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Article de revue

Les dons en faveur du clergé français émigré, collectés dans l'Empire de Russie en 1794 et 1798

Pages 45 à 59

Notes

  • [1]
    Cet article est une partie des recherches menées dans le cadre d’une thèse sur « La communauté française en Russie durant la période révolutionnaire. 1789-1799 », en cotutelle entre l’Université de Bordeaux III sous la direction de M. Figeac, et l’Institut d’Histoire Universelle de l’Académie des Sciences de Russie sous la direction de M. Tchoudinov, avec le soutien d’une bourse Lavoisier de cotutelle attribuée par le Ministère des Affaires Etrangères de France, en 2004 et 2005. Je remercie M. D. Bovykine pour ses conseils.
  • [2]
    Il n’existe aucune étude antérieure sur ce sujet, ni même d’allusion dans les ouvrages sur l’émigration ou sur l’histoire de Russie. Les sources consultées pour cet article se trouvent à Moscou aux Archives gouvernementales russes des actes anciens (RGADA), aux Archives de la politique extérieure de l’Empire russe (AVPRI), aux Archives centrales historiques de Moscou (TsIAM). Il est évident que d’autres fonds d’archives en France et en Europe contiennent aussi des documents sur ce sujet, et qu’il est possible d’approfondir la question. L’orthographe des sources a été modernisée. La langue est spécifiée seulement pour les textes en russe, les autres étant en français. Les dates sont celles indiquées sur les documents, c’est-à-dire dans le calendrier grégorien pour ceux écrits de Suisse, et dans le calendrier julien pour ceux écrits de Russie (date antérieure de 11 jours).
  • [3]
    Au sujet de cet oukase, voir Julie Ollivier-Chakhnovskaia, « Les Français expulsés de l’Empire russe par l’oukase de Catherine II du 8 février 1793 », Cahiers du Monde Russe, n° 46/3, 2006. Sur les persécutions à l’égard des Français, voir J. Ollivier-Chakhnovskaia, « Les mesures prises dans l’Empire de Russie envers les Français soupçonnés de sympathies révolutionnaires. 1792-1799 », Annales Historiques de la Révolution Française (à paraître n° 3, 2007.).
  • [4]
    RGADA, fonds 193 « Lettres à Platon Zoubov », opis’ 1, dos. 352. « Les évêques français émigrés de Suisse ». Folios 1-1vo : lettre de Jean-Louis d’Usson de Bonnac, évêque d’Agen, et de Claude Ignace Defranchet, évêque de Rosy, adressée au comte Esterhazy à Saint-Pétersbourg, de Soleure, le 7.02.1795. Il n’existe pas, à notre connaissance, de recherches analogues menées dans d’autres pays qui permettraient une comparaison très intéressante des différentes collectes, si tant est qu’elles aient bien eu lieu.
  • [5]
    Le meilleur ouvrage sur la question reste encore celui d’Ernest Daudet, Les Bourbons et la Russie pendant la Révolution Française, Paris, Librairie Illustrée, 1886.
  • [6]
    RGADA, fonds 10 « Cabinet de Catherine II », opis’ 1, dos. 651. « Suppliques et lettres à Catherine II en langues étrangères, dans les dossiers du prince Aleksandr Aleksandrovi? Bezborodko, 1793-1794 ». Folio 145 : lettre du comte de Montrichard de Fribourg, à Catherine II à Saint-Pétersbourg, le 9.10.1794.
  • [7]
    AVPRI, fonds 6 « Cabinet noir », opis’ 2, Bourbons, dos. 4, 1794. Folios 356-359 : lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au duc de Sérent à l’armée d’York, le 28.11/9.12.1794. – Voir aussi RGADA, fonds 10, opis’ 1, dossier 651, op. cit. Folio 146 : lettre de J. F. Vuillaume, J. B. Prost, J. C. Clerc, de Saint-Pétersbourg, à Catherine II, le 18. 10.1794.
  • [8]
    RGADA, fonds 193, opis’ 1, dos. 352. Folios 1-1v°, op. cit.
  • [9]
    RGADA, fonds 10 « Cabinet de Catherine II », opis’ 1, dos. 652. « Suppliques et lettres à Catherine II en langues étrangères, dans les dossiers du prince Aleksandr Aleksandrovi? Bezborodko, 1795 » : Folio 310 : lettre de l’Archevêque de Paris, de Constance, au comte Bezborodko à Saint-Pétersbourg, le 13.04.1795. Antoine Le Clerc de Juigné (1728-1811) succède à Mgr de Beaumont du Repaire à l’archevêché de Paris en 1782. Il émigre en octobre 1789 et démissionne en 1802. Aleksandr Aleksandrovi? Bezborodko (1747-1799) : responsable officieux de la politique étrangère de l’Empire Russe à partir de 1783, nommé chancelier par Paul Ier en 1797.
  • [10]
    RGADA, fonds 10, opis’ 1, dos. 674. « Suppliques et lettres à Catherine II, dans les dossiers de Vasili Stepanovi_ Popov, 1795-1796 » : Folios 72, 91 : Lettre de Camus, vicaire général de Nancy, de Sursée en Suisse, du 11.06.1795, à Catherine II.
  • [11]
    AVPRI, fonds 8 « Rapports approuvés par Sa Majesté, sur les relations de la Russie avec des États étrangers », opis’ 1 (1725-1802) ; dos. 32 « Suppliques au nom de Sa Majesté et des ministres. 1797. Lettres O, P, R » ; folios 15-15v°-18-18v° : lettre de l’archevêque de Paris Juigné de Constance, à Paul Ier, le 24.02.1797.
  • [12]
    AVPRI, fonds 14 « Lettres en langues étrangères », opis’ 1, dos. P33 « Archevêque de Paris. 1797 ».
  • [13]
    TsIAM, fonds 16 « Chancellerie du général-gouverneur de Moscou », opis’ 1, dos. 720 « Sur la mise en place d’une collecte catholique à Moscou. 26.09.1797 ». Folio 3 : lettre du duc de Serracapriola, au prince [certainement Dolgorukov], sl. sd. ; et folio 4 : copie de la lettre de l’archevêque de Paris au duc de Serracapriola. – Le duc de Serracapriola se charge d’appuyer la collecte mise en place par l’archevêque de Paris auprès du prince Dolgoroukov.
  • [14]
    RGADA, fonds 10, opis’ 1, dos. 651. Folio 146, op. cit.
  • [15]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. F° 356-359, op. cit. – Voir aussi AVPRI, fonds 6 « Cabinet noir », opis’ 2, France, dos. 35. F° 550-551 : lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au duc de Sérent à La Haye, le 22.09/3.10.1794.
  • [16]
    RGADA, fonds 1239 « Archives de la Cour », opis’ 3, dos. 62662. Folio 1 : « Lettre de Mihajl Donaurov à Dmitri Prokofevi? Tro?inskij, sur la permission de Sa Majesté de faire à Saint-Pétersbourg une collecte en faveur de l’épiscopat français chassé de sa patrie, du 29 avril 1798 ». en russe.
  • [17]
    Ce passage qui figure dans la lettre à Serracapriola, n’est pas dans la supplique envoyé à l’Empereur. TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 720. F° 4, op. cit.
  • [18]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, France, dos. 35. Folios 550-551, op. cit. De même dans AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. Folios 356-359. op. cit.
  • [19]
    RGADA, fonds 10, opis’ 1, dos. 651, folio 146, op. cit., et folios 148-149 : « notice des secours et moyens accordés pendant le cours de notre voyage à Saint-Pétersbourg », J.-F. Vuillaume, J.-B. Prost, J.-C. Clerc, de Saint-Pétersbourg, à Catherine II, le 18. 10.1794.
  • [20]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, France, dos. 35. Folios 550-551, op. cit. À cette date la collecte n’a pas encore débuté.
  • [21]
    RGADA, fonds 193, opis’ 1, dos. 352 ; Folios 1-1 vo, op. cit.
  • [22]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 8, 1798. Folio 168 : lettre de l’évêque de Rennes de Mitau, au comte de Saint-Priest [à St-Pétersbourg], du 30.07.1798. Folios 169-171 : lettre de l’évêque de Rennes de Saint-Pétersbourg, à l’archevêque de Paris Juigné à Constance, le 21.05/2.06.1798. Folio 172 : lettre de l’évêque de Rennes, de Vilna [Vilnius], à Monsieur Gorte, du 2.09.1798. Folio 173 : lettre de l’évêque de Rennes, de Vilna [Vilnius], au baron de Steding, du 28.08.1798.
  • [23]
    TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 720. Folio 1 : lettre du comte Buksgevden de Saint-Pétersbourg, au prince Dolgoroukov à Moscou, le 4.09.1797. en russe ; et folio 8 : lettre du [prince Dolgoroukov de Moscou], au gouverneur militaire de Moscou Arhirov, du 26.09.1797. en russe.
  • [24]
    TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 810 « À propos de l’organisation dans la ville de Moscou d’une collecte pour la subsistance des pauvres Français. 7.05.1798 ». Folio 1 : lettre du comte Buksgevden de Saint-Pétersbourg, au comte Ivan Petrovi? Saltykov à Moscou, du 26.04.1798. en russe ; et AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons, dos. 8, 1798. Folios 169-171, op. cit.
  • [25]
    Voir différentes lettres de l’évêque de Rennes : AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons, dos. 8, 1798. Folios 168-173, op. cit.
  • [26]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. Folios 356-359., op. cit.
  • [27]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons, dos. 8, 1798. Folios 169-171, op. cit. Fedor Fedorovi? Buksgevden (1750-1811) : gouverneur militaire de Saint-Pétersbourg peu après l’avènement de Paul Ier et jusqu’en septembre 1798.
  • [28]
    TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 720. op.cit. Folio 1. op. cit. en russe. TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 810. Folio 1, op. cit., en russe.
  • [29]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 8, 1798. Folios 169-171, op. cit.
  • [30]
    TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 720. Folios 1-1 vo, op. cit., en russe.
  • [31]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 8, 1798. Folios 169-171, op. cit.
  • [32]
    TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 810, op. cit. Folio 6 : Rapport adressé au comte Ivan Petrovi? Saltykov, de Moscou, du 30.10.1799. en russe.
  • [33]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. Folios 356-359, op. cit.
  • [34]
    RGADA, fonds 1239, opis’ 3, dos. 62662. op. cit. Dmitri Prokofevi? Tro?inskij (1754-1829) : secrétaire de Catherine II puis de Paul Ier, de 1793 à 1798, puis président du département des Postes, et en 1801 membre du Conseil.
  • [35]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 8, 1798. Folios 169-171, op. cit.
  • [36]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 8, 1798. Folios 267-268 : lettre du comte de Saint-Priest de Saint-Pétersbourg, à Louis XVIII à Mitau, du 22.06/3.07.1798.
  • [37]
    TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 810. Folio 6, op. cit., en russe.
  • [38]
    Voir notamment AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. Folios 263-266 : lettre du duc de Sérent de Hamm, au comte Esterhazy à Saint-Pétersbourg, du 12.04.1794.
  • [39]
    Pour tous ces détails voir E. Daudet, op. cit. Il note que l’accueil des émigrés en Russie coûte une fortune au gouvernement russe, et que malgré cela « les demandes se continuèrent, les exigences s’accrurent. Elles obligent à confesser que le séjour de Louis XVIII et des émigrés français en Russie, ne fut qu’une longue mendicité ». Par exemple, le duc de Berry a une pension de 4600 roubles de Paul Ier, mais il se plaint qu’elle est insuffisante. p. 149. Sur le coût du corps de Condé en Russie, voir l’excellent article de Alexéi Vassiliev, « L’armée royaliste des émigrés du prince de Condé dans l’Empire de Russie (1798-1799) », dans Aleksei L. Narotchnitsk, Anatoli Ado et alii, La Révolution française et la Russie, Paris / Moscou, Librairie du Globe / Éditions du Progrès, 1989, p. 303-316.
  • [40]
    Voir notamment Alfred Rambaud, Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France, Paris, Alcan, 1890. p. 506 : lettre du chargé des affaires de France à Saint-Pétersbourg Genet, au ministre Montmorin, du 17.06.1791 ; et Kazimierz Waliszewski, Autour d’un trône, Catherine II de Russie, ses collaborateurs, ses amis, ses favoris, Paris, Plon, 1909. p. 245.
  • [41]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 3, 1793. Folios 36-36v v: lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au baron de Flachslanden à Hamm, du 4/15. 10.1793. AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. Folios 277-277 v: lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au duc de Sérent à Hamm, du 28.03/ 8.04.1794, et folios 227-228 : lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au comte d’Artois à Hamm, du 30.05/10.06.1794. – La correspondance du comte Esterhazy, en grande partie copiée par le « cabinet noir », renferme de très précieux renseignements sur l’accueil des émigrés français en Russie.
  • [42]
    AVPRI, fonds 8, opis’ 1, dos. 33, « Suppliques au nom de Sa Majesté et des ministres. 1797. Lettres S, T, Ou » ; Folios 179-180 v: lettre du comte de Saint-Priest de Pavlovsk à Paul Ier, du 12/23.08.1797.
  • [43]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. Folio 392 : lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au duc de Sérent à Londres, du 12/23.09.1794, et folio 292 : lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au prince de Nassau à Berlin, du 21.11/2.12.1794.
  • [44]
    AVPRI, fonds 8, opis’ 1, dos. 32. op. cit. Folios 62-66 : lettres d’Alexandre de Penguilli l’Haridon, de Lesen Stein Leiten (Autriche), à Paul Ier et ses ministres, du 25.11/6.12.1797 et du 13/24.03.1798. Voir aussi AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 8, 1798. Folios 539-541 : lettres de la marquise d’Autichamp de Saint-Pétersbourg, à monsieur l’Abbé de Penguilly à Lins, et au comte de Cossé à Mitau, du 27.04/8.05.1798. C’est un leitmotiv dans les suppliques adressées par des Français à Paul Ier, que de rappeler à l’Empereur l’époque de son voyage en Europe en 1781-1782, sous le nom de Comte du Nord. La plupart des émigrés se souviennent de l’avoir alors rencontré, et parfois accueilli en France. Il semble que cette évocation soit agréable à l’Empereur, puisqu’il n’est pas rare que dans ces cas il montre de plus de générosité.
  • [45]
    RGADA, fonds 1239, opis’ 3, partie 111, dos. 58314. « À propos de l’argent, donné en 1798 au clergé français, émigré de France. 1802 ». Folios 1-1 v: lettre de Fédor Engel’ à Dmitri Prokofevi? Tro?inskij, de Saint-Pétersbourg, le 10.10.1802. en russe. Ce rapport fait aussi le résumé de la lettre de l’archevêque de Paris.
  • [46]
    Citée d’après la lettre conservée aux AVPRI, fonds 8 « Rapports approuvés par Sa Majesté, sur les relations de la Russie avec des Etats étrangers », opis’ 1 (1725-1802) ; dos. 32 « Suppliques au nom de Sa Majesté et des ministres. 1797. Lettres O, P, R ». Folios 15-15 vo, 18-18 vo.
  • [47]
    Ûrij Aleksandrovi? Neledinskij-Meleckij (1752-1829) : poète et secrétaire d’Etat.

1 Dans les premières années qui suivent la Révolution de 1789, des milliers de Français quittent leur patrie et choisissent l’émigration. Certains agissent par fidélité aux principes monarchiques, d’autres par conviction religieuse, d’autres encore certainement par peur. Si leurs raisons peuvent être multiples et différentes, il y a bien un point commun qui réunit la grande majorité de ces émigrés : c’est le dénuement auquel ils doivent soudain faire face. En laissant leurs biens et leurs places en France, ils sont plongés dans la pauvreté. Nombreux sont ceux qui trouvent une issue dans les armées, à la solde des Princes ou au service de puissances étrangères. Toutefois, beaucoup sont aussi dans l’impossibilité de se placer, et en sont réduits à vivre des secours des âmes charitables. Tel est le cas du clergé réfractaire : composé des religieux qui ont refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé, votée par l’Assemblée constituante le 12 juillet 1790, il a en grande partie choisi la voie de l’émigration, suivant la presque totalité des évêques de France. Sa situation est particulièrement difficile, car si ces religieux sont certes reconnus par Rome, ils ne peuvent exercer leur ministère. Réfugiés en Angleterre, dans la Péninsule ibérique, ou en Allemagne, Suisse et Italie, ils gardent leurs titres de l’Ancien Régime, mais leurs fonctions sont réduites à néant. Privés de moyens de subsistance, ils vivent de la charité.

2 À deux reprises, en 1794-1795 et en 1797-1799, des quêtes publiques sont organisées en Russie en faveur des ecclésiastiques émigrés et des familles pauvres, réfugiées autour d’eux, qui ont trouvé un asile en Suisse, particulièrement dans la région de Constance. Ces collectes, auprès de la noblesse et des souverains russes Catherine II (1762-1796) puis Paul Ier (1796-1801), peuvent sembler surprenantes dans un pays de religion orthodoxe. En effet, pourquoi la Russie vient-elle en aide à de pauvres émigrés catholiques, prêtres de surcroit ? Par pure compassion ? Ou bien derrière ce geste est-il possible de percevoir des intentions moins charitables ? En réalité, ce sont les conditions même dans lesquelles se déroulent ces collectes, et leurs résultats, qui permettent de mieux comprendre les rapports de l’Empire de Russie à ces solliciteurs, et de manière plus générale à l’émigration française  [1].

Les sollicitations du clergé français auprès des souverains russes  [2]

3 Ce n’est certes pas un hasard si, en 1794, l’épiscopat français réfractaire s’adresse à Catherine II pour lui demander du secours : l’Impératrice a ouvertement dénoncé la Révolution et obligé tous les Français résidant dans son empire à prêter un serment de fidélité à leur religion et à la Monarchie, par l’oukase du 8 février 1793  [3] ; elle a fait preuve à plusieurs reprises d’une grande générosité en faveur des princes français, en fournissant des secours extraordinaires au comte de Provence et au comte d’Artois pour leur permettre de financer leurs opérations contre la France révolutionnaire, ainsi qu’au prince de Condé pour équiper son corps. Elle a accueilli dans son Empire et secouru de très nombreux émigrés de la noblesse française, en les prenant à son service dans ses armées, ou bien en les pensionnant. Chaque jour, elle reçoit d’Allemagne, d’Italie, d’Angleterre, de nombreuses suppliques d’émigrés qui recourent à sa compassion et, selon leurs recommandations, ont parfois la chance de recevoir d’elle quelques centaines de livres. Cette générosité de l’Impératrice suscite les espoirs de la noblesse française qui attend avec impatience que la Russie fasse intervenir ses armées pour le rétablissement des Bourbons sur le trône. Cependant, si Catherine II approuve la première coalition, c’est surtout pour mieux affaiblir la Prusse et l’Autriche et avoir les coudées franches dans les affaires de la Pologne. Malgré les discours que la Tsarine tient au comte d’Artois venu à Saint-Pétersbourg au printemps 1793, l’intervention de la Russie dans la guerre contre la France reste une promesse. Catherine II n’en apparaît pas moins comme une bienfaitrice de la cause des émigrés.

4 Il est probable que l’Impératrice ne soit pas la seule souveraine sollicitée par l’épiscopat français. En effet, en 1794, l’Empire d’Autriche, la Prusse, la plupart des États allemands, sont favorables aux émigrés, et ont la même attitude que la Russie à leur égard, c’est-à-dire les accueillent, les emploient, et parfois les pensionnent. Ainsi, un des documents concernant les collectes en Russie, daté de 1795, fait allusion à une quête, qui en réalité a bien plus d’ampleur, puisque des « collecteurs [sont] envoyés de concert dans plusieurs États de l’Europe »  [4]. Malheureusement, cette affirmation est la seule indication sur ce sujet, et le déroulement éventuel de collectes auprès d’autres souverains n’est pas connu.

5 Après la mort de Catherine II, son fils Paul Ier monte sur le trône de l’Empire de Russie en novembre 1796. La situation des émigrés en Europe n’a guère varié, et s’ils espèrent dorénavant un retournement de la situation en France, ils comptent aussi toujours sur l’intervention des puissances étrangères pour vaincre la Révolution. Les espoirs qu’ils avaient placés en l’Impératrice se reportent sur son successeur. En effet, Paul Ier, malgré son caractère abrupt et ses décisions parfois contradictoires, donne aux Bourbons des preuves de sa sollicitude. Il prend à son service le corps de Condé en juillet 1797, il offre un asile au prétendant Louis XVIII dans le palais de Mitau, en Courlande, province russe  [5], et il accueille à sa cour et dans ses armées de très nombreux nobles français émigrés, dont certains connaissent quelques succès. Si, à son avènement, il avait refusé que la Russie combatte contre la France révolutionnaire, il se laisse peu à peu convaincre par la nécessité de cette intervention, et prend part à la seconde coalition en 1798, envoyant ses troupes sous le commandement du général Souvorov vers les frontières françaises. Dans ces conditions, l’épiscopat français cherche aussi à profiter des bonnes dispositions de l’Empereur et de sa grande générosité. Sa situation ne s’étant pas améliorée et l’exil se prolongeant, des lettres sont adressées à Paul Ier et aux grands de Russie pour solliciter l’organisation d’une seconde quête. Aucune indication ne permet de savoir si cette collecte s’est uniquement déroulée en Russie, ou si d’autres souverains ont aussi été sollicités.

6 En ce qui concerne la Russie, de très nombreux documents, en particulier des lettres, qui se trouvent dispersés dans différentes archives russes, font partiellement la lumière sur ces collectes. La reconstruction du déroulement des quêtes s’avère un véritable puzzle, dans la mesure où aucune source ne présente clairement ni les initiateurs, les bénéficiaires, les objectifs, ni les résultats de ces collectes.

7 Les organisateurs des quêtes se devinent par les signatures au bas des lettres envoyées à l’Impératrice ou aux grands de la Cour. Ainsi, le 9 octobre 1794, le comte de Montrichard, chanoine coadjuteur du grand chapitre de Liège et vicaire général du diocèse de Cambrai, adresse une supplique à Catherine II, pour qu’elle vienne en aide au clergé et aux émigrés nécessiteux  [6]. D’après le comte Esterhazy, chargé des affaires des émigrés à Saint-Pétersbourg, l’initiative de cette démarche revient à « plusieurs évêques français qui sont en Suisse »  [7]. Cette information est bien vague, mais une autre supplique, adressée au favori de l’Impératrice, le comte Platon Zoubov, est signée par Jean-Louis d’Usson de Bonnac, évêque d’Agen, et Claude Ignace Defranchet, évêque de Rosy, qui se présentent comme chargés de « la correspondance directe avec les collecteurs »  [8]. Toutefois, le principal organisateur de la quête, qui apparaît lorsque les premières démarches ont déjà été effectuées, est l’archevêque de Paris, Antoine Le Clerc de Juigné, frère du marquis de Juigné, ancien ambassadeur de France en Russie. Il est fort possible que l’initiative de cette collecte ne lui revienne pas, et qu’il se soit rallié au projet peu de temps après les débuts, renforçant par le prestige de son nom et de son ministère les succès de la quête. Toujours est-il que c’est à lui que revient la correspondance directe avec l’Impératrice et ses ministres, en particulier Aleksandr Aleksandrovi? ? Bezborodko  [9], chargé des affaires étrangères de l’Empire. Ainsi se devine toute une organisation, avec à sa tête l’archevêque de Paris, secondé par quelques évêques chargés du suivi des correspondances et du bon déroulement des quêtes, et tout en bas des « collecteurs », dont la mission est de réunir sur place les fonds et de les faire parvenir à leurs supérieurs, qui eux-mêmes les transmettent à des distributeurs. La manière dont ces fonds ont été ensuite utilisés et répartis ne nous est pas connue, sauf par une supplique adressée à Catherine II le 11 juin 1795, de Sursee en Suisse, par le vicaire général de Nancy, Camus, qui se présente comme un « membre de cette nombreuse et infortunée famille de prêtres français réfugiés en Suisse et chargé de leur distribuer une portion du magnifique don que Votre Majesté a daigné leur faire »  [10]. Il est évident que Camus n’est qu’un distributeur parmi d’autres, un maillon de ce clergé français en exil.

8 À l’occasion de la seconde collecte, c’est l’archevêque de Paris qui adresse une supplique à Paul Ier le 24 février 1797 [voir annexe]  [11]. Il écrit en même temps à plusieurs ministres  [12] et autres personnalités importantes en Russie, comme l’ambassadeur des Bourbons de Naples en Russie, le duc de Serracapriola  [13]. Dans l’ensemble, ces lettres sont du même contenu : elles rappellent les malheurs des prêtres, les désordres en France, la générosité de Catherine II et les espoirs aujourd’hui placés en Paul Ier. L’archevêque de Paris dirige toute l’organisation de la collecte, mais un autre membre de l’épiscopat français, l’évêque de Rennes, François Bareau de Girac, surveille aussi son avancée à Saint-Pétersbourg, dans la mesure où il se trouve alors temporairement dans cette capitale. Il ne fait pas partie des collecteurs, qui sont des membres du bas clergé, mais il est en relation avec eux. Malheureusement, aucun indice ne permet de savoir si sa présence en Russie est purement fortuite et s’il s’y est rendu avec des objectifs personnels, ou bien s’il y a été envoyé par l’archevêque de Paris pour appuyer la collecte. L’absence même d’explications concrètes sur sa venue à Saint-Pétersbourg, pourrait justement être un argument faisant pencher en faveur de la seconde hypothèse, c’est-à-dire une sorte de mission de surveillance de la collecte.

9 Il est particulièrement intéressant de noter que les évêques français s’adressent directement à Catherine II et Paul Ier, et aux hommes politiques qui les entourent. Ils ne semblent presque pas avoir recours au comte Esterhazy, pourtant très proche de l’Impératrice et de son favori Platon Zoubov, ni aux quelques nobles français qui ont trouvé refuge en Russie et ont leurs entrées à la cour. Lors de la seconde collecte, ils semblent de même ignorer la présence à Saint-Pétersbourg du comte de la Ferté-Meun, qui remplace auprès de Paul Ier le comte Esterhazy en disgrâce, et est officieusement chargé des affaires des émigrés. Ils ne semblent pas non plus demander de recommandations particulières de la part des princes français émigrés, le comte de Provence et le comte d’Artois, ni de leurs ministres. C’est donc bien l’épiscopat français qui a l’initiative de cette collecte, qui n’a rien à voir avec les secours accordés ponctuellement aux princes. C’est ainsi que l’archevêque de Paris semble vouloir la mener sans l’aide des relations diplomatiques mises en place par les frères de Louis XVI et la noblesse émigrée. Faut-il voir dans cette démarcation le signe de tensions au sein de l’Emigration ? Il est certain que le clergé évite d’être trop précis sur ce sujet dans les lettres adressées à Catherine II et à ses ministres. Le même flou entoure aussi les bénéficiaires de ces quêtes.

10 À plusieurs reprises, la correspondance mentionne le clergé nécessiteux et les pauvres émigrés français. Les prêtres chargés de la collecte en 1794 évoquent « six à sept mille curés ou vicaires françois, fidèles à leur dieu et à leur Roi, réfugiés à Constance, dans la Suisse et le Valais, [qui] y sont réduits, ainsi que beaucoup de familles royalistes, à la plus extrême indigence », et ils soulignent que cet argent sera distribué « aux plus infirmes et aux plus nécessiteux, tant parmi les ecclésiastiques que les familles émigrées »  [14]. Ils n’oublient donc pas les familles laïques qui attendent ces secours et portent l’accent sur la fidélité de ces sujets. Pourtant, aux yeux des contemporains témoins de ces collectes, le clergé semble être le seul bénéficiaire des secours. C’est ainsi que le comte Esterhazy, dans ses lettres aux duc de Sérent, écrit à plusieurs reprises que ces quêtes sont « en faveur de plusieurs centaines d’ecclésiastiques qui meurent de faim »  [15] en Suisse. Ceci est confirmé par les sources russes, qui soulignent que la collecte de 1794-1795 s’est faite uniquement au bénéfice des ecclésiastiques  [16], et c’est même ce que semble reconnaître l’archevêque de Paris, lorsqu’il s’adresse à Paul Ier en février 1797 [voir annexe]. Pour cette seconde collecte, Monseigneur Juigné cherche justement à faire oublier les prêtres français. Il indique au contraire que les fonds seront versés à des familles laïques souffrantes, dont il décrit la misère sur un ton larmoyant. Il souligne aussi que leur situation est devenue plus déplorable encore, à cause des ravages de la guerre dans les régions voisines, l’Italie étant le théâtre d’affrontements  [17]. Le mot « catholique » n’est jamais mentionné, et l’archevêque fait usage d’habiles périphrases. La volonté de passer sous silence l’élément religieux de la collecte est manifeste dans cette lettre. Ce ne sont pas les Russes orthodoxes qui viennent en aide au clergé catholique, mais des « âmes sensibles » qui soutiennent des « infortunés ». Il est évident que la raison profonde de ces propos prudents est de faire oublier les différences religieuses entre les interlocuteurs, et bien entendu de susciter les dons les plus généreux. Toutefois, malgré le désir évident de l’archevêque de Paris d’éviter ce sujet épineux, il semble bien que les principaux bénéficiaires des collectes soient en premier lieu les ecclésiastiques réfractaires.

11 Il faut remarquer que seul le clergé français réfugié en Suisse sollicite l’aide des Souverains russes, et que les archives ne conservent aucune demande semblable rédigée par des ecclésiastiques français ayant trouvé asile dans d’autres régions. Pourtant, sur les 25 000 prêtres et religieux émigrés environ, la plus grande partie, soit environ un quart, s’est réfugiée en Angleterre ; des communautés moins nombreuses ont trouvé protection en Espagne et au Portugal, en Allemagne, en Suisse et en Italie, par ordre d’importance. Il semble que, dans les pays protestants, la situation morale et matérielle des prêtres émigrés soit la plus confortable, et la plupart trouvent à se placer, notamment en se consacrant à l’éducation. C’est la voie que choisissent aussi les quelques ecclésiastiques français qui s’aventurent jusqu’en Russie, tout au plus une centaine, qui sont engagés comme précepteurs auprès de la noblesse russe, ou dans des pensions particulières. Ils sont ainsi logés, reçoivent des traitements tout à fait honorables, et sont admis dans la bonne société du maître de maison. En revanche, les prêtres émigrés en Suisse survivent dans des conditions beaucoup plus difficiles, d’autant plus que ces régions frontalières voient l’arrivée de nombreux réfugiés : des Savoyards, Piémontais et Toscans chassés par les conquêtes de la France, ce qui conduit à une véritable saturation dès 1794. Il ne faut donc pas voir dans les sollicitations du clergé français émigré en Suisse, le signe d’une organisation plus efficace de cette communauté en comparaison de celles réfugiées dans d’autres pays d’Europe, mais bien le témoignage de leur détresse morale et matérielle très réelle.

L’organisation pratique des quêtes dans l’Empire de Russie

12 L’initiative de ces entreprises et leur organisation revenant au clergé français émigré en Suisse, ce sont des membres issus de ses rangs qui sont désignés pour se rendre en Russie et collecter les secours en 1794. L’identité de ces « collecteurs », comme ils sont souvent désignés, est difficile à établir pour deux raisons : premièrement, ce sont des religieux de peu d’importance et ils sont rarement nommés, deuxièmement, les documents russes écorchent souvent l’orthographe française et la transcription est très approximative. Cependant, en croisant l’ensemble des informations, il est possible d’affirmer qu’en 1794, ce sont trois ecclésiastiques français, « trois curés », comme les appelle le comte Esterhazy  [18], qui sont désignés pour la première quête en Russie. Partis de Soleure en Suisse, ils se rendent jusqu’à Lübeck, où ils embarquent sur un navire pour Cronstadt, l’avant-port de Saint-Pétersbourg. Ils arrivent dans la capitale russe le 14 octobre 1794, et écrivent presque aussitôt à l’Impératrice pour se présenter et rappeler l’objet de leur mission. Ils joignent à leur lettre un bref itinéraire de leur voyage et un résumé de leur situation à Saint-Pétersbourg. Ce sont des religieux du bas clergé, sans titres ronflants : « Jean Claude Clerc, prêtre chapelain de l’église paroissiale de Saint-Pierre et directeur de la confrérie des pénitents de la Croix à Besançon ; Jean Baptiste Prost, curé de la paroisse de Fontaines-lès-Luxeuil, diocèse de Besançon ; Jean François Vuillaume, prêtre de la congrégation de la mission, professeur de philosophie au séminaire de Luçon en bas Poitou »  [19], d’après les informations qu’ils donnent en complément de leur signature. Ils doivent patienter plusieurs semaines avant de recevoir l’autorisation impériale  [20], mais, finalement, la quête débute à la fin de 1794 et elle semble durer toute l’année 1795. Ils sont ainsi chargés de la collecte dans tout l’Empire, et ils ne semblent pas rencontrer d’obstacle dans leur mission  [21]. Leurs impressions, les résultats de leurs démarches, et leur sort après cette quête, nous sont toutefois inconnus.

13 Si, en 1794, ces trois religieux français sont désignés par l’archevêque de Paris, et agréés sans difficulté par Catherine II, il n’en va pas de même à l’occasion de la seconde collecte. En 1798, la question du choix des religieux s’avère plus problématique. Un certain abbé Le Clerc est au départ désigné pour diriger la collecte, et sans qu’il soit possible de l’affirmer, il n’est pas exclu, que ce soit en réalité Jean Claude Clerc, qui avait déjà été désigné comme collecteur en 1794. Cependant, l’Empereur Paul Ier refuse sans explication, ce qui dérange visiblement les plans de l’archevêque de Paris et entraîne un retard important. L’évêque de Rennes, qui fait le rapport de tous ces obstacles imprévus, prend sur lui de désigner d’autres religieux de confiance  [22]. Il ne veut point faire appel à des prêtres venus de Suisse, ce qui retarderait encore de plusieurs mois la collecte. Il choisit donc probablement des religieux parmi ceux, très nombreux, émigrés en Russie. En effet, beaucoup de prêtres français ont trouvé dans l’Empire un refuge et des traitements honorables, faisant le plus souvent fonction de précepteurs auprès de la jeunesse noble. Cependant, l’évêque de Rennes reconnaît que ce choix a rencontré aussi des difficultés, ce qui n’est guère étonnant puisqu’il oblige ces prêtres à renoncer à leurs activités et à se dévouer pour un temps à cette cause. La lettre d’explications de Monseigneur Bareau de Girac adressée à l’archevêque de Paris est d’ailleurs confuse, et il ne cite pas les noms des ecclésiastiques qui se chargent de la collecte à Saint-Pétersbourg. D’autres sources russes indiquent cependant la présence de deux clercs, Léonard Froment et un certain Georges, mais ne mentionnent pas s’ils ont été recrutés sur place  [23]. Pour Moscou, leur identité est plus claire : il s’agit de l’abbé Furrugue [ou Surugue], docteur de la Sorbonne, et du curé Goguier, desservant de l’église catholique Saint-Louis de Moscou, tout deux résidents de cette ville  [24]. L’évêque de Rennes ne les connaît pas personnellement et leur adresse ses instructions. Il est probable que ces deux hommes lui ont été recommandés, voire même désignés par l’administration russe, qui cette fois ne fait aucune difficulté pour les agréer. Quant à l’évêque de Rennes, dont la santé ne supporte pas le climat de Saint-Pétersbourg, il repart au début du mois de juin 1798  [25], alors que la collecte vient de se terminer dans la capitale.

14 En demandant aux souverains russes l’autorisation de réaliser des quêtes dans l’Empire, les évêques français se sont donc préoccupés de désigner des collecteurs, et d’envoyer des religieux chargés de la surveillance. Ils entendent ainsi probablement exercer un contrôle, ne voulant par voir échapper les bénéfices qu’ils peuvent en tirer. Toutefois, il faut reconnaître que leurs prérogatives s’arrêtent là, et qu’ils n’ont en revanche aucun accès au déroulement même des collectes. Il est probable que c’est d’ailleurs par prudence, qu’ils ont évité de formuler auprès des souverains russes des exigences en ce qui concerne les conditions de ces quêtes. Ainsi, l’organisation est entièrement laissée aux soins de l’administration russe. En 1794, le comte Esterhazy explique que Catherine II « a toléré que ces curés réunissent ce qu’on voudra bien leur donner, pourvu que ce ne soit pas par la voie d’une quête publique, mais d’une espèce de souscription proposée par des personnes du pays »  [26]. D’après ses dires, les collecteurs ne peuvent donc pas s’adresser librement au peuple et ramasser l’argent, ce qui explique pourquoi, par exemple, le journal de Saint-Pétersbourg de cette année-là ne contient absolument aucune information concernant cette collecte. En réalité, les prêtres français sont contraints d’avoir recours à des intermédiaires, qui se chargent d’établir une souscription. Cette manière de procéder appelle bien entendu plusieurs commentaires. Tout d’abord, le pouvoir russe exerce un contrôle total, à la fois sur les sommes versées et sur les souscripteurs. Il peut ainsi connaître exactement les noms de ceux qui ont accepté de donner à ce clergé réfractaire et à combien s’élève leur souscription, ce qui peut avoir un double usage : ceux qui ne donnent pas peuvent être accusés d’indifférence envers les émigrés, voire même de sympathie pour la Révolution, tandis que ceux qui donnent beaucoup, peuvent être considérés comme trop proches de la religion catholique. Ensuite, la collecte n’étant pas publique, elle prend une sorte de caractère secret, presque clandestin. Il devient évident qu’elle ne s’adresse plus au peuple, mais à la haute société. Faut-il y voir, dès lors, un souci de protéger les Français des récriminations éventuelles du peuple russe, déjà excédé par la réussite et les honneurs de certains émigrés, souvent jugés illégitimes, ou bien un souci du gouvernement russe de se protéger lui-même contre les accusations renouvelées de trop soutenir la cause émigrée en distribuant cet argent qui manque tant au peuple ? Enfin, le dernier commentaire concerne les collecteurs, qui sont dépossédés en quelque sorte de cette collecte. Leur rôle se réduit pratiquement à néant, ce qui rassure certainement le pouvoir russe, qui craint leurs prêches ou leurs discours, qui pourraient exprimer ou susciter des opinions défavorables sur les actions de l’Impératrice, et faire fermenter les esprits. La mise en place d’une souscription est finalement une manière évidente pour le pouvoir russe d’accéder aux demandes du clergé français, sans le froisser, mais sans non plus faire naître trop de bruit autour de cette affaire. La collecte est limitée aux villes de Saint-Pétersbourg, Moscou et Riga, et ne se développe pas ailleurs dans l’Empire.

15 La souscription de 1798 semble établie sur le même principe, mais les détails pratiques sont beaucoup plus clairs. Avant de se pencher sur son déroulement, il faut remarquer que son grand organisateur, l’interlocuteur russe privilégié du clergé français, est le comte Fedor Fedorovi? Buksgevden, gouverneur militaire de Saint-Pétersbourg. L’évêque de Rennes lui rend particulièrement hommage, notant qu’il est « l’ange tutélaire de cette bonne œuvre, et que c’est particulièrement à son zèle, et à ses soins, que nous en devons le succès »  [27]. En effet, c’est lui qui décide des modalités de la collecte, qui agrée les prêtres français et qui les fait accompagner par un officier, certainement autant pour leur sûreté que pour leur surveillance. Il se charge non seulement du déroulement de la collecte dans la capitale, qui commence vers le mois de septembre 1797, mais aussi à Moscou. Il donne ses instructions au général-gouverneur le prince Ûrij Volodimerovi? Dolgorukov, puis après l’éviction de celui-ci en novembre 1797, à son homologue gouverneur militaire, le comte Ivan Petrovi? Saltykov  [28]. Enfin, l’évêque de Rennes explique à Monseigneur Juigné, que Buksgevden « aura l’extrême bonté de vous faire passer successivement le produit de la collecte, en lettres de change, dont vous lui accuserez exactement la réception »  [29]. Il ne faut pas croire que c’est l’intérêt particulier qui lui dicte de prendre en charge l’organisation de la souscription, car il est évident qu’il agit sur les ordres de Paul Ier. Les instructions du comte Buksgevden sont particulièrement détaillées et permettent de mieux comprendre la manière dont la sous-cription s’est déroulée dans la capitale, et comment elle doit se poursuivre à Moscou. Ainsi il écrit au prince Dolgorukov le 4 septembre 1797, que la collecte,

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« par volonté suprême, doit se dérouler à Moscou exactement de la même manière qu’ici, c’est pourquoi je considère de mon devoir de vous informer des faits suivants :
  1. Je leur ai donné [aux prêtres] trois livres reliés qui comprennent ma signature et mon sceau à mon emblème, afin que Goguier et Froment après autorisation les laissent dans les maisons de quelques personnes connues ou marchands ; les visiteurs de ces maisons peuvent y laisser le don qu’ils souhaitent faire par amour de l’humanité, et les autres peuvent envoyer leur nom pour attester de ce que chacun donne.
  2. Ces abbés en aucune manière ne doivent faire leur collecte de vive voix et aller de maison en maison.
  3. Chaque premier du mois, le haut maître de police, en prenant les trois livres reliés susdits chez ceux où ils se trouvent, doit les présenter au gouverneur militaire pour leur vérification.
  4. Afin qu’ils ne soient pas transportés d’une maison à une autre, il faut exiger de ces abbés une attestation indiquant à qui ils ont confiés ces dits livres.
  5. Dans le cas où il serait nécessaire de transporter quelque livre d’une maison dans une autre, alors ces abbés doivent en informer la police pour en rendre compte au gouverneur militaire, et sans autorisation ne pas transporter d’une maison dans une autre »  [30].

17 Les instructions sont particulièrement strictes, et il paraît évident que cette collecte est très encadrée, sous le contrôle de la police. À Moscou, son organisation prend du retard, les autorisations sont longues à obtenir. Lorsque la quête à Saint-Pétersbourg se termine, le comte de Buksgevden « fait passer à S. E. monsieur le maréchal comte de Saltykov, gouverneur militaire de cette ville, le registre destiné à la collecte » à la fin du mois de mai 1798  [31], afin que les particuliers de Moscou s’y inscrivent eux aussi. Mais, finalement, elle n’a lieu dans l’ancienne capitale qu’entre le premier août et le 30 octobre 1799  [32], soit plus de deux ans après la demande de l’archevêque de Paris. Si celui-ci a sollicité que la quête soit effectuée dans les villes de Saint-Pétersbourg, Moscou, Riga et dans les provinces polonaises sous domination russe [voir annexe], les sources n’attestent finalement de son déroulement qu’à Saint-Pétersbourg et à Moscou.

18 Il est regrettable que le point de vue du clergé français émigré sur ces souscriptions ne nous soit pas connu. Nous pouvons seulement supposer qu’en sollicitant une autorisation de pratiquer une collecte publique en Russie, les émigrés entendaient probablement bien autre chose que ces souscriptions très privées. Cependant, dans la mesure où la seconde collecte de 1798 semble reproduire celle de 1794, il est évident que l’épiscopat réfractaire s’accommode des exigences du pouvoir russe, et que les résultats sont assez satisfaisants pour faire oublier toutes les difficultés.

Les sommes collectées

19 Dans la mesure où le clergé français s’adresse principalement aux Souverains de Russie, ceux-ci sont bien évidemment les premiers souscripteurs. La munificence de Catherine II est fréquemment soulignée, mais peu de sources de 1794 précisent la somme qu’elle a accordée. Le comte Esterhazy fait vaguement allusion à la collecte dans une lettre au duc de Sérent et indique que « Sa Majesté Impériale leur a donné 10 mille roubles »  [33], mais sans vraiment faire part de son intérêt pour ce geste. Dans sa supplique à Paul Ier, l’archevêque de Paris [voir annexe] souligne les bienfaits de Catherine II et sa libéralité dans des termes flatteurs, mais sans indiquer le montant versé. Il termine habilement sa requête en invitant l’Empereur à faire part de la même munificence. Paul Ier ne veut certainement pas paraître moins généreux que sa mère. Cependant, il semble lui-même ignorer de combien elle a gratifié l’épiscopat réfractaire. Il fait demander par l’intermédiaire de Dmitri Prokofevi? Tro?inskij « ce qui auparavant dans de tels cas a été donné », et les recherches dans les comptes du cabinet montrent qu’en effet, en 1794, il a été offert 10 000 roubles argent  [34]. Ainsi, l’Empereur s’inscrit lui-même sur le registre de la collecte de 1798 pour une somme de 10 000 roubles, mais ce n’est pas tout, puisque son épouse l’Impératrice Maria Fedorovna et toute la famille impériale souscrivent aussi pour 8 000 roubles, ce que l’évêque de Rennes s’empresse de rapporter à l’archevêque de Paris  [35].

20 En ce qui concerne le montant des souscriptions réalisées auprès des particuliers, les sources sont malheureusement plus rares. Les sommes pour 1794 nous sont totalement inconnues, et seuls quelques chiffres pour 1798 permettent de donner un ordre d’idée. Si le comte de Saint-Priest note en 1798 que ce total peut atteindre 5 000 à 6 000 roubles, ce n’est qu’une supposition  [36]. En réalité, les seuls chiffres que nous connaissons, sont ceux de la deuxième collecte réalisée à Moscou. Un rapport du 30 octobre 1799 adressé au gouverneur militaire Saltykov, indique que la collecte dans cette ville est terminée. Les trois livres reliés sont renvoyés, et l’argent de la quête, qui se monte en tout à 470 roubles, est confié au prêtre Goguier, qui signe une attestation où il jure de remettre cette somme à l’évêque de Paris  [37]. La source qui fait cruellement défaut est bien entendu ces fameux livres reliés, où les souscripteurs indiquent leur nom et les sommes promises, et qui dans l’immédiat n’ont pu être repérés dans les archives.

21 Toutefois, même si nous ne connaissons pas le montant total de ces collectes réalisées dans l’Empire russe, ces chiffres donnent une idée des dons versés au profit de l’épiscopat français, et appellent quelques comparaisons afin de mieux comprendre la réalité de ces contributions. Tout d’abord, il est important de noter que 10 000 roubles en 1794 correspondent à peu près à 67 000 livres tournois. En décembre 1792, Catherine II donne aux princes français pour leurs expéditions 250 000 roubles, et elle remet aussi 300 000 roubles au comte d’Artois en avril 1793 lors de son séjour à Saint-Pétersbourg  [38]. Mais ce don n’est qu’un exemple du constant soutien financier de l’Empire de Russie aux émigrés. Les princes reçoivent fréquemment des dons extraordinaires, et l’installation de Louis XVIII dans le château de Mitau par Paul Ier est entièrement prise en charge par la Russie. Le corps de Condé reçoit aussi des fonds importants, avant d’être pris en totalité au service de Russie  [39]. De plus, de très nombreux particuliers reçoivent des dons ou des pensions de la Russie. Pour ne citer que quelques exemples, l’ancien intendant Gabriel Sénac de Meilhan, invité à Saint-Pétersbourg par Catherine II en 1791 pour des projets confus, reçoit 2 000 ducats pour son voyage, 10 000 roubles de gratification, et repart trois mois plus tard de façon presque honteuse, mais avec une pension de 1500 roubles  [40]. Le comte de la Serre, qui arrive en Russie en 1793, reçoit un don de 500 ducats pour aller chercher sa famille, puis en 1794 une gratification de 800 ducats, une pension de 1 000 roubles et une maison en Pologne. Malgré cela, il se plaint et demande plus à l’Impératrice  [41]. Le comte de Saint-Priest reçoit en 1797 une pension annuelle de 6 000 roubles  [42]. Certains émigrés sont attachés au service de Russie et reçoivent leur traitement alors qu’ils ont des congés. D’autres, comme en 1794 le comte de Capellis, capitaine de vaisseau de la marine française, ne sont pas admis au service de Russie, mais touchent les appointements de leur grade  [43]. Enfin, beaucoup d’émigrés qui sont dans une situation désespérée, reçoivent une aide ponctuelle. Les archives de la cour renferment des centaines de lettres de différents pensionnés des souverains russes et d’émigrés qui recourent à leur bienfaisance. Ce ne sont pas uniquement des laïcs qui touchent la sensibilité des souverains russes, mais aussi parfois des ecclésiastiques. L’ancien curé de Châteaulin, un nommé de Penguilly, émigré en Autriche, après avoir rappelé à Paul Ier la manière dont il l’avait reçu dans son village lors de son voyage en France, obtient de l’Empereur en 1798 une lettre de change de 250 roubles  [44]. Aussi, à la lumière de ces comparaisons, les sommes collectées en Russie au profit du clergé français paraissent presque dérisoires.

22 Catherine II et Paul Ier acceptent bien une quête dans leur Empire et sont les premiers à y apporter une contribution, mais celle-ci reste modeste. De toute évidence, les souverains russes n’ont pas pu refuser leur aide aux émigrés catholiques, mais d’après les lenteurs de l’organisation, les obstacles imprévus, l’encadrement policier, il semble que l’administration y ait mis toute la mauvaise volonté possible. Les sommes versées viennent appuyer ces suppositions, car elles sont très modiques. Il est possible de voir ici la lassitude des souverains russes, constamment sollicités par les émigrés français. De plus, s’ils acceptent d’aider les princes par solidarité, disons monarchique, et de secourir les grands noms de la noblesse française, par compassion pour leur sort, Catherine II comme Paul Ier y trouvent au moins la compensation d’augmenter leur prestige, en étant salués comme de grands bienfaiteurs. Ils s’attachent aussi les services de militaires vaillants, d’hommes politiques doués, d’écrivains et d’artistes qui chantent leurs louanges. La générosité des souverains russes est réelle, mais elle n’est pas complètement désintéressée. Leurs dons ne sont souvent qu’un placement, plus ou moins fructueux. Dans ces conditions, il est évident que les secours sollicités par le clergé réfractaire français sont très éloignés d’une telle logique de rentabilité. Quels avantages pourraient être retirés de l’aide apportée à quelques milliers de pauvres membres du bas clergé catholique, retirés en Suisse, et qui n’ont d’ailleurs aucune intention de se rendre en Russie ? Catherine II et Paul Ier sont presque forcés d’autoriser ces collectes dans leur Empire, mais c’est bien de mauvaise grâce qu’ils l’acceptent.

23 La noblesse des grandes villes semble suivre ses souverains : elle ne s’enflamme pas pour aider les infortunés. Il n’est pas possible de formuler d’hypothèses en ce qui concerne la première quête, puisque les sommes totales ne nous sont pas connues. En revanche, en ce qui concerne la seconde collecte organisée à Moscou, il est possible de deviner les raisons d’un don aussi dérisoire. En 1798, la politique de Paul Ier est particulièrement ambiguë à l’égard des Français. Le prétendant Louis XVIII est bien réfugié à Mitau, mais les frontières sont fermées, et même ses plus fidèles sujets ne parviennent pas à obtenir les autorisations de rentrer dans l’Empire, tandis que plusieurs Français, pour des fautes supposées ou avérées, sont fréquemment expulsés, ou déportés en Sibérie. Une surveillance particulière des Français est mise en place. Qui peut donc avoir envie de laisser son nom sur un registre pour un don en faveur de Français ? Sous Paul Ier, les contemporains témoignent unanimement que chacun cherche à se faire le plus discret possible, à ne pas attirer l’attention et les réprimandes éventuelles. Ceci pourrait donc expliquer la modicité des souscriptions. Est-ce que par une quête publique anonyme, les collecteurs auraient pu rassembler des fonds plus importants ? Toutefois, il n’est pas exclu non plus, que les Russes aient été alors lassés des émigrés et des affaires de la France.

24 En définitive, le clergé émigré français semble malgré tout satisfait du résultat des collectes. La meilleure preuve de cette affirmation est un document postérieur, qui atteste qu’au risque d’être encore importun, l’archevêque de Paris Juigné a de nouveau recours à la Russie à l’automne 1802, écrivant cette fois à Alexandre Ier (1801-1825), pour le supplier de venir en aide aux ecclésiastiques français. Il ne demande pas l’autorisation d’effectuer une nouvelle collecte, mais rappelant le succès de celles de 1794 et 1798, il explique qu’elles n’ont pas suffi aux besoins du clergé nécessiteux, et que la situation en France ne permettant toujours pas leur retour, il a dû emprunter à des banquiers d’Augsbourg la somme de 3 000 roubles, qu’il ne peut à présent rembourser. Pourtant, le concordat signé dans l’été 1801 entre Napoléon et Pie VII a considérablement changé la situation du clergé français émigré. Si le catholicisme n’est plus religion d’État, la liberté de culte est admise. Les évêques sont nommés par le Premier Consul et le pape leur donne l’investiture canonique. Pie VII invite les 93 évêques survivants de l’Ancien Régime à démissionner pour permettre l’application du Concordat, et parmi eux l’archevêque de Paris. Hésitant, celui-ci renonce finalement à son archevêché en janvier 1802. Il refuse alors l’archevêché de Lyon que lui propose le Premier Consul. Il n’a donc plus aucun ministère religieux lorsqu’il en appelle ainsi à la générosité d’Alexandre Ier, mais il se garde bien de mentionner ces changements. L’Empereur de Russie accepte immédiatement de lui venir en aide et ordonne de faire passer 3 000 roubles en assignats à l’abbé Nicolle, qui tient une pension à Saint-Pétersbourg, afin que celui-ci les lui fasse parvenir  [45]. La somme est toujours modeste. Mais de très nombreux religieux sont déjà rentrés en France, et l’ancien archevêque de Paris lui-même ne tarde pas à regagner son pays. Il semble que cette fois, la démarche de Juigné soit plus à des fins personnelles que pour le bien de la cause des prêtres émigrés.

25 Ainsi, pendant toutes les années de l’émigration, le clergé réfractaire, et peut-être quelques familles laïques regroupées autour de ces ecclésiastiques, ont pu compter sur les secours des souverains russes. Si ces aides n’ont été qu’une goutte d’eau dans les caisses de l’État russe, et en comparaison des fonds octroyés en général à la cause émigrés, elles ont cependant permis à de nombreux émigrés de subsister dans leur exil.


Annexe : Lettre de l’archevêque de Paris Juigné, de sa propre main, adressée à l’Empereur de Russie Paul Ier, de Constance en Suisse, le 24.02.1797 (nouveau style)  [46].

26 [en haut de la lettre, il est noté en russe « Donné par moi sur la volonté de l’Empereur à Iou. A. N. Meleckij  [47] le 19 mars 1797 [8 mars n. st]. Répondu le 21 mars 1797 [10 mars n. st.] ».

27

Sire !
Deux années et plus sont écoulées depuis que l’auguste mère de Votre Majesté Impériale a répandu ses dons et ses bienfaits sur des milliers de prêtres français réfugiés en Suisse dans la ville de Constance et dans une partie de l’Allemagne. Cette grande souveraine n’a pu voir sans être émue de compassion le tableau touchant des tribulations et de la misère extrême à laquelle étaient réduits cette foule de ministres fidèles si injustement, si cruellement persécutés à cause de leur attachement à leur Dieu et à leur Roi ; et sa libéralité qui a été un signal de bienfaisance pour les grands de sa cour, et pour les âmes sensibles des villes de Pétersbourg, Moscou et Riga, leur a procuré des secours sans lesquels un nombre d’entre eux auraient peut-être succombé sous le poids de leurs maux.
Nous espérions alors, Sire, que le terme de notre exil et de tous nos malheurs ne serait pas aussi éloigné. Hélas, nous sommes cruellement trompés dans nos espérances ; nos maux s’accroissent chaque jour, leur excès et leur prolongation, nous ramènent au pied du trône de Votre Majesté Impériale et nous nous y présentons de nouveau avec confiance, persuadés que nous retrouverons dans le cœur de Paul I la noble sensibilité et toute la bienfaisance de Catherine II.
Ce ne sont pas seulement, Sire, pour les ministres de la religion que les évêques français, dont j’ai l’honneur d’être en ce moment l’organe auprès de Votre Majesté, sollicitent aujourd’hui ses bienfaits. Ils en sont toujours dignes par leurs vertus et par leurs malheurs, mais il est d’autres infortunés qui comme les prêtres sont l’objet de notre sollicitude et de notre tendresse pastorale. Ce sont des Français de tout sexe, de tout âge, de toute condition, qui ont tout sacrifié à l’honneur, à leur devoir, à leur religion, à leur Roi. Ce sont d’anciens et braves militaires, des gentilshommes, des magistrats respectables, des femmes, des veuves, des vieillards, des infirmes. Ce sont des pères et des mères qui ont fui une terre couverte de crimes, avec leurs nombreuses familles, pour les soustraire à l’infamie, à la séduction, au fer meurtrier des tyrans de la France, et qui n’ont plus que des larmes à offrir à de tendres enfants qui leur demandent du pain. Presque tous, ils jouissaient dans leur patrie d’une fortune brillante ou du moins d’une aisance honnête. Aujourd’hui dépouillés de leurs biens, ayant après une si longue proscription épuisé leurs dernières ressources, ils périssent de misère et de douleur. Voilà, Sire, voila ceux pour qui nous implorons l’humanité, la charitable bienfaisance de Votre Majesté, pour qui nous lui demandons qu’il nous soit permis de faire une collecte dans les villes de Pétersbourg, Moscou, et Riga et encore dans toutes les Provinces de la Pologne réunies à sa domination.
Ah ! Sire, qu’il serait consolant pour les évêques de pouvoir soulager tant de maux par eux-mêmes ! Mais réduits comme les autres Français émigrés à la dernière détresse, ils ne peuvent les secourir que par leur intercession auprès des âmes sensibles. La vôtre, Sire, sera touchée du sort déplorable de tant de victimes innocentes de la plus étonnante, et de la plus terrible catastrophe, et elle déploiera cette munificence, cette bienfaisance universelle qui ajoute tant à la gloire de ceux que la divine providence a placé dans un rang aussi sublime que le trône de toutes les Russies.
Je suis avec le plus profond respect,
Sire,
de votre Majesté Impériale,
le très humble et très obéissant serviteur,
A. M. E. l’Arch. de Paris.
À Constance, le 24 février 1797.


Date de mise en ligne : 01/01/2010

https://doi.org/10.3917/hes.064.0045

Notes

  • [1]
    Cet article est une partie des recherches menées dans le cadre d’une thèse sur « La communauté française en Russie durant la période révolutionnaire. 1789-1799 », en cotutelle entre l’Université de Bordeaux III sous la direction de M. Figeac, et l’Institut d’Histoire Universelle de l’Académie des Sciences de Russie sous la direction de M. Tchoudinov, avec le soutien d’une bourse Lavoisier de cotutelle attribuée par le Ministère des Affaires Etrangères de France, en 2004 et 2005. Je remercie M. D. Bovykine pour ses conseils.
  • [2]
    Il n’existe aucune étude antérieure sur ce sujet, ni même d’allusion dans les ouvrages sur l’émigration ou sur l’histoire de Russie. Les sources consultées pour cet article se trouvent à Moscou aux Archives gouvernementales russes des actes anciens (RGADA), aux Archives de la politique extérieure de l’Empire russe (AVPRI), aux Archives centrales historiques de Moscou (TsIAM). Il est évident que d’autres fonds d’archives en France et en Europe contiennent aussi des documents sur ce sujet, et qu’il est possible d’approfondir la question. L’orthographe des sources a été modernisée. La langue est spécifiée seulement pour les textes en russe, les autres étant en français. Les dates sont celles indiquées sur les documents, c’est-à-dire dans le calendrier grégorien pour ceux écrits de Suisse, et dans le calendrier julien pour ceux écrits de Russie (date antérieure de 11 jours).
  • [3]
    Au sujet de cet oukase, voir Julie Ollivier-Chakhnovskaia, « Les Français expulsés de l’Empire russe par l’oukase de Catherine II du 8 février 1793 », Cahiers du Monde Russe, n° 46/3, 2006. Sur les persécutions à l’égard des Français, voir J. Ollivier-Chakhnovskaia, « Les mesures prises dans l’Empire de Russie envers les Français soupçonnés de sympathies révolutionnaires. 1792-1799 », Annales Historiques de la Révolution Française (à paraître n° 3, 2007.).
  • [4]
    RGADA, fonds 193 « Lettres à Platon Zoubov », opis’ 1, dos. 352. « Les évêques français émigrés de Suisse ». Folios 1-1vo : lettre de Jean-Louis d’Usson de Bonnac, évêque d’Agen, et de Claude Ignace Defranchet, évêque de Rosy, adressée au comte Esterhazy à Saint-Pétersbourg, de Soleure, le 7.02.1795. Il n’existe pas, à notre connaissance, de recherches analogues menées dans d’autres pays qui permettraient une comparaison très intéressante des différentes collectes, si tant est qu’elles aient bien eu lieu.
  • [5]
    Le meilleur ouvrage sur la question reste encore celui d’Ernest Daudet, Les Bourbons et la Russie pendant la Révolution Française, Paris, Librairie Illustrée, 1886.
  • [6]
    RGADA, fonds 10 « Cabinet de Catherine II », opis’ 1, dos. 651. « Suppliques et lettres à Catherine II en langues étrangères, dans les dossiers du prince Aleksandr Aleksandrovi? Bezborodko, 1793-1794 ». Folio 145 : lettre du comte de Montrichard de Fribourg, à Catherine II à Saint-Pétersbourg, le 9.10.1794.
  • [7]
    AVPRI, fonds 6 « Cabinet noir », opis’ 2, Bourbons, dos. 4, 1794. Folios 356-359 : lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au duc de Sérent à l’armée d’York, le 28.11/9.12.1794. – Voir aussi RGADA, fonds 10, opis’ 1, dossier 651, op. cit. Folio 146 : lettre de J. F. Vuillaume, J. B. Prost, J. C. Clerc, de Saint-Pétersbourg, à Catherine II, le 18. 10.1794.
  • [8]
    RGADA, fonds 193, opis’ 1, dos. 352. Folios 1-1v°, op. cit.
  • [9]
    RGADA, fonds 10 « Cabinet de Catherine II », opis’ 1, dos. 652. « Suppliques et lettres à Catherine II en langues étrangères, dans les dossiers du prince Aleksandr Aleksandrovi? Bezborodko, 1795 » : Folio 310 : lettre de l’Archevêque de Paris, de Constance, au comte Bezborodko à Saint-Pétersbourg, le 13.04.1795. Antoine Le Clerc de Juigné (1728-1811) succède à Mgr de Beaumont du Repaire à l’archevêché de Paris en 1782. Il émigre en octobre 1789 et démissionne en 1802. Aleksandr Aleksandrovi? Bezborodko (1747-1799) : responsable officieux de la politique étrangère de l’Empire Russe à partir de 1783, nommé chancelier par Paul Ier en 1797.
  • [10]
    RGADA, fonds 10, opis’ 1, dos. 674. « Suppliques et lettres à Catherine II, dans les dossiers de Vasili Stepanovi_ Popov, 1795-1796 » : Folios 72, 91 : Lettre de Camus, vicaire général de Nancy, de Sursée en Suisse, du 11.06.1795, à Catherine II.
  • [11]
    AVPRI, fonds 8 « Rapports approuvés par Sa Majesté, sur les relations de la Russie avec des États étrangers », opis’ 1 (1725-1802) ; dos. 32 « Suppliques au nom de Sa Majesté et des ministres. 1797. Lettres O, P, R » ; folios 15-15v°-18-18v° : lettre de l’archevêque de Paris Juigné de Constance, à Paul Ier, le 24.02.1797.
  • [12]
    AVPRI, fonds 14 « Lettres en langues étrangères », opis’ 1, dos. P33 « Archevêque de Paris. 1797 ».
  • [13]
    TsIAM, fonds 16 « Chancellerie du général-gouverneur de Moscou », opis’ 1, dos. 720 « Sur la mise en place d’une collecte catholique à Moscou. 26.09.1797 ». Folio 3 : lettre du duc de Serracapriola, au prince [certainement Dolgorukov], sl. sd. ; et folio 4 : copie de la lettre de l’archevêque de Paris au duc de Serracapriola. – Le duc de Serracapriola se charge d’appuyer la collecte mise en place par l’archevêque de Paris auprès du prince Dolgoroukov.
  • [14]
    RGADA, fonds 10, opis’ 1, dos. 651. Folio 146, op. cit.
  • [15]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. F° 356-359, op. cit. – Voir aussi AVPRI, fonds 6 « Cabinet noir », opis’ 2, France, dos. 35. F° 550-551 : lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au duc de Sérent à La Haye, le 22.09/3.10.1794.
  • [16]
    RGADA, fonds 1239 « Archives de la Cour », opis’ 3, dos. 62662. Folio 1 : « Lettre de Mihajl Donaurov à Dmitri Prokofevi? Tro?inskij, sur la permission de Sa Majesté de faire à Saint-Pétersbourg une collecte en faveur de l’épiscopat français chassé de sa patrie, du 29 avril 1798 ». en russe.
  • [17]
    Ce passage qui figure dans la lettre à Serracapriola, n’est pas dans la supplique envoyé à l’Empereur. TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 720. F° 4, op. cit.
  • [18]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, France, dos. 35. Folios 550-551, op. cit. De même dans AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. Folios 356-359. op. cit.
  • [19]
    RGADA, fonds 10, opis’ 1, dos. 651, folio 146, op. cit., et folios 148-149 : « notice des secours et moyens accordés pendant le cours de notre voyage à Saint-Pétersbourg », J.-F. Vuillaume, J.-B. Prost, J.-C. Clerc, de Saint-Pétersbourg, à Catherine II, le 18. 10.1794.
  • [20]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, France, dos. 35. Folios 550-551, op. cit. À cette date la collecte n’a pas encore débuté.
  • [21]
    RGADA, fonds 193, opis’ 1, dos. 352 ; Folios 1-1 vo, op. cit.
  • [22]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 8, 1798. Folio 168 : lettre de l’évêque de Rennes de Mitau, au comte de Saint-Priest [à St-Pétersbourg], du 30.07.1798. Folios 169-171 : lettre de l’évêque de Rennes de Saint-Pétersbourg, à l’archevêque de Paris Juigné à Constance, le 21.05/2.06.1798. Folio 172 : lettre de l’évêque de Rennes, de Vilna [Vilnius], à Monsieur Gorte, du 2.09.1798. Folio 173 : lettre de l’évêque de Rennes, de Vilna [Vilnius], au baron de Steding, du 28.08.1798.
  • [23]
    TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 720. Folio 1 : lettre du comte Buksgevden de Saint-Pétersbourg, au prince Dolgoroukov à Moscou, le 4.09.1797. en russe ; et folio 8 : lettre du [prince Dolgoroukov de Moscou], au gouverneur militaire de Moscou Arhirov, du 26.09.1797. en russe.
  • [24]
    TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 810 « À propos de l’organisation dans la ville de Moscou d’une collecte pour la subsistance des pauvres Français. 7.05.1798 ». Folio 1 : lettre du comte Buksgevden de Saint-Pétersbourg, au comte Ivan Petrovi? Saltykov à Moscou, du 26.04.1798. en russe ; et AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons, dos. 8, 1798. Folios 169-171, op. cit.
  • [25]
    Voir différentes lettres de l’évêque de Rennes : AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons, dos. 8, 1798. Folios 168-173, op. cit.
  • [26]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. Folios 356-359., op. cit.
  • [27]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons, dos. 8, 1798. Folios 169-171, op. cit. Fedor Fedorovi? Buksgevden (1750-1811) : gouverneur militaire de Saint-Pétersbourg peu après l’avènement de Paul Ier et jusqu’en septembre 1798.
  • [28]
    TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 720. op.cit. Folio 1. op. cit. en russe. TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 810. Folio 1, op. cit., en russe.
  • [29]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 8, 1798. Folios 169-171, op. cit.
  • [30]
    TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 720. Folios 1-1 vo, op. cit., en russe.
  • [31]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 8, 1798. Folios 169-171, op. cit.
  • [32]
    TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 810, op. cit. Folio 6 : Rapport adressé au comte Ivan Petrovi? Saltykov, de Moscou, du 30.10.1799. en russe.
  • [33]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. Folios 356-359, op. cit.
  • [34]
    RGADA, fonds 1239, opis’ 3, dos. 62662. op. cit. Dmitri Prokofevi? Tro?inskij (1754-1829) : secrétaire de Catherine II puis de Paul Ier, de 1793 à 1798, puis président du département des Postes, et en 1801 membre du Conseil.
  • [35]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 8, 1798. Folios 169-171, op. cit.
  • [36]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 8, 1798. Folios 267-268 : lettre du comte de Saint-Priest de Saint-Pétersbourg, à Louis XVIII à Mitau, du 22.06/3.07.1798.
  • [37]
    TsIAM, fonds 16, opis’ 1, dos. 810. Folio 6, op. cit., en russe.
  • [38]
    Voir notamment AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. Folios 263-266 : lettre du duc de Sérent de Hamm, au comte Esterhazy à Saint-Pétersbourg, du 12.04.1794.
  • [39]
    Pour tous ces détails voir E. Daudet, op. cit. Il note que l’accueil des émigrés en Russie coûte une fortune au gouvernement russe, et que malgré cela « les demandes se continuèrent, les exigences s’accrurent. Elles obligent à confesser que le séjour de Louis XVIII et des émigrés français en Russie, ne fut qu’une longue mendicité ». Par exemple, le duc de Berry a une pension de 4600 roubles de Paul Ier, mais il se plaint qu’elle est insuffisante. p. 149. Sur le coût du corps de Condé en Russie, voir l’excellent article de Alexéi Vassiliev, « L’armée royaliste des émigrés du prince de Condé dans l’Empire de Russie (1798-1799) », dans Aleksei L. Narotchnitsk, Anatoli Ado et alii, La Révolution française et la Russie, Paris / Moscou, Librairie du Globe / Éditions du Progrès, 1989, p. 303-316.
  • [40]
    Voir notamment Alfred Rambaud, Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France, Paris, Alcan, 1890. p. 506 : lettre du chargé des affaires de France à Saint-Pétersbourg Genet, au ministre Montmorin, du 17.06.1791 ; et Kazimierz Waliszewski, Autour d’un trône, Catherine II de Russie, ses collaborateurs, ses amis, ses favoris, Paris, Plon, 1909. p. 245.
  • [41]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 3, 1793. Folios 36-36v v: lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au baron de Flachslanden à Hamm, du 4/15. 10.1793. AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. Folios 277-277 v: lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au duc de Sérent à Hamm, du 28.03/ 8.04.1794, et folios 227-228 : lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au comte d’Artois à Hamm, du 30.05/10.06.1794. – La correspondance du comte Esterhazy, en grande partie copiée par le « cabinet noir », renferme de très précieux renseignements sur l’accueil des émigrés français en Russie.
  • [42]
    AVPRI, fonds 8, opis’ 1, dos. 33, « Suppliques au nom de Sa Majesté et des ministres. 1797. Lettres S, T, Ou » ; Folios 179-180 v: lettre du comte de Saint-Priest de Pavlovsk à Paul Ier, du 12/23.08.1797.
  • [43]
    AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 4, 1794. Folio 392 : lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au duc de Sérent à Londres, du 12/23.09.1794, et folio 292 : lettre du comte Esterhazy de Saint-Pétersbourg, au prince de Nassau à Berlin, du 21.11/2.12.1794.
  • [44]
    AVPRI, fonds 8, opis’ 1, dos. 32. op. cit. Folios 62-66 : lettres d’Alexandre de Penguilli l’Haridon, de Lesen Stein Leiten (Autriche), à Paul Ier et ses ministres, du 25.11/6.12.1797 et du 13/24.03.1798. Voir aussi AVPRI, fonds 6, opis’ 2, Bourbons dos. 8, 1798. Folios 539-541 : lettres de la marquise d’Autichamp de Saint-Pétersbourg, à monsieur l’Abbé de Penguilly à Lins, et au comte de Cossé à Mitau, du 27.04/8.05.1798. C’est un leitmotiv dans les suppliques adressées par des Français à Paul Ier, que de rappeler à l’Empereur l’époque de son voyage en Europe en 1781-1782, sous le nom de Comte du Nord. La plupart des émigrés se souviennent de l’avoir alors rencontré, et parfois accueilli en France. Il semble que cette évocation soit agréable à l’Empereur, puisqu’il n’est pas rare que dans ces cas il montre de plus de générosité.
  • [45]
    RGADA, fonds 1239, opis’ 3, partie 111, dos. 58314. « À propos de l’argent, donné en 1798 au clergé français, émigré de France. 1802 ». Folios 1-1 v: lettre de Fédor Engel’ à Dmitri Prokofevi? Tro?inskij, de Saint-Pétersbourg, le 10.10.1802. en russe. Ce rapport fait aussi le résumé de la lettre de l’archevêque de Paris.
  • [46]
    Citée d’après la lettre conservée aux AVPRI, fonds 8 « Rapports approuvés par Sa Majesté, sur les relations de la Russie avec des Etats étrangers », opis’ 1 (1725-1802) ; dos. 32 « Suppliques au nom de Sa Majesté et des ministres. 1797. Lettres O, P, R ». Folios 15-15 vo, 18-18 vo.
  • [47]
    Ûrij Aleksandrovi? Neledinskij-Meleckij (1752-1829) : poète et secrétaire d’Etat.

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