Ce qui a changé en 30 à 40 ans
1Je ne m’occupe plus beaucoup de ces questions de communication. « La communication » a commencé quand elle s’est prise elle-même comme objet, et au sérieux. Avant, on parlait de propagande. Ce sont les États-Unis qui lui ont donné sa légitimité, en rapport avec leur histoire. C’est une forme d’invagination, quand le métier devient sa propre forme et sa propre légitimité. Ensuite, la communication s’est thématisée et professionnalisée. Elle a cherché sa légitimité. La communication, c’est l’expression ; la médiologie ce que font leurs outils à ceux qui les inventent. Il n’y a pas de communication sans transmission ; les médias, d’une certaine manière, se sont créés contre la communication et ses marchés, pour transporter et donner une dimension symbolique.
2Ensuite les États-Unis en ont fait une pseudoscience. Comme pour les sondages. Mais cela ne s’appliquait pas directement à l’Europe. En réalité l’Europe a subi un effet de colonisation. La communication, au départ, c’est une histoire américaine.
Les changements ?
En négatif
3Un certain professionnalisme, mais qui a tendance à se prendre « pour la vérité ». Cette professionnalisation conduit à une sorte de théorisation. Hier, pourtant, des romanciers poètes et militants faisaient aussi de la communication, sans professionnalisation. Il y a un risque de perte de saveur. Les communicants compensent en réalité partiellement la baisse de culture générale. La spécialisation et la professionnalisation font office de culture.
En positif
4Le développement d’une certaine déontologie. Oui à la professionnalisation à condition, néanmoins, que cela ne se transforme pas en clergé ou en quatrième pouvoir. Attention à l’emprise professionnelle qui distribue les bons et les mauvais points ! Seul un curé peut juger un curé, un journaliste un journaliste… Avantages et inconvénients d’un nouveau clergé séculier…
Quelles pistes de recherche ?
5Les communicants devraient davantage réfléchir au milieu technique. À ce qui se forme et se déforme. Travailler sur les multiples formes de communication.
6En fait, il faudrait creuser le lien entre technique, culture et anthropologie. Il faut arriver à créer un peu plus de distance face à l’invasion des événements. Ce qui m’énerve le plus, c’est le jargon et le style, et cette manière de devenir les arbitres du réel.
7Quant aux fausses nouvelles, oui il faut s’en méfier, mais elles sont consubstantielles à la réalité. Pas de civilisation sans fake news ! Il en faut, comme il y a des fictions et des mythes. D’une certaine façon la réalité est impossible. Il faut laisser les représentations, elles sont indispensables.
8Les revues sont-elles encore possibles ? Les tweets ne les ont-ils pas tuées ?