Notes
-
[1]
La réflexion tournant autour des questions de défense et de sécurité n’a d’ailleurs aucune difficulté à se saisir de ce thème et à y appliquer ses catégories. Et c’est en partie à l’horizon de ces questions que nous plaçons notre propos. Voir par exemple le Dossier « Les guerres de la culture. Culture, économie et puissance au xxie siècle », in Revue Française de géoéconomie, n° 10, été 1999, ou Jean-Michel Valentin, « Cinéma américain et représentations stratégiques », in Le débat stratégique, n° 51, juillet 2000.
-
[2]
Cette expression fut prononcée lors d’une conférence de presse à New York le 17 décembre 2001.
-
[3]
Et dont la version hégémonique postule que l’homogénéisation culturelle mondiale est la condition de possibilité de l’hyperpuissance américaine. Mais surtout le discours de l’exception culturelle française est un discours masquant et légitimant les intérêts nationaux liés à l’exception culturelle tout court ; de même que dans la réactivation récente du débat, l’appel de Jean-Marie Messier à la diversité culturelle sert à renégocier la participation des différents groupes au financement du cinéma national. Ce lien rendu indissociable entre les intérêts et les valeurs est tout à fait typique de la modernité occidentale.
-
[4]
Voir par exemple « War Chores for H’w’d – White House, moguls agree to set up showbiz efforts », The_Daily_Variety.com du 11 novembre 2001, ou Claudine Mulard, « Les sept commandements adressés à Hollywood par la Maison Blanche », Le Monde du 13 novembre 2001, p. 1.
-
[5]
Ce faisant, nous excluons volontairement deux démarches. Une autre solution pourrait consister en une sociologie politique de la production cinématographique qui analyserait les interactions entre les acteurs politiques et les producteurs de l’ entertainment, mais elle n’est pas à notre portée ici. De même, il faudrait in abstracto engager une sociologie des interactions entre les messages émis et les divers groupes de spectateurs. Si nous nous situions dans le cadre d’une théorie de la communication, il serait indispensable de tenir compte et de rendre compte de la réception des représentations.
-
[6]
Il n’existe pas de base de données des divers éléments visuels constitutifs des films produits aux États-Unis. Ainsi, les films mentionnés ici sont ceux que nous avons pu voir et que nous avons sélectionnés car ils comprenaient une mise en images ou en discours des satellites. Cet ensemble n’a donc aucune prétention à l’exhaustivité, mais l’on peut raisonnablement penser que le nombre de films se situe autour de la vingtaine. Par ailleurs, lorsque nous parlons du cinéma américain, ou des films distribués, nous entendons de façon restrictive les films distribués internationalement. Il existe tout un ensemble de films qui ne sont distribués qu’aux États-Unis et sont ensuite diffusés directement dans le « circuit vidéo ».
-
[7]
On doit également mentionner Le Blob de Chuck Russel (1988), remake du Blob de Irvin Yeaworth de 1958. Dans les deux films, le « Blob » en question, comme l’indique le mot en anglais, est une substance gélatineuse qui recouvre progressivement toute une ville et « digère » tout ce qui est vivant. Mais alors que le « Blob » de 1958 n’était qu’une forme inédite de vie extra-terrestre échouée comme tant d’autres sur le sol américain, le « Blob » de 1988 se trouve être le résultat d’une expérience bactériologique militaire secrète cachée dans un satellite américain qui s’est malencontreusement écrasé au sol, libérant le germe qui a muté au passage.
-
[8]
Dans la suite de cet article, nous nous contentons la plupart du temps, afin de ne pas surcharger le texte, de mentionner le titre du film, sa date et parfois le réalisateur ou l’acteur principal. Le lecteur trouvera en fin d’article des références plus précises film par film. Pour obtenir rapidement des synopsis, des recensions de critiques, etc., le site de référence est http://us.imdb.com, ou le site www.allocine.fr pour les films plus récents.
-
[9]
Le titre français sous lequel ce film fut distribué était Charlie et ses drôles de dames, mais nous reprenons le titre original dans les tableaux pour sa brièveté.
-
[10]
« Le terme de diégèse, proche mais non synonyme d’histoire (car d’une portée plus large), désigne l’histoire et ses pourtours, l’histoire et l’univers fictif qu’elle présuppose (ou “post-suppose”), en tout cas qui lui est associé (…). Ce terme présente le grand avantage d’offrir l’adjectif “diégétique” (quand l’adjectif “historique” s’avère inutilisable) », François Vanoye et Anne Goliot-Lété, Précis d’analyse filmique, Paris, Nathan Université, 128 p., citation p. 31.
-
[11]
On parle volontiers, à propos des romans de Tom Clancy comme de ces films centrés sur l’espionnage technologique, de techno-thrillers, la psychologie des personnages ou la perversité des trames romanesques cédant le pas à la précision et l’exactitude des outils techniques et des matériels militaires mis en scène.
-
[12]
Entre Jeux de guerre et le premier James Bond post-Guerre froide, Goldeneye (1995), s’intercalent Piège en haute mer et Piège à grande vitesse, dont le héros incarné par Steven Seagal est un ancien commando des forces spéciales confronté à des détournements (d’un destroyer puis d’un train) effectués par d’autres commandos des forces spéciales.
-
[13]
Au contraire, l’ordinateur peut parfois être un simple portable, comme dans Mission : Impossible 2.
-
[14]
Les armes figurées sont toujours fantaisistes. Ainsi l’impulsion électromagnétique des satellites nommés Goldeneye peut être focalisée sur un point particulier du sol, ou les armes nucléaires que découvrent les astronautes dans Space Cowboys ne sont rien moins que des missiles intercontinentaux montés en silo, silo qui se trouve lui-même en orbite, pointé vers la planète. Mais la « palme » revient au satellite de Piège à grande vitesse, qui est dédié à générer des tremblements de terre, et que les méchants utilisent de surcroît pour détruire un avion en plein ciel…
-
[15]
Par exemple Mission : Impossible 2 ou Charlie et ses drôles de dames.
-
[16]
« Séquence qui montre en alternance deux (ou plus de deux) actions simultanées », in Francis Vanoye et Anne Goliot-Lété, op. cit., p. 29.
-
[17]
Nous sommes conscients ici des limites de cette interprétation simplement formelle et à visée politique au regard de ce que produirait une analyse sémiologique poussée, ou un exercice d’analyse filmique. La signification intrinsèque des contre-plongées, les codes de couleurs, les significations émotives des mouvements de caméra, etc. seraient pour l’analyste sans aucun doute source d’interprétation, et nous espérons pouvoir plus tard joindre de tels outils d’analyse aux nôtres.
-
[18]
Voir les tableaux 1 et 2. Il est tout à fait possible que la mise en scène si tardive de satellites en orbite ne corresponde qu’à l’évolution des technologies de l’image : peut-être a-t-il simplement fallu attendre le milieu des années 1990 pour que les images de synthèse soient en mesure de représenter des satellites en orbite. À titre indicatif, Toy Story sortit en 1995 et Fourmiz en 1998.
-
[19]
La nature du satellite représenté dans Independance day est indéterminée. Par ailleurs, certains films montrent les satellites se déplaçant comme des avions tels les satellites Goldeneye.
-
[20]
À la rigueur, le seul film qui corresponde vraiment au modèle d’un cinéma visant à accréditer des éléments de puissance est le premier d’entre eux, Jeux de guerre, dont on a dit à quel point il est atypique par rapport à ses successeurs. Dans ce film sans doute, suivant en cela les romans de Tom Clancy lui-même, un certain nombre d’allusions sont faites à des technologies existantes. Mais d’emblée le film se distingue malgré tout des œuvres du romancier, qui s’en tient toujours scrupuleusement à l’état réel des technologies, pour suggérer l’idée d’une capacité de filmer depuis l’espace des scènes au sol.
-
[21]
Voir par exemple Jean Guisnel, « Le mariage du cinéma et de l’US Army », Le Point, n° 146, 27 août 1999, p. 95.
-
[22]
Ici ressurgit toute la difficulté à avoir exclu de notre analyse la réception des représentations par le public, ou plutôt la variété des publics. Que les représentations soient réalistes ou délirantes, sont-elles perçues (et par qui) comme réalistes ou délirantes ? Même si le public n’est pas dupe, n’en retire-t-il pas une impression générale de puissance, ou ne peut-il légitimement supposer que de tels outils existent bel et bien, même s’ils ne ressemblent pas à ce qu’on lui a montré ? Y a-t-il des perceptions nationales repérables ? Ces questions devront être affrontées plus tard, mais elles dépassent les limites que nous nous sommes fixées dans ce texte.
-
[23]
Lorsqu’on a reconnu le lien entre la NASA et le film de Kubrick, ou le rôle attribué à Top Gun, ou encore que les scénaristes de Ennemi d’État ont reçu des conseils de la National Security Agency qui est en cause dans le film, rien n’implique encore la prise en compte du champ international et la question de l’exportation du cinéma et des représentations qu’il véhicule.
1Depuis l’Uruguay Round et les débats qui eurent lieu lors de l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), le cinéma est conçu comme l’un des points de visibilité privilégié, voire comme l’un des enjeux majeurs, de la question de l’homogénéité culturelle posée par la mondialisation. Et ces discours généraux sur la culture et le cinéma, qui lient la mondialisation à la question d’une américanisation de la culture, renferment un discours plus circonscrit et plus particulier. L’industrie cinématographique américaine serait en partie assujettie à d’autres puissances et à d’autres intérêts que commerciaux : le pouvoir politique américain, l’ « Administration » ou encore le « complexe militaro-industriel ». Pour employer une formulation métaphorique commode, Washington utiliserait Hollywood pour diffuser un certain nombre de représentations destinées à accréditer l’idée de la toute-puissance militaire, politique et technologique américaine. D’emblée, les catégories structurant plus ou moins explicitement ces discours sont celles de la politique internationale : puissance, hégémonie, domination, stratégie, résistance [1]...
2Par ailleurs ces deux discours, ont montré récemment l’un et l’autre leur actualité. Le thème de l’exception culturelle française est le contrepoint de celui de la domination américaine, ou de l’uniformisation des cultures présentes dans le monde. Or, une polémique s’est déployée fin décembre 2001 et début janvier 2002 autour d’un propos de Jean-Marie Messier, que l’on peut résumer à : « l’exception culturelle à la franco-française est morte » [2]. Notre propos n’est pas ici d’explorer une telle polémique ni d’en discuter les différentes positions, mais nous voudrions simplement faire une suggestion : le glissement du terme « exception culturelle » (l’idée d’une irréductibilité de la culture aux autres objets de négociation internationale) à celui d’ « exception culturelle française » (l’idée d’une spécificité de la culture française au regard de toutes les autres) est une autre expression du continuum que nous ne cessons de tracer entre culture et puissance [3]. Les rapports entre Hollywood et Washington ont eux aussi été réactualisés dans le sillage des événements de septembre 2001. Après avoir brutalement enjoint Hollywood de ne pas diffuser les films catastrophe qui étaient programmés pour l’automne, puis après avoir annoncé la rocambolesque participation de scénaristes à l’élaboration de nouveaux scénarios terroristes que les appareils de sécurité américains n’auraient pas prévus, Washington s’est borné — geste d’apaisement — à proposer aux moguls, nouveau nom des grands patrons des majors, une liste de thèmes qui pourraient s’accorder avec la politique antiterroriste engagée [4]. Ce dernier cas infère un doute sur la sujétion de Hollywood à Washington. Le caractère indéfini et vague des demandes formelles adressées finalement par l’exécutif aux patrons de Los Angeles montre que l’on est loin de la propagande de la Seconde Guerre mondiale ou de la Commission sur l’ Unamericanism des années McCarthy.
3Ce que nous souhaitons discuter ici est précisément cette question de l’instrumentalisation éventuelle du cinéma au profit de la puissance politique américaine, par l’imposition de représentations de cette puissance. Pour cela nous avons choisi de nous confronter à la représentation particulière d’un facteur de puissance politique et militaire concret dans le cinéma, en partant des films eux-mêmes [5]. Ainsi, nous pourrons estimer à partir d’un cas précis si ce schème de l’instrumentalisation se vérifie ou non.
4Nous avons choisi d’étudier les satellites. En effet, dans le monde réel, l’espace circumterrestre est désormais l’un des lieux privilégiés de déploiement de la puissance, et le satellite l’un des vecteurs essentiels de celle-ci. Hors des films où ils peuvent apparaître, les satellites sont devenus des objets connus, montrés (dans des publicités de presse écrite, ou télévisuelles, des reportages), et reconnus comme indissociables de notre civilisation technologique. Fournisseurs de bouquets numériques, de positionnement des voitures haut de gamme, de communications téléphoniques, les satellites, nous dit-on, nous permettent de voir des étoiles et des galaxies méconnues jusqu’alors, de surveiller notre atmosphère, de cartographier nos cultures et nos fonds sous-marins. On nous a encore expliqué à quel point les satellites nous protègent, nous permettent d’intervenir militairement dans des zones reculées de la planète, etc. Et ceux qui, au-delà de ces représentations courantes, s’intéressent à eux, savent à quel point ils sont indissociables de notre supériorité militaire sur le reste du monde. Nous proposons donc de retenir ce vecteur de la puissance pour retracer le cheminement de sa représentation dans le cinéma.
5Nous avons par ailleurs borné notre étude à la décennie quatre-vingt-dix. En effet, il apparaît que cette représentation se déploie de 1992 à nos jours. D’un côté, les satellites deviennent d’authentiques objets cinématographiques en aval de la fin de la Guerre froide, et nous montrerons que cela est largement indépendant de variables politiques. D’un autre côté, il est vraisemblable que les événements de l’automne 2001 marqueront un tournant dans le cinéma d’action en général. Nous nous intéresserons donc aux films qui ont, d’une façon plus ou moins explicite et centrale, fourni une représentation à la fois visuelle et discursive des satellites et de leurs capacités dans des films qui, outre leur visée commerciale, et leur public « populaire », sont pour la plupart perçus comme des « films d’action ».
Le déploiement d’une représentation des satellites
6Le nombre de films fournissant une représentation visuelle des satellites, ou développant un discours sur eux, n’est en soi pas impressionnant : quinze films diffusés de 1992 à 2000 sont ici mobilisés pour notre analyse [6]. Ce nombre n’est pas insignifiant pour autant. En effet, avant 1992, l’espace est certes un thème récurrent du cinéma, débordant largement le genre de la science-fiction, mais l’espace, même précisément circumterrestre, est principalement un espace habité. Le satellite, objet inanimé et sans âme, n’est alors pas mis en scène, à de rares exceptions comme Les diamants sont éternels [7] , de la série James Bond [8].
Variété dans le déploiement de la représentation [9]
Variété dans le déploiement de la représentation [9]
Note : la date correspond à la date de sortie aux États-Unis, les films étant classés chronologiquement au sein de chaque année ; le genre espionnage comprend des films assez différents, du pur film d’action (Piège en haute mer) au thriller (Jeux de guerre), en passant par le style « James Bond » (Goldeneye, Le Pacificateur).7La grande diversité des genres de films qui se sont emparés des satellites au cours de la décennie est en revanche plus significative. Le premier film à considérer le satellite comme un élément à part entière de la diégèse [10], voire comme un second rôle décisif fut Jeux de guerre en 1992, adaptation de l’un des premiers romans de Tom Clancy [11]. Ainsi, le premier genre dans lequel se déploie le thème des satellites est le genre espionnage et ses dérivés « musclés » [12]. Les satellites demeurent ensuite un thème lié à l’espionnage (Le Pacificateur ou Ennemi d’État), mais il se diffuse à d’autres genres, à commencer par le pur film d’action (À armes égales ou Mission : Impossible 2). Ensuite, il contamine, en quelque sorte, la science-fiction : des films mettant en scène un futur proche (Los Angeles 2013) ou l’intervention d’extra-terrestres dans le présent (Independance Day et Men in Black). De la reprise récente d’une série culte (Charlie et ses drôles de dames) à l’inclassable et fantastico-gothique série de Batman (Batman et Robin) en passant par le film de guerre satirique (Les rois du désert) ou le décalé Space cowboys (qui se situe dans la lignée des « films de NASA » comme L’étoffe des héros ou Apollo 13), le thème des satellites ne semble pas avoir de place assignée, bien que son utilisation privilégiée demeure l’espionnage.
8Il convient par ailleurs de noter que ce déploiement n’est pas homogène dans le type de satellites représentés, ni dans l’importance que ceux-ci ont dans la trame diégétique des films. En effet, trois types sont présents : les satellites d’observation, les satellites de communication et les satellites « armes dans l’espace » (cette dernière expression étant littérale en l’occurrence : des armes situées dans l’espace destinées à détruire des objectifs au sol). Dans la réalité, les armes dans l’espace ne désignent pas exactement ce que ces films donnent à voir, et sont beaucoup moins nombreuses que les satellites d’observation et de communication. Cette dernière catégorie est ici singulièrement sur-représentée. Par ailleurs, la place des satellites dans ces films peut aller de l’enjeu principal de la trame romanesque (une arme à annihiler dans Goldeneye ou à utiliser dans Los Angeles 2013) à la simple incidente (des téléphones cellulaires dans le désert irakien des Rois du désert), en passant par l’outil technologique privilégié, quasi-magique, permettant de voir n’importe où, de suivre un individu, de retrouver une personne perdue, etc.
La stabilisation d’un code visuel
9Considérés dans leur ensemble, ces films produisent un système de signes relativement cohérent. La constitution de ce code visuel et discursif s’opère par la combinaison de plusieurs éléments. Les films donnent à voir des vues de satellites en orbite autour de la terre (en images de synthèse) auxquelles sont liées des représentations figurées des satellites sur des écrans de contrôle. Ceux-ci se trouvent la plupart du temps dans de sombres et gigantesques war rooms, reprenant le code visuel instauré par Jeux de guerre [13]. Les films montrent aussi ce que produisent les satellites : des représentations du sol sous forme de cartes ou de photographies, des films à la verticale d’événements au sol, ou encore l’effet des armes placées dans l’espace, des rayons ou des impulsions électro-magnétiques [14]. Enfin, certains films donnent à entendre des discours sur les satellites, leurs fonctions, leurs capacités, leur manœuvrabilité, etc. Il s’agit même parfois de dialogues dans lesquels l’ordinateur de contrôle voire le satellite lui-même sont personnifiés, et auxquels un personnage peut s’adresser [15].
Éléments de la représentation des satellites
Éléments de la représentation des satellites
10Bien qu’elle s’enrichisse à mesure que les films la reprennent, ou que l’on observe quelques variations par rapport à ses principales dimensions, très vite la représentation des satellites d’observation se stabilise. Une séquence-type s’est peu à peu constituée : un personnage émet un discours sur l’utilité du satellite pour retrouver une personne, suivre la trace d’un véhicule, etc. ; on voit une console de contrôle sur laquelle la zone géographique en question est figurée ; on voit ensuite sur cette même console un satellite figuré autour du globe terrestre (souvent de l’image filaire, parfois de l’image pleine en trois dimensions) ; le contrôleur donne un ordre de déplacement au satellite pour qu’il atteigne son objectif ; on voit alors le satellite figuré sur la console se déplacer ; à ce moment intervient une vue du satellite en orbite lui-même, soit en train de faire une rotation vers la « caméra », soit en train de changer de direction conformément à l’ordre ; enfin la console affiche le résultat de l’observation (image, carte, film). L’enchaînement de ces plans peut se démultiplier à l’intérieur de la séquence.
11La difficulté réside ici dans la capacité de rendre à la fois la diversité des images proposées et leur relative unité. Chaque élément du code visuel que nous avons ébauché devrait être étudié spécifiquement. Les cartes et les traces du satellite, la figuration des globes terrestres sur les consoles, l’esthétique des satellites eux-mêmes tels qu’ils sont montrés en orbite, l’allure des antennes paraboliques qui les contrôlent ou encore la décoration des war rooms font spécifiquement l’objet d’une stabilisation visuelle au sein de laquelle les cinéastes produisent leurs variations, et mériteraient chacun une analyse sémiotique. Il faudrait s’attarder sur quelques séquences singulières ou originales, comme le satellite échoué sur le sol libyen dans G.I. Jane, objet montré et non plus figuré en images de synthèse, mais mort (déchu). Ou cet incroyable plan-séquence de Mission : Impossible 2 qui exprime parfaitement le jeu croisé des mises en abyme propres à ces représentations : l’image du sol et la figuration du sol à l’intérieur même du film, l’image du satellite et sa représentation à l’intérieur de la diégèse, le lien entre la terre et le ciel, et retour du ciel à la terre par l’entremise d’un système de figurations en cascades.
12Ce plan-séquence — on doit bien l’appeler ainsi, bien qu’il soit presque exclusivement composé d’images de synthèse et qu’il relève aussi de la séquence alternée [16] — commence par une vue du satellite par en-dessous. Ensuite, la « caméra » monte vers l’ouverture dans laquelle est placé le système optique, et approche de la lentille. Celle-ci reflète l’Australie, que le satellite survole. La « caméra » continue de s’en approcher jusqu’à entrer dans la lentille. L’image de l’Australie ne disparaît pas pour autant, continue au contraire de grandir, la « caméra » continuant d’avancer, et devient, par un élargissement du cadrage, une image sur l’écran d’un ordinateur portable. Alors un zoom se déclenche, montrant la côte australienne, puis un nouveau zoom montre l’image cette fois animée de deux personnages filmés d’au-dessus. Le mouvement ascendant qui se maintient tout en se translatant dans un mouvement descendant, et qui est consubstantiel d’une conversion d’une image réelle (reflet) à une image pixellisée (l’écran du portable) illustre et explicite le lien entre les différents plans — ici au sens de plan céleste et de plan terrestre — que ces films mettent en scène [17]. Ainsi, pour ce qui est des satellites d’observation, la simultanéité et la figuration croisée du sol et de l’espace résorbent ces deux plans l’un dans l’autre tout en les maintenant chacun dans leur intégrité : l’espace n’est pas le lieu de l’action, qui demeure toujours le sol, mais la condition de possibilité de l’action, ce qui la rend à la fois possible et visible. Alors certes il faudrait ici introduire la complexité des armes dans l’espace qui frappent le sol, mais toutes les suggestions que nous avons faites ici devront être développées plus tard.
La dégénérescence fantasmatique de la représentation
13Le schème de la dégénérescence est le suivant : les premiers films sont les plus réalistes de tous ; ensuite la représentation des satellites s’altère progressivement vers le pur fantasme, l’incohérence logique ou l’imposition du thème même lorsqu’il n’est pas indispensable ou nécessaire à l’intrigue. Il y a des exceptions à la tendance générale, de même qu’aucune mise en scène des satellites n’est intégralement incohérente ou fantasmatique, mais globalement, plus les satellites sont représentés, plus ils s’éloignent des capacités ou des contraintes des satellites réels.
14Jeux de guerre (1992) est sans doute le film le plus réaliste au regard des satellites. Ceux-ci furent présentés comme un argument fort de promotion du film à l’époque de sa sortie, et ils sont très étroitement liés aux moments clés de l’intrigue. Les satellites eux-mêmes ne sont pas montrés, mais uniquement leurs produits (images puis films) et les lieux dans lesquels ceux-ci sont utilisés : les salles de photo-interprétation de la CIA, puis une war room qui est la figuration de ce que l’on ne nommait alors pas encore le National Reconnaissance Office, où une opération commando est suivie, filmée en direct par deux satellites. De longues séquences montrent le héros principal (Jack Ryan, interprété par Harrison Ford) analyser des photographies selon un mode très réaliste, avec des appareils optiques binoculaires, des systèmes de cadrage de l’image assez lents, etc. Certes la séquence de l’attaque commando n’est pas en elle-même très réaliste, dans la mesure où les satellites filment en infrarouge l’action en temps réel, ce qui est une interprétation littérale tant de l’infrarouge que de la transmission en temps réel, qui fournissent toujours des images et non des films : le plus réaliste des films ne l’est donc pas intégralement. Mais le guidage et le contrôle des satellites sont montrés comme un ensemble de lignes de code informatiques cohérentes (où le sigle « ZM » désignant les satellites semble désigner implicitement le sigle « KH » des satellites Key Hole). Il n’y a donc pas de figuration du satellite autour du globe, mais un réel souci de véracité. Et surtout, à un autre moment de l’intrigue, alors que la CIA prend des photos de camps d’entraînements de terroristes, ceux-ci sont toujours vides car les terroristes, renseignés par des services de renseignements hostiles (les Soviétiques sans doute), connaissent les heures de passage des satellites. Le héros demande donc à changer les heures de passage et le directeur adjoint de la CIA de lui poser la question, éberlué : « Jack, est-ce que vous réalisez ce que ça représente, de reprogrammer un satellite ? ».
15On est loin, alors, des élucubrations sur les traces et la capacité des satellites à se positionner n’importe où, ou à se déplacer dans certains films qui suivront. Les premiers films qui succèdent à Jeux de guerre sont encore relativement réalistes. Piège en haute mer l’est pleinement, qui montre simplement le héros, interprété par Steven Seagal, téléphoner en pleine mer avec un téléphone cellulaire militaire non seulement volumineux, mais nécessitant le déploiement d’une antenne parabolique. Ensuite, viennent les premières armes dans l’espace, dont on a déjà dit qu’elles sont fantaisistes en elles-mêmes, mais qui sont aussi les premiers satellites à être montrés dans l’espace [18]. Cependant, tant dans Piège à grande vitesse que dans Goldeneye, les dispositifs de contrôle et de commande des satellites ne sont pas excessivement fantaisistes. À partir de ces deux films, il serait trop long de relever tous les éléments de la dégénérescence de la représentation. Les satellites sont chargés de fantasmes divers, comme la capacité de congeler ou de réchauffer l’atmosphère (Batman et Robin), ou encore fonctionnent avec des piles au plutonium que des puissances hostiles pourraient accaparer (G.I. Jane). Ou alors ils sont marqués par des incohérences logiques fortes, comme ce satellite dit « de poursuite » (qui se réfère à l’alerte antimissile, le principe étant de pouvoir suivre la course d’un missile depuis l’espace) qui reste fixé sur un camion immobile au sol et capable de lire la plaque minéralogique de ce dernier. Le cas de Independence day est par ailleurs intéressant car il montre le thème des satellites s’imposant dans la diégèse alors même qu’il est superflu : des envahisseurs extra-terrestres à la technologie bien supérieure à la nôtre ont besoin des satellites terriens pour diffuser un ordre d’attaque à des vaisseaux disposés tout autour de la planète…
16Un dernier élément d’invraisemblance nous permet de nous raccrocher au code visuel tel qu’il s’est stabilisé. La course des satellites, lorsque les plans les montrent en train de se déplacer autour de la planète, est figurée comme allant d’Est en Ouest, et à une vitesse supérieure à celle de la rotation de la terre. Si l’on compare les tableaux 1 et 2, on s’aperçoit que les satellites représentés dans l’espace sont presque exclusivement des satellites d’observation, qui donc devraient suivre un axe Nord-Sud [19]. Ces plans ne reproduisent donc pas tant la course d’un satellite géostationnaire que la course figurée de l’astre solaire par rapport au sol. Engins spatiaux, les satellites sont des objets célestes dont on se demande si le sémiologue ne trouverait pas là quelque référence au divin.
Hollywood-Washington : une relation ambivalente
17Cette dégénérescence de la représentation du point de vue de la vraisemblance et du réalisme est le premier argument qui permet de douter que les rapports entre le pouvoir américain et les professionnels du cinéma soient unilatéraux. L’histoire, en effet, aurait pu se dérouler en sens contraire, le cinéma découvrant les émotions liées à l’espace non habité, développant une vision fantaisiste des satellites, dont Washington se serait emparée peu à peu pour imposer ou insuffler une représentation plus réaliste, plus conforme aux vecteurs réels de la puissance nationale, et permettant de diffuser le message de la suprématie américaine par les performances technologiques dont elle est capable.
18Le second argument est justement que l’on trouve finalement très peu de technologies réelles dans ces films. S’il y a une volonté de structurer les représentations de la puissance américaine, alors cette volonté est toute platonicienne. Les idées d’omniscience, d’omnipotence, de clôture de l’espace, d’universalité de la présence américaine sont bien exprimées par ces fictions, mais elles demeurent très abstraites et idéelles, précisément. Si le pouvoir américain voulait vraiment montrer ses capacités d’observation, il ferait voir dans les films que ce qui distingue un satellite civil d’un militaire est très faible, et se résume presque à la puissance des modes zoom [20]. Ces représentations fictives des satellites correspondent souvent non pas à l’état actuel de la technologie, mais aux souhaits, aux projets, aux visées qui sous-tendent les technologies réelles. Les militaires américains auraient souhaité du vol habité militaire, un avion spatial qui aurait pu violer la souveraineté des États tout en étant inattaquable et dirigeable rapidement sur n’importe quel point de la planète. Si tous les satellites de la constellation GPS pouvaient faire de l’observation, les Américains pourraient espérer avoir toujours un satellite au-dessus d’un événement en train de se produire, comme dans Le Pacificateur. Mais dans le monde réel, les satellites n’ont pas pu suivre un seul Scud pendant la Guerre du Golfe. Le dispositif ABM voyait les départs de missiles, mais on ne pouvait pas les suivre…
19Enfin et surtout, l’idée d’une instrumentalisation politique du cinéma résiste peu, dans le cas précis des satellites, au simple visionnage de ces films. Car à considérer ces derniers dans leur ensemble, le spectateur se rend facilement compte que ce qui détermine la représentation des satellites dans chaque film est la trame narrative, la diégèse elle-même. À l’intérieur d’un code visuel qui se constitue progressivement, et suivant par là-même une pente dégénérescente, le satellite est au service de l’histoire racontée. Lorsque les scénaristes ont besoin que le satellite soit instantanément au bon endroit, ou y reste pour une durée définie, le satellite le fait, comme dans Le Pacificateur ou Men in Black. Lorsque le cinéaste veut rendre un léger suspense dans une séquence, le satellite parvient juste à temps à atteindre son objectif, comme dans Mission : Impossible 2 ou Charlie et ses drôles de dames. Lorsque tout un pan de l’histoire repose sur le fait qu’un personnage pourra stopper un méfait avant qu’un satellite atteigne tel point, comme dans Goldeneye, le temps de déplacement de ce dernier est singulièrement long. Les méchants, pour être repérables et annihilés, doivent avoir des installations lourdes et volumineuses pour guider leurs satellites (Piège à grande vitesse) ; les héros, pour les repérer et les traquer, n’ont besoin que d’un léger ordinateur portable, sans même besoin d’une antenne pour contrôler leur satellite (Mission : Impossible 2). Bref, les choix qui sont opérés dans les mises en scène de ces objets sont justifiés avant tout par la diégèse et souvent pour produire des effets (suspense, spectaculaire, ellipses). Les satellites servent avant tout les scénarii et ce ne sont pas nécessairement ces derniers qui sont organisés pour faire passer subrepticement une représentation.
20Au terme de ces premières approximations, il nous semble donc légitime de poser une hypothèse concurrente à celle selon laquelle Washington utiliserait Hollywood dans un sens politique, à savoir que Hollywood se nourrit de Washington dans un sens artistique et commercial.
21Hollywood « absorbe » en quelque sorte les signes du pouvoir, les idées de puissance auxquelles renvoie la technologie, puis les retraite et les intègre à ses récits. Si des éléments documentaires trouvent leur place dans les fictions, cela peut correspondre à un procédé de légitimation romanesque qui passe par la figuration d’une véracité. Il faudrait étendre cette hypothèse alternative à d’autres signes du pouvoir ou d’autres vecteurs de puissance : l’oreillette du garde du corps, les lunettes de soleil de l’agent fédéral, la Maison Blanche elle-même… Mais surtout les deux hypothèses ne sont sans doute pas intrinsèquement contradictoires. Les deux mouvements pourraient fort bien exister simultanément. Cela supposerait que l’on cherche à départir entre les deux, plutôt que d’affirmer une simple sujétion politique de Hollywood à d’autres intérêts.
22Bien entendu, on ne peut méconnaître que la NASA a elle-même fourni en son temps ses maquettes à Stanley Kubrick pour 2001, l’Odyssée de l’espace ; on ne peut oublier que certains films ont directement répondu à des besoins de l’État américain, tel Top Gun qui était dédié à enrayer le déclin des candidatures de jeunes Américains à l’Aéronavale ; on ne peut occulter que certaines technologies, notamment celles concernant l’imagerie de synthèse, sont de plus en plus mises en commun entre l’industrie cinématographique et la recherche militaire, puisque faire une image est la même chose, que l’on cherche à reconstituer en trois dimensions une vallée afghane pour entraîner ses forces spéciales ou que l’on entende faire voler Buzz l’éclair [21]. Mais on ne doit pas perdre de vue non plus que le but premier et ultime du cinéma américain est de produire des œuvres de divertissement destinées à être rentables, c’est-à-dire recevables pour le plus grand nombre.
23Lorsqu’on suggère que Hollywood a besoin de s’alimenter des représentations ou des signes que produisent le pouvoir, la technologie ou l’armée eux-mêmes afin de développer ses propres représentations et son propre système de signes (ce que nous avons appelé ici le code visuel), on renvoie également le cinéma américain à sa dimension proprement nationale, qui est sous-évaluée dans le discours sur l’instrumentalisation du cinéma à des fins d’imposition de représentations. Le premier marché et le premier public pris en compte par les cinéastes sont le marché et le public américains [22]. Le cinéma est pour l’analyste un extraordinaire outil de sociologie de la société américaine. Mais cette fonction sociologique est possible parce que le cinéma est en soi un outil de figuration de la société américaine par elle-même. Si telle représentation est manipulée par un scénariste, c’est avant tout parce qu’elle permet de donner du sens à un élément de fiction, de récit. De ce point de vue, les représentations concernant le pouvoir, la technologie, notamment militaire, ne sont pas seulement une « arme culturelle » à destination de l’extérieur mais aussi un instrument de repérage interne pour la société américaine [23]. Si cela est vrai, alors le cinéma n’impose ou ne promeut pas tant des représentations qu’il ne les découvre ou s’en inspire. Le problème est alors pour nous qu’elles sont intégralement américaines. Ce que nous suggérons finalement ici, c’est que l’hégémonie ou l’impérialisme culturels dont on accuse le cinéma américain devraient être réévalués en fonction de l’horizon dans lequel il est produit, à savoir une société largement tournée vers elle-même et tenant par elle-même.
Bibliographie
Références bibliographiques
- Balio, T., The American Film Industry, The University of Wisconsin Press, 1985, 657 p.
- Bidaud, A.-M., Hollywood et le rêve américain : cinéma et idéologie, Paris, Masson, 1994, 248 p.
- Fyne, R., The Hollywood Propaganda of World War II, Londres, The Scarecrow Press, 1994, 245 p.
- Guisnel, J., « Le mariage du cinéma et de l’US Army », Le Point, n° 146, 27 août 1999, p. 95.
- Ishagpour, Y., Le Cinéma, Paris, Flammarion, coll. « Dominos », 1996, 124 p.
- Joly, M., Introduction à l’analyse de l’image, Paris, Nathan Université, 1993, 128 p.
- Malavialle, A.-M., Pasco, X., Sourbès-Verger, I., Espace et puissance, Paris, Ellipses, FRS, 1999, 204 p.
- Mulard, C., « Les sept commandements adressés à Hollywood par la Maison Blanche », Le Monde du 13 novembre 2001, p. 1.
- Pasco, X., « Haute technologie spatiale et conflits », Annuaire Français des Relations Internationales, vol. 1, 2000, p. 831-841.
- Revue Française de géoéconomie, n° 10, « Les guerres de la culture », dossier, été 1999.
- Sourbès, I., « Géostratégie de l’espace », Stratégique, n° 50, p. 222-245.
- Valentin, J.-M., « Cinéma américain et représentations stratégiques », Le débat stratégique, n° 51, juillet 2000.
- Vanoye, F., Goliot-Lété, A., Précis d’analyse filmique, Paris, Nathan Université, 1992, 128 p.
- « War Chores for H’w’d – White House, moguls agree to set up showbiz efforts », The_daily_variety.com, 11 novembre 2001.
- Pour les informations sur les films, la référence est le site américain ImDB : http://us.imdb.com ou www.imdb.com
Références filmographiques
- Apollo 13 (Apollo 13), 1995, réalisé par Ron Howard, scénario de Jim Lowell et Jeffrey Kluger, avec Tom Hanks, Bill Paxton, Ed Harris, 140 min.
- Batman et Robin (Batman & Robin), 1997, réalisé par Joel Schumacher, scénario de Bob Kane et Akiva Goldsman, avec Arnold Schwartzenegger, George Clooney, Uma Thurman, 125 min.
- Charlie et ses drôles de dames (Charlie’s Angels), 2000, réalisé par McG, scénario de Ryan Row, Ed Solomon et John August, avec Cameron Diaz, Drew Barrymore et Lucy Liu, 98 min.
- 2001, l’Odyssée de l’espace (2001, A Space Odyssey), 1968, réalisé par Stanley Kubrick, scénario de Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick, avec Keir Dullea, Gary Lockwood, William Sylvester, 139 min.
- Ennemi d’État (Enemy of the State), 1998, réalisé par Tony Scott, scénario de David Marconi, avec Will Smith, Gene Hackman, John Voight, 131 min.
- Fourmiz (Antz), 1998, réalisé par Eric Darnell et Tim Johnson, scénario de Todd Alcott et Chris Wetiz, 87 min.
- G.I. Jane (G.I. Jane), 1997, réalisé par Ridley Scott, scénario de Danielle Alexandra et David N. Twohy, avec Demi Moore, Viggo Mortensen, 124 min.
- Goldeneye, (Goldeneye), 1995, réalisé par Martin Campbell, scénario de Michael France et Jeffrey Caine, avec Pierce Brosnan, Sean Bean, Famke Janssen, 130 min.
- Independence Day, (Independence Day), 1996, réalisé par Roland Emmerich, scénario de Dean Devlin et Roland Emmerich, avec Will Smith, Bill Pullman, Jeff Goldblum, 145 min.
- Jeux de guerre (Patriot Games), 1992, réalisé par Pillip Noyce, scénario de Tom Clancy et W. Peter Iliff, avec Harrison Ford, Sean Bean, Anne Archer, 117 min.
- Le Blob (The Blob), 1958, réalisé par Irvin Yeaworth, scénario de Kay Linaker et Theodore Simonson, avec Steve McQueen, 86 min.
- Le Blob (The Blob), 1988, réalisé par Chuck Russel scénario de Frank Darabont et Chuck Russel, avec Kevin Dillon, Shawnee Smith, Joe Senecca, 85 min.
- Le Pacificateur (The Peacemaker), 1997, réalisé par Mimi Leder, scénario de Andrew et Leslie Cockburn, Michael Schiffer, avec George Clooney et Nicole Kidman,124 min.
- L’étoffe des héros (The Right Stuff), 1983, réalisé par Philip Kaufman, scénario de Philip Kaufman, avec Sam Shepard, Ed Harris, Scott Glenn, 193 min.
- Les diamants sont éternels (Diamonds are Forever), 1971, réalisé par Guy Hamilton, scénario de Richard Maibaum et Tom Manckiewicz, avec Sean Connery, Jill St. John, Charles Gray, 125 min.
- Les rois du désert (Three Kings), 1999, réalisé par David O. Russel, scénario de John Ridley et David O. Russel, avec George Clooney, Mark Walhberg, Ice Cube, 114 min.
- Los Angeles 2013 (Escape from L.A.), 1996, réalisé par John Carpenter, scénario de John Carpenter et Debra Hill, avec Kurt Russel, Steve Buschemi, Stacy Keach, 101 min.
- Men in Black (Men in Black), 1997, réalisé par Barry Sonnenfield, scénario de Lowell Cunningham et Ed Solomon, avec Will Smith, Tommy Lee Jones, Linda Fiorentino, 98 min.
- Mission : Impossible 2 (Mission : Impossible II), 2000, réalisé par John Woo, scénario de Ronald Moore et Robert Towne, avec Tom Cruise, Thandie Newton, Anthony Hopkins, 123 min.
- Piège à grande vitesse (Under Siege 2 : Dark Territory), 1995, réalisé par Geoff Murphy, scénario de Richard Hatem et Matt Reeves, avec Steven Seagal, 99 min.
- Piège en haute mer (Under Siege), 1992, réalisé par Andrew Davis, scénario de J.F. Lawton, avec Steven Seagal, Tommy Lee Jones, 103 min.
- Space Cowboys (Space Cowboys), 2000, réalisé par Clint Eastwood, scénario de Ken Kaufman et Howard Klausner, avec Clint Eastwood, Tommy Lee Jones, Donald Sutherland, 130 min.
- Top Gun (Top Gun), 1986, réalisé par Tony Scott, scénario de Jim Cash et Jack Epps, avec Tom Cruise, Kelly McGillis, Val Kilmer, 110 min.
- Toy Story (Toy Story), 1995, réalisé par John Lasseter, scénario de John Lasseter et Andrew Stanton, 81 min.
Notes
-
[1]
La réflexion tournant autour des questions de défense et de sécurité n’a d’ailleurs aucune difficulté à se saisir de ce thème et à y appliquer ses catégories. Et c’est en partie à l’horizon de ces questions que nous plaçons notre propos. Voir par exemple le Dossier « Les guerres de la culture. Culture, économie et puissance au xxie siècle », in Revue Française de géoéconomie, n° 10, été 1999, ou Jean-Michel Valentin, « Cinéma américain et représentations stratégiques », in Le débat stratégique, n° 51, juillet 2000.
-
[2]
Cette expression fut prononcée lors d’une conférence de presse à New York le 17 décembre 2001.
-
[3]
Et dont la version hégémonique postule que l’homogénéisation culturelle mondiale est la condition de possibilité de l’hyperpuissance américaine. Mais surtout le discours de l’exception culturelle française est un discours masquant et légitimant les intérêts nationaux liés à l’exception culturelle tout court ; de même que dans la réactivation récente du débat, l’appel de Jean-Marie Messier à la diversité culturelle sert à renégocier la participation des différents groupes au financement du cinéma national. Ce lien rendu indissociable entre les intérêts et les valeurs est tout à fait typique de la modernité occidentale.
-
[4]
Voir par exemple « War Chores for H’w’d – White House, moguls agree to set up showbiz efforts », The_Daily_Variety.com du 11 novembre 2001, ou Claudine Mulard, « Les sept commandements adressés à Hollywood par la Maison Blanche », Le Monde du 13 novembre 2001, p. 1.
-
[5]
Ce faisant, nous excluons volontairement deux démarches. Une autre solution pourrait consister en une sociologie politique de la production cinématographique qui analyserait les interactions entre les acteurs politiques et les producteurs de l’ entertainment, mais elle n’est pas à notre portée ici. De même, il faudrait in abstracto engager une sociologie des interactions entre les messages émis et les divers groupes de spectateurs. Si nous nous situions dans le cadre d’une théorie de la communication, il serait indispensable de tenir compte et de rendre compte de la réception des représentations.
-
[6]
Il n’existe pas de base de données des divers éléments visuels constitutifs des films produits aux États-Unis. Ainsi, les films mentionnés ici sont ceux que nous avons pu voir et que nous avons sélectionnés car ils comprenaient une mise en images ou en discours des satellites. Cet ensemble n’a donc aucune prétention à l’exhaustivité, mais l’on peut raisonnablement penser que le nombre de films se situe autour de la vingtaine. Par ailleurs, lorsque nous parlons du cinéma américain, ou des films distribués, nous entendons de façon restrictive les films distribués internationalement. Il existe tout un ensemble de films qui ne sont distribués qu’aux États-Unis et sont ensuite diffusés directement dans le « circuit vidéo ».
-
[7]
On doit également mentionner Le Blob de Chuck Russel (1988), remake du Blob de Irvin Yeaworth de 1958. Dans les deux films, le « Blob » en question, comme l’indique le mot en anglais, est une substance gélatineuse qui recouvre progressivement toute une ville et « digère » tout ce qui est vivant. Mais alors que le « Blob » de 1958 n’était qu’une forme inédite de vie extra-terrestre échouée comme tant d’autres sur le sol américain, le « Blob » de 1988 se trouve être le résultat d’une expérience bactériologique militaire secrète cachée dans un satellite américain qui s’est malencontreusement écrasé au sol, libérant le germe qui a muté au passage.
-
[8]
Dans la suite de cet article, nous nous contentons la plupart du temps, afin de ne pas surcharger le texte, de mentionner le titre du film, sa date et parfois le réalisateur ou l’acteur principal. Le lecteur trouvera en fin d’article des références plus précises film par film. Pour obtenir rapidement des synopsis, des recensions de critiques, etc., le site de référence est http://us.imdb.com, ou le site www.allocine.fr pour les films plus récents.
-
[9]
Le titre français sous lequel ce film fut distribué était Charlie et ses drôles de dames, mais nous reprenons le titre original dans les tableaux pour sa brièveté.
-
[10]
« Le terme de diégèse, proche mais non synonyme d’histoire (car d’une portée plus large), désigne l’histoire et ses pourtours, l’histoire et l’univers fictif qu’elle présuppose (ou “post-suppose”), en tout cas qui lui est associé (…). Ce terme présente le grand avantage d’offrir l’adjectif “diégétique” (quand l’adjectif “historique” s’avère inutilisable) », François Vanoye et Anne Goliot-Lété, Précis d’analyse filmique, Paris, Nathan Université, 128 p., citation p. 31.
-
[11]
On parle volontiers, à propos des romans de Tom Clancy comme de ces films centrés sur l’espionnage technologique, de techno-thrillers, la psychologie des personnages ou la perversité des trames romanesques cédant le pas à la précision et l’exactitude des outils techniques et des matériels militaires mis en scène.
-
[12]
Entre Jeux de guerre et le premier James Bond post-Guerre froide, Goldeneye (1995), s’intercalent Piège en haute mer et Piège à grande vitesse, dont le héros incarné par Steven Seagal est un ancien commando des forces spéciales confronté à des détournements (d’un destroyer puis d’un train) effectués par d’autres commandos des forces spéciales.
-
[13]
Au contraire, l’ordinateur peut parfois être un simple portable, comme dans Mission : Impossible 2.
-
[14]
Les armes figurées sont toujours fantaisistes. Ainsi l’impulsion électromagnétique des satellites nommés Goldeneye peut être focalisée sur un point particulier du sol, ou les armes nucléaires que découvrent les astronautes dans Space Cowboys ne sont rien moins que des missiles intercontinentaux montés en silo, silo qui se trouve lui-même en orbite, pointé vers la planète. Mais la « palme » revient au satellite de Piège à grande vitesse, qui est dédié à générer des tremblements de terre, et que les méchants utilisent de surcroît pour détruire un avion en plein ciel…
-
[15]
Par exemple Mission : Impossible 2 ou Charlie et ses drôles de dames.
-
[16]
« Séquence qui montre en alternance deux (ou plus de deux) actions simultanées », in Francis Vanoye et Anne Goliot-Lété, op. cit., p. 29.
-
[17]
Nous sommes conscients ici des limites de cette interprétation simplement formelle et à visée politique au regard de ce que produirait une analyse sémiologique poussée, ou un exercice d’analyse filmique. La signification intrinsèque des contre-plongées, les codes de couleurs, les significations émotives des mouvements de caméra, etc. seraient pour l’analyste sans aucun doute source d’interprétation, et nous espérons pouvoir plus tard joindre de tels outils d’analyse aux nôtres.
-
[18]
Voir les tableaux 1 et 2. Il est tout à fait possible que la mise en scène si tardive de satellites en orbite ne corresponde qu’à l’évolution des technologies de l’image : peut-être a-t-il simplement fallu attendre le milieu des années 1990 pour que les images de synthèse soient en mesure de représenter des satellites en orbite. À titre indicatif, Toy Story sortit en 1995 et Fourmiz en 1998.
-
[19]
La nature du satellite représenté dans Independance day est indéterminée. Par ailleurs, certains films montrent les satellites se déplaçant comme des avions tels les satellites Goldeneye.
-
[20]
À la rigueur, le seul film qui corresponde vraiment au modèle d’un cinéma visant à accréditer des éléments de puissance est le premier d’entre eux, Jeux de guerre, dont on a dit à quel point il est atypique par rapport à ses successeurs. Dans ce film sans doute, suivant en cela les romans de Tom Clancy lui-même, un certain nombre d’allusions sont faites à des technologies existantes. Mais d’emblée le film se distingue malgré tout des œuvres du romancier, qui s’en tient toujours scrupuleusement à l’état réel des technologies, pour suggérer l’idée d’une capacité de filmer depuis l’espace des scènes au sol.
-
[21]
Voir par exemple Jean Guisnel, « Le mariage du cinéma et de l’US Army », Le Point, n° 146, 27 août 1999, p. 95.
-
[22]
Ici ressurgit toute la difficulté à avoir exclu de notre analyse la réception des représentations par le public, ou plutôt la variété des publics. Que les représentations soient réalistes ou délirantes, sont-elles perçues (et par qui) comme réalistes ou délirantes ? Même si le public n’est pas dupe, n’en retire-t-il pas une impression générale de puissance, ou ne peut-il légitimement supposer que de tels outils existent bel et bien, même s’ils ne ressemblent pas à ce qu’on lui a montré ? Y a-t-il des perceptions nationales repérables ? Ces questions devront être affrontées plus tard, mais elles dépassent les limites que nous nous sommes fixées dans ce texte.
-
[23]
Lorsqu’on a reconnu le lien entre la NASA et le film de Kubrick, ou le rôle attribué à Top Gun, ou encore que les scénaristes de Ennemi d’État ont reçu des conseils de la National Security Agency qui est en cause dans le film, rien n’implique encore la prise en compte du champ international et la question de l’exportation du cinéma et des représentations qu’il véhicule.