Couverture de HES_181

Article de revue

Mobilité et commensalité diplomatiques : recevoir les résidents de France à Genève au xviiie siècle

Pages 115 à 133

Notes

  • [1]
    Pour une perspective générale sur la culture matérielle et les usages d’un concept en constante évolution depuis la fin des années 1960, lire Marjorie Meiss, La Culture matérielle de la France, xvie-xviiie siècle, Paris, Armand Colin, 2016, et Hans Peter Hahn, Materielle Kultur : eine Einführung, Berlin, Dietrich Reimer Verlag, 2014. Plus récemment, la notion, articulée à la question de l’hybridation culturelle au gré de la circulation commerciale internationale, a retenu l’attention des contributeurs du colloque Circulation, métissage et culture matérielle (xvie-xxe siècles), dir. Michel Figeac et Christophe Bouneau, Paris, Classiques Garnier, 2017.
  • [2]
    Lucien Bély, Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV, Paris, Fayard, 1990, et Heinz Duchhardt, « Das diplomatische Abschiedgeschenk », Archiv für Kulturgeschichte, 57/2, 1975, p. 345-362. Parmi les publications les plus récentes, lire Material Culture in Modern Diplomacy from the 15th to the 20th Century, dir. Harriet Rudolph et Gregor Metzig, Berlin, De Gruyter Oldenbourg, 2016 ; The Grand Ducal Medici and the Levant : Material Culture, Diplomacy, and Imagery in the Early Modern Mediterranean, dir. Maurizio Arfaioli et Marta Caroscio, London, Harvey Miller, 2016 ; Indravati Félicité, Négocier pour exister : les villes et duchés du nord de l’Empire face à la France, 1650-1730, Berlin, De Gruyter Oldenbourg, 2016, notamment p. 407-446 à propos de la situation financière des négociateurs ; Laura Mesotten, Behind the Curtains of Diplomacy : the Household, Material Culture and Networks of French Ambassadors in Venice (1550-1610), thèse de doctorat d’histoire et civlisation, European University Institute, 2017 ; « Objects and beasts » dans Practices of Diplomacy in the Early Modern World, c. 1410-1800, dir. Tracey A. Sowerby et Jan Hennings, London, Routledge, 2017, p. 185-265.
  • [3]
    C’était notamment l’objet du colloque-séminaire organisé par Sanjay Subrahmanyam au Collège de France, le 26 mai 2016, « Histoire connectée et histoire diplomatique à l’époque moderne » [en ligne : https://www.college-de-france.fr/media/sanjay-subrahmanyam/UPL5982961742125441188_Subrahmanyam_Colloque_2016.pdf]. Pour un état des lieux historiographique de la question, lire Laurence Badel, « Une histoire globale de la diplomatie ? », introduction à Diplomaties, dir. Laurence Badel et Stanislas Jeannesson, numéro spécial de Monde(s). Histoire, espaces, relation, n°5, mai 2014, p. 6-26.
  • [4]
    Christian Windler, La Diplomatie comme expérience de l’Autre : consuls français au Maghreb (1700-1840), Genève, Droz, 2002.
  • [5]
    Le cérémonial diplomatique comme enjeu systémique et communication symbolique a fait l’objet d’un nombre considérable d’études parmi lesquelles William J. Roosen, « Early Modern Diplomatic Ceremonial. A Systems Approach », Journal of Modern History, 52, 1980, p. 452-476 ; Lucien Bély, « Souveraineté et souverains : la question du cérémonial dans les relations internationales à l’époque moderne », Annuaire-Bulletin de la Société de l’histoire de France, 1993, p. 27-43 ; Id., « Représentation, négociation et information dans l’étude des relations internationales à l’époque moderne », dans Axes et méthodes de l’histoire politique, dir. Serge Bernstein et Pierre Milza, Paris, PUF, 1998, p. 213-229 ; Fabrice Brandli, Le Nain et le Géant : la République de Genève et la France au xviiie siècle, cultures politiques et diplomatie, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012 ; Alles nur symbolisch ? Bilanz und Perspektiven der Erforschung symbolischer Kommunikation, dir. Barbara Stollberg-Rilinger, Tim Neu et Christina Brauner, Wien, Böhlau, 2013 ; Niels F. May, Zwischen fürstlicher Repräsentation und adliger Statuspolitik. Das Kongresszeremoniell bei den westfälischen Friedensverhandlungen, Ostfildern, J. Thorbecke, 2016 ; Interkulturelle Ritualpraxis in der Vormoderne : Diplomatische Interaktion an den östlichen Grenzen der Fürstengeselleschaft, dir. Claudia Garnier et Christine Vogel, Berlin, Duncker & Humblot, 2016.
  • [6]
    Florent Quellier, « Culture matérielle et identités sociales au xviie siècle », dans Les Sociétés au xviie siècle : Angleterre, Espagne, France, dir. Annie Antoine et Cédric Michon, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 311-333, ici p. 318.
  • [7]
    Claudine Haroche, « Position et disposition des convives dans la société de cour au xviie siècle. Éléments pour une réflexion sur le pouvoir politique dans l’espace de la table », dans Cuisine, manière de table et politique, numéro spécial de la Revue française de science politique, 1998/3-4, p. 376-386, ici p. 384. La commensalité diplomatique a fait l’objet d’un colloque en novembre 2016 à Paris et à Villandry, organisé par Laurence Badel, Lucien Bély, Jean-Pierre Williot et Marc de Ferrière Le Vayer, « Table et diplomatie à l’échelle du monde ». Notons encore que la « gastrodiplomatie » est désormais étudiée par les spécialistes des relations internationales contemporaines comme l’un des dispositifs de la diplomatie culturelle. À titre d’exemple, Linda Morgan, « Diplomatic Gastronomy : Style and Power at the Table », Food and Foodways, 20, 2012, p. 146-166, ou bien encore Noor Nirwandy et Ahmad Azran Awang, « Conceptualizing Public Diplomacy Social Convention Culinary : Engaging Gastro Diplomacy Warfare for Economic Branding », Procedia – Social and Behavorial Sciences, 130, 2014, p. 325-332.
  • [8]
    Raymond Cohen, Theater of Power : the Art of Diplomatic Signalling, Londres, Longman, 1987, p. 19.
  • [9]
    Frédéric Mérand et Vincent Pouliot, « Le monde de Pierre Bourdieu : éléments pour une théorie sociale des relations internationales », Canadian Journal of Political Science – Revue canadienne de science politique, 41/3, 2008, p. 603-625 ; Sam Chapple-Sokol, « Culinary Diplomacy : Breaking Bread to Win Hearts and Minds », The Hague Journal of Diplomacy, 8, 2013, p. 161-183.
  • [10]
    L. Bély, Espions et ambassadeurs, op. cit., p. 351-357 ; D. Roche, Humeurs vagabondes : de la circulation des hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003, p. 291-296 ; Éric Schnakenbourg, « Les chemins de l’information : la circulation des nouvelles depuis la périphérie européenne jusqu’au gouvernement français au xviiie siècle », Revue historique, 2006/2, p. 291-311 ; Rosemary Sweet, Cities and the Grand Tour : the British in Italy, c. 1690-1820, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.
  • [11]
    Antoine Pecquet, Discours sur l’art de négocier avec les souverains [1737], La Haye, Chez Jean Van Duren, 1738, p. XXXIX-XL.
  • [12]
    Laurent Lemarchand, « Versailles-Paris-Versailles : les tribulations de l’identité courtisane en France sous la Régence (1715-1723) », dans Identités, appartenances, revendications identitaires, dir. Marc Belissa, Anna Bellavitis, Monique Cottret, Laurence Croq et Jean Duma, Paris, Nolin, 2005, p. 277.
  • [13]
    Juan Antonio Vera y Figueroa, Le Parfait ambassadeur [1620], trad. fr., Paris, A. de Sommaville, 1635, 2e partie, livre II, p. 324. Sur les différents degrés de représentativité des négociateurs en fonction de leur titre – ambassadeur, ministre, envoyé, résident, etc. –, Emer de Vattel, Le Droit des gens ou principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains, Londres, s. n., 1758, 2 vol., t. II, livre IV, chap. VI, § 70, p. 304.
  • [14]
    Sur le rapport entre cérémonial, courtoisie et civilité, Norbert Elias, La Civilisation des mœurs [1969], Paris, Calmann-Lévy, 1973, p. 148-150.
  • [15]
    François de Callières, De la manière de négocier avec les souverains [1716], éd. Jean-Claude Waquet, Paris, Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure, 2005, p. 182.
  • [16]
    À moins, ce qui peut être fréquent, qu’il place son itinérance sous le signe de l’incognito. Lucien Bély, La Société des princes, xvie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1999, p. 470-472 ; F. Brandli, Le Nain et le Géant, op. cit., p. 177-179.
  • [17]
    Norbert Elias, La Société de cour [1969], Paris, Flammarion, p. 71.
  • [18]
    Étiquette et Politesse, dir. Alain Montandon, Clermont-Ferrand, Association des publications de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Clermont-Ferrand, 1992 ; Antoine Lilti, Le Monde des salons : sociabilité et mondanité à Paris au xviiie siècle, Paris, Fayard, 2005, p. 378-392.
  • [19]
    L. Bély, Espions et ambassadeurs, op. cit., p. 355-356.
  • [20]
    Fabrice Brandli, « La République de Genève et la France au xviiie siècle : diplomatie asymétrique et cultures politiques », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 61/4-4bis, 2014, p. 65-93. Sur la fonction de résident, id., Le Nain et le Géant, op. cit., p. 94. La résidence de France fonctionne jusqu’à l’annexion de Genève à la Grande Nation, en avril 1798.
  • [21]
    Daniel Nordman, Frontières de France : de l’espace au territoire, xvie-xixe siècle, Paris, Gallimard, 1998, p. 56.
  • [22]
    On lira une belle analyse de l’ambivalence fonctionnelle de la frontière dans Renaud Morieux, Une mer pour deux royaumes : la Manche, frontière franco-anglaise (xviie-xviiie siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.
  • [23]
    Abraham van Wicquefort, L’Ambassadeur et ses fonctions, éd. [Cornelius Van] Bynkershoek et Jean Barbeyrac, Amsterdam, Janssons a Waesberge, 1730, 2 vol., t. I, livre I, section XVIII, p. 206. Sur le modèle des entrées solennelles et sa progressive désuétude, Ceremonial Entries in Early Modern Europe : the Iconography of Power, dir. James R. Mulryne, Farnham, Ashgate, 2015.
  • [24]
    [Simon Nicolas Henri] Linguet, Annales politiques, civiles et littéraires du dix-huitième siècle, t. IV, Londres, s. n., 1778, p. 172.
  • [25]
    D. Roche, Humeurs vagabondes, op. cit., p. 479-504 ; L’Hospitalité au xviiie siècle, dir. Alain Montandon, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2000.
  • [26]
    Philippe Meyzie, L’Alimentation en Europe à l’époque moderne : manger et boire, xvie-xixe siècle, Paris, Armand Colin, 2010, p. 195-210 ; id., « Les cadeaux alimentaires dans le Sud-Ouest aquitain au xviiie siècle : sociabilité, pouvoirs et gastronomie », Histoire, économie & société, 2006/1, p. 33-50 ; F. Brandli, Le Nain et le Géant, op. cit, p. 291-332 ; Marcel Mauss, Essai sur le don : forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques [1925], Paris, PUF/Quadrige, 2007.
  • [27]
    Claude Danielle Barambon, Les Lettres de la République : Genevois et circulations postales (1669-1790), mémoire de master sous la direction de Michel Porret, Université de Genève, 2015, p. 90-93.
  • [28]
    Archives d’État de Genève [désormais AEG], Registre du Conseil (RC) 289, 17 octobre 1785, p. 1108-1109.
  • [29]
    Fabrice Brandli et Marco Cicchini, « Réprimer la contrebande à Genève au xviiie siècle : l’entraide judiciaire entre diplomatie et police », Crime, Histoire et Sociétés, 18/1, 2014, p. 101-129.
  • [30]
    Pierre-Michel Hennin au duc de Praslin, Genève, 18 décembre 1765. Archives du ministère des Affaires étrangères [désormais AMAE], Correspondance politique [désormais C. P.], Genève, vol. 70, f° 478-479.
  • [31]
    Pierre Cadiot de La Closure au marquis de Torcy, Genève, 28 mai 1698. AMAE, C. P., Genève, vol. 20, f° 5-18. Sur l’activité du chevalier de Louze au fort de l’Écluse, qui aurait en réalité favorisé l’évasion des huguenots fugitifs, Jérôme Sautier, « Politique et Refuge. Genève face à la Révocation de l’Édit de Nantes », dans Genève au temps de la Révocation de l’Édit de Nantes 1680-1705, dir. Olivier Reverdin et al., Genève/Paris, Droz/Champion, 1985, p. 74.
  • [32]
    Jean-Louis Giraud Soulavie à François Desforgues, Genève, 5 juillet 1793. AMAE, C. P., Genève, vol. 99, f° 267-268.
  • [33]
    À titre d’exemple, l’ambassade d’Alexis Yermoloff en Perse rassemble une suite de plus de trois cents personnes. Maurice de Kotzebuë, Voyage en Perse, à la suite de l’ambassade russe, en 1817, Paris, A. Nepveu, 1819, p. 58.
  • [34]
    C’est le cas de Benjamin Desportes, le frère cadet du résident Félix Desportes, secrétaire particulier jusqu’en janvier 1798. Il établit ensuite une maison de commerce à Montmartre avant d’accéder quelques années plus tard au poste de directeur général des hôpitaux de Paris. F. Brandli, Le Nain et le Géant, op. cit., p. 97.
  • [35]
    Albin Mazon, Histoire de Soulavie (naturaliste, diplomate, historien), Paris, Librairie Fischbacher, 1893, 2 vol.
  • [36]
    Étienne Jean Guimard de Montpéroux au marquis de Puysieulx, Genève, 9 mai 1750. AMAE, C. P., Genève, vol. 64, f° 112.114.
  • [37]
    Pierre-Michel Hennin au duc de Praslin, Genève, 18 décembre 1765. AMAE, C. P., Genève, vol. 70, f° 478-479.
  • [38]
    L’analogie entre le comédien et le négociateur est un lieu commun de la « littérature du parfait ambassadeur », notamment chez J. A. Very y Figueroa, Le Parfait ambassadeur, op. cit., 2e partie, livre II, p. 324, ou chez F. de Callières, De la manière de négocier, op. cit., p. 189.
  • [39]
    En mai 1791, le chargé d’affaires Bernier de Maligny obtient 1 000 livres de plus que ses prédécesseurs pour frais d’emménagement. En revanche, les 4 000 livres sont payées en assignats, ce qui correspond dans les faits à une baisse significative. AMAE, Personnel, vol. 47, 4 mai 1791, f° 235.
  • [40]
    AMAE, Personnel, vol. 38, f° 277, « Tableau ».
  • [41]
    AEG, Finance P71, « État de la dépense faite par messieurs Jean-Louis Du Pan, Jean-Louis Buisson, syndic et ancien syndic, Pierre Mussard, conseiller, et Isaac Thellusson, envoyés par la République à Paris auprès de SMTC. Le 4 juillet 1738 ».
  • [42]
    AEG, RC 180, 25 mai/4 juin 1680, f° 77. Pour rappel, la première date correspond au calendrier julien, en vigueur à Genève jusqu’en 1700, alors que la seconde renvoie au calendrier grégorien utilisé en France depuis 1582.
  • [43]
    AEG RC 180, 22 mai/1er juin 1680, f° 75.
  • [44]
    Les quatre syndics, élus par le Conseil général, constituent les chefs de la république. Ils siègent parmi les vingt-cinq membres du Petit Conseil, auxquels il faut ajouter le lieutenant et deux secrétaires d’État, formant le véritable gouvernement de Genève détenteur de l’initiative législative, ayant notamment la haute main sur la police et l’administration, les relations extérieures, la justice criminelle et les affaires civiles en troisième ressort. Tous ont été recrutés par cooptation au sein du Conseil des Deux-Cents, comprenant en réalité 250 conseillers dès 1738, à qui il revient de discuter des lois et de présenter des propositions législatives au Petit Conseil qui n’ont cependant aucune force contraignante. Institution importante dans le cursus honorum de la magistrature républicaine, il s’agit avant tout d’une chambre d’enregistrement et d’un vivier électoral pour accéder au Petit Conseil. Il détient toutefois le droit de grâce et représente l’autorité supérieure de recours en matière civile. Dépossédé d’une part importante de ses prérogatives, réduit peu à peu à sa seule fonction électorale, instrument privilégié de la bourgeoisie frondeuse dans son opposition à la dérive aristocratique du gouvernement genevois, le Conseil général représente la souveraineté de l’État, composé d’environ 1500 bourgeois et citoyens. F. Brandli, Le Nain et le Géant, op. cit., p. 343-345.
  • [45]
    « Sur le cérémonial et la réception de Monsieur La Closure, résident du roi à Genève. Le Dépôt, 17 mars 1750 ». AMAE, Mémoires et documents [désormais M. D.], Genève, vol. 1, f° 237-238.
  • [46]
    Pierre-Michel Hennin au duc de Praslin, Genève, 18 décembre 1765. AMAE, C. P., Genève, vol. 70, f° 478-479.
  • [47]
    AEG, Pièces historiques (PH) 5110, « Cérémonial observé à la réception à Genève du résident de France, Monsieur le baron de Castelnau ».
  • [48]
    « Genève, Cérémonial 1770 ». AMAE, M. D., Genève, vol. 1, f° 334.
  • [49]
    « Sur le cérémonial et la réception de Monsieur de La Closure, résident du roi à Genève. Le Dépôt, 17 mars 1750 ». AMAE, M. D., Genève, vol. 1, f° 237.
  • [50]
    Anastazja Winiger-Labuda, « L’hôtel du résident de France, Grand-Rue 11 », dans Les Monuments d’art et d’histoire du canton de Genève, t. IV, Genève, espaces et édifices publics, dir. Isabelle Brunier, Berne, Société d’histoire de l’art en Suisse, 2016, p. 136-155.
  • [51]
    Christopher Pollmann, « Pouvoir spatial, pouvoir horloger, pouvoir de classification. La frontière – un mode de régulation “moderne”, mais aujourd’hui mis en cause ? », dans Frontières et espaces frontaliers du Léman à la Meuse : recompositions et échanges de 1789 à 1814, dir. Claude Mazauric et Jean-Paul Rothiot, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2007, p. 9.
  • [52]
    Michel Foucault, Sécurité, territoire, population : cours au Collège de France, 1977-1978, Paris, Gallimard/Seuil, 2004.
  • [53]
    Delespine de Chateauneuf à Dumouriez, Genève, 16 mai 1792. AMAE, C. P., Genève, vol. 98, f° 48.
  • [54]
    Fabrice Brandli, Le Nain et le Géant, op. cit., p. 101-105. Il faut attendre 1782 et l’établissement de la résidence de Sardaigne pour que ce monopole soit battu en brèche. Il s’explique surtout par la grande répugnance des Genevois à permettre la multiplication des chapelles catholiques liées aux légations et, dans une moindre mesure, leur crainte des querelles de préséance, plus particulièrement en période de guerre. Ce qui n’empêche pas la république d’accueillir des représentants officieux des principales puissances de l’Europe protestante à la faveur d’une diplomatie de l’ombre parfois liée aux réseaux bancaires. Herbert Lüthy, La Banque protestante en France, de la Révocation de l’Édit de Nantes à la Révolution [1953], Paris, Éditions EHESS, 1998, 3 vol.
  • [55]
    Sur les rapports entre normes et pratiques que suggère cette articulation, lire Simona Cerutti, « Normes et pratiques ou de la légitimité de leur opposition », dans Les Formes de l’expérience : une autre histoire sociale, dir. Bernard Lepetit, Paris, Albin Michel, 1995, p. 127-149.
  • [56]
    AEG, Ms Hist. 110, Affaires étrangères 7, « Livre des cérémonies », 10-28 mai 1704, p. 10-12.
  • [57]
    A.D. Francis, « John Methuen and the Anglo-Portuguese Treaties of 1703 », The Historical Journal, 1960/2, p. 103-124.
  • [58]
    Sur la distinction entre ces deux forces armées dans la république de Genève, lire Marco Cicchini, La Police de la République : l’ordre public à Genève au xviiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 197-217.
  • [59]
    AEG, Ms Hist. 110, Affaires étrangères 7, « Livre des cérémonies », 10-28 mai 1704, p. 12.
  • [60]
    Ernest Naef, « Les exercices militaires à Genève », Geneva, n° 11, 1933, p. 110-136.
  • [61]
    Pierre-Michel Hennin à Étienne de Marivetz, Turin, 20 septembre 1758. Bibliothèque de l’Institut de France, Ms. 1296, f° 352. Loin de l’archétype suggéré par Hennin, l’usage des carrosses chez les Genevois les plus privilégiés, peu respectueux des restrictions somptuaires, est documenté par Corinne Walker, « Les pratiques de la richesse. Riches Genevois au xviiie siècle », dans Être riche au siècle de Voltaire, dir. Jacques Berchtold et Michel Porret, Genève, Droz, 1996, p. 147 sq.
  • [62]
    Daniel Roche, La Culture équestre de l’Occident, xvie-xixe siècle : l’ombre du cheval, t. 1, Le Cheval moteur : essai sur l’utilité équestre, Paris, Fayard, 2008, p. 364 et 366.
  • [63]
    João Castel-Branco Pereira, « Les entrées publiques des ambassadeurs portugais aux xviie et xviiie siècles », dans Voitures, chevaux et attelages du xvie au xixe siècle, dir. Daniel Roche et Daniel Reytier, Paris, Association pour l’académie d’art équestre de Versailles/Établissement public du musée et du domaine national de Versailles, 2000, p. 171-181.
  • [64]
    Alexandre Tessier, « Des carrosses qui en cachent d’autres. Retour sur certains incidents qui marquèrent l’ambassade de Lord Denzil Holles à Paris, de 1663 à 1666 », dans L’Incident diplomatique, xvie-xviiie siècle, dir. Lucien Bély et Géraud Poumarède, Paris, A. Pedone, 2010, p. 197-240. Lire également L. Bély, Espions et ambassadeurs, op. cit., p. 380-381 et 689-692 au sujet des équipages et des entrées publiques des ambassadeurs. Plus récemment, Jan Hennings et Tracey A. Sowerby ont évoqué la fonction diplomatique du carrosse lorsqu’il fait l’objet d’un don entre souverains, dans Practices of Diplomacy, op. cit., p. 1-2.
  • [65]
    Jean-Robert Pitte, Gastronomie française : histoire et géographie d’une passion, Paris, Fayard, 1991, p. 73-85.
  • [66]
    Michel Figeac, Châteaux et vie quotidienne de la noblesse, de la Renaissance à la douceur des Lumières, Paris, Armand Colin, 2006, p. 301-303. Id., La Douceur des Lumières : noblesse et art de vivre en Guyenne au xviiie siècle, Mollat, Bordeaux, 2001, p. 155-169. Pour une perspective d’ensemble sur la période, lire Histoire de l’alimentation, dir. Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari, Paris, Fayard, 1996, p. 549-715.
  • [67]
    AEG, RC 239, 27 juin 1739, p. 287.
  • [68]
    Les femmes ne sont pourtant pas toujours étrangères à la négociation, loin s’en faut, même si c’est le plus souvent hors des contraintes cérémonielles comme l’a rappelé Guillaume Hanotin, « Femmes et négociations diplomatiques entre France et Espagne au xviiie siècle », Genre & Histoire, 12-13, printemps-automne 2013. Lire également Das Geschlecht der Diplomatie : Geschlechterrollen in den Aussenbeziehungen vom Spätmittelalter bis zum 20. Jahrhundert, dir. Corina Bastian, Eva Kathrin Dade, Hillard von Thiessen et Christian Windler (dir.), Wien, Böhlau, 2014. Dans la même perspective, lire Eva Kathrin Dade, Madame de Pompadour : die Mätresse und die Diplomatie, Wien, Böhlau, 2010, et Corina Bastian, Verhandeln in Briefen : Frauen in der höfischen Diplomatie des frühen 18. Jahrhunderts, Wien, Böhlau, 2013.
  • [69]
    AMAE, C. P., Genève, vol. 68, 27 septembre 1760, f° 395.
  • [70]
    AEG, Finances P 73, « Compte de la dépense faite pour le repas donné à Monsieur le Résident le 2 juillet 1739 ».
  • [71]
    AEG Finances P 73, « Comptes et quittances 1739-1740 », « Compte des ouvriers qui ont travaillé à la Maison de ville à l’occasion du repas donné à Monsieur le résident ».
  • [72]
    F. de Callières, De la manière de négocier, op. cit., p. 189.
  • [73]
    Le Verre et le Vin, de la cave à la table, du xviie siècle à nos jours, dir. Christophe Bouneau et Michel Figeac, Pessac, Maison des Sciences de l’homme d’Aquitaine, 2007.
  • [74]
    Gilbert Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin [1995], Paris, Larousse, 2005, p. 651-652. À titre de comparaison, le choix s’amplifie dans la seconde moitié du siècle, en semblant abandonner le vin suisse.
  • [75]
    Quoiqu’on le retrouve dans l’inventaire de 1793 de la cave du château du duc d’Aiguillon (pour les domestiques ?), le vin de Genève jouit d’une piètre réputation surtout en ce qu’il supporterait mal le vieillissement. M. Figeac, La Douceur des Lumières, op. cit., p. 165 ; Dominique Zumkeller, Le Paysan et la terre : agriculture et structure agraire à Genève au xviiie siècle, Genève, Passé Présent, 1992, p. 194-195.
  • [76]
    À titre de comparaison, une plus grande diversité s’impose dans la seconde moitié du siècle, apparemment aux dépens du vin suisse. Pour le dîner de réception du résident Hennin, en février 1766, on trouve du Bourgogne (24 bouteilles), du vin de Mâcon (34), de Corse (25), du Beaujolais (20), du Champagne (18), des bouteilles de Malaga (6), six bouteilles de « Pakares » (Pajares ?), dix bouteilles de « Gaill[ac] » (?), six bouteilles d’eau cordiale et trois de crème des Barbades (liqueur à base de cédrat, d’orange, d’écorce de noix de muscade, de cannelle et de clou de girofle), soit 152 bouteilles au total. AEG, PH 4898bis, « Note des dépenses pour le dîner donné à M. Hennin, résident de France ».
  • [77]
    La plupart de ces recettes sont détaillées dans La Cuisinière bourgeoise (1746) de Menon.
  • [78]
    David Hiler, « Permanences et innovations alimentaires : l’évolution de la consommation des Genevois pendant le xviiie siècle », Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de Genève, n° 18, première livraison, 1984, p. 31.
  • [79]
    AEG, Finance P 73, « Du 1er juillet 1739. Monsieur le trésorier […] doit à Guainier frères & sœurs » et « Du 2 juillet 1739. Messieurs de la Chambre des comptes, dû à Puech & Fabre ».
  • [80]
    D. Hiler, « Permanences et innovations alimentaires », art. cité, p. 27.
  • [81]
    AEG, Finances P 73, « Comptes et quittances 1739-1740 », « Monsieur le trésorier doit à Sestié, boulanger, pour le pain fait exprès pour le repas fait à la Maison de ville le 2 juillet à l’occasion de Monsieur le résident… ».
  • [82]
    D. Hiler, « Permanences et innovations alimentaires », art. cité, p. 27-31; Laurence Widmer, Pain quotidien et pain de disette : meuniers, boulangers et État nourricier à Genève (xviie-xviiie siècles), Genève, Passé Présent, 1993.
  • [83]
    L’Économie genevoise, de la Réforme à la fin de l’Ancien Régime xvie-xviiie siècles, dir. Anne-Marie Piuz et Liliane Mottu-Weber, Genève, Georg, 1990, p. 342-343 ; P. Meyzie, L’Alimentation en Europe, op. cit., p. 115-116.
  • [84]
    Corinne Walker, « Les lois somptuaires ou le rêve de l’ordre social. Évolution et enjeux de la politique somptuaire à Genève (xvie-xviiie siècles) », Équinoxe, n° 11, 1994, p. 89-95.
  • [85]
    Alain Caillé, Anthropologie du don [2 000], Paris, La Découverte, 2007.
  • [86]
    Le prix peut considérablement augmenter, jusqu’à près de 60 florins la truite, si l’on ajoute les frais de port du poisson destiné aux capitales étrangères, C. D. Barambon, Les Lettres de la République , op. cit., p. 94.
  • [87]
    Marc-Théodore Bourrit, Itinéraire de Genève, Lausanne et Chamouni, Genève, 1791, p. 143.
  • [88]
    Pierre-Michel Hennin au duc de Praslin, Genève, 30 décembre 1765. AMAE, C. P., Genève, vol. 70, f° 505.
  • [89]
    M. de La Lande au duc de Praslin, Genève, 10 septembre 1765. AMAE, C. P., vol. 70, f° 349.
  • [90]
    M. de La Lande au duc de Praslin, Genève, 10 et 12 septembre 1765. AMAE, C. P., Genève, vol. 70, f° 349-351.
  • [91]
    Selon Bernard Gagnebin, il s’agirait de P. A. La Lande, auteur d’une Histoire de l’empereur Charles VI, parue en 1743 à La Haye. Voltaire, Lettres inédites à son imprimeur Gabriel Cramer, éd. Bernard Gagnebin, Genève, Droz, 1952, p. 44, n. 1.
  • [92]
    Notamment Madeleine-Angélique de Montmorency-Luxembourg (†1775) et Charles-Angélique de Courbon-Blénac (†1770), le même qui demeure au chevet de la baronne de Montpéroux le jour des obsèques du résident. Eugène-Louis Dumont, Histoire du Grand-Saconnex, Genève, Georg, p. 49-55.
  • [93]
    Giandomenico Almoro Tiepolo, en poste à Paris, est à peine muté à Vienne lorsqu’il tombe gravement malade. La Correspondance littéraire du 1er juin 1765 assure qu’il aurait succombé de chagrin après la disparition de la femme qu’il aimait. Lorsqu’il arrive à Genève, Tiepolo est confié aux bons soins de Tronchin grâce à Voltaire, qui évoque à plusieurs reprises la maladie de l’ambassadeur dans sa correspondance. Correspondance littéraire, philosophique et critique... par le baron de Grimm et par Diderot, 1e partie, Paris, Longchamps/F. Buisson, 1813, 6 vol., t. IV, p. 463 ; Voltaire, Correspondance, éd. Théodore Besterman, Paris, Gallimard, 1978-1993, 13 vol., t. VII, p. 812, 815 et 818-819 ;
  • [94]
    François Lebrun, « Les Réformes : dévotions communautaires et piété personnelle », dans Histoire de la vie privée, dir. Philippe Ariès et Georges Duby, t. 3, De la Renaissance aux Lumières, Paris, Seuil, 1986, p. 88-89 ; Michel Vovelle, Piété baroque et déchristianisation en Provence au xviiie siècle, Paris, Seuil, 1978, p. 85-107 ; Philippe Ariès, L’Homme devant la mort, Paris, Le Seuil, 1977, p. 164-178 et 317-346.
  • [95]
    AEG, RC 265, p. 417.
  • [96]
    Max Engammare, « L’inhumation de Calvin et des pasteurs genevois de 1540 à 1620. Un dépouillement très prophétique et une pompe funèbre protestante qui se met en place », dans Les Funérailles à la Renaissance, dir. Jean Balsamo, Genève, Droz, 2002, p. 271-293.
  • [97]
    Christian Windler, La Diplomatie comme expérience de l’Autre, op. cit.
  • [98]
    Edward H. Carr, The Twenty Year’s Crisis, 1919-1939, Londres, 1946, p. 109 [notre traduction].
  • [99]
    Pierre-Yves Beaurepaire, Le Mythe de l’Europe française au xviiie siècle : diplomatie, culture et sociabilités au temps des Lumières, Paris, Autrement, 2007 ; Bjørn Schiermer, « La raison sensible et ses limites : le bon goût, le mauvais goût et le sans goût », Sociétés. Revue des sciences humaines et sociales, 2012/4, p. 117-127.

1Les pratiques de la diplomatie à l’époque moderne se déploient dans le cadre d’une culture matérielle où les modes de consommation et les techniques de l’apparence répondent aux exigences de la représentation et de la négociation [1]. Rémunération, équipages, vêtements, alimentation, logement, objets : depuis les travaux pionniers de Lucien Bély ou de Heinz Duchhardt jusqu’aux recherches les plus récentes, notamment sur le don diplomatique, les historiens questionnent les conditions matérielles de la diplomatie moderne pour mieux déterminer en quoi elles expriment les normes sociales, les hiérarchies, les phénomènes de distinction et de reconnaissance mutuelle [2]. Dans une perspective interculturelle qui dialogue avec les enjeux de l’histoire connectée, il s’agit de comprendre de quelle manière circulent les modes, les goûts et, plus généralement, comment s’organisent les formes matérielles de la diplomatie entre spécificités locales et métissage à l’échelle globale [3]. Les sources classiques de l’histoire diplomatique – traités, correspondances « politiques », journaux, mémoires – sont alors revisitées à la croisée de l’anthropologie historique et de l’histoire économique, sociale et culturelle pour rendre compte de la diplomatie comme expérience de l’altérité [4].

2Comment se déplace un négociateur au temps des Lumières ? Entre contraintes matérielles et prescriptions cérémonielles, de quelle façon est-il reçu sur le lieu de sa légation [5] ? À la faveur de quel type de ritualisation de l’espace public y arrive-t-il et en part-il ? Puisqu’il faut « consommer selon son rang » [6] en conformité avec l’ordre social et politique de l’Ancien Régime où les « manières de table » recouvrent des « manières d’être » [7], à quelle commensalité la diplomatie invite-t-elle ? « Non-verbal diplomatic signalling » [8], à quel titre la gastronomie participe-t-elle des enjeux de pouvoir symbolique dans les relations internationales à l’époque moderne, inscrivant la mobilité et la commensalité dans une séquence à la fois matérielle et cérémonielle cohérente [9] ?

3Au xviiie siècle, la mobilité des négociateurs suit le plus souvent les voies de communication marchandes où circule l’information économique et politique, et que les voyageurs du Grand Tour empruntent également [10]. Si le voyage diplomatique s’inscrit dans un ensemble plus vaste de sociabilités nomades et de circulation des biens obéissant à des contraintes matérielles partagées, la qualité de négociateur implique une discipline particulière que la « littérature du parfait ambassadeur » restitue volontiers sur le registre de la maîtrise de soi où s’équilibrent le prestige, la contenance et la nécessité de l’observation. Pour le diplomate polygraphe Antoine Pecquet, le voyage participe à la fois de la formation et de la mission du négociateur qui aura pris soin de s’y préparer en s’instruisant à la lecture des grands textes du droit des gens, des mémoires de ses prédécesseurs et des recueils des négociations passées. À lecture utile, voyage fructueux : se démarquant en partie de l’ethos aristocratique de la mobilité, Pecquet subordonne les plaisirs du déplacement à l’utilité de l’« observation continuelle des mœurs et coutumes » caractéristiques des régions parcourues où il faut rechercher avec soin la « société des gens de mérite connus, [comme] des gens d’âge et d’expérience » plutôt que la « compagnie des jeunes gens », plus amusante sans doute, mais source de dissipation [11].

4Dans une société d’Ancien Régime inégalitaire, la mobilité légitime se conforme aux règles de la préséance selon lesquelles la reconnaissance réciproque des acteurs correspond à la hiérarchie des rangs. Le diplomate est souvent associé à la figure de Janus, au même titre que la cour qui le produit recouvre une identité polysémique, à la fois synonyme de gouvernement et d’« institution domestique et bénéficiaire royale » [12]. Articulant solennité du cérémonial diplomatique et fluidité de la culture de la politesse, Juan Antonio Vera y Figueroa rappelle, dans le premier tiers du xviie siècle, que les ambassadeurs sont honorés aussi bien en tant que « personnes pacifiques » qu’en vertu des égards dus à la dignité de leur caractère, dans la mesure où le négociateur représente la personne de son souverain et la sienne propre [13]. Au début du siècle suivant, François de Callières réitère la distinction entre cérémonial et civilité [14], déplorant que les « négociateurs novices s’enivrent d’ordinaire des honneurs qu’on rend en leur personne à la dignité des maîtres qu’ils représentent » [15]. À chaque étape de son voyage, puis à l’arrivée dans sa nouvelle légation, l’ambassadeur cumule deux formes de reconnaissance [16]. Au formalisme cérémoniel, conçu comme le « type d’organisation symbolisant […] la répartition du pouvoir » [17] de façon hiérarchisée et concurrentielle, succède donc le temps des civilités réciproques que les ambassadeurs investissent selon une conception cosmopolite de l’usage du monde [18].

5Le voyage du diplomate implique également un usage matériel et symbolique du territoire [19]. Dans le cadre des relations entre la république de Genève et la France, qui retiendront plus particulièrement notre attention ici, l’interaction asymétrique entre deux États de nature et de puissance différentes s’accompagne de la codification minutieuse du franchissement de la frontière, notamment lorsqu’elle concerne le résident de France, ministre public de second ordre dépêché auprès de la république depuis 1679 [20]. À cette occasion, le dispositif de visibilité ritualisée de la frontière au xviiie siècle contribue à la délimitation du territoire en conformité avec la nouvelle rationalité administrative qui valorise l’imaginaire de la ligne droite de démarcation, à rebours de l’épaisseur granulaire de la frontière militaire et de l’enchevêtrement féodal d’espaces mal distingués [21]. À l’inverse de la violation de territoire et de la mobilité criminelle, l’accueil du résident sur la frontière subordonne l’asymétrie entre la puissance de la monarchie française et la faiblesse apparente de la république de Genève à la réciprocité de la reconnaissance entre deux souverainetés. Il confirme en même temps sur le registre du cérémonial les conditions rendant légitime le franchissement de la limite qui les sépare dans un jeu subtil entre distinction et inclusion. La frontière – politique, culturelle, confessionnelle, économique – est à la fois la barrière qui distingue les identités des acteurs de la relation diplomatique et la synapse symbolique qui rend possible leur interaction en vertu de codes culturels partagés [22].

6Une fois la frontière franchie, c’est parfois l’ensemble du territoire souverain de la république qui est converti en espace cérémoniel public, inscrivant la dernière séquence du trajet du négociateur jusqu’à sa légation dans un ensemble de contraintes protocolaires. Parce qu’elle suscite de nombreux embarras, notamment en matière de préséance et de sécurité publique, l’entrée officielle des ambassadeurs en ville est généralement négligée au xviiie siècle, à l’exception de ce qui se pratique à Genève [23]. Cette dérogation s’explique entre autres par l’identité de ville frontière propre à la république, « atome d’État » [24] de moins de 9 000 hectares, peuplée d’environ 30 000 habitants à la fin de l’Ancien Régime répartis sur un territoire morcelé entre la cité proprement dite et six paroisses rurales enclavées en France, en Savoie et dans le pays de Vaud bernois. Ville, banlieue, lac parfois aussi : l’usage cérémoniel du territoire obéit à une amplification de plus en plus inhabituelle au siècle des Lumières qui répond notamment aux nécessités d’une souveraineté longtemps fragile en raison de la petitesse et de la fragmentation de son ressort.

7La mobilité du diplomate est par ailleurs indissociable des règles de l’hospitalité dont le déroulement emprunte aux leçons de l’Antiquité classique, à la culture chrétienne, aux normes de la commensalité de prestige et aux prescriptions de la « littérature du parfait ambassadeur » en matière d’accueil, de civilité et de bienséance [25]. Représentant d’un État puissant, mais également étranger en république, le résident est « régalé » selon la logique qui équilibre l’exigence éthique de l’hospitalité et les contraintes comportementales indispensables à la pratique des relations extérieures. Comme l’a bien montré Philippe Meyzie, la commensalité édilitaire s’inscrit dans une économie du don et du contre-don où banquets d’apparat et cadeaux comestibles participent à la sémiotique de la puissance, du prestige et de la représentation politique [26]. De la mobilité frontalière à l’organigramme du plan de table, les acteurs de l’interaction diplomatique sont soumis à la même dynamique de la différenciation et de l’inclusion, selon le rang de chacun, où s’exprime l’ordre social, politique et international. Mais l’hospitalité ne se traduit pas uniquement en termes de représentation. Elle suppose également des investissements financiers parfois considérables autant qu’elle révèle les modes et les goûts de consommation, dérogeant souvent aux articles des ordonnances somptuaires de la république. Dans les circonstances de l’interaction diplomatique entre la France et Genève, la ritualisation de la mobilité transfrontalière et l’hospitalité constituent in fine des phénomènes sociaux composites où se mêlent différents modèles – aristocratique, édilitaire, républicain – et d’où les enjeux confessionnels ne sont pas toujours exclus.

Versailles-Paris-Genève

8Depuis Paris, que les résidents quittent munis de leurs instructions et de leurs lettres de créance obtenues à la cour, deux itinéraires se présentent à eux [27]. Le premier emprunte la route de Dijon, puis rejoint la Franche-Comté par Dole et Lons-le-Saunier avant de franchir la chaîne du Jura depuis Saint-Claude jusqu’au pays de Gex, limitrophe de la république de Genève. Il s’agit du chemin le moins commode, comme en témoignent en octobre 1785 la veuve Rameau et ses fils, transporteurs dijonnais de leur état, alors qu’ils sont chargés de convoyer le portrait du roi que Louis XVI a offert aux magistrats genevois. Or, le transport du tableau et de la caisse qui contient le cadre est impraticable par la route de Poligny « où l’on ne se sert que des chariots attelés d’un seul cheval sur lesquels il est impossible de placer des charges d’un aussi grand volume » [28]. Chemin étroit donc, au cœur d’une région familière de la grande contrebande [29], auquel les résidents préfèrent la route de Paris à Lyon. Parvenus à Lyon, ils sont reçus par l’intendant, le gouverneur et le prévôt des marchands avec tous les égards dus à leur caractère diplomatique à l’occasion d’un repas solennel.

9Les résidents poursuivent leur voyage en direction de Nantua, dernière étape avant de s’engager sur la route inconfortable qui serpente entre les contreforts du Jura et les gorges du Rhône pour aboutir dans le pays de Gex. De Paris à la frontière de la république de Genève, le parcours dure en général un peu moins d’une dizaine de jours dans des conditions parfois difficiles, selon les saisons et le climat, comme le remarque le résident Pierre-Michel Hennin, en décembre 1765 : « Malgré le mauvais temps, les inondations, les ponts rompus, les chemins dégradés et l’étourderie des postillons de Lyon qui m’ont fait faire une poste sur la route de Provence, j’étais à la frontière de Genève lundi 16 [décembre] à midi [30]. »

10Lors de leur déplacement, les diplomates accumulent les informations susceptibles d’intéresser le ministère, en conformité avec la conception utilitaire du voyage telle qu’elle s’exprime notamment chez Antoine Pecquet. En mai 1698, lorsque Pierre Cadiot de La Closure passe au fort de l’Écluse, qui verrouille le passage des gorges du Rhône entre le Bugey et le pays de Gex, il y remarque « plusieurs prisonniers hommes et femmes nouveaux convertis de Languedoc, qui ont été surpris sur la frontière voulant sortir du royaume, par la vigilance et les bons ordres que monsieur de Louze, commandant de ce fort, à mis dans les passages » [31]. Quoique dans un contexte radicalement différent, c’est au fond la même attention politique qui aiguise le zèle du résident robespierriste Jean-Louis Giraud Soulavie, en juillet 1793, lorsqu’il décèle dans le Jura les « racines d’une véritable Vendée si on n’y prend garde », en se réjouissant tout de même que la Convention montagnarde puisse encore compter sur « ces bons villageois du Jura [qui] avaient l’esprit et les intentions plus sages et plus patriotiques et ne voulaient pas s’organiser en armée brissotine », en dépit de leur situation périlleuse entre l’insurrection lyonnaise et les républiques helvétiques hostiles à la Révolution [32].

11Ce qui frappe enfin dans la relation de Soulavie, comme dans celles de ces prédécesseurs de l’Ancien Régime, c’est la modestie de l’équipage qui contraste avec la suite parfois considérable des ambassadeurs les plus prestigieux [33]. Correspondant au caractère de second rang attribué à la fonction de résident, elle se résume à une ou deux voitures que le négociateur partage le cas échéant avec son épouse, son secrétaire particulier – qui est parfois un membre de la famille [34] – et rarement plus de deux domestiques. Pour peu que l’épouse soit enceinte, il n’est d’ailleurs pas impossible qu’elle accouche en chemin, comme l’a vécu l’abbé défroqué Soulavie en plein cœur des monts jurassiens, père d’une fille aussitôt appelée Montagne Constance Victoire Félicité Perpétue, laquelle décédera quelques mois plus tard à Genève [35].

12Une fois le résident parvenu dans le pays de Gex, les difficultés se poursuivent parfois. Si les magistrats genevois sont instruits par leur propre ministre public à Versailles et par un représentant de la légation française à Genève – en général l’aumônier ou le secrétaire en titre de la résidence – de la date d’arrivée du nouveau résident, c’est généralement sous le sceau de l’approximation. En mai 1750, les mauvaises conditions météorologiques ont rendu les chemins particulièrement impraticables, ralentissant la marche de Montpéroux, de telle manière que le gouvernement de la république n’a pas été averti à temps de son arrivée. Le résident doit donc attendre plus de vingt-quatre heures à Versoix, petit bourg gessien proche de la frontière, avant que les conditions soient réunies pour son accueil [36]. C’est le même désagrément que subit Hennin quinze ans plus tard, patientant une journée entière dans une « cabane de paysan » avant que sa réception officielle soit possible [37]. Dès lors, à la façon d’un comédien gagnant la scène, le résident obéit à une mobilité scénarisée en fonction des précédents, selon le cérémonial négocié en amont entre le ministère à Versailles et la magistrature de Genève [38].

13Ajoutons encore que pour parvenir jusque-là, il aura engagé des frais non négligeables, partiellement couverts par les indemnités globales d’emménagement (voyage et ameublement) qui oscillent, dès la fin des années 1730, entre 3 000 et 4 000 livres [39]. Dans un rapport daté de 1779, Pierre-Michel Hennin détaille les dépenses du voyage qui le ramène de Genève à Versailles. Le paiement de deux voitures – les époux se déplacent séparément –, revendues ensuite à perte, de dix chevaux de poste et du voiturier chargé du transport des effets personnels du résident s’élève à 2 850 livres [40]. Un tel montant, qui ne prend pas en compte les frais de bouche et de logement assurés sans doute par les représentants du roi en province, comme c’est le cas à Lyon, n’est guère éloigné du décompte que présentent, en juillet 1738, les quatre députés genevois envoyés auprès de Louis XV. Les « provisions de voyage », les « frais de nourriture » et le paiement de la voiture se montent à un peu plus de 5 000 livres (2 550 livres pour l’aller et 2 482 pour le retour), sur une facture totale de 40 814 livres pour trois mois de séjour entre la cour et la capitale, une somme d’ailleurs considérable pourvu qu’on la compare au 18 000 livres de revenus annuels du résident de France [41].

Mobilité frontalière et cérémonial diplomatique

14La cérémonie d’accueil du résident de France sur la frontière est codifiée progressivement dès l’arrivée de Roland Dupré, second titulaire de la légation française à Genève, en juin 1680 [42]. Un syndic, dans le premier carrosse où la place d’honneur est réservée au négociateur français, deux membres du Petit Conseil, six conseillers du Deux-Cents à cheval et en carrosse, avec autant de jeunes hommes des meilleures familles de la république, « cavaliers lestes et de bonne façon » [43], préviennent l’approche du nouveau résident sur les limites du territoire genevois [44]. Cette première étape dans le cérémonial de réception du résident se précise au siècle suivant sans pour autant changer de signification. Dès l’accueil de Pierre Cadiot de La Closure, en 1698, les officiers genevois au service de la France amplifient la délégation sur la frontière de la république [45]. Délaissant son attelage sur le sol français, le résident parcourt à pied les quelques mètres – cinquante pas, précise Hennin [46] – qui le séparent du territoire de Genève et se hisse dans le carrosse syndical, gratifié des paroles de bienvenue les plus chaleureuses pour le roi et pour lui-même. En 1781, conformément au modèle de la réception de Montpéroux et de Hennin, respectivement en 1750 et en 1765, deux conseillers d’État et dix membres du Conseil des Deux-Cents installés dans cinq carrosses vont au-devant du baron de Castelnau jusqu’à la frontière, toujours escortés des officiers au service de France et des fils de famille à cheval [47].

15L’équipage traverse ensuite la banlieue et pénètre avec solennité dans la ville, devant les soldats de la garde sous les armes, mais ne battant pas « au champ » [48]. Le cortège, attirant un « monde infini de peuple sur son passage » [49], s’arrête devant l’hôtel de la résidence, au cœur de la ville haute [50]. Le ministre français est accompagné dans ses nouveaux appartements par deux députés du Petit Conseil qui lui renouvellent les compliments du gouvernement genevois avant que le résident ne les reconduise jusqu’à la porte de la rue où ils remontent dans leur carrosse. Pour le résident, c’est la fin du voyage, en attendant la solennité de la première audience auprès du Conseil.

16De la frontière jusqu’aux portes de l’hôtel de France, l’entrée d’un résident à Genève se déroule avec pompe et sur le mode de la publicité. Elle figure parmi les moments importants de la mise en scène de la reconnaissance mutuelle de souveraineté durant laquelle les gestes accomplis rendent soudain visible le lieu frontalier qui sépare les territoires des deux États, souvent l’endroit par excellence du contentieux, du danger, de l’incertitude. Mais il s’agit également du lieu à partir duquel s’énonce – sur le mode de l’altérité, de la création d’un « intérieur et d’un extérieur » [51] – l’identité même des États limitrophes, autorités souveraines exerçant leur puissance sur un territoire circonscrit subsumé sous les notions de ressort et de juridiction. De ce point de vue, la ritualisation du territoire exprime la place certes subalterne, mais non moins légitime, de la république dans l’ordre européen. La cérémonie de l’entrée investit enfin l’espace public d’un discours de pédagogie politique à usage interne. Elle démontre l’autorité des Conseils, volontiers contestée par une bourgeoisie frondeuse qui milite en faveur de la prééminence du Conseil général comme unique détenteur de la souveraineté.

17Frontière politique et fiscale, limite qui distribue l’intérieur et l’extérieur dans le processus de construction de l’État moderne entendu comme l’exercice de la souveraineté sur un espace territorial linéairement borné, objet symbolique et pratique dans la gestion conjointe ou concurrentielle de la circulation des personnes et des biens, lieu où s’éprouvent les promesses de bon voisinage [52] : la première station du cérémonial destiné au résident de France renvoie au cœur de l’activité quotidienne du ministre public français dans une cité-État dont l’identité même est tout entière élaborée autour de sa situation géopolitique de ville frontière. À tel point que l’omission, toujours volontaire, de cette première étape cérémonielle est aussi rare que significative. En 1679, les autorités genevoises, très inquiètes de l’innovation que constitue l’établissement de la résidence de France, rendent visite à Laurent de Chauvigny alors qu’il est déjà installé dans l’hôtel des Balances, contraint d’y patienter plusieurs semaines avant d’obtenir une maison décente où s’installer. En mai 1792, le Petit Conseil manifeste sa désapprobation du rappel du chargé d’affaires royaliste Bernier de Maligny, remplacé par le neveu de Dumouriez, Delespine de Chateauneuf, en « oubliant » de recevoir ce dernier à la frontière. Non sans se plaindre de la négligence apportée à cet « article assez marquant », Delespine de Chateauneuf juge préférable de descendre à l’Écu de Genève, le plus prisé des établissements hôteliers genevois, tandis que Maligny occupe pour quelques jours encore la résidence [53]. Jamais, depuis Chauvigny, un résident de France n’avait été obligé de prendre une chambre dans une auberge !

18Il faut ajouter que la mobilité cérémonielle du résident – roturier ou de petite noblesse (à l’exception du baron de Castelnau), ministre de second ordre, mais jouissant du monopole de la représentation diplomatique à Genève [54] – ne prend sens que dans la mesure où elle s’intègre à un ensemble de pratiques de ritualisation du territoire où l’idéal normatif d’immutabilité des gestes s’articule à la nécessité d’adapter de manière jurisprudentielle les contraintes cérémonielles en fonction des circonstances [55]. Comme phénomène culturel de communication non (ou subsidiairement) verbale, l’accueil frontalier du résident s’insère dans la série des pratiques cérémonielles en vigueur en république qui correspond à un discours cohérent sur l’ordre politique, social et européen.

19À titre de comparaison, le passage du comte Karl Ernest de Waldstein, en mai 1704, est placé sous le sceau de la maximalisation du cérémonial, dont la signification politique relativise sans doute le poids de l’influence française à Genève au tout début du siècle [56]. Ambassadeur impérial à Lisbonne, sauvé des flots après que son navire a été coulé par la marine française, capturé et conduit à Toulon puis à Vincennes, il est libéré en échange du maréchal de Villeroy [57]. C’est une figure importante de la coalition contre Louis XIV qui parvient à Genève sur le chemin le ramenant à Vienne. Fait exceptionnel, le Petit Conseil in corpore salue l’entrée de Waldstein sur le territoire de la république, y compris le premier syndic habituellement exempté d’une pareille contrainte cérémonielle. Le sautier accompagne les conseillers d’État, chargé de deux truites et de trente-six bouteilles de vin, tandis que les milices bourgeoises et les soldats de la garnison forment une impressionnante haie d’honneur depuis la banlieue jusqu’au cœur de la ville, derrière laquelle se presse la foule en nombre [58].

20D’abord prévu par voie terrestre, le départ de l’ambassadeur s’effectue finalement par le lac Léman afin de contourner le territoire français qui sépare Genève du Corps helvétique. C’est à nouveau le Petit Conseil en corps qui prend congé de Waldstein dans ses appartements. À l’extérieur, les compagnies bourgeoises et celles de la garnison dressent une double haie en armes depuis l’hôtel des Trois-Rois jusqu’à la galère de l’ambassadeur qui s’y rend suivi de trois carrosses où sont installés les gentilshommes de sa suite avec quatre conseillers genevois :

21

Ces messieurs étaient précédés de vingt-quatre jeunes hommes bien armés et équipés, ayant à leur tête monsieur le major Tronchin, qui entrèrent dans la galère pour servir de gardes à monsieur l’ambassadeur. Dans le temps que ce seigneur se préparait d’y entrer, on le salua du canon de la galère et de celui du brigantin. Le seigneur amiral et ceux de sa suite l’y reçurent. La galère sortant du port fut saluée du canon de la place et le canon de la galère y répondit par ordre de monsieur l’ambassadeur, à qui on offrit ensuite une collation, deux jeunes messieurs lui présentant la soucoupe. Ce seigneur mit pied à terre à Coppet, et là on le salua du canon et de la mousqueterie [59].

22Amplitude spatiale et sonore se conjuguent dans la cérémonie en l’honneur de Waldstein, sollicitant l’attention auditive de celui qui refuserait son regard. Toute la république se met en scène dans une succession de gestes ritualisés, donnant à voir sa souveraine indépendance, redessinant l’espace urbain et extra muros comme le lieu légitime de son identité politique. Plus encore, la cérémonie associe la tradition républicaine, qui fait de l’exercice militaire ritualisé un élément central de l’identité politico-juridique des bourgeois genevois [60], et l’imaginaire social de la noblesse d’épée. L’usage solennel du cheval qui concerne quatre magistrats, une trentaine d’escortes montées et les carrosses du cortège parasite la représentation traditionnelle de l’égalitarisme pédestre républicain à propos duquel le résident Pierre-Michel Hennin a pu conclure, non sans exagération, qu’à Genève « la femme d’un millionnaire est obligée d’aller à pied dans la boue » [61]. Il n’en demeure pas moins que la fonction somptuaire des chevaux et du véhicule de la distinction que constitue le carrosse renvoie à la construction d’une « part de la représentation politique » telle qu’elle est évoquée par Daniel Roche lorsqu’il rappelle que, dès la première moitié du xviie siècle, le « triomphe du carrosse est la résultante de la conversion des aristocraties européennes à la voiture » [62]. Les carrosses qui participent à l’ambassade de Waldstein s’inscrivent à ce titre dans l’histoire désormais bien connue des voitures de gala dont la forme évolue depuis les ornements spectaculaires de la tradition romaine, dès la première moitié du xviie siècle, jusqu’au modèle français, au classicisme plus retenu, qui domine à partir du règne de Louis XIV [63]. Véhicules d’une esthétique de prime abord étrangère à l’idéal-type de la culture républicaine genevoise, ils figurent également comme les instruments de la communication diplomatique non verbale à la faveur de laquelle sont assignés les rangs, les honneurs, la hiérarchie du prestige, sans que soient évitées parfois les querelles de préséance [64]. Afin de démontrer la participation de la république à l’ordre européen, le gouvernement genevois se rallie donc à des normes de représentations du politique qui empruntent aux modèles des monarchies, combinés de manière souple avec les éléments spécifiques de l’organisation de la souveraineté républicaine, à l’image de la mobilisation des compagnies bourgeoises.

« Régaler Monsieur le Résident »

23Une même adaptabilité culturelle – éloignée des lieux communs sur l’indéfectible austérité réformée [65] – organise le temps de la commensalité, une fois passée la première audience du résident à l’occasion de laquelle il a présenté ses lettres de créance au Petit Conseil. Cérémonie diplomatique en république où se mêlent les caractéristiques de la consommation aristocratique [66], le « souper d’État » en l’honneur du résident de France est systématisé dès l’investiture de Gérard Lévesque de Champeaux, en juillet 1739. Une commission de cinq membres du gouvernement est chargée d’organiser le banquet dans la salle du Conseil des Deux-Cents où sont conviés – outre le résident et son aumônier –, les quatre syndics en fonction, douze anciens syndics, neuf conseillers d’État, les deux secrétaires d’État, les doyens du Conseil des Deux-Cents, les représentants de la justice (procureur général, lieutenant, auditeurs) et les deux principaux officiers de la garnison. Il faut y ajouter les vingt-cinq personnes que le résident a pris soin d’inviter personnellement parmi lesquels le commandant du fort de l’Ecluse voisin, des officiers genevois au service de France, des membres de l’oligarchie qui passent à la cour pour francophiles (comme les familles Gallatin et Tronchin, par exemple) ou qui relèvent de la noblesse française, quoique protestants et bourgeois de Genève, à l’instar du comte de Montréal et du baron de Mauzac.

24Le soir du 2 juillet 1739, jusqu’à une heure du matin environ, 70 convives sont donc accueillis dans l’Hôtel de ville en trois grandes tables disposées en fer à cheval. Il y manque toutefois le doyen de la Compagnie des pasteurs que le Petit Conseil renonce à inviter « pour éviter toute concurrence » [67] avec l’aumônier de la résidence, persistance des enjeux confessionnels dans les relations franco-genevoises au seuil des Lumières. Depuis la table centrale, où le résident occupe la place d’honneur entre les deux premiers syndics, c’est l’organigramme à la fois politique et social de la république qui se décline de manière minutieuse. Il inscrit symboliquement la cité-État et son oligarchie dans la « société des princes », faisant voisiner le prestige de la magistrature avec celui de la noblesse au son des 315 coups de canon tirés – au moment du rôt et des entremets – en l’honneur du roi, de la reine, du dauphin, de la famille royale, du cardinal de Fleury, du ministre des Affaires étrangères et, enfin, du résident. Le caractère strictement masculin de l’assemblée réunie à ce repas renvoie enfin à une identité de genre qui distingue la nature politique du banquet édilitaire de l’habituelle commensalité nobiliaire [68]. C’est à ce point vrai que l’épouse du résident n’apparaît à aucun moment dans le récit du cérémonial de réception. Lorsque le baron de Montpéroux exprimera le souhait, en septembre 1760, que sa femme bénéficie en pareille occasion de « l’honneur des armes », il lui sera refusé parce que « c’était un traitement dont il n’y avait pas d’exemple et que si on l’introduisait il faudrait qu’il s’étendît sur toutes les femmes des magistrats » [69].

25La préparation du souper mobilise les artisans, les ouvriers, les traiteurs, les boulangers et les loueurs d’objets pour l’organisation d’une cérémonie dont l’importance politique exige un investissement financier considérable. Le gouvernement dépense 4 657 florins (près de quatre fois le salaire annuel d’un artisan qualifié) pour le dîner en l’honneur de Lévesque de Champeaux, au profit d’une quarantaine de sous-traitants, sans compter les musiciens, les ouvriers et les domestiques anonymes [70]. Les forces se répartissent avant tout entre le chantier de l’illumination de l’Hôtel de ville et la préparation du dîner à proprement parler.

26Le ferblantier Jacques Gachery et le maître serrurier François Clerc installent les armatures qui supportent les lampions à la Maison de ville – notamment la pyramide illuminée placée dans la cour et le couronnement de la fontaine en face de l’édifice public –, sans oublier les trente lustres disposés le long de l’escalier principal. Les fournitures nécessaires à la confection des lampions, le suif, le coton et la cire jaune, proviennent de l’Hôpital général, acteur incontournable de l’économie locale, tandis que 42 florins sont dépensés pour les ouvriers chargés de confectionner les lampions, puis de les allumer. Une dizaine d’ouvriers travaillent à l’Hôtel de ville pour la préparation du repas d’État, cumulant environ quarante-deux journées de travail rémunérées entre 2 et 4 florins par jour [71]. Pour assurer l’illumination de l’Hôtel de ville et de ses environs immédiats, cinq fournisseurs assurent la livraison des chandelles et des bougies – notamment les réputées et onéreuses bougies du Mans (presque 3 florins l’unité) –, alors que deux artisans louent les huit lustres qui manquaient encore. Verres et carafes sont également loués le temps du dîner dont les mets en quantité composent la rubrique principale du budget.

27Conformément aux conseils de François de Callières, « la propreté, l’abondance et même la délicatesse » [72] distinguent le banquet de Lévesque de Champeaux, à commencer par les 178 bouteilles de vin, la plupart prélevées contre facture dans les caves familiales de quelques conseillers du Deux-Cents [73]. Le vin blanc de la Côte prédomine (82 bouteilles), suivi des bouteilles de Bourgogne (44), de Côte-du-Rhône (30), de Champagne (16) – sans qu’on sache s’il est effervescent ou « tranquille » –, puis enfin du ratafia de Dijon, vin doux muté à l’alcool, semblable à l’actuel pineau des Charentes (6) [74], auquel s’ajoutent six bouteilles d’eau cordiale. Dans le décompte financier, 66 bouteilles sont facturées à part : provenant d’un marchand de Carouge, la ville sarde limitrophe de la république, elles sont destinées aux domestiques. De moindre coût et de qualité médiocre, il s’agit probablement de vin vert produit dans le bassin genevois [75]. De manière générale, dans la première moitié du xviiie siècle, les vins servis au repas du résident de France sont donc issus d’un marché qui, à partir de la région viticole plus ou moins immédiate, englobe les principaux vignobles de l’Est de la France [76].

28Pour accompagner les vins, le traiteur André Bruce dit Lamotte fournit, contre quittance de 1 544 florins, une quarantaine de mets dont l’opulence traduit la maîtrise des codes de la représentation festive et la prospérité d’un cité de marchands-banquiers impliqués dans le financement du trésor royal : truites et écrevisses du Léman, jambon de Mayence, pâtés de poulardes, poulardes farcies aux morilles, poulardes aux petits pois, gigots de mouton aux épinards et à la dauphine, fricandeaux, oreilles de veau farcies, canards farcis, paupiettes, poulets à la crème, poulets farcis à la broche avec une sauce à l’espagnole, poulets en marinade, pigeons au vin blanc, langues de bœuf à la braise, longes de veau, dindonneaux, perdrix, levraux, bécassines, sans oublier le cerf chassé sur le domaine de l’Hôpital général [77]. Les légumes constituent la portion congrue du menu, sous forme d’artichauts, de choux-fleurs et de petits pois, tandis que l’huile de noix et le beurre sont abondamment utilisés pour la confection des sauces et la cuisson des mets. Signe des pratiques alimentaires d’une ville marchande et protestante comme Genève, la « débauche de viande », pour reprendre l’expression imagée de David Hiler, est au diapason de la consommation annuelle par habitant qui progresse, entre 1718 et 1780, de 63 à 88 kg [78]. Ces dernières valeurs sont d’autant plus remarquables qu’elles ne tiennent pas compte de la volaille qui pourtant forme une part considérable du repas de Lévesque de Champeaux, soit plus de 32 % des plats facturés par le traiteur. Mais surtout, parce que la république est d’abord une seigneurie, conformément au droit féodal, il s’agit bien d’une table seigneuriale où se distingue le gibier, typique de la commensalité nobiliaire.

29Si Lamotte propose également des entremets, comme du blanc-manger, des tourtes croquantes ou à la pistache, le chapitre des fruits et des desserts, une cinquantaine au total, est confié concurremment au savoir-faire de deux maisons, Guainier frères & sœurs et Puech & Fabre [79]. Chez les uns et les autres dominent – le luxe étant ici associé à l’origine plus ou moins lointaine des ingrédients – la pistache, l’amande, l’orange du Portugal, le citron, le cédrat, le chocolat, recalant en seconde ligne les fruits locaux, comme les fraises, les framboises et les abricots. Le raffinement et l’opulence règnent dans le foisonnement des diablotins frits de blanc-manger aux amandes, des massepains glacés, fêlés, filés ou à la royale, des conserves blanches ou jaunes, mais aussi de citron et de café, des meringues, des oranges et des citrons confits, des fromages glacés aux pistaches et chocolat, puis des gâteaux à l’identité plus spécifique, contribuant à la circulation des spécialités régionales, comme les écrelets ou lécrelets, francisation du Läckerli bâlois à base de pain d’épices.

30Pas de souper sans pain lorsque les céréales panifiables caractérisent 75 à 80 % du régime alimentaire moyen [80]. Pour le repas du 2 juillet 1739, dans une période de décrue des prix céréaliers, le trésorier paie plus de 75 florins au boulanger Jean-Jacques Sestié pour 180 pains d’assiette pétris au lait, 80 pains blancs pour les domestiques, un pain au lait, un pain ordinaire et deux pains bis [81]. Globalement, la livraison correspond bien à la consommation habituelle des céréales dans la Genève intra muros du xviiie siècle où le froment – notre blé, à la base du pain blanc – domine largement, brouillant dans ce cas précis les distinctions sociales en matière frumentaire comme en témoigne la qualité du pain destiné aux domestiques [82]. C’est enfin le café qui termine le repas, café triomphant dont la consommation s’est largement répandue depuis le début du siècle, y compris dans les ménages paysans de la république, passant de 230 à 345 g par habitant dans les années 1710 à environ 640 g en 1750 [83].

31Au-delà des considérations matérielles au sujet du souper du résident, il faut rappeler que les dépenses relatives aux événements festifs sont généralement soumises à des limitations légales. Les Ordonnances somptuaires de 1725, revues en mai 1739, fixent le cadre dans lequel se déroule le repas d’État en l’honneur de Lévesque de Champeaux [84]. Comme pour tous les banquets édilitaires à Genève qui impliquent des invités étrangers, la dérogation aux interdits devient la règle. Le 2 juillet 1739, la multiplicité des grands miroirs d’apparat viole les prescriptions de l’article IV, tandis que les règles en matière de festin contenues dans les articles XVIII et XIX sont en partie négligées (interdiction de servir des confitures sèches et des ambigus, limitation des frais à 1,5 écu par personne de la première qualité). Condition de l’appartenance à la communauté politique et confessionnelle de la république, les lois somptuaires ne s’appliquent pas aux étrangers de distinction et à plus forte raison aux négociateurs français en poste à Genève. Lorsque ces derniers sont les sujets de la commensalité politique, la pratique de l’exception s’étend à l’ensemble des convives, Genevois ou non. La politique de prestige, notamment à l’occasion du repas d’État, subordonne les prescriptions somptuaires puisqu’elle vise à corriger l’effet d’asymétrie entre le fort et le faible – le roi et la république – en organisant de manière négociée la ritualisation de l’interaction en vertu de valeurs et de pratiques culturelles partagées.

32Plus généralement, le banquet du résident s’insère dans la circulation des dons et des contre-dons, signe de l’amitié, mais également mise à l’épreuve du rang et du statut des acteurs dans un équilibre précaire entre distanciation et rapprochement, altérité et identité [85]. Cet équilibre agit à deux niveaux, au gré de la stabilisation progressive du cérémonial jusqu’au début de la Révolution française. Du point de vue de la relation interpersonnelle, il procède de l’interaction entre les membres de l’oligarchie républicaine et les élites européennes. Au niveau systémique, il conforte la place, certes subalterne, de la république dans l’ordre des princes. Comme évoqué précédemment pour la réception du comte de Waldstein, les dons comestibles participent de l’hospitalité en même temps qu’ils appellent la reconnaissance et la bienveillance du donataire. Si les dragées ou les confitures sèches sont plutôt destinées aux femmes de la bonne société, les vins s’adressent en priorité aux hommes alors que les liqueurs (eau cordiale) conviennent aux deux sexes. Mais c’est bien la truite – fournie par les fermiers de la pêche – qui se distingue comme le don comestible par excellence. Celles qui accommodent le repas de Lévesque de Champeaux pèsent plus de 70 livres aux prix de 10 florins la pièce [86]. Et le résident en reçoit deux autres, avec une cinquantaine de bouteilles d’eau cordiale, comme cadeau de bienvenue. La truite est également offerte en guise d’étrennes, non seulement aux résidents, mais également à la cour, à la faveur de l’amélioration des routes de la poste. « Encaissé dans des boîtes de fer-blanc, la sauce d’un côté et le poisson de l’autre » [87], le « monstre du lac » [88] parcourt ainsi les distances les plus importantes en hiver afin de garantir la fraîcheur du produit.

Le dernier voyage

33Honoré, « régalé », mais de naissance médiocre et revêtu d’une fonction diplomatique de second ordre, le résident ne peut jamais prétendre à un déploiement cérémoniel d’une envergure comparable à ce qui s’est pratiqué, par exemple, pour Waldstein. Une fois son séjour achevé, vient le temps du départ obéissant aux mêmes règles qui avaient organisé son arrivée. À moins que son décès ne complique un peu la cérémonie de reconduction à la frontière.

34Le 9 septembre 1765, l’aumônier de la résidence informe le ministère que le baron de Montpéroux est mort aux premières heures du matin d’un abcès aux poumons. Premier acte du cérémonial funéraire, l’épouse du résident, les sept domestiques et « cinq filles ou femmes qui sont dans la maison » [89] (des servantes ?) sont vêtus de noir. Le même jour, le Petit Conseil désigne un ancien syndic et un conseiller pour présenter à la veuve les condoléances du gouvernement qui renouvelle la même démarche in corpore quelques heures plus tard. Les funérailles débutent le surlendemain à huit heures du matin [90]. La dépouille de Montpéroux est disposée dans une voiture drapée qui ouvre le cortège funéraire depuis l’hôtel de la résidence et au passage duquel les troupes de la garnison présentent les armes aux postes de garde. Le beau-frère du résident, monsieur de La Lande, accompagné des comtes d’Harcourt et de La Bourdonnais, occupe le second carrosse [91]. La troisième voiture transporte l’aumônier Recqueville et son prédécesseur, l’abbé Louis de Seyssel, titulaire de la cure de Divonne. Les cinq carrosses suivants conduisent deux députés du Petit Conseil et six membres du Conseil des Deux-Cents. Ils précèdent une vingtaine de voitures dans lesquelles se sont installés les représentants des principales familles de la république et les officiers genevois au service du roi de France. La baronne de Montpéroux, abîmée de chagrin, ne suit pas le convoi. Elle reste à la résidence, consolée par quelques amies et le comte de Courbon-Blénac.

35Lorsque le cortège parvient à la frontière, signalée par une grande croix, le carrosse de La Lande opère une délicate manœuvre. Les chevaux sont arrêtés sur le territoire de France tandis que les roues arrière sont encore sur celui de Genève, matérialisant de façon à la fois extrêmement minutieuse et éphémère la séparation cadastrée entre les deux souverainetés. Le beau-frère de Montpéroux descend alors de l’équipage pour rencontrer les magistrats genevois, également pied à terre, qui lui témoignent une dernière fois de leur affliction avant de retourner en ville. À quelques mètres de là, deux compagnies bourgeoises du pays de Gex se présentent pour escorter le corps tambour battant, drapeau déployé et armes renversées.

36La Lande remonte ensuite dans sa voiture pour conduire le convoi à l’église du Grand-Saconnex, jadis premier village gessien limitrophe de la République où sont enterrés quelques-uns des étrangers catholiques morts à Genève [92]. À l’exception des conseillers d’État et des membres du Deux-Cents, de nombreux Genevois accompagnent aussi la dépouille du résident jusqu’à l’intérieur de l’église, mais pour mieux en sortir dès que commence la messe, une façon non équivoque de marquer la frontière confessionnelle qui divise l’assemblée. Le service religieux accompli, le baron de Montpéroux est enterré dans l’église à côté du chevalier Tiepolo, l’ancien ambassadeur vénitien à Paris, mort l’année précédente après avoir été soigné en vain par le docteur Tronchin [93]. Dernier instant solennel, tandis que le corps du résident est descendu dans la fosse, les compagnies bourgeoises du pays de Gex déchargent trois coups d’artillerie en guise d’hommage.

37Le moment de la mort et des obsèques est un spectacle édifiant à double titre. Le rituel funéraire catholique articule étroitement l’enjeu proprement religieux du salut du défunt (derniers sacrements, prières et messes, inhumation en terre consacrée) et la nécessité mondaine d’adapter le cérémonial en fonction du rang social de celui qui est pleuré [94]. Ultime récompense des efforts familiaux d’ascension sociale, la dépouille de Montpéroux est portée en terre au terme d’une procession où figurent en bonne place des membres de la noblesse française, avec une pompe destinée à signaler la qualité du défunt. Né bourgeois, Étienne-Jean Guimard de Montpéroux est sans conteste enseveli en tant que baron. La cérémonie dresse ainsi une première délimitation, de nature sociale, où les représentants de l’aristocratie occupent les rôles les plus remarquables, en tête du convoi, aux places d’honneur de l’église et au chevet de la veuve éplorée dans son hôtel, donnant à voir une hiérarchie des rangs déterminée par la naissance conformément à l’imaginaire socio-culturel propre à la France d’Ancien Régime. Mais la sépulture du résident est également une cérémonie diplomatique qui met en scène deux autres types de délimitation – territoriale et confessionnelle – déclinant avec nuances les modalités de l’inclusion et de l’exclusion.

38Pour accompagner la voiture funéraire, le Petit Conseil ne se réfère pas aux récentes obsèques de l’ambassadeur Tiepolo, comme on aurait pu s’y attendre, mais uniquement au protocole de reconduction à la frontière de La Closure et de Champeaux au moment de leur départ de Genève, en 1739 et en 1749. Mort ou vif, le résident de France quitte donc la république selon une même étiquette, à ceci près que les députés du gouvernement doivent respecter en septembre 1765 les dispositions des Ordonnances somptuaires en matière de deuil. Pour le Conseil, l’acte essentiel de la séquence cérémonielle à laquelle il participe consiste d’abord à produire la démonstration non équivoque de la délimitation territoriale qui distingue les ressorts souverains de la France et de la république. Il s’agit ensuite de s’assurer que, dans ces circonstances, pour reprendre les termes du registre du gouvernement, les « lois de [la] Réforme seront observées » [95] et notamment qu’aucun signe distinctif de deuil ne sera arboré par les magistrats.

39Cette dernière prescription renvoie à la délimitation confessionnelle qui organise l’assemblée présente à l’enterrement de Montpéroux, où dialoguent la piété baroque finissante et une sensibilité protestante qui se prête en partie à un cérémonial qui lui était à l’origine étranger. La prudence du Conseil au sujet de la soumission aux lois somptuaires évoque en arrière-plan l’idéal réformé de funérailles réduites à la plus grande simplicité, sans cérémonie publique ni prières pour les morts contrairement aux usages catholiques [96]. Les représentants des principales familles genevoises et les officiers au service de France participent donc jusqu’à l’église du Grand-Saconnex à une procession funéraire à la pompe inhabituelle en République. Avant tout cérémonie diplomatique jusqu’à la frontière, le convoi revêt plus nettement le caractère d’une cérémonie mortuaire catholique sur le sol de France, cérémonie dont le faste appartient encore par bien des côtés à la tradition classique. L’aspect composite des obsèques de Montpéroux n’est pas illimité : lorsque la messe commence, l’assistance protestante abandonne les lieux, quitte de l’hommage dû au défunt résident de France. Cette réserve se justifie d’autant mieux que la sépulture se déroule en présence solennelle de l’aumônier de la résidence et de l’archiprêtré du haut pays de Gex au complet.

40*

41Mobilité et commensalité diplomatiques prennent sens à condition de comprendre la diplomatie comme le système de communication interculturelle à la faveur duquel se déroule une expérience sociale de l’altérité [97]. En admettant que la guerre n’est pas forcément et constamment l’« ultima ratio du pouvoir dans les relations internationales » [98], il s’agit d’envisager les pratiques de l’hospitalité diplomatique au xviiie siècle, et les normes qui en découlent, à la façon d’instruments herméneutiques souples entre les mains des acteurs. Au prix de la négociation, ces instruments sont adaptables dans une certaine mesure, au gré des circonstances, mais toujours destinés à rendre compte de manière spectaculaire du rang hiérarchique (honneur, dignité, caractère, majesté) des individus, des corps sociaux, des États souverains. L’attention portée aux conditions matérielles du voyage et de la consommation alimentaire de prestige va donc de pair avec la compréhension des conditions culturelles qui déterminent, notamment dans le cas des relations asymétriques entre la république de Genève et la France, l’équilibre entre l’affirmation identitaire de soi et la capacité à interagir sur le mode de la réciprocité. De ce point de vue, la minutieuse ritualisation de la mobilité frontalière des négociateurs français en république condense les enjeux autour d’une frontière polysémique qui distingue autant qu’elle réunit, qui réunit parce qu’elle distingue, accordant les spécificités des uns et des autres avec un relatif métissage culturel irréductible au « mythe de l’Europe française », mais qu’il est néanmoins possible de subsumer sous les catégories du bon goût et d’un art de vivre cosmopolite [99].

Notes

  • [1]
    Pour une perspective générale sur la culture matérielle et les usages d’un concept en constante évolution depuis la fin des années 1960, lire Marjorie Meiss, La Culture matérielle de la France, xvie-xviiie siècle, Paris, Armand Colin, 2016, et Hans Peter Hahn, Materielle Kultur : eine Einführung, Berlin, Dietrich Reimer Verlag, 2014. Plus récemment, la notion, articulée à la question de l’hybridation culturelle au gré de la circulation commerciale internationale, a retenu l’attention des contributeurs du colloque Circulation, métissage et culture matérielle (xvie-xxe siècles), dir. Michel Figeac et Christophe Bouneau, Paris, Classiques Garnier, 2017.
  • [2]
    Lucien Bély, Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV, Paris, Fayard, 1990, et Heinz Duchhardt, « Das diplomatische Abschiedgeschenk », Archiv für Kulturgeschichte, 57/2, 1975, p. 345-362. Parmi les publications les plus récentes, lire Material Culture in Modern Diplomacy from the 15th to the 20th Century, dir. Harriet Rudolph et Gregor Metzig, Berlin, De Gruyter Oldenbourg, 2016 ; The Grand Ducal Medici and the Levant : Material Culture, Diplomacy, and Imagery in the Early Modern Mediterranean, dir. Maurizio Arfaioli et Marta Caroscio, London, Harvey Miller, 2016 ; Indravati Félicité, Négocier pour exister : les villes et duchés du nord de l’Empire face à la France, 1650-1730, Berlin, De Gruyter Oldenbourg, 2016, notamment p. 407-446 à propos de la situation financière des négociateurs ; Laura Mesotten, Behind the Curtains of Diplomacy : the Household, Material Culture and Networks of French Ambassadors in Venice (1550-1610), thèse de doctorat d’histoire et civlisation, European University Institute, 2017 ; « Objects and beasts » dans Practices of Diplomacy in the Early Modern World, c. 1410-1800, dir. Tracey A. Sowerby et Jan Hennings, London, Routledge, 2017, p. 185-265.
  • [3]
    C’était notamment l’objet du colloque-séminaire organisé par Sanjay Subrahmanyam au Collège de France, le 26 mai 2016, « Histoire connectée et histoire diplomatique à l’époque moderne » [en ligne : https://www.college-de-france.fr/media/sanjay-subrahmanyam/UPL5982961742125441188_Subrahmanyam_Colloque_2016.pdf]. Pour un état des lieux historiographique de la question, lire Laurence Badel, « Une histoire globale de la diplomatie ? », introduction à Diplomaties, dir. Laurence Badel et Stanislas Jeannesson, numéro spécial de Monde(s). Histoire, espaces, relation, n°5, mai 2014, p. 6-26.
  • [4]
    Christian Windler, La Diplomatie comme expérience de l’Autre : consuls français au Maghreb (1700-1840), Genève, Droz, 2002.
  • [5]
    Le cérémonial diplomatique comme enjeu systémique et communication symbolique a fait l’objet d’un nombre considérable d’études parmi lesquelles William J. Roosen, « Early Modern Diplomatic Ceremonial. A Systems Approach », Journal of Modern History, 52, 1980, p. 452-476 ; Lucien Bély, « Souveraineté et souverains : la question du cérémonial dans les relations internationales à l’époque moderne », Annuaire-Bulletin de la Société de l’histoire de France, 1993, p. 27-43 ; Id., « Représentation, négociation et information dans l’étude des relations internationales à l’époque moderne », dans Axes et méthodes de l’histoire politique, dir. Serge Bernstein et Pierre Milza, Paris, PUF, 1998, p. 213-229 ; Fabrice Brandli, Le Nain et le Géant : la République de Genève et la France au xviiie siècle, cultures politiques et diplomatie, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012 ; Alles nur symbolisch ? Bilanz und Perspektiven der Erforschung symbolischer Kommunikation, dir. Barbara Stollberg-Rilinger, Tim Neu et Christina Brauner, Wien, Böhlau, 2013 ; Niels F. May, Zwischen fürstlicher Repräsentation und adliger Statuspolitik. Das Kongresszeremoniell bei den westfälischen Friedensverhandlungen, Ostfildern, J. Thorbecke, 2016 ; Interkulturelle Ritualpraxis in der Vormoderne : Diplomatische Interaktion an den östlichen Grenzen der Fürstengeselleschaft, dir. Claudia Garnier et Christine Vogel, Berlin, Duncker & Humblot, 2016.
  • [6]
    Florent Quellier, « Culture matérielle et identités sociales au xviie siècle », dans Les Sociétés au xviie siècle : Angleterre, Espagne, France, dir. Annie Antoine et Cédric Michon, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 311-333, ici p. 318.
  • [7]
    Claudine Haroche, « Position et disposition des convives dans la société de cour au xviie siècle. Éléments pour une réflexion sur le pouvoir politique dans l’espace de la table », dans Cuisine, manière de table et politique, numéro spécial de la Revue française de science politique, 1998/3-4, p. 376-386, ici p. 384. La commensalité diplomatique a fait l’objet d’un colloque en novembre 2016 à Paris et à Villandry, organisé par Laurence Badel, Lucien Bély, Jean-Pierre Williot et Marc de Ferrière Le Vayer, « Table et diplomatie à l’échelle du monde ». Notons encore que la « gastrodiplomatie » est désormais étudiée par les spécialistes des relations internationales contemporaines comme l’un des dispositifs de la diplomatie culturelle. À titre d’exemple, Linda Morgan, « Diplomatic Gastronomy : Style and Power at the Table », Food and Foodways, 20, 2012, p. 146-166, ou bien encore Noor Nirwandy et Ahmad Azran Awang, « Conceptualizing Public Diplomacy Social Convention Culinary : Engaging Gastro Diplomacy Warfare for Economic Branding », Procedia – Social and Behavorial Sciences, 130, 2014, p. 325-332.
  • [8]
    Raymond Cohen, Theater of Power : the Art of Diplomatic Signalling, Londres, Longman, 1987, p. 19.
  • [9]
    Frédéric Mérand et Vincent Pouliot, « Le monde de Pierre Bourdieu : éléments pour une théorie sociale des relations internationales », Canadian Journal of Political Science – Revue canadienne de science politique, 41/3, 2008, p. 603-625 ; Sam Chapple-Sokol, « Culinary Diplomacy : Breaking Bread to Win Hearts and Minds », The Hague Journal of Diplomacy, 8, 2013, p. 161-183.
  • [10]
    L. Bély, Espions et ambassadeurs, op. cit., p. 351-357 ; D. Roche, Humeurs vagabondes : de la circulation des hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003, p. 291-296 ; Éric Schnakenbourg, « Les chemins de l’information : la circulation des nouvelles depuis la périphérie européenne jusqu’au gouvernement français au xviiie siècle », Revue historique, 2006/2, p. 291-311 ; Rosemary Sweet, Cities and the Grand Tour : the British in Italy, c. 1690-1820, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.
  • [11]
    Antoine Pecquet, Discours sur l’art de négocier avec les souverains [1737], La Haye, Chez Jean Van Duren, 1738, p. XXXIX-XL.
  • [12]
    Laurent Lemarchand, « Versailles-Paris-Versailles : les tribulations de l’identité courtisane en France sous la Régence (1715-1723) », dans Identités, appartenances, revendications identitaires, dir. Marc Belissa, Anna Bellavitis, Monique Cottret, Laurence Croq et Jean Duma, Paris, Nolin, 2005, p. 277.
  • [13]
    Juan Antonio Vera y Figueroa, Le Parfait ambassadeur [1620], trad. fr., Paris, A. de Sommaville, 1635, 2e partie, livre II, p. 324. Sur les différents degrés de représentativité des négociateurs en fonction de leur titre – ambassadeur, ministre, envoyé, résident, etc. –, Emer de Vattel, Le Droit des gens ou principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains, Londres, s. n., 1758, 2 vol., t. II, livre IV, chap. VI, § 70, p. 304.
  • [14]
    Sur le rapport entre cérémonial, courtoisie et civilité, Norbert Elias, La Civilisation des mœurs [1969], Paris, Calmann-Lévy, 1973, p. 148-150.
  • [15]
    François de Callières, De la manière de négocier avec les souverains [1716], éd. Jean-Claude Waquet, Paris, Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure, 2005, p. 182.
  • [16]
    À moins, ce qui peut être fréquent, qu’il place son itinérance sous le signe de l’incognito. Lucien Bély, La Société des princes, xvie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1999, p. 470-472 ; F. Brandli, Le Nain et le Géant, op. cit., p. 177-179.
  • [17]
    Norbert Elias, La Société de cour [1969], Paris, Flammarion, p. 71.
  • [18]
    Étiquette et Politesse, dir. Alain Montandon, Clermont-Ferrand, Association des publications de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Clermont-Ferrand, 1992 ; Antoine Lilti, Le Monde des salons : sociabilité et mondanité à Paris au xviiie siècle, Paris, Fayard, 2005, p. 378-392.
  • [19]
    L. Bély, Espions et ambassadeurs, op. cit., p. 355-356.
  • [20]
    Fabrice Brandli, « La République de Genève et la France au xviiie siècle : diplomatie asymétrique et cultures politiques », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 61/4-4bis, 2014, p. 65-93. Sur la fonction de résident, id., Le Nain et le Géant, op. cit., p. 94. La résidence de France fonctionne jusqu’à l’annexion de Genève à la Grande Nation, en avril 1798.
  • [21]
    Daniel Nordman, Frontières de France : de l’espace au territoire, xvie-xixe siècle, Paris, Gallimard, 1998, p. 56.
  • [22]
    On lira une belle analyse de l’ambivalence fonctionnelle de la frontière dans Renaud Morieux, Une mer pour deux royaumes : la Manche, frontière franco-anglaise (xviie-xviiie siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.
  • [23]
    Abraham van Wicquefort, L’Ambassadeur et ses fonctions, éd. [Cornelius Van] Bynkershoek et Jean Barbeyrac, Amsterdam, Janssons a Waesberge, 1730, 2 vol., t. I, livre I, section XVIII, p. 206. Sur le modèle des entrées solennelles et sa progressive désuétude, Ceremonial Entries in Early Modern Europe : the Iconography of Power, dir. James R. Mulryne, Farnham, Ashgate, 2015.
  • [24]
    [Simon Nicolas Henri] Linguet, Annales politiques, civiles et littéraires du dix-huitième siècle, t. IV, Londres, s. n., 1778, p. 172.
  • [25]
    D. Roche, Humeurs vagabondes, op. cit., p. 479-504 ; L’Hospitalité au xviiie siècle, dir. Alain Montandon, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2000.
  • [26]
    Philippe Meyzie, L’Alimentation en Europe à l’époque moderne : manger et boire, xvie-xixe siècle, Paris, Armand Colin, 2010, p. 195-210 ; id., « Les cadeaux alimentaires dans le Sud-Ouest aquitain au xviiie siècle : sociabilité, pouvoirs et gastronomie », Histoire, économie & société, 2006/1, p. 33-50 ; F. Brandli, Le Nain et le Géant, op. cit, p. 291-332 ; Marcel Mauss, Essai sur le don : forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques [1925], Paris, PUF/Quadrige, 2007.
  • [27]
    Claude Danielle Barambon, Les Lettres de la République : Genevois et circulations postales (1669-1790), mémoire de master sous la direction de Michel Porret, Université de Genève, 2015, p. 90-93.
  • [28]
    Archives d’État de Genève [désormais AEG], Registre du Conseil (RC) 289, 17 octobre 1785, p. 1108-1109.
  • [29]
    Fabrice Brandli et Marco Cicchini, « Réprimer la contrebande à Genève au xviiie siècle : l’entraide judiciaire entre diplomatie et police », Crime, Histoire et Sociétés, 18/1, 2014, p. 101-129.
  • [30]
    Pierre-Michel Hennin au duc de Praslin, Genève, 18 décembre 1765. Archives du ministère des Affaires étrangères [désormais AMAE], Correspondance politique [désormais C. P.], Genève, vol. 70, f° 478-479.
  • [31]
    Pierre Cadiot de La Closure au marquis de Torcy, Genève, 28 mai 1698. AMAE, C. P., Genève, vol. 20, f° 5-18. Sur l’activité du chevalier de Louze au fort de l’Écluse, qui aurait en réalité favorisé l’évasion des huguenots fugitifs, Jérôme Sautier, « Politique et Refuge. Genève face à la Révocation de l’Édit de Nantes », dans Genève au temps de la Révocation de l’Édit de Nantes 1680-1705, dir. Olivier Reverdin et al., Genève/Paris, Droz/Champion, 1985, p. 74.
  • [32]
    Jean-Louis Giraud Soulavie à François Desforgues, Genève, 5 juillet 1793. AMAE, C. P., Genève, vol. 99, f° 267-268.
  • [33]
    À titre d’exemple, l’ambassade d’Alexis Yermoloff en Perse rassemble une suite de plus de trois cents personnes. Maurice de Kotzebuë, Voyage en Perse, à la suite de l’ambassade russe, en 1817, Paris, A. Nepveu, 1819, p. 58.
  • [34]
    C’est le cas de Benjamin Desportes, le frère cadet du résident Félix Desportes, secrétaire particulier jusqu’en janvier 1798. Il établit ensuite une maison de commerce à Montmartre avant d’accéder quelques années plus tard au poste de directeur général des hôpitaux de Paris. F. Brandli, Le Nain et le Géant, op. cit., p. 97.
  • [35]
    Albin Mazon, Histoire de Soulavie (naturaliste, diplomate, historien), Paris, Librairie Fischbacher, 1893, 2 vol.
  • [36]
    Étienne Jean Guimard de Montpéroux au marquis de Puysieulx, Genève, 9 mai 1750. AMAE, C. P., Genève, vol. 64, f° 112.114.
  • [37]
    Pierre-Michel Hennin au duc de Praslin, Genève, 18 décembre 1765. AMAE, C. P., Genève, vol. 70, f° 478-479.
  • [38]
    L’analogie entre le comédien et le négociateur est un lieu commun de la « littérature du parfait ambassadeur », notamment chez J. A. Very y Figueroa, Le Parfait ambassadeur, op. cit., 2e partie, livre II, p. 324, ou chez F. de Callières, De la manière de négocier, op. cit., p. 189.
  • [39]
    En mai 1791, le chargé d’affaires Bernier de Maligny obtient 1 000 livres de plus que ses prédécesseurs pour frais d’emménagement. En revanche, les 4 000 livres sont payées en assignats, ce qui correspond dans les faits à une baisse significative. AMAE, Personnel, vol. 47, 4 mai 1791, f° 235.
  • [40]
    AMAE, Personnel, vol. 38, f° 277, « Tableau ».
  • [41]
    AEG, Finance P71, « État de la dépense faite par messieurs Jean-Louis Du Pan, Jean-Louis Buisson, syndic et ancien syndic, Pierre Mussard, conseiller, et Isaac Thellusson, envoyés par la République à Paris auprès de SMTC. Le 4 juillet 1738 ».
  • [42]
    AEG, RC 180, 25 mai/4 juin 1680, f° 77. Pour rappel, la première date correspond au calendrier julien, en vigueur à Genève jusqu’en 1700, alors que la seconde renvoie au calendrier grégorien utilisé en France depuis 1582.
  • [43]
    AEG RC 180, 22 mai/1er juin 1680, f° 75.
  • [44]
    Les quatre syndics, élus par le Conseil général, constituent les chefs de la république. Ils siègent parmi les vingt-cinq membres du Petit Conseil, auxquels il faut ajouter le lieutenant et deux secrétaires d’État, formant le véritable gouvernement de Genève détenteur de l’initiative législative, ayant notamment la haute main sur la police et l’administration, les relations extérieures, la justice criminelle et les affaires civiles en troisième ressort. Tous ont été recrutés par cooptation au sein du Conseil des Deux-Cents, comprenant en réalité 250 conseillers dès 1738, à qui il revient de discuter des lois et de présenter des propositions législatives au Petit Conseil qui n’ont cependant aucune force contraignante. Institution importante dans le cursus honorum de la magistrature républicaine, il s’agit avant tout d’une chambre d’enregistrement et d’un vivier électoral pour accéder au Petit Conseil. Il détient toutefois le droit de grâce et représente l’autorité supérieure de recours en matière civile. Dépossédé d’une part importante de ses prérogatives, réduit peu à peu à sa seule fonction électorale, instrument privilégié de la bourgeoisie frondeuse dans son opposition à la dérive aristocratique du gouvernement genevois, le Conseil général représente la souveraineté de l’État, composé d’environ 1500 bourgeois et citoyens. F. Brandli, Le Nain et le Géant, op. cit., p. 343-345.
  • [45]
    « Sur le cérémonial et la réception de Monsieur La Closure, résident du roi à Genève. Le Dépôt, 17 mars 1750 ». AMAE, Mémoires et documents [désormais M. D.], Genève, vol. 1, f° 237-238.
  • [46]
    Pierre-Michel Hennin au duc de Praslin, Genève, 18 décembre 1765. AMAE, C. P., Genève, vol. 70, f° 478-479.
  • [47]
    AEG, Pièces historiques (PH) 5110, « Cérémonial observé à la réception à Genève du résident de France, Monsieur le baron de Castelnau ».
  • [48]
    « Genève, Cérémonial 1770 ». AMAE, M. D., Genève, vol. 1, f° 334.
  • [49]
    « Sur le cérémonial et la réception de Monsieur de La Closure, résident du roi à Genève. Le Dépôt, 17 mars 1750 ». AMAE, M. D., Genève, vol. 1, f° 237.
  • [50]
    Anastazja Winiger-Labuda, « L’hôtel du résident de France, Grand-Rue 11 », dans Les Monuments d’art et d’histoire du canton de Genève, t. IV, Genève, espaces et édifices publics, dir. Isabelle Brunier, Berne, Société d’histoire de l’art en Suisse, 2016, p. 136-155.
  • [51]
    Christopher Pollmann, « Pouvoir spatial, pouvoir horloger, pouvoir de classification. La frontière – un mode de régulation “moderne”, mais aujourd’hui mis en cause ? », dans Frontières et espaces frontaliers du Léman à la Meuse : recompositions et échanges de 1789 à 1814, dir. Claude Mazauric et Jean-Paul Rothiot, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2007, p. 9.
  • [52]
    Michel Foucault, Sécurité, territoire, population : cours au Collège de France, 1977-1978, Paris, Gallimard/Seuil, 2004.
  • [53]
    Delespine de Chateauneuf à Dumouriez, Genève, 16 mai 1792. AMAE, C. P., Genève, vol. 98, f° 48.
  • [54]
    Fabrice Brandli, Le Nain et le Géant, op. cit., p. 101-105. Il faut attendre 1782 et l’établissement de la résidence de Sardaigne pour que ce monopole soit battu en brèche. Il s’explique surtout par la grande répugnance des Genevois à permettre la multiplication des chapelles catholiques liées aux légations et, dans une moindre mesure, leur crainte des querelles de préséance, plus particulièrement en période de guerre. Ce qui n’empêche pas la république d’accueillir des représentants officieux des principales puissances de l’Europe protestante à la faveur d’une diplomatie de l’ombre parfois liée aux réseaux bancaires. Herbert Lüthy, La Banque protestante en France, de la Révocation de l’Édit de Nantes à la Révolution [1953], Paris, Éditions EHESS, 1998, 3 vol.
  • [55]
    Sur les rapports entre normes et pratiques que suggère cette articulation, lire Simona Cerutti, « Normes et pratiques ou de la légitimité de leur opposition », dans Les Formes de l’expérience : une autre histoire sociale, dir. Bernard Lepetit, Paris, Albin Michel, 1995, p. 127-149.
  • [56]
    AEG, Ms Hist. 110, Affaires étrangères 7, « Livre des cérémonies », 10-28 mai 1704, p. 10-12.
  • [57]
    A.D. Francis, « John Methuen and the Anglo-Portuguese Treaties of 1703 », The Historical Journal, 1960/2, p. 103-124.
  • [58]
    Sur la distinction entre ces deux forces armées dans la république de Genève, lire Marco Cicchini, La Police de la République : l’ordre public à Genève au xviiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 197-217.
  • [59]
    AEG, Ms Hist. 110, Affaires étrangères 7, « Livre des cérémonies », 10-28 mai 1704, p. 12.
  • [60]
    Ernest Naef, « Les exercices militaires à Genève », Geneva, n° 11, 1933, p. 110-136.
  • [61]
    Pierre-Michel Hennin à Étienne de Marivetz, Turin, 20 septembre 1758. Bibliothèque de l’Institut de France, Ms. 1296, f° 352. Loin de l’archétype suggéré par Hennin, l’usage des carrosses chez les Genevois les plus privilégiés, peu respectueux des restrictions somptuaires, est documenté par Corinne Walker, « Les pratiques de la richesse. Riches Genevois au xviiie siècle », dans Être riche au siècle de Voltaire, dir. Jacques Berchtold et Michel Porret, Genève, Droz, 1996, p. 147 sq.
  • [62]
    Daniel Roche, La Culture équestre de l’Occident, xvie-xixe siècle : l’ombre du cheval, t. 1, Le Cheval moteur : essai sur l’utilité équestre, Paris, Fayard, 2008, p. 364 et 366.
  • [63]
    João Castel-Branco Pereira, « Les entrées publiques des ambassadeurs portugais aux xviie et xviiie siècles », dans Voitures, chevaux et attelages du xvie au xixe siècle, dir. Daniel Roche et Daniel Reytier, Paris, Association pour l’académie d’art équestre de Versailles/Établissement public du musée et du domaine national de Versailles, 2000, p. 171-181.
  • [64]
    Alexandre Tessier, « Des carrosses qui en cachent d’autres. Retour sur certains incidents qui marquèrent l’ambassade de Lord Denzil Holles à Paris, de 1663 à 1666 », dans L’Incident diplomatique, xvie-xviiie siècle, dir. Lucien Bély et Géraud Poumarède, Paris, A. Pedone, 2010, p. 197-240. Lire également L. Bély, Espions et ambassadeurs, op. cit., p. 380-381 et 689-692 au sujet des équipages et des entrées publiques des ambassadeurs. Plus récemment, Jan Hennings et Tracey A. Sowerby ont évoqué la fonction diplomatique du carrosse lorsqu’il fait l’objet d’un don entre souverains, dans Practices of Diplomacy, op. cit., p. 1-2.
  • [65]
    Jean-Robert Pitte, Gastronomie française : histoire et géographie d’une passion, Paris, Fayard, 1991, p. 73-85.
  • [66]
    Michel Figeac, Châteaux et vie quotidienne de la noblesse, de la Renaissance à la douceur des Lumières, Paris, Armand Colin, 2006, p. 301-303. Id., La Douceur des Lumières : noblesse et art de vivre en Guyenne au xviiie siècle, Mollat, Bordeaux, 2001, p. 155-169. Pour une perspective d’ensemble sur la période, lire Histoire de l’alimentation, dir. Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari, Paris, Fayard, 1996, p. 549-715.
  • [67]
    AEG, RC 239, 27 juin 1739, p. 287.
  • [68]
    Les femmes ne sont pourtant pas toujours étrangères à la négociation, loin s’en faut, même si c’est le plus souvent hors des contraintes cérémonielles comme l’a rappelé Guillaume Hanotin, « Femmes et négociations diplomatiques entre France et Espagne au xviiie siècle », Genre & Histoire, 12-13, printemps-automne 2013. Lire également Das Geschlecht der Diplomatie : Geschlechterrollen in den Aussenbeziehungen vom Spätmittelalter bis zum 20. Jahrhundert, dir. Corina Bastian, Eva Kathrin Dade, Hillard von Thiessen et Christian Windler (dir.), Wien, Böhlau, 2014. Dans la même perspective, lire Eva Kathrin Dade, Madame de Pompadour : die Mätresse und die Diplomatie, Wien, Böhlau, 2010, et Corina Bastian, Verhandeln in Briefen : Frauen in der höfischen Diplomatie des frühen 18. Jahrhunderts, Wien, Böhlau, 2013.
  • [69]
    AMAE, C. P., Genève, vol. 68, 27 septembre 1760, f° 395.
  • [70]
    AEG, Finances P 73, « Compte de la dépense faite pour le repas donné à Monsieur le Résident le 2 juillet 1739 ».
  • [71]
    AEG Finances P 73, « Comptes et quittances 1739-1740 », « Compte des ouvriers qui ont travaillé à la Maison de ville à l’occasion du repas donné à Monsieur le résident ».
  • [72]
    F. de Callières, De la manière de négocier, op. cit., p. 189.
  • [73]
    Le Verre et le Vin, de la cave à la table, du xviie siècle à nos jours, dir. Christophe Bouneau et Michel Figeac, Pessac, Maison des Sciences de l’homme d’Aquitaine, 2007.
  • [74]
    Gilbert Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin [1995], Paris, Larousse, 2005, p. 651-652. À titre de comparaison, le choix s’amplifie dans la seconde moitié du siècle, en semblant abandonner le vin suisse.
  • [75]
    Quoiqu’on le retrouve dans l’inventaire de 1793 de la cave du château du duc d’Aiguillon (pour les domestiques ?), le vin de Genève jouit d’une piètre réputation surtout en ce qu’il supporterait mal le vieillissement. M. Figeac, La Douceur des Lumières, op. cit., p. 165 ; Dominique Zumkeller, Le Paysan et la terre : agriculture et structure agraire à Genève au xviiie siècle, Genève, Passé Présent, 1992, p. 194-195.
  • [76]
    À titre de comparaison, une plus grande diversité s’impose dans la seconde moitié du siècle, apparemment aux dépens du vin suisse. Pour le dîner de réception du résident Hennin, en février 1766, on trouve du Bourgogne (24 bouteilles), du vin de Mâcon (34), de Corse (25), du Beaujolais (20), du Champagne (18), des bouteilles de Malaga (6), six bouteilles de « Pakares » (Pajares ?), dix bouteilles de « Gaill[ac] » (?), six bouteilles d’eau cordiale et trois de crème des Barbades (liqueur à base de cédrat, d’orange, d’écorce de noix de muscade, de cannelle et de clou de girofle), soit 152 bouteilles au total. AEG, PH 4898bis, « Note des dépenses pour le dîner donné à M. Hennin, résident de France ».
  • [77]
    La plupart de ces recettes sont détaillées dans La Cuisinière bourgeoise (1746) de Menon.
  • [78]
    David Hiler, « Permanences et innovations alimentaires : l’évolution de la consommation des Genevois pendant le xviiie siècle », Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de Genève, n° 18, première livraison, 1984, p. 31.
  • [79]
    AEG, Finance P 73, « Du 1er juillet 1739. Monsieur le trésorier […] doit à Guainier frères & sœurs » et « Du 2 juillet 1739. Messieurs de la Chambre des comptes, dû à Puech & Fabre ».
  • [80]
    D. Hiler, « Permanences et innovations alimentaires », art. cité, p. 27.
  • [81]
    AEG, Finances P 73, « Comptes et quittances 1739-1740 », « Monsieur le trésorier doit à Sestié, boulanger, pour le pain fait exprès pour le repas fait à la Maison de ville le 2 juillet à l’occasion de Monsieur le résident… ».
  • [82]
    D. Hiler, « Permanences et innovations alimentaires », art. cité, p. 27-31; Laurence Widmer, Pain quotidien et pain de disette : meuniers, boulangers et État nourricier à Genève (xviie-xviiie siècles), Genève, Passé Présent, 1993.
  • [83]
    L’Économie genevoise, de la Réforme à la fin de l’Ancien Régime xvie-xviiie siècles, dir. Anne-Marie Piuz et Liliane Mottu-Weber, Genève, Georg, 1990, p. 342-343 ; P. Meyzie, L’Alimentation en Europe, op. cit., p. 115-116.
  • [84]
    Corinne Walker, « Les lois somptuaires ou le rêve de l’ordre social. Évolution et enjeux de la politique somptuaire à Genève (xvie-xviiie siècles) », Équinoxe, n° 11, 1994, p. 89-95.
  • [85]
    Alain Caillé, Anthropologie du don [2 000], Paris, La Découverte, 2007.
  • [86]
    Le prix peut considérablement augmenter, jusqu’à près de 60 florins la truite, si l’on ajoute les frais de port du poisson destiné aux capitales étrangères, C. D. Barambon, Les Lettres de la République , op. cit., p. 94.
  • [87]
    Marc-Théodore Bourrit, Itinéraire de Genève, Lausanne et Chamouni, Genève, 1791, p. 143.
  • [88]
    Pierre-Michel Hennin au duc de Praslin, Genève, 30 décembre 1765. AMAE, C. P., Genève, vol. 70, f° 505.
  • [89]
    M. de La Lande au duc de Praslin, Genève, 10 septembre 1765. AMAE, C. P., vol. 70, f° 349.
  • [90]
    M. de La Lande au duc de Praslin, Genève, 10 et 12 septembre 1765. AMAE, C. P., Genève, vol. 70, f° 349-351.
  • [91]
    Selon Bernard Gagnebin, il s’agirait de P. A. La Lande, auteur d’une Histoire de l’empereur Charles VI, parue en 1743 à La Haye. Voltaire, Lettres inédites à son imprimeur Gabriel Cramer, éd. Bernard Gagnebin, Genève, Droz, 1952, p. 44, n. 1.
  • [92]
    Notamment Madeleine-Angélique de Montmorency-Luxembourg (†1775) et Charles-Angélique de Courbon-Blénac (†1770), le même qui demeure au chevet de la baronne de Montpéroux le jour des obsèques du résident. Eugène-Louis Dumont, Histoire du Grand-Saconnex, Genève, Georg, p. 49-55.
  • [93]
    Giandomenico Almoro Tiepolo, en poste à Paris, est à peine muté à Vienne lorsqu’il tombe gravement malade. La Correspondance littéraire du 1er juin 1765 assure qu’il aurait succombé de chagrin après la disparition de la femme qu’il aimait. Lorsqu’il arrive à Genève, Tiepolo est confié aux bons soins de Tronchin grâce à Voltaire, qui évoque à plusieurs reprises la maladie de l’ambassadeur dans sa correspondance. Correspondance littéraire, philosophique et critique... par le baron de Grimm et par Diderot, 1e partie, Paris, Longchamps/F. Buisson, 1813, 6 vol., t. IV, p. 463 ; Voltaire, Correspondance, éd. Théodore Besterman, Paris, Gallimard, 1978-1993, 13 vol., t. VII, p. 812, 815 et 818-819 ;
  • [94]
    François Lebrun, « Les Réformes : dévotions communautaires et piété personnelle », dans Histoire de la vie privée, dir. Philippe Ariès et Georges Duby, t. 3, De la Renaissance aux Lumières, Paris, Seuil, 1986, p. 88-89 ; Michel Vovelle, Piété baroque et déchristianisation en Provence au xviiie siècle, Paris, Seuil, 1978, p. 85-107 ; Philippe Ariès, L’Homme devant la mort, Paris, Le Seuil, 1977, p. 164-178 et 317-346.
  • [95]
    AEG, RC 265, p. 417.
  • [96]
    Max Engammare, « L’inhumation de Calvin et des pasteurs genevois de 1540 à 1620. Un dépouillement très prophétique et une pompe funèbre protestante qui se met en place », dans Les Funérailles à la Renaissance, dir. Jean Balsamo, Genève, Droz, 2002, p. 271-293.
  • [97]
    Christian Windler, La Diplomatie comme expérience de l’Autre, op. cit.
  • [98]
    Edward H. Carr, The Twenty Year’s Crisis, 1919-1939, Londres, 1946, p. 109 [notre traduction].
  • [99]
    Pierre-Yves Beaurepaire, Le Mythe de l’Europe française au xviiie siècle : diplomatie, culture et sociabilités au temps des Lumières, Paris, Autrement, 2007 ; Bjørn Schiermer, « La raison sensible et ses limites : le bon goût, le mauvais goût et le sans goût », Sociétés. Revue des sciences humaines et sociales, 2012/4, p. 117-127.
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