Notes
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[1]
Rassemblant 9 520 athlètes de 45 nations, pour 424 épreuves dans 39 sports.
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[2]
beIN Sports revendique 3,5 millions d’abonnés français (Le Figaro, 15 sept. 2017).
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[3]
L’unique grande star sportive d’origine qatarie est le sauteur en hauteur Mutaz Essa Barshim, champion du monde indoor 2014 et en plein air 2017, médaillé de bronze aux Jeux olympiques de Londres (2012) et d’argent à Rio (2016).
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[4]
Propriété, depuis 2008, de Mansour Ben Zayed Al-Nahyan, membre de la famille royale d’Abu Dhabi.
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[5]
La coupe du monde 2018 aura coûté dix milliards d’euros : Emmanuel Botta, « Très chère coupe du monde de football en Russie », site internet de L’Express, 3 déc. 2017.
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[6]
La sélection du Qatar ne s’est jamais qualifiée pour une phase finale du Mondial, pas même pour celui de Russie 2018.
1Par ses valeurs propres – universalistes, apolitiques, hédonistes, comportementales, hygiéniques – et par sa capacité à susciter l’adhésion, l’identification et l’émotion, le sport est un fantastique outil de communication.
2Les États l’ont bien compris, qui ont depuis longtemps intégré le sport dans leur communication diplomatique, notamment pour affirmer la supériorité de leur modèle idéologique (Spartakiades des pays communistes à partir de 1928, coupe du monde « mussolinienne » de 1934, Jeux de Berlin en 1936, etc.).
3La diplomatie sportive n’est donc pas une nouveauté : elle est un outil de communication et de reconnaissance internationale, désormais intégré et institutionnalisé, notamment en France. En effet, initiée en 2014 par Laurent Fabius (conjointement avec la ministre des Sports de l’époque, Valérie Fourneyron), la diplomatie sportive est identifiée en la personne d’un ambassadeur du sport (depuis 2016, Philippe Vinogradoff) au sein de l’actuel ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Le site de ce ministère indique clairement qu’elle est au service de l’influence française dans le monde, mais aussi de son économie, de l’emploi et de son attractivité, entre autres en ce qui concerne les grands événements sportifs.
4Le sport est aussi utilisé comme instrument de médiation, permettant de renouer des liens diplomatiques interrompus, comme l’illustre l’exemple historique de la diplomatie du ping-pong ou, très récemment à un moment de forte tension, l’équipe réunifiée de Corée à l’occasion des derniers Jeux olympiques d’hiver.
5Pour autant, la diplomatie sportive peut aussi provoquer de l’incommunication, en particulier lorsque les valeurs sportives mises en avant (notamment l’humanisme, la neutralité, la bien-pensance politiquement correcte) brouillent le sens même du message délivré, voire en suppriment le contenu. Ainsi la Russie va-t-elle devenir aux mois de juin et juillet 2018 une vitrine de la démocratie, du respect des minorités, de l’égalité des sexes tout autant qu’une tribune médiatique des positions du gouvernement de M. Poutine. Mais l’incommunication peut aussi provenir de l’impossibilité pour le récepteur de décoder le ou les sens du message délivré et de comprendre les enjeux relationnels, politiques, économiques qui le sous-tendent ainsi que la stratégie suivie, soit parce que le message est trop complexe, soit parce que le pouvoir lénifiant du sport (« le sport, nouvel opium du peuple ») joue à plein.
6La diplomatie par le sport suivie par les pays du golfe Arabo-persique, et plus spécifiquement par le Qatar, en constitue un parfait exemple. Pour les États du Golfe, l’objectif à moyen terme est de survivre lorsque la manne pétrolière ou gazière se sera tarie, l’objectif à court terme est de continuer à en profiter sans subir les attaques de leurs voisins. Sur le court terme, des alliances sont nécessaires. Les grands contrats militaires, les fonds souverains arabes et leurs prises de participations dans les entreprises occidentales, liant en quelque sorte la bonne santé économique des pays occidentaux et la continuité des flux d’investissement, constituent autant d’auxiliaires diplomatiques de hard power (Nye, 1990) pour les pays du Golfe. À ce titre, les investissements dans les clubs sportifs, par leur effet d’image et de notoriété, participent comme outil de soft power de cette diplomatie d’influence. Sur le moyen terme, il faut trouver des substituts au tout-pétrole et investir dans de nouvelles activités. L’éducation, le tourisme, le développement durable et les énergies nouvelles constituent des objectifs majeurs de cette stratégie. L’axe diplomatique joue sur l’image, la sécurité, la maîtrise technologique. L’organisation de manifestations sportives dans des domaines aussi variés que le golf (Dubaï), la formule 1 (Bahreïn, Abu Dhabi), le cyclisme (Qatar) par les contacts créés pour les obtenir et leurs retombées médiatiques y contribue fortement. La diplomatie du sport sert donc pour ces pays de complément à une activité diplomatique classique s’inscrivant dans une démarche de soft power. Il en va tout autrement pour le Qatar, qui fait du sport un axe fort de sa diplomatie.
Le sport, un outil de reconnaissance internationale pour le Qatar
7Le sport a permis au Qatar d’être reconnu internationalement après son indépendance il y a moins d’un demi-siècle (1971). La monarchie régnante a compris rapidement la nécessité d’exister sur le plan international à la suite de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990, mais aussi du fait de sa localisation géopolitique, entre Arabie saoudite et Iran. Certes, dès après le coup d’État du cheik Hamad ben Khalifa Al-Thani contre son père (27 juin 1995), la création de la chaîne Al-Jazeera (novembre 1996) – dont la relative liberté de ton, suite à l’abolition du contrôle de l’information – a conduit celle-ci, et par ce biais le Qatar, à une audience inégalée dans l’espace arabophone lui offrant une première reconnaissance (Talon, 2011). Par la suite, le Qatar a suivi une stratégie classique de substitution au tout-gaz, via le fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA), créé en 2005 : l’investissement des gazodollars dans nombre d’entreprises de toutes sortes sur les cinq continents (Barthe, 2012) permettant de diversifier l’économie tout en sécurisant l’État via ses partenariats internationaux. Le Qatar s’inscrit également dans une stratégie classique de partenariat, notamment militaire, avec les pays occidentaux, jouant de leur concurrence pour obtenir des gages de sécurité.
8Mais les autorités qataries ont dépassé ces stratégies en décidant de développer une stratégie diplomatique s’appuyant sur une langue désormais universellement partagée, celle du sport, ne nécessitant aucun besoin de traduction. Ce premier objectif de reconnaissance via le sport a été atteint progressivement.
9Il est passé par la participation de certains de ses ressortissants aux instances sportives internationales, comme par exemple Mohamed bin Hammam, président de l’Asian football confederation (AFC) qui intègre le comité exécutif de la Fédération internationale de football association (FIFA) en 1996 au sein duquel il joue depuis un rôle décisif. De même, l’actuel émir du Qatar, cheik Tamim Al-Thani est-il membre du Comité international olympique (CIO) depuis 2002.
10Mais, c’est dès l’arrivée au pouvoir de son père en 1995 qu’une impulsion décisive est donnée, visant à faire du sport un axe prioritaire du développement socioéconomique local, avec un double objectif : inciter les Qataris à pratiquer et, surtout, affirmer la place du pays sur la scène diplomatique internationale par l’organisation de grands événements sportifs (Légisport, 2017), lesquels ont pris de plus en plus d’importance au fil du temps comme instrument de communication du fait de la mondialisation médiatique. Ainsi, après le premier open de tennis masculin de Doha (1993), c’est sa version féminine qui est déclinée (2001), puis c’est la mise sur pied du meeting annuel d’athlétisme de Doha (depuis 1997) qui est l’une des quatorze épreuves de la Diamond League ; suivent l’organisation des Jeux asiatiques toujours à Doha (2006) [1], le Championnat du monde masculin de handball, avant les championnats du monde d’athlétisme, encore à Doha en 2019. De plus en plus ambitieuse, Doha a déjà déposé par deux fois sa candidature à l’organisation des Jeux olympiques d’été, pour les éditions de 2016 (Rio de Janeiro) et 2020 (Tokyo), sans succès pour l’instant.
11Cependant, l’événement qui a fait couler beaucoup d’encre est l’organisation de la Coupe du monde Fifa 2022. S’il est manifeste que celle-ci a été obtenue par une stratégie d’intense lobbying (et de forts soupçons de corruption) par le membre qatari du comité exécutif de la Fifa, avec la connivence de son président d’alors (Blake et Calvert, 2016), elle constituera l’acmé de la diplomatie sportive qatarie puisqu’elle sera la première à se tenir dans un pays arabe, qui plus est minuscule des points de vue géographique et démographique.
Le sport, un outil d’influence pour le Qatar
12Mais la diplomatie du Qatar et son instrumentalisation du sport vont bien au-delà de cette reconnaissance internationale et de l’affirmation de sa place (et donc de son indépendance) dans le concert des nations. Le sport est utilisé pour accroître son influence dans les pays occidentaux, directement auprès des populations de ces pays. L’investissement direct dans les sports professionnels est privilégié, en particulier la prise de contrôle de clubs de football de haut niveau comme celui de Malaga (2010) et surtout du Paris Saint-Germain (PSG) et son rachat par Qatar Sports Investments (QSI), dont le président n’est autre que celui du PSG, Nasser Al-Khelaifi, ancien joueur de tennis et président de cette dernière fédération. Cependant, c’est surtout la création d’un empire médiatique, basé sur la diffusion de sport, qui accroît sans aucune commune mesure la notoriété et l’image positive du Qatar. Ainsi, la chaîne Al-Jazeera Sport a été lancée en 2003 (aujourd’hui beIN Media Group), dont Nasser Al-Khelaifi est aussi le président. Le groupe s’est porté acquéreur pour le territoire français des compétitions de football de la Ligue 1 jusqu’en 2020, de la Ligue des champions (2012-2015), mais surtout des Coupes du monde 2018 et 2022 [2]. Cette stratégie d’influence a un coût important. Ainsi, le PSG a investi plus de 400 millions d’euros pour constituer une équipe compétitive. Les retombées sportives sont très aléatoires, le PSG n’ayant toujours pas franchi les quarts de finale de la Ligue des champions. Mais les retombées en termes de notoriété et d’images positives sont là. L’image du PSG s’améliore et était même supérieure à celle de l’Olympique de Marseille en 2017, et l’investissement du Qatar dans le football est jugé positivement.
13Mais la politique de communication suivie a également des objectifs économiques de court terme et de pérennisation de l’existence post-gaz du pays. Les infrastructures construites tant pour le spectacle sportif que pour la pratique et la recherche (notamment dans le contrôle antidopage, la préparation physique, etc.), les compétences organisationnelles et événementielles, les médias sont autant d’éléments permettant de faire émerger une économie basée sur le sport et le tourisme sportif, capable d’assurer pour ce petit pays un avenir lorsque les stocks de gaz seront épuisés.
14Certes, il existe une volonté d’attirer un grand nombre de jeunes sportifs des pays émergents, de les former (programme Aspire), de naturaliser un certain nombre de vedettes (à l’exemple du handball dans la perspective du Championnat du monde de 2015), mais les résultats demeurent pour l’instant anecdotiques. Ainsi, l’Aspire Zone est un complexe sportif de grand luxe créé en 2003, qui s’étend sur 250 hectares, parmi de nombreux équipements (Khalifa International Stadium, piscine olympique, clinique Aspetar, etc.) ; il comprend l’Aspire Académie, dont la fonction est de former l’élite du sport qatari, la plupart du temps d’origine étrangère comme indiqué supra [3].
15Aussi, la constitution d’une équipe nationale, obtenant des résultats dans les compétitions internationales et permettant au pays d’affirmer sa puissance, objectif de la plupart des politiques sportives nationales, n’est cependant qu’un objectif secondaire pour le Qatar.
16Il n’en va pas de même avec l’implication du Qatar dans les résultats des clubs où il a investi car ces derniers constituent une affirmation de la supériorité régionale, comme le montre la rivalité entre Manchester City [4] et le PSG. Ce dernier club occupe une importance symbolique et communicationnelle considérable dans la stratégie globale qatarie. En effet, comme le souligne Nabil Ennasri, directeur de l’Observatoire du Qatar : « le football est la deuxième religion du Moyen-Orient. Si l’équipe nationale ne brille pas, le PSG le fera à sa place. Et Tamim pourra garder la tête haute » (Barthe et Dupré, 2017).
17Par le biais du soft power que constitue la diplomatie sportive, le Qatar cherche ainsi à accroître sa notoriété, augmenter le courant de sympathie mondial à son égard, se rendre d’une certaine manière indispensable aux instances sportives par le biais de ses financements (via le sponsoring comme avec le Qatar-Prix de l’Arc de Triomphe, ou Qatar Airways partenaire majeur du Tour de France cycliste), mais aussi à consolider ses positions financières et géopolitiques en diversifiant son économie pour la pérennité de celle-ci.
La diplomatie sportive du Qatar, une stratégie de communication basée sur le sport, rattrapée par le respect des valeurs du sport
18La diplomatie sportive doit permettre au Qatar de construire voire de co-construire avec tous ses interlocuteurs une identité de marque, garantissant encore plus sa pérennité et son indépendance. La diplomatie qatarie, en utilisant le sport, n’implique pas directement l’État mais fabrique une image autrement plus prégnante et efficace en termes d’indépendance que la politique militaire exacerbée des autres pays du Golfe. Pour autant, l’exposition médiatique que cela implique le contraint à plus ou moins long terme à une évolution en conformité avec les valeurs du sport.
19En effet, le sport fonctionne selon un principe de transparence par le biais de la réalisation de la performance sous les yeux du public dans le stade sans intermédiaire, dans le cadre du respect de règles à caractère démocratique et surtout équitable : le même règlement pour tous, l’égalité des chances au départ, l’existence des juges-arbitres agréés mais indépendants pour entériner le résultat. Cette caractéristique universaliste du sport (il se pratique sous l’égide des fédérations suivant les mêmes règles sur l’ensemble de la planète) constitue en soi un système communicationnel.
20Toutefois, l’investissement démesuré dans la diplomatie sportive par le Qatar peut créer un effet pervers dans la communication et se retourner contre lui. Comme ce fut le cas avec l’équipe de handball, finaliste contre la France du Championnat du monde 2015 organisé au Qatar : sur dix-sept sélectionnés, douze joueurs étaient naturalisés (des Bosniaques, un Français, un Cubain, un Monténégrin, un Égyptien, etc.). Les sarcasmes de la presse internationale restèrent au travers de la gorge des autorités sportives locales, soulignant que l’équipe nationale qatarie était avant tout composée de « mercenaires » (Barthe, 2017).
21Le message peut donc se voir brouillé, comme dans le cas du rachat par le PSG du contrat du footballeur brésilien Neymar au FC Barcelone pour la somme de 222 millions d’euros en août 2017. Il s’agissait aussi, au-delà de l’ambition sportive de renforcer l’équipe dans la perspective de remporter la Ligue des champions, de mettre sous le feu de l’actualité mondiale de façon positive le Qatar qui s’était vu mis au ban des États du Golfe par ses alliés même, l’accusant de collusion avec l’Iran et de financement du terrorisme. Il n’en reste pas moins vrai que les grands clubs européens (Real Madrid, Juventus de Turin, FC Barcelone, etc.) ont perçu cette transaction comme un affront, et ont été ulcérés par le comportement de nouveau riche du PSG et de son président qatari (Barthe et Dupré, 2017). Ce qui n’empêche pas tous ceux-ci de recourir au sponsoring maillot des compagnies du Golfe : Fly Emirates pour Arsenal, le Real Madrid et le PSG lui-même, Etihad pour Manchester City, Qatar Airways pour l’AS Roma, et jusqu’au FC Barcelone qui troqua son maillot vierge de toute publicité pour la Qatar Foundation et ses trente millions de dollars annuels (2011-2016).
22Toutefois, le risque d’effets pervers de la diplomatie sportive et de l’incommunication réside probablement dans l’organisation de la Coupe du monde qatarie de 2022. L’ensemble des investissements concernant toutes les infrastructures devant permettre l’organisation de l’événement (stades, bien sûr, mais également aéroport, métro, tramway, hôtels, hôpitaux, etc.) qui sortent actuellement de terre est colossal. Le Qatar se targue ainsi de dépenser 500 millions de dollars hebdomadairement pour un budget global astronomique de 200 milliards, le plus élevé de tous les temps, dont quelque dix milliards pour les stades [5] (Barthe, 2017).
23Mais la hantise majeure, quant au contenu du message véhiculé par cette diplomatie sportive, consisterait dans le fait que ce Mondial de football soit à la fois un triomphe logistique et une débâcle sportive, une organisation sans faute mais une équipe sans âme, des installations top niveau pour une équipe de bas étage, qui serait éliminée dès le premier tour [6] : « Le contraste serait d’une violence symbolique dévastatrice. Il renverrait la monarchie de poche à la caricature dont elle veut tant se défaire, celle du “fake”, artificiel, bouffi de gazodollars » (Barthe, 2017).
Diplomatie sportive et réalité sociale au Qatar
24Le message positif de la diplomatie sportive se heurte aussi aux réalités sociales d’un pays composé de trois cent mille Qataris et plus de deux millions de travailleurs étrangers, parmi lesquels de très nombreux ouvriers originaires du Pakistan, d’Inde, du Népal, du Bangladesh, et travaillant sur les multiples chantiers. Ceux-ci sont soumis à deux fléaux majeurs : les conditions de travail et les droits syndicaux d’une part, et la kafala d’autre part (système de parrainage qui enchaîne le travailleur à son employeur).
25Si une Charte des droits des travailleurs a été rédigée par le Comité suprême pour les projets et l’héritage au Qatar, celle-ci « n’est ni une loi ni un décret. C’est un simple arrangement commercial entre le Qatar et ses clients » déplore James Lynch d’Amnesty International (Barthe, 2014a). De plus, elle ne concerne que les ouvriers affectés à la construction des stades. D’autre part, le Qatar n’a pas publié de statistiques concernant les décès d’ouvriers sur les chantiers depuis 2012. Durant cette année-là, cinq cent vingt morts avaient été recensés par les autorités qataries dans les communautés d’Inde, du Népal et du Bangladesh, lesquelles forment les trois quarts de la main-d’œuvre immigrée (Barthe, 2017b). Concernant ces décès, la plupart des certificats mentionnent « crise cardiaque » ou « défaillance respiratoire ». Cela permet de ne pas attribuer ces décès aux conditions de travail particulièrement dures. Ainsi, pour 2016, le Qatar n’a déclaré « que » 35 morts parmi la main-d’œuvre étrangère suite à une blessure sur un site de construction.
26Quant à la kafala, tous les travailleurs, quels qu’ils soient, en subissent les conditions : ainsi, les joueur et entraîneur français Zahir Belounis (2015) et Stéphane Morello (2015) ont été retenus l’un dix-huit mois et l’autre cinq ans suite à des désaccords ou simplement des problèmes administratifs avec les autorités locales. Si quelques avancées ont été faites de ce point de vue, il n’en reste pas moins vrai qu’« on a le sentiment que le Qatar veut abolir le terme kafala, mais qu’il n’est pas prêt à abolir la réalité qu’il recouvre », estimait Nicholas McGeehan de Human Rights Watch (Barthe, 2014b).
27Dans un entretien, Pascal Boniface soulignait que « le sport rend la puissance sympathique et populaire. L’étalage de la puissance militaire fait peur, elle peut provoquer le rejet. Pas la victoire d’un sportif » (Delteuil, 2016). Mais le Qatar joue par sportifs interposés puisqu’il n’a guère, malgré tous ses efforts, les dimensions démographiques pour produire des champions à foison. Le message est alors brouillé par les sommes investies dans des projets grandioses qui ont du mal à rendre sympathique aux yeux des publics l’expression de la puissance de nouveau riche que met en avant le petit émirat et ce d’autant plus que l’exposition médiatique liée aux grands événements sportifs accentue la diffusion d’informations concernant les fortes inégalités de répartition de cette richesse.
Références bibliographiques
- Barthe, B., « Qatar. Les ambitions démesurées d’une micromonarchie », Le Monde, cahier Géo & Politique, 26-27 fév. 2012, p. 4-5.
- Barthe, B., « Au Qatar, une “charte des droits des travailleurs” pleine de bonnes intentions », Le Monde, 14 fév. 2014a, p. 3.
- Barthe, B., « Le Qatar promet de réformer le système de parrainage des travailleurs étrangers », Le Monde, 16 mai 2014b, p. 3.
- Barthe, B., « Le foot, coûteuse obsession du Qatar », Le Monde, 12 août 2017, p. 18-19.
- Barthe, B. et Dupré, R., « Qatar football club », Le Monde, 14 sept. 2017, p. 14-15.
- Belounis, Z., Dans les griffes du Qatar, Paris, Robert Laffont, 2015.
- Blake, H. et Calvert, J., L’Homme qui acheta une coupe du monde, Paris, Hugo et Cie, 2016.
- Delteuil, A., « Pascal Boniface. Le géosportif », Conflits. Revue de Géopolitique, n° 10, 2016, p. 12-15.
- Légisport (Bulletin d’informations juridiques et sportives), n° 124, mars-avril 2017.
- Morello, S., Séquestré au Qatar, Paris, Max Milo, 2015.
- Talon, C.-G., Al Jazeera. Liberté d’expression et pétromonarchie, Paris, Presses universitaires de France, 2011.
Mots-clés éditeurs : kafala, Qatar, diplomatie d’influence, diplomatie sportive, valeurs du sport
Date de mise en ligne : 10/08/2018
https://doi.org/10.3917/herm.081.0169Notes
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[1]
Rassemblant 9 520 athlètes de 45 nations, pour 424 épreuves dans 39 sports.
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[2]
beIN Sports revendique 3,5 millions d’abonnés français (Le Figaro, 15 sept. 2017).
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[3]
L’unique grande star sportive d’origine qatarie est le sauteur en hauteur Mutaz Essa Barshim, champion du monde indoor 2014 et en plein air 2017, médaillé de bronze aux Jeux olympiques de Londres (2012) et d’argent à Rio (2016).
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[4]
Propriété, depuis 2008, de Mansour Ben Zayed Al-Nahyan, membre de la famille royale d’Abu Dhabi.
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La coupe du monde 2018 aura coûté dix milliards d’euros : Emmanuel Botta, « Très chère coupe du monde de football en Russie », site internet de L’Express, 3 déc. 2017.
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[6]
La sélection du Qatar ne s’est jamais qualifiée pour une phase finale du Mondial, pas même pour celui de Russie 2018.