que cette forêt équatoriale que les cartes anciennes désignaient jusqu’à la fin du xixe siècle sous le nom de « Terra incognita » ? De quelle outrecuidance ferait preuve l’Européen que je suis, prétendant ouvrir des voies nouvelles ou simplement praticables dans la compréhension d’un tel phénomène, sans l’avoir vécu de l’intérieur ?

2Bornons-nous ici à suggérer, dans le champ des faits observables par l’historien, quelques croisements entre les vues des Européens et celles des Africains [1]. Après avoir analysé l’aveuglement ancien vis-à-vis de traditions dévaluées, nous présenterons quelques signes d’un éventuel retour en grâce de ces religions, avant de formuler quelques hypothèses interprétatives.

Une éclipse partielle

3Traduisant en termes religieux la notion de « terra incognita » des géographes, la cartographie religieuse ancienne étiquetait sous le terme « animisme » de vastes régions de l’Afrique noire. Cet étiquetage sous un nom savant traduisait une volonté plus ou moins consciente de confiner le phénomène dans le tiroir des choses indistinctes et peu dignes d’intérêt, bric-à-brac d’amulettes, de sorcellerie et de pratiques qualifiées de prélogiques. Trois réalités contribuaient à cette relégation : l’aveuglement de l’homme blanc, le manque de visibilité des religions dans l’espace public, la déstructuration des sociétés lors de l’intrusion de religions nouvelles.

figure im1
« … des choses indistinctes et peu dignes d’intérêt, bric-à-brac d’amulettes, de sorcellerie et de pratiques qualifiées de prélogiques… », suivant « l’aveuglement de l’homme blanc ».
Photo légendée au dos : « Poro devil », « Diable Poro ».
La toute-puissante société Poro – souvent appelée « secte » – règne dans de vastes régions du Nord-Est libérien et de l’Ouest ivoirien, ainsi qu’aux confins de l’ancienne Guinée française.
Archives spiritaines, cliché des années 1930 : Sierra Leone.

L’aveuglement de l’homme blanc

4Je n’insisterai guère sur le première réalité, bien connue des tous : le manque d’empathie des Blancs, colonisateurs ou missionnaires, pour les réalités culturelles ou religieuses de l’Afrique noire au moment où la seconde grande fièvre colonisatrice s’abattit sur le monde, au milieu du xixe siècle. Le colonialisme alimentait un attrait des continents lointains et diffusait une mystique de la vocation des nations d’Europe et d’Occident à porter aux autres peuples leur civilisation aux valeurs prétendument universelles.

5En outre, on a souvent évoqué la coloration romantique qui imprégna le renouveau missionnaire de la première moitié du xixe siècle, soutenu par une prolifération d’œuvres de soutien à l’arrière et porté par un élan de sentimentalisme généreux. À la compassion éprouvée pour des populations présentées comme dénuées, voire dégradées, se mêlèrent longtemps, comme moteurs de ce courant, l’attrait exotique des continents lointains et l’enthousiasme de la création dans les territoires neufs… neufs, c’est-à-dire vierges, où tout était à faire y compris dans le champ religieux [2]. L’apologétique traditionnelle du xixe siècle présentait d’ailleurs le christianisme comme la condition nécessaire à l’éclosion de la véritable civilisation. L’historien Godefroid Kurth affirmait en 1886 :

6

« Qu’on trace sur une mappemonde les frontières de la civilisation, on s’apercevra qu’on a tracé celles du christianisme… En un mot, civilisation et christianisme, sont deux termes équivalents [3]. »

7Le Blanc, tant le colonial que le missionnaire, se trouvait en situation de monopole de production et de distribution de « la » vérité, du sens de la vie, tout comme d’ailleurs de l’organisation sociale, politique et de la technicité. Depuis la fin du xixe siècle, une sorte de darwinisme social et culturel ambiant faisait percevoir les populations d’Afrique et leurs artéfacts culturels comme des témoins de stades dépassés de l’évolution humaine. Comment dès lors aurait-on pu percevoir les valeurs culturelles ou religieuses africaines ? Il y avait une non-réciprocité de la conversion qui ne posait pas problème à l’époque : en quoi celui qui venait enseigner sa « bonne nouvelle » était-il disposé à se laisser lui aussi instruire et transformer dans ses comportements et son être par les « bonnes nouvelles » de l’autre ? Mais pouvait-il en être autrement ? Ce serait tomber dans un anachronisme grossier de penser que, en cette époque où les convictions coloniales étaient les alliées objectives du monolithisme ultramontain, les missionnaires dans leur ensemble eussent pu agir différemment en s’ouvrant largement à la vérité de l’autre.

8La question n’est évidemment pas simple et il faut tenir compte des obstacles parfois psychologiquement insurmontables que les coutumes locales dressaient devant l’attitude conciliatrice du missionnaire. Ainsi, les coutumes polygames, souvent d’ailleurs mal comprises, ont réellement perturbé les missionnaires tant en Afrique qu’en divers lieux du globe.

Une visibilité réduite

9La deuxième réalité contribuant jadis à confiner les religions africaines dans le registre du non-signifiant est leur manque de visibilité aux yeux des Européens. Comment expliquer que l’étranger établi en Afrique n’ait pas perçu ce que l’évêque de Bobo-Dioulasso, Anselme Titiana Sanon, appelle « un immense trésor de religiosité, de spiritualité qui va jusqu’au mysticisme [4] » ? La faible présence de signes monumentaux religieux dans l’espace public africain aurait-il joué dans cette non-perception ? Ici, pas de temples à statuaire comme dans le monde bouddhiste, pas de processions colorées, pas de mosquées à arabesques, pas de cathédrales, de monastères, de chapelles votives, de repères monumentaux marquant le paysage…, rien non plus qui corresponde aux œuvres sociales chrétiennes avec leurs salles d’œuvres, leurs locaux divers et leurs mouvements de jeunesse. Pas non plus d’ensemble dogmatique systématisé et sacralisé dans des livres !

10Or, le paysage géographique africain était religieusement marqué, en profondeur mais de manière plus fluide, moins évidente pour l’arrivant. Séparé et désigné comme tel dans les cultures européennes, le religieux s’intégrait au contraire dans le quotidien de l’Africain. Comment, par exemple, le nouveau venu européen pouvait-il réaliser que ce qu’il utilisait comme vulgaire bois de chauffage risquait de provenir d’arbres d’un lieu sacré ? Comment percevoir qu’un site, d’apparence anodine, était un site sacré contenant les collines funéraires de grands ancêtres fondateurs de lignages [5] ? Pourtant, à la longue, des signes plus discrets d’une religion bien présente dans la vie de tous les jours furent perçus, soulignés et même mis positivement en valeur par les missionnaires. C’est ainsi que, au Rwanda et au Burundi, des Pères blancs constatèrent que, même sans culte organisé, Dieu avait un ancrage fort dans l’existence quotidienne, notamment par le biais de cette abondance de noms théophores, rappelant à tous la présence et l’action permanente d’Imana, le Dieu unique.

11Ailleurs, en Afrique centrale, les missionnaires percevaient souvent mal le rôle de certains acteurs, comme le nganga dans la vie sociale, les représentations symboliques et la recherche de sens. À la fois guérisseur par les plantes et par les rites et, surtout, intégrateur psychologique et social, le nganga manifeste cette imbrication de divers domaines qui le faisait souvent mal voir. Quant aux agents de l’évangélisation, leur présence fréquente sur le terrain de la santé physique facilitait une certaine assimilation du missionnaire à un chaman, puisqu’il prétendait assurer à la fois le salut physique et spirituel grâce à des techniques supérieures. La concurrence, voire le conflit, avec le nganga devenait donc probable et le missionnaire avait parfois tendance à l’affronter sur ce terrain pour affirmer sa légitimité émergente. Le nganga était alors perçu comme un concurrent de l’ombre, voire abusivement comme un jeteur de sort, relégué qu’il était dans des pratiques décousues, qualifiées parfois de démoniaques, ne s’intégrant guère dans une vision du monde cohérente. Face à lui, le missionnaire se voulait le pourfendeur des croyances et des pratiques obscurantistes.

12Aux regards européens, les croyances et pratiques traditionnelles africaines apparaissaient ainsi dévaluées sous le nom global d’un animisme, assimilé souvent à un fétichisme. Si le paysage physique paraissait moins balisé par le religieux au sens noble, par contre le paysage mental des Africains se présentait comme surencombré d’un fatras de superstitions sans repères logiques, sans pertinence, qu’il importait donc de déblayer. L’idée que l’Africain doit se laisser facilement convertir reposait en partie sur cette image d’un illogique bric-à-brac mental à évacuer ; dans les cerveaux ainsi nettoyés, les croyances et rationalités nouvelles pourraient se déployer en structurant l’espace. On n’avait pas perçu que ces croyances et pratiques, au lieu de se chevaucher dans l’illogisme, procédaient simplement d’une autre vision du monde, ayant sa cohérence et sa rationalité. Comme on le verra au point suivant, bien des Africains intégreront cette dévaluation de leurs croyances et de leurs pratiques traditionnelles, même s’ils y recouraient en secret.

Des sociétés ébranlées

13La troisième réalité concourant à la relégation des croyances traditionnelles se situe au c œur même de la perturbation profonde vécue dans des sociétés où surgit une religion nouvelle faisant sombrer la légitimité de l’ancienne vision du monde. En effet, l’irruption brusque et organisée de croyances exogènes n’est ni anodine, ni indolore. Immanquablement, cette irruption d’un nouveau système de pensée et de vie modifie l’échelle des valeurs, perturbe l’univers mental et culturel des populations. En ce qui concerne l’éthique, elle transforme les rapports sociaux et familiaux. En ce qui concerne la gestion politique de la société, elle peut amener une « désymbolisation » des autorités traditionnelles. Elle provoque une déstabilisation de l’ordre ancien et de ses piliers. Dès qu’on touche à un élément essentiel d’une société, on met en branle l’ensemble de la société, on ébranle tout l’édifice. Certains auteurs ont pu parler de profanation ou de viol des cultures.

14Il importe de noter que, pour les êtres humains qui vivent ce choc, le déséquilibre ainsi provoqué dans les sociétés ne trouve pas nécessairement une juste compensation : ni l’acceptation de croyances nouvelles, encore mal assimilées voire mal comprises, ni l’adhésion à des nouveaux principes de vie encore peu mis en pratique, ne sont en mesure de compenser pleinement les inconvénients d’un tel ébranlement. Sans vraiment prendre en compte la réalité d’une telle déstabilisation, le discours apologétique des agents de l’évangélisation magnifiait le christianisme comme apportant aux cultures natives leur véritable accomplissement, les portant à leur épanouissement à l’insu même ou contre la volonté explicite d’opposants autochtones.

15Ce ne sont pourtant pas de telles perspectives apologétiques, mais de considérations historico-anthropologiques que s’inspirent les interprétations de Robin Horton dans la revue Africa au cours des années 1970 [6]. L’hypothèse de R. Horton, d’ailleurs controversée et peut-être teintée d’un certain évolutionnisme à l’ancienne, tente d’expliquer pourquoi de vastes groupes humains d’Afrique centrale et de l’ouest furent tentés d’abandonner leurs croyances ancestrales pour se tourner les uns vers l’islam, les autres vers le christianisme. Cette hypothèse s’articule autour de la question : à un moment de leur histoire, des peuples vivant dans un système de représentations cosmologiques correspondant à une société cloisonnée et à une économie fermée ne ressentent-ils pas le besoin, lorsque l’amplification des échanges ébranle les structures traditionnelles, de se tourner vers des systèmes de représentation du monde plus universalistes et vers des grandes religions ? L’adoption d’une religion nouvelle s’inscrirait comme un élément entrant en composition avec d’autres, dans un syndrome plus complexe manifestant une poussée de populations entières vers la recherche de nouveaux genres de vie. On pourrait alors analyser le passage d’importants groupes humains d’Afrique à l’islam ou au christianisme comme un processus d’ajustement intellectuel vers des religions de salut plus universalistes, au moment même où s’opérait un décloisonnement économique et social. Dans cette vaste mutation, la présence active de religions pressenties comme plus adaptées aux nouveaux modes de vie aurait agi comme catalyseur.

16Cette hypothèse rejoint partiellement celle d’Henri Maurier qui évoque les conditionnements imposés par les modes de vie et les cadres sociaux, conditionnements qui pèsent dans le sens de l’acceptation ou du refus de religions aux cadres mentaux plus universalistes. Pour cet auteur, tout l’effort missionnaire du christianisme ne peut être considéré comme un phénomène isolé, mais doit être lu sur le long terme et situé globalement à l’intérieur de mouvements complexes du « déploiement démographique, civilisationnel et universalisateur de l’humanité [7] », mouvements portés par les avancées technologiques et les progrès des échanges.

Un retour en grâce ?

17Après la phase de désagrégation et de discrédit, un certain retour en grâce des religions traditionnelles s’opéra en plusieurs phases, vécues bien évidemment de façons différentes par les Européens et Africains.

Points de vue européens

18La redécouverte par les Blancs s’opère autour de deux types de préoccupations qui souvent s’entremêlent : celles plus scientifiques des ethnologues, celles plus pastorales des missiologues [8].

Approches ethnologiques

19Les préoccupations ethnologiques remontent loin et leur émergence est marquée par des préoccupations davantage religieuses que scientifiques. Pourtant, nos connaissances des civilisations précolombiennes seraient lacunaires sans les observations systématiques de franciscains du xvie siècle tels que de Bernardino de Sahagún [9]. Ces approches pouvaient se baser sur une vision négative des pratiques observées, considérées le cas échant comme démoniaques…, elles n’en constituaient pas moins des observations de valeur, souvent les seules que nous conservons sur des cultures disparues.

20Au xixe siècle, époque où les regards coloniaux et missionnaires se portent vers l’Afrique, ce travail d’observation se poursuit. Dans le monde missionnaire, le courant d’intérêt pour les coutumes et croyances des peuples évangélisés s’appuyait aussi sur un acquis plus ancien, l’étude des langues locales imposée par la création dans les différents idiomes de manuels catéchétiques et liturgiques nécessaires aux agents de l’évangélisation [10]. Dès les débuts de l’évangélisation des mondes nouveaux au xvie siècle, un mouvement d’études linguistiques s’était manifesté par la création d’outils importants (grammaires, lexiques, dictionnaires) qui contribuèrent à la sauvegarde de maints idiomes humains à travers le monde. Ces deux courants, l’ethnologique et le linguistique, s’épaulaient, prometteurs à moyen terme d’une dynamique de compréhension des différentes cultures.

21À côté d’entreprises plus connues, comme l’Institut Anthropos à Vienne et la revue du même nom, entreprises animées par le P. Wilhelm Schmidt, de nombreux missionnaires sur le terrain apportèrent des contributions de poids aux études linguistiques et ethnographiques [11]. Entre bien d’autres, il faudrait citer quelques noms : Francis Aupiais au Dahomey, Alexandre Le Roy sur la côte du Kenya, en Tanzanie et au Gabon, Joseph Van Wing chez les Bakongo, Paul Schebesta chez les Pygmées et les Négritos. Dans le monde protestant, Maurice Leenhardt (1878-1954) travaillant en Nouvelle Calédonie parmi les Canaques se fit un nom parmi les grands anthropologues de son temps [12].

22Sans aucun doute, les intentions n’étaient-elles pas toujours et à cent pour cent détachées de l’eurocentrisme. Certaines observations de missionnaires sont commandées par des présupposés apologétiques : démontrer la croyance universelle en la divinité ou encore en l’existence de l’âme humaine. Les « pierres d’attente » de la foi chrétienne ainsi répertoriées venaient à point nommé pour combattre le rationalisme sur le terrain européen. D’autres travaux ethnologiques serviront des intérêts politiques ou les tactiques des missionnaires. On a pu ainsi affirmer que les travaux du P. Gustaaf Hulstaert sur les Mongo du Congo valorisaient une ethnie à des fins tactiques contre le pouvoir colonial ou que ceux du P. De Boeck étaient en lien avec l’affirmation linguistique du lingala [13].

23Sans doute il ne faudrait pas démesurément gonfler l’importance de l’ethnologie missionnaire par rapport au travail d’autres observateurs de terrain et théoriciens qui vont à cette époque poser les fondements de l’anthropologie culturelle. Toutefois, ce n’est ni le lieu de retracer l’histoire de cette discipline scientifique.

Approches missiologiques

24En ce qui concerne l’approche des religions traditionnelles par le mouvement missionnaire, la naissance de la missiologie au tournant des xixe et xxe siècles marque une rupture : ce courant missiologique rendait possible un regard neuf et valorisant sur les traditions locales. On peut dire que la missiologie et la recherche ethnologique se stimulaient réciproquement [14]. Née dès les ultimes années du xixe siècle dans le monde protestant avec les écrits de l’Allemand Gustav Warneck (1834-1910) [15], la missiologie, réflexion qui se veut scientifique sur la mission, pénètre ensuite dans le monde catholique. Certes, antérieurement déjà au xixe siècle, des initiateurs tels que Libermann et Lavigerie en France, Comboni en Italie, avaient insisté sur une préparation sérieuse et sur une adaptation nécessaire aux coutumes locales ; leurs orientations seront en partie intégrées dans la réflexion qui s’élaborera par la suite. Le véritable père de la missiologie catholique fut l’Alsacien Joseph Schmidlin (1876-1944), qui fonda en 1911 la Zeitschrift für Missionswissenschaft et devint titulaire la même année de la première chaire de missiologie créée à Munster en Westphalie [16]. De 1930 à 1950, le jésuite belge Pierre Charles (1883-1954) se fera le diffuseur international le plus pugnace de ce courant [17].

25La missiologie se manifeste comme une tentative de prendre des distances par rapport au vieux romantisme, généreux mais simpliste de l’époque antérieure, pour lequel il s’agissait de sauver les âmes et pas vraiment de les comprendre ou d’apprécier leurs cultures…, sauver les âmes, les arracher, disait-on, aux ténèbres du paganisme et à leur état de dégradation. En réaction, la missiologie développe une réflexion sur la médiation humaine dans la présentation du message évangélique ; elle manifeste une volonté de prendre en compte les valeurs humaines par une approche positive des cultures dans la plantation locale de l’Église. Les images simplistes que l’on se faisait des autochtones devaient s’effacer devant des analyses plus positives. Plutôt que de faire table rase de ces valeurs humaines des peuples non chrétiens, les propagateurs de la missiologie préconisaient de les inventorier, de les apprécier et de promouvoir ce qu’elles contenaient de compatible ou de commun avec l’Évangile. Ce courant amorce aussi un débat de fond sur les valeurs des religions non chrétiennes, grâce notamment à un nouvel examen, dans un sens plus optimiste, du vieil adage « Hors de l’Église, pas de salut ». Quant aux éléments jugés compatibles entre les religions traditionnelles et la foi chrétiennes, ils devaient être valorisés comme étant autant de « pierres d’attente » de l’Évangile.

26Du côté catholique, les courants missiologiques trouvèrent un encouragement de poids dans les grands documents pontificaux, qui traçaient les pistes de la réflexion et de l’action future. En novembre 1919 paraissait l’encyclique de Benoît XV, Maximum illud, qui insistait sur la nécessité d’adapter l’apostolat missionnaire aux mentalités locales et de préparer la formation de prêtres et de religieux autochtones. Les initiatives de Pie XI, vinrent renforcer cette tendance, notamment par la publication en février 1926 de l’encyclique Rerum Ecclesiae.

27Il ne faut toutefois pas se leurrer : la pensée des missiologues ne pénétra pas immédiatement ni sans réticence sur le terrain. On observe souvent un décalage chronologique entre les missiologues, réfléchissant de manière plus libre avec davantage de recul, et les missionnaires, absorbés par une quotidienneté écrasante et mettant en actes une pensée théologique plus ancienne et figée, acquise un demi-siècle plus tôt au cours de leur formation.

Réponses africaines

28« Chassez le naturel, il revient au galop » dit le proverbe. Submergées par le christianisme ou par l’islam, refoulées dans les sphères du marginal, du non-rationnellement-pertinent ou du suranné condamné par le progrès, les traditions locales ont pourtant amorcé un retour.

« Retour au pays natal » [18] ?

29Pour retrouver les prémisses de ce courant, il faudrait explorer les racines de ces anciens mouvements d’émancipation qui, sous les noms d’« éthiopianisme » et de panafricanisme ont travaillé les élites culturelles du monde noir à partir de l’Entre-deux-guerres des deux côtés de l’Atlantique [19]. Parti du Nouveau Monde, le mouvement panafricain va se décliner en de multiples nuances, du modéré fédérateur William Edward Burghard DuBois (1868-1963) [20] au plus contestataire et messianique Marcus Garvey (1885-1940), en passant par le culturel Jean Price-Mars (1876-1969). À Kingston, en Jamaïque, dans les années 1930, le mouvement Ras-Tafari (dont le nom s’inspire du titre du négus d’Éthiopie Hailé Sélassié [1882-1975]) revendique avec force un héritage culturel africain ; les idées de Marcus Garvey trouvaient ici un épanouissement spirituel : le retour à l’Afrique était magnifiée comme la prise de possession de la terre promise [21].

30Divers mouvements d’intellectuels voudront renouer avec leurs racines. Le plus célèbre dans le monde francophone est sans doute le courant afro-antillais de la Négritude, lancé à Paris en 1934 par Senghor, Aimé Césaire et Léon Damas, autour du petit journal L’étudiant noir, mouvement qui s’organisera avec Présence africaine en 1947. Ces découvreurs de la Négritude s’enthousiasmaient à l’idée de faire revivre leurs racines africaines sous leur culture européenne ; la lecture d’œuvres d’ethnologues, comme l’Allemand Leo Frobenius ou encore Maurice Delafosse ou Georges Hardy, leur avait fait prendre conscience de la richesse des traditions africaines et de leur apport potentiel à la culture mondiale [22]. Il faudrait aussi analyser les mouvements de libération coloniale avec les grands ténors que furent Jomo Kenyatta (1893-1978), Kwame Nkrumah (1909-1972) et bien d’autres, poussant à la redécouverte d’une authenticité africaine [23]. Pour beaucoup d’intellectuels africains européanisés, il s’agissait d’une quête existentielle d’une identité post-coloniale.

Avatars chrétiens

31Les avatars chrétiens de ce retour des traditions africaines s’organisent autour de deux pôles : d’une part, le surgissement d’Églises nouvelles ; d’autre part, l’émergence de la théologie africaine.

32Le phénomène de la naissance et de la multiplication d’Églises nouvelles intégrant au christianisme des éléments divers de traditions locales et de messianisme africain, s’il a atteint une ampleur impressionnante à la fin du xxe siècle [24], remonte aux décennies antérieures. Ainsi, bien qu’encore confuses, des revendications nationales africaines commencent à poindre dans le mouvement kimbanguiste à sa naissance ; en 1921, le prophète Simon Kimbangu, ancien élève de la mission baptiste anglaise de Ngombe-Lutete (Congo belge), se mit à prêcher une religion africaine, inspirée du christianisme, dont il était le messie. Malgré la condamnation portée par les autorités coloniales contre le prophète et son incarcération, le mouvement connut un rayonnement à l’échelon régional d’abord, national ensuite [25]. Au Congo français, le mouvement d’André Matswa présente quelques similitudes. C’est sans doute l’Afrique australe qui fut le terrain d’élection des surgissements prophétiques ; les tendances indépendantistes par rapport aux missionnaires s’exprimèrent à Johannesburg dès 1892 dans le mouvement « éthiopien » du pasteur Mokone [26], tandis que, par la suite, d’autres mouvements, comme celui du Zoulou Isaac Shembé (1875-1935), naissaient d’aspirations messianistes, faisant espérer la réalisation de la nouvelle Sion autour d’un Christ noir [27].

33Dans la seconde moitié du xxe siècle, l’efflorescence extraordinaire en Afrique des prophétismes et Églises indépendantes indigènes, imbriquant souvent salut et santé, est un phénomène digne du plus haut intérêt [28]. En effet, l’apparition des prophétismes et des Églises indépendantes résulte sans doute partiellement du refus d’un modèle étranger et uniformisant. Il reste que, même dans de tels groupes, il faudrait faire la part de ce qui est résidu du modèle importé et ce qui est surgissement créatif autochtone [29]. Par ailleurs, dans des pays où les conditions socio-politiques ne permettent pas toujours d’entreprendre dans le domaine économique, le champ du symbolique s’ouvre sans doute plus largement à l’initiative et permet d’investir des énergies dans la création de réseaux de solidarités restreints mais efficaces.

34L’émergence des théologies africaines depuis un quart de siècle dans les grandes Églises établies est une autre réalité tentant d’intégrer la vision du monde, la sensibilité, certaines croyances et pratiques africaines dans un discours théologique construit et une pratique pastorale. Davantage qu’une décolonisation théologique, c’est une véritable africanisation de la vie chrétienne qui devrait s’opérer, donnant des fruits originaux aux saveurs locales.

Interprétations

35Comment interpréter l’éventuel retour des traditions religieuses africaines tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des Églises établies ? Quels sens donner à ce retour ? On peut de tenter quelques hypothèses explicatives qui, loin de s’exclure, se complètent.

Une vitalité souterraine

36Les populations africaines ayant accepté le christianisme avaient-elles dans tous les cas et définitivement rejeté pour autant les croyances et pratiques anciennes ? En d’autres termes, une acceptation apparente du christianisme empêchait-elle les religions anciennes de continuer leur route souterraine. La persistance des religions afro-américaines sous le masque du catholicisme, au Brésil le candomblé, en Haïti le vaudou, à Cuba la santería, témoignent de la vitalité souterraine sur le long terme des héritages religieux africains [30]. Sans doute faudrait-il revisiter la distinction que, voici quelques décennies, Roger Bastide établissait entre, d’une part, des religions « en conserve », où les éléments des héritages ancestraux se figent pour résister et, d’autre part, les religions « vivantes » qui s’adaptent en permanence au gré des évolutions des sociétés [31]. Le vaudou haïtien appartient à cette dernière catégorie.

37La cohabitation inévitable des croyances nouvelles et de l’ancienne vision du monde engendre nécessairement, dans le vécu quotidien, des confusions, des résurgences, des alternances entre comportements nouveaux et recours aux pratiques traditionnelles. D’une part, les ritualités nouvelles proposées par le christianisme, le baptême chrétien et la sacramentalisation, semblaient s’inscrire pour beaucoup de convertis dans une complémentarité avec les rites anciens. Le christianisme pouvait apparaître comme un recours, efficace sans doute, mais un parmi d’autres…, une nouvelle ressource pour aider les populations à vivre. Dans son étude sur le catholicisme en Haïti, Philippe Delisle a rappelé ce témoignage d’un missionnaire spiritain évoquant la situation du début du xxe siècle, d’après lequel la grande majorité des Haïtiens qui communiaient ne le faisaient que pour obéir aux injonctions d’un bocor (sorcier) [32].

38D’autre part, on constate que, entre le rejet violent du missionnaire et l’acceptation sans opposition, il y a place pour une variété d’attitudes : résistance passive ; acceptation de façade tout en alimentant la vie souterraine des anciens cultes ; bricolage des anciennes logiques, demeurant sous-jacentes, avec la foi nouvelle voire avec des rituels jugés plus efficaces ; acceptation sélective de certains avantages offerts par les propagateurs des nouveaux modes de penser et de vivre. Ces avantages se déclinent de mille manières : biens matériels tels que nourriture, vêtements ou emploi à la mission ; scolarisation des enfants avec espoir de promotion sociale ; prestige d’une proximité avec les nouveaux pouvoirs et les dispensateurs des nouveaux savoirs. Il faut ici faire place à une arme essentielle de la stratégie du faible : la ruse. Comme l’analysait Michel de Certeau, la simulation est l’arme du vaincu braconnant sur les terres du pouvoir propriétaire [33]. La conversion feinte peut aboutir à mimer la foi nouvelle, pour mieux l’intégrer et en définitive la subvertir.

39Sans doute conviendrait-il de reconsidérer la notion de syncrétisme, combinaison de croyances et de ritualités diverses ; les éléments disparates assemblés conservent-ils leur sens originel, gardent-ils une autonomie relative pour l’individu qui, en les pratiquant tour à tour, perçoit, même confusément, qu’il se réfère à des univers distincts ? On bien l’assemblage interactif débouche-t-il sur une création radicalement nouvelle, une création permanente, fluide, mobile ? Traditionnellement, on faisait appel aux modèles d’analyse de Max Weber pour expliquer comment les croyances et les pratiques des religions refoulées par le triomphe d’une nouvelle vision du monde peuvent continuer à vivre dans le secret de la marginalité, notamment par le recours occasionnel à un ritualisme occulte ou aux acteurs de l’ancien champ religieux ayant perdu leur légitimité officielle [34]. Croyances et pratiques anciennes peuvent ainsi continuer leur vie, solidement intégrées à la marge de la légitimité nouvelle, donnant éventuellement naissance à une version populaire relativement tolérée de la religion établie. Les modèles de Weber gardent toute leur pertinence, mais il peut être éclairant de les revisiter à l’aide des théories plus récentes de la « créolisation », issues de l’observation des sociétés métissées des Antilles, insistant davantage sur la création permanente, interactive et fluide [35].

40Quoi qu’il en soit de telles considérations, la question des survivances africaines dans le christianisme doit être posée plus en profondeur en termes théologiques, avec précautions et nuances, mais aussi avec une grande ouverture. Les orientations cognitives traditionnelles, les conceptions africaines de la causalité ne sont pas nécessairement contradictoires avec une acceptation de l’évangile, même si elles ne cadrent pas avec le type de rationalité développé par la longue histoire de la formulation du christianisme dans le monde méditerranéen. Le culte des ancêtres, la capacité des morts d’agir dans le monde des vivants feraient partie, avec bien d’autres choses, de ces patrimoines à inventorier dans une perspective d’inculturation. Les théologiens africains ont entrepris de réfléchir en profondeur sur ces questions.

Revival : du pittoresque à la quête d’identité

41Faut-il analyser un éventuel retour des traditions religieuses africaines comme un revival superficiel, une résurrection artificielle d’un folklore, entendu au sens de traditions d’un pittoresque sans importance, sans vitalité réelle ? On serait facilement tenté de répondre non, en se fondant sur le sens religieux foncier, que l’on a longtemps cru constitutif de l’« âme » africaine. Pourtant, cette religiosité est actuellement exposée à la même précarité qu’ailleurs dans le monde [36]. L’Africain peut aussi être intéressé par l’athéisme tout en maintenant des traditions religieuses comme patrimoine culturel.

42Faut-il, par ailleurs, voir dans ce revival un moyen d’affirmation d’une originalité culturelle, en réaction contre une modernité envahissante et nivelante ? Une quête d’identité culturelle en quelque sorte, voire un moyen d’affirmation politique contre des pouvoirs soumis à l’économie mondiale et au néo-colonialisme ? On observera que les mouvements messianiques et prophétiques, surgissent souvent à la rencontre des syncrétismes, des frustrations sociales, économiques, culturelles et politiques et des courants revendicatifs [37]. On l’a vu, après les décolonisations, des courants de valorisation des patrimoines marginalisés à l’époque précédente amenèrent à faire resurgir et magnifier des coutumes et croyances locales refoulées. Ces recherches d’authenticité et quêtes identitaires induisent des processus d’hybridation entre croyances allogènes et locales à l’origine du foisonnement des Églises nouvelles. Par ailleurs, tant les courants de la négritude que ceux de la « créolité », évoqués ci-dessus, procèdent de ces logiques de recréations identitaires.

Résilience

43Pour mieux interpréter ces phénomènes, il serait utile d’introduire de façon analogique dans nos réflexions en sciences humaines le concept de résilience en usage dans les sciences physiques. La résilience est cette capacité qu’ont certains matériaux d’absorber les chocs, de se déformer provisoirement pour retrouver ensuite leur forme. N’en déplaise aux puristes des sciences dites dures, la greffe de cette notion peut se révéler stimulante. Elle pourrait aider à comprendre la capacité des sociétés à encaisser le choc de nouveautés déstructurantes, à se plier en apparence aux conditions nouvelles, tout en préparant sur le plus long terme la résurgence des formes anciennes [38].

De l’inculturation à la complémentarité

44La vogue du concept d’inculturation dans les milieux missiologiques permet de penser un christianisme incarné dans la diversité des cultures. Un tel processus se présente à la fois comme un dynamisme du vivant et comme une réflexion sur les conditions optimales du dialogue entre christianisme et cultures. Une image qu’affectionnent certains tenants de ce concept pour caractériser la rencontre de la foi chrétienne avec les cultures est celle de la plante qui vit sa propre vie, poussant ses racines et se nourrissant dans le terreau des innombrables communautés culturelles, et se développe ainsi sur des modes originaux [39].

45Les réflexions de la théologie africaine vont dans ce sens. Le christianisme africain ferait notamment sa place au rôle des ancêtres intégré dans la Communion des saints, ou pourquoi pas à l’eucharistie du mil. En dehors de ces quelques formules simples, c’est tout un effort de repenser le christianisme qui est possible, tant en ce qui concerne la formulation du dogme, que sa traduction dans des rites, une organisation ecclésiale, une discipline.

46Dans un christianisme davantage ouvert au charme des champs aux mille fleurs, la diversité apparaîtrait moins antinomique d’une unité toujours obsessionnelle. De nos jours, peut-on se dire chrétien sans s’ouvrir à l’œcuménisme ? Et, si l’on pousse plus loin, peut-on se déclarer religieux sans être ouvert au dialogue entre les croyances ? Pour reprendre la thématique des religions africaines, serait-il insensé de concevoir davantage qu’une cohabitation, une dialectique critique et créatrice entre religions nouvelles et religions traditionnelles, outils jadis (et peut-être toujours) efficaces d’intégration dans une vision du monde.

Beaucoup de questions en guise de conclusion

47Pour conclure, comment caractériser la présence du christianisme dans le champ religieux africain face aux religions traditionnelles ? Faut-il à, l’instar du théologien congolais Kä Mana, caractériser le christianisme d’Afrique comme étant un « christianisme de la catastrophe », jugement sévère motivé par le génocide rwandais de 1994. Cette expression réactualise la question délicate : de quelle manière l’Évangile a-t-il été apporté en Afrique [40] ? Plus largement, elle pose la question de la pénétration de l’Évangile dans les pays anciennement évangélisés et pourtant toujours tentés par la culture du massacre…, que cette culture porte le nom de shoah, d’épuration culturelle ou qu’elle se camoufle sous l’anonymat de la violence établie d’un ordre économique mondial dévastateur.

48Ce « christianisme de la catastrophe » serait-il d’abord un « christianisme de la puissance », riche en bâtiments (hôpitaux, écoles, églises et constructions diverses), mais pourtant « qui n’a pas pu évangéliser la société dans ses affects profonds, qui n’a pas pu construire des digues sociales contre le déchaînement du mal et qui a donné partout l’image d’un vernis inutile sur un paganisme africain et mondial sans borne [41] » ?

49Pour l’Afrique, qu’il s’agisse d’un christianisme importé, qui avec le temps s’inculture, ou de religions traditionnelles, qui avec le temps relèvent la tête, les Africains sont confrontés à ce problème d’une théologie de la reconstruction. Comment faire quelque chose de son passé, sans nostalgie, en prenant en compte les richesses du métissage et de la diversité ? Comment intégrer le passé au présent en fonction d’un devenir ?

tableau im2
Avant l’arrivée de la saison des pluies, au pied de l’arbre sacré, un Yaal Pangool, un « Maître des Pangool », nourrit ses Pangools. De la main gauche, il verse une libation faite d’une bouillie de lait et de farine de couscous contenu dans une calebasse qu’il tient de la main gauche.
tableau im3
Après la libation, le Yaal pango boit le premier, puis présente la calebasse aux assistants en signe de particpation et de communion.
Voir H. Graverand, La civilisation sereer. Pangool. Le génie religieux sereer, Dakar, Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal, 1990
Sénégal, 1985, en pays sereer, sacrifice aux Pangool.
(Photos Lucien Heitz)

Notes

  • [1]
    Pour des études plus approfondies, il faut se référer à des revues plus spécialisées sur l’Afrique (Africa), sur les religions en Afrique (The Journal of Religion in Africa, ou encore les Cahiers des religions africaines [lancés à Kinshasa en 1967]), sur les questions missionnaires en Afrique (Revue africaine des sciences de la mission) ou sur la théologie en Afrique (Revue africaine de théologie), etc.
  • [2]
    Le missiologue Pierre Charles, dans l’entre-deux-guerres, a écrit des lignes suggestives sur l’influence exercée par l’écrivain Chateaubriand à l’origine de cet engouement pour les missions dans le monde catholique. Le Génie du Christianisme (1802), de Chateaubriand, avec ses tournures incantatoires et épiques, fait briller le missionnaire, héros généreux et intrépide, travaillant au salut des populations ignorantes et sauvages. Le livre IV de la IVe partie du Génie du Christianisme est entièrement consacré aux missions. Voir P. Charles, « Le prestigieux vicomte », dans Missiologie. Études. Rapports. Conférences, t. I, Louvain-Bruxelles-Paris, 1939, p. 147-164.
  • [3]
    G. Kurth, Les origines de la civilisation moderne, Louvain, 1886, t. I, p. XXXIII ; Bruxelles, 7e éd., 1923 (Introduction).
  • [4]
    A.T. Sanon, « Religion traditionnelle et religion chrétienne », dans L’Afrique au cœur. Défis et espoirs, Paris, 1999, p. 32.
  • [5]
    Voir par exemple, pour le Kivu (R. D. du Congo) des réflexions dans S. Bahuchet et P. de Maret (dir.), Les peuples des forêts tropicales aujourd’hui, vol. 3, Région Afrique centrale, Bruxelles, APFT-CEE, Bruxelles, 2000, p. 428 à 441 (Programme Avenir des forêts tropicales).
  • [6]
    R. Horton, « African conversion », dans Africa, t. XLI, 1971, p. 85-108 ; « On the rationality of conversion », ibid., t. XLV, 1975, p. 373-399. Un autre point de vue a été exposé par Humphrey J. Fischer, dans « Conversion reconsidered », ibid., t. XLIII, 1973, p. 27-40. Voir aussi Jean Ilboudo et Martin Birba, à propos du Burkina-Faso, « La religion des Moose et le christianisme », dans L’accueil et le refus du christianisme, Lyon, 1986, p. 48-59.
  • [7]
    H. Maurier, Les missions. Religions et civilisations confrontées à l’universalisme. Contribution à une histoire en cours, Paris, Cerf, 1993, p. 203. – Id., La religion spontanée. Philosophie des religions traditionnelles d’Afrique noire, Paris, 1997.
  • [8]
    Ethnologie missionnaire et missiologie, ces deux disciplines vont à la fois se mêler et se différencier. Voir Anthropologie et missiologie. xixe-xxe siècles. Entre connivence et rivalité, sous la dir. d’Olivier Servais et Gérard Van’t Spijker, Paris, Karthala, 2004
  • [9]
    Sur Bernardino de Sahagún (auteur d’une Historia de la cosas de Nueva España ; trad. française : Histoire générale des choses de la Nouvelle Espagne, Paris, 1981), voir Christian Duverger, La conversion des Indiens de la Nouvelle Espagne, avec le texte du « Colloque des douze » de Bernardino de Sahagún (1564), Paris, 1987.
  • [10]
    Cette nécessité de la traduction dans les différentes langues locales avait abouti dès 1626 à la création à Rome de l’Imprimerie polyglotte rattachée à la Congrégation de Propaganda fide, créée, elle, en 1622.
  • [11]
    Voir : F. Bornemann, P.Wilhelm Schmidt S.V.D. 1868-1954, Rome, 1982. – Wilhelm Schmidt, un etnologo sempre attuale, sous la dir. de F. Demarchi, Bologne, 1988. Voir J. Masson, Les missionnaires et la science, dans Histoire universelle des missions catholiques, sous la dir. de S. Delacroix, t. IV, Paris, 1958, p. 49-58. Voir aussi le numéro thématique de Mémoire spiritaine : Approches des cultures africaines, de Mgr Le Roy à aujourd’hui (n° 12, 2000).
  • [12]
    Il faut citer le grand ouvrage de M. Leenhardt, Do Kamo. La personne et le mythe dans le monde mélanésien, Paris, 1947. Sur cet anthropologue, voir J. Clifford, Maurice Leenhardt. Personne et mythe en Nouvelle Calédonie, trad. de l’anglais, Paris, 1987 ; G. Gusdorf, Situation de M. Leenhardt ou l’ethnologie française de Levy-Bruhl en Levi-Strauss, dans Le monde non chrétien [Paris], n° 71-71, juill.-déc. 1964, p. 139-192.
  • [13]
    Voir Raymond Ekotsi, « Mission et langage », dans L’altérité religieuse. Un défi pour la mission chrétienne. xviiie-xxe siècle, sous la dir. de Françoise Jacquin et Jean-François Zorn, Paris, Karthala, 2001, p. 273-280.
  • [14]
    Ce courant agit comme un aiguillon pour la recherche ethno-linguistique chez les missionnaires. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un regard sur la somme des publications réunies dans la monumentale collection bibliographique en 30 volumes parus de 1916 à 1975 sous la direction de R. Steit et J. Dindinger, puis J. Rommerskirchen et J. Metzler, la Bibliotheca missionum (Münster, puis Aix-la-Chapelle, puis Fribourg-en-Brisgau), rassemblant les dizaines de milliers de titres d’ouvrages publiés sur les missions et les peuples à évangéliser.
  • [15]
    G. Warneck, Abriss einer Geschichte der protestantischen Missionen von der Reformation bis auf die Gegenwart, Berlin, 1898 ; Evangelische Missionslehre. Ein missionstheoretiker Versuch, 1892-1905 ; 2e éd., 5 vol. Gotha, 1897-1905. Warneck fut le titulaire de la première chaire de missiologie fondée à Halle (Allemagne) en 1897.
  • [16]
    Parmi ses publications, signalons : Katholische Missionsgeschichte, Steyl, 1924. Voir K. Muller, Joseph Schmidlin (1876-1944), Nettetal, 1989.
  • [17]
    Voir J. Masson, « Charles (Pierre) », dans Biographie nationale, t. XXXV (Supplément, VII), Bruxelles, col. 108-119. On trouvera une bio-bibliographie dans G. van Bulck, « R.P.P. Charles. 1883-1954 », dans Studia missionalia, X, 1960, p. 3-56. Sur son activité d’animateur, voir : J. Pirotte, « Aux origines de Lovanium. L’AUCAM pousse Louvain vers l’Afrique », dans Louvain. Revue trimestrielle des amis de l’Université de Louvain, octobre 1976, n° 3, p. 45-54. – Id., « Pierre Charles à Louvain. Les formes d’une “action” missionnaire », in J. Comby (dir.), Diffusion et acculturation du christianisme (xixe-xxe s.), Paris, Karthala, 2005, p. 121-137. Parmi les publications du P. Charles, signalons : Les dossiers de l’action missionnaire. Manuel de missiologie, 2e éd. Louvain, 1939 ; Études missiologiques, Bruges, 1956.
  • [18]
    Allusion au titre du recueil poétique d’Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, dans la revue Volonté, Paris, 1939 ; Paris, Bordas, 1947 ; Paris, Présence africaine, 1956.
  • [19]
    Voir P. Decraene, Le panafricanisme, Paris, PUF, 3e éd., 1979.
  • [20]
    Voir W.E.B. Du Bois, The Soul of Black Folk, Chicago, 1904. Concernant l’impossible retour des Afro-américains au pays natal, on peut citer la phrase de Clarence E. Walker « We can’t go Home again », dans son livre L’impossible retour. À propos de l’afrocentrisme (traduit de l’anglais par R. Meunier), Paris, Karthala, 2004.
  • [21]
    Voir Dale Bisnauth, History of Religions in the Caribbean, Trenton, Africa World Press, 1996.
  • [22]
    Voir Lilyan Kesteloot, Les écrivains noirs de langue française : naissance d’une littérature, Bruxelles, 1963. – Id., Histoire de la littérature négro-africaine, Paris Karthala, 2001 (rééd. 2004). Voir aussi Cheikh Anta Diop, Nations nègres et culture, Paris, Présence africaine, 3e éd., 1979
  • [23]
    Voir L. Kaba, Kwame N’Krumah et le rêve de l’unité africaine, Dakar, 1991.
  • [24]
    Voir le récent panorama proposé par C. Wauthier, Sectes et prophètes d’Afrique noire, Paris, Seuil, 2007, 283 p. (présenté dans la rubrique “Lectures” de ce numéro).
  • [25]
    Voir S. Asch, L’Église du prophète Kimbangu. De ses origines à son rôle actuel au Zaïre (1921-1981), Paris, 1983.
  • [26]
    Voir une analyse contemporaine de ces mouvements, M. Leenhardt, Le mouvement éthiopien au sud de l’Afrique de 1896 à 1899, Cahors, 1902.
  • [27]
    Sur ce mouvement, voir The man of Heaven and the beautiful ones of God. Umuntu wasezulwini nabantu abahle bakankulunkulu. Writings from Ibandla lamaNazaretha, a South African Church, texte bilingue établi par Elizabeth Gunner, Leyde, Brill, 2002.
  • [28]
    Voir pour l’Afrique du Sud G. C. oosthuizen, The healer-prophet in Afro-christian Churches, Leyde, 1992.
  • [29]
    À titre d’exemple pour deux pays d’Afrique, le Cameroun et le Kenya, la créativité des religions chrétiennes a été analysée dans L’effervescence religieuse en Afrique, sous la dir. de Gilles Séraphin, Paris, Karthala, 2004.
  • [30]
    G.E. Simpson, Black Religions in the New World, New York, Columbia Univ. Press, 1978.
  • [31]
    R. Bastide, Les Amériques noires. Les civilisations africaines dans le Nouveau-Monde, Paris, 1967 ; rééd., Paris, L’Harmattan, 1996.
  • [32]
    Ph. Delisle, Le catholicisme en Haïti au xixe siècle. Le rêve d’une « Bretagne noire » (1860-1915), Paris, Karthala, 2003, p. 152.
  • [33]
    « En somme c’est l’art du faible », dans M. de Certeau, L’invention du quotidien, t. 2, Paris, Gallimard, 1990, p. 61. Sur la ruse comme arme du faible, voir les approches anthropologiques du volume Les raisons de la ruse. Une perspective anthropologique et psychanalytique, sous la dir. de S. Latouche, P.-J. Laurent, O. Servais, M. Singleton, Paris, La Découverte, M.A.U.S.S., 2004.
  • [34]
    Max Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, 1922 (notamment le chapitre V de la 2e partie : Typen religiöser Vergemeinschaftung). Voir : Jean Séguy, Rationalisation, modernité et avenir de la religion chez Max Weber, dans Archives de sciences sociales des religions, n° 61-1, janvier-mars 1986, p. 137-138. – Pierre Bourdieu, Genèse et structure du champ religieux, dans Revue française de sociologie, t. XII, 1971, p. 295-334.
  • [35]
    Voir Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, Éloge de la créolité, Paris, Gallimard, 1989.
  • [36]
    Éloi Messi Metogo, Dieu peut-il mourir en Afrique ? Essai sur l’indifférence religieuse et l’incroyance en Afrique noire, Paris, Karthala, 1997.
  • [37]
    Sur le rôle des frustrations dans la naissance des sectes, voir Joachim Wach, Types of religious experience, christian and non christian, Chicago, 1951.
  • [38]
    Voir Boris Cyrulnik, Un merveilleux malheur, Paris, O. Jacob, 1999 ; Id. (dir.), La résilience ou comment renaître de sa souffrance ?, Paris, Fabert, 2003.
  • [39]
    Voir la définition donnée par le P. Pedro Arrupe dans Itinéraire d’un jésuite, Paris, 1982, p. 76. On se référera aux articles d’A. A. Roest-Crollius parus dans Gregorianum : What is so new about inculturation ? (1978, t. LIX, p. 721-738) et Inculturation and the meaning of culture (1980, t. LXI, p. 253-274). Voir aussi les essais de clarification de J. Scheuer, L’inculturation, dans Lumen vitae (1984, t. XXXIX, n° 3, p. 251-259) et de N. Standaert, L’histoire d’un néologisme, dans Nouvelle revue théologique (1988, t. 110, p. 555-570). Les milieux protestants inclinent davantage vers la notion voisine de « contextualisation ».
  • [40]
    Kä Mana, « Voorbij het christendom van de catastrofe » (Au-delà du christianisme de la catastrophe), dans Wereld en Zending 27/1, avril 1998, p. 103-107
  • [41]
    Kä Mana, La Nouvelle évangélisation en Afrique, Paris/Yaoundé, Karthala/Clé, 2000, p. 84-85.
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