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Article de revue

Reconstruire après une catastrophe : la Nouvelle-Orléans après l'ouragan Katrina et les villes européennes après les bombardements

Pages 95 à 120

Notes

  • [1]
    Note de l’auteur : une version antérieure de cet article a été publiée dans le Journal of Urban Design (revue universitaire consacrée à la planification urbaine), vol. 14, 3/2009. Tout ce qui en est reproduit ici l’est avec la permission de la revue et du Taylor & Francis Group. Note de la traductrice (Géraldine Deries) : j’ai laissé les citations originales en anglais en fournissant leur traduction dans le texte, et conservé les noms américains des institutions mentionnées, sauf lorsque leur nom français est courant. En revanche, les noms anglais d’institutions allemandes ou hollandaises ont été restitués dans leur langue d’origine.
  • [2]
    Brookings Institution Metropolitan Policy Program, « New Orleans after the Storm : Lessons from the Past, a Plan for the Future » (octobre 2005), p. 13-14.
  • [3]
    Christine Rosen, The Limits of Power : Great Fires and the Process of City Growth in America, New York, Cambridge University Press, 1986.
  • [4]
    Les tempêtes de feu de sinistre mémoire qui dévastèrent Hambourg et Dresde firent environ 35 000 victimes dans chaque ville. Quelque 91 500 personnes périrent à Tokyo sous les bombes incendiaires. Les bombes atomiques tuèrent 78 000 personnes à Hiroshima et 74 000 à Nagasaki.
  • [5]
    Il y a eu, tout au long de la Deuxième Guerre mondiale, un gros risque de destruction massive par inondations. Les Anglais tentèrent de bombarder les barrages de la vallée du Ruhr, ce qui aurait inondé d’importantes villes industrielles allemandes.
  • [6]
    C. Warner, The Times-Picayune, 28 décembre 2005.
  • [7]
    Le 21 avril 2006, lors de la conférence tenue ce jour-là sur le plan Marshall au National D-Day Museum (Musée national du Jour-J), le directeur du musée Gordon Mueller affirma : We’re still waiting for our George Marshall [ « Nous attendons toujours notre George Marshall »]. Thomas Schwartz et moi-même arguèrent tous deux que le cas du plan Marshall ne s’appliquait que de façon limitée au cas en question.
  • [8]
    C. Warner, « History Lesson », The Times-Picayune, 22 avril 2006 ; G. Bischof, « Lessons from the Past : Postwar German and European Reconstruction and the Rebuilding of Post-Katrina New Orleans and the Gulf Coast » (2006), <http://hnn.us/articles/24357.html>.
  • [9]
    Peter Larkham et Keith Lilley ont identifié plus de 130 villes en Grande Bretagne qui élaborèrent des plans de reconstruction ; un grand nombre de celles-ci n’avaient subi aucun bombardement. Les urbanistes dans ces villes espéraient se joindre à un effort national de réforme urbaine au moyen de la reconstruction. Peter Larkham et Keith Lilley, Planning the “City of Tomorrow” : British Reconstruction Planning, 1939-1952 : an Annotated Bibliography, Pickering, Inch’s Book, 2001.
  • [10]
    Brookings Institution Metropolitan Policy Program, « New Orleans after the Storm... », art. cit., p. 2.
  • [11]
    The Times-Picayune, 8 décembre 2006.
  • [12]
    Il a tort, bien sûr. La Nouvelle-Orléans n’est pas Dresde. Les dégâts infligés à Dresde résultaient d’explosions et d’incendies, pas d’inondations. La concentration des dommages était également différente, le centre historique de Dresde ayant le plus souffert alors que les banlieues extérieures restaient pour l’essentiel épargnées, cas inverse de celui de La Nouvelle-Orléans. Le régime de la République Démocratique d’Allemagne reconstruisit en effet quelques bâtiments historiques à Dresde mais en démolit bien d’autres, car il avait pour objectif de construire une ville socialiste moderne telle qu’il l’imaginait. Ce n’est que dans les années 1990, cinquante ans après la guerre, qu’un effort pour recréer une grande partie du centre historique de la ville fut lancé.
  • [13]
    Pour ce qui concerne la reconstruction de l’Allemagne d’après-guerre, voir : Jeffry Diefendorf, In the Wake of War. The Reconstruction of German Cities after World War II, New York, Oxford University Press, 1993 ; Werner Durth et Niels Gutschow, Träume in Trümmern. Planungen zum Wiederaufbau zerstörter Städte im Westen Deutschlands 1940-1950, Braunschweig/Wiesbaden, Vieweg & Sohn, 1988, 2 vol. ; Klaus von Beyme, Der Wiederaufbau. Architektur und Städtebaupolitk in beiden deutschen Staaten, München/Zürich, Piper, 1987 ; Klaus von Beyme, Werner Durth, Niels Gutschow, Winfried Nerdinger et Thomas Topfstedt (dir.), Neue Städte aus Ruinen : deutscher Städtebau der Nachkriegszeit, München, Prestel, 1992.
  • [14]
    Michael J. Hogan, The Marshall Plan : America, Britain, and the Reconstruction of Western Europe, 1947-1952, Cambridge, Cambridge University Press, 1987 ; Charles S. Maier et Günter Bischof (dir.), The Marshall Plan and Germany : West German Development within the Framework of the European Recovery Program, New York/Oxford, Berg, 1991.
  • [15]
    J. Diefendorf, In the Wake of War, op. cit., p. 143-144.
  • [16]
    Michael L. Hughes, Shouldering the Burden of Defeat : West Germany and the Reconstruction of Social Justice, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1999.
  • [17]
    Pour une comparaison intéressante du logement social à La Nouvelle-Orléans et à Vienne, voir Elisabeth Springler, « How to Reach the Goal of Affordable Housing ? Vienna vs. New Orleans », présentation du 3 mars 2009 au Center For Austrian Culture and Commerce, University of New Orleans. Disponible sur le site internet <http://www.centeraustria.org>.
  • [18]
    Martin Heintel, « The city is fighting to come-back », Raum-Dossier 66, 47-8, 2007.
  • [19]
    Jed Horne, Breach of Faith : Hurricane Katrina and the Near Death of a Great American City, New York, Random House, 2006 ; June Cross, « The Old Man and the Storm », Frontline, National Public Television, diffusé sur WGBH Boston le 6 janvier 2009.
  • [20]
    The Road Home, 23 janvier 2009. La page d’accueil de l’organisation est à l’adresse suivante : <http://www.road2la.org>
  • [21]
    ICF International, « Overview of the Road Home Program » (11 janvier 2009). Trouvé en 2009 à l’adresse suivante : <http://icfi.com/markets/community_development/road-home-faqs.asp>
  • [22]
    Institution majeure de génie civil rattachée à l’armée.
  • [23]
    Les propriétaires avaient aussi acquis beaucoup d’expérience pendant la guerre, concernant le déblaiement des ruines et la réparation de leurs bâtiments, dont certains furent bombardés et réparés plusieurs fois. Ils ont bien entendu cherché à utiliser cette expérience à la fin de la guerre, sans attendre de permis de la part des autorités locales.
  • [24]
    Jeffry Diefendorf, « Wartime Destruction and the Postwar Cityscape », dans War and the Environment : Military Destruction in the Modern Age, dir. Charles E. Closmann, College Station, Texas A & M University Press, 2009.
  • [25]
    Chester Hartman et Gregory D. Squires (dir.), There is No Such Thing as a Natural Disaster : Race, Class, and Hurricane Katrina, New York, Routledge, 2006.
  • [26]
    Brookings Institution Metropolitan Policy Program, « New Orleans after the Storm... », art. cit. ; Richard Campanella, « An Ethnic Geography of New Orleans », dans Through the Eye of Katrina : The Past as Prologue ?, numéro spécial de The Journal of American History, 2007, vol. 94, n° 3, p. 704-715 ; Elizabeth Fussell, « Constructing New Orleans, Constructing Race : A Population History of New Orleans », dans ibid., p. 846-855.
  • [27]
    Carol M. Reese et Jane Wolff, « Ecological Crisis and the Modernist Residential Landscape : Pontchartrain Park, New Orleans, Louisiana », dans Dirk van den Heuvel et al. (dir), The Challenge of Change : Dealing with the Legacy of the Modern Movement (Proceedings of the 10th International DOCOMOMO Conference), Amsterdam, IOS Press, 2008.
  • [28]
    La Nouvelle-Orléans est divisée en 17 wards qui ont une forte identité de quartier ; le 9e est lui-même divisé en deux dont le Lower Ninth proche du fleuve (note de la traductrice).
  • [29]
    Kent B. Germany, « The Politics of Poverty and History : Racial Inequality and the Long Prelude to Katrina », dans Through the Eye of Katrina, op. cit., p. 743-751 ; Arnold R. Hirsch, « Fade to Black : Hurricane Katrina and the Disappearance of Creole New Orleans », dans ibid., p. 752-761.
  • [30]
    Alecia P. Long, « Poverty Is the New Prostitution : Race, Poverty and Public Housing in Post-Katrina New Orleans », dans ibid., p. 795-803.
  • [31]
    Ainsi Rudolf Hillebrecht est passé de Hambourg à Hanovre, Friedrich Tamms de Lübeck à Düsseldorf, et Rudolf Schwarz de l’Alsace à Cologne.
  • [32]
    Werner Durth, Deutsche Architekten. Biographische Verflectungen 1900-1970, Braunschweig et Wiesbaden, Friedrich Vieweg & Sohn, 1986.
  • [33]
    Kenneth R. Foster et Robert Giegengack, « Planning for a City on the Brink », dans On Risk and Disaster : Lessons from Hurricane Katrina, dir. Ronald J. Daniels, Donald F. Kettl et Howard Kunreuther, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2006, p. 55.
  • [34]
    T.M. Kusky, « Time to move to higher ground », Boston Sunday Globe, D12, 25 septembre 2005 ; L. Vale, « Rebuild or relocate ? », Boston Sunday Globe, D12, 25 septembre 2005.
  • [35]
    American Institute of Architects, 2005 : <http://archrecord.construction.com/news/katrina/rebuilding.asp> et <http://archrecord.construction.com/news/katrina/competition.asp>.
  • [36]
    American Planning Association’s New Orleans Planning Assessment Team, « Charting the Course for Rebuilding a Great American City : An Assessment of the Planning Function in Post-Katrina New Orleans » (novembre 2005).
  • [37]
    T. Sterling, « Architects meet in Rotterdam on New Orleans », Boston Globe, 19 février 2006.
  • [38]
    On Risk and Disaster, op. cit. ; Eugenie L. Birch et Susan M. Wachter (dir.), Rebuilding Urban Places after Disaster. Lessons from Hurricane Katrina, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2006.
  • [39]
    J.R. Logan, « The Impact of Katrina : Race and Class in Storm-Damaged Neighborhoods », une contribution au Katrina Project de la Spatial Structures in the Social Sciences Initiative (2006) : <http://www.s4.brown.edu/katrina/report.pdf> ; David L. Brunsma, David Overfelt et J. Steven Picou, The Sociology of Katrina : Perspectives on a Modern Catastrophe, Lanham (Md), Rowman and Littlefield, Lanham, 2008 ; Department of Architecture, University of Kansas (2007) : <http://7thwardbag.pbwiki.com>.
  • [40]
    J. Horne et B. Nee, « An Overview of Post-Katrina Planning in New Orleans » (2006) : http://www.bnee.com/wp-content/uploads/2006/10/An_Overview_of_the_Unified_New_Orleans_Planning_Process.pdf>, trouvé à l’adresse <http://www.nolaplans.com>.
  • [41]
    Urban Land Institute, « New Orleans, Louisiana. A Strategy for Rebuilding » (12-18 novembre 2005). Trouvé en 2008 à l’adresse suivante : http://www.uli.org/ResearchAndPublications/Reports/~/media/Documents/ResearchAndPublications/Reports/AdvisoryServicePanelReports/NewOrleans05%20pdf.ashx ; Bring New Orleans Back, « Action Plan for New Orleans : The New American City » (2006) : <http://bringneworleansback.org/> ; Jonathan Barnett et John Beckman, « Reconstructing New Orleans : A Progress Report », dans E.L. Birch et S.M. Wachter (dir.), Rebuilding Urban Places after Disaster, op. cit, p. 288 sq.
  • [42]
    American Society of Landscape Architects, communiqué de presse du 18 janvier 2006 : <www.asla.org/press/2005/pressrelease11806a.htm>.
  • [43]
    E.L. Glaeser, « A smaller New Orleans », Boston Globe, 1er février 2006.
  • [44]
    P. Lambert et S. Danzey, « District 8 » (2006). Présentations trouvées en 2008 sur <http://nolanrp.com/Data/Neighborhood//District_8_Presentations_Lower%209th%20Ward%20Summary%20Presented%20to%20City%20Council%2C%207.13.06.pdf>. Voir <http://www.nolaplans.com>
  • [45]
    P. Lambert et S. Danzey, « New Orleans Neighborhoods Rebuilding Plans » (2006). <http://nolanrp.com/index.php>
  • [46]
    J. Horne et B. Nee, « An Overview of Post-Katrina Planning... », art. cit.
  • [47]
    Edward Blakely, « A new New Orleans » (13 septembre 2005), sur le site On line opinion. Australia’s e-journal of social and political debate auquel l’accès s’obtenait en 2008 à l’adresse suivante : <http://www.onlineopinion.au/view.asp?article=186>
  • [48]
    Unified New Orleans Plan. <http://www.unifiedneworleansplan.com/home2/>. Voir <http://www.nolaplans.com>
  • [49]
    Ibid.
  • [50]
    Ibid., p. 3.34 et 3.36.
  • [51]
    R.W. Kates, C.E. Colten, S. Laska et S.P. Leatherman, « Reconstruction of New Orleans after Hurricane Katrina : A Research Perspective », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 103, n° 40, 3 octobre 2006, p. 14653-14660. trouvé à l’adresse http://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.0605726103.
  • [52]
    Unified New Orleans Plan, art. cit., chap. 1, introduction, p. 17.
  • [53]
    Ibid., chap. 3 ; Citywide Recovery Framework [Cadre de la reconstruction d’ensemble], p. 58 et 67.
  • [54]
    Unified New Orleans Plan, art. cit., chap. 1, introduction, p. 19.
  • [55]
    Unified New Orleans Plan. <http://willdoo-storage.com/Plans/D8/District_08_Lower9th_Chapter_04_Visions_Goals_
  • [56]
    Jed Horne, « Flawed solutions in New Orleans », Boston Globe, 7 juillet 2006 ; G. Russell et R. Russell, « Patchy progress plays out in N.O. », The Times-Picayune, 1er janvier 2007 ; A. Nossiter, « Largely Alone, Pioneers Reclaim New Orleans », New York Times, 5 juillet 2007.
  • [57]
    « The New Orleans Index : Tracking the Recovery of New Orleans & the Metro Area » (août 2008). Trouvé à l’adresse <http://www.brookings.edu/metro/katrina-reading-room.aspx>
  • [58]
    Lawrence N. Powell, « What does American History Tell Us about Katrina and Vice Versa ? », dans Through the Eye of Katrina, op. cit., p. 863-876, ici p. 873.
  • [59]
    Habitat for Humanity (2009), consultable à l’adresse suivante : <http://www.Habitat.org/gulfrecoveryeffort>.
  • [60]
    Le projet de Centre sur le jazz provient de Morphosis, un cabinet d’architectes de Santa Monica en Californie, et celui sur le parc sur les berges du fleuve de TEN Arquitectos, Hargreaves Associates, et Chan Krieger Sieniewicz. Morphosis tout comme Hargreaves Associates ont participé en février 2006 à la conférence sur l’architecture à Rotterdam organisée par l’Université de Tulane et l’Institut d’architecture des Pays-Bas.
  • [61]
    N. Ouroussoff, « Two Infusions of Vision to Bolster New Orleans », New York Times, 28 août 2007.
  • [62]
    June Manning Thomas, « Racial Inequality and Empowerment : Necessary Theoretical Constructs for Understanding U.S. Planning History », dans Making the Invisible Visible : A Multicultural Planning History, Leonnie Sandercock (dir.), Berkeley, University of California Press, 1998, p. 198-208, ici p. 202.
  • [63]
    L.N. Powell, « What does American History Tell Us... », art. cit., p. 873 ; Donald E. DeVore, « Water in Sacred Places : Rebuilding New Orleans Black Churches as Sites of Community Empowerment », dans Through the Eye of Katrina, op. cit., p. 762-769 ; Carl Deal et Tia Lessin, Trouble the Waters, film documentaire, 2008, 90 mn ; Laszlo Fulop et Marline Otte, The New Orleans Tea Party, film documentaire, 2009, 53 mn.

1 Les dégâts infligés à La Nouvelle-Orléans par l’ouragan Katrina furent parmi les pires jamais subis par une ville américaine. 44 % de la population de la région métropolitaine, qui compte environ 1,3 million d’habitants, habitait dans la zone inondée, et 86 % de cette population vivait dans un secteur qui subit des dommages sous une forme ou une autre. 41 % des entreprises de la région métropolitaine se trouvaient dans la zone submergée et 45 % pour cent des foyers ont été inondés [2]. Environ 1 500 personnes ont perdu la vie lors de la catastrophe. Quand les eaux se sont retirées, de vastes portions de la ville s’étaient quasiment vidées de leur population et se trouvaient sans électricité ni eau potable. Les transports publics ainsi que les autres services publics avaient cessé de fonctionner.

2 Il y a bien entendu eu d’autres catastrophes urbaines majeures aux États-Unis. Le grand incendie de Chicago en 1871 ne fit que de 200 à 300 victimes, mais près d’un tiers des 300 000 habitants perdirent leur foyer [3]. L’ouragan à Galveston en 1900 fit au moins 6 000 victimes et peut-être même 12 000, dans une ville de 42 000 habitants. Le tremblement de terre et l’incendie de San Francisco en 1906 firent 3 000 morts et laissèrent environ les trois-quarts des 410 000 habitants sans foyer. Des rapprochements entre ces catastrophes et celle causée par Katrina à La Nouvelle-Orléans ont déjà été effectués ; cependant il est tout aussi pertinent, pour un certain nombre de raisons, de comparer la reconstruction de La Nouvelle-Orléans après Katrina avec celle des villes détruites en Europe pendant la Deuxième Guerre mondiale.

3 En effet et en premier lieu, les destructions et les pertes en vies humaines furent aussi terribles, sinon pires, dans bien des villes européennes qu’à La Nouvelle-Orléans. Dans ce qui est devenu l’Allemagne de l’Ouest (République Fédérale d’Allemagne), où presque toutes les villes furent endommagées pendant la guerre, le degré de destruction pouvait varier, mais il était également considérable. Dans celles qui avaient eu une population de plus de 100 000 habitants avant la guerre, le taux de destruction des foyers et autres bâtiments atteignait environ 50 %. À Würzburg, il atteignait 89 %, à Hambourg 75 %. Environ 45 % de l’habitat du pays avait été totalement détruit ou très dégradé. De plus, les destructions avaient été en quelque sorte concentrées, en ceci que ce furent le plus souvent les centres urbains qui furent le plus touchés, les banlieues plus récentes se trouvant plus ou moins épargnées. En conséquence, l’impact des destructions différait selon les classes socio-économiques. Dans les villes allemandes, les quartiers d’habitation populaire, de densité élevée, aux habitations anciennes et souvent de qualité inférieure, subirent plus de dégâts que les maisons des classes moyennes, ce qui fut aussi le cas à La Nouvelle-Orléans, où il y eut plus de pertes dans les quartiers pauvres habités essentiellement par des Noirs, que dans les quartiers habités par les classes moyennes ou supérieures. De plus, à la fin de la guerre, les évacuations volontaires ou obligatoires laissaient les centres des villes bombardées relativement dépeuplés, de sorte que chaque campagne de bombardement individuelle ne faisait, étonnamment, que peu de victimes, à l’exception notable des cas de Hambourg et de Dresde. Ainsi, lors d’un bombardement de nuit à Cologne, effectué par mille bombardiers, ne périrent « que » 474 personnes [4]. Les mesures de défense civile comme les refuges anti-raid aérien et les mesures de lutte anti-incendie préservèrent un certain nombre de vies. Et de même qu’une bonne partie de la population menacée d’inondation à La Nouvelle-Orléans avait été évacuée, les évacuations, en Allemagne, en Grande Bretagne, et dans le nord de la France, avaient réduit la population présente dans les villes visées par les bombardements. Dans plusieurs villes japonaises pendant la guerre, les autorités détruisirent des maisons – peut-être au nombre de 600 000 – afin de créer de larges corridors coupe-feu dans ces villes à densité élevée construites essentiellement de bois.

4 Une deuxième raison permettant de comparer La Nouvelle-Orléans à l’Europe d’après-guerre concerne la fréquence avec laquelle la métaphore de la guerre est utilisée pour décrire le genre de destruction que subit la ville. Il est courant d’entendre victimes et témoins tâchant de décrire une catastrophe naturelle utiliser des images de guerre afin de stimuler l’imagination, en déclarant qu’une ville ou une rue dévastée a l’air d’avoir subi un bombardement. En réalité, que des structures de pierre, briques ou bois soient endommagées par des explosifs ou des bombes incendiaires, plutôt que par le vent, l’eau ou d’autres forces naturelles, a énormément d’importance, car la nature de l’agent de destruction détermine pour une large part le degré réel de dégradation ainsi que les possibilités de récupération [5]. Cependant, que l’analogie soit juste ou non, on trouve partout la rhétorique de la destruction occasionnée par la guerre. Pour des victimes traumatisées qui mesurent leurs pertes, la distinction entre désastres naturels et ravages de guerre peut paraître gratuite : des victimes coincées dans un grenier ou sur le toit d’une maison se voient dans une situation semblable à celle de victimes coincées sous des décombres ; le hurlement des vents lors d’un ouragan peut être aussi terrifiant que l’explosion des bombes.

5 En troisième lieu, depuis la Deuxième Guerre mondiale, la tâche de reconstruire postérieurement à un désastre fait immédiatement résonner le souvenir du plan Marshall, certainement le plan de reconstruction le plus connu de tous, qui vit les Américains donner généreusement de vastes sommes afin de permettre à leurs anciens alliés et ennemis de reconstruire leurs pays. Ainsi, le gouverneur de la Louisiane Kathleen Blanco, le membre du Conseil municipal de La Nouvelle-Orléans Jacquelyn Brechtel Clarkson, et les historiens Günther Bischof et Douglas Brinkley réclamèrent tous un « plan Marshall » pour les régions du Golfe du Mexique [6]. En un sens, cet appel constitue presque une demande de chèque en blanc de la part d’un gouvernement signant le plus rapidement possible pour un montant à déterminer par ceux qui ont subi des pertes lors de la catastrophe. Il ne faut pas dénier la signification et l’étendue du plan Marshall : vu le coût de la guerre en vies humaines et en ressources matérielles pour les États-Unis, la mise en œuvre de ce plan constitua une contribution énorme au monde d’après-guerre. Cependant, précisément parce que nombre de victimes de catastrophes attendent leur propre « plan Marshall », il est important de comprendre que ce dernier n’était pas, en réalité, un chèque en blanc, non plus d’ailleurs qu’il ne fut une source de financement majeure pour la reconstruction des villes détruites lors de la guerre [7]. La reconstruction fut financée de bien des façons, et la focalisation sur le plan Marshall et sur ce qu’il symbolise – le transfert d’argent – rend aveugle à bien d’autres comparaisons plus pertinentes à établir en ce qui concerne le financement des reconstructions après une catastrophe [8].

6 Quatrièmement, tant durant qu’après la Deuxième Guerre mondiale, citoyens, urbanistes, et politiques virent dans l’urgence de la reconstruction une chance de transformer ou d’améliorer des villes qui, avant le bombardement, souffraient de délabrement, d’encombrement et d’autres problèmes encore. La destruction fut souvent assimilée à une tabula rasa offrant l’occasion de transformer ces villes endommagées par la guerre et d’y appliquer les nouveaux principes d’excellence énoncés par les urbanistes et les architectes. Cette idée de construire des villes meilleures s’avéra d’ailleurs si puissante que bien des villes qui n’avaient pas souffert de la guerre cherchèrent à se joindre au processus de reconstruction [9]. Transformer la catastrophe en opportunité a aussi été un thème important à La Nouvelle-Orléans. Ainsi, un rapport intitulé New Orleans after the Storm : Lessons from the Past, a Plan for the Future [ « La Nouvelle-Orléans après la tempête : Leçons du passé, un plan pour l’avenir »], publié par la Brookings Institution en octobre 2005, affirme que New Orleans must be rebuilt, although emphatically not the way it was on the eve of Hurricane Katrina’s landfall [ « que La Nouvelle-Orléans doit être reconstruite, mais certainement pas sous la forme qu’elle avait à la veille de Katrina »] [10]. De même le Times-Picayune cita-t-il l’urbaniste Edward Blakely, lorsqu’il fut nommé à la tête de l’effort de reconstruction à La Nouvelle-Orléans, disant : I was too young to help resurrect Dresden or Berlin after the war, [...] but that’s what we’re talking about here [ « J’étais trop jeune pour contribuer à la résurrection de Dresde ou Berlin après la guerre, [...] mais c’est bien de cela qu’il s’agit ici »]. L’article poursuit : Blakely nonetheless believes that, like those reduced-to-rubble German cities, New Orleans will be reborn as less vulnerable to disaster. But that will require resisting the temptation to merely restore what was lost, rather than to rebuild smarter and better[11] [ « Blakely croit cependant que, comme ces villes allemandes réduites en poussière, La Nouvelle-Orléans renaîtra sous une forme moins vulnérable aux catastrophes. Mais cela exigera de résister à la tentation d’une simple restauration à l’identique, au lieu d’une reconstruction maligne et bénéfique [12]. »]

7 En réalité, les villes bombardées d’Europe ne constituaient pas des terrains vierges susceptibles de reconstructions idéales, non plus que le plan Marshall ne fournit-il un chèque en blanc américain destiné à les financer. Dans ces domaines comme dans d’autres, comprendre les reconstructions postérieures à la guerre et les comparer à la situation de La Nouvelle-Orléans après Katrina peut aider, tant les chercheurs que les hommes de terrain, à mieux prendre la mesure des défis attenants à la reconstruction de la Crescent City (la ville « croissant », d’après la forme du méandre du Mississippi qui la traverse) [13].

8 Dans cet article, je veux explorer plus en détail trois points particuliers : les différents modes de financement des reconstructions, les types de propositions que génèrent les projets de reconstruction, et enfin la nature du processus de planification urbaine de la reconstruction. Pour chacun d’entre eux, comparer les reconstructions d’après-guerre et le travail en cours de reconstruction à La Nouvelle-Orléans peut améliorer notre compréhension de la tâche qui incombe à la Crescent City du Mississippi.

Financer la reconstruction

9 La guerre en Europe prit fin début mai 1945. George Marshall, Secretary of State, prononça son célèbre discours à la cérémonie de fin d’études de Harvard du printemps 1947 [14]. Il fallut des mois avant que son projet finisse d’être étudié et finalement voté par le Congrès américain. Il fallut ensuite mettre en place l’administration chargée de gérer le plan, et obtenir des partenaires européens qu’ils se plient à ses conditions. Les fonds du plan Marshall ne commencèrent donc à affluer réellement que vers la fin de 1948, et une bonne partie de l’argent ne fut transférée que de quatre à sept ans après la fin de la guerre. La reconstruction urbaine était alors déjà bien entamée. De plus, le plan ne fut pas conçu comme un cadeau offert sans conditions, par pur altruisme. Il s’agissait d’un système de prêts qui n’étaient d’ailleurs pas destinés à reconstruire les villes détruites par les bombardements, mais plutôt à permettre aux Européens d’acheter des biens de consommation essentiels – par exemple des biens de consommation alimentaire – au seul fournisseur disponible – les États-Unis. Ce n’est que bien plus tard que ces emprunts, non remboursés, furent annulés, l’argent allant dans certains cas dans des banques de reconstruction fondées à cet effet, qui les conservent encore aujourd’hui, à titre de fonds de roulement – dans le cas de l’Allemagne, ces fonds ont servi à la reconstruction des territoires de l’ex-Allemagne de l’Est après la réunification de 1990. De plus, une des conditions imposées aux participants au plan Marshall était d’accepter le système du marché capitaliste, ce dernier point constituant une restriction importante à la souveraineté nationale des États qui acceptèrent l’aide du plan.

10 Ces conditions ont aidé à construire des modèles administratifs qui finirent par mener au Marché commun, et l’aide apportée par le plan Marshall contribua à empêcher un effondrement économique qui aurait pu radicaliser la population de l’Europe de l’Ouest. Ce sont des réussites considérables, mais elles n’ont pas grand-chose à voir avec la reconstruction des villes en tant que telle. En Allemagne, toutes les villes endommagées par les bombardements réclamèrent des fonds pour payer leur reconstruction matérielle, d’abord aux forces d’occupation puis aux nouveaux gouvernements du pays, que ce soit ceux des États ou celui de la fédération. Cela dit, au-delà du financement de l’achat de nourriture, vêtements et autres biens vitaux, les fonds du plan Marshall ont effectivement aidé à reconstruire les réseaux ferroviaires et électriques ainsi que l’industrie du charbon. En libérant les prêteurs européens – publics ou privés – de ces charges, ils ont permis à ces derniers de consacrer davantage d’argent à la reconstruction des villes, ce qui peut être envisagé comme une aide indirecte. Mais il faut attendre 1951 pour voir le plan Marshall servir à financer des projets résidentiels modèles dans quinze villes allemandes, mais, parmi celles-ci, seule Brême avait été endommagée par la guerre proprement dite. Entre 1950 et 1952, le plan Marshall fournit environ 5 % des fonds alloués à la construction résidentielle, et seuls 1,63 % du total investi dans la construction résidentielle en Allemagne entre 1950 et 1954 provenait du plan [15].

11 Les Allemands furent obligés d’innover afin de financer la reconstruction. Les petits propriétaires empruntèrent à des membres de leur famille dont la propriété n’était pas endommagée. Les villes trouvèrent les moyens de faire participer non seulement les propriétaires mais aussi les locataires dans les prises de décision et la recherche de moyens de financement. Dans certaines villes, les locataires contribuèrent au coût des reconstructions en échange de baux à très long terme à loyers très bas, un mécanisme proche d’une quasi-appropriation du bien reconstruit. Un autre mécanisme important qui permit de trouver des fonds fut celui des impôts de péréquation des charges (die Lastenausgleichsleistung), qui faisaient payer aux propriétaires de biens intacts des impôts destinés à reconstruire les biens endommagés. En Allemagne les conditions de pauvreté pendant et après la guerre semblent avoir supprimé, au moins de façon temporaire, les anciens conflits de classe ou de région, si bien que les gens étaient prêts à admettre que ce principe de péréquation était juste [16]. L’un des résultats de cette politique fut la construction à grande échelle de logements dit sociaux, appartements subventionnés habités par les classes ouvrières ou moyennes, particulièrement affectées par la crise du logement après-guerre [17].

12 En somme, comme modèle pour la reconstruction de La Nouvelle-Orléans, le plan Marshall présente bien des limites. L’expérience des années d’après-guerre suggère que l’allocation et la distribution d’aide fédérale prennent beaucoup de temps et qu’il vaut peut-être mieux l’employer pour de grands projets d’infrastructure plutôt que pour la reconstruction de logements et entreprises individuels. Que les donataires surveillent l’emploi de leurs dons est normal. Il n’y a aucune raison de penser que la simple survenue d’une catastrophe permette d’obtenir facilement que les dirigeants de chaque quartier, paroisse, ville, État ou agence fédérale se mettent d’accord et travaillent de manière rapide, efficace et concertée à la distribution de grosses sommes d’argent [18]. Cela ne fut certainement pas le cas dans l’Europe d’après-guerre. Si ce précédent contient un enseignement pour la situation présente, c’est que compter sur et faire appel à une aide fédérale massive sous forme d’un plan Marshall américain pour La Nouvelle-Orléans a détourné l’attention de ce qui pouvait se faire par le biais tant des bureaux d’urbanisme locaux, que des initiatives spontanées des citoyens. Ces deux intermédiaires se révélèrent cruciaux pour la reconstruction après 1945, et aucun des deux n’avait besoin de sources de financement hors de la communauté.

13 Le gouvernement fédéral a été considérablement critiqué pour la lenteur de l’aide apportée aux victimes de Katrina, et il est certain que tant l’exécutif que le législatif aurait pu agir plus rapidement, équitablement, et efficacement [19]. La tâche, cependant, était énorme et complexe. L’État de Louisiane inaugura le Road Home Program [Programme de retour à la maison] en février 2006 afin de soutenir la reconstruction du bâti résidentiel. Un financement fédéral fut voté en juillet 2006 ; entre juillet 2006 et janvier 2009, trois ans et cinq mois après l’ouragan, plus de 7,6 milliards de dollars furent distribués à environ 121 000 demandeurs, l’aide moyenne accordée étant de 63 061 dollars [20]. ICF International, gros cabinet de consultants dont le siège est à Fairfax, en Virginie, fut chargée de gérer le programme, Donald Powell en étant le coordinateur au niveau fédéral et Sean Reilly le représentant de la Louisiana Recovery Authority (LRA) [Administration pour la reconstruction de la Louisiane]. Sensible aux critiques et aux plaintes, ICF a fait remarquer qu’elle avait embauché 2 000 personnes, mis au point des procédures administratives, et créé des centres de traitement des demandes tout au long de la côte du Golfe afin d’analyser les demandes d’aide équitablement et sans fraude [21]. Le plan Marshall, tout au moins en ce qui concerne les délais, n’a pas fait mieux.

14 Road Home n’a pas été le seul moyen de financement des reconstructions. Un certain nombre de propriétaires obtinrent des indemnités au titre de leur police d’assurance. La LRA mit en place un Louisiana Small Rental Program [Programme de soutien aux bas loyers] qui a essayé, avec un succès mitigé, d’aider les petits propriétaires. Des crédits d’impôts fédéraux furent votés pour soutenir la reconstruction et la rénovation de bâtiments historiques. La Federal Emergency Management Authority (FEMA) [Agence fédérale chargée de la gestion des situations d’urgence] fournit des fonds pour reconstruire l’infrastructure de la ville. Le Army Corps of Engineers [Corps des ingénieurs de l’armée américaine [22]] prit en charge la reconstruction et l’amélioration du réseau de digues. Il reste beaucoup à faire, et il faudra bien de l’imagination à tous les participants pour trouver les financements nécessaires afin d’aller de l’avant.

Concevoir et planifier la création d’une nouvelle ville améliorée

15 Même si la reconstruction n’a commencé en Allemagne qu’après la fin de la guerre, les villes avaient une expérience très riche en matière de planification urbaine. Pendant la guerre déjà, citoyens isolés, bureaux d’urbanisme municipaux et gouvernementaux avaient mis en place des procédures pour inventorier les dégâts, dégager les décombres, et même reconstruire [23]. Pour ce faire, ils s’inspirèrent de propositions antérieures à la guerre, visant à construire des villes-jardins – vision moderniste du Congrès international d’architecture moderne (CIAM) –, ainsi que de projets nazis visant à redessiner la plupart des grandes villes afin qu’elles reflètent les idéaux du national-socialisme. Ainsi ces projets de reconstruction pouvaient incorporer des idées concernant le zonage, les ceintures de verdure et les parcs, les grands ensembles résidentiels ou les tours, la nécessité de percer des rues pour accueillir le trafic automobile croissant, la revitalisation de quartiers de 5 000 à 10 000 habitants, et le besoin d’axes et de bâtiments monumentaux pour former ou ancrer l’identité d’une ville. Il y avait aussi des idées sur la façon de réduire les conséquences de raids aériens futurs, comme celle de construire de larges avenues bien droites qui faciliteraient tant l’évacuation que la lutte anti-incendie [24]. L’architecture et l’urbanisme n’étaient pas alors considérés comme des professions différentes. Les urbanistes professionnels se voyaient comment pratiquant le Städtebau ou « la construction de villes », quelque chose qui combinait l’urbanisme tridimensionnel et l’ingénierie sociale.

16 Du fait de la destruction de bien des quartiers de centre-ville à forte densité d’habitation, et du déplacement de grandes parties de la population à la campagne afin d’échapper aux bombardements, il était possible d’envisager la reconstruction comme une forme d’ingénierie sociale qui verrait bien le retour des citoyens pour vivre et travailler dans leur ville réorganisée – mais pas nécessairement là où ils avaient vécu auparavant. Selon ces projets, la classe ouvrière ne devait pas réintégrer ses appartements mais se retrouver dispersée. De plus, les urbanistes allemands profitaient aussi d’un vide créé par les politiques raciales du Reich. Environ 500 000 Juifs allemands avaient disparu des villes allemandes du fait des Nazis, alors même qu’ils constituaient autrefois des communautés importantes, comme à Berlin, Francfort, Hambourg ou Cologne. Or, plus de la moitié des Juifs d’Allemagne avaient émigré avant la guerre, et la plupart des autres avaient été déportés et tués durant celle-ci. Sur le très petit nombre qui survécut, peu avaient l’envie ou la possibilité de revenir dans leurs foyers d’avant 1945. Avant et pendant la guerre, les biens juifs furent aryanisés, c’est-à-dire vendus à des non-Juifs ou confisqués par l’État. Au cours de la reconstruction de l’après-guerre, on a rarement discuté publiquement de ce qu’il fallait faire des biens ayant appartenu à des Juifs, mais des biens municipaux « aryanisés » furent parfois utilisés pour créer des bâtiments publics ou servirent de sites de construction pour de nouveaux ensembles résidentiels. Les villes endommagées par la guerre en Pologne, en Union soviétique, en Ukraine ou dans les pays baltes étaient confrontées au même problème. À Varsovie et à Lodz, par exemple, les Juifs avaient constitué près d’un tiers de la population. Après-guerre, on aurait compté sur les doigts de la main ceux d’entre eux qui avaient réussi à rester en se cachant. De plus, à la fin de la guerre, les Allemands s’enfuirent devant l’avancée de l’Armée rouge ou, une fois la guerre finie, ils furent chassés de leurs foyers – ou des foyers qu’ils avaient acquis pendant le conflit – par les Polonais ou les Soviétiques. La combinaison des meurtres de masse, des destructions de guerre et des migrations de population avait rendu de grands espaces urbains « disponibles » et susceptibles d’être ré-urbanisés, reconstruits, et réinvestis comme lieux de résidence, souvent par des gens qui n’avaient pas vécu dans ces villes avant 1939.

17 Il apparaît clairement que la classe sociale – ou plutôt la pauvreté – et la race jouèrent toutes deux un rôle fondamental dans la façon dont la destruction se distribua à La Nouvelle-Orléans, et qu’elles continuent de jouer un rôle dans les projets de reconstruction [25]. Dans les années trente, la ville avait construit des ensembles résidentiels sur la base de la séparation des races. Dans les années cinquante et 60, lorsque des projets financés par l’État fédéral renforcèrent les protections maritimes du Lac Pontchartrain, asséchèrent une partie des marais et construisirent de nouvelles nationales, le développement des banlieues poussa les Blancs à quitter le centre de la ville pour des quartiers comme Lakeview sur la côte Sud du lac ou la paroisse de St. Tammany au Nord [26]. Des Noirs de classe moyenne remplacèrent les Blancs à Gentilly et s’installèrent aussi dans une nouvelle banlieue à Pontchartrain Park, chacun de ces quartiers se situant sur des terres relativement basses [27]. Des quartiers comme le Lower Ninth Ward[28], qui était également susceptible d’être inondé, devinrent à la fois essentiellement noirs et caractérisés par des taux élevés de pauvreté, d’échec scolaire et de criminalité. Avant Katrina, donc, La Nouvelle-Orléans se trouvait caractérisée par l’existence de zones de quasi-homogénéité raciale et de grande pauvreté [29]. Les pires dégâts causés par l’ouragan se trouvèrent sur les terres basses, et ce sont les Noirs des classes pauvres ou moyennes qui subirent les pertes les plus importantes. Ils constituèrent aussi le plus grand nombre de personnes évacuées. La combinaison de ravages importants et de dépeuplement massif a encouragé tant les politiques que les urbanistes à rêver de transformer ces zones en profondeur. Comme le fit remarquer un politicien, we finally cleaned up public housing in New Orleans. We couldn’t do it, but God did [ « Nous avons finalement nettoyé les logements sociaux à La Nouvelle-Orléans. Nous, on n’y arrivait pas, mais Dieu, l’a fait »] [30].

18 Bien peu des projets de reconstruction pour les villes allemandes furent réellement mis en place après la guerre. Un certain nombre d’urbanistes ainsi que leurs projets étaient contaminés par leurs liens avec le nazisme. Tel urbaniste qui avait projeté des plans de reconstruction pour telle ou telle ville pendant la guerre allait vivre et travailler dans une autre ville après-guerre [31]. Reste qu’il y avait à disposition une large population d’urbanistes expérimentés tout prêts à guider le processus de reconstruction, et très désireux d’obtenir ces responsabilités. Ils échangeaient leurs idées au moyen de lettres, de publications professionnelles, de conférences ou d’organisations comme la Deutscher Städtetag [Association des villes allemandes] [32].

19 Les projets les plus radicaux et visionnaires s’avérèrent peu réalisables et encore moins populaires. Ces derniers incluaient parmi leurs propositions celle d’abandonner de vastes pans des villes détruites par les bombardements afin de redémarrer ailleurs, sur de nouveaux sites. Par exemple, les premiers projets pour Berlin, de la part du « collectif » de Hans Sharoun, et pour Mayence, de la part du moderniste français Marcel Lods, ne prêtaient guère attention à leur centre historique et imaginaient au contraire de modernes villes-rubans. De tels projets cafouillèrent pour bien des raisons. Premièrement, le coût : le capital encore immobilisé en infrastructures – rues, services publics au-dessus et au-dessous des rues, réseau ferré – et en bâtiments susceptibles d’être récupérés était bien trop important pour être abandonné alors que les caisses des municipalités étaient vides. Deuxièmement, les lois d’urbanisation n’étaient pas assez robustes pour obliger à une restructuration en profondeur du cadastre. Troisièmement, hormis dans les villes qui avaient été bombardées à la toute fin de la guerre, des reconstructions ad hoc, qui suivaient les anciens cadastres, étaient déjà en cours et ne pouvaient que difficilement être arrêtées. Quatrièmement, un grand nombre de bâtiments historiques, souvent bien-aimés, tels églises ou bâtiments publics, se trouvaient encore debout et pouvaient être réparés même s’ils étaient endommagés. Cinquièmement, une bonne partie du public était viscéralement attachée à ses souvenirs des villes historiques, souvenirs qui avaient formé les identités civiles et individuelles. Sixièmement, les villes avaient été bâties là où elles l’étaient pour de bonnes raisons géographiques et topographiques. La proximité d’un fleuve, des hauteurs, une voie commerciale, avaient encore du poids et militaient contre des délocalisations drastiques. Enfin, quand la guerre avait pris fin, les gens étaient revenus vers leurs anciennes villes et leur ancien foyer, même si tout était en ruines, parce qu’ils n’avaient nulle part ailleurs où aller. Les citoyens évacués, qui savaient que toutes les villes ou presque étaient en grande partie détruites et qui sentaient que leurs concitoyens ruraux se lassaient de leur accorder l’hospitalité, rentrèrent chez eux le plus vite possible. Aucun projet aussi visionnaire soit-il ne pouvait écarter ces réalités.

20 À La Nouvelle-Orléans aussi, il y eut des propositions visant à déplacer toute la ville ou seulement certains de ses quartiers, en formant des parcs dans les zones détruites qui constitueraient autant de monuments commémoratifs des événements. Kenneth Foster et Robert Giegengack par exemple ont argué que the only rational long-term solution to the future of New Orleans would be to relocate the city and its many vital functions to a safer location... [ « la seule solution rationnelle à long-terme pour La Nouvelle-Orléans serait de déplacer la ville et ses nombreuses fonctions vitales en un lieu plus sûr... »] [33]. L’argument est tout à fait rationnel. D’autres tempêtes gigantesques sont probables, le niveau de la mer monte et le Mississippi pourrait un jour changer de cours, mettant à mal les efforts des ingénieurs pour le maîtriser. Prévoir de limiter les dégâts environnementaux au moyen de nouvelles digues et de la surélévation des bâtiments résidentiels ne suffira donc pas. De telles propositions visionnaires ont cependant été rejetées pour les mêmes raisons que les projets concernant les villes allemandes l’avaient été : la valeur du capital déjà immobilisé, un cadre légal impropre à faciliter la transformation des droits de propriété, le refus de renoncer à des travaux déjà entamés de façon ad hoc, la conservation dans un état relativement intact de monuments historiques tels que le French Quarter [ « Quartier français »] ou le Garden District [ « Quartier des jardins »], ainsi que d’une bonne partie du quartier des affaires du centre, et le désir majoritaire dans le public de reconstruire la ville dans sa forme antérieure à Katrina, forme à laquelle s’identifient la plupart des citoyens [34]. Il y a une différence importante avec le cas allemand, cependant. Il n’y avait pas en Allemagne de métropole importante qui n’ait pas été endommagée et dans laquelle les citadins des villes bombardées auraient pu s’installer. Les Allemands évacués sont retournés chez eux parce qu’ils n’avaient guère d’autre choix, mais ce n’est pas nécessairement le cas à La Nouvelle-Orléans. Un des thèmes les plus fréquents des discours publics depuis Katrina a été celui du droit des citoyens au retour, mais, en réalité, un grand nombre de ceux qui sont partis pourraient ne pas revenir, s’étant rapidement retrouvés des foyers et du travail dans des villes comme Houston ou Atlanta, dans d’autres parties de la Louisiane ou encore dans les banlieues indemnes de la métropole de La Nouvelle-Orléans.

21 En Allemagne de l’Ouest il fallut en général plusieurs années avant de développer des plans de reconstruction et obtenir un soutien politique et public, et encore cinq à dix ans pour réaliser ces plans. Ce n’est pas étonnant. Dans les années de l’immédiate après-guerre, il n’y avait ni gouvernement central ni de sources de financement, l’inflation faisait rage et le marché noir ne pouvait suffire à compenser le manque écrasant de matériaux de construction et de biens d’équipement disponibles. Toujours est-il qu’à la fin des années 1950, les urbanistes cessèrent de parler de reconstruction et se mirent à parler d’urbanisation et d’aménagement au quotidien. Les ruines et décombres avaient alors pour la plupart disparu, la majorité des bâtiments publics avaient été restaurés, et la crise du logement postérieure à la guerre avait été résolue.

22 Quelques petites villes, telles que Freudenstadt ou Rothenburg ob der Tauber, se décidèrent à se reconstruire plus ou moins à l’identique, avec des rues étroites et en restaurant des bâtiments et des places pittoresques. Il s’agissait en partie de recréer l’identité culturelle locale, en partie d’attirer les touristes. Quelques villes de taille moyenne, comme Nuremberg, Münster et Lübeck, choisirent de restaurer leurs centres de façon adaptative – cela signifiait conserver l’ancien réseau de rues, reconstruire les monuments religieux et civiques les plus importants, puis demander que les autres bâtiments s’adaptent au décor traditionnel en termes de matériaux de construction, coloris, hauteur, etc. De nouveaux ensembles résidentiels furent construits sur des rues plus larges à la périphérie de ces centres. La plupart des grandes villes essayèrent quant à elles de se moderniser. On réhabilita ou reconstruisit les monuments historiques importants ; parfois, une rue unique ou un petit quartier fut restauré afin de constituer une « vieille ville » ; mais, dans le reste de la ville, la reconstruction suivit ce que l’on considérait alors comme les principes de construction et d’urbanisation modernes les meilleurs. On encouragea une architecture moderne, on élargit les rues pour faire place aux voitures, on construisit, pour remplacer l’ancien tissu d’habitations, des immeubles résidentiels modernes conçus pour maximiser la lumière et la ventilation. De nouvelles lois visèrent à délimiter des zones distinctes pour l’industrie, l’habitat, les loisirs, le commerce et la culture. Francfort, Hanovre et Düsseldorf sont de bons exemples de ces démarches. La Düsseldorf nouvelle arborait non seulement des gratte-ciel, mais encore se trouvait traversée en son cœur par une autoroute. À partir des années 1960, après que cette première phase de reconstruction fut terminée, la critique de ces formes dominantes d’urbanisme conduisit l’urbanisme allemand à ajuster ses choix et à revaloriser les quartiers compacts, à usages mixtes, accessibles aux piétons, dans les centres ou proches d’eux. Cette tendance a adouci la poussée moderniste qui a caractérisé la reconstruction dans les villes les plus grandes.

Les processus de conception et de planification urbaines

23 La capacité des urbanistes à transformer leurs concepts en réalité dépend non seulement de la création de modèles fonctionnels, mais aussi de l’efficacité du processus de planification. Dans l’Allemagne d’après-guerre, le processus de planification de la reconstruction urbaine variait de ville en ville, comme l’on s’y attendrait pour une région d’abord divisée en zones d’occupation distinctes, dominées par des puissances ayant des idées très différentes quant au rôle d’une instance centralisatrice, puis organisée en un État fédéral octroyant un large degré d’autonomie aux régions et aux villes. Cela dit, la responsabilité la plus importante pour le processus incombait en général au Bureau d’urbanisme de la ville, qui travaillait à la fois sur la ville dans son ensemble et sur les quartiers endommagés. Les bureaux d’urbanisme purent fournir un énorme travail, bien qu’ils fussent en sous-effectif et dénués de données de bases ainsi que de cartes essentielles, perdues dans les bombardements. Bien des propriétaires ou locataires étaient aussi portés disparus, ce qui compliquait les efforts pour redessiner les cadastres afin de constituer des parcelles mieux adaptées à la reconstruction. Des outils légaux d’avant-guerre, tels que ceux qui permettaient à la ville de confisquer des propriétés privées, ne pouvaient en général être employés que pour des objectifs publics limités, tels que l’élargissement des rues ou l’alignement. Il était difficile d’utiliser ces lois pour réorganiser les parcelles du cadastre afin d’optimiser l’exposition à la lumière et à l’air, ou pour constituer ce qui aurait été essentiellement des espaces verts privés. Il fallait de nouvelles stratégies.

24 Étant donné que beaucoup de villes allemandes étaient déjà riches en foncier, elles essayèrent d’encourager des échanges de parcelles afin de faciliter des réalignements de terrains. Autrement, elles encouragèrent la création d’associations de reconstructions de la taille de pâtés de maison plutôt que de la dimension de la ville. Dans certaines villes, où des parcelles entières restaient vides ou couvertes de ruines, on vota des réglementations autorisant la ville à déblayer une parcelle si son propriétaire ne pouvait ou ne voulait pas le faire, la ville conservant à son profit tout ce qu’elle pourrait trouver de valeur. Si un propriétaire ne reconstruisait dans un délai précis – de deux à quatre ans –, on pouvait lui confisquer sa propriété et la remettre à une autre instance privée qui se chargerait de l’aménager. Bien entendu, ce processus était compliqué et moralement ambigu dans le cas de propriétaires absents ou de contestation sur les titres de propriété, par exemple lorsque les biens avaient appartenu à des Juifs. Presque tous les Juifs allemands étaient morts ou vivaient hors Allemagne. Les survivants, leurs descendants, ou leurs représentants pouvaient potentiellement réaffirmer leurs droits de propriété ou contester les ventes forcées antérieures à la guerre. En général, cependant, les plans de reconstruction allemands purent aller de l’avant. Les nouveaux plans d’aménagement d’ensemble incluaient en général les nouvelles idées concernant la division en zones, et en même temps les plans de reconstruction incorporaient les nouvelles idées en matière de codification et de normes pour les bâtiments. Il y eut, dans certains cas, ouverture de concours, même s’ils ne furent le plus souvent ouverts qu’aux architectes ou urbanistes locaux, dans l’idée que c’était le meilleur moyen de s’assurer qu’un quartier reconstruit reflétât une connaissance du sens local de l’espace.

25 Étant donné que la plupart des responsables de la reconstruction avaient entamé leur carrière pendant les années de crise de la République de Weimar et l’ère autoritaire du national-socialisme, ils auraient préféré un système qui leur aurait permis d’imposer leurs conceptions à leurs villes. Cependant, puisque l’esprit démocratique imposait d’obtenir au moins un peu de soutien et de participation civile, la plupart des urbanistes se débrouillèrent pour s’adresser d’une façon ou d’une autre aux citoyens. Dans certaines villes, comme Cologne, il y eut des débats publics pour discuter des propositions de réaménagement. À Berlin et à Düsseldorf, les urbanistes présentèrent leurs projets lors d’expositions ouvertes au public. Rudolf Hillebrecht, celui des urbanistes d’après-guerre qui eut semble-t-il le plus de succès, gagna le public à ses propositions pour Hanovre au moyen d’une longue série de réunions de quartiers entre propriétaires, locataires et urbanistes, au cours desquelles il réussit à convaincre les propriétaires de travailler volontairement avec le bureau d’urbanisme pour redessiner le cadastre ou pour consolider les biens et les titres de propriété, afin de faciliter un réaménagement selon les idées préconisées par son bureau. Le succès de Hillebrecht permet de mettre le doigt sur une caractéristique importante de la reconstruction : selon les lieux, la personnalité d’acteurs clé du processus a permis ou non de fournir un leadership essentiel à la réussite des projets.

26 Si l’on se penche à présent sur le cas de la planification de la reconstruction de La Nouvelle-Orléans, on y trouve à la fois des similarités et des différences avec la situation de l’Allemagne d’après-guerre. Un domaine où les différences sont majeures est celui de l’étendue de propositions extérieures au bureau d’aménagement et d’urbanisme de la ville. En Allemagne, étant donné que toutes les villes avaient été bombardées, les urbanistes avaient largement de quoi faire, chacun dans leur ville. Après Katrina, urbanistes et architectes venus des quatre coins des États-Unis et d’ailleurs se sont précipités pour apporter leurs idées sur les relocalisations, les méthodes de prévention des risques, les codes de construction, les styles architecturaux, les priorités à définir et les processus de planification. Tout en exprimant son inquiétude de voir les architectes exclus du processus, le American Institute of Architects [Institut des architectes américains] avait, dès novembre 2005, enregistré 600 inscriptions d’architectes se proposant de travailler pro bono à La Nouvelle-Orléans. Il y eut aussi des propositions d’aide de la part du World Monuments Fund [Fonds mondial pour les monuments] et du National Trust for Historic Preservation [Fondation nationale pour la préservation de l’histoire]. L’American Institute of Architects collabora aussi avec la Tulane’s School of Architecture [École d’architecture de l’université Tulane à La Nouvelle-Orléans] pour monter rapidement un concours destiné à proposer de nouveaux modèles de maisons et de bâtiments résidentiels qui remplaceraient les habitations endommagées [35].

27 Au même moment, en novembre 2005, l’American Planning Association [Association des planificateurs et urbanistes américains], en collaboration avec le College of Urban and Public Affairs [École d’Administration et d’urbanisme publics] de l’université de La Nouvelle-Orléans, publia un rapport sur le processus de planification de la ville. Ce rapport se concentrait particulièrement sur des points tels que les effectifs du City Planning Commission [Commission de planification et d’aménagement de la ville], la nécessité de la mise en place d’un plan global – doublé de mécanismes d’application de ce plan afin d’avoir un outil qui puisse guider l’ensemble des efforts de reconstruction –, l’importance d’inclure les habitants lors de la définition de plans au niveau des quartiers, et la nécessité d’une nouvelle loi d’aménagement et de reconstruction pour faciliter les alignements de propriété et servir de guide au travail sur le terrain. Le rapport faisait des recommandations à court et à long terme. Il observait, par exemple, qu’il faudrait inclure des procédures d’exception pour les bâtiments historiques, tant dans les textes réglementaires de prévention des inondations que dans les plans de reconstruction mis en place. Autre exemple, le rapport pensait qu’il était effectivement nécessaire de régulariser et automatiser le processus de délivrance de permis de reconstruire mais qu’il fallait déférer les paiements des frais afin que les choses démarrent sur le terrain. À long terme, le rapport recommandait d’encourager un habitat de densité plus élevée, des zones d’usage mixte ainsi que des quartiers résidentiels permettant la mixité sociale, un nouveau système de transit sous forme de métro léger ou de tram, et de nouveaux parcs et espaces verts [36]. La plupart de ces propositions se trouvent dans les plans proposés en Allemagne après 1945, même si les urbanistes allemands voulaient aussi réduire les densités d’habitation dans les centres et encourager la construction de nouveaux quartiers résidentiels sur des terrains non-bâtis.

28 Des universitaires originaires de tout le pays, et pas seulement de l’université de Tulane et de l’université de La Nouvelle-Orléans, se jetèrent dans la partie, voyant dans La Nouvelle-Orléans une occasion de proposer une aide concrète autant qu’une sorte de laboratoire permettant des expériences grandeur nature. L’École d’architecture de l’université Tulane et le Nederlands Architectuurinstituut [Institut d’Architecture des Pays-Bas] organisèrent conjointement, dès février 2006, une exposition des projets de reconstruction de quartiers ou de bâtiments nouveaux, proposés par des cabinets d’architectes renommés [37]. L’École d’architecture de l’université Tulane changea sa politique de recrutement de nouveaux élèves pour la centrer sur la reconstruction de la ville. Sa publicité proclame désormais : You have a once-in-a-lifetime opportunity to make the rebuilding of this iconic city a part of your studies [ « Vous avez l’occasion unique de faire de la reconstruction de cette ville iconique l’objet même d’une partie de vos études »]. L’université de Pennsylvanie organisa deux conférences importantes, en décembre 2005 et février 2006, qui réunirent des chercheurs de disciplines différentes afin d’échanger leurs opinions sur la reconstruction. Deux livres importants furent rapidement publiés, ayant tous deux le même sous-titre, Lessons from Hurricane Katrina [ « Leçons de l’ouragan Katrina »] [38]. Nombre des contributions publiées dans ces deux livres tâchaient de comparer La Nouvelle-Orléans avec des cas antérieurs de reconstruction après un désastre, et exploraient les problèmes de leadership, les définitions de la notion de conservation, les principes de la division par zones afin de limiter les risques de catastrophe, la gestion de la croissance urbaine, etc. Dès le printemps 2006, des chercheurs de la Brown University pouvaient offrir des cours proposant l’examen sociologique des races et des classes sociales combiné avec des concepts de durabilité sociale et environnementale. Les étudiants des départements d’architecture et de design dans les universités d’État de la Louisiane, du Kansas, et certainement dans bien d’autres institutions ont tous planché sur des projets portant sur la meilleure façon de reconstruire telle ou telle partie de la ville [39].

29 Une telle abondance d’idées et une telle concentration d’expertises sur une seule ville n’auraient jamais pu se trouver dans l’Allemagne d’après-guerre, alors qu’il y avait des restrictions sur les voyages, que les journaux et associations professionnels ne faisaient que commencer de se reconstituer et que les universités ne reprenaient vie que peu à peu. À La Nouvelle-Orléans, le problème devint celui de la canalisation de toutes ces idées et du développement d’un plan réaliste pour la ville. Jusqu’à présent, trois plans de reconstruction urbaine ont été officiellement approuvés par l’autorité municipale : le plan Bring New Orleans Back (BNOB) [Faites revenir La Nouvelle-Orléans], les plans dits « Plans Lambert » (New Orleans Neighborhood Revitalization [or Rebuilding] Plans [plans de revitalisation ou reconstruction] des quartiers de La Nouvelle-Orléans]), et le Unified New Orleans Plan (UNOP) [plan unifié pour La Nouvelle-Orléans] [40]. À la périphérie du dispositif, mais en principe chargée de contrôler le flux de fonds étatiques et fédéraux vers La Nouvelle-Orléans et d’autres villes endommagées, on trouve la Louisiana Redevelopment Authority (LRA) (Agence centrale de reconstruction de la Louisiane).

30 La constitution d’une commission Bring New Orleans Back fut annoncée par le maire, Ray Nagin, le dernier jour de septembre 2005, un mois après que l’ouragan a déferlé sur la ville. Son Urban Planning Committee [Comité de planification urbaine], présidé par le promoteur Joseph Canizaro, gérait des sous-comités consacrés à la conservation, à l’habitat, à l’infrastructure, au zonage, à la durabilité et à l’urbanisme, ce dernier comité étant présidé par Reed Kroloff, doyen de l’École d’architecture de l’université Tulane. Ce comité demanda rapidement au Urban Land Institute [organisme fédéral consacré à l’emploi des terrains en zone urbaine] de préparer une étude préliminaire, ce qui était fait à la mi-novembre. Le BNOB « Action Plan for New Orleans : The New American City » [Plan d’action BNOB pour La Nouvelle-Orléans : la nouvelle ville américaine] fut présenté au maire le 11 janvier 2006 [41]. Le titre même de ce plan suggère que ses auteurs étaient favorables à la reconstruction d’une ville considérablement améliorée et modernisée, plutôt qu’à une restauration de La Nouvelle-Orléans d’avant Katrina.

31 La plupart de ces recommandations ne sont guère surprenantes, étant donné qu’elles ressemblent aux recommandations d’urbanisme déjà rencontrées en Allemagne et dans d’autres villes endommagées en 1945, avec d’autres idées qui constituent les leitmotifs du domaine depuis un demi-siècle. Le plan mettait aussi l’accent sur la reconstruction et la revitalisation du centre-ville et des quartiers, la construction de nouveaux parcs et espaces verts, la création d’un système moderne de transit léger sur rail, et le maintien de celles des institutions qui incarnaient le capital intellectuel de la ville. Il comportait des protections contre les inondations et les tempêtes, ainsi que des mesures de préservation des bâtiments historiques. Il préconisait de reconstruire en se concentrant d’abord sur des immediate opportunity areas [zones présentant un intérêt d’utilisation immédiat], comme le centre-ville, qui n’avait pas beaucoup souffert de l’ouragan, et sur l’aménagement de terrains vagues ou peu utilisés pour construire des résidences et autres types de bâtiments.

32 Le plan d’action préconisait des quartiers de 5 000 à 10 000 habitants et prévoyait une consultation locale au niveau du quartier, incluant résidents, professionnels et anciens résidents s’étant clairement engagés à revenir. Dans les zones très endommagées, le plan prévoyait un moratoire sur toute construction nouvelle jusqu’à ce que le processus de planification soit achevé, une stratégie également utilisée dans les villes allemandes postérieures à la guerre. La mise en place de nouveaux plans pour ces zones dévastées de la ville requérait de reprendre le cadastre et d’acquérir des terrains propres à l’aménagement au moyen du régime d’eminent domain, la loi permettant l’expropriation pour utilité publique au nom de la propriété ultime du sol par l’État. De telles démarches exigeraient la création d’une New Orleans Recovery Corporation [Société pour le rétablissement de La Nouvelle-Orléans] au moyen de lois nouvelles lui accordant powers to receive and expend redevelopment funds, to implement the redevelopment plan, [and] to buy and sell property [ « pouvoir de recevoir et utiliser des fonds pour le redéveloppement, de mettre en œuvre le plan de redéveloppement, [et] d’acheter et de vendre des biens immobiliers »]. Cet organisme devait être une instance indépendante gouvernée par des individus hautement qualifiés et avoir une durée de vie de dix ans – un cadre temporel qui correspond bien au temps que dura la reconstruction allemande.

33 De plus, afin que la ville sorte de tout cela bigger and better [ « agrandie et améliorée »], le plan BNOB souhaitait qu’il y eût un nouveau plan central, plus de pouvoirs accordés à la City Planning Commission [Commission de planification et d’aménagement de la ville], de nouvelles réglementations de zonage, et une Design Review Commission [Commission de révision des plans]. Il était préconisé de faire démarrer les consultations de quartiers immédiatement et il était prévu que, si la Recovery Corporation pouvait obtenir des fonds fédéraux et créer une fondation, l’approbation des plans ainsi que la reconstruction sur le terrain démarrerait en juin.

34 Si certains groupes comme l’American Society of Landscape Architects [Association des architectes paysagistes américains] soutinrent le plan BNOB, d’autres le critiquèrent vivement [42]. Comme les zones les plus endommagées étaient aussi des zones habitées pour l’essentiel par des Noirs, le moratoire sur la reconstruction et les propositions visant à transformer certaines de ces zones en espaces verts semblaient viser de façon injuste ce groupe racial, et le maire rejeta ces idées. Plutôt que de reconstruire une ville bigger and better, comme il le proclamait, les plans proposés esquissaient en réalité des quartiers plus compacts et une population considérablement réduite, ce qui impliquait que nombre d’habitants étaient vus comme n’allant pas revenir – ou ne devant pas revenir [43]. Il n’y avait pas, dans le plan, suffisamment de coordination ni avec la Federal Emergency Management Authority (FEMA) [Agence fédérale chargée de la gestion des situations d’urgence] ni avec les instances de l’État de Louisiane, ce qui allait poser la question de son financement. Le processus de planification semblait trop politique à certains. Toujours est-il que ce plan d’action était le produit d’un travail remarquablement rapide, vu l’état épouvantable dans lequel se trouvait la ville, et la plupart des propositions étaient sensées. Il ne pouvait cependant y avoir de passage à la mise en œuvre du plan BNOB sans le soutien et de la population et des politiques : or, tant la population que les politiques le répudièrent.

35 Cela dit, l’étape suivante était logiquement la préparation de plans détaillés par quartier, et en avril 2006 le conseil municipal recruta Paul Lambert de Miami et Sheila Danzey de La Nouvelle-Orléans afin de lancer ce processus. En septembre, 48 de ces plans dits Lambert avaient été préparés, et ils furent ratifiés par le conseil en octobre. Ces documents, de 20 à 30 pages chacun, comprenaient des analyses de chaque quartier selon les revenus, la pyramide des âges, l’utilisation des transports et celle des terrains. Chacun contenait une carte détaillant les dégâts, une base budgétaire de reconstruction et des propositions spécifiques de reconstruction. Les propositions pour le Lower Ninth Ward par exemple passaient par une reconfiguration substantielle du cadastre et des rues, de nouveaux espaces verts, et de nouvelles modalités architecturales, qui auraient changé le caractère de ce district [44]. Les équipes de planification par quartier tinrent 84 réunions publiques, y compris des réunions à Houston, Atlanta, et Bâton Rouge, auxquelles participèrent quelque 7 500 résidents [45] (Lambert et Danzey, 2006a).

36 Les plans Lambert, tout comme le plan BNOB, ont été critiqués. Il est vrai qu’en ce qui concerne le processus de planification, ils n’avaient pas eu l’aval de la Louisiana Redevelopment Authority et furent développés de façon indépendante de la City Planning Commission, et lorsque Lambert et Danzey se mirent au travail, il était clair que le plan BNOB n’aboutirait pas, parce qu’il n’était pas financé. En réalité, le maire, le conseil municipal et la LRA s’étaient même mis d’accord pour constituer encore un autre niveau de planification, le Unified New Orleans Plan [Plan unifié pour La Nouvelle-Orléans] en juillet 2006. D’un autre côté, il semble bien que Lambert et Danzey aient suivi la recommandation du plan BNOB de préparer des consultations et des plans au niveau des quartiers, et ne se soient pas préoccupés de les préparer comme s’ils devaient s’intégrer dans un plan d’ensemble parce qu’ils pensaient qu’un tel plan viendrait d’ailleurs [46]. Et si ces plans ne gagnèrent pas l’approbation universelle de chaque quartier, leur préparation en cinq mois reste une réussite considérable.

37 Avant même que les plans Lambert aient été esquissés, débuta le troisième des efforts consacrés à la mise en place d’une planification officielle. En juillet 2006, le maire, le conseil municipal, et la LRA se mirent d’accord pour soutenir le Unified New Orleans Plan (UNOP), ou un plan global pour La Nouvelle-Orléans. La LRA voulait une planification libre de toute influence politique et couvrant l’ensemble de la ville – et pas seulement les zones endommagées –, avant d’accepter de transférer les fonds fédéraux ou ceux de l’État de la Louisiane. Elle tenait une carte maîtresse. La Fondation Rockefeller contribua pour plusieurs millions de dollars, qui passèrent par la Greater New Orleans Foundation (une fondation pour le soutien du bassin d’influence de la ville), afin de financer un nouveau modus operandi. La Greater New Orleans Foundation créa la New Orleans Community Support Foundation [Fondation de soutien à la communauté de La Nouvelle Orléans] afin de gérer l’argent, et cette fondation à son tour recruta une entreprise locale, Concordia, pour lancer le processus. Cinq cabinets d’urbanisme privés obtinrent des contrats pour mettre en place des consultations de quartier et de district, et rien moins que dix cabinets signèrent des contrats pour traiter des quartiers seulement. Six firmes locales obtinrent des contrats ; les autres allèrent à des entreprises de Boston, New York, Saint-Louis, Columbia, Maryland, Atlanta, Tampa, Miami, Philadelphie, et Charlottesville. On peut remarquer, parmi les cabinets venus d’ailleurs, le cabinet Duany Plater-Zyberk (DPZ), doyen du Nouvel Urbanisme. Cette tendance de l’urbanisme, qui démarra dans les années 1980, préconisa de construire ou de restaurer des villes et des quartiers à densité élevée, dotés de bâtiments qui seraient socialement mixtes, accessibles à pied, et écologiquement responsables – DPZ avait déjà des contrats de reconstruction dans la région du Mississippi et avait un contrat avec la LRA en tant que consultant pour la planification urbaine de quartiers. Un cabinet local fut chargé de tirer un plan global « unifié » de tout cela pour le mois de janvier 2007. Le terme unifié rappelait aussi que les nouvelles équipes devaient partir des premiers travaux du plan BNOB et du processus de planification par quartier Lambert.

38 De plus, le 4 décembre 2006, la ville nomma Edward Blakely Directeur exécutif de son nouvel Office of Recovery Management [Direction de la gestion du rétablissement de la ville]. En d’autres termes, on le recruta afin qu’il puisse mettre en œuvre le plan global en obtenant le versement des milliards de dollars qui avaient été promis par le gouvernement fédéral. Blakely constituait un choix intéressant. Alors président du département d’Aménagement urbain et régional de l’université de Sydney en Australie, il avait été consultant en aménagement et planification après le tremblement de terre de Loma Prieta à San Francisco, les incendies de collines à Oakland et les attaques terroristes du 11 septembre 2001 à New York. Avant d’aller à Sydney, il avait présidé des départements de planification et aménagement à Berkeley puis à l’University of Southern California, à Los Angeles. Il s’était également présenté à la mairie d’Oakland, en Californie, contre Jerry Brown, sans succès. Blakely est un Noir américain qui a acquis une large expérience politique et de planification, mais n’est cependant pas contaminé par la politique locale à La Nouvelle-Orléans. En septembre 2005 il avait déjà affirmé : We will have to [...] provide the hope and the plan to rebuild [New Orleans] near or almost exactly as it was originally [ « Nous aurons à [...] nourrir l’espérance et le plan d’une reconstruction de La Nouvelle-Orléans presque exactement à l’identique »], ce qui séduisait évidemment ceux qui venaient des parties les plus dévastées de la ville [47] (Blakely, 2005). Mais il pouvait aussi parler de reconstruire une ville plus petite et plus dense fondée sur les concertations et plans issus des quartiers, sur des échanges de terrains et sur l’investissement privé. La nomination de Blakely représente clairement un effort de la part du maire et du conseil municipal pour conserver – ou reprendre – le contrôle sur le processus de reconstruction, plutôt que de le céder à des agences complètement indépendantes ou à une société constituée à cet effet.

39 Au moment où se finalisait le plan UNO, ses promoteurs tâchèrent de consolider le soutien du public à son égard en organisant ce qu’on appela des Community Congresses [Congrès communautaires], trois événements qui permirent tant à des résidents de La Nouvelle-Orléans réunis dans une salle sur place, qu’à des déplacés à Houston, Dallas, et Atlanta communiquant par le biais de l’Internet, de discuter des projets. On sollicita aussi les avis du public dans les quartiers et, une fois le plan UNO publié, lors d’une réunion à l’hôtel de ville en mars 2007 [48]. Tout cela se fit en plus des réunions de quartier qui faisaient partie du processus de concertation des plans Lambert et qui s’achevèrent en octobre. Il est difficile de dire dans quelle mesure ces myriades de réunions se complétèrent ou entrèrent en conflit les unes avec les autres, mais un tel degré de participation publique dépasse en tout cas, et de loin, les taux de participation du public aux processus mis en place dans l’Allemagne d’après-guerre, si l’on exclut les Allemands qui allèrent voir les expositions des projets de reconstruction.

40 La plupart des idées du rapport UNO de 600 pages ne sont guère exceptionnelles. Il est intéressant de constater que les premières phrases de l’« executive summary » [résumé synthétique] du Citywide Strategic Recovery and Rebuilding Plan [Plan pour la reconstruction et le rétablissement global de la ville], intégré au plan UNO de mars 2007, annoncent :

41

The United States has been fortunate to have had very few large-scale urban calamities or warfare on its soil. But this also means that we have limited institutional knowledge of how to reconstruct our modern urban fabric after it has sustained catastrophic levels of devastation.
[ « Les États-Unis ont eu la chance de ne subir que bien peu de grandes catastrophes urbaines ou de guerre sur leur sol. Mais cela signifie aussi que nous n’avons que peu d’expérience institutionnelle de reconstruction de notre tissu urbain moderne consécutive à des destructions de niveau catastrophique »] [49].

42 Les auteurs ne ressentaient de toute évidence que peu le besoin de considérer ce que pouvait leur apprendre la reconstruction des villes européennes après 1945. Parce que le plan UNO est censé constituer un plan unifié pour la ville dans son ensemble, il contient beaucoup d’éléments que l’on peut trouver dans les plans d’aménagement ordinaires de villes non endommagées, ainsi que des mesures pour villes endommagées. Il recommande par exemple de construire des murs anti-bruit le long des grands axes routiers, d’encourager le développement économique, de rénover les parcs et marinas existants, d’agrandir l’aéroport et de revitaliser les nœuds et corridors urbains afin de renforcer les centres culturels [50]. Le plan UNO a cependant bien tenté d’établir un ordre de priorité parmi les nombreux projets, en les répartissant en projets à court (2007-2008), moyen (2009-2011), ou long (2012-2016) terme, même si ces considérations étaient guidées essentiellement par ce qui semblait réaliste ou pratique plutôt que par la tentative d’atteindre un idéal urbain. Le plan est parfois délibérément vague, appelant de ses vœux par exemple l’étude d’alternative mechanisms [ « mécanismes alternatifs »] pour acquérir le terrain nécessaire aux reconstructions, et il avoue que le pouvoir de réaliser quoi que ce soit de ses recommandations n’est pas dans les mains de ses auteurs. Le calendrier, cependant, est assez proche de ce qui s’est passé en Allemagne et est peut-être bien typique de ce qui arrive dans d’autres cas de reconstruction après une catastrophe. On peut même remarquer qu’un calendrier de ce type avait déjà été prédit un an après Katrina dans une étude publiée par la National Academy of Sciences [Académie nationale des sciences] [51].

43 Les propositions par quartier sont peut-être plus innovantes ou radicales parce qu’elles incarnent des principes potentiellement contradictoires. D’un côté le plan UNO indique catégoriquement que every resident has the right to return to New Orleans. All neighborhoods in the City will be rebuilt [ « chaque résident a le droit de revenir à La Nouvelle-Orléans. Tous les quartiers de la ville seront reconstruits »] [52]. Par ailleurs, le plan met l’accent sur l’objectif essentiel de créer des quartiers stables et durables by concentrating community services and commercial activity in areas of higher elevation, offering incentives to residents/business owners and developers to relocate into a more clustered development[ « en concentrant les services publics et l’activité commerciale dans les zones les plus élevées, afin de fournir aux citoyens et aux entrepreneurs des incitations à se déplacer vers des zones d’urbanisme plus concentré »]. Dans les zones très endommagées, cependant, any programs or projects [...] must be strictly voluntary and incentive-based ; no mandatory relocation programs are proposed [ « tout projet ou programme doit être rigoureusement fondé sur le volontariat et l’incitation ; aucun programme de relocalisation forcée n’est proposé »] [53]. Laissera-t-on les habitants retourner dans des quartiers à haut risque, à faible densité d’habitation et d’activité, quartiers considérés comme peu susceptibles de durer et de croître de façon autonome ? Le plan UNO se refusa à specifically identify areas of town – by name or by map – where it recommends that public investment be minimized until certain criteria are met [ « identifier de façon spécifique des zones de la ville – de nom ou sur la carte – où il recommande de minimiser les investissements publics tant que certains critères ne sont pas réunis »] [54].

44 Le chapitre de 31 pages du plan UNO intitulé Framework for Sustainable Resilience in the Lower Ninth Ward : Vision, Goals & Principles [ « Un cadre pour une résilience durable du Lower Ninth Ward : Vision, objectifs, et principes »] est à cet égard édifiant. Il s’agit bien entendu du quartier essentiellement noir et pauvre maintenant connu pour les dégâts massifs causés par l’inondation et pour la lenteur de son rétablissement. D’un côté, la vision et les principes ne contiennent rien que des idées généreuses qui pourraient s’appliquer dans n’importe quel quartier, et d’ailleurs on trouvait beaucoup de ces idées dans l’Allemagne d’après-guerre. Tout bâtiment, surtout tout bâtiment de quelque valeur historique, susceptible d’être restauré, devrait l’être. Puisque les styles architecturaux variaient d’un quartier de La Nouvelle-Orléans à l’autre, un catalogue d’échantillons (pattern book) devrait être constitué afin que chaque nouvelle construction s’adapte aux traditions architecturales du quartier. Les nouvelles résidences devraient s’insérer dans les espaces vides. Il faudrait qu’il y ait du logement social à prix modéré, offrant tant aux locataires qu’aux propriétaires la possibilité de revenir. Il faudrait établir la gamme complète des services publics, y compris des options éducatives au-delà du cycle secondaire. Il faudrait moderniser et renforcer les infrastructures, et toutes les reconstructions devraient être susceptibles de résister à de nouvelles inondations. Il faudrait des transports en commun, des parcs, des voies piétonnes, des entreprises locales fondées sur l’existence d’une communauté. Il faudrait éliminer la criminalité dans le quartier. Le quartier devrait être économiquement, culturellement et écologiquement durable. Que peut encore laisser à désirer pareil programme ?

45 Mais comment va-t-on en arriver là ? Le plan suggère de créer une Community Development Corporation [société de développement communautaire] et un Community Land Trust [trust communautaire immobilier], chacun d’eux dirigés par des résidents, afin d’obtenir et de gérer financement et reconstruction. Le trust retirerait des biens immobiliers du marché, empêcherait la spéculation et faciliterait la consolidation et l’échange de parcelles. Le leadership et le contrôle local donneraient aux résidents le pouvoir de construire un Lower Ninth rénové de meilleure qualité.

46 Seul le temps nous dira si cette stratégie peut fonctionner. S’il ne revient pas assez de monde, si de nouvelles institutions pour gérer le quartier ne se constituent pas, si l’argent n’arrive pas, cela ne marchera pas. Du point de vue des processus de planification urbaine, un des points d’intérêt de ce plan est l’attention qu’il porte aux ressources possibles, du mot anglais resources signifiant, non des sources de financement, mais des modèles de développement trouvés dans d’autres villes dans l’ensemble du pays et sur un grand nombre de sites du réseau Internet. La plupart de ces modèles concernent des projets ou des idéaux conçus pour des villes qui n’ont pas été endommagées par des catastrophes – ainsi de Portland dans l’état de l’Oregon. Certains semblent bizarrement peu pertinents. Le document met par exemple en avant la Lower Manhattan Development Corporation [Société de développement de la partie sud de l’île de Manhattan, où se trouvaient les tours détruites en 2001]. Les ressources, tant en financement qu’en expertise urbanistique, ne sont pas comparables à Manhattan et dans l’un des quartiers les plus pauvres de La Nouvelle-Orléans. De plus, la lenteur avec laquelle la Lower Manhattan Development Corporation a entrepris la reconstruction du secteur relativement restreint affecté par les attentats du 11 septembre 2001 n’est pas faite pour rassurer les habitants de La Nouvelle-Orléans.

47 Il y a un autre problème de mise en œuvre significatif au cœur du plan UNO. Le processus de planification, comme nous l’avons noté plus haut, avait mis l’accent sur une consultation exhaustive et extensive dans les communautés et les quartiers. La mise en œuvre est également censée reposer sur les épaules des habitants des quartiers, alors même que le maire a recruté un expert de grande réputation en la personne de Blakely et créé une administration chargée de gérer la reconstruction. Par exemple, le plan, dans sa section pour le huitième district du Lower Ninth Ward, affirme :

48

Funding & Implementation : The Lower Ninth Ward residents, through accountable civic and neighborhood leaders, will oversee, maintain and utilize the necessary transparent funding streams from public mitigation funds, capital campaigns and private programs in order to repair, rehabilitate, and re-vision their future. The community will act as a single advocacy and coordinating entity to ensure that multiple sources of funds are accessed and available for various recovery projects and community improvements as well as developing sufficient programs and entities to implement such improvements. All projects and program should be responsive and facilitate responsible and sustainable private investment.
[ « Financement et mise en œuvre : Les habitants du Lower Ninth Ward, par l’intermédiaire de leaders civils locaux comptables de leurs décisions, devront gérer, conserver et allouer les flux de fonds provenant de façon transparente de fonds publics de compensation, de campagnes de recherche de capital et de fonds privés, nécessaires à la réparation, réhabilitation et reconstruction de leur avenir. La communauté se comportera comme une entité de coordination et de revendication unique pour s’assurer l’accès à de multiples sources de financement et les rendre disponibles pour divers projets de reconstruction et d’amélioration communautaire, ainsi que pour développer des programmes et entités suffisant à la mise en œuvre de telles améliorations. Tous les projets et programmes auront vocation à être réactifs et à faciliter les investissements privés durables et responsables [55]. »]

49 Il reste donc à voir comment des principes comme ceux de quartiers denses à usages mixtes, un droit de retour universel et la mise en œuvre par les résidents des quartiers seront soutenus par le Office of Recovery Management au fur et à mesure que les détails des plans sont achevés, que des fonds sont trouvés et alloués, et que des contrats sont signés et des permis de construire délivrés. Comment ces principes vont-ils fonctionner si un grand nombre des anciens résidents des quartiers ne reviennent pas ? Si un quartier devint ethniquement, socialement et économiquement mixte, pourra-t-il vraiment act as a single advocacy and coordinating entity [ « se comporter comme une entité de coordination et de revendication unique »] ? Dans le cas de l’Allemagne d’après 1945, le succès de la mise en œuvre de la reconstruction a dépendu beaucoup plus des capacités de persuasion et de leadership du patron du bureau d’urbanisme et d’aménagement de la ville que d’un leadership émané des habitants. En attendant, à La Nouvelle-Orléans, une reconstruction ad hoc menée par des individus continue à se faire en dehors des processus de planification – tout comme elle a continué dans les villes détruites par les bombardements après 1945.

50 La reconstruction indépendante des processus de planification et d’aménagement fut en réalité un élément essentiel de toute la reprise urbaine postérieure à la guerre en Europe comme au Japon. Comme le disaient souvent les citoyens allemands des villes détruites, il était plus important de se mettre un toit sur la tête ou au-dessus de son entreprise que de réaliser de nouvelles et grandioses conceptions urbaines. Les habitants sans foyer, se logeant dans des habitations de fortune, n’avaient aucune envie d’attendre, et il y eut partout des instances de construction sauvage. Il est de notoriété publique que c’est de cette manière que les quartiers de la ville basse de Tokyo furent reconstruits, et qu’ils se retrouvèrent de nouveau susceptibles d’êtres détruits par le feu ou les tremblements de terre. Les autorités allemandes essayèrent d’envoyer des inspecteurs empêcher les constructions sans permis, mais ils ne rencontrèrent que résistance et ressentiment, surtout lorsque la ville insistait pour démolir des bâtiments récemment bâtis ou des structures rebâties sans respect des normes.

51 Il est évident que l’on trouve à La Nouvelle-Orléans de telles reconstructions individuelles opérant sans planification préalable, qu’elle observe ou non les normes mises en place par la FEMA en matière d’altitude du terrain à bâtir ou d’assurance-inondation. Il est possible, mais pas certain que les réseaux d’électricité, d’eau et de tout-à-l’égout n’aient pas été rétablis dans les zones pauvres très endommagées de La Nouvelle-Orléans pendant le processus de planification, précisément pour décourager la reconstruction sauvage. D’un autre côté, le journaliste de La Nouvelle-Orléans Jed Horne faisait remarquer en juillet 2006 que le maire Ray Nagin certainly is not alone in his support for a willy-nilly approach to recovery [ « n’est certainement pas le seul à soutenir une approche à la va-comme-je-te-pousse du rétablissement de la ville »]. Le Times-Picayune parlait en janvier 2007 du patchwork quality of New Orleans’ recovery [ « côté bigarré de la reconstruction à La Nouvelle-Orléans »] et en juillet 2007 le New York Times faisait remarquer : All over the city, a giant slow-motion reconstruction project is taking place. It is unplanned, fragmentary and for the isolated individuals carrying it out, often overwhelming [ « Dans toute la ville, un projet de reconstruction géant est en train de se mettre en place au ralenti. Il se fait sans planification et de façon fragmentaire et il est, pour les individus isolés qui se chargent de le réaliser, souvent écrasant »] [56]. Puisqu’il fallut une décennie ou plus pour reconstruire les villes européennes détruites par les bombes, il faudra des années avant de savoir si La Nouvelle-Orléans est le résultat d’une reconstruction planifiée ou non.

Conclusion : l’Histoire comme prologue à la reconstruction

52 Alors que la plupart des chercheurs, commentateurs et praticiens de l’urbanisme se sont référés à la reconstruction après de précédentes catastrophes naturelles dans l’histoire américaine, élargir la perspective afin d’inclure les problèmes de reconstruction après la Deuxième Guerre mondiale fournit d’autres moyens de comprendre les défis qui se posent à La Nouvelle-Orléans ainsi que d’évaluer le travail accompli. Cette comparaison de la planification des reconstructions dans l’Allemagne d’après-guerre et dans La Nouvelle-Orléans d’après Katrina a mis en lumière un nombre de similarités et de différences significatives.

53 Les victimes de l’ouragan comme ceux qui espéraient marquer la reconstruction de la ville de leur empreinte rêvaient d’un chèque en blanc, ainsi, bien souvent, que d’une terre vierge sur laquelle rebâtir rapidement une ville améliorée, mais l’expérience de l’Allemagne d’après-guerre, où la destruction avait été considérable et où l’argent, les ressources, et la main-d’œuvre manquaient, montre que tout cela était fort peu probable. Des financements d’envergure de source externe sont normalement lents à être débloqués, et n’affluent pas sans conditions. Il a toujours fallu beaucoup de temps pour organiser la coordination entre institutions du niveau du quartier, de la ville, de l’État et de l’État fédéral. Il faut également du temps pour produire des modèles de reconstruction qui puissent recevoir l’approbation du public et pour développer les structures administratives capables de gérer les questions de financement et de superviser la construction sur le terrain. Les intérêts et les priorités de tous les ayants droit – groupes qui se distinguent selon la race ou la classe sociale, conservateurs des monuments, églises, universités, entreprises, quartiers – sont souvent différents et peu aisés à concilier.

54 Cela ne veut pas dire que les obstacles soient insurmontables. De même que les Allemands en 1945 pouvaient faire appel à un large échantillon de modèles de reconstruction, de même le peuvent les architectes et urbanistes à La Nouvelle-Orléans. Une profusion de plans de reconstruction fut d’ailleurs générée assez rapidement dans les deux ans suivant l’ouragan. La planification de la reconstruction en Allemagne ne fut pas plus rapide. Étant donné que le processus de planification à La Nouvelle-Orléans rassembla des propositions émanant de citoyens comme d’entreprises et qu’il passa par trois niveaux de planification officielle, il n’est pas étonnant que le plan UNO, en cherchant à intégrer les efforts précédents, tende plutôt vers l’homogénéisation que vers l’innovation. La première phase de la reconstruction en Allemagne prit une décennie sinon plus, une partie du processus se trouvant tributaire des dispositifs de planification centralisée, mais une autre étant assurée à l’initiative des propriétaires individuels. Cela sera sûrement ce qui se passera à La Nouvelle-Orléans.

55 Les premières trois années de reconstruction furent très difficiles en Allemagne, comme elles le furent à La Nouvelle-Orléans. En même temps que l’on dégageait les décombres, les citoyens revenaient et se construisaient des foyers temporaires parmi les ruines. En août 2008, trois ans après l’ouragan, La Nouvelle-Orléans avait retrouvé 72 % du nombre des foyers antérieurs à Katrina et 87 % de sa population (en volume). La plupart des bâtiments les plus endommagées ont été enlevés. Cependant, malgré beaucoup de reconstruction, il reste quelque 65 000 terrains vagues, en ruines ou fortement dégradés. De plus, beaucoup de résidents en revenant se sont joints à un mouvement général de passage des zones basses, inondées dans leur ensemble, vers les zones de la ville qui subirent le moins d’inondation [57]. De tels déplacements auront un impact considérable sur la survie de nombre d’écoles, d’entreprises et d’églises, comme cela fut le cas en Allemagne.

56 Il y a cependant des caractéristiques réellement inhabituelles et intéressantes dans la reconstruction de La Nouvelle-Orléans. En reconstruisant les villes européennes endommagées par la guerre, les autorités cherchèrent à mettre en place des réglementations qui rendraient les villes moins susceptibles de succomber à des incendies à grande échelle, et ils pensaient que des rues plus larges faciliteraient des évacuations d’urgence. Cependant, la perspective qu’une prochaine guerre européenne serait nucléaire rendait inutile l’espoir de construire une ville qui puisse faire face à un tel événement. Il valait mieux se dire qu’une fois reconstruites les villes ne feraient plus jamais l’objet de bombardements, et l’on procéda ainsi. À La Nouvelle-Orléans, en revanche, il y aura certainement d’autres ouragans de grande force, même si personne ne sait quand ils surviendront. La ville se doit donc d’inclure des protections contre ces catastrophes naturelles en reconstruisant. Cela veut dire des normes à appliquer aux bâtiments individuels, mais aussi le renforcement et l’entretien du gigantesque système de digues et pompes qui maintient la ville au sec. Parce que le réseau de digues est du ressort de l’Army Corps of Engineers du gouvernement fédéral, le gouvernement fédéral jouera toujours un plus grand rôle à La Nouvelle-Orléans que les gouvernements nationaux n’en ont joué dans les villes européennes, à l’exception peut-être des capitales nationales.

57 Aucune ville allemande n’a jamais pu compter sur le degré d’aide extérieure dont a bénéficié La Nouvelle-Orléans. Il y avait eu des modèles produits pendant la guerre en vue de la reconstruction, et les urbanistes allemands les connaissaient, ainsi que les méthodes qui avaient permis de les produire, mais tant de villes avaient été endommagées que l’expertise professionnelle était dispersée plutôt que concentrée. Les villes allemandes ne pouvaient non plus compter sur un financement massif de source externe pour la reconstruction. La Nouvelle-Orléans bénéficiera de milliards de dollars d’origine fédérale. En outre, La Nouvelle-Orléans a pu avoir accès à des dons, des matériaux de construction et à une main-d’œuvre venus de l’ensemble des États-Unis [58]. Ces dons sont allés surtout à de petits projets, comme la reconstruction de maisons individuelles, et ces projets ont été le plus souvent réalisés en marge du processus plus large de planification. Par exemple, à la fin de 2008, les milliers de volontaires de Habitat for Humanity [Habitat pour l’Humanité] avaient construit plus de 1 000 foyers sur la côte du Golfe du Mexique [59]. Dans l’Allemagne d’après-guerre, étant donné que presque toutes les villes avaient été détruites et que l’économie comme la vie politique étaient à l’agonie, il n’y eut pas de semblable vague de solidarité pour aider à la reconstruction.

58 L’existence de l’Internet a non seulement permis de rendre disponible une quantité inédite d’avis et d’informations d’experts, mais elle a aussi rendu le processus relativement transparent, d’une façon qui n’aurait pas été possible après la Deuxième Guerre mondiale. En Allemagne, il était beaucoup plus difficile à quiconque d’extérieur aux bureaux d’urbanisme et d’aménagement de suivre le processus avant la publication d’un plan ou sa présentation dans une exposition. Le degré de participation publique à La Nouvelle-Orléans a également été remarquable. Hormis quelques exceptions, les responsables des plans allemands se voyaient comme des professionnels et des experts disposant de l’autorité nécessaire pour préparer et imposer des plans à un public non averti. La Nouvelle-Orléans a mis en place un grand nombre de concertations au niveau du quartier, du district, de la ville, et entre les villes, pour prendre les avis de l’opinion publique et construire un soutien aux propositions. Le plan UNO cherche à donner le pouvoir aux organisations de quartier comme aux responsables des bureaux d’aménagement centraux dans la mise en œuvre des plans de reconstruction.

59 On ne peut encore en juger, mais il est possible que les initiatives au niveau du quartier, du ward ou du district en fassent plus pour donner sa forme à la reconstruction que quoi que ce soit d’autre. Il y a des propositions d’envergure comme celle pour un New Orleans National Jazz Center [Centre national de jazz à La Nouvelle-Orléans] et pour une nouvelle zone résidentielle avec parc sur les bords du Mississippi, projets commandités par des promoteurs privés [60], mais même si ces projets sont réalisés, ils n’auront que peu de lien avec les victimes de l’inondation [61]. Les programmes fédéraux depuis 1960 ont cherché à revitaliser les quartiers, donner le pouvoir à leurs habitants et dépasser quelques-unes des conséquences de la fuite blanche vers les banlieues, mais avec un succès mitigé [62]. À quel point les quartiers de La Nouvelle-Orléans auront-ils changé dix ans après Katrina ? Il semble que la reconstruction post-Katrina soit en train d’encourager des initiatives de quartier dans les quartiers essentiellement noirs de la ville [63]. Reste à voir à quel degré les urbanistes et architectes de la ville, dirigés par l’Office of Recovery Management, ou les propriétaires individuels marqueront la morphologie de ces zones. Tout au moins, les maisons financées par l’acteur Brad Pitt dans le Lower Ninth Ward et les maisons reconstruites et surélevées d’un étage entier dans le quartier de Lakeview suggèrent que quelques parties de La Nouvelle-Orléans auront un aspect très différent de celui qu’elles avaient avant Katrina.

60 Il y a plusieurs domaines dans lesquels il nous faut en apprendre bien davantage sur la reconstruction de La Nouvelle-Orléans avant de pouvoir faire des comparaisons ayant un sens. Après des destructions occasionnées par la guerre ou une catastrophe naturelle, les gouvernements comme les citoyens doivent décider de ce qu’ils veulent faire des décombres. Certaines des villes allemandes ont recyclé ou récupéré les briques, métaux et autres matériaux et les ont transformés en matériaux de construction. Certaines les ont utilisés pour transformer le paysage : ainsi, de nouveaux parcs apparurent à Munich, Berlin, et Cologne. Hambourg combla d’anciens canaux, Rotterdam l’ancien cours d’une rivière. À Varsovie, on rehaussa le niveau des terrains où s’était élevé le ghetto, si bien que la zone reconstruite est essentiellement élevée sur des terrasses. À Osaka, on éleva le niveau des terrains autour du port afin de protéger la ville contre de futures inondations. Au Havre, en France, une autre ville côtière, on rehaussa le centre-ville de 80 cm. À La Nouvelle-Orléans, les maisons en ruine, les voitures abandonnées, les meubles envahis de moisissures, les trottoirs gondolés et les arbres à terre disparurent peu à peu, mais où ? Quelle part de ce nettoyage fut pris en charge par des entrepreneurs privés ou par des services publics ? Quel en a été le coût ? Est-ce que quelqu’un en a bénéficié ? Et il est vraisemblable que les décombres de La Nouvelle-Orléans contenaient plus de produits dangereux que les ruines de villes européennes, si bien qu’il faudra bien demander un jour si la destination des décombres a eu un impact négatif sur l’environnement.

61 Il est possible d’appréhender en gros l’étendue et l’échelle temporelle du financement fédéral de la reconstruction de La Nouvelle-Orléans, mais, à l’heure actuelle, il reste impossible de se rendre compte du niveau de financement fourni par les institutions financières locales ou par des sources privées comme les prêts familiaux. De même, on ne sait trop si quelqu’un a calculé la valeur des matériaux et de la main-d’œuvre fournis par nombre d’ONG ou associations caritatives. De plus, l’effondrement soudain des marchés financiers en 2008 est susceptible de mettre un certain nombre de projets en difficulté pendant un laps de temps, qui peut éventuellement dépasser les dix ans prévus pour la reconstruction. Par ailleurs, les besoins gigantesques en constructions neuves et en rénovations aideront peut-être l’industrie du bâtiment à surmonter la crise économique nationale et ainsi à aider l’économie de la ville. En d’autres termes, l’histoire économique complète de la reconstruction de La Nouvelle-Orléans ne peut encore être écrite.

62 Cela est vrai aussi de l’histoire démographique de la ville, dont la population décroissait depuis des décennies avant Katrina. Les parties de la ville les plus endommagées par l’ouragan récupéreront peut-être un jour leur niveau de population, mais la composition ethnique de ces sous-divisions risque de changer, surtout au fur et à mesure que des Hispaniques et des Asiatiques s’installent dans la ville. Des milliers de ceux qui fuirent la ville pendant la tempête, puis ne purent revenir parce que leur maison avait été détruite et leur emploi avait disparu sont restés dans d’autres États, d’autres villes ou dans de lointaines banlieues. Personne ne sait combien d’anciens habitants reviendront. La population de la ville de La Nouvelle-Orléans, par opposition à la région métropolitaine de La Nouvelle-Orléans, augmentera peut-être jusqu’à un certain point avant de décliner pour bien des raisons différentes. C’est ce qui s’est passé dans certaines villes allemandes après la guerre. Des immigrants de zones auparavant allemandes en Pologne et en Tchécoslovaquie augmentèrent le nombre des habitants de certaines villes, mais ensuite des taux de natalité très bas mirent fin à la hausse de la population. De plus, on ne peut encore se faire une idée de la façon dont de tels changements démographiques pourraient transformer les relations sociales et culturelles de La Nouvelle-Orléans. Dans n’importe quel quartier, une population trop faible met en danger la vitalité des églises, des écoles et des entreprises, mais elle peut aussi mettre en danger des pratiques culturelles particulières, comme les krewes et autres institutions qui soutiennent la longue saison de Carnaval de la ville. Beaucoup de citoyens qui ne quittèrent pas la ville pendant la tempête, ou qui revinrent peu après le reflux des eaux, ont dépendu du soutien matériel et émotionnel d’amis ou de famille dans le quartier. Au fur et à mesure que les quartiers changent, il est vraisemblable que ces réseaux de soutien changeront aussi.

63 Finalement, comme nous l’avons fait remarquer plus haut, le désastre a produit un déluge d’idées sur la façon de reconstruire, en provenance de l’ensemble des États-Unis. Certaines seront mises en œuvre et deviendront réalité, d’autres non. Il faut espérer que d’une façon ou d’une autre, un centre d’archives à l’épreuve des ouragans soit consacré au rassemblement et à la préservation de cette masse de propositions créatives, au mieux pour en favoriser l’étude, au pire, pour en permettre l’utilisation après un nouvel ouragan.

Notes

  • [1]
    Note de l’auteur : une version antérieure de cet article a été publiée dans le Journal of Urban Design (revue universitaire consacrée à la planification urbaine), vol. 14, 3/2009. Tout ce qui en est reproduit ici l’est avec la permission de la revue et du Taylor & Francis Group. Note de la traductrice (Géraldine Deries) : j’ai laissé les citations originales en anglais en fournissant leur traduction dans le texte, et conservé les noms américains des institutions mentionnées, sauf lorsque leur nom français est courant. En revanche, les noms anglais d’institutions allemandes ou hollandaises ont été restitués dans leur langue d’origine.
  • [2]
    Brookings Institution Metropolitan Policy Program, « New Orleans after the Storm : Lessons from the Past, a Plan for the Future » (octobre 2005), p. 13-14.
  • [3]
    Christine Rosen, The Limits of Power : Great Fires and the Process of City Growth in America, New York, Cambridge University Press, 1986.
  • [4]
    Les tempêtes de feu de sinistre mémoire qui dévastèrent Hambourg et Dresde firent environ 35 000 victimes dans chaque ville. Quelque 91 500 personnes périrent à Tokyo sous les bombes incendiaires. Les bombes atomiques tuèrent 78 000 personnes à Hiroshima et 74 000 à Nagasaki.
  • [5]
    Il y a eu, tout au long de la Deuxième Guerre mondiale, un gros risque de destruction massive par inondations. Les Anglais tentèrent de bombarder les barrages de la vallée du Ruhr, ce qui aurait inondé d’importantes villes industrielles allemandes.
  • [6]
    C. Warner, The Times-Picayune, 28 décembre 2005.
  • [7]
    Le 21 avril 2006, lors de la conférence tenue ce jour-là sur le plan Marshall au National D-Day Museum (Musée national du Jour-J), le directeur du musée Gordon Mueller affirma : We’re still waiting for our George Marshall [ « Nous attendons toujours notre George Marshall »]. Thomas Schwartz et moi-même arguèrent tous deux que le cas du plan Marshall ne s’appliquait que de façon limitée au cas en question.
  • [8]
    C. Warner, « History Lesson », The Times-Picayune, 22 avril 2006 ; G. Bischof, « Lessons from the Past : Postwar German and European Reconstruction and the Rebuilding of Post-Katrina New Orleans and the Gulf Coast » (2006), <http://hnn.us/articles/24357.html>.
  • [9]
    Peter Larkham et Keith Lilley ont identifié plus de 130 villes en Grande Bretagne qui élaborèrent des plans de reconstruction ; un grand nombre de celles-ci n’avaient subi aucun bombardement. Les urbanistes dans ces villes espéraient se joindre à un effort national de réforme urbaine au moyen de la reconstruction. Peter Larkham et Keith Lilley, Planning the “City of Tomorrow” : British Reconstruction Planning, 1939-1952 : an Annotated Bibliography, Pickering, Inch’s Book, 2001.
  • [10]
    Brookings Institution Metropolitan Policy Program, « New Orleans after the Storm... », art. cit., p. 2.
  • [11]
    The Times-Picayune, 8 décembre 2006.
  • [12]
    Il a tort, bien sûr. La Nouvelle-Orléans n’est pas Dresde. Les dégâts infligés à Dresde résultaient d’explosions et d’incendies, pas d’inondations. La concentration des dommages était également différente, le centre historique de Dresde ayant le plus souffert alors que les banlieues extérieures restaient pour l’essentiel épargnées, cas inverse de celui de La Nouvelle-Orléans. Le régime de la République Démocratique d’Allemagne reconstruisit en effet quelques bâtiments historiques à Dresde mais en démolit bien d’autres, car il avait pour objectif de construire une ville socialiste moderne telle qu’il l’imaginait. Ce n’est que dans les années 1990, cinquante ans après la guerre, qu’un effort pour recréer une grande partie du centre historique de la ville fut lancé.
  • [13]
    Pour ce qui concerne la reconstruction de l’Allemagne d’après-guerre, voir : Jeffry Diefendorf, In the Wake of War. The Reconstruction of German Cities after World War II, New York, Oxford University Press, 1993 ; Werner Durth et Niels Gutschow, Träume in Trümmern. Planungen zum Wiederaufbau zerstörter Städte im Westen Deutschlands 1940-1950, Braunschweig/Wiesbaden, Vieweg & Sohn, 1988, 2 vol. ; Klaus von Beyme, Der Wiederaufbau. Architektur und Städtebaupolitk in beiden deutschen Staaten, München/Zürich, Piper, 1987 ; Klaus von Beyme, Werner Durth, Niels Gutschow, Winfried Nerdinger et Thomas Topfstedt (dir.), Neue Städte aus Ruinen : deutscher Städtebau der Nachkriegszeit, München, Prestel, 1992.
  • [14]
    Michael J. Hogan, The Marshall Plan : America, Britain, and the Reconstruction of Western Europe, 1947-1952, Cambridge, Cambridge University Press, 1987 ; Charles S. Maier et Günter Bischof (dir.), The Marshall Plan and Germany : West German Development within the Framework of the European Recovery Program, New York/Oxford, Berg, 1991.
  • [15]
    J. Diefendorf, In the Wake of War, op. cit., p. 143-144.
  • [16]
    Michael L. Hughes, Shouldering the Burden of Defeat : West Germany and the Reconstruction of Social Justice, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1999.
  • [17]
    Pour une comparaison intéressante du logement social à La Nouvelle-Orléans et à Vienne, voir Elisabeth Springler, « How to Reach the Goal of Affordable Housing ? Vienna vs. New Orleans », présentation du 3 mars 2009 au Center For Austrian Culture and Commerce, University of New Orleans. Disponible sur le site internet <http://www.centeraustria.org>.
  • [18]
    Martin Heintel, « The city is fighting to come-back », Raum-Dossier 66, 47-8, 2007.
  • [19]
    Jed Horne, Breach of Faith : Hurricane Katrina and the Near Death of a Great American City, New York, Random House, 2006 ; June Cross, « The Old Man and the Storm », Frontline, National Public Television, diffusé sur WGBH Boston le 6 janvier 2009.
  • [20]
    The Road Home, 23 janvier 2009. La page d’accueil de l’organisation est à l’adresse suivante : <http://www.road2la.org>
  • [21]
    ICF International, « Overview of the Road Home Program » (11 janvier 2009). Trouvé en 2009 à l’adresse suivante : <http://icfi.com/markets/community_development/road-home-faqs.asp>
  • [22]
    Institution majeure de génie civil rattachée à l’armée.
  • [23]
    Les propriétaires avaient aussi acquis beaucoup d’expérience pendant la guerre, concernant le déblaiement des ruines et la réparation de leurs bâtiments, dont certains furent bombardés et réparés plusieurs fois. Ils ont bien entendu cherché à utiliser cette expérience à la fin de la guerre, sans attendre de permis de la part des autorités locales.
  • [24]
    Jeffry Diefendorf, « Wartime Destruction and the Postwar Cityscape », dans War and the Environment : Military Destruction in the Modern Age, dir. Charles E. Closmann, College Station, Texas A & M University Press, 2009.
  • [25]
    Chester Hartman et Gregory D. Squires (dir.), There is No Such Thing as a Natural Disaster : Race, Class, and Hurricane Katrina, New York, Routledge, 2006.
  • [26]
    Brookings Institution Metropolitan Policy Program, « New Orleans after the Storm... », art. cit. ; Richard Campanella, « An Ethnic Geography of New Orleans », dans Through the Eye of Katrina : The Past as Prologue ?, numéro spécial de The Journal of American History, 2007, vol. 94, n° 3, p. 704-715 ; Elizabeth Fussell, « Constructing New Orleans, Constructing Race : A Population History of New Orleans », dans ibid., p. 846-855.
  • [27]
    Carol M. Reese et Jane Wolff, « Ecological Crisis and the Modernist Residential Landscape : Pontchartrain Park, New Orleans, Louisiana », dans Dirk van den Heuvel et al. (dir), The Challenge of Change : Dealing with the Legacy of the Modern Movement (Proceedings of the 10th International DOCOMOMO Conference), Amsterdam, IOS Press, 2008.
  • [28]
    La Nouvelle-Orléans est divisée en 17 wards qui ont une forte identité de quartier ; le 9e est lui-même divisé en deux dont le Lower Ninth proche du fleuve (note de la traductrice).
  • [29]
    Kent B. Germany, « The Politics of Poverty and History : Racial Inequality and the Long Prelude to Katrina », dans Through the Eye of Katrina, op. cit., p. 743-751 ; Arnold R. Hirsch, « Fade to Black : Hurricane Katrina and the Disappearance of Creole New Orleans », dans ibid., p. 752-761.
  • [30]
    Alecia P. Long, « Poverty Is the New Prostitution : Race, Poverty and Public Housing in Post-Katrina New Orleans », dans ibid., p. 795-803.
  • [31]
    Ainsi Rudolf Hillebrecht est passé de Hambourg à Hanovre, Friedrich Tamms de Lübeck à Düsseldorf, et Rudolf Schwarz de l’Alsace à Cologne.
  • [32]
    Werner Durth, Deutsche Architekten. Biographische Verflectungen 1900-1970, Braunschweig et Wiesbaden, Friedrich Vieweg & Sohn, 1986.
  • [33]
    Kenneth R. Foster et Robert Giegengack, « Planning for a City on the Brink », dans On Risk and Disaster : Lessons from Hurricane Katrina, dir. Ronald J. Daniels, Donald F. Kettl et Howard Kunreuther, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2006, p. 55.
  • [34]
    T.M. Kusky, « Time to move to higher ground », Boston Sunday Globe, D12, 25 septembre 2005 ; L. Vale, « Rebuild or relocate ? », Boston Sunday Globe, D12, 25 septembre 2005.
  • [35]
    American Institute of Architects, 2005 : <http://archrecord.construction.com/news/katrina/rebuilding.asp> et <http://archrecord.construction.com/news/katrina/competition.asp>.
  • [36]
    American Planning Association’s New Orleans Planning Assessment Team, « Charting the Course for Rebuilding a Great American City : An Assessment of the Planning Function in Post-Katrina New Orleans » (novembre 2005).
  • [37]
    T. Sterling, « Architects meet in Rotterdam on New Orleans », Boston Globe, 19 février 2006.
  • [38]
    On Risk and Disaster, op. cit. ; Eugenie L. Birch et Susan M. Wachter (dir.), Rebuilding Urban Places after Disaster. Lessons from Hurricane Katrina, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2006.
  • [39]
    J.R. Logan, « The Impact of Katrina : Race and Class in Storm-Damaged Neighborhoods », une contribution au Katrina Project de la Spatial Structures in the Social Sciences Initiative (2006) : <http://www.s4.brown.edu/katrina/report.pdf> ; David L. Brunsma, David Overfelt et J. Steven Picou, The Sociology of Katrina : Perspectives on a Modern Catastrophe, Lanham (Md), Rowman and Littlefield, Lanham, 2008 ; Department of Architecture, University of Kansas (2007) : <http://7thwardbag.pbwiki.com>.
  • [40]
    J. Horne et B. Nee, « An Overview of Post-Katrina Planning in New Orleans » (2006) : http://www.bnee.com/wp-content/uploads/2006/10/An_Overview_of_the_Unified_New_Orleans_Planning_Process.pdf>, trouvé à l’adresse <http://www.nolaplans.com>.
  • [41]
    Urban Land Institute, « New Orleans, Louisiana. A Strategy for Rebuilding » (12-18 novembre 2005). Trouvé en 2008 à l’adresse suivante : http://www.uli.org/ResearchAndPublications/Reports/~/media/Documents/ResearchAndPublications/Reports/AdvisoryServicePanelReports/NewOrleans05%20pdf.ashx ; Bring New Orleans Back, « Action Plan for New Orleans : The New American City » (2006) : <http://bringneworleansback.org/> ; Jonathan Barnett et John Beckman, « Reconstructing New Orleans : A Progress Report », dans E.L. Birch et S.M. Wachter (dir.), Rebuilding Urban Places after Disaster, op. cit, p. 288 sq.
  • [42]
    American Society of Landscape Architects, communiqué de presse du 18 janvier 2006 : <www.asla.org/press/2005/pressrelease11806a.htm>.
  • [43]
    E.L. Glaeser, « A smaller New Orleans », Boston Globe, 1er février 2006.
  • [44]
    P. Lambert et S. Danzey, « District 8 » (2006). Présentations trouvées en 2008 sur <http://nolanrp.com/Data/Neighborhood//District_8_Presentations_Lower%209th%20Ward%20Summary%20Presented%20to%20City%20Council%2C%207.13.06.pdf>. Voir <http://www.nolaplans.com>
  • [45]
    P. Lambert et S. Danzey, « New Orleans Neighborhoods Rebuilding Plans » (2006). <http://nolanrp.com/index.php>
  • [46]
    J. Horne et B. Nee, « An Overview of Post-Katrina Planning... », art. cit.
  • [47]
    Edward Blakely, « A new New Orleans » (13 septembre 2005), sur le site On line opinion. Australia’s e-journal of social and political debate auquel l’accès s’obtenait en 2008 à l’adresse suivante : <http://www.onlineopinion.au/view.asp?article=186>
  • [48]
    Unified New Orleans Plan. <http://www.unifiedneworleansplan.com/home2/>. Voir <http://www.nolaplans.com>
  • [49]
    Ibid.
  • [50]
    Ibid., p. 3.34 et 3.36.
  • [51]
    R.W. Kates, C.E. Colten, S. Laska et S.P. Leatherman, « Reconstruction of New Orleans after Hurricane Katrina : A Research Perspective », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 103, n° 40, 3 octobre 2006, p. 14653-14660. trouvé à l’adresse http://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.0605726103.
  • [52]
    Unified New Orleans Plan, art. cit., chap. 1, introduction, p. 17.
  • [53]
    Ibid., chap. 3 ; Citywide Recovery Framework [Cadre de la reconstruction d’ensemble], p. 58 et 67.
  • [54]
    Unified New Orleans Plan, art. cit., chap. 1, introduction, p. 19.
  • [55]
    Unified New Orleans Plan. <http://willdoo-storage.com/Plans/D8/District_08_Lower9th_Chapter_04_Visions_Goals_
  • [56]
    Jed Horne, « Flawed solutions in New Orleans », Boston Globe, 7 juillet 2006 ; G. Russell et R. Russell, « Patchy progress plays out in N.O. », The Times-Picayune, 1er janvier 2007 ; A. Nossiter, « Largely Alone, Pioneers Reclaim New Orleans », New York Times, 5 juillet 2007.
  • [57]
    « The New Orleans Index : Tracking the Recovery of New Orleans & the Metro Area » (août 2008). Trouvé à l’adresse <http://www.brookings.edu/metro/katrina-reading-room.aspx>
  • [58]
    Lawrence N. Powell, « What does American History Tell Us about Katrina and Vice Versa ? », dans Through the Eye of Katrina, op. cit., p. 863-876, ici p. 873.
  • [59]
    Habitat for Humanity (2009), consultable à l’adresse suivante : <http://www.Habitat.org/gulfrecoveryeffort>.
  • [60]
    Le projet de Centre sur le jazz provient de Morphosis, un cabinet d’architectes de Santa Monica en Californie, et celui sur le parc sur les berges du fleuve de TEN Arquitectos, Hargreaves Associates, et Chan Krieger Sieniewicz. Morphosis tout comme Hargreaves Associates ont participé en février 2006 à la conférence sur l’architecture à Rotterdam organisée par l’Université de Tulane et l’Institut d’architecture des Pays-Bas.
  • [61]
    N. Ouroussoff, « Two Infusions of Vision to Bolster New Orleans », New York Times, 28 août 2007.
  • [62]
    June Manning Thomas, « Racial Inequality and Empowerment : Necessary Theoretical Constructs for Understanding U.S. Planning History », dans Making the Invisible Visible : A Multicultural Planning History, Leonnie Sandercock (dir.), Berkeley, University of California Press, 1998, p. 198-208, ici p. 202.
  • [63]
    L.N. Powell, « What does American History Tell Us... », art. cit., p. 873 ; Donald E. DeVore, « Water in Sacred Places : Rebuilding New Orleans Black Churches as Sites of Community Empowerment », dans Through the Eye of Katrina, op. cit., p. 762-769 ; Carl Deal et Tia Lessin, Trouble the Waters, film documentaire, 2008, 90 mn ; Laszlo Fulop et Marline Otte, The New Orleans Tea Party, film documentaire, 2009, 53 mn.
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