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Article de revue

La diplomatie parlementaire, actrice émergente de communications diplomatiques démocratisées

Pages 73 à 81

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Quelles qualités embelliront le portrait du parfait diplomate ? À ce mot seul, l’on se représente un homme fin qui dit rarement la vérité, ou ne la dit qu’à demi ; qui sait tourner sa phrase de manière à détruire à la fin ce que le commencement paraissait annoncer ; qui feint de savoir quand il ignore et d’ignorer quand il sait ; qui, sans jamais se livrer, est toujours aux aguets pour surprendre les autres ; qui, en affaire, considère l’utile et le profitable, sans égard pour le vrai et le juste ; un homme enfin qui, en cas de besoin, n’a pas de scrupule à faire tomber dans le piège le crédule et l’innocent, pourvu que les apparences soient sauvées tant bien que mal, ou qu’un avantage important couvre l’odieux de sa conduite. Dire de quelqu’un, c’est un bon diplomate, ne passe aux yeux de personne pour un éloge, et nul, sur cette réputation, ne sera tenté d’en faire son ami.
A. J. Czartoryski, Essai sur la diplomatie : manuscrit d’un philhellène publié par M. Toulouzan, Paris, F. Didot, 1830, p. 4-5.

2Le concept de diplomatie parlementaire ne va pas de soi, car la diplomatie est couramment définie comme « la science et la pratique des relations entre États ». Elle est connue pour être traditionnellement attachée au pouvoir régalien de l’État qui l’exerce par la voie du pouvoir exécutif et de ses agents. Rien ne laisse donc à penser que les parlements puissent y conquérir une place et, qui plus est, une place dont l’importance s’amplifie progressivement depuis les années 1990. Le mot « diplomatie » est probablement entendu pour la première fois en 1791 et, signe de l’Histoire, c’est un député (Linguet) qui le prononce à la tribune du Parlement français. Sept ans plus tard, le dictionnaire de l’Académie française intègre le mot avec la définition suivante : « la science des rapports des intérêts de puissance » (1798).

3Diplomatie, Parlement, France : le triangle fondamental de la diplomatie parlementaire est posé. Deux cents ans plus tard, la « diplomatie parlementaire » est mise en lumière pour la première fois en 2001 à Paris, lors d’un colloque unique, coorganisé par l’Assemblée nationale et le Sénat français. Il faudra attendre 2011 pour que la revue Foreign Policy fasse émerger le concept en langue anglaise, et même 2017 pour la publication du premier ouvrage anglophone sur le sujet lui reconnaissant un caractère mondial. Pouvant être également une « diplomatie de l’opposition », la diplomatie parlementaire ouvre des horizons inexplorés de la diplomatie régalienne classique même si les exigences de cohésion et d’unité d’expression de l’État vis-à-vis de l’étranger, confortées par la convention de Vienne de 1961, confèrent un monopole d’expression au ministre des Affaires étrangères.

4La consécration est probablement intervenue en deux étapes majeures : le colloque précité de 2001 où le ministre des Affaires étrangères, M. Dominique de Villepin, reconnaît le concept de diplomatie parlementaire ; le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de 2008, qui plaide « pour un rôle accru du Parlement dans l’action extérieure de la France » et souligne que la diplomatie parlementaire « doit être reconnue comme un élément intégrant de la politique extérieure ».

5La diplomatie parlementaire n’est d’ailleurs pas la seule émergente. La diplomatie se trouve de plus en plus qualifiée par une pléiade d’adjectifs : climatique, culinaire, culturelle, écologique, économique, humanitaire, médicale, militaire, parallèle, préventive, scientifique, sportive, etc. La diplomatie est aussi liée à ses auteurs (wilsonienne) ou à ses zones géographiques (caucasienne, européenne, francophone). Les diplomaties sont donc devenues plurielles.

6L’internationalisation croissante de l’activité parlementaire se réalise avec des acteurs mobilisés, au premier rang desquels les présidents d’assemblée, mais aussi par l’exercice des fonctions classiques de législateur et de contrôleur. Le Parlement est en effet engagé par son « action législative diplomatique » dans l’intégration des conventions internationales dans le droit positif et chacun se rappelle la manière dont le Sénat des États-Unis a écarté en 1919 le traité de Versailles, en 1979 le traité SALT II, ou en 1999 le traité d’interdiction des essais nucléaires. En l’espèce, des présidents américains signataires de traités internationaux ont été contredits par le Sénat avec des conséquences diplomatiques essentielles. Le Parlement est aussi engagé dans le « contrôle diplomatique » par l’autorisation budgétaire, le contrôle a posteriori, les déclarations gouvernementales et les divers types de questions diplomatiques. Ces actions ouvrent la voie au concours effectif du Parlement à la démocratisation de la scène internationale qui impose la diplomatie parlementaire dans la nouvelle mondialisation. Le Parlement est aussi un acteur essentiel de ce que l’on qualifie d’« ingénierie démocratique », selon l’heureuse formule de Michel Ameller, c’est-à-dire les actions de soutien à l’état de droit par le renforcement des capacités des parlements dans le cadre de programmes bilatéraux ou multilatéraux. Les parlements participent aussi aux organisations interparlementaires stricto sensu comme aux assemblées parlementaires d’organisations internationales existantes où les organisations internationales acquièrent une légitimité démocratique en les associant à leur fonctionnement.

La diplomatie des assemblées parlementaires d’organisations internationales existantes

7Le concours effectif du parlement français à la démocratisation de la scène internationale se caractérise notamment par sa participation aux assemblées parlementaires d’organisations internationales existantes comme le Conseil de l’Europe, l’Union de l’Europe occidentale (UEO), l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et l’Assemblée parlementaire de la coopération économique de la mer Noire (Apcemn).

Le cadre européen

La remarquable Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE)

8À Londres, le 5 mai 1949, dix États créent le Conseil de l’Europe, plus ancienne des organisations européennes, avec son siège à Strasbourg. Son article 22 précise que l’Assemblée – à statut consultatif et non législatif – est son organe délibérant, dont les principaux objectifs sont la sauvegarde et le développement des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la démocratie pluraliste. Tout État européen peut ainsi devenir membre, à la double condition d’accepter le principe de la prééminence de ces droits et de garantir leur jouissance à toute personne placée sous son autorité. Du fait de sa polyvalence, le Conseil de l’Europe et son assemblée sont amenés à traiter des grands sujets de société dans l’espace européen à l’exception des questions de défense. Gardienne de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme dont elle est à l’origine, l’APCE pousse les États à atteindre et maintenir des normes démocratiques de haut niveau qui composent le patrimoine commun de la conscience démocratique des 800 millions d’Européens, dans un forum de discussion inégalé. Son bilan parle pour elle : doter l’Europe de symboles communs forts comme le drapeau ou l’hymne, faire de l’élimination de la peine de mort une condition d’adhésion, être à l’origine de près de 40 % des conventions du Conseil de l’Europe qui impliquent pour leur transposition dans les droits nationaux des ajustements législatifs internes. En outre, l’APCE n’hésite pas à ouvrir des débats sur des questions émergentes ou des sujets de société sensibles comme l’euthanasie, les Roms, les droits des personnes lesbiennes-gay-bi-trans (LGBT), etc. Depuis 1961, l’Assemblée s’est ouverte à des observateurs permanents hors Europe sans droit de parole et sans droit de vote. En revanche, ni le Congrès américain ni la Diète japonaise n’ont effectué la même démarche. Depuis 1989, elle s’est ouverte à des invités spéciaux à l’Est, afin de les associer, sans voix délibérative, à ses travaux dans une démarche visionnaire tendant à rassembler sous un même toit toutes les nations européennes. Depuis 2010, l’Assemblée a octroyé le statut de « partenaire pour la démocratie » à des régions voisines (Jordanie, Maroc, Palestine). Composée de 318 délégués titulaires issus de 47 pays membres (dont 12 députés et 6 sénateurs français, soit 18 parlementaires, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie ou la Russie), l’APCE a notamment adopté, depuis janvier 2018, des résolutions sur le rôle du Conseil de l’Europe dans le processus de paix israélo-palestinien, la situation en Libye ou la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat. En outre, elle assure une observation systématique des élections dans les États qui font l’objet de suivi, généralement dans le cadre de missions internationales de l’OSCE, en lien naturellement avec l’AP-OSCE et le Parlement européen avec parfois des analyses très critiques. Ainsi, lors de l’élection présidentielle d’avril 2018 en Azerbaïdjan, l’APCE a considéré que « dans un environnement politique où les principes démocratiques sont compromis et où l’État de droit n’est pas respecté, des élections libres et équitables ne sont pas possibles ». Les conséquences sont alors loin d’être neutres sur les relations diplomatiques entre le Conseil de l’Europe et le président azerbaïdjanais.

La défunte Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale (UEO)

9Traditionnellement présentée comme la seule organisation européenne compétente en matière de sécurité et de défense, l’UEO a été créée en 1948. Son Assemblée est née en 1954 et a suivi son destin en disparaissant en 2011. Les organisations interparlementaires sont aussi mortelles.

La benjamine Assemblée parlementaire de l’OSCE

10L’OSCE prolonge le processus du rapprochement entre l’Est et l’Ouest engagé dans les années 1970 par la conférence pour la sécurité et la coopération en Europe, marquée par l’acte final d’Helsinki signé en 1975 et la charte pour une nouvelle Europe signée à Paris en 1990. Cette organisation de 57 membres dépasse le cadre européen puisqu’elle intègre également les États-Unis et le Canada ainsi que des pays d’Asie centrale. La conférence tenue à Madrid en 1991 a décidé de doter l’organisation d’une Assemblée parlementaire (AP-OSCE). Composée de 323 parlementaires désignés par leur parlement national, cette assemblée – dont le secrétariat général est basé à Copenhague – se réunit une fois par an au siège de l’OSCE à Vienne et prend ses décisions tendant à développer et à promouvoir des mécanismes pour la prévention et le règlement des conflits selon le principe du consensus moins un. Ainsi, en mars 2018, elle est revenue sur la situation en Ukraine « où les accords de Minsk ne sont pas appliqués tant en ce qui concerne le respect du cessez-le-feu qu’en ce qui concerne le désarmement » et a créé des groupes de travail ad hoc, notamment sur la Moldavie et la Biélorussie en raison de la situation politique. L’AP-OSCE participe aussi activement à des missions d’observation électorale. Ainsi, à titre d’exemple, lors de l’élection présidentielle russe de mars 2018, elle a souligné que « le contexte dans lequel s’inscrivait cette élection est plus critiquable ».

Le cadre atlantique

11L’Assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (AP-Otan) est une organisation interparlementaire consultative qui offre un cadre propice aux échanges entre les parlementaires des pays nord-américains et ouest-européens membres de l’OTAN en leur permettant de débattre régulièrement et de se faire le relais de l’opinion des peuples qu’ils représentent sur les politiques de l’Alliance. Créée en 1955, en marge du traité initial, l’AP-Otan s’est peu à peu imposée comme un forum incontournable en matière de sécurité, et ses avis ne peuvent de facto être ignorés par l’Alliance atlantique, même si les deux institutions sont devenues indépendantes l’une de l’autre. Depuis l’adhésion des pays de l’ex-bloc soviétique, l’AP-Otan compte 257 membres titulaires choisis parmi les membres élus des parlements nationaux de 28 pays suivant une règle proportionnelle reflétant la pluralité politique et accordant une prépondérance relative au Congrès américain avec 36 membres. Un statut de « délégation associée » a été accordé à neuf pays d’Europe orientale, ainsi qu’à l’Autriche, à la Finlande, à la Suède et à la Suisse, représentés par 56 délégués, sans droit de vote. Ce statut a été retiré à la Russie en 2014, par décision de la commission permanente de l’AP-Otan en raison de l’évolution politico-diplomatique. L’Assemblée émet des recommandations avant les sommets des chefs d’État et de gouvernement de l’OTAN, résolument tournées vers la défense de l’atlantisme. Ainsi en 2016, la recommandation n° 428 a mis en lumière ses divergences profondes avec la Russie : « Ces deux dernières années, l’environnement stratégique a connu de profondes modifications. Par son agression envers l’Ukraine, son annexion illégale de la Crimée, ainsi que la poursuite de son occupation illégale des régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud (Tskhinvali), la Russie a mis un coup d’arrêt brutal à 25 années d’efforts des Alliés pour établir un véritable partenariat stratégique ».

12Par ses rapports et multiples réunions, l’AP-Otan examine tous les sujets en débat au sein de l’organisation comme le lien transatlantique, la défense européenne, l’intervention en Afghanistan, la prolifération nucléaire, la lutte contre la piraterie, les enjeux de l’Arctique. La délégation française y est composée de onze députés et de sept sénateurs, soit 18 parlementaires, comme l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni. Les deux langues officielles de travail sont l’anglais et le français. Lors du soixantième anniversaire de l’AP-Otan tenu à Paris en 2015, le président du Sénat, M. Gérard Larcher, a souligné le rôle essentiel de cette Assemblée quant à la recherche d’une « architecture de sécurité » pour le continent européen et a précisé la position de la France sur la crise ukrainienne : « La France estime que l’Ukraine n’a pas vocation en l’état à devenir membre de notre organisation et, sur ce sujet, un consensus absolu existe entre toutes les institutions de notre pays, dans la diversité des sensibilités, et je le partage. Mon pays estime que la crise ukrainienne doit être jugulée par l’application résolue, par l’ensemble des parties, des accords de Minsk conclus sous la responsabilité des chefs d’État de l’Ukraine, de la Russie, de l’Allemagne et de la France ». Il s’est également exprimé sur la nécessité de renouer un dialogue constructif avec la Russie qui « …ne peut être rompu. Lorsque les conditions seront réunies, il faudra alors renouer le partenariat entre la Russie et l’OTAN qui existe depuis 1997 et a été suspendu ». Il a enfin plaidé pour la création rapide d’une Europe de la défense.

13Outre les Assemblées parlementaires dans le cadre européen ou atlantique, le Parlement français participe également à l’Assemblée parlementaire de la coopération économique de la Mer noire (Apcemn) fondée en 1993 à l’initiative de la Turquie et à l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée créée en 2006 à Amman.

La diplomatie des organisations interparlementaires sui generis

14Les organisations interparlementaires sui generis sont, au niveau mondial, l’Union interparlementaire et, au niveau francophone, l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF).

Le Parlement des parlements du monde : l’Union interparlementaire (UIP)

15L’Union interparlementaire constitue l’organisation mondiale des parlements des États souverains. Elle est doyenne des institutions internationales à caractère politique puisqu’elle a été créée en 1889 grâce à l’action de deux députés : un Français, Frédéric Passy, et un Anglais William Randal Cremer, tous deux prix Nobel de la paix. À la première conférence de l’UIP, neuf pays étaient représentés, ils sont aujourd’hui 177, se rapprochant ainsi considérablement de l’objectif stratégique affiché de l’UIP de devenir le Parlement des Nations unies, même si l’absence des États-Unis d’Amérique depuis 2003 demeure un frein à cette reconnaissance. Selon les slogans placés sous son logo, l’UIP agit « Pour la démocratie. Pour tous » et « De meilleurs Parlements pour des démocraties plus fortes ». Elle est constituée de groupes nationaux représentant leurs parlements respectifs. Le groupe français, coprésidé par les présidents des deux chambres, se compose de 50 députés et de 50 sénateurs répartis au prorata des groupes politiques. Son budget, aussi paritaire, lui permet de s’acquitter de son importante contribution annuelle d’environ 700 000 euros. Lors de chaque conférence, le groupe français dépose un mémoire et un projet de résolution sur les deux points principaux de l’ordre du jour et sur le point supplémentaire d’urgence choisi par la conférence qui est de facto un sujet important d’actualité en capacité de retenir l’attention médiatique. La France a ainsi pu faire inscrire à l’ordre du jour de la 134e assemblée de l’UIP, tenue à Lusaka en 2016, un point d’urgence sur : « Donner une identité aux 230 millions d’enfants non déclarés dans le monde ». C’est un exploit diplomatique âprement négocié car les pays du Nord sont minoritaires dans une UIP qui, ces dernières années, a pris des accents « conférence de Bandung » et s’est transformée en tribune « tiers-mondiste ». Lors de la 137e session de l’UIP qui s’est tenue fin 2017 à Saint-Pétersbourg, le point d’urgence portait sur les Rohingyas. 1 876 participants, dont 829 parlementaires venant de 155 pays, parmi lesquels 82 présidents de parlement, étaient présents et ont adopté une résolution diplomatiquement dure, condamnant le « nettoyage ethnique de la minorité rohingya au Myanmar ». Tout au long de son existence, la diplomatie parlementaire de l’UIP s’est révélée être un outil des plus utiles. Au temps de la guerre froide, au moment où les gouvernements s’engagèrent dans le processus d’Helsinki, que l’on pourrait qualifier de mécanisme de dialogue sur la coopération et la sécurité en Europe, les parlementaires entamèrent un processus parallèle au sein de l’UIP. Celui-ci servit de banc d’essai et permit de tirer parti de toutes les ressources du dialogue Est/Ouest. En de nombreuses occasions, quand les négociateurs des gouvernements ne parvenaient plus à progresser, la diplomatie parlementaire permit de sortir de l’impasse. Au début des années 1990, des efforts similaires furent déployés dans la région de la Méditerranée et en Birmanie. Comme le soulignait à juste titre le Chilien Ricardo Lagos, président de l’UIP, lors de la 108e session plénière en 2003, « il est important de rappeler que la diplomatie parlementaire est une diplomatie directe. Les parlementaires sont les représentants des peuples. La diplomatie parlementaire est la diplomatie des peuples. Elle possède par conséquent la légitimité de chacun d’entre eux ».

Le Parlement des parlements francophones : l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF)

16Avec l’impulsion déterminante de Senghor, le député français Xavier Deniau prend l’initiative de réunir 23 parlements nationaux ou régionaux d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et d’Asie ayant le français en partage, en 1967 à Luxembourg, et de créer l’Association internationale des parlementaires de langue française (AIPLF) qui se transforme en Assemblée en 1989. Une loi française en reconnaît la vocation internationale (n° 89-436). Dès sa création, l’AIPLF préconise la création d’une institution intergouvernementale francophone et appelle de ses vœux la tenue de sommets réunissant les exécutifs des pays francophones. Le 20 mars 1970 à Niamey, est ainsi créée l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), prédécesseur de l’actuelle Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Reconnue Assemblée consultative de la Francophonie au sommet de Maurice en 1993, l’AIPLF prend le nom d’APF lors de sa session d’Abidjan en 1998. En 2000, afin de renforcer le rôle politique de l’OIF, une déclaration est adoptée à Bamako. Elle porte des principes fondamentaux en matière de paix, de démocratie, de droits de l’homme et prévoit, en outre, un mécanisme de sanctions graduées allant jusqu’à la suspension que l’APF applique en devenant une véritable vigie de la démocratie.

17Composée de 83 parlements, l’APF a notamment adopté lors de sa 43e session annuelle (Luxembourg, 2017) des résolutions sur « le terrorisme au Sahel », « la coopération parlementaire », « la prévention de l’extrémisme violent et de la radicalisation », « les femmes migrantes » et sur des situations politiques liées à l’actualité dans tel ou tel État de l’espace francophone : Centrafrique, Liban, République démocratique du Congo et Syrie. Elle a aussi adopté une résolution confirmant la mise sous observation du Burundi et la suspension de la coopération institutionnelle avec le Parlement de cet État. L’APF mène de nombreuses actions diplomatiques dont la discrétion est souvent la clé du succès. Son intervention en 2001 a ainsi été déterminante pour obtenir la libération du député d’opposition guinéen Alpha Condé, aujourd’hui président de la République.

18Au sein de l’APF, la Commission des affaires parlementaires est compétente pour les questions de droit parlementaire, les droits et libertés, les questions juridiques et le développement de la démocratie dans l’espace francophone. Elle assure aussi le leadership sur les programmes de coopération parlementaire au renforcement des capacités des parlements du Sud et les missions francophones d’observation électorale. La Commission politique examine les situations de crise politique dans l’espace francophone et peut proposer, en cas de besoin, la suspension de tel ou tel parlement. La Commission de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles a fait de la diversité culturelle et du dialogue des cultures ses priorités. La Commission de la coopération et du développement s’intéresse aux négociations internationales sur le climat comme au suivi des négociations commerciales dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), où l’APF a acquis un statut d’observateur aux conférences parlementaires. L’APF incite aussi ses parlements membres à faire évoluer leur législation nationale, notamment par la voie de la ratification parlementaire de traités internationaux. Ainsi, dans le domaine des mines antipersonnel, cette sensibilisation a accéléré l’entrée en vigueur de la convention d’Ottawa (convention Diana) de 1997 et celle subséquente de 2000. Aujourd’hui, elle s’engage pour l’abolition universelle de la peine de mort et l’enregistrement universel des naissances. L’APF organise aussi de multiples programmes de coopération au bénéfice des institutions parlementaires, des parlementaires et des fonctionnaires parlementaires pour renforcer l’équilibre des pouvoirs, la démocratie et l’État de droit au sein de l’espace francophone.

19Avec la pluralité de ces organisations interparlementaires et de leurs actions, la diplomatie parlementaire, rigide par ses institutions établies et souple par ses modes d’action pluriels, est complémentaire de la diplomatie régalienne portée classiquement par les pouvoirs exécutifs et les diplomates qu’ils mandatent. De par la légitimité des parlements et des peuples qu’ils représentent, la diplomatie parlementaire œuvre à la réduction du déficit démocratique des relations internationales et s’impose comme un principe de réalité dans la nouvelle mondialisation. Cette réduction de la fracture démocratique est porteuse d’espérance.

Références bibliographiques

  • 112e assemblée générale de l’UIP, Manille (Philippines), 2005.
  • Dictionnaire de l’Académie française, tome 1, Paris, J.-J. Smits, 1798 [5e éd.], p. 426.
  • La diplomatie parlementaire, colloque fondateur, Paris, Assemblée nationale et Sénat, 2001.
  • Noulas, G., « The Role of Parliamentary Diplomacy », Foreign Policy Journal, 22 oct. 2011. En ligne sur : <www.foreignpolicyjournal.com/2011/10/22/the-role-of-parliamentary-diplomacy-in-foreignpolicy/>, page consultée le 13/06/2018.
  • Pancracio, J.-P., Dictionnaire de la diplomatie, Paris, Dalloz, 2006.
  • Péjo, P., La Diplomatie parlementaire, Paris, LGDJ Lextenso, à paraître (2018).
  • Stavridis, S. et Jancic, D., Parliamentary Diplomacy in European and Global Governance, Leiden, Brill-Nijhoff, 2017.

Mots-clés éditeurs : affaires étrangères, droit constitutionnel, droit international public, communication diplomatique, parlement, diplomatie, relations internationales

Date de mise en ligne : 10/08/2018

https://doi.org/10.3917/herm.081.0073

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