Hérodote 2006/4 no 123

Couverture de HER_123

Article de revue

Pétrole et révolution dans les Amériques

Les stratégies bolivariennes de Hugo Chávez

Pages 41 à 61

Notes

  • [*]
    Chargée de recherches au CNRS (CERMA-EHESS).
  • [1]
    Site de la CEPAL : hhttp :// www. eclac. cl/ Chiffres officiels (CNE): http :// www. cne. gov. ve/
  • [2]
    Le Monde, 11 mai 2006. « The return of populism; Latin America », The Economist, 15 avril 2006. Rapport Stratfor, 26 mai 2006. The Wall Street Journal, 26 mai 2006. La Vanguardia, 4 avril 2006.
  • [3]
    Expression de E. Burgos, « “Petropopulismo telegénico o mesiasnismo pretoriano » : el caso de Venezuela », inédit.
  • [4]
    Références de l’ouvrage : La Guerra Periferica y el Islam Revolucionario : Origenes, Reglas y Etica de la Guerra Asimetrica, El Viejo Topo, Barcelone, 2005.
  • [5]
    Informe de Asuntos Internacionales, « Comisión y agenda “nueva etapa” », Visión Venezolana, 15 décembre 2004.
  • [6]
    Également appelée Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA).
  • [7]
    William Izarra, « Intervenciones », Venezuela Analítica, 6 septembre 2003. Déclaration finale du IIIe Sommet des peuples, hhttp :// www. cumbredelospueblos. org/ « Crónicas de otras agresiones presidenciales », Visión Venezolana, 1er octobre 2003. Herminia Fernández, « Cifras de unas relaciones tormentosas », Tal Cual, 7 avril 2005.
  • [8]
    « Venezuela ¿petróleo, arma política ?», BBC Mundo, 27 avril 2006.

1Pétrole et Révolution: tel est le titre opportunément choisi par le ministère vénézuélien des Mines et de l’Énergie pour lancer, au début de l’année 2006, une publication destinée à « informer » et à « mobiliser les consciences » dans la « bataille d’idées » livrée afin de « transcender le capitalisme ». « Pétrole pour le peuple », « à bas l’ouverture pétrolière », « l’ancienne PDVSA cheval de Troie des transnationales », « notre politique pétrolière est nationale, populaire, et révolutionnaire », tels sont certains des thèmes abordés dans une perspective qui relève davantage de la géopolitique à l’échelle continentale voire internationale que de la seule défense de la souveraineté nationale ou du folklore local. Longtemps sous-estimé par ses adversaires et par les analystes politiques, le président vénézuélien Hugo Chávez s’est en effet imposé comme un leader charismatique et un stratège. Compte tenu de l’importance politique et économique du Venezuela dans la région, dans le cadre des relations « hémisphériques » (avec les États-Unis), de sa marge de manœuvre au sein d’une OPEP que Hugo Chávez a bel et bien contribué à réactiver et de l’arme politique que constitue le pétrole pour un gouvernement qualifié de « populiste révolutionnaire » voire de « pétropopuliste », les deux termes – pétrole et révolution – sont désormais indissociables. Or, la révolution bolivarienne du président Chávez a changé non seulement la donne, mais aussi les règles du jeu. Revenir sur les circonstances et la chronologie politique de cette évolution se révèle par conséquent indispensable à la compréhension de la situation actuelle sur le plan national et international.

État des lieux

2Il y a deux ans encore, on pouvait se poser la question de savoir si le gouvernement vénézuélien et la « révolution bolivarienne » s’étaient engagés sur la voie d’une solution pacifique à la crise politique qui secoue le pays à intervalles réguliers depuis la fin de l’année 2001. Le référendum d’août 2004, relatif au maintien de Hugo Chávez au pouvoir, et dont l’organisation avait été retardée par le gouvernement avant d’être très nettement remporté par celui-ci, a en effet constitué une issue constitutionnelle à la crise, mais en aucun cas une solution politique. Malgré une manne pétrolière reposant sur les prix les plus hauts qu’ait connu le baril d’or noir (en 2006, le seuil historique de 75 dollars était atteint), le pays n’est pas exempt de problèmes économiques : 60 % de la population active se trouvent dans le secteur « informel », ce que soulignent les bilans publiés par les organismes internationaux (CEPAL). Des indicateurs officiels montrent certes une reprise, mais sans croissance réelle, malgré une affirmation récente (septembre 2006) du président selon laquelle la pauvreté aurait diminué de 30 % depuis son arrivée au pouvoir. Alors qu’un pourcentage important de la population vivrait en dessous du seuil de pauvreté (l’indice de pauvreté serait passé de 52 % en 1999 à 72 % au premier trimestre 2004), dans un pays autrefois considéré comme l’« Arabie saoudite de l’Amérique latine », malgré la multiplication des programmes gouvernementaux ou « missions ». Autre indicateur : au premier semestre 2003, l’économie vénézuélienne a subi l’une des contractions les plus sévères de son histoire (– 18,5 % du PIB), récession attribuée à la grève nationale de fin 2002-début 2003. Or ce « populisme révolutionnaire » fréquemment taxé d’autoritarisme a été plébiscité par une majorité d’électeurs en 1998 et en 2000 lors des élections présidentielles (56 % et 59 %). Plus d’un tiers de l’électorat, issu majoritairement des classes populaires, continue par ailleurs d’appuyer et de se mobiliser en faveur de son leader charismatique, si l’on considère les résultats du référendum et même les sondages régulièrement publiés sur la question. La polarisation de l’opinion publique reste cependant forte, avec 59 % en faveur de Chávez – dont 30 % d’inconditionnels – et 41 % en faveur de l’opposition, malgré la très faible mobilisation enregistrée lors des élections municipales du 7 août 2005 (69,19 % d’abstention) et la proximité des élections présidentielles du 3 décembre 2006 [1].

3À l’échelle du continent, les différences entre le projet voire le « processus » vénézuélien (terme utilisé par ses partisans) et le style de gouvernement d’autres États latino-américains s’accentuent de jour en jour. Des chefs d’États latino-américains, élus sur des programmes de gauche, ont certes affirmé, à certaines occasions (comme lors de la tentative de coup d’État conservateur d’avril 2002), leur solidarité avec le gouvernement du président Chávez et joué les médiateurs (cas du Brésil), tout en prenant leurs distances par rapport à certaines déclarations ou initiatives [L’Ordinaire latino-américain, n° 192,2003]. L’intégration récente du Venezuela au Mercosur confirme cette appréciation. Un ancien ambassadeur brésilien indiquait que son pays pourrait ainsi exercer une influence modératrice sur Chávez. En politique intérieure, les divisions et l’inefficacité de l’opposition sont devenues manifestes après l’échec de la tentative de coup d’État d’avril 2002, mené certes par l’aile la plus conservatrice de l’opposition (il est aussi des opposants de gauche), après l’échec également de plusieurs grèves nationales et tout particulièrement de la « grève civique » de décembre 2002-janvier 2003, la plus longue de l’histoire nationale, malgré la participation du secteur clé de l’économie nationale, l’entreprise pétrolière PDVSA; puis à nouveau l’échec lors du référendum d’août 2004. À un moment clé de la chronologie politique nationale – la moitié du mandat présidentiel a été dépassée –, le président Chávez envisage désormais sa réélection et de mener le combat non contre le candidat ayant émergé des tractations de l’opposition, Manuel Rosales, gouverneur de l’État du Zulia et bénéficiant de l’appui des sociaux-démocrates, mais contre le « diable Bush », tant est omniprésente la rhétorique guerrière de la révolution.

Chávez : leader populiste ou stratège habile ?

4Malgré le socle électoral que nous évoquions, le « chavisme » a cependant perdu une grande partie de son capital social, les classes moyennes paupérisées et les habitants des quartiers pauvres, ranchos ou barrios [Ramos, 2004]. Sur le plan international, les relations privilégiées avec des régimes assimilés à l’« axe du Mal » (de l’Iran à la Corée du Nord, où une ambassade a été ouverte en septembre 2005) posent non plus un problème de gouvernance mais d’équilibres géostratégiques, alors que le Venezuela souhaite présenter sa candidature au Conseil de sécurité des Nations unies et fait campagne en ce sens (voir le voyage de Hugo Chávez en Chine fin août 2006). Le paradoxe Chávez semble être celui d’un remarquable stratège plus que celui d’un leader populiste classique ou d’un démagogue, qui a su jouer, sur le long terme, sur un élément gage de stabilité et l’articuler en fonction du projet bolivarien : les forces armées. Divisées et transformées en parti politique dans les premières années du gouvernement Chávez, elles sont aujourd’hui réduites au silence, d’autant que les dissidents se refusent à assumer des prises de position anticonstitutionnelles et à passer pour putschistes (voir les réactions à la tentative de coup d’État conservateur de 2002). Et ce malgré les déclarations dissidentes d’un certain nombre de généraux et amiraux, depuis mis à l’écart. Ce paradoxe rapprocherait, en termes d’analyse des relations civils-militaires, le Venezuela de ses voisins, après plusieurs décennies d’une démocratie atypique sur le continent latino-américain, dans laquelle l’armée avait accompagné et non influencé le processus politique.

5Un autre facteur entre en effet en ligne de compte : la dynamique de la violence revendiquée dans laquelle s’inscrit l’action politique, la révolution « pacifique et démocratique » du candidat Chávez étant devenue la « révolution armée » et le citoyen un « citoyen-soldat » (formation de milices, appel à des réservistes et création d’une Garde territoriale). La propagande révolutionnaire s’effectue par ailleurs à l’échelle du continent (on évoque volontiers l’axe La Havane-Caracas-La Paz), mais également de la planète, si l’on considère la diplomatie du pétrole développée par le président Chávez. Le verrouillage des principaux leviers de l’État et de son administration, armée comprise, est devenu au cours des années 2003 et 2004 un fait accompli après la désignation de nouveaux magistrats au TSJ (Tribunal suprême de justice) et au CNE (Conseil national électoral), jusqu’alors l’un des rares organismes gouvernementaux à s’opposer au chef de l’État. Les militaires contrôlent désormais les leviers politiques du pays. C’est l’armée qui, en septembre 2005, a dirigé les expropriations symbolisant la « réforme agraire » [Coppedge, 2001; Irwin et Langue, 2003]. La victoire au référendum a ouvert une nouvelle phase, qualifiée par le chef de l’État de « salto hacia adelante » (un « grand bond en avant »), tant sur le plan national qu’international (discours voire provocations antiaméricains, contrastant avec de multiples accords économiques politiques et pétroliers, sur le continent latino-américain). Quant à ce que les médias locaux, suivis par les associations de presse internationales, ont appelé la «  loi du bâillon » (ley mordaza), elle remettrait en cause l’un des fondements de la démocratie cependant revendiquée par Chávez lors de son arrivée au pouvoir : la liberté d’expression, aussi bien des médias que du citoyen ordinaire, malgré des apparences démocratiques.

6Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que, parmi les termes le plus fréquemment employés pour qualifier le régime de Hugo Chávez, celui de « populisme » dans ses diverses déclinaisons occupe une place de choix. Car le populisme dans sa variante XXIe siècle inquiète en cette année d’élections généralisées (2006): plus que par son discours, profondément renouvelé depuis son incarnation péroniste et surtout médiatisé, le phénomène inquiète par les réseaux dans lesquels ces régimes s’insèrent dans un monde « multipolaire », sans compter le pouvoir économique de fait dont ils disposent et qui leur confère un rôle de premier plan. C’est en ce sens que l’on a évoqué le « pétropopulisme » pour caractériser le régime du Venezuela. Quelques exemples suffisent à en témoigner : en mai 2006, en marge du IVe Sommet Union européenne-Amérique latine (Vienne, 11-13 mai 2006), le président péruvien (A. Toledo) s’inquiète de la « montée des populismes » et de la perte de confiance des électeurs en la démocratie. Cela après le coup porté à l’intégration régionale par l’annonce du retrait du Venezuela de la Communauté andine des nations (Équateur, Bolivie, Colombie, Pérou et Venezuela). Dès les premiers mois de l’année 2006, le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, évoque un « populisme préoccupant », juste après la victoire d’Evo Morales en Bolivie. En avril, un dossier de The Economist est consacré au « retour du populisme en Amérique latine ». Ce dossier met toutefois en exergue la diversité des gouvernements de gauche désormais présents en Amérique latine, et l’extrême variabilité du concept. En ce début du mois d’avril, l’actualité diplomatique internationale est également fertile en considérations sur le populisme nouvelle version : de passage aux États-Unis pour présenter ses mémoires, Fernando Henrique Cardoso (président du Brésil de 1994 à 2002) affirme : « Chávez est très certainement un nationaliste, c’est aussi un populiste et il a des tendances autoritaires. » Au Pérou, la presse quotidienne qualifie Ollanta Humala – le soutien du Venezuela à Humala a d’ailleurs déclenché une polémique dans les médias péruviens – de « commandant populiste et ethno-nationaliste ». En mai 2006 toujours, le chancelier espagnol, Miguel Angel Moratinos, invite la communauté internationale à ne pas ignorer l’« intense moment de changement politique et social » que traverse l’Amérique latine. Il l’incite également à ne pas dévaloriser ce processus en lui attribuant l’épithète infamante de « populiste ». Mais le rapport Stratfor d’analyse politique et stratégique insiste sur la montée de « gouvernements populistes orientés à gauche » (on est alors à la veille des élections péruviennes, et de la confrontation entre l’ancien président Alan García et le candidat nationaliste et populiste – toujours selon ce rapport – Ollanta Humala). Donnée additionnelle mise en évidence par les diverses analyses : le candidat « nationaliste populiste » péruvien avait indiqué qu’il nationaliserait la production des hydrocarbures dans son pays et remettrait en question l’accord de libre-échange existant depuis 2005 entre son pays et les États-Unis. Ceci après que le nouveau président bolivien a nationalisé, en date du 1er mai, la production de ces mêmes hydrocarbures. Le tout avec, en toile de fond, l’appui du Venezuela de Hugo Chávez aux campagnes électorales de ses alliés (ingérences d’ailleurs dénoncées par les gouvernements des pays concernés), le projet expansionniste de la « révolution bolivarienne » sur le continent latino-américain et la propagande tous azimuts menée par le président vénézuélien en faveur du « socialisme du XXIe siècle ». Toujours au mois de mai, The Wall Street Journal souligne que « la réélection d’Alvaro Uribe romprait avec l’avalanche de victoires populistes en Amérique latine » pendant que l’accusation de « populisme » est lancée contre le candidat du Parti de la révolution démocratique (PRD), Andrés Manuel López Obrador, aux élections mexicaines [2].

7Paradoxalement, ce début du XXIe siècle est à la fois un temps exceptionnel d’affirmation des situations démocratiques dans l’histoire républicaine de l’Amérique latine, et celui d’un « déficit démocratique » et de la fragilité d’une gouvernance démocratique, confrontée à des tendances autoritaires. L’interprétation de la « séduction populiste en Amérique latine » [de la Torre, 2000] ou encore de la « raison populiste » [Laclau, 2005] demande dès lors à être nuancée par un retour aux origines dans le cas vénézuélien.

Du « populisme instrumental et discret » au « populisme révolutionnaire »

8Les premières manifestations du populisme vénézuélien remontent en fait à la première moitié du XXe siècle, lorsque se forgent précisément un imaginaire politique moderne et un ensemble de représentations politiques, mais aussi sociales et culturelles, qui trouvent leur meilleure expression dans la création littéraire. C’est dans les années 1930-1940 que le peuple accède au statut d’acteur politique mais d’une façon extrêmement originale, puis cette consécration fut, au Venezuela, l’œuvre d’un parti politique d’inspiration léniniste si l’on considère l’itinéraire et les options politiques de son fondateur. À la différence de ce que l’on observe pour le Brésil ou l’Argentine, où cette période voit précisément s’affirmer des leaders populistes tels que Getúlio Vargas (1930-1945,1950-1954) ou Juan Domingo Perón (1946-1955), elle correspond au Venezuela à la modernisation des structures de décision et à l’apparition des partis politiques modernes, en particulier Action démocratique (Acción Democrática, AD), et à la mise en place conjointe des institutions démocratiques.

9À la différence de ces formations populistes « classiques », AD va impulser et appuyer la création d’institutions politiques démocratiques, en se fondant sur des principes nationalistes, anti-oligarchiques et égalitaires. À la différence également des organisations brésiliennes ou argentines, où il pouvait exister une influence fasciste (Italie), les fondateurs d’AD – le parti est fondé en 1941 – avaient appartenu à des cercles marxistes ou au parti communiste (PCV). Tel est le cas de son fondateur, Rómulo Betancourt. Le vocable adeco, qui désigne un membre de ce parti, a, à ses débuts, des connotations fortement négatives puisqu’il est la contraction de adecomunista, épithète forgée par la droite à la suite de la « révolution d’octobre » (18 octobre 1945), conjuration civico-militaire qui porta AD au pouvoir. Ce fut le Triennat, de 1945 à 1948. Autre différence : à ses débuts, AD n’eut pas de leader charismatique (bien que R. Betancourt l’ait été, notamment lors de son accession à la présidence de la République). Le populisme d’AD se fonde par conséquent sur la revendication de droits citoyens pour l’ensemble de la population, alors à dominante rurale et en majorité analphabète. L’œuvre de Betancourt consista à cet égard à inventer véritablement la politique, et à créer un véritable parti civil, s’inscrivant à l’encontre du paradigme des partis armés et de l’homme à cheval, paradigme dominant jusqu’au début du XXe siècle [Langue, 1999, p. 310 et suiv.; Caballero, 2004]. Jusqu’alors, c’est cette imbrication particulière des relations civils-militaires, l’influence déterminante des forces armées et la prégnance du caudillisme – les caudillos andins – qui avaient fait obstacle à l’instauration de principes démocratiques, à la différence de la Colombie voisine, cependant en proie à une « violence » séculaire [Irwin, 2000; Irwin et Langue, 2003].

10L’influence du parti Action démocratique s’est affirmée pendant des périodes bien définies de l’histoire nationale au XXe siècle : ainsi à la suite du coup d’État du 18 octobre 1945, déjà évoqué. La « symbiose civils-militaires », singulièrement passée sous silence par l’historiographie nationale – mais étudiée par Domingo Irwin –, développée à cette occasion, allait marquer durablement le devenir institutionnel et politique du pays. Comme l’a souligné Luis Castro Leiva, c’est cependant le « développement de l’idée morale de dictature » (en tant qu’instrument conceptuel inhérent à la théorie républicaine du pouvoir, mais aussi solution du dernier recours, d’après le républicanisme libéral, afin de préserver la liberté et la possibilité d’une vie publique morale) qui fut à l’origine du renversement du président élu, Rómulo Gallegos, en 1948. Puis du cheminement vers la dictablanda de Marcos Pérez Jiménez (1952-1958), jusqu’à son renversement (le 23 janvier 1958) et au pacte de Punto Fijo, qui signe le début de quarante années de démocratie au Venezuela. En ce sens, le coup d’État de 1945 signifia bel et bien une rupture avec le passé, en déplaçant l’ancienne élite dirigeante formée sous la dictature gomeciste [Langue, 2002, p. 94 et suiv.]. L’alternance politique entre les deux grands partis, AD et COPEI (parti social-chrétien), a caractérisé cette longue période de stabilité institutionnelle et démocratique, qui contrastait avec le type de régimes, autoritaires ou dictatoriaux, que l’on observait au même moment sur le reste du continent latino-américain. Ce fut une période de « populisme instrumental et discret [3] », fondé toutefois sur la pratique du clientélisme voire de la corruption, ce qui causa d’ailleurs la chute du deuxième gouvernement de Carlos Andrés Pérez (1989-1993). Le contexte était en effet marqué par des revenus pétroliers élevés, à même de dissimuler les failles de cet État-providence à vocation clientéliste, et permettait notamment une certaine mobilité sociale. Autre particularité de ces quarante années de démocratie : l’absence d’intervention de ce secteur militaire modernisé pendant la période gomeciste, qui a accompagné mais non influencé le système des partis issu du pacte de Punto Fijo (à la différence, là encore, des pays voisins).

Le prétorianisme vénézuélien

11Le prétorianisme, caractéristique la plus adaptée au cas vénézuélien, renvoie par conséquent à une « situation dans laquelle le secteur militaire d’une société donnée exerce une influence politique abusive, recourant à la force ou menaçant de le faire ». Ce vocable polysémique se révèle fondamental pour comprendre aussi bien le passé que l’histoire du « temps présent ». Le prétorianisme continuerait en effet de se manifester d’une façon latente, en tant qu’arbitre ou depuis le gouvernement, bien après la création de l’armée moderne. La tentative de coup d’État de 1992 (menée par Chávez) serait ainsi une « expression d’un prétorianisme récurrent du XXe siècle » [Irwin, 2000]. Le terme « militarisme », d’utilisation plus récente et fortement connoté, renvoie en revanche à une « situation politique dans laquelle le secteur militaire d’une société donnée envahit celle-ci par une sorte de métastase, et parvient ainsi à dominer tous les aspects fondamentaux de la vie sociale ». Le XXe siècle est pour le Venezuela le temps de structuration de l’institution militaire dans un cadre national. Modernisation et professionnalisation des forces armées (initiées en particulier sous Gómez) sont ainsi les deux constantes de ce processus, plus ou moins marquées selon le gouvernement considéré mais particulièrement visibles depuis la décennie 1960. Une « nouvelle version du séculaire accord militaire-civil et politico-militaire vénézuélien » s’était déjà mise en place, le contrôle de l’armée ouvrant la voie à la magistrature suprême : le général Eleazar López Contreras (au pouvoir de 1935-1941), le général Isaías Medina Angarita (1941-1945), le colonel Delgado Chalbaud (1948-1950) et le général Marcos Pérez Jiménez (1952-1958); le projet civiliste du Triennat ne prendra véritablement forme qu’à la fin des années 1970, dans un contexte extrêmement favorable qui est celui de la hausse des prix du pétrole, et par conséquent du Venezuela de la prospérité économique [Langue, 1999; Irwin, 2000]. Les années 1960 inaugurent à cet égard une symbiose civils-militaires et une phase d’accommodements; l’institution militaire redéfinit son rôle et ses moyens d’expression. Elle se modernise en se professionnalisant et renonce, de ce fait et en partie, à son caractère « prétorien », qui resurgit cependant à la fin du siècle, avec la tentative de coup d’État de 1992 dirigée par Hugo Chávez, et la radicalisation du régime chaviste à partir de l’année 2001 (promulgation des 49 décrets-lois) et surtout 2002.

12Un retour sur le contexte des années 1960, marquées par la « lutte armée », permet de préciser cette caractéristique de l’institution militaire. L’échec de la guérilla aurait été davantage politique que militaire : en 1964 les dirigeants du PCV prirent la décision de renoncer à la lutte armée afin de parvenir au pouvoir. Une autre réalité, relativement méconnue, est celle, au même moment, d’une alliance des forces armées avec les secteurs civils radicalisés, conjonction qui n’est guère nouvelle dans l’histoire du Venezuela et qui consiste, dans une certaine mesure, à répéter l’épisode de 1945. Le point culminant de cette conjonction des forces politiques et militaires est l’insurrection militaire de Puerto Cabello et Carúpano (1962). Les échecs rencontrés dans ce type d’insurrection sont à l’origine de la création, dans les années 1963-1964, des Forces armées de libération nationale (FALN) et du Front de libération nationale (FLN) à vocation politique et logistique. Le « foquisme », bénéficiant de l’appui stratégique et logistique de Cuba, caractérisa les années 1964-1968, la « pacification » intervenant dans la période 1968-1971. C’est aussi la naissance du MAS (Mouvement vers le socialisme) – dont l’un des fondateurs, Teodoro Petkoff, ancien guérillero, ancien ministre, directeur du quotidien Tal Cual, est aujourd’hui l’un des principaux opposants au régime de Chávez. C’est également le moment où les forces armées vénézuéliennes ont intensifié leur entraînement antiguérilla, bénéficiant de l’assistance américaine, étape qui entre ainsi en ligne de compte dans la professionnalisation de l’armée.

13Le prix à payer pour le pouvoir civil fut relativement élevé, compte tenu de l’importance acquise par l’institution militaire (privilèges économiques tels que l’augmentation de la solde des officiers de 140 % entre les années 1960 et les années 1970). Face à un ennemi commun, des liens se sont tissés entre les dirigeants des partis AD et COPEI et les chefs de l’armée, mais l’image d’un contrôle civil affermi, née de la chute de la dictature (1958), n’est alors qu’illusion. Autre aspect essentiel : le rôle des forces armées dans la gestion des affaires frontalières. Les militaires reçoivent aussi une meilleure formation « académique » – à l’Académie militaire, d’où viendront les officiers à l’origine de la tentative de coup d’État de 1992, à l’IAEDEN, Institut des hautes études de la Défense nationale (créé en 1969-1970, il constitue une sorte de troisième cycle destiné à former les officiers supérieurs). Quant à l’échec militaire de la guérilla, il aurait conduit les « survivants politiques » à nouer des liens, d’une part avec le monde universitaire, et d’autre part avec les jeunes officiers. Ce sera l’une des deux « tendances conspiratrices » identifiées au sein des forces armées. La première, favorable à une solution autoritaire, est influencée par les thèmes de sécurité, défense et développement, et bénéficie de la sympathie d’une certaine élite économique qu’elle soutiendra en partie lors des élections des années 1980 (dont C. A. Pérez pour AD). La seconde est celle dont nous avons eu l’occasion de retracer l’itinéraire, qui se confond avec celui du Mouvement bolivarien. Les chefs de file en sont les lieutenants-colonels Izarra et Chávez pour le secteur militaire, et Douglas Bravo (alors membre du bureau politique du PCV, et actuellement opposant) et Pablo Medina pour la sphère civile. Les loges militaires portent les noms de M-83, ARMA et MBR-200 (l’antécédent du Mouvement Ve République/MVR actuel, parti chaviste). Ces « loges militaires organisées » – l’expression est de D. Irwin – ne se manifesteront violemment qu’en 1992, à l’occasion des deux tentatives de coup d’État, et à la suite de la prise de conscience que représenta pour les jeunes officiers la répression des révoltes populaires de février 1989 [Garrido, 2000; Langue, 2002, chap. II].

Le contrôle de l’État par les forces armées

14La mise en place du plan Colombie, sous l’égide des États-Unis, afin de lutter contre le trafic de drogue, prolongé depuis 2005 par le plan Patriote, dans une optique également antiguérillas, a contribué à créer un déséquilibre régional flagrant entre le Venezuela et la Colombie. Le président Chávez n’avait accordé son appui à ce plan que lors du Sommet de Carthagène (avril 2001). Aucune coordination militaire entre les deux pays n’était prévue, alors que les forces armées vénézuéliennes se trouvaient engagées dans le plan Bolívar 2000, version étendue des traditionnelles opérations d’action civique. Les risques de débordement de cette guerre interne à la Colombie étaient déjà signalés par les experts. Autre conséquence prévisible : celle d’une militarisation de la vie politique vénézuélienne en réponse aux implications militaires manifestes de ce plan. Ce sont les faiblesses de ce type de contrôle civil ainsi que les incertitudes de cette relation de pouvoir qui se trouvent ainsi dévoilées lors des insurrections militaires de 1992 [Castillo, 2001]. Diverses sont en effet les interprétations présentées quant à la nature des relations civils-militaires dans la Constitution bolivarienne de 1999. L’une consiste à voir précisément, dans les transformations incorporées dans la nouvelle Charte, une confirmation de la relative indépendance et de l’autonomie du secteur militaire dans ses relations avec le pouvoir civil. La fonction de l’armée et sa structure se trouvent définies à l’article 328 de la nouvelle Constitution, significativement intitulé « Force armée nationale». Chacune des composantes des forces armées conserve un commandement spécifique, mais un commandement unifié est institué (CUFAN). Pour la première fois également, les questions traitant de la sécurité nationale et les questions militaires qui en dérivent figurent dans la Constitution. Cette disposition contribue à éluder plus sûrement le contrôle que les civils pourraient être appelés à exercer dans ce domaine. Cette question de l’incorporation du thème de la sécurité de la nation à la Charte constitutionnelle est d’ailleurs l’une des plus controversées sur le continent latino-américain. Mais un fait est à signaler : l’article 326 de la Constitution de 1999 dispose que la sécurité de la nation est fondée sur la « responsabilité conjointe de l’État et de la société ». Le pouvoir civil a, d’autre part, perdu une partie de sa capacité de contrôle de l’institution militaire : désormais, c’est l’exécutif – le président de la République en sa qualité de commandant en chef des forces armées – qui décide des promotions. L’extension des fonctions dévolues aux forces armées à des domaines de politique intérieure et de développement, et la volonté du président de conférer à des cadres intermédiaires du secteur militaire des responsabilités dans le cadre du gouvernement et de l’administration publique, sans compter l’administration de ressources destinées à des œuvres d’intérêt social, font des forces armées la seule institution qui exerce un contrôle de fait sur l’État. L’absence de médiation entre les plus hauts niveaux de l’État et la société civile/le « peuple » a rendu possible une communication directe du président avec son électorat. Les forces armées peuvent, en ce sens, être appelées à jouer ce rôle, à l’instar d’une organisation politique. La désignation d’un civil au poste de ministre de la Défense (l’actuel vice-président José Vicente Rangel) n’avait préservé que dans un premier temps l’exercice du contrôle civil sur la structure militaire. La situation actuelle, et plus particulièrement depuis la tentative de coup d’État d’avril 2002 et la grève générale de décembre 2002-janvier 2003, a abouti à la nomination de militaires à tous les postes de la haute administration (y compris de PDVSA, entreprise pétrolière nationale), notamment de « fidèles » au président Chávez. Quant aux contrepoids institutionnels (Conseil national électoral, Tribunal suprême de justice, Congrès), ils sont placés sous contrôle chaviste et la liberté d’expression est compromise par la loi de responsabilité (autocensure des médias depuis 2003). Le projet de Chávez porte parallèlement sur la constitution d’une véritable armée révolutionnaire bolivarienne, qui compterait un million de soldats, induisant la disparition de l’armée sous sa forme actuelle et suivant en cela le modèle cubain. La création de milices, la mobilisation d’une réserve en vue d’une attaque des États-Unis constamment évoquée dans les discours présidentiels – thème de la guerre asymétrique – vont en ce sens [Irwin et Langue, 2003].

L’internationalisation de la révolution bolivarienne et la question de la « guerre asymétrique »

15Le chavisme n’a rien d’une idéologie et son inspirateur n’avait d’ailleurs pas hésité, pendant sa première année de gouvernement, à citer pêle-mêle Tony Blair, Neruda, Napoléon, de Gaulle, dans un opuscule vendu dans les kiosques intitulé L’Oracle du guerrier, tout en indiquant qu’il n’était pas marxiste mais bolivarien. Depuis, la révolution s’est radicalisée, il n’est point de moyen terme, on est pour ou on est contre. Les options politiques qui convergent vers une certaine forme de néopopulisme semblent aujourd’hui réunir aussi bien l’« arbre aux trois racines » fortement présent dans l’imaginaire populaire national (Simon Bolivar, Simon Rodriguez et Ezequiel Zamora) que l’influence du sociologue argentin révisionniste Norberto Ceresole, apôtre de la relation Caudillo-Ejército-Pueblo. Selon cette équation, le peuple choisit un leader en la personne duquel est concentré le pouvoir, les élections n’étant qu’un moyen de parvenir à celui-ci pour un temps indéterminé et le parti un instrument de cette stratégie « postdémocratique ». Le sociologue argentin, antisémite notoire, ancien conseiller de Velasco Alvarado, ancien ambassadeur du régime iranien dans le Cône sud et conseiller de Chávez jusqu’en mars 1999, est finalement évincé sous la pression des proches. Mais, sous son influence, Chávez associe au programme du Mouvement bolivarien le schéma de pouvoir unipersonnel et caudilliste, et le schéma de la relation directe caudillo-peuple. Chávez a fait également sienne l’idée de la concentration du pouvoir, du rôle primordial de l’armée, et de la nécessité de privilégier les relations avec les États arabes parce que antiaméricains et antijuifs. Curieusement, Ceresole ne professait aucune sympathie envers le régime cubain. Or, il semblerait que, depuis son éviction, l’influence tutélaire que Chávez a reconnue et revendiquée est celle de Fidel Castro.

La stratégie internationale de Chávez

16La théorie développée par l’ancien conseiller de Chávez comporte une spécificité qui différencie l’exercice de ce mandat des applications gouvernementales du nationalisme européen ou d’option conservatrice. Le « mandat » ou « ordre populaire qui transforme un leader militaire en un dirigeant national ayant une projection internationale a été exprimé non seulement d’une manière démocratique, mais dans un but particulier, celui de la préservation de la culture nationale, mais également de la transformation de la structure sociale, économique et morale ». Toujours selon Ceresole, la « projection internationale » du leader sera la résultante d’un travail laborieux d’« édification politico-stratégique » qui concernera tous les mouvements populaires de la région. L’internationalisation d’un leader charismatique tel que Chávez constituera par ailleurs une garantie contre les tentatives de déstabilisation (intérieure ou extérieure). L’élaboration d’une « intelligence stratégique » permettra d’apporter une solution à des problèmes intérieurs, d’en évaluer l’impact hors des frontières nationales, de manière à choisir le moment favorable afin d’établir des alliances, afin que « le processus révolutionnaire s’introduise dans les failles du système international et atteigne des niveaux acceptables de sécurité ».

17D’où l’insistance mise sur un monde « multipolaire », dont l’un des pôles géopolitiques pourrait être précisément celui du Venezuela et des pays de l’OPEP, et dont le Venezuela serait le fer de lance en Amérique latine et dans les Caraïbes. Les relations diplomatiques avec les pays du Moyen-Orient vont en ce sens. Dès son élection, Chávez a multiplié les voyages, visites et échanges diplomatiques, avec l’appui de l’un de ses conseillers, l’ancien officier d’aviation William Izarra. Ce qui conduit, dès lors, à relativiser l’option nationaliste attribuée jusqu’à présent aux régimes considérés comme (néo-) populistes [Garrido, 1999,2001; Ceresole, 2000]. Ceresole prophétisait en effet que le Venezuela pouvait devenir le défenseur des masses déshéritées du continent, et aussi « des Forces armées humiliées de toute notre Amérique hispano-créole ». Après avoir mis un terme à la lutte armée et après la disparition de l’URSS, les forces armées du continent ont, dans la majorité des cas, perdu leur statut et la collaboration qu’elles entretenaient avec les États-Unis. Une opinion publique majoritairement en leur défaveur, le ressentiment à l’encontre des États-Unis ont fait que leur victoire sur le plan pratique, strictement militaire, n’a pas été assortie d’une victoire sur le plan politique. L’idée selon laquelle les civils ne sont pas les bienvenus au gouvernement de la nation explique par ailleurs le succès relatif engrangé hors du territoire national par ce que l’historien et ancien diplomate Germán Carrera Damas qualifie de « bolivarianisme-militarisme » [Carrera, 2005].

18Le référendum de 2004 s’inscrit également dans le cadre de la stratégie conçue par Chávez des années auparavant. Mettre en œuvre un processus révolutionnaire prendra une vingtaine d’années, avait-il indiqué depuis la prison de Yare, où il était emprisonné à la suite de sa tentative de coup d’État de 1992. Dans sa déclaration de juillet 1992 se trouvait évoquée la « situation transitoire » qui permettrait de développer ce nouveau modèle de société, en d’autres termes le Projet national Simón Bolívar, projet qui présuppose la fusion civils-militaires, concept créé par l’ancien guérillero Douglas Bravo. La participation à des élections n’était dans cette perspective qu’un élément tactique. L’acceptation du référendum répond à l’accord signé le 29 mai 2003 entre le gouvernement et l’opposition, sous l’égide d’organismes internationaux (OEA, Amis du Venezuela, Brésil en particulier, puisque le président Lula appuya le projet de référendum). L’intention était la même qu’en juillet 1996, lors de la création du Mouvement Ve République – Quinta Répública – afin de participer aux élections présidentielles de 1998 et de l’Agenda alternatif bolivarien, qui culmine avec la victoire au référendum. Ce programme, considéré comme le point de départ d’une nouvelle société et de la restructuration de l’État et de l’ensemble du système politique, portait sur des domaines aussi divers que le rôle de l’État, la politique pétrolière, l’éducation et la culture, la science et la technologie, la dette extérieure, la gestion et l’amélioration du secteur productif, les équilibres macroéconomiques et sociaux. Dès 1998, Chávez insiste sur l’évolution de l’Agenda alternatif bolivarien : c’est alors la démocratie participative qui est à l’ordre du jour, et un nouveau modèle de développement économique endogène, humaniste, voire autogestionnaire. Un « accord pour l’application de l’Alternative bolivarienne pour les Amériques », similaire dans ses principes mais destiné à l’ensemble du continent, et visant à contrecarrer la Area de Libre Comercio para las Américas ou ALCA (initiative des États-Unis), est signé à La Havane en décembre 2004, au moment où la révolution bolivarienne fête son cinquième anniversaire. Le référendum d’août 2004 inaugure une deuxième phase, dite « Projet de transition bolivarien » ou « salto adelante », qui créera les conditions d’application du Projet national Simón Bolívar et, surtout, de réactivation de l’« espace bolivarien ». Cette étape est marquée par la « révolution dans la révolution », soit la poursuite des programmes sociaux et économiques du gouvernement, mais aussi le renforcement de la composante civico-militaire [Blanco Muñoz, 1998, p. 623-624]. D’où les références faites au « citoyen-soldat », ou l’attention portée par les idéologues du régime, ainsi William Izarra, aux commandos populaires et à la « défense populaire intégrale ».

Le rôle de la « défense populaire intégrale »

19Dans le même registre de radicalisation du « processus », cette fois sur le plan international, se situe le renforcement des relations avec la Chine, l’Iran ou la Russie, voire l’axe avec Lula-Kirchner particulièrement évoqué pendant l’année 2005, bien que mis à mal par les initiatives vénézuéliennes au cours de l’année 2006. D’où également la rupture intervenue dans la tradition logistique des forces armées vénézuéliennes, celle qui consistait à acquérir du matériel militaire auprès de pays occidentaux : les derniers achats réalisés par Hugo Chávez le furent, certes, auprès du gouvernement socialiste espagnol (d’où la crise intervenue avec les États-Unis fin 2005), mais aussi en Russie (fusils d’assaut, avions de guerre et hélicoptères, en mars de la même année, matériel dont l’apprentissage sera facilité par la collaboration avec les forces armées cubaines) voire en France et en Corée du Nord. Quant aux frais occasionnés par le personnel lui-même, une augmentation de 60 % était prévue en 2004 au bénéfice du seul ministère de la Défense [Ochoa Antich, 2004; Bromley-Perdomo, 2005]. « L’heure est venue de révolutionner les systèmes de défense de la sécurité nationale par une union civicomilitaire », annonça le président Chávez lors du meeting de clôture de la manifestation « officialiste » du 16 mai 2004. L’activation de la « défense nationale populaire intégrale » devait s’appuyer sur 50000 réservistes en décembre 2003, sur 500000 fin 2005 recrutés dans les classes populaires (d’après El Nacional, 60 % des réservistes sont sans emploi en 2005). Le président avait annoncé parallèlement la création de « milices populaires » placées sous la tutelle des forces armées. Le renforcement de ce processus civico-militaire s’est poursuivi en 2005, et la Réserve militaire et la mobilisation nationale dépendent directement de la présidence de la République. Environ deux millions d’hommes sont concernés, soit tous les citoyens entre 18 et 50 ans, d’après le projet de loi organique de la FAN, ce qui serait l’équivalent de vingt fois les effectifs des forces armées. En janvier 2005, le général Melvin López Hidalgo, secrétaire du Conseil de défense de la nation, avait annoncé que les forces armées (FAN) se devaient de modifier leur doctrine militaire en raison de la « menace permanente » que constituaient les États-Unis. Cette modification incluait le recours à des réservistes ainsi qu’à la population civile, ceci dans le cadre d’une éventuelle « guerre asymétrique ». L’expression fait référence à la confrontation d’opposants « non étatiques » avec des armées d’État, mais le concept en vient à inclure l’affrontement de puissances apparemment inégales du point de vue strictement militaire, d’où les références à la participation des civils, d’un réseau d’« intelligence sociale », et notamment à la « fusion civils-militaires » dans le cas de la révolution bolivarienne. Dans le même temps, les forces armées vénézuéliennes ont fait l’acquisition de 30000 exemplaires de l’ouvrage de Jorge Verstrynge, universitaire et politologue espagnol, ancien secrétaire général du parti Alianza Popular entre 1979 et 1986, expulsé pour désaccord avec Fraga Iribarne, et désormais membre du PCE et de la Fundación de Investigaciones Marxistas : La Guerra Periferica y el Islam Revolucionario : Origenes, Reglas y Etica de la Guerra Asimetrica, ouvrage dûment célébré sur le site révolutionnaire et prochaviste Rebelión [Garrido, 2005, p. 13] [4].

20« La nouvelle dimension de la révolution bolivarienne commencera le 16 août [après le référendum], une fois renforcé le leadership de Hugo Chávez, désormais tête de file des mouvements émancipateurs de l’Amérique latine. Il reposera sur deux piliers : l’idéologie révolutionnaire et le Front national (Frente nacional). » Tel est le raisonnement de William Izarra, « directeur idéologique » du Commando Maisanta (organisateur de la mobilisation chaviste en vue du référendum). L’exercice de la violence d’État et le contrôle exercé sur la totalité des pouvoirs publics permettront de « consolider le processus », d’établir le pouvoir du peuple, et de lutter contre les « scénarios adverses », contre les « forces de la réaction ». D’où l’adoption en 2003-2004 d’un certain nombre de mesures dont la loi de responsabilité à la radio et à la télévision, destinée à contrôler les médias, ce qui conduisit les organismes internationaux à exprimer leur préoccupation quant à l’exercice de la liberté d’expression dans le pays.

La révolution et l’arme du pétrole : points d’appui de la stratégie internationale de Hugo Chávez

21En ce qui concerne les relations internationales, c’est une véritable diplomatie postréférendum qui a été mise en œuvre par le président Chávez. La « Commission de coordination, de contrôle et de suivi présidentiel de la nouvelle étape de la révolution bolivarienne » est créée par décret présidentiel le 10 décembre 2004. Elle supervise notamment le modèle d’intégration alternatif (ALBA) et la création de Petroamérica, Petrocaribe, TV Sur. La commission appuie toute initiative destinée à « défendre le droit des peuples » dans un monde « multipolaire », elle coordonne les réseaux internationaux de solidarité avec la révolution bolivarienne. D’où les rencontres d’intellectuels organisées à Caracas, ou le IIe Congrès bolivarien des peuples, en décembre 2004. Une officine d’information est chargée de promouvoir l’image de la révolution aux États-Unis.

22Le président multiplie les voyages à l’étranger, ainsi à la IIIe Réunion des présidents d’Amérique du Sud à Cuzco (8-9 décembre 2004), pendant laquelle fut signé l’acte constitutif de la Communauté sud-américaine des Nations [5]. Lors d’une visite officielle en Argentine et en Uruguay, Hugo Chávez n’avait pas manqué de critiquer le FMI (« organisme néfaste »), sans exclure le dialogue avec Washington, et dénoncé l’ALCA (Area de Libre Comercio para las Américas[6] ) tout en rappelant que le Venezuela en faisait partie. Il se définit à cette occasion comme « un soldat, un révolutionnaire bolivarien, non communiste, non marxiste, non castriste, bien qu’ami de Fidel Castro, chrétien, et qui recherche la justice sociale à tout prix ». De même avait-il proposé la création d’une entreprise pétrolière latino-américaine, alliance stratégique d’entreprises d’État dans le domaine des hydrocarbures. Les modalités du discours présidentiel à l’égard des États-Unis allaient considérablement varier dans les mois qui suivirent, passant de considérations politiques à des attaques peu amènes, sans nuances diplomatiques, ainsi lors du Sommet extraordinaire des Amériques (Monterrey, 12-13 janvier 2004). Les dissensions sont encore plus perceptibles depuis le Sommet des Amériques de Québec (avril 2001), et amplifiées par l’attitude américaine ambiguë lors de la tentative de coup d’État contre Chávez en 2002. Certes, le Venezuela de la « Ve République » s’est toujours opposé à l’administration américaine : lorsque celle-ci condamnait Cuba pour violation des droits de l’homme (en 1999,2000, 2001) ou encore la Chine et l’Irak, notamment lors de la guerre de 2003. Ou encore lorsque celle-ci s’attachait à promouvoir le plan Colombie. En septembre 2003, la visite de l’ambassadeur américain Charles Shapiro au siège du pouvoir électoral (Conseil national électoral, CNE) provoque une nouvelle impasse diplomatique. Chávez dénonce l’« intromission » de Washington dans les affaires internes du Venezuela, « intromission » dénoncée devant l’OEA.

23L’idéologue du mouvement bolivarien, William Izarra, ancien officier d’aviation ayant suivi un postgrado aux États-Unis, ne manque pas de dénoncer les interventions américaines en Amérique latine, préfigurant ainsi les théories développées tout au long de l’année 2005 sur le thème de la « guerre asymétrique ». Dans le même temps, le président Chávez commence à dénoncer avec vigueur les risques d’« invasion » américaine au Venezuela. Au sein de l’OEA, le Venezuela s’est toujours fait le défenseur de la « démocratie participative » malgré les efforts des États-Unis en faveur de la « démocratie représentative » sur l’ensemble du continent, s’efforçant de contrecarrer l’influence américaine sur le continent et affirmant sa solidarité avec Cuba. Cette position est ouvertement assumée lors du Sommet ibéro-américain de Salamanque (XV Cumbre Iberoamericana, 14-15 octobre 2005), du dernier Sommet des Amériques à Mar del Plata (4-5 novembre 2005), et de la participation de Hugo Chávez au contre-sommet des peuples d’Amérique (III Cumbre de los Pueblos de América, du 1 au 5 novembre 2005).

24Au sein de l’OPEP, les décisions prises quant au prix du baril de pétrole allaient de même à l’encontre des intérêts américains, avec l’appui du Venezuela. Et pourtant, sous les administrations Clinton et même Bush, Hugo Chávez privilégiait des relations cordiales. La « nouvelle étape » de la révolution inaugure un langage plus radical, fondé sur la confrontation, la rhétorique anti-impérialiste et les changements survenus au Venezuela dans la doctrine de sécurité nationale. Les relations commerciales et les flux financiers et pétroliers sont en définitive relativement peu affectés. Cinquième producteur mondial, le Venezuela fournit 12 % de l’approvisionnement des États-Unis. Ceux-ci restent l’un des principaux partenaires commerciaux du Venezuela. Du côté américain, d’autres facteurs sont cependant à prendre en ligne de compte : la désignation de Condoleezza Rice par George W. Bush comme secrétaire d’État, et la nomination de Donald Rumsfeld à la Défense. En d’autres termes, on assiste à une militarisation de la politique, particulièrement évidente avec le rôle dévolu au Commando Sur, placé sous le commandement de James Hill, censé orienter des armées « amies » afin de contre-carrer l’expansion révolutionnaire et la conjonction Castro-Chávez. Ceci dans le cadre d’une guerre dite « de quatrième génération » [Garrido, 2005, p. 41 et suiv.; Burgos, 2005] [7].

25Dans ces conditions, quelle légitimité attribuer aux préoccupations gouvernementales face à une intervention étrangère au Venezuela, préoccupations relayées par certains universitaires américains [Gollinger, 2005]? Une intervention américaine reste peu probable, compte tenu des engagements des États-Unis sur d’autres terrains. La frontière la plus instable reste la région andine, et plus encore la frontière qui sépare le Venezuela de la Colombie. Le contexte continental est riche de conflits potentiels, notamment en raison des revendications frontalières en suspens. Pour ne prendre qu’un exemple, la revendication de l’accès à la mer par la Bolivie, soutenue par le président Chávez, est à l’origine d’un conflit diplomatique avec le Chili en novembre 2003. Les multiples incidents diplomatico-militaires ou escarmouches qui ont eu lieu de 2003 à 2005 sur la frontière colombo-vénézuélienne (et les polémiques relatives à la présence de la guérilla colombienne en territoire vénézuélien) montrent à quel point l’équilibre local est fragile. Or, aussi bien la Colombie que les États-Unis sont à l’origine des plans Colombie (2000-2005) puis Patriote (2006-2007, plan de lutte contre la guérilla). Dans ce cadre, les pays frontaliers sont tenus de souscrire des accords afin de lutter contre le trafic de drogue, le terrorisme ou la guérilla, ce que le Venezuela s’est toujours refusé à faire. En octobre 2003, le chef du Commando Sud des forces armées des États-Unis reconnaissait qu’aucune preuve formelle des relations entre le gouvernement de Hugo Chávez et les groupes armés colombiens n’avait pu être établie. Le Brésil lui-même est signataire du plan Cobra, qui complète le plan Colombie.

26La politique extérieure du Venezuela comporterait désormais une faille qui résulte du décalage persistant entre le renforcement – prioritaire – du régime d’une part, fondé par ailleurs sur le pouvoir que confère la manne pétrolière, et les intérêts de la nation d’autre part [8]. Ce décalage n’est guère récent puisqu’on le trouve dans la formulation de la doctrine Betancourt, qui, en prélude à la Charte démocratique interaméricaine, impliquait que le Venezuela interrompe ses relations diplomatiques avec tout pays dont le gouvernement serait issu d’un coup d’État [Romero, 2004]. La conjonction du messianisme bolivarien et des hauts prix du pétrole a accentué cette tendance à multiplier les engagements extérieurs, financiers et politiques – notamment au sud du continent, si l’on considère les investissements réalisés en Argentine, ou la solidarité constamment manifestée avec d’autres mouvements « révolutionnaires » et antiglobalisation du continent, de la Bolivie du leader cocalero Evo Morales aux « sans-terre » du Brésil, mais aussi la fourniture de pétrole gratuit aux « pauvres » des États-Unis (les sans-abri de La Nouvelle-Orléans). La rhétorique anti-impérialiste et révolutionnaire, la dénonciation du « néolibéralisme sauvage » ont certes modifié la nature des relations existant avec les États-Unis, devenues une simple association stratégique faisant alterner tensions rhétoriques et relations « cordiales », mais fondées sur un « pragmatisme pétrolier » incontestable. « Nous ne sommes pas conciliants mais réalistes » dira pour sa part William Brownfield, le nouvel ambassadeur à Caracas [Urbaneja, 2005].

27Plus que jamais, la conjonction du thème pétrolier et de celui de la guerre asymétrique s’inscrit dans le cadre de ce monde multipolaire défendu par Hugo Chávez, et par conséquent du « bloc de pouvoir régional » et de l’« axe de libération stratégique » développés par le sociologue allemand, partisan de Chávez, Heinz Dieterich. D’où l’importance accordée aux relations avec les autres pays exportateurs de pétrole et la diplomatie parallèle engagée avec les « peuples d’Amérique », les références constantes à un « axe » Caracas-Brasilia-Buenos Aires et à l’intégration économique et militaire latino-américaine, ou encore le renforcement de la coopération militaire avec des pays tels que l’Iran, la Chine ou la Russie. D’autant que l’année 2005 a été déclarée « Année de l’offensive et de l’avancée de l’unité des peuples d’Amérique latine et des Caraïbes » (lors du Congrès bolivarien des peuples, en décembre 2004), et que, cette même année, a été lancée, depuis La Havane, la proposition de l’ALBA (Alternativa Bolivariana para las Américas, en opposition à l’ALCA), avec comme représentants pour le Congrès bolivarien des peuples Fidel Castro, Hugo Chávez, Evo Morales (MAS) et Shafik Handal (FMLN).

28Toujours au cours de l’année 2005, le mouvement a vu la création de sa page Web et de Telesur, dans le cadre de la « guerre médiatique » évoquée par le président Chávez. Sur le plan politique, nombre de succès ont été engrangés : ainsi le départ du président équatorien Lucio Gutiérrez (associé au plan Colombia-Andino) grâce à l’action des mouvements indigénistes Pachakutik-Conaie, la pression exercée au Nicaragua par le Frente Sandinista sur le gouvernement pro-américain, les pressions exercées en Bolivie par Evo Morales sur le gouvernement de Carlos Mesa (thème du nationalisme énergétique, particulièrement présent lors de la « guerre du gaz »), ou encore via la contestation entretenue à l’encontre du gouvernement Lula par les « sans-terre » brésiliens, et enfin l’élection d’Evo Morales. En 2005, Hugo Chávez a montré sa volonté de rompre la dépendance énergétique existant avec les États-Unis : tel est le sens du projet de cession de Citgo (succursale) et de création de la compagnie pétrolière latino-américaine (Petroamérica), ou encore des relations privilégiées entretenues avec certains pays européens ou asiatiques.

29Le discours présidentiel n’est donc plus seulement affaire de rhétorique et la « paix violente » [Mares, 2001] un aspect d’une scène politique intérieure vénézuélienne caractérisée par l’extrême faiblesse du contrôle civil sur les forces armées. Un ancien responsable américain évoque ainsi la nécessité de contrôler l’« axe subversif » formé par le Venezuela et Cuba avant que d’autres démocraties de la région ne soient affectées par cette « subversion ». Le pétrole – et par conséquent les menaces de suspension de l’approvisionnement aux États-Unis – devient l’arme privilégiée d’une guerre asymétrique qui impliquerait l’allié cubain, les mouvements de gauche du continent, voire certains gouvernements contre l’alliance Colombie-États-Unis symbolisée par les plans Colombie et Patriote, le tout dans une perspective de « défense intégrale » civico-militaire [Garrido, 2006; Burgos, 2005a]. Quant à la « guerre intérieure », elle a atteint un nouveau seuil à l’occasion des élections parlementaires du 4 décembre 2005 (167 députés à l’Assemblée nationale et 12 au Parlement andin). Le retrait de leurs candidats par les principaux partis d’opposition, AD, COPEI, Primero Justicia, Bandera Roja – compte tenu d’un mode de scrutin ne garantissant pas le secret et la fiabilité de la consultation – a ouvert une crise de représentation sans précédent. Mais le taux d’abstention supérieur à 75 % (il dépasse habituellement le tiers des électeurs), le plus élevé depuis la chute de la dictature de Pérez Jiménez (1958), témoigne également de la non-mobilisation des électeurs chavistes, si ce n’est de la désaffection des partisans du président Chávez dont les représentants obtiennent la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Pour l’heure, Chávez a indiqué qu’il souhaitait organiser en 2010, soit à mi-mandat (après la réélection de décembre 2006, considérée comme acquise), un référendum afin de prolonger durablement son mandat. Et la révolution poursuit son avancée hors des frontières nationales... et continentales : en août 2006, le Venezuela a été admis à la Ligue arabe au titre d’observateur, prélude à une intégration plus formelle.

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  • LACLAU E., La razón populista, FCE, Mexico/Buenos Aires, 2005.
  • LANGUE F., Hugo Chávez. Une action politique au pays de Bolivar, L’Harmattan, Paris, 2002.
  • –, Histoire du Venezuela de la conquête à nos jours, L’Harmattan, Paris, 1999.
  • –, « Machiavel et la démocratie au Venezuela ou l’héritage pragmatique de Rómulo Betancourt », L’Ordinaire latino-américain, n° 172, université de Toulouse-Le Mirail, avril-juin 1998, p. 124-128, http ://nuevomundo.revues.org/document768.html
  • MARES D.R., Violent Peace. Militarized Interstate Bargaining in Latin America, Columbia University Press, New York, 2001.
  • OCHOA ANTICH F., « Las claves del rearme de Venezuela », La Tercera, 17 décembre 2004. Ordinaire latino-américain (L’), « Hugo Chávez, quel stratège pour quelle révolution ?» (coord. F. Langue), n° 202, octobre-décembre 2005, et « Venezuela : vers le référendum ?» (coord. F. Langue), n° 192, avril-juin 2003.
  • PARANAGUA P. A., « L’Amérique latine en proie à la division », Le Monde, 12 mai 2006.
  • RAMOS A., « Sobrevivir sin gobernar. El caso de la Venezuela de Chávez », Nueva Sociedad, n° 193, septembre-octobre 2004, p. 17-27.
  • ROMERO C., « The United States and Venezuela. From a special relationship to wary neighbors », in MC COY J. et MYERS D. J. (dir.), The Unraveling of Representative Democracy in Venezuela, The Johns Hopkins University Press, Baltimore-Londres, 2004, p. 130-151.
  • URBANEJA D. B., « La política exterior de Venezuela », ARI n° 41,31 mars 2005, http :// www. realinstitutoelcano. org

Notes

  • [*]
    Chargée de recherches au CNRS (CERMA-EHESS).
  • [1]
    Site de la CEPAL : hhttp :// www. eclac. cl/ Chiffres officiels (CNE): http :// www. cne. gov. ve/
  • [2]
    Le Monde, 11 mai 2006. « The return of populism; Latin America », The Economist, 15 avril 2006. Rapport Stratfor, 26 mai 2006. The Wall Street Journal, 26 mai 2006. La Vanguardia, 4 avril 2006.
  • [3]
    Expression de E. Burgos, « “Petropopulismo telegénico o mesiasnismo pretoriano » : el caso de Venezuela », inédit.
  • [4]
    Références de l’ouvrage : La Guerra Periferica y el Islam Revolucionario : Origenes, Reglas y Etica de la Guerra Asimetrica, El Viejo Topo, Barcelone, 2005.
  • [5]
    Informe de Asuntos Internacionales, « Comisión y agenda “nueva etapa” », Visión Venezolana, 15 décembre 2004.
  • [6]
    Également appelée Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA).
  • [7]
    William Izarra, « Intervenciones », Venezuela Analítica, 6 septembre 2003. Déclaration finale du IIIe Sommet des peuples, hhttp :// www. cumbredelospueblos. org/ « Crónicas de otras agresiones presidenciales », Visión Venezolana, 1er octobre 2003. Herminia Fernández, « Cifras de unas relaciones tormentosas », Tal Cual, 7 avril 2005.
  • [8]
    « Venezuela ¿petróleo, arma política ?», BBC Mundo, 27 avril 2006.
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