1Dominique Baudis illustre parfaitement ce siècle de la communication, puisqu’il a exercé en un demi-siècle trois métiers qui illustrent cette révolution. D’abord journaliste (1971-1982), puis homme politique (1983-2001), puis président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (2001-2007) et premier défenseur des droits (2011-2014). Avec progressivement un élargissement de son domaine d’action de l’information à la politique, puis à la société. D’ailleurs, sa « radicalisation » au sens d’un engagement humaniste de plus en plus net et indépendant s’est affirmée avec le temps. Il illustre aussi la communication dans cette autre dimension trop rarement mise en avant : le respect du récepteur. Comme journaliste, et surtout présentateur, il avait cette attention pour le public que tous n’ont pas. Comme maire de Toulouse, chacun souligne qu’il était attentif à tous, jamais méprisant. Cette cordialité, gentillesse, attention à l’autre, n’était pas seulement le trait d’une culture politique, mais aussi un choix personnel, éthique.
2Et pourtant, en tant qu’« héritier », il aurait pu être beaucoup plus notable. En fait, il était « notable » dans un sens bien particulier : celui de l’attention à l’autre. Ce qui ne l’empêchait nullement d’avoir un caractère bien trempé et de la repartie. On le vit souvent en politique, et surtout quand il fut l’objet de cette horrible opération de manipulation qui visait à le détruire en 2003, dans l’affaire Alègre. Il répondit avec force, gagna, même si les blessures furent incicatrisables tant il vit là les turpitudes des médias, des politiques, des complots de toute nature et le poids ravageur des rumeurs et des trahisons. Il faillit succomber devant tant de turpitudes, mais sortit finalement renforcé de cette épreuve de calomnie. Et dans son dernier mandat public, comme défenseur des droits, il était encore plus attentif à « l’autre » – à tous ceux qui sont broyés par les administrations, les institutions, le destin, et qu’il voulait défendre avec une netteté et une indépendance d’esprit qui en surprirent beaucoup. C’est d’ailleurs la force de ce caractère, cette indépendance d’esprit, cette curiosité, qui ont frappé tous ceux qui l’ont approché et qui ont été au cœur de l’hommage que la République lui a conféré, aux Invalides.
3Présent dans l’espace public, défenseur de l’intérêt général, un peu justicier, il incarnait toutes les valeurs de la politique démocratique. D’ailleurs, tout le monde le respectait, ce qui est rare en politique, et surtout quand on revendique, dans la durée, un positionnement de centriste…
4Sa carrière symbolise cet engagement moral, social, politique. Journaliste et correspondant au Liban en 1971, et ensuite au Moyen Orient, il voit les horreurs de la guerre. Il sera ensuite présentateur du journal sur TF1, puis FR3, de 1978 à 1982. Il quitte le journalisme pour la politique, succédant à son père comme maire de Toulouse en 1983, et étant élu ensuite comme député au Parlement européen en 1984. En 1986, il est élu au conseil général de Midi-Pyrénées, avant d’être député jusqu’en 1997. Il est un des rénovateurs et responsables de l’UDF. En 2001, il est nommé par Jacques Chirac président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Il élargira encore son domaine d’intervention en présidant l’Institut du monde arabe (2007). Avec ces deux fonctions, il abandonne la carrière politique traditionnelle et commence sa troisième carrière, plus tournée vers la communication publique et la société civile. Une autre étape l’attend, davantage liée à la société civile et la communication publique. Ceci en étant nommé premier Défenseur des droits (juin 2011-janvier 2014).
5De la politique, il en a constamment fait, du statut de journaliste à celui de défenseur des droits, mais de moins en moins comme « acteur traditionnel » et de plus en plus comme défenseur de la société dans son ensemble dans une perspective de communication publique, au-delà des clivages politiques traditionnels.
6C’est en cela que sa vie illustre parfaitement cette valeur essentielle de la communication du xxe siècle, trop méconnue et qui dépasse les deux autres dimensions de la communication : la politique et le commerce. Dominique Baudis, un symbole de cette valeur essentielle du xxie siècle, la communication, c’est-à-dire la capacité à cohabiter avec autrui, sans renoncer à ses propres valeurs, mais en respectant aussi celles de l’autre. Cet « autre » omniprésent par tous les écrans à notre disposition, mais si peu compréhensible, et que beaucoup ont vite fait de transformer en adversaire. Dominique Baudis n’oublia jamais ces deux dimensions de la communication : le respect d’autrui, la défense de ses valeurs et de ses engagements. Une leçon politique.