Notes
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[1]
Cf. <www.larousse.fr/dictionnaires/francais/frontière/35408?q=frontière#35379>, page consultée le 18/03/2018.
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[2]
Cf. A. Beaujean, Le Petit Littré, Paris, Le livre de poche, 1990, p. 748.
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[3]
Cf. <dictionnaire.reverso.net/francais-definition/frontière>, page consultée le 18/03/2018.
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[4]
Cf. <www.larousse.fr/dictionnaires/francais/diff%C3%A9rence/25435?q=diff%C3%A9rence+#25316>, page consultée le 18/03/2018.
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[5]
Cf. A. Beaujean, Le Petit Littré, Paris, Le livre de poche, 1990, p. 500.
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[6]
Employé ici dans le sens de la recherche de l’essentiel.
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[7]
Relatif à « littérature existentialiste ».
1Qui dit frontière dit limites, « limites qui séparent deux zones » (Larousse [1]), « limites qui séparent un État d’un autre État » (Littré [2]), « limite entre deux choses différentes » (Reverso [3]). Nous constatons que, dans ces définitions des dictionnaires, l’approche est négative ; elle met en exergue la séparation et la différence. Une « séparation sur la base de différences », voilà quel serait l’objet initial des frontières ; mais si le verbe « séparer » reflète un acte clair et précis, la notion de « différence » reste à définir, voire même à prouver dans beaucoup de cas, et c’est là que se situe la grande controverse autour des frontières. Car différence signifie « dissemblance » ou « absence d’identité » (Larousse [4]), ou même « état de ce qui est autre » (Littré [5]), autre que moi, autre que nous – cet autre que nous jugeons et que nous rejetons souvent sur base de ce qu’il est et de ce qu’il n’est pas, de ses dissimilitudes par rapport à nos « normes » ou de ce que nous considérons comme « socialement correct », à savoir son identité, sa couleur, sa langue, ses origines, ses croyances ou même ses finances. Une série de présupposés et de préjugés dont il faut absolument se garder, car ils classent les Hommes et les catégorisent, voire même très souvent les déshumanisent. Ceci aboutit nécessairement à un rejet et à un désaveu de l’autre, un déni de communication, une imperméabilisation des frontières, un freinage brutal de la libre circulation, donc un reniement des principes premiers de la globalisation ; d’où le constat de Dominique Wolton (2012, p. 207) selon lequel il faut se méfier des « idéologies de la circulation et de l’expression. D’une part, parce qu’elles ne sont nullement incompatibles avec les inégalités : aujourd’hui, par exemple, tous les hommes circulent sauf les migrants pauvres ». Pauvres oui, mais en plus « différents », donc inquiétants dans un monde qui se radicalise et tend dangereusement vers l’isolationnisme. Peut-on dans ce cas blâmer Régis Debray (2010, p. 6) qui scande : « Une idée bête enchante l’Occident : l’humanité, qui va mal, ira mieux sans frontières. D’ailleurs, ajoute notre Dictionnaire des idées reçues (dernière édition), la démocratie y mène tout droit, à ce monde sans dehors ni dedans », précisant que « Des frontières au sol, il ne s’en est jamais tant créé qu’au cours des cinquante dernières années » (Ibid., p. 8), qui sont celles de la mondialisation.
2Au-delà de la géopolitique et de l’identité il y a des frontières partout et en tous genres, et cela a été clairement explicité dans les deux numéros d’Hermès (Hermès, no 8-9, 1991 ; Hermès, no 63, 2012) qui ont abordé cette problématique sous tous ses aspects : limites de la mémoire, de l’oubli, de l’exil, des langues, des genres, des âges, de l’imaginaire, des arts, du nationalisme, de l’histoire, du socio-numérique ; des frontières matérielles et virtuelles, physiques et psychiques, flexibles et rigides, séparatrices et édifiantes, menaçantes et sécurisantes, destructives et constructives, nocturnes (Gwiazdzinski, 2012) et diurnes, etc. Ce monde des frontières n’est pas immuable : plus la société se développe, plus de nouvelles différences se créent générant des frontières « d’inégalités, de rationalisation et d’enfermements de toutes sortes » (Wolton, 2012, p. 7), tel un réseau qui se tisse en opposition à celui de la communication globale qui se veut unificatrice. Toutes ces frontières sont autant de limitations, voire des infractions aux droits et aux libertés inscrites dans la charte des droits de l’homme ; celles de groupes, mais aussi d’individus incriminés sur la base de fausses interprétations de leurs identités. Des identités complexes et multiples, au prisme du déni de l’autre et d’une phobie de la différence dénoncés à tort comme étant des sortes de racisme, alors qu’il s’agit davantage d’incommunication, de méconnaissance des valeurs d’autrui et d’une peur légitime engendrée par des actions violentes de fractions extrémistes ou des volontés politiques de diviser pour « mieux régner » – sachant que cette phobie aboutit avec le temps à des manifestations et des mouvements populaires qui se rapprochent dangereusement du racisme ou de nouvelles formes de « nationalisme ».
Frontières et nationalismes émergents
3Le rapport entre les frontières et les identités nationales est assez ambigu, car il est difficile de cerner la vraie « genèse » des deux : est-ce les frontières qui génèrent les nations et les identités ou le contraire ? Ce qui nous pousse à nous demander si la notion de nation ne serait pas un leurre, et les identités nationales une utopie ? Et pourtant, que de sacrifices et de crimes ont été commis et se perpétuent jusqu’à nos jours en leur nom !
4En fait, frontières et identités peuvent être le fruit d’imaginaires collectifs façonnés à bon escient par des « pères fondateurs » pour servir des objectifs politiques, économiques, socioculturels ou socioreligieux. Selon Anne-Marie Thiesse (2001, p. 14) : « la nation naît d’un postulat et d’une invention. Mais elle ne vit que par l’adhésion collective à cette fiction. » Philippe Schlesinger (1991) parle même de « manipulations conscientes des attributs de l’identité », de « communautés imaginaires » et de « traditions inventées ». Ce n’est donc pas uniquement une question d’espace mais aussi de temps : c’est en fonction du vécu que les frontières physiques deviennent une délimitation d’un territoire, une appropriation d’un lieu, une « marque sociale d’un sol » indispensable pour créer une identité nationale spécifique. D’ailleurs, Marc Augé (1992, p. 58-59) le souligne « la marque sociale du sol est d’autant plus nécessaire, qu’elle n’est pas toujours originelle […] Mais elle peut aussi engendrer fantasmes et illusions », des fantasmes qui se transforment souvent en complexe de supériorité, en accélérateurs de claustration, et des illusions qui favorisent l’exclusion et la folie des conquêtes. Autant d’ingrédients explosifs, car l’histoire nous a appris qu’ils peuvent muter brusquement en générateurs de nationalisme hypertrophié et de violence.
5Mais les guerres qui ont ravagé le globe, n’ont pas pour autant altéré la tendance de l’homme à la domination culturelle et économique, et n’ont pas assouvi sa soif d’élargir ses frontières. De même que la grande ruée vers la mondialisation n’a pas réellement réduit les frontières, elle a même créé une angoisse existentialiste chez de nombreux peuples, ce qui a abouti à la reviviscence de néonationalismes d’un côté, et à l’émergence de « nouveaux nationalismes » d’un autre. Ces deux fléaux antinomiques à la mondialisation ont abouti à une résurgence des frontières abolies, ou à une demande accrue de groupes de plus en plus nombreux réclamant un retour aux contrôles frontaliers. Et pour preuve, quarante mille kilomètres de séparation ont été ou vont être édifiés, dont plus de 75 % sont apparus les deux dernières décennies (Huget et Revol, 2017, p. 32).
6Dominique Wolton (2012, p. 207) précise qu’il « n’y a jamais de réalité psychique, culturelle, ou sociale sans murs et sans frontières. Tout le problème est de savoir quand se fait le passage de la revendication de la liberté universelle, à la perversion et à la domination ». En fait, la culture de l’altérité n’est pas spontanée, contrairement à la notion de communauté fondée sur une homogénéité de facteurs identitaires ; d’où l’importance de la communication qui permet de mieux connaître l’autre et de l’accepter sur base des identités communes ou complémentaires, et non le contraire. Apprécier la richesse de la diversité, appréhender le péril du sectarisme, et s’assumer avant même d’assumer la différence entre moi et l’autre, tels sont les enjeux des « frontières humaines ». Car comme le dit si bien Amin Maalouf (1998, p. 46), « ceux qui ne pourront pas assumer leur propre diversité se retrouveront parmi les plus virulents des tueurs identitaires, s’acharnant sur ceux qui représentent cette part d’eux-mêmes qu’ils voulaient oublier. Une “haine de soi” dont on a vu de nombreux exemples à travers l’histoire… ».
Les frontières de l’incommunication
7« La communication abolit les frontières et rapproche les peuples » : ce slogan longtemps exploité par les mondialistes n’est plus d’actualité aujourd’hui, car la polysémie des mots l’a dénaturé. L’expérience a montré que cette ouverture universelle n’a pas pour autant rapproché les hommes et les cultures, bien au contraire. Dans beaucoup de cas, la dilution du « moi » ou du « nous » propre a amplifié un sentiment d’insécurité chez certaines populations, qui craignent de voir se dissoudre leur culture, et une inquiétude ontologique chez d’autres, qui imputent à « l’Occident impérialiste » ou « chrétien » le dessein de porter préjudice, ou même d’annihiler, leurs idéologies ou leurs croyances. Ce qui nous amène directement au fait que « l’abolition des frontières » tant vantée n’est pas perçue de la même façon par tous, car les frontières sont souvent considérées par les ultraconservateurs comme gardiennes de l’« être », elles délimitent des territoires sanctuarisés. Jean-Louis Schlegel (2012, p. 35-36) le confirme : « le phénomène des sectes et celui de l’intégrisme (qui ne se recoupent que partiellement) sont intéressants en ce qu’ils manifestent le maximum de frontière pour différencier un dehors et un dedans. Au-dedans sont la Vérité et le Bien exclusifs, au dehors l’Erreur et le Mal, éventuellement le grand Satan ou le diable. La frontière est nettement marquée, clairement définie, par le leader charismatique ou par la doctrine rigoureuse qui définit l’appartenance ». Dans beaucoup de cas d’ailleurs, l’« être » est intrinsèquement lié à un territoire, comme par exemple l’interprétation faite de la « Umma » islamique par les multiples groupes extrémistes, dont « Daech » qui prône la reconstitution des califats. Grâce à ce fantasme, l’organisation terroriste a pu mobiliser des centaines de milliers de « croyants » à travers le monde, et a réussi à envahir en un temps record un territoire démesuré, se vantant d’abolir les frontières « politiques » entre l’Irak et la Syrie et de reconstituer les frontières « islamiques ». Le leader charismatique de « Daech », Abou-Bakr el Baghdadi, a su brillamment transformer ce message illusoire en mythe, par une communication bien orchestrée, qui a amplifié la frayeur des populations sunnites de se voir diluées dans la masse des « infidèles », ou pire de devoir subir la tyrannie de leurs frères ennemis les chiites, appuyés par les forces « sataniques » occidentales. Tout cela est dû en grande partie à une erreur des dirigeants américains qui ont promis la « démocratisation de l’Irak » et n’ont fait qu’attiser les dissensions internes, ce qui a renforcé les frontières psychiques et a amplifié la rupture sur base confessionnelle.
8Ce drame ne s’est malheureusement pas limité aux zones frontalières du pseudo-califat islamique, mais s’est transformé en fléau à l’échelle planétaire qui sème la peur et la discorde, provoque un retour aux intégrismes et incite à la reviviscence de frontières anciennes et nouvelles, physiques et psychologiques. En finalité, partant de la reconstruction des « frontières islamiques », cette utopie s’est traduite paradoxalement en un phénomène transfrontalier : un « djihad » à l’échelle du globe.
Frontières de l’extrême
9« Il n’y a plus de limites à parce qu’il n’y a plus de limites entre. » (Debray, 2010, p. 20) Les disparités s’amenuisent et pourtant les frictions se galvanisent, car les frontières ne sont pas une délimitation naturelle et immuable de deux « étants », mais elles sont dessinées par des hommes, souvent de façon arbitraire et suite à des conflits violents. C’est en définitive la résultante d’un entendement entre des puissances politiques ou militaires qui décident de diviser les terres, de séparer les hommes qui y habitent, et éventuellement de se les répartir. Par conséquent, les frontières entre les États ou les zones d’influence sont une source de tensions et de conflits socioculturels et sociopolitiques, qui dégénèrent souvent en antagonismes violents. Les frontières au Moyen-Orient par exemple ont été dessinées par les forces occidentales suite à l’effondrement de l’empire Ottoman, et les nations n’ont pas cessé d’être en guerre depuis. On parle aujourd’hui d’une nouvelle redéfinition de ces frontières, d’un « nouveau Moyen-Orient », sans aucune observation sur les causes et les effets de ces changements brutaux. Despotiques ou intéressées, les décisions se prennent souvent à l’arbitraire sans penser aux conséquences que cela peut provoquer chez les populations. Or, plus on crée des frontières et plus on génère des conflits qui souvent, comme pour le cas du Moyen-Orient, se globalisent.
10L’observation montre que plus on est proche d’une frontière, quel que soit son type, et plus on est exposé à l’autre, à une dissemblance supposée, à la diversité, mais aussi au danger. Les riverains des frontières sont « Plus exposés aux risques de perfusions et confusions par leur proximité avec le frère ennemi, les avants-centres de chaque équipe mobilisent leurs anticorps comme un chat sort ses griffes » (Debray, 2010, p. 19). C’est peut-être pour ces raisons que les « frontaliers » sont différents. Régis Debray les distingue de leurs compatriotes par ce descriptif : « Profil du frontalier : loustic, tire-au-flanc inventif, plus éveillé que les engourdis de l’hinterland » (Ibid.). Plus éveillé ou du moins plus vigilant parce qu’il ne bénéficie pas d’un recul « espace-temps » suffisamment sécurisant. Plus loustic et tire-au-flanc car il vit en permanence comme s’il était en situation de danger, ce qui relativise l’ordre des priorités. Les frontières entre la guerre et la paix, entre la vie et le néant, modifient le comportement de l’Homme et sa vision de l’existence. Lors de la guerre du Liban, nous avons vécu des expériences similaires où la population avait la rage de vivre envers et contre tout, relativisant la notion d’« urgent », de « nécessaire », d’« essentiel », puisque confrontée en permanence au conflit, au danger et à la mort. De nombreux observateurs et spécialistes ont d’ailleurs peint cette situation aberrante où tous les Libanais vivaient chaque jour comme si c’était leur dernier sur terre. Une frontière de l’essentialisme [6] ou de l’existentialisme [7], de l’être ou le néant, appelons cela comme on veut, n’empêche qu’il s’agit « de résistance à la mort (puisque c’est à ce prix que les survivants ont survécu) mais non pas de résistance à la guerre. Et si, en dépit de ses formes d’expression, cette rage de vivre dénote une authentique grandeur, elle n’en laisse pas moins entier le problème de la paix. […] la guerre civile n’est pas synonyme de mort, mais peut, en s’installant, devenir une manière de vivre et même s’organiser en système social. […] Au lieu de vivre (et de mourir, bien entendu) avec cette guerre – qu’ils ne sont pas seuls à faire vivre, il est vrai – nous préférons que les Libanais se mettent en condition de lui couper les vivres. » (Beydoun, 1993, p. 200) Couper les vivres à la mort, résister en « Vivant intensément », c’est l’un des secrets de la résilience libanaise et il est probable que cela soit le cas de nombreuses populations en situation de « frontières extrêmes » qui vivent une tension entre « le désir de se souvenir et la tendance au refoulement » (Veyrat-Masson, 1991, p. 159).
11Or, nous vivons actuellement un phénomène inverse à l’échelle globale où la rage de vivre se transforme en rage de fuir, avec ces flux migratoires qui ont pour seul avantage d’avoir démontré que la mondialisation est un leurre, car l’abolition des frontières n’est pas une ouverture de l’homme vers l’homme mais une spéculation économique des États dits développés. L’homme, l’« autre », qui fuit la terreur et la faim a même été perçu comme un danger nécessitant une reconstitution des frontières, voire dans certains cas de murs séparateurs honteux, des « rideaux de fer » (Huget et Revol, 2017, p. 32) qui empêchent la communication dans les deux sens, limitent notre perception, et augmentent nos appréhensions ; car comme le dit Kahn (1996, p. 49) : « Quand nous touchons les murs invisibles de ses limites, alors nous en savons plus sur ce qu’ils renferment. »
Aux frontières de l’illusoire
12« Un drame se joue dans les zones frontalières où les écarts sont les plus menus, et où s’avivent d’autant le besoin de considération, le souci de distinction et la volonté d’être jugé supérieur » (Valade, 2012, p. 27). Être présent, être au niveau, ou même être supérieur, est un précepte qui a toujours motivé l’Homme et l’a amené à se dépasser, à inventer, à se développer, tout comme il a poussé certains à commettre les pires crimes contre leurs voisins – de l’autre côté de la frontière – ou contre l’humanité – toutes frontières confondues. La présence « ici et maintenant » de l’individu et du groupe découle du fait d’être meilleurs – ou les meilleurs –, souvent les plus puissants. Mais avec la communication sans frontières le « ici », le lieu, n’est plus délimitable et le « maintenant » devient intemporel, ce qui rend la notion de présence plus aléatoire ou plus complexe, en tous les cas moins tributaire des facteurs identitaires car « le dispositif spatial est à la fois ce qui exprime l’identité du groupe (les origines du groupe sont souvent diverses, mais c’est l’identité du lieu qui le fonde, le rassemble et l’unit) et ce que le groupe doit défendre contre les menaces externes et internes pour que le langage de l’identité ait un sens. » (Augé, 1992, p. 60) Quand il n’y a plus de frontières, il n’y plus de lieu qui définit l’identité propre, plus de dedans et plus de dehors qui définissent le moi et les autres, rien d’étonnant dans ce cas que de nombreux groupes, en perte de présence, oscillent entre la tendance d’abolir les frontières et le réflexe naturel de remembrement des parties éparses qui constituaient leur « être ». En fait, « on assiste à un double mouvement contradictoire : une tendance au cloisonnement (ou à la fragmentation) et une tendance à s’inscrire dans un monde plus vaste ; autrement dit, un mouvement d’affirmation nationale et un mouvement de mise à l’abri dans un espace englobant » (Foucher, 2017, p. 14). C’est d’ailleurs par le biais du retour à l’identité, donner du sens à sa vie et recouvrer sa présence, que les groupes terroristes ont mobilisé des dizaines de milliers de djihadistes à travers le globe. C’est pour ces mêmes raisons que l’extrémisme gagne du terrain partout, et que de plus en plus de groupes se referment sur eux-mêmes, réfutant l’ère de « l’ouverture globale » et le leurre du « citoyen du monde », en bref la peur d’une modernité « ressentie comme profondément déstructurante » (Ibid., p. 11).
13Ces nouvelles « frontières invisibles » isolent de nombreux peuples dans des espaces hypothétiques où les extrémismes en tous genres incubent, menaçant le multiculturalisme et l’altérité car, « qu’une certaine imagerie nationale ait des frontières est une chose ; l’homogénéité intérieure en est une autre » (Schlesinger, 1991). Et tout comme les frontières scientifiques, celles de l’isolationnisme deviennent « un front où l’on affronte non les voisins mais l’inconnu » (Brunet, 1992, cité par Gwiazdzinski, 2012, p. 64). Cet inconnu qui a toujours troublé l’Homme à travers les temps, et l’a acculé aux frontières de l’illusoire.
Références bibliographiques
- Augé, M., Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992.
- Beydoun, A., Le Liban : itinéraires dans une guerre civile, Paris, Khartala-Cemoc, 1993.
- Brunet, R., Les Mots de la géographie, Paris, Reclus-La Documentation française, 1992.
- Debray, R., Éloge des frontières, Paris, Gallimard, 2010.
- Foucher, M., « Le retour des frontières », Études, no 4241, sept. 2017, p. 7-18.
- Gwiazdzinski, L., « Frontières nocturnes », Hermès, no 63, 2012, p. 63-66.
- Huget, C. et Revol, M., « Un monde de murs », Le Point, no 2345, 7 août 2017.
- Kahn, L., Silence et lumière, Fermanvile, éditions du Linteau, 1996.
- Maalouf, A., Les Identités meurtrières, Paris, Grasset, 1998.
- Schlegel, J.-L., « Territoires des religions », Hermès, no 63, 2012, p. 35-42.
- Schlesinger, P., « L’identité nationale. De l’incantation à l’analyse », Hermès, no 8-9, 1991, p. 199-239.
- Thiesse, A.-M., La Création des identités nationales, Paris, Seuil, 2001.
- Valade, B., « La Barrière et le niveau. L’imaginaire des lignes de démarcation sociale », Hermès, no 63, p. 26-27.
- Veyrat-Masson, I., « Entre mémoire et histoire », Hermès, no 8-9, 1991, p. 151-169.
- Wolton, D., « Mur, frontières et communication : l’éternelle question des relations entre soi et les autres », Hermès, no 63, 2012, p. 207-211.
Numéros d’Hermès cités
- Hermès, « Frontières en mouvement », sous la dir. de D. Dayan, J.-M. Ferry, J. Sémelin, I. Veyrat-Masson, Y. Winkin et D. Wolton, no 8-9, 1991.
- Hermès, « Murs et frontières », sous la dir. de T. Paquot et M. Lussault, no 63, 2012.
Mots-clés éditeurs : culture, liberté, mondialisation, idéologies, appartenance, néonationalisme, mémoire, frontières, diversité, identités nationales, migration, racisme, altérité, extrémisme, Liban, résilience, Moyen Orient, communication
Date de mise en ligne : 25/05/2018
https://doi.org/10.3917/herm.080.0266Notes
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[1]
Cf. <www.larousse.fr/dictionnaires/francais/frontière/35408?q=frontière#35379>, page consultée le 18/03/2018.
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[2]
Cf. A. Beaujean, Le Petit Littré, Paris, Le livre de poche, 1990, p. 748.
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[3]
Cf. <dictionnaire.reverso.net/francais-definition/frontière>, page consultée le 18/03/2018.
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[4]
Cf. <www.larousse.fr/dictionnaires/francais/diff%C3%A9rence/25435?q=diff%C3%A9rence+#25316>, page consultée le 18/03/2018.
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[5]
Cf. A. Beaujean, Le Petit Littré, Paris, Le livre de poche, 1990, p. 500.
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[6]
Employé ici dans le sens de la recherche de l’essentiel.
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[7]
Relatif à « littérature existentialiste ».