Notes
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[1]
Les thèmes et les thèses développés dans ce bref article sont largement explicités dans nos derniers ouvrages. Voir notamment Blay, 2017 ; 2016 ; 2014 ; 2013.
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[2]
Cette interrogation se trouve au centre de l’ouvrage collectif édité sous la direction de Christophe Grellard (2004).
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[3]
La notion d’imaginaire que nous introduisons ici s’inscrit dans le cadre du travail de Cornélius Castoriadis portant sur l’imaginaire social instituant. Voir en particulier Castoriadis, 1975 ; 1977 ; et le très intéressant petit livre de dialogue entre Cornélius Castoriadis et Paul Ricœur (2016).
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[4]
Quoique les modalités de la démonstration puissent être discutées en fonction des objets mathématiques (l’apparition des infiniment petits au xviie siècle met en difficulté l’idée d’égalité), c’est précisément parce qu’elle est à l’intérieur d’un cadre parfaitement défini que cette discussion est possible, intelligible et transmissible. De ce fait, notre position est bien éloignée des discussions contextuelles qui confondent l’ordre démonstratif avec les vicissitudes des objets qui y sont soumis. Voir à ce propos Daston, 2014.
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[5]
Un exemple particulièrement révélateur est la très récente Histoire des sciences et des savoirs (Pestre, 2015). Dès son titre, la confusion est affirmée et les volumes ne font que confirmer cette orientation générale, puisqu’il n’y a aucune définition de l’un ou l’autre des termes mais plutôt des errements de sens qui s’expriment dans la phrase : « On comprend alors pourquoi, afin de bien cerner notre objet, il était prudent de toujours garder les deux termes de “sciences” et de “savoir” » (introduction, p. 10). Soit. Encore faudrait-il connaître la signification de ces termes, c’est-à-dire ce qui les distingue. Or, cette distinction est rendue impossible dans cet ouvrage puisqu’il n’y est, à aucun moment, question de l’ordre démonstratif, ni même des mathématiques. En voulant donner une vision mondialisée et quelque peu unifiée de la « connaissance », les auteurs finissent par nier qu’une certaine forme de connaissance soit apparue dans le bassin méditerranéen et en Occident. On retrouve une orientation semblable dans le livre de Conner, 2011. En ignorant, dans l’un comme l’autre de ces livres, le discours démonstratif, comment ne pas retomber dans les secrets de fabrication, le pouvoir mystérieux des prêtres et ne pas donner la main à la thèse de l’impossible transmission et au relativisme absolu ? En croyant défendre la mondialisation et la grandeur des savoirs populaires, ces livres recréent de l’obscur et de l’enfermement.
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[6]
Sur ce point, voir en particulier le chapitre IV de Blay, 2017.
1Science, technique, société. Le sens de chacun de ces trois termes comme aussi leurs rapprochements conceptuels apparaissent bien souvent comme des évidences, comme allant de soi. Deux exemples : il y a quelques années des actions STS (science, technologie, société) ont été mises en place au CNRS ; on notera également l’existence d’une importante association dénommée association Science, technologie, société (ASTS). Ces deux exemples ne sont cependant que peu de chose au regard des multiples colloques, rencontres, opérations gouvernementales, régionales et culturelles visant à développer les relations entre les protagonistes de la vie scientifique et technique et le corps social (la fête de la science, les portes ouvertes des grandes écoles, des universités et des laboratoires en portent chaque année un témoignage vivant sur tout le territoire).
2Il apparaît qu’à travers le sens et les liens qui sont portés par ces trois termes, des enjeux sociétaux très importants se révèlent. Une importance et une signification devenues socialement si évidentes qu’elles doivent être, semble-t-il, développées jusqu’à en irriguer tout le corps social. Cette importance et cette signification, quasi évidentes, que semblent recéler les termes science, technique, société, vont-elles de soi pour la vie du corps social ? Je ne le crois pas. Bien au contraire je pense qu’elles doivent être interrogées tant du point de vue historique que de celui de l’espace géographique pour en comprendre la portée réelle.
3Il a existé et il existe des sociétés différentes de par le monde : qu’en est-il alors du lien entre science, technique, société et qu’en est-il aussi du sens de ces termes dans des contextes sociaux extrêmement divers ? Ou, pour le dire autrement, y a-t-il une permanence de signification et de lien entre ces termes à travers le temps et l’espace ou, au contraire, doit-on voir seulement dans l’idée d’une telle permanence le simple reflet dominant d’une conception déterminée en un lieu et en un temps ? Plus nettement encore, l’intrication de ces trois termes et l’importance qui lui est accordée ont-elles une signification en dehors de notre présent moderne – et laquelle ?
4Afin de répondre à ces questions le plus précisément possible dans le cadre circonscrit de cet article, nous limiterons nos analyses à l’espace historique et géographique de la pensée occidentale, comprise dans le cadre initial de son apparition dans le bassin méditerranéen, une pensée où le lien entre science, technique et société semble aujourd’hui particulièrement prégnant, voire consubstantiel, sur la longue durée, au développement même de notre société [1].
« Science » ? Quelques précisions historiques
5Lorsqu’on introduit l’idée de « science » (ou des « sciences »), on a toujours tendance à en faire remonter son origine ou plutôt ses commencements aux Anciens, et plus précisément à l’antique bassin méditerranéen et aux Grecs. De quelle « science » parlons-nous alors en considérant les travaux « scientifiques » des Anciens ou des médiévaux ? En quel sens la « science » des Grecs a-t-elle à voir avec ce que nous appelons aujourd’hui la « science » ? De même, en quel sens peut-on dire qu’il y a une « science » médiévale qui serait comme un moment, une étape, d’avant la nôtre [2] ?
6Doit-on considérer l’ensemble du travail des Anciens et des médiévaux comme un point de départ, comme l’enfance de notre belle « science », et nous comme en étant la maturité ? Belle prétention qui ne semble percevoir dans les écrits de nos prédécesseurs que des efforts, souvent naïfs et vains, pour devenir ce que nous sommes. Nos prédécesseurs ignoraient ce que nous serions et que nous attacherions de l’importance à telle ou telle chose. Ils se préoccupaient très sérieusement, sans penser à nous, de la construction de mondes ayant leur propre signification, leur propre imaginaire [3], leur propre cohérence. La « science » telle que nous la concevons aujourd’hui n’a pas toujours été nécessairement, loin de là, le fin mot de l’accomplissement d’une société et d’un monde, ce qui résume le sens de l’existence individuelle et sociale des hommes. Il y a donc bien lieu de s’interroger sur le sens et le rôle du triplet aujourd’hui socialement évident de « science, technique, société ».
Que doit-on appeler « science » ?
7Rechercher, comme on le fait trop souvent chez nos prédécesseurs – dans une sorte d’esprit linéaire et cumulatif, même si l’on introduit parfois quelques ruptures – ce qui, par une sorte de miracle, ressemble à ce qui nous intéresse aujourd’hui, est une faute de la pensée, plus encore, une injure faite à la richesse de la pensée et de la réflexion de nos prédécesseurs. Cela ne signifie pas, tout en étant confronté à leur originalité, que les constructions intellectuelles de nos prédécesseurs nous soient totalement inaccessibles ; non, un chemin traverse la pensée occidentale depuis les Grecs : celui de l’ordre démonstratif. Par ordre démonstratif ou démonstration, il faut comprendre le déploiement d’un ensemble de procédures conduisant à la mise en ordre de propositions suivant des règles parfaitement définies, en s’appuyant sur l’introduction de définitions précises – tout cela visant, initialement en géométrie, à établir l’existence de l’objet d’étude. Le modèle historique de référence est celui donné par les Éléments d’Euclide (iiie siècle av. J.-C.). On en retrouve la marque à travers toute l’histoire de l’Occident, une histoire incluant, bien évidemment, tout le bassin méditerranéen.
8Avec les Éléments d’Euclide, le mouvement est lancé. Il sera prolongé en terre d’islam et renforcé à partir du xvie siècle en Occident, où les mathématiques telles que nous les connaissons naissent vraiment en affirmant que chacun peut les comprendre pour autant qu’il fasse les efforts requis et nécessaires. La démonstration règne et par elle s’accomplit, à travers les siècles, la visée de vérité, l’exigence intellectuelle, la satisfaction de la raison, l’obligation pour chacun de prouver ce qu’il avance et, finalement, l’essentiel : la possibilité de transmettre un corpus à travers les siècles, un corpus intelligible par tous parce que soumis à des règles et définitions explicites. En raison de ce qu’il est, le discours démonstratif a pu traverser les siècles et nous être, comme pour nos prédécesseurs, largement intelligible [4].
9Les choses ne sont cependant pas aussi simples car l’ordre démonstratif, parce qu’il est formel, n’est pas le tout de ce que l’on connaît. Il en est la partie susceptible d’être saisie le plus immédiatement, parce que formellement bien organisée, mais il y a le reste. Dans la démonstration, l’enjeu est formel ; ce qui compte, ce n’est pas le contenu, mais la façon d’ordonner tel ou tel savoir ; un savoir qui, une fois démonstrativement ordonné, devient au sens strict ce que j’appelle « science ». Il n’y a donc pas lieu de confondre, comme on le fait trop souvent aujourd’hui, science et savoir [5].
Comment définir maintenant la « technique » ?
10Ici encore, le mot est piégé. Peut-il rendre compte tout aussi bien des machines mécaniques, optiques, hydrauliques des anciens et de l’époque médiévale que de ce que nous dénommons aujourd’hui par le mot « technique », voire aussi, étrangement, par celui de « technologie » ? Assurément non. Chez les Anciens ou à l’époque médiévale, les « techniques » – que je préfère dénommer « artifices » – sont conçues par les hommes pour améliorer leurs conditions de vie, mais conçues en s’appuyant ou en s’opposant à ce qu’ils conçoivent comme la nature. Qu’est-ce donc alors que la nature ? Depuis Aristote, la nature (phusis) est ce qui désigne le résultat du processus de formation et de croissance des choses matérielles qui ont en elles-mêmes le principe de leur développement. L’idée de nature s’inscrit, si l’on peut dire, dans la dynamique du devenir et ne peut, par conséquent, être en elle-même, dans ce qu’elle est, l’objet d’un traitement par les mathématiques, puisque ces dernières relèvent de l’intelligible (le stable et le permanent). Elles peuvent cependant aider à décrire des phénomènes sensibles (astronomie, musique, optique principalement) et permettre la fabrication des « artifices ». La situation que nous connaissons aujourd’hui est bien différente.
11Pour qu’une explicitation mathématique de la nature en elle-même soit possible, comme cela semble être le cas de nos jours, il a d’abord fallu que l’idée que nous nous faisons de la nature change. C’est ce qui s’est produit au tournant des xvie et xviie siècles, où l’on voit se constituer une nouvelle idée de nature : la nature machine.
12Cette nouvelle idée de nature la réduit à une machine – fort complexe, sans doute, et susceptible d’être « réglée » par un grand horloger, Dieu. Une nature, donc, qui, puisqu’elle est devenue machine, permet de « naturaliser » les artifices des anciens. Ou pour le dire autrement, l’idée moderne de nature confond les « artifices » et la « nature » via le champ mathématico-mécanique (maintenant pleinement utilisable dans une nature mécanisée) en explicitant ce que j’appelle « le technique ». En conséquence, les arts et les techniques ne peuvent être pensés dans une simple continuité à travers les siècles. Les techniques – ou ce que j’ai appelé « le technique » – naissent au sens strict au xviie siècle avec la nouvelle idée de nature, et doivent être distinguées des arts, voire des arts utilisant plus ou moins la géométrie. Il suffit pour s’en convaincre d’observer ce que deviennent la balistique (l’art de jeter les bombes) et l’optique (les appareils d’optique) après Galilée, de même que l’horlogerie après Christiaan Huygens. Il convient aussi de noter la transformation des écoles d’ingénieurs au tournant des xviie et xviiie siècles, ainsi que l’introduction dans les fabriques, dès la fin du xviie siècle, de pratiques assujetties à un ordre déductif impliqué par la nouvelle idée de nature. On remarquera également que j’ai introduit, pour caractériser ces nouveautés, non pas le terme de « science » ni celui de « nouvelle science », mais plutôt « le technique ». Il convient en effet de ne pas tout confondre sur le plan des enjeux historiques et conceptuels et de distinguer ce que j’ai précédemment défini d’un point de vue général par le terme « science » et ce qui maintenant résulte pour une large part de la naturalisation des artifices et de leur développement, rendue possible par la nouvelle idée de nature : un ensemble particulier de contenus a été mis en place, des contenus qui empruntent, via le champ des mathématiques, son ordre démonstratif à celui porté formellement par « la science » et qui doit donc en être distingué pour en saisir la spécificité essentiellement technique qui caractérise notre modernité : c’est « le technique ».
Quelques remarques en guise de conclusion
13À l’issue de cette rapide mise en place conceptuelle, on perçoit que l’intrication entre les termes maintenant mieux circonscrits historiquement de science, de technique et de société prend toute sa signification à partir du xviie siècle. En effet, « le technique », au sens où je l’ai défini et qui constitue ce que nous appelons abusivement de nos jours la science – ce qui confère au « technique » une sorte d’existence transhistorique –, constitue, en tant que « technique », le ressort économique central (via, à partir du xixe siècle, le concept d’énergie [6]) de notre société. Par là même, on finit par croire que la « science » et les « techniques », assujetties à l’économie et à une certaine idée déterminée de la nature, ont toujours constitué le cœur des préoccupations humaines et sociales, alors qu’il ne s’agit que d’une situation sociale et d’un type de préoccupation bien daté et bien localisé. Pourquoi alors chanter la gloire du triplet science, technique, société ?
14À travers l’intrication exemplaire, dans notre monde, des termes science, technique, société, se pose explicitement le problème des choix de développement de notre société et, par là même, le risque des dérives techniques qui lui sont inhérentes. En particulier, puisque la « nature » est pensée en termes mécanico-mécaniques et énergétiste – nous y compris –, la technique, la société et nous-mêmes sommes comme dans un état, pour prendre une image mécanique, de couplage ; un couplage renforcé par les efforts de communication mis en place, comme on l’a dit au tout début de cet article, pour, précisément, développer le processus d’innervation de la technique dans la société. Si l’idée de « science » – au sens où nous l’avons défini en tant qu’effort démonstratif susceptible d’être partagé par chacun – devrait, à l’évidence, innerver le corps social (on remarquera malheureusement que l’idée de démonstration n’est plus au cœur des programmes scolaires ! Doit-on s’en étonner ?), il serait en revanche nécessaire de repenser l’innervation intensive, par toutes les voies de la communication, du « technique » dans la société, technique qui, en s’affirmant principalement à travers les modalités de la pensée calculante, comme l’ont déjà noté Jacques Ellul ou Martin Heidegger, nous conduit à négliger nos responsabilités vis-à-vis du monde et de ce qu’il est. En conséquence, il convient de remettre « le technique » à sa véritable place, qui n’est pas centrale mais assujettie à l’idée du monde dans lequel nous souhaitons vivre, si l’on veut à la fois éviter le désastre économico-technique environnemental et la réduction de l’humanité et de chacun d’entre nous à la machine mécanique, chimique ou informatique, c’est-à-dire à la création d’hommes « machinés », réduits à l’interface homme/machine ou homme/écran dès le plus jeune âge. Il est urgent de revisiter le sens et la portée du triplet science, technique, société.
Avant la création d’Hermès, les Cahiers Sciences, Technologie, Société furent publiés aux éditions du CNRS. 12 numéros parurent entre 1984 et 1986. Ils traitaient du passage « De la technique à la technologie » (Cahiers STS, no 2, 1984), des relations entre « État, industrie et innovations techniques » (Cahiers STS, no 3, 1984), de « L’esprit du mécanisme : science et société chez Franz Borkenau » (Cahiers STS, no 7, 1985), de l’articulation entre « Ordre juridique et ordre technologique » (Cahiers STS, no 12, 1986).
Depuis 1988, dans Hermès, les numéros suivants ont tout particulièrement abordé l’articulation entre science, technique et société :
Hermès, « Sciences et médias », sous la dir. de S. de Cheveigné, no 21, 1997.
Hermès, « Paroles publiques. Communiquer dans la cité », sous la dir. de F. Massit-Folléa et C. Méadel, no 47, 2007.
Hermès, « Communiquer – Innover », sous la dir. de N. D’Almeida, S. Proulx et P. Griset, no 50, 2008.
Hermès, « Sciences.com. Libre accès et science ouverte », sous la dir. de J. Farchy, P. Froissart, et C. Méadel, no 57, 2010.
Hermès, « Les chercheurs au cœur de l’expertise », sous la dir. de L. Maxim et G. Arnold, no 64, 2012.
Hermès, « Les élèves, entre cahiers et claviers », sous la dir. de V. Liquète et B. Le Blanc, no 78, 2017.
Dans la collection « Les Essentiels d’Hermès », on pourra notamment se référer aux ouvrages suivants.
Durampart, M. (dir.), Sociétés de la connaissance. Fractures et évolutions, Paris, CNRS éditions, 2009.
Kleinpeter, E. (dir.), L’Humain augmenté, Paris, CNRS éditions, 2013.
Letonturier, E. (dir.), Les Réseaux, Paris, CNRS éditions, 2012.
Schafer, V. et Le Crosnier, H., La Neutralité de l’Internet, un enjeu de communication, Paris, CNRS éditions, 2009.
Références bibliographiques
- Blay, M., Critique de l’histoire des sciences, Paris, CNRS éditions, 2017.
- Blay, M., Penser ou cliquer ? Comment ne pas devenir des somnambules, Paris, CNRS éditions, 2016.
- Blay, M., L’Existence au risque de l’innovation, Paris, CNRS éditions, 2014.
- Blay, M., Dieu, la nature et l’homme. L’originalité de l’Occident, Paris, Armand Colin, coll. « Le temps des idées », 2013.
- Castoriadis, C., L’Institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975.
- Castoriadis, C., « Portée ontologique de l’histoire des sciences », in Castoriadis, C., Domaines de l’homme. Les carrefours du labyrinthe II, Paris, Seuil, 1977.
- Castoriadis, C. et Ricœur, P., Dialogue sur l’histoire et l’imaginaire social, édition établie et présentée par Johann Michel, Paris, édition de l’EHESS, 2016.
- Conner, C. D., Histoire populaire des sciences (traduit de l’anglais (États-Unis) par Alexandre Freiszmuth), Paris, L’Échappée, 2011 (édition originale anglaise, 2005).
- Daston, L., L’Économie morale des sciences modernes. Jugements, émotions et valeurs, Paris, La Découverte, 2014 [1e éd., Chicago, University of Chicago Press, 1995].
- Grellard, C., Méthode et statut des sciences à la fin du Moyen Âge, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2004.
- Pestre, D. (dir.), Histoire des sciences et des savoirs, 3 vol., Paris, Seuil, 2015.
Mots-clés éditeurs : sciences, société, techniques, artifices, nature
Date de mise en ligne : 25/05/2018
https://doi.org/10.3917/herm.080.0236Notes
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Les thèmes et les thèses développés dans ce bref article sont largement explicités dans nos derniers ouvrages. Voir notamment Blay, 2017 ; 2016 ; 2014 ; 2013.
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Cette interrogation se trouve au centre de l’ouvrage collectif édité sous la direction de Christophe Grellard (2004).
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La notion d’imaginaire que nous introduisons ici s’inscrit dans le cadre du travail de Cornélius Castoriadis portant sur l’imaginaire social instituant. Voir en particulier Castoriadis, 1975 ; 1977 ; et le très intéressant petit livre de dialogue entre Cornélius Castoriadis et Paul Ricœur (2016).
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Quoique les modalités de la démonstration puissent être discutées en fonction des objets mathématiques (l’apparition des infiniment petits au xviie siècle met en difficulté l’idée d’égalité), c’est précisément parce qu’elle est à l’intérieur d’un cadre parfaitement défini que cette discussion est possible, intelligible et transmissible. De ce fait, notre position est bien éloignée des discussions contextuelles qui confondent l’ordre démonstratif avec les vicissitudes des objets qui y sont soumis. Voir à ce propos Daston, 2014.
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Un exemple particulièrement révélateur est la très récente Histoire des sciences et des savoirs (Pestre, 2015). Dès son titre, la confusion est affirmée et les volumes ne font que confirmer cette orientation générale, puisqu’il n’y a aucune définition de l’un ou l’autre des termes mais plutôt des errements de sens qui s’expriment dans la phrase : « On comprend alors pourquoi, afin de bien cerner notre objet, il était prudent de toujours garder les deux termes de “sciences” et de “savoir” » (introduction, p. 10). Soit. Encore faudrait-il connaître la signification de ces termes, c’est-à-dire ce qui les distingue. Or, cette distinction est rendue impossible dans cet ouvrage puisqu’il n’y est, à aucun moment, question de l’ordre démonstratif, ni même des mathématiques. En voulant donner une vision mondialisée et quelque peu unifiée de la « connaissance », les auteurs finissent par nier qu’une certaine forme de connaissance soit apparue dans le bassin méditerranéen et en Occident. On retrouve une orientation semblable dans le livre de Conner, 2011. En ignorant, dans l’un comme l’autre de ces livres, le discours démonstratif, comment ne pas retomber dans les secrets de fabrication, le pouvoir mystérieux des prêtres et ne pas donner la main à la thèse de l’impossible transmission et au relativisme absolu ? En croyant défendre la mondialisation et la grandeur des savoirs populaires, ces livres recréent de l’obscur et de l’enfermement.
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Sur ce point, voir en particulier le chapitre IV de Blay, 2017.