Hérodote 2006/4 no 123

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Article de revue

Dynamiques transnationales et développement au Mexique : les enjeux de la migration internationale

Pages 182 à 198

Notes

  • [*]
    SEDET, université Paris-VII.
  • [1]
    Voir S. CAMAROTA, Immigrants at Mid-Decade; A Snapshot of America’s Foreign-Born Population in 2005, Center for Immigration Studies, 2006.
  • [2]
    L’une des premières cérémonies officielles organisées à Los Pinos (la résidence présidentielle à Mexico) est d’ailleurs en direction des leaders d’organisations de migrants vivant aux États-Unis, ce qui ne manquera pas de faire réagir d’autres secteurs de la société mexicaine qui perçoivent bien ce retournement dans l’ordre des priorités.
  • [3]
    Source: observations de terrain personnelles, automne 1996.
  • [4]
    Voir notamment les travaux de Michel Poinard, Gildas Simon ou Peggy Levitt.
  • [5]
    Dirección de Atención a Comunidades Guanajuatenses en el Extranjero, Programa Casas Guanajuato, documento de difusión, avril 2003.

1Avec 10 % de sa population résidant hors du territoire national et un différentiel de l’ordre de 1 à 10 dans les revenus du travail avec son voisin du Nord, le Mexique occupe à l’échelle latino-américaine, sinon mondiale, une situation sans équivalent. Les flux migratoires qui polarisent depuis le début du XXe siècle une partie substantielle de sa population, jeune et active en majorité, vers les États-Unis ont transformé peu à peu le pays en « fournisseur de main-d’œuvre » pour la première économie mondiale. Dans le contexte de la globalisation des économies et d’une intégration régionale de plus en plus poussée, cette mobilité de la maind’œuvre du Sud vers le Nord pourrait n’apparaître que comme une « variable d’ajustement » dans un système politico-économique bien rodé, tant l’interdépendance des deux économies nationales est devenue forte. La proximité géographique des deux pays, la longue frontière terrestre commune qui les unit (en même temps qu’elle les sépare) et une histoire pluricentenaire de relations politiques de voisinage pourraient avoir fait de la question migratoire une dimension, parmi d’autres, de relations internationales communes que deux pays entretiennent lorsque leurs destinées économiques, et dans une certaine mesure politiques, se trouvent aussi intrinsèquement liées. Si l’image traditionnelle du migrant mexicain reste parfois encore celle du paysan embauché temporairement, recruté depuis son lieu de vie au Mexique pour aller travailler dans l’agriculture étatsunienne, les travaux récents ont bien montré comment l’extrême diversification à la fois des profils des migrants et des modalités de la migration était à mettre en relation, entre autres phénomènes, avec une adaptation permanente à la nature des opportunités économiques qu’offre l’économie nord-américaine.

2D’un point de vue géopolitique, c’est à une certaine dématérialisation du rapport entre les États-nations et leurs populations que l’on assiste, ou plus exactement à une reconfiguration de cette relation dans un contexte où l’une des dimensions à la base même de l’idée d’État-nation, celle d’un rapport direct et univoque entre territoire national et population nationale, se trouve modifiée.

3De ce point de vue, le cas mexicain peut avoir valeur d’exemple. Il peut surtout permettre une réflexion qui va au-delà de cette idée, beaucoup trop réductrice, qui voudrait que l’action politique n’ait pas de prise sur la question migratoire à partir du moment où les mécanismes de son évolution ne relèvent que très marginalement de politiques publiques.

La dynamique des flux migratoires

4Dans un contexte politique marqué par des changements profonds, le volume des flux migratoires entre le Mexique et les États-Unis est resté très élevé au cours de la dernière période. Les évolutions engendrées par la mise en place d’une politique de sécurité nationale et de lutte contre le terrorisme aux États-Unis n’ont pas eu pour effet de restreindre le volume des installations dans le pays, et ce malgré les tentatives de renforcement des frontières. De fait, la période 2000-2005 est considérée par certains analystes comme les cinq années durant lesquelles la population immigrante (avec ou sans documents migratoires) a le plus fortement augmenté de toute l’histoire des États-Unis [1].

5Concernant la population mexicaine, les chiffres varient fortement puisque les flux ne sont que partiellement enregistrés. Au début 2005, selon le Bureau du recensement américain, 8,5 millions de personnes nées au Mexique résidaient aux États-Unis. Dans le même temps, la population sans documents migratoires était estimée à 6 millions selon le bureau de la statistique du Homeland Security Department. Si les deux chiffres ne peuvent vraisemblablement pas être cumulés, il est raisonnable de penser que la population mexicaine aux États-Unis est aujourd’hui supérieure à 12 millions de personnes. Mais c’est plus encore le dynamisme migratoire qui doit être souligné : la croissance moyenne de la population migrante sans documents est estimée, selon la même source, à + 260000 personnes par an sur la période 2000-2005, auxquelles s’ajoutent les migrants légalement admis aux États-Unis, toutes modalités confondues (au nombre de 158000 pour l’année 2005). Mesurant de son côté les flux, le Colegio de la Frontera Norte au Mexique estime à – 390000 le solde migratoire net avec les États-Unis sur la période 2001-2003, en augmentation par rapport à la période précédente.

CARTE 1.

OPÉRATION DES FLUX DE MIGRATION INTERNATIONALE À PARTIR DE QUATRE ÉTATS DU MEXIQUE (2003)

CARTE 1.
CARTE 1. – OPÉRATION DES FLUX DE MIGRATION INTERNATIONALE À PARTIR DE QUATRE ÉTATS DU MEXIQUE (2003) Jalisco Guanajuato Nevada Colorado Californie Colorado Californie Arizona Arizona Texas Texas Oaxaca San Luis Potosí Washington Colorado CalifornieCalifornie Arizona Georgie Georgie Texas Floride Floride Part des flux depuis chaque État (juillet 2002 - juin 2003) N de 3 à 5 % 0 1000 km de 5 à 15 % de 15 à 35 % de 35 à 50 % de 50 à 64 % L. Faret C Source statistique: EMIF (COLEF-CONAPO).

OPÉRATION DES FLUX DE MIGRATION INTERNATIONALE À PARTIR DE QUATRE ÉTATS DU MEXIQUE (2003)

EMIF (COLEF-CONAPO).

6Au-delà du seul volume de la population vivant aux États-Unis – ce qui est en soi déjà un facteur démographique majeur –, les formes de concentration spatiale historique dans quelques États du Sud-Ouest, puis la diffusion progressive entamée dans les années 1990 vers de nouvelles régions, ont conduit à une visibilité particulière de cette population (carte 1). Alors que les États du centre-ouest du Mexique concentraient historiquement la majorité des départs, la migration internationale est devenue une réalité dans une grande partie des États mexicains, en particulier dans les régions rurales d’États comme Veracruz ou le Chiapas, mais aussi dans les grandes agglomérations, dont Mexico (CONAPO, 2004).

7Dans le même temps, les formes d’organisation en réseaux qui sous-tendent le phénomène migratoire ont, dans une large mesure, contribué aux modes d’organisation actuelle de cette « communauté » mexicaine à l’étranger (carte 2). Le jeu des filières de la migration a donné lieu à une canalisation spatiale des flux et au développement de « couples migratoires » solides entre tel village de départ et tels ville ou quartier de ville d’installation à l’étranger. Il n’est pas surprenant de constater, et la littérature sur la question l’a largement souligné, que l’on retrouve aujourd’hui cette dynamique de réseaux à la fois dans les modes opératoires des organisations de migrants et dans les rapports directs que ces « Mexicains de l’extérieur » entretiennent avec leurs régions et villages d’origine [Massey et al., 1987; Valenzuela et Lanly, 2004].

8Enfin, les logiques d’intégration territoriale entre les deux pays, de même que l’évolution plus générale des modes de communication au cours des dernières décennies, ont introduit des transformations majeures dans les possibilités de déplacement et de circulation entre les deux pays. Le développement des infrastructures routières et autoroutières et l’émergence de lignes aériennes accessibles aux migrants mexicains (et souvent rendues viables économiquement par les déplacements de ceux-ci) ont considérablement influencé les rapports entretenus par les Mexicains vivant aux États-Unis avec leur région d’origine. Même si, dans le même temps, les conditions créées par la lutte contre le terrorisme aux États-Unis ont fait de la frontière un obstacle plus important à la circulation des migrants sans papiers, les logiques de va-et-vient au sein des familles organisées dans un champ transnational ont progressé, avec au-delà du mouvement migratoire au sens strict un ensemble de flux et contre-flux, de personnes mais aussi de biens, d’information, de capitaux...

9Il en résulte que les Mexicains des États-Unis sont aujourd’hui, dans le lien fort qu’ils maintiennent avec leur pays, dans une situation d’extraterritorialité (au sens juridique du terme) en même temps qu’ils sont des acteurs importants, et de plus en plus reconnus, de la transformation des régions dont ils sont issus au Mexique [Unger et Verduzco, 2001; Delgado Wise et Favela, 2004]. Une dimension particulièrement intéressante de cette configuration géopolitique en cours de reformulation est ainsi celle des enjeux, en particulier territoriaux, qui se font jour dans les rapports entre la formation d’une communauté mexicaine à l’étranger et les logiques de transformation des conditions du développement dans les régions d’origine au Mexique. Dans cet esprit, nous essayons de faire ici le lien entre deux domaines d’analyse. Celui, d’une part, des formes d’organisation sociospatiales des collectifs organisés à l’étranger, des logiques transnationales qui sous-tendent leur action et de la façon dont ces logiques peuvent ou non être encadrées par des politiques nationales élaborées à cet effet. Celui, d’autre part, des impacts de la migration en termes de transformation des conditions économiques à l’échelle locale et régionale, thème qui constitue bien évidemment l’un des enjeux immédiats, au Mexique comme ailleurs, des retombées du phénomène migratoire pour les pays où prennent naissance des flux significatifs.

CARTE 2.

POPULATION MEXICAINE ET D’ORIGINE MEXICAINE DANS LES AIRES URBAINES DES ÉTATS-UNIS (2000)

CARTE 2.
CARTE 2. – POPULATION MEXICAINE ET D’ORIGINE MEXICAINE DANS LES AIRES URBAINES DES ÉTATS-UNIS (2000) (Agglomérations dont la population d’origine mexicaine est d’au moins 30000 personnes) YakimaSeattle Portland Minneapolis Sacramento Milwaukee Grand Rapids San Francisco Reno Stockton New YorkSalt Lake City Chicago Philadelphie Modesto DetroitOmaha Denver Fresno Salinas BakersfieldSan Luis Obispo WashingtonKansas City Las VegasSanta Barbara WichitaColorado Sprs Albuquerque Greensboro Oklahoma city Raleigh Los Angeles Amarillo Charlotte Dallas Phoenix Lubbock Atlanta Odessa Tucson Waco Houston AustinEl Paso Orlando San Diego W. Palm Beach San Antonio Tampa Miami Corpus Christi 5 000 000 Mac Allen Brownsville Personnes nées au Mexique 1 000 000 N 0300 000 500 km100 000 30 000 Personnes nées aux États-Unis source statistique : U.S. Bureau of the Census, 2000. Nombre de personnes d’origine mexicaine L. Faret C Source statistique: US Bureau of the Census, 2000.

POPULATION MEXICAINE ET D’ORIGINE MEXICAINE DANS LES AIRES URBAINES DES ÉTATS-UNIS (2000)

US Bureau of the Census, 2000.

Enjeux politiques et scènes nationales

10S’il est aujourd’hui d’usage de considérer, dans les régions de forte émigration, que des politiques de développement ne peuvent se concevoir sans tenir compte des effets structurels de la mobilité et de ses conséquences, la nature même de ces mobilités, les systèmes de présence-absence et les logiques d’« intervention depuis l’extérieur » qui les accompagnent nécessitent vraisemblablement d’être abordés comme un élément essentiel des contextes locaux. Il n’est pas inutile de rappeler l’extrême déséquilibre entre les deux pays dans la mise en place de politiques visant à agir sur l’évolution du processus migratoire. Au Nord, la question de la régulation des entrées sur le territoire des États-Unis et le traitement des populations étrangères renvoient à l’histoire longue du pays et, en ce qui concerne les mesures affectant le couple Mexique-États-Unis, à des mesures mises en place dès la fin du XIXe siècle. En revanche, une réelle volonté politique ne se dégage au Mexique – si l’on excepte les accords bilatéraux établis lors de la Seconde Guerre mondiale mais dénoncés unilatéralement dès 1965 par le voisin du Nord – qu’à partir de la fin des années 1980.

11La position des autorités mexicaines vis-à-vis de la question migratoire se présentait, jusqu’à il y a peu, comme l’archétype des positions des pays affectés par des logiques d’émigration sur le temps long : une politique de non-intervention, basée sur la libre émigration, dont le principal ressort renvoie à la métaphore souvent utilisée de la « soupape de sûreté » [Durand, 1996]. Pendant longtemps, ce contexte a rendu difficile, et politiquement dangereuse, la formulation d’un discours volontariste sur la question. La non-inclusion du thème de la circulation des travailleurs dans les discussions qui ont précédé la signature des accords de libre-échange (ALENA) visant à développer les échanges commerciaux et l’intégration territoriale entre les deux pays à partir de 1994 est de ce point de vue significative.

12Même si ses prémices s’en font sentir dans la seconde moitié des années 1990 lors du mandat présidentiel de E. Zedillo, une véritable volonté politique ambitieuse émerge autour de la question migratoire avec l’entrée en fonction, à la fin de l’année 2000, de V. Fox, ex-gouverneur d’un État du centre-ouest du pays dans lequel la migration à l’étranger est une réalité majeure. La question est alors perçue dans une perspective à long terme, devant faire l’objet d’une négociation bilatérale, et elle est placée dans les priorités de l’agenda politique national du nouveau gouvernement [2]. La question migratoire dépasse aux yeux du pouvoir central la question du respect des droits de l’homme ou des conditions de vie aux États-Unis. En faisant des Mexicains aux États-Unis des « héros » (après les avoir longtemps considérés comme des « traîtres », selon les expressions de Jorge Durand), l’enjeu est avant tout celui de l’entretien et de la valorisation des transferts monétaires que les migrants adressent à leurs communautés d’origine. Si ce « contre-flux » est aussi ancien que la migration elle-même, son poids dans l’économie nationale a pris une ampleur jusque-là inconnue. Entre 1995 et 2004, le volume des remises a quadruplé, passant de 3,7 à 16,7 milliards de dollars, selon les chiffres de la Banque de Mexico. Ces envois constituent désormais l’une des plus importantes sources d’entrée de devises du pays, dépassant les revenus du tourisme international et représentant près de 80 % des revenus du pétrole. Ces « migradollars » constituent une irrigation diffuse et continue de l’économie familiale et locale. Si l’on prend en compte le fait que cet argent arrive dans des régions où les nécessités sont fortes, l’enjeu est immense, à la fois en termes d’aide directe à la vie des familles mais aussi de possible levier du développement économique. Un certain nombre de mesures ont été mises en place, à l’échelle fédérale et à celle des États les plus directement concernés par les flux, pour mieux tirer profit de ces remises et agir sur le développement local [Le Texier, 2004].

13Mais le traitement politique de la question migratoire au Mexique ne peut être dissocié de l’évolution du débat sur l’immigration aux États-Unis et des mesures mises en place par le pouvoir états-unien. Les tentatives mexicaines du début des années 2000 se sont trouvées largement affectées par les événements du 11 septembre 2001 et par la politique de sécurité nationale que les États-Unis ont ensuite mise en place de façon très volontariste pour répondre au risque terroriste. Dans ce nouveau contexte, l’accord migratoire qui était sur la table de discussion entre les deux administrations au début de l’année 2001 a été immédiatement ajourné; le contrôle des frontières a été accru et les modalités de passage d’un pays à l’autre ont été rendues encore plus sévères, conduisant dans le courant de l’année 2002 à une quasi-paralysie de certains postes frontaliers, où des files d’attente de plus de quatre heures affectent les commuters quotidiens. Si de nouvelles discussions ont repris dans le courant de l’année 2005, la question migratoire reste très épineuse, notamment sur le devenir de la migration illégale, qui ne semble pas proche d’être maîtrisée, avec ou sans accord binational. De fait, les atermoiements de la question migratoire et la vivacité des débats auxquels elle donne lieu aux États-Unis témoignent de la complexité de la question. À partir d’un discours centré sur la perte de contrôle de la frontière sud, les groupes de pression conservateurs les plus opposés à des procédures de légalisation des sans-papiers ont réussi à peser dans le débat, notamment au Sénat, en contribuant entre autres à articuler de façon directe la question migratoire à la question de la sécurité nationale. Au cours des dernières années, le climat s’est ainsi passablement tendu autour de la question migratoire. Alors que nombre d’études insistent sur le recours à la population migrante comme élément du maintien des niveaux de production élevée dans certains secteurs de l’économie états-unienne (en particulier l’agriculture, mais de plus en plus aussi les services), le débat public a porté davantage sur le coût, à l’échelle fédérale et des États, en termes à la fois économiques et sociaux, de la présence d’une population étrangère sans documents migratoires. Au cours de la dernière période, une surenchère sécuritaire a contribué en outre à criminaliser la situation des migrants sans-papiers, dans une dynamique qui n’a pas manqué de faire réagir, au regard de l’histoire longue du pays et du rôle fondateur des différentes vagues migratoires. Pour autant, les projets de régularisation des migrants installés depuis plus de cinq ans aux États-Unis, assortis de mesures de contrôle de l’accès à l’emploi pour les nouveaux arrivants, font régulièrement surface, avec l’idée d’une « reprise en main » de la question migratoire.

14Du point de vue législatif, la mise en place du Comprehensive Immigration Reform Act (CIRA), approuvé par le Sénat au début de l’année 2006, devrait constituer une étape significative. Le texte prévoit un ensemble de mesures visant explicitement à renforcer le contrôle de la frontière : 14000 nouveaux agents viendraient renforcer dans les cinq ans à venir les 11300 agents en service aujourd’hui au sein de la Border Patrol, la police des frontières. Pour comparaison, les effectifs étaient de 4000 agents en 1990. Un autre volet du texte prévoit l’extension du mur frontalier entre le Mexique et les États-Unis sur plus de 600 km. Le texte prévoit également, en marge d’un nouveau programme de travailleurs saisonniers, d’agir sur le contrôle au moment de l’embauche, via un nouveau système de vérification des documents et d’amendes aux employeurs ne contrôlant pas le statut migratoire de leurs nouveaux salariés. Ces dernières dispositions ne sont pas sans rappeler les mesures instaurées en 1986 avec l’IRCA (Immigration and Reform Control Act), dont les résultats furent très mitigés sur ces aspects spécifiques. On peut craindre par contre que l’ensemble de ces mesures contribue à accroître les risques encourus par les nouveaux candidats à l’immigration, notamment lors de la traversée de la frontière dans des régions hostiles. On sait que ces migrants sont de plus en plus enclins à s’aventurer dans des régions désertiques, à distance des villes frontalières trop surveillées. Au cours des dix dernières années, plus de 3 000 migrants ont péri en tentant de s’introduire sur le territoire états-unien, victimes d’hypothermie, de déshydratation ou de morsures d’animaux venimeux. Ces dangers s’ajoutent aux agressions et aux extorsions dont sont victimes ces migrants de par leur exposition aux bandes organisées agissant dans la région frontalière et, dans certains cas, aux violations de droits de la part des agents de la patrouille frontalière. En parallèle, le renforcement de la frontière a déjà eu pour effet de renforcer l’activité des passeurs clandestins et a augmenté de façon sensible le coût de la traversée.

15Indiscutablement, l’évolution du climat politique aux États-Unis sur la question migratoire est partie prenante de l’évolution du processus. Mais il convient de voir aussi le contexte de la construction de ce que l’on qualifie, parfois abusivement, de communauté mexicaine à l’étranger, de même que les modalités de son articulation avec le Mexique, à travers le rôle des structures associatives qui occupent une place particulière entre, d’un côté, le niveau individuel et familial de cette relation, et, de l’autre, le niveau national.

La construction d’une communauté mexicaine aux États-Unis

16Quelques points significatifs permettent de caractériser le contexte de la constitution d’une communauté mexicaine à l’étranger au cours des dernières décennies. À partir des années 1970, et plus encore depuis le milieu des années 1980, la transformation des modèles migratoires a joué un rôle important dans le processus de consolidation d’une communauté migrante à l’étranger. L’orientation des flux migratoires vers la ville et la constitution de « niches » communautaires urbaines constituent en ce sens une évolution importante. L’ancien schéma de la migration (saisonnière, de courte durée, et à destination des zones rurales) s’est complexifié au cours des vingt dernières années. Les quatre principaux éléments de cette transformation sont : l’allongement des séjours à l’étranger (lié d’abord à l’obtention de permis de résidence, notamment à la suite des régularisations de 1986-1987, puis aux difficultés de franchissement de la frontière); le changement des secteurs dominants d’activité (du secteur primaire vers ceux de l’industrie et des services, donc vers la ville); l’« institutionnalisation » d’un mode de vie migratoire pour certains individus (l’apprentissage des pratiques de va-et-vient entre les pays d’origine et d’installation) et l’apparition de nouveaux modes de relation des migrants avec leur société d’origine.

17Dans ce contexte, une identité originale s’est peu à peu construite, dans un processus qui mêle à la fois le modèle culturel d’origine, l’influence du nouveau lieu de vie et les pratiques issues de l’expérience migratoire en elle-même. L’essor des modes de communication modernes a largement contribué à rendre beaucoup plus rapide cette communication entre le village d’origine et le lieu d’installation.

18À partir du début des années 1990, le regroupement familial à l’étranger a par contre pu donner lieu à un affaiblissement relatif des liens intracommunautaires, avec la reconstitution des cellules familiales, à laquelle s’ajoutait souvent une meilleure intégration (au moins économique) dans le lieu d’arrivée. Mais l’amélioration des situations économiques pour ces migrants a également rendu possible une réactivation des liens avec le reste de la communauté d’origine. De fait, pour les migrants installés aux États-Unis et ayant des pratiques de retour-visite annuel, la fréquentation régulière avec le lieu d’origine en fait des acteurs importants du champ social entre les deux pays. Avec une mobilité encore supérieure, un rôle similaire est joué par les membres se rendant fréquemment au Mexique pour leurs activités professionnelles ou personnelles. Si une prise de distance avec la communauté d’origine n’est pas rare chez les jeunes adultes, notamment célibataires, un rapprochement progressif avec celle-ci est plus sensible au moment de l’agrandissement de la cellule familiale (sur ce point, la fréquence des mariages à l’intérieur des groupes villageois, résultat des retours saisonniers des jeunes adultes, joue dans ce sens). L’appartenance à une communauté locale est alors doublement valorisée, symboliquement et concrètement. À l’intérieur des familles, la réaffirmation des liens est souvent voulue comme l’opportunité d’offrir un cadre moral spécifique aux enfants et adolescents. Les activités auxquelles cette vie communautaire donne lieu aux États-Unis (réunions de famille et d’amis, fêtes annuelles, activités sportives et culturelles organisées par les clubs de migrants) sont alors vécues comme des moments de socialisation importants.

19L’implication dans les activités visant à maintenir les liens avec la communauté d’origine est d’abord le fait de personnes bien intégrées à leur lieu d’installation aux États-Unis [Faret, 2003]. De façon significative, les Mexicains impliqués activement dans les clubs et associations de migrants répondent à un profil assez voisin : presque tous sont installés depuis longtemps (fréquemment plus de dix ans), reconnus socialement aussi hors du contexte villageois et engagés dans des projets durables aux États-Unis (propriétaires de leur maison et/ou d’autres biens immobiliers en location, responsables de leur propre activité professionnelle, membres d’autres organisations associatives, etc. [3] ). Des personnes et de la dynamique qu’elles ont créée autour du fait communautaire, sont venues les actions concertées visant à transférer vers le lieu d’origine une partie des richesses et des compétences capitalisées aux États-Unis.

L’essor des formes d’action collective transnationales

20Les organisations de migrants aux États-Unis font aujourd’hui l’objet d’une attention particulière; nombre de travaux menés depuis les années 1970 à propos de différents courants migratoires ont insisté sur l’importance des associations constituées par les migrants dans les différents lieux de leur installation. Clubs, sociétés ou amicales d’émigrés sont considérés pour leur rôle d’affirmation (ou de réaffirmation) du lien social entre les personnes originaires d’un même lieu et entre celles-ci et leur communauté d’origine [4]. Très souvent, c’est le regroupement des individus originaires de tel « pays » ou de tel village qui suscite la mobilisation la plus active. Pour les migrants mexicains, la mobilisation associative est très fortement liée au processus migratoire en lui-même, dans la mesure où l’organisation formelle prolonge des modes d’interactions communautaires informels. Plusieurs auteurs ont insisté sur le lien entre les dynamiques sociales établies à l’occasion de la migration et l’émergence de structures associatives [González, 1995; Zabin et Escala Rabadán, 1998]. Les réseaux sociaux qui permettent l’acte migratoire, toujours construits sur des bases communautaires villageoises, sont les structures les plus solides d’« encadrement » du migrant. En conséquence, il n’est pas surprenant que ce soit à cette échelle que le processus d’identification collective demeure le plus fort à l’étranger. Il y a là une double allégeance, à la fois à la société locale d’origine que l’on a quittée (le pays où l’on est né, selon l’expression consacrée par les migrants eux-mêmes) et aux ressortissants de cette collectivité dans le lieu d’arrivée, dépositaires des ressources rendues accessibles par les réseaux sociaux déjà constitués (les « paisanos », dans le sens localiste que lui donnent les migrants, c’est-à-dire ceux du village).

21La mobilisation des migrants s’est développée de façon préférentielle à l’échelle locale. Si l’on observe le cas de l’État de Guanajuato (dans le centre-ouest du Mexique, la région cœur du phénomène migratoire), un facteur important de cette diversité résulte du contexte historique dans lequel les différents clubs ont été créés. Les motivations à l’origine de ces regroupements communautaires relèvent, dans le cas de cette migration ancienne, de différents domaines. La nécessité de l’entraide entre migrants dans les lieux d’installation (et la mise en place d’actions ponctuelles à destination de familles devant faire face à une situation d’urgence) constitue un premier socle. Peu à peu, viennent s’ajouter des questions telles que la réaffirmation socio-identitaire des racines et la transmission intergénérationnelle des valeurs et traditions culturelles. Mais une dimension supplémentaire est prise par ces collectifs lorsque, avec l’amélioration progressive des conditions de vie à l’étranger, la précarité des situations et la stagnation des conditions de vie dans les régions d’origine au Mexique se font comparativement plus manifestes. La volonté de donner une forme concrète à l’attachement exprimé pour la communauté d’origine et le constat des carences à laquelle celle-ci est confrontée constituent alors des éléments puissants de mobilisation. Les organisations de migrants qui voient le jour dans les années 1990 (soit les plus nombreuses) sont en grande partie construites sur cette logique.

22Un nouvel élément joue sur les modalités de la mobilisation des migrants, sur la période la plus récente, c’est celui de l’environnement institutionnel dans lequel les clubs s’inscrivent. Environnement qui découle très directement de la mise en place, à l’échelle nationale et à celle des États fédérés, de politiques élaborées précisément pour prendre en compte ces formes d’action depuis l’extérieur. Loin de l’isolement des organisations pionnières, les initiatives locales se sont développées au cours des dix dernières années dans un contexte où les acteurs institutionnels jouent un rôle nouveau, que ce soit en termes d’accompagnement des structures existantes ou d’impulsion à la création de nouvelles organisations [Valenzuela et Lanly, 2004]. À ce titre, l’organisation des migrants originaires de l’État de Guanajuato constitue un exemple intéressant de la spécificité de ce processus lorsque des incitations de la part des pouvoirs publics sont à l’œuvre. À travers la Dirección de Atención a los Guanajuatenses en el Extranjero (DACGE), le gouvernement de l’État a mis en place à partir de 1994 un modèle d’organisation associative, dénommé « casa Guanajuato », qu’il a cherché à diffuser aussi largement que possible auprès des migrants aux États-Unis. Si le modèle est propre à l’État, la démarche s’inscrit directement dans la politique nationale mise en place au même moment à l’échelle fédérale : favoriser le regroupement des ressortissants de l’État dans une structure associative aux États-Unis et développer des activités, sociales et culturelles d’abord, économiques ensuite, visant à renforcer les liens avec la région d’origine. Selon les termes des directives de la DGACE, les activités des « casas Guanajuato » ont pour objectif « l’établissement de liens de communication entre les migrants et leurs localités d’origine [...], la promotion d’une identité nationale et l’aide à l’émergence de leaders dans le cadre de l’insertion des migrants à la société états-unienne, [...] l’établissement de contacts et de liens avec les autorités de gouvernement au Mexique et le développement de valeurs sociales et culturelles qui alimentent l’attachement avec le pays d’origine pour diminuer le problème de la perte d’identité culturelle auquel ils se retrouvent exposés [5] ».

23Le rythme de croissance du nombre de « casas Guanajuato » et l’importance prise par les plus anciennes d’entre elles (à Dallas et Chicago notamment) montrent que le modèle correspond manifestement à une attente de la part des collectifs de migrants. En 1995, seulement 6 des 21 « casas Guanajuato » existantes étaient réellement organisées et opérationnelles. Elles étaient au nombre de 52 en 2003. Cependant, tous les clubs de migrants originaires de l’État n’ont pas pris ce statut. Selon les opinions exprimées par des responsables d’organisations, la mise en place de ce programme est associée par certains à l’action du Parti d’action national (PAN, parti conservateur) dans l’État, et l’usage à des fins politiques locales ou nationales de la question migratoire tient un certain nombre de migrants à distance des instances locales à cet échelon. Quoi qu’il en soit, le rôle des instances gouvernementales est aujourd’hui reconnu de façon large, et la création de bureaux de liaison dans les trois villes de plus forte présence des migrants de Guanajuato se veut un rapprochement avec les clubs de ces régions (à Dallas, Chicago et Santa Ana). Du point de vue des structures d’encadrement, les organisations de Guanajuatenses ne sont pas parvenues à s’organiser à un niveau autre que celui de clubs ou « casas Guanajuato » à base communautaire dominante. Dans d’autres États, tels que Zacatecas, Oaxaca ou Michoacán, l’organisation des associations à un niveau supérieur, celui des fédérations, a nettement contribué à donner plus de poids à ces structures et, en conséquence, à leur offrir de meilleures conditions de négociation et d’action, au Mexique comme aux États-Unis. Dans le cas de Guanajuato, la création d’un Conseil des présidents de fédérations de Californie, avec présidence tournante, prévoit de lui redonner une nouvelle importance. Dans l’agglomération de Dallas, la forme de fédération qui s’est développée est à un autre niveau : le Grupo de los Estados Mexicanos Asociados (GEMA) est destiné à articuler les mobilisations des clubs de différents États.

24Si l’on s’en tient au point de vue de l’environnement de la société étatsunienne, les logiques d’impact à l’échelle locale apparaissent comme relativement limitées et le principal impact se situe à l’échelle de la communauté migrante elle-même. En revanche, les activités et les positions défendues par les organisations de migrants ont manifestement un impact plus fort et plus direct au Mexique. À l’échelle des villages d’origine, tout particulièrement, la mobilisation d’individus ayant acquis une expérience à l’étranger est un élément de transformation majeure de la dynamique locale. Dans cet environnement, il faut souligner que les membres de ces clubs sont très souvent des individus jouissant d’une reconnaissance sociale évidente, au sens où leur expérience aux États-Unis est considérée comme réussie. Globalement, cette position vis-à-vis de la communauté d’origine place les migrants dans des situations d’acteurs dont l’influence locale est forte. Relevée dans de nombreux contextes, cette dimension a été largement reconnue à l’échelle individuelle et familiale. Lorsqu’il s’agit d’actions conduites par les migrants de manière collective et organisée, l’impact qui en est attendu est au moins aussi fort. De ce point de vue, les projets que les structures sont capables de concevoir et, plus encore, leur capacité à les mener à terme sont à la base d’une dynamique dont les répercussions sont nombreuses, au-delà même du projet initial.

25La diversité de ces projets est une caractéristique assez significative de leur portée relative. Les actions visant à pallier l’insuffisance des infrastructures locales occupent une place de choix, autour de projets comme, par exemple, la création ou l’équipement d’un dispensaire de santé en milieu rural, l’aménagement d’un système de drainage des eaux usées, etc. De plus en plus fréquemment, la mise en place de projets productifs (sous forme d’ateliers, de commerces ou de petites usines de fabrication textile par exemple) mobilise des groupes de migrants, organisés ou non sur la base des structures associatives classiques. En parallèle, des projets communautaires élaborés en lien avec les paroisses locales (et visant le plus souvent à réaménager des églises) sont les vecteurs d’une dimension culturelle et d’une charge symbolique relativement fortes dans un pays comme le Mexique. Dans l’ensemble de ces domaines, la généralisation à l’échelle nationale des expériences développées à des échelles locales et régionales constitue des avancées importantes. De ce point de vue, l’activité des collectifs de migrants à l’étranger s’est trouvée passablement renforcée par la mise en place, dans certaines conditions, d’incitations économiques à l’élaboration de projets communautaires. Les programmes « deux pour un » développés dans l’État de Zacatecas puis repris à l’échelle nationale sous forme de programmes « trois pour un » relèvent de cette dynamique : pour un dollar investi par les migrants à l’étranger dans une activité qui bénéficie au développement local, la municipalité, le gouvernement de l’État et le gouvernement fédéral investissent également un dollar chacun.

Action internationale et développement local : quelles perspectives ?

26Dans le contexte actuel, l’activité des structures transnationales créées par les migrants à l’étranger est l’illustration d’une évolution profonde. Le positionnement de ces organisations, leur rôle potentiel de proposition et de contrôle en font aujourd’hui des acteurs d’une société civile en formation, aux côtés d’autres intervenants.

27Comme on l’a signalé ici, le rôle de ces acteurs reste fort particulier. Leur action est marquée de façon profonde par au moins trois paramètres : le contexte d’action (à distance), les référents mobilisés (ceux de l’environnement d’accueil le plus souvent, notamment du point de vue des modes d’action, de concertation, d’expertise...) et le regard particulier porté sur le lieu d’origine (mélange de priorités objectives et d’actions plus symboliques ou démonstratives). Dans ce sens, il y a effectivement lieu de parler d’un « acteur transnational », dans le sens où, en plus de la mobilité des individus, c’est aussi le va-et-vient des influences qui est à l’œuvre. Il y a lieu de penser, en outre et plus globalement, qu’une série d’évolutions majeures (l’accroissement global des échanges, l’urbanisation et la mise en relation graduelle des lieux et les effets des différents progrès technologiques, notamment de communication) invitent à considérer sous un autre angle les rapports entre faits de mobilité, dynamiques communautaires et transformation locale. Les processus de construction de groupes sociaux signifiants sur le mode du réseau et sur la plurilocalité sont ici significatifs.

28Indéniablement, ces formes récentes d’intervention de la communauté mexicaine aux États-Unis donnent à ce groupe une dimension sociale et collective jusqu’alors assez peu observable en tant que telle. Débordant du seul contexte économique, cette influence se diffuse aujourd’hui assez rapidement. Le « modèle individuel de réussite » véhiculé par la migration vis-à-vis d’autres formes locales de réussite au Mexique donne à la communauté mexicaine à l’étranger du poids vis-à-vis du pays d’origine. Les dimensions de ce nouveau rôle touchent également un champ jusqu’ici trop peu exploré, celui du politique. La discussion autour du thème du vote depuis l’étranger est une bonne illustration de cette évolution : une loi de réforme constitutionnelle incluant le droit de vote des Mexicains allant dans ce sens a été votée par le Congrès mexicain en 1996, mais son application n’a pu concerner que les élections de l’année 2006, soit dix ans plus tard ! Et encore, cette participation s’est faite sous une forme qui est loin d’avoir répondu aux attentes formulées par les migrants eux-mêmes (et de ce fait le niveau de participation a été particulièrement faible, autour de 50000 personnes tout au plus). Il convient de noter, cependant, combien le rôle de la mobilisation des Mexicains des États-Unis a été essentiel dans la mise en œuvre de ce processus. De ce point de vue, on peut penser que c’est la manière dont ce vote depuis l’étranger a été instrumentalisé par les partis politiques mexicains, y compris dans les modalités de mise en œuvre du vote, qui est à l’origine d’une participation plus faible que ce qui était attendu. Dans le même ordre d’idées, la présentation aux élections législatives de candidats représentatifs de ces groupes témoigne de l’émergence du rôle politique de la communauté émigrée. À l’échelle locale, l’appui ponctuel à la mise en œuvre de stratégies politiques d’alternance est fréquemment observé, notamment sous forme de financement des frais de campagne. Ces éléments font indéniablement partie d’un processus plus large : celui de l’accès des groupes migrants à une certaine reconnaissance en tant que collectifs organisés et – par extension – à la participation au processus démocratique. Il est à ce titre significatif de noter combien, dans les régions de forte émigration, l’émergence d’un véritable espace de débat, permise par la montée en puissance des partis politiques d’opposition, a trouvé un écho favorable auprès des groupes migrants.

29Dans un autre registre, l’organisation de rencontres ponctuelles entre les migrants et les autorités locale et régionale du pays d’origine est en passe de se généraliser aux États-Unis. Au-delà du prosélytisme qui ne manque pas d’entourer ces manifestations, les déplacements des représentants publics mexicains aux États-Unis peuvent créer des conditions de dialogue spécifiques. Assez souvent, les émigrants sont eux-mêmes frappés par les nouvelles possibilités que ce dialogue leur donne. Peu habitués à être en relation directe avec les classes dirigeantes de leur pays d’origine, bon nombre d’entre eux font le constat que c’est paradoxalement leur sortie du territoire national qui leur permet de faire entendre un certain nombre de revendications. Au moment où d’autres revendications se sont accompagnées de la constitution de collectifs à vocation de dialogue social (on pense notamment aux fédérations de communautés indiennes, tel le Frente Indígena Oaxaqueño Binacional de Californie), c’est véritablement à l’émergence de communautés transnationales, agissant par-delà les limites territoriales et sans référence à un cadre national unique, que la situation de la communauté mexicaine aux États-Unis semble faire référence aujourd’hui.

Bibliographie

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Date de mise en ligne : 01/12/2006

https://doi.org/10.3917/her.123.0182

Notes

  • [*]
    SEDET, université Paris-VII.
  • [1]
    Voir S. CAMAROTA, Immigrants at Mid-Decade; A Snapshot of America’s Foreign-Born Population in 2005, Center for Immigration Studies, 2006.
  • [2]
    L’une des premières cérémonies officielles organisées à Los Pinos (la résidence présidentielle à Mexico) est d’ailleurs en direction des leaders d’organisations de migrants vivant aux États-Unis, ce qui ne manquera pas de faire réagir d’autres secteurs de la société mexicaine qui perçoivent bien ce retournement dans l’ordre des priorités.
  • [3]
    Source: observations de terrain personnelles, automne 1996.
  • [4]
    Voir notamment les travaux de Michel Poinard, Gildas Simon ou Peggy Levitt.
  • [5]
    Dirección de Atención a Comunidades Guanajuatenses en el Extranjero, Programa Casas Guanajuato, documento de difusión, avril 2003.

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