Notes
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[1]
Recherche effectuée avec le moteur PubMed, <http://www.ncbi.nlm.nih.gov/sites/entrez>.
- [2]
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[3]
Voir <http://www.plos.org>.
- [4]
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[6]
Voir <http://code.google.com/intl/fr>.
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[7]
Notamment la distribution Linux scientifique, <https://www.scientificlinux.org>.
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[8]
Voir <http://www.r-project.org>.
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1Plus de 800 000 articles de biologie ont été publiés en 2008 dans des revues internationales, soit un doublement en dix ans [1]. Accélération de la recherche ou simplement de la diffusion des connaissances ? Difficile de trancher mais une chose est sûre, cette augmentation des publications est liée à celle du libre accès.
2En effet, les rythmes et modes de publication diffèrent beaucoup selon les disciplines. Si les mathématiciens publient peu, en biologie il existe plusieurs milliers de revues internationales avec comités de lecture. Pour les maisons d’édition, il s’agit d’une affaire rentable car non seulement des scientifiques évaluent gratuitement les articles soumis (ou du moins ce ne sont pas les éditeurs qui les rémunèrent pour ce travail), mais en plus les auteurs payent le plus souvent pour être publiés. Inutile de préciser que l’accès à la revue (édition papier et/ou électronique) coûte lui aussi cher aux institutions de recherche et que ce prix est en augmentation [2].
3Récemment, des éditeurs comme la Public Library of Science (PLoS [3], organisation à but non lucratif) ont pris le contre-pied de ce mouvement en créant des revues gratuitement accessibles, tout en maintenant une évaluation de qualité par les pairs (notamment PLoS Biology). À première vue, on peut s’interroger sur l’effet de l’accès gratuit aux revues. Pour les chercheurs des pays du Nord, la différence semble minime. En revanche, dans les pays du Sud, l’effet est nettement plus palpable car les chercheurs n’ont pas les crédits de recherche suffisants pour souscrire des abonnements. D’expérience, on reçoit plus d’emails demandant une copie d’article quand celui-ci n’est pas en Open Access. Ces emails proviennent le plus souvent de pays ou d’institutions moins bien dotés. Ceci explique pourquoi des études montrent un impact du libre accès sur la diffusion d’un article [4].
4En biologie, la plupart des revues ont suivi le mouvement initié par PLoS et proposent la publication en Open Access. Première explication : des chercheurs ont été séduits par ce mode de publication parce qu’il permet de mieux diffuser leurs recherches (en mettant leurs articles sur leurs sites Web par exemple), mais aussi parce qu’il reflète une certaine vision de la recherche fondée sur l’échange et la coopération. La seconde raison, pour les éditeurs, est pécuniaire car publier en Open Access coûte plus cher aux auteurs (2 500 $ en moyenne). Les auteurs doivent alors prendre à leur charge l’intégralité des frais de publication.
5Cependant, la publication en Open Access a ses limites, en partie illustrées par la revue PLoS One. En effet, chacun peut publier ce qu’il veut en Open Access : il suffit pour cela de poster le texte sur un site Web et de rajouter un logo et un lien vers le site de Creative Commons. Le Web étant très archivé, on peut facilement vérifier à quelle date un document a été posté. Ainsi présenté, le problème est clair : sans évaluation par les pairs, quel crédit accorder à un tel article ? Ce problème est le même que celui de PLoS One, qui publie tout article pour peu qu’il soit original et sans erreur. Certes les articles sont envoyés à des pairs (les référés), mais les motifs de refus de publication étant très restreints et les thématiques de la revue très larges, peu d’articles se voient dans la pratique refusés. Vu l’augmentation du nombre d’articles publiés, faciliter la publication n’est peut-être pas la solution idéale (même s’il faut reconnaître que le système de référés actuel a ses limites).
De l’accessibilité des bases de données
6Le libre accès joue sur la production de la recherche. L’archivage et la recherche d’articles publiés sont essentiels aux chercheurs et on distingue des sites en libre accès et des sites à accès payant. Au niveau des recherches simples (par titre, auteur, revue, date de publication), ces bases de données sont équivalentes. Les différences apparaissent au niveau des revues cataloguées. Un site à accès payant tel que le Web of Science répertorie un nombre limité de revues tandis que le site en accès libre Google Scholar est moins restrictif. De plus, les sites restreints offrent d’autres gadgets tels que la détermination des facteurs d’impacts des revues (et même des chercheurs). Le calcul de ces facteurs relève d’une obscure alchimie basée sur le nombre de fois où les articles sont cités. Présentés comme un moyen d’améliorer la bibliométrie (pratique qui consiste à évaluer les chercheurs via la longueur de leur liste de publications), ces facteurs d’impact sont biaisés en faveur des sciences biomédicales et appliquées (qui publient davantage) et au détriment de la recherche plus fondamentale. Est-ce un hasard si ces « plus » des bases de données à accès payant sont quelque peu en contradiction avec la vision coopérative de la recherche évoquée plus haut ?
7Le libre accès aux bases de données ne concerne pas que les articles. Par exemple, la base de données GenBank, qui est en accès libre, recense toutes les séquences ADN de gènes connus ainsi que les protéines correspondantes. Ceci permet à tout chercheur ayant une séquence ADN de repérer les gènes qu’elle contient et de connaître le type de protéine codé par chaque gène. D’autres bases de données sont plus spécifiques. Ainsi, pour ce qui est du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), la base de données du National Institue of Health aux USA permet d’accéder à des séquences ARN de virus ou même à des données sur les essais cliniques de vaccins. L’accès aux données cliniques est une source de pouvoir en biologie. La mutualisation des données a donc pour conséquence de multiplier le nombre de chercheurs travaillant sur le sujet. Dans le cas du VIH, l’enjeu est évident.
8D’un point de vue pratique, la mise en place des « wikis » (le plus célèbre étant Wikipedia) permet de renforcer la coopération entre chercheurs. Ainsi, le wiki OpenWetWare [5] permet aux chercheurs en biologie moléculaire de partager leurs savoir-faire et protocoles expérimentaux. Pour les théoriciens des sites, un site tel que Google Code [6] permet de déposer ses programmes en accès libre afin de faciliter leur diffusion et amélioration.
Logiciels libres : un bol d’R
9Un aspect essentiel du libre accès est celui des logiciels libres et, dans une moindre mesure, des systèmes d’exploitation libres [7]. Les demandes des scientifiques étant pointues, il existe de nombreux logiciels freeware mis au point par des experts du champ pour leurs collègues. L’exemple le plus marquant de ces dernières années est celui de R [8]. Ce logiciel, développé à l’origine par des chercheurs de sciences humaines comme outil de statistiques, est aujourd’hui un des logiciels les plus couramment utilisés, même dans des sciences « inhumaines » (biologie, physique…). Sa particularité ? Une conception modulaire qui permet à tout chercheur de développer une extension permettant d’étudier des problèmes particuliers. Ainsi, le module Ape permet de travailler avec des phylogénies. Le succès de R s’explique en partie par son interface minimaliste et par la possibilité d’utiliser un même logiciel pour différents types d’analyses. Mais il n’est sans doute pas anodin que R soit fondé (et même dépende) de la coopération entre scientifiques.
10Pour conclure, il n’est pas surprenant que le libre accès soit au cœur de la recherche car tous deux sont fondés sur la notion de coopération. Il est intéressant de noter que les logiciels libres et l’Open Access rencontrent un important succès dans la communauté alors même que dans la plupart des institutions de recherche, l’accent est mis sur ce qui est pudiquement appelé valorisation de la recherche. Que ce soit via les start-up associées aux universités, ou les institutions de recherche telles que le CNRS en France, les chercheurs sont encouragés à breveter tout ce qu’ils peuvent. Une fois publiée, une découverte ne peut plus être brevetée et beaucoup sont frustrés de cette évasion hors de la sphère marchande. La méthode par laquelle s’effectue la recherche n’est pas neutre. L’utilisation des logiciels libres peut être vue comme une attitude militante des chercheurs, telle que l’appelait de ses vœux Pierre Bourdieu [9], attitude opposée à la logique de marchandisation. Cette idée se retrouve aussi au niveau de la diffusion de la recherche : favoriser l’accès de tous aux publications scientifiques permet de mieux répartir le pouvoir inhérent à la production du savoir.
Notes
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[1]
Recherche effectuée avec le moteur PubMed, <http://www.ncbi.nlm.nih.gov/sites/entrez>.
- [2]
-
[3]
Voir <http://www.plos.org>.
- [4]
- [5]
-
[6]
Voir <http://code.google.com/intl/fr>.
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[7]
Notamment la distribution Linux scientifique, <https://www.scientificlinux.org>.
-
[8]
Voir <http://www.r-project.org>.
- [9]