Notes
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[1]
Les musées nationaux sous tutelle du ministère de la Culture et de la Communication sont actuellement au nombre de 40, dont 37 ouverts à la visite en 2009 et 35 en 2010. Leur statut est soit celui d’un établissement public jouissant d’une certaine autonomie (tels les musées du Louvre, d’Orsay, du Quai Branly ou le domaine de Versailles), soit un service à compétence nationale géré par la Réunion des Musées nationaux (tels le Musée national du Moyen Âge, le musée-château de la Renaissance à Écouen ou le Musée Fernand Léger à Biot).
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[2]
L’ensemble des chiffres de fréquentation cités dans cet article sont issus du Département de la Politique des publics de la Direction générale des Patrimoines (ministère de la Culture et de la Communication). On pourra en consulter l’essentiel dans Muséostat – 2009, en ligne sur le site du ministère de la Culture et de la Communication.
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[3]
Les musées nationaux font partie de l’ensemble plus large des « Musées de France », appellation issue de la Loi Musées 2002, et qui chaque année est attribuée par le Haut conseil des Musées de France, indépendamment du statut de l’établissement, mais en fonction du respect de critères spécifiques dont l’inaliénabilité des collections, la nature du projet culturel et scientifique et l’existence d’un service des publics. En 2009, leur nombre s’élève à 1 213.
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[4]
La croissance de la population française correspond à un peu moins de 7 % sur la décennie (selon l’INSEE) et le volume des touristes étrangers sur le territoire national était estimé à 77 millions en 2000, mais seulement à 74 millions en 2009.
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[5]
Nous ne discuterons pas ici de ce résultat qui renvoie notamment à la définition des catégories de classement des destinations de sortie à la lumière des pratiques effectives et non seulement aux catégories administratives (voir Eidelman, Cordier et Letrait, 2003).
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[6]
Taille des échantillons : « Expérimentation de la gratuité – 2008 » : n = 6 645 questionnaires. Enquête « Les 18-25 ans et la gratuité – 2009 » : n = 3 000 questionnaires. Enquête À l’écoute des visiteurs – 2010 : n = 6 818 questionnaires. Il s’agit d’enquêtes par questionnaires, en face-à-face pour la première et selon le protocole auto-administré-assisté pour les deux suivantes. Les trois études mettent à l’épreuve deux indicateurs en particulier : le groupe social construit sur un faisceau d’informations intégrant situation professionnelle, profession exercée actuellement ou par le passé, niveau de certification et classe d’âge, et éventuellement le revenu ; le capital de familiarité muséale qui repose sur un ensemble d’informations relatives à la diversité et la périodicité de la fréquentation.
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[7]
Au titre des gratuités catégorielles, on mentionnera celles accordées aux moins de 18 ans, aux personnes dont les ressources se réduisent aux minima sociaux, aux visiteurs en situation de handicap moteur, visuel, auditif ou psychique et à leurs accompagnateurs, à certains groupes professionnels… Depuis 2009, la gratuité est également accordée dans les musées nationaux aux 18-25 ans résidants dans un des pays de l’Union européenne et aux enseignants du primaire et du secondaire.
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[8]
Voir, à propos des visites d’accompagnement, Ghlamallah, 2010.
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[9]
En 1998, on estimait à 34 % la proportion des touristes étrangers (Olivier Bouquillard et Sébastien Leroy, Synthèse, Direction des Musées de France, Ministère de la Culture et de la Communication, no 5, avr. 2000).
-
[10]
Le protocole d’enquête avec ses questionnaires en six langues – français, anglais, allemand, italien, espagnol et portugais – permet d’avoir une vue assez représentative d’un public de basse et moyenne saison touristique (octobre-novembre, incluant les congés de la Toussaint).
1En 1999, le nombre de visites dans les musées nationaux sous tutelle du ministère de la Culture et de la Communication [1] s’élevait à 14,2 millions ; en 2009, il avoisine les 27 millions [2]. Plus exactement, après le décollage des années 1970 et les sommets atteints dans les années 1980, la fréquentation de cette catégorie-phare de musées avait montré quelques signes d’essoufflement dans les années 1990 laissant penser qu’un seuil de saturation avait peut-être été atteint. Mais, dès l’avènement du nouveau millénaire la progression reprit, soutenue par différentes créations (Musée du Quai Branly, musée de la Musique, Cité de l’Architecture et du Patrimoine ou Cité nationale de l’Histoire de l’immigration) et réouvertures après travaux (notamment le musée des Arts décoratifs et le Musée national d’Art moderne – Centre Georges-Pompidou). Au total, d’une décennie à l’autre, la fréquentation a augmenté de plus de 80 %. Ce renforcement de l’intérêt pour les musées et les expositions se mesure également à l’échelle plus globale de l’ensemble « Musées de France [3] », dont la fréquentation est passée de 45,6 millions en 2005 à près de 56,2 millions de visites en 2009. De fait, nombre de travaux montrent des changements dans la composition des publics in situ et dans les manières de visiter (Eidelman, Roustan et Goldstein, 2007). Sachant qu’une telle croissance est bien supérieure à celles de la démographie française et des entrées touristiques [4], tous ces éléments rendent assez problématique la réception de la dernière livraison de l’enquête décennale Pratiques culturelles des Français (Donnat, 2009) : selon celle-ci, le taux de la pratique annuelle de visite au musée serait actuellement de l’ordre de 30 %, soit 3 % de moins qu’en 1997, et sans qu’aucune modification notable de la physionomie du public puisse être relevée depuis vingt ans [5].
2Comment résoudre de telles dissonances et réduire le scepticisme tenace quant aux changements en cours (voir notamment Cour des Comptes, 2011) ? Trois études très récentes, menées dans les musées nationaux peuvent y contribuer. La première concerne l’expérience de gratuité complète de 14 musées et monuments nationaux au premier semestre 2008 (Eidelman et Céroux, 2009). La deuxième interroge la sensibilité des 18-25 ans à l’exonération du droit d’entrée des collections permanentes à partir d’avril 2009 (Eidelman, 2010). Enfin, l’enquête À l’écoute des visiteurs – 2010 s’intéresse à l’horizon d’attentes de la visite (Eidelman et Jonchery, 2011). Ces trois enquêtes ont en commun des échantillons très conséquents, des protocoles proches et une batterie d’indicateurs sociographiques standardisés [6]. Mobilisées de manière croisée, elles documentent la cristallisation de nouvelles configurations de publics.
Les 18-25 ans et la culture de la gratuité
3Différentes dispositions ont été prises par l’État et les collectivités territoriales pour démocratiser l’accès aux musées depuis une dizaine d’années (Rouet, 2002). Parmi elles, la gratuité de l’entrée aux collections permanentes. Gratuité pour tous ou pour certaines catégories [7], gratuité permanente, régulière ou occasionnelle (premier dimanche du mois, Nuit des musées, Journées du Patrimoine…), l’impact cumulé de ces diverses formules sur la structure de la fréquentation est manifeste : le nombre d’entrées gratuites dans les Musées de France en 2009 représente un peu plus de 42 % du nombre total des visites. Sur cinq ans, ce chiffre aura progressé de 60 %, tandis que celui correspondant aux entrées payantes ne l’aura fait que de 7 %. Autrement dit, c’est la part grandissante des entrées gratuites qui explique le mieux l’augmentation globale de la fréquentation sur la période. Pour autant transcrit-elle un changement dans la composition du public ?
4L’analyse de l’expérimentation 2008 a précisément mis en exergue une « culture de la gratuité » paramétrée par la variable générationnelle : les moins de 30 ans sont les mieux informés et les plus pratiquants de la gratuité des lieux patrimoniaux. C’est ce que vérifie le suivi d’impact de la mesure d’une gratuité destinée au 18-25 ans. Au plan des entrées dans les collections permanentes des musées nationaux (ministère de la Culture et de la Communication), il montre une augmentation substantielle de la présence de cette classe d’âge : avec plus de 2,1 millions de visites en 2010, leur taux de présence est passé de 5 % à 10 % en deux ans.
5Mais aussi l’enquête réalisée dans une quinzaine de musées à Paris et en régions montre que la gratuité constitue un élément de la décision de visite chez deux jeunes sur trois : tantôt, elle en a fait naître le projet ou l’a fait aboutir, tantôt elle a enrôlé dans un projet conçu par l’entourage [8] ; dans 12 % des cas, le projet de visite aurait abouti, entrée gratuite ou non et, dans 19 % des cas, le jeune visiteur n’avait pas été informé de la mesure. Venus généralement en compagnie amicale ou en couple, les jeunes sortent de la visite en déclarant qu’elle correspond à leurs attentes (58 %) voire qu’elle les dépasse (27 %). C’est l’apport culturel de la visite (61 %), avec d’abord les connaissances transmises, ensuite l’expérience émotionnelle et enfin l’adhésion aux valeurs qu’incarne le musée, qui constituent les motifs de la satisfaction. Les aspects fonctionnels et de confort ne constituent qu’un motif secondaire qui est cependant un peu plus souvent cité par les jeunes mobilisés par la gratuité que par ceux qu’elle indiffère. Sous l’angle des loisirs, la gratuité mobilise également un peu plus souvent ceux dont les sorties relèvent plutôt de la culture « jeune » (concert de rock, spectacles d’humour, cinéma) que de la culture « cultivée » (théâtre, opéra, danse et musique classique ou contemporaine). Sous l’angle de leur inscription sociale, les 18-25 ans sont le plus souvent en cours d’étude (deux sur trois), 14 % ont achevé leur formation initiale (une moitié est en stage ou en apprentissage, une autre au chômage) et près de 19 % sont déjà des actifs. Ils sont en majorité issus des classes moyennes (45 %) et de la classe supérieure (30 %), mais le quart d’entre eux provient d’un milieu modeste : ce sont ces derniers qui s’avèrent les plus mobilisés par la gratuité. De même, la gratuité mobilise plus souvent les jeunes gens en initiant un projet de visite, que les jeunes femmes chez lesquelles la visite fait déjà partie des projets. Enfin, du point de vue de la construction de la familiarité muséale, la gratuité favorise les découvertes (70 % venaient pour la première fois dans le musée où ils ont été enquêtés), mais également elle fidélise à la sphère patrimoniale dans son ensemble (65 % en avaient fait usage depuis avril 2009 dans un ou plusieurs musées).
6Au total, les visiteurs âgés de 18 à 25 ans pensent que la gratuité constitue un « coup de pouce » ou un « plus » à leurs pratiques culturelles (85 %), voire qu’elle est « normale » (14 %). Moins d’1 % la jugent sans importance. Pourquoi une telle adhésion ? La gratuité du musée entre en résonance parfaite avec cette phase clé de la construction identitaire du jeune adulte caractérisée par la diversification maximale des pratiques culturelles (Lahire, 2004 ; Fleury, 2006) et l’expérimentation d’une liberté éphémère et de l’apesanteur sociale (Cicchelli, 2001).
La visite familiale et la co-construction du rapport au musée
7L’enquête À l’écoute des visiteurs réalisée fin 2010 dans l’ensemble des musées nationaux confirme quant à elle ce qu’esquissaient des résultats d’études plus éparses et ponctuelles : à l’échelle du public français, un peu plus de la moitié des individus procède à une visite entre pairs, le tiers à une visite familiale et moins de 15 % à une visite solitaire. Mais aussi, suivant leur offre et leur spécialité, les musées ne se visitent pas en même compagnie : dans les musées de beaux-arts, les musées de société et de civilisation ou les musées d’architecture et d’arts décoratifs, les visites solitaires et entre adultes sont significativement surreprésentées (respectivement de 20 à 25 % et de 63 à 68 %). En revanche, les musées scientifiques ainsi que les musées d’histoire reçoivent une proportion significative de visiteurs accompagnés d’enfants : autour de 56 % pour la première catégorie et de 38 % pour la seconde. De telles polarisations ne sont pas sans conséquences sur le profil du public accueilli dans chaque type de musées. Dans plus de 40 % des cas, les visiteurs des milieux populaires se rendent au musée en compagnie d’enfants tandis qu’un tel comportement ne se constate que chez moins de 35 % des visiteurs des classes aisées. Également, les visiteurs solitaires et les visiteurs venus entre adultes possèdent beaucoup plus souvent un capital de familiarité muséale élevé (respectivement 49 % et 42 %) que les visiteurs venus avec des enfants qui, inversement, apparaissent le plus souvent faiblement ou très faiblement familiers des musées (55 %) (graphique 1).
Compagnie, familiarité muséale et type de musées
Compagnie, familiarité muséale et type de musées
Analyse factorielle des correspondances sur le tableau croisé.CatégoriesMusées / Compagnie4 : p=0,0 % ; chi2 = 1 056,59 ; ddl = 8 (TS)
CapFamMus / Compagnie4 : p=0,0 % ; chi2 = 179,63 ; ddl = 8 (TS)
L’axe vertical partage la carte en deux secteurs : celui des très familiers des musées (à gauche) et celui des peu familiers (à droite) ; l’axe horizontal sépare les catégories de musées : musées de beaux-arts et d’histoire (en haut), de sciences et techniques, de sociétés et civilisations, d’arts décoratifs et architecture (en bas).
8Le contexte familial conduit-il des visiteurs adultes peu habitués des musées à en franchir les portes ? Une partie de la réponse réside dans l’horizon d’attente spécifique des visites en famille. Quand la composante esthétique du rapport aux œuvres, l’apaisement que procure l’ambiance feutrée du musée ou une curiosité précise à assouvir sont les motifs anticipés de la visite solitaire, quand la perspective d’une expérience émotionnelle intense ou celle d’une confrontation de points de vue jouent pleinement dans une visite entre adultes, le projet de la visite en famille avec des enfants se conçoit d’abord comme un moment de partage, de détente et de découverte. Les musées de sciences et techniques ainsi que les musées d’histoire semblent pour l’instant y correspondre le mieux (graphique 2).
Compagnie des visiteurs et horizon d’attente
Compagnie des visiteurs et horizon d’attente
Analyse factorielle des correspondances sur le tableau croisé. La relation est très significative.p = 0,0 % ; chi2 = 501,01 ; ddl = 24 (TS)
L’axe vertical partage la carte en deux secteurs : celui des visites en famille avec enfants (à gauche) et celui des visites solitaires et entre adultes (à droite) ; l’axe horizontal est celui des différents motifs de la visite.
9Une autre partie de la réponse se découvre lors d’enquêtes qualitatives qui éclairent la manière dont les fonctions de la famille contemporaine, celles de la réussite scolaire et de l’épanouissement de l’enfant, incitent à la sortie au musée (Jonchery, 2005 et 2010). Ainsi, pour des adultes éloignés des musées, l’identité statutaire, parentale, permet cette démarche, facilite l’accès au musée et autorise à surmonter une forme de timidité culturelle. Dans la « carrière de visiteur » de chaque individu (Eidelman, Cordier et Letrait, 2009), la parentalité peut ainsi créer les conditions d’une rencontre avec la sphère muséale. Pour les enfants, ces visites familiales ont un impact dans la construction de leurs rapports au musée, sachant que leurs réactions se conjuguent à la fois à l’attitude des adultes durant la visite, aux modalités de celle-ci et aux pratiques culturelles des parents. L’enfant moteur, cible ou prétexte de la visite apparaît dans ces configurations comme un facteur de démocratisation.
Tourisme culturel et logique du changement
10Réalisée dans le contexte d’une expérimentation de six mois et ciblée sur les pratiques de visites des Français, l’enquête sur la gratuité de 2008 fait apparaître un public dont la morphologie est singulière en ce qu’elle se démarque de celle des habituels pratiquants de la « culture cultivée » : en régime de gratuité totale, les classes « supérieure et moyenne-supérieure » forment ainsi un ensemble moins important que celui composé des classes « moyenne-inférieure et populaire » (respectivement 43 % et 48 %). De leur côté, les étudiants, groupe social en devenir, représentent 9 %. De plus, la gratuité mobilise d’abord ceux dont le lien avec la culture et ses institutions est intermittent et possède un puissant effet de levier dans la fabrication de la familiarité muséale.
11En perspective, l’enquête À l’écoute des visiteurs – 2010 est réalisée en régime tarifaire ordinaire et concerne l’ensemble des visiteurs, touristes ou locaux [9]. On note que la part des primo-visiteurs est en moyenne de 53 %, pour 47 % de déjà-visiteurs. Sous l’angle de la structure sociale, les classes « supérieure et moyenne supérieure » avoisinent ensemble les 55 % tandis que les classes « moyenne inférieure et populaire » totalisent 25 %, et les élèves et étudiants 20 %. Opérant la distinction entre visiteurs de proximité (39 %), touristes nationaux (30 %) et touristes étrangers (31 %), il apparaît (sans surprise) que la part des primo-visiteurs est la plus importante parmi les touristes étrangers [10]. D’autres dissemblances affleurent à l’échelle du seul public français : tandis que le public local se recrute principalement au sein des couches supérieures, les touristes nationaux proviennent plus souvent des couches populaires représentant en moyenne 32 % au lieu de 23 % parmi le public de proximité (graphique 3).
Primo et déjà-visiteurs : origine géographique et sociale
Primo et déjà-visiteurs : origine géographique et sociale
Analyse factorielle des correspondances sur le tableau croisé. La relation est très significative.Première visite / groupe social : p= < 0,1 % ; chi2 = 133,19 ; ddl = 5 (TS)
Locaux et touristes/ groupe social : p = 0,0 % ; chi2 = 146,24 ; ddl = 10 (TS)
L’axe vertical partage la carte en deux secteurs : celui des primo-visiteurs (à gauche) et celui des déjà-visiteurs (à droite) ; l’axe horizontal sépare les touristes (en haut) et des locaux (en bas).
12C’est ainsi que se révèle une double dynamique de construction du public des musées : la reproduction et le changement. La reproduction du public se réalise à l’échelle du local via les milieux diplômés et aisés où se recrute d’abord un public de fidèles, tandis que le changement et la diversification s’effectuent via un tourisme national populaire plus volatile.
13C’est à la nature complexe de l’identité de visiteur construite et vécue par lui qu’il faut imputer une quasiabsence de traces de ce double processus dans Pratiques culturelles des Français. Si le protocole méthodologique de cette enquête parvient bien à réduire le risque de surdéclaration des pratiques réelles, par contre il estompe ce bluff culturel renversé, qui est celui de leur sous-estimation (Eidelman, 2010). Pratiquants à éclipse, ceux qui visitent en touriste – aux deux sens du terme – ne se reconnaissent pas en visiteurs de musée alors qu’ils constituent une part de plus en plus substantielle du public. Transformation lente, mais bien réelle.
14À partir de ces différents relevés, trois vecteurs de transformation de l’audience des musées se formalisent : pragmatisme des jeunes visiteurs mobilisés par la gratuité, consolidation de l’identité parentale chez les peu-visiteurs, développement du tourisme culturel populaire. Le découplage entre un changement qui se lit in situ dans les établissements et une apparente immobilité à l’échelle de la population nationale est résolu lorsqu’on met en vedette un individu dont les relations avec la culture et les institutions muséales sont complexes et fluctuantes. Bref, on ne naît pas visiteur, on l’est différemment et plus ou moins à chaque cycle de la vie et aux différents temps sociaux. De jeunes adultes, dont la familiarité avec les musées se construit, visitent entre pairs des musées d’art ; en visite familiale, les 35-44 ans peuplent les musées scientifiques ; les musées de civilisations ainsi que les musées d’histoire constituent une destination fréquente pour les plus de 50 ans, avec, dans les premiers, un public très diplômé, venant seul ou en couple et résidant à proximité, et, dans les seconds, un public venant en nombreuse compagnie, moins diplômé, issu des milieux populaires et en voyage de découverte touristique. Cependant, seules, entre amies, en couple, ou avec des enfants, les femmes sont plus présentes partout quel que soit leur âge et tout en étant moins diplômées que les hommes. Ce dernier aspect est une autre marque des changements en cours.
Bibliographie
Références bibliographiques
- Bigot, R., « Les classes moyennes sous pression », Consommation et Modes de vie, no 219, mars 2009. En ligne sur <http://www.credoc.fr/pdf/4p/219.pdf>, consulté le 05/07/2011.
- Ciccheli, V., « Les jeunes adultes comme objet théorique », Recherches et Prévisions, no 65, 2001, p. 5-18.
- Cour des Comptes, Les Musées nationaux après une décennie de transformation. 2000-2010, Paris, La Documentation française, 2011. En ligne sur <http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPT/Rapport_public_thematique_musees_nationaux_mars_2011.pd>, consulté le 05/09/2011.
- Donnat, O., Les Pratiques culturelles des Français à l’ère numérique. Enquête 2008, Paris, La Découverte, Ministère de la Culture et de la Communication, 2009.
- Eidelman, J., Cordier, J.-P. et Letrait, M., « Musées et patrimoines : catégories administratives, catégories de la recherche et catégories spontanées » in Donnat, O. (dir.), Regards croisés sur les politiques culturelles, Paris, La Découverte, Ministère de la Culture et de la Communication, 2003, p. 189-205.
- Eidelman, J., Roustan, M. et Goldstein, B. (dir.), La Place des publics. De l’usage des études et recherches par les musées, Paris, La Documentation française, coll. « Musées-Mondes », 2008.
- Eidelman, J. et Céroux, B., « La gratuité dans les musées et monuments en France. Quelques indicateurs de mobilisation des visiteurs », Culture études, no 2, mars 2009. En ligne sur <http://www2.culture.gouv.fr/culture/deps/2008/pdf/Cetudes-09_2.pdf>, consulté le 05/07/2011.
- Eidelman, J., « Du non public des musées aux publics de la gratuité », Loisir & Société, vol. 32, no 1, 2010, p. 173-200.
- Eidelman, J. et Jonchery, A., À l’écoute des visiteurs – 2010. Rapport de l’enquête dans les musées nationaux, Département de la Politique des publics, Direction générale des Patrimoines, Ministère de la Culture et de la Communication, 2011.
- Fleury, L., Sociologie de la culture et des pratiques culturelles, Paris, Armand Colin, 2006.
- Ghlamallah, S., Le Musée et la quête de soi, Mémoire de master 2 recherche, Université Paris-Descartes, 2010.
- Jonchery, A., Quand la famille vient au musée : des pratiques de visites aux logiques culturelles, Thèse de doctorat sous la dir. de M. Van-Praët, Muséum national d’Histoire naturelle, 2005.
- Jonchery, A., « Enfants et musées : l’influence du contexte familial dans la construction des rapports aux musées pendant l’enfance » in Octobre, S. (dir.), Enfance & Culture. Transmission, appropriation et représentation, Paris, La Documentation française, 2010.
- Lahire, B., La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », 2004.
- Rouet, F. (dir.), Les Tarifs de la culture, Paris, La Documentation française, 2002.
Mots-clés éditeurs : visites de musées, musées, gratuité, publics
Mise en ligne 23/11/2013
https://doi.org/10.3917/herm.061.0052Notes
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[1]
Les musées nationaux sous tutelle du ministère de la Culture et de la Communication sont actuellement au nombre de 40, dont 37 ouverts à la visite en 2009 et 35 en 2010. Leur statut est soit celui d’un établissement public jouissant d’une certaine autonomie (tels les musées du Louvre, d’Orsay, du Quai Branly ou le domaine de Versailles), soit un service à compétence nationale géré par la Réunion des Musées nationaux (tels le Musée national du Moyen Âge, le musée-château de la Renaissance à Écouen ou le Musée Fernand Léger à Biot).
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[2]
L’ensemble des chiffres de fréquentation cités dans cet article sont issus du Département de la Politique des publics de la Direction générale des Patrimoines (ministère de la Culture et de la Communication). On pourra en consulter l’essentiel dans Muséostat – 2009, en ligne sur le site du ministère de la Culture et de la Communication.
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[3]
Les musées nationaux font partie de l’ensemble plus large des « Musées de France », appellation issue de la Loi Musées 2002, et qui chaque année est attribuée par le Haut conseil des Musées de France, indépendamment du statut de l’établissement, mais en fonction du respect de critères spécifiques dont l’inaliénabilité des collections, la nature du projet culturel et scientifique et l’existence d’un service des publics. En 2009, leur nombre s’élève à 1 213.
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[4]
La croissance de la population française correspond à un peu moins de 7 % sur la décennie (selon l’INSEE) et le volume des touristes étrangers sur le territoire national était estimé à 77 millions en 2000, mais seulement à 74 millions en 2009.
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[5]
Nous ne discuterons pas ici de ce résultat qui renvoie notamment à la définition des catégories de classement des destinations de sortie à la lumière des pratiques effectives et non seulement aux catégories administratives (voir Eidelman, Cordier et Letrait, 2003).
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[6]
Taille des échantillons : « Expérimentation de la gratuité – 2008 » : n = 6 645 questionnaires. Enquête « Les 18-25 ans et la gratuité – 2009 » : n = 3 000 questionnaires. Enquête À l’écoute des visiteurs – 2010 : n = 6 818 questionnaires. Il s’agit d’enquêtes par questionnaires, en face-à-face pour la première et selon le protocole auto-administré-assisté pour les deux suivantes. Les trois études mettent à l’épreuve deux indicateurs en particulier : le groupe social construit sur un faisceau d’informations intégrant situation professionnelle, profession exercée actuellement ou par le passé, niveau de certification et classe d’âge, et éventuellement le revenu ; le capital de familiarité muséale qui repose sur un ensemble d’informations relatives à la diversité et la périodicité de la fréquentation.
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[7]
Au titre des gratuités catégorielles, on mentionnera celles accordées aux moins de 18 ans, aux personnes dont les ressources se réduisent aux minima sociaux, aux visiteurs en situation de handicap moteur, visuel, auditif ou psychique et à leurs accompagnateurs, à certains groupes professionnels… Depuis 2009, la gratuité est également accordée dans les musées nationaux aux 18-25 ans résidants dans un des pays de l’Union européenne et aux enseignants du primaire et du secondaire.
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[8]
Voir, à propos des visites d’accompagnement, Ghlamallah, 2010.
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[9]
En 1998, on estimait à 34 % la proportion des touristes étrangers (Olivier Bouquillard et Sébastien Leroy, Synthèse, Direction des Musées de France, Ministère de la Culture et de la Communication, no 5, avr. 2000).
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[10]
Le protocole d’enquête avec ses questionnaires en six langues – français, anglais, allemand, italien, espagnol et portugais – permet d’avoir une vue assez représentative d’un public de basse et moyenne saison touristique (octobre-novembre, incluant les congés de la Toussaint).