1 Les premiers documents sur les gérontotechonologies sont apparus dans les années 1995 dans le cadre du programme européen COST. Grâce aux progrès scientifiques et techniques de ces vingt dernières années, de nouveaux produits ont été développés. Ils répondent aux besoins et aux attentes de personnes handicapées du fait de la maladie ou de l’âge. Le développement rapide de ces nouvelles technologiques s’accompagne de réflexions pratiques, économiques et éthiques sur leur usage.
2 De nature différente, les six documents que nous avons sélectionnés, illustrent chacun un ou plusieurs aspects de cette problématique. Le fait que quatre d’entre eux soient des rapports émanant d’organismes gouvernementaux ou de recherche montre que les pouvoirs publics jouent encore un rôle essentiel dans le développement économique et industriel de ces technologies lorsqu’elles prennent en compte le vieillissement. Un ouvrage plus grand public sur le numérique et une thèse universitaire soutenue dans le cadre d’un diplôme en éthique médicale et biologique complètent la sélection.
3 Le rapport de Bérengère Poletti offre un panorama des nouvelles technologies destinées à faciliter la vie des personnes handicapées et des personnes vieillissantes. À de nombreuses reprises, l’auteur insiste sur la nécessité de mettre en place des mesures politiques pour soutenir les secteurs de la recherche et de l’industrie afin de développer de nouveaux produits, moins chers et donc plus accessibles.
4 L’ouvrage « Bien vieillir grâce au numérique », très accessible, s’adresse à un public plus large. Il s’intéresse à tous les types de relations qui se créent dans un monde connecté et observe comment l’innovation numérique transforme la culture des services et répond aux besoins et aspirations des individus qui vieillissent.
5 Sur une thématique assez proche, le rapport « Usage des TIC par les patients et les citoyens en situation de fragilité dans leurs lieux de vie » décrit les produits et les services basés sur les technologies de l’information et de la communication dans le domaine de la santé et les services qu’ils peuvent rendre aux personnes fragiles ou malades à domicile.
6 Dans « La téléassistance pour le maintien à domicile : comment dépasser une logique d’offre technologique et construire des usages pertinents », les auteures présentent une perspective historique de la téléassistance et montrent que les attentes des usagers ont évolué. Elles insistent aussi sur la nécessité de faire travailler ensemble différents acteurs locaux pour construire un réseau de proximité efficace et disponible.
7 Le rapport « Technologies urbaines – vieillissement et handicaps » traite à la fois du domicile mais aussi de l’espace public. Il rappelle notamment que lorsque les promoteurs des politiques de l’habitat et de la ville prennent en compte les usages des personnes en amont, ceux-ci seront mieux adaptés qu’il s’agisse des aménagements du domicile, des moyens de communication ou de l’offre de transports publics.
8 Enfin dans sa thèse, désormais classique, « Technologie et Alzheimer », Vincent Rialle examine le rôle des nouvelles technologies auprès des malades d’Alzheimer et de leurs aidants et s’interroge sur leur usage. Ce questionnement éthique est d’ailleurs présent à un degré plus ou moins fort dans chacun des documents de la sélection. On pourrait le formuler ainsi : les nouvelles technologies ne risquent-elles pas de favoriser le développement d’une société technicienne, obsédée de rentabilité et excluant peu à peu l’humain ou, au contraire, constituent-elles une aide pour la vie quotidenne et relationnelle ? En bref, excluent-elles les plus vulnérables d’entre nous ou sont-elles le nouvel espace d’un vivre ensemble mêlant générations et compétences ?
9 ? POLETTI B./rapp. (2008). La science au service du handicap. Paris : OPECST, 241 p.
10 Bérengère Poletti est députée des Ardennes et membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques. À ce titre, elle a mené une étude sur la compensation technologique du handicap en France. L’intérêt de ce rapport est double : il présente un panorama très complet de différentes aides techniques déjà opérationnelles ou en projet, en France et à l’étranger, et examine les aspects économiques et éthiques de ces outils. Le lecteur peu familier de ce domaine découvre des instruments très élaborés qui semblent parfois relever de la science-fiction et peuvent vraiment améliorer la vie des personnes handicapées et/ou vieillissantes. En effet, et l’auteur le souligne à de nombreuses reprises, le vieillissement de la population va entraîner des nouveaux besoins. Ainsi près de 20 % des personnes âgées de 85 à 89 ans connaissent une déficience visuelle grave et à partir de 75 ans 43% d’entre elles souffrent d’une déficience auditive. Ces outils apportent une plus-value car ils donnent aux patients le sentiment d’avoir plus d’autonomie et dispensent de recourir à une présence humaine permanente. Mais leur coût élevé reste un obstacle important pour de nombreux utilisateurs potentiels. En annexe sont présentés les comptes-rendus d’auditions auxquelles ont participé des représentants du monde associatif, médical et industriel. Les nombreux témoignages soulignent la nécessité de prendre en compte toutes les formes de handicap, que ce soit dans la politique de l’accessibilité ou dans l’organisation de la compensation. Ils montrent aussi qu’il est essentiel de permettre aux personnes handicapées de participer aux décisions qui les concernent. Agnès Béghi
11 ? BRUGIERE A., RIVIERE C.A. (2010/06). Bien vieillir grâce au numérique. Limoges : Fyp éditions, 159 p.
12 « La technologie ne doit pas infantiliser et isoler les plus âgés, elle doit créer du lien ». Partant de cette idée, cet ouvrage très illustré, s’appuie sur des exemples concrets et propose des pistes. Tout d’abord, les auteurs, toutes deux membres de la Fondation Internet nouvelle génération (FING) relèvent une contradiction : d’un côté, les usages d’Internet se développent considérablement chez les seniors, comme dans les autres classes d’âge ; de l’autre, les produits technologiques spécifiques qui leur sont proposés pour maintenir leur autonomie et leur simplifier l’accès au numérique ne provoquent guère d’enthousiasme (ex : la téléassistance). Ceci peut s’expliquer par trois facteurs : la substitution du technologique à l’humain, la simplification/ infantilisation ou la suppression des obstacles. À l’inverse, l’apprentissage par l’expérience et par l’échange comme sur le web développe l’autonomie. Cette voie est essentielle pour inventer de nouvelles formes d’autonomie et de socialisation. Au niveau de la mobilité, il s’agit aussi d’envisager le numérique comme une chance de s’enraciner sur un territoire. De nouvelles possibilités dans les transports, les ressources locales, les formes de proximité (ex : la société TransWay promeut des transports collaboratifs durables en s’appuyant sur le fonctionnement des réseaux sociaux partagés) favorisent une mobilité choisie, relationnelle et spatiale. « Pour répondre aux besoins de liens sociaux, nous pouvons inventer des proximités relationnelles, en prenant en compte l’évolution des modes de vie de plus en plus outillés par les technologies. Nous pouvons réfléchir au rôle actif des retraités, et les valoriser comme ressources sociales. De nombreuses initiatives vont dans ce sens, en organisant et en mettant en avant les collaborations entre professionnels, familles, voisins ». En partant de ce modèle, il devient possible de revoir le système actuel de soin où le bénéficiaire est passif, malade ou âgé pour lui donner un rôle de producteur actif, en combinant le savoir des professionnels et celui des utilisateurs. En conclusion, les auteurs ouvrent sur la notion de « reliance sociale ». Elle désigne la recherche active de liens dans nos sociétés mais aussi le sentiment d’appartenir à celle-ci. Les réseaux numériques, sociaux et collaboratifs de proximité, peuvent jouer un rôle de médiateurs dans ce domaine.
13 Lydie Audureau
14 ? PICARD R., introd., SOUZY J.-P. et coll., Conseil Général des Technologies de l'Information. (2007). Usage des TIC par les patients et les citoyens en situation de fragilité dans leur lieux de vie. Rapport n° I-2.2-2007. Paris : Ministère de l'Économie, des finances et de l'emploi, 36 p.
15 Les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont en constant développement dans notre vie quotidienne. Comme le rappelle Robert Picard, « il est aujourd'hui avéré qu'une part de plus en plus importante des foyers français et européens – 20% en 2015 selon certaines sources – aura besoin de produits et services basés sur les TIC spécifiquement pour prendre en charge son état de santé ». Mais les besoins et usages par les citoyens de ces nouvelles technologies en matière de santé sont encore mal identifiés. Ces technologies ont pourtant un rôle important à jouer au domicile des personnes âgées, handicapées, fragiles : compenser les défaillances, apporter de l'aide, maintenir le lien social. C'est dans le but de mieux anticiper les besoins que le Conseil Général des Technologies de l'Information a initié une réflexion sur les logiques d'usages des TIC en tenant compte des pathologies mais aussi d'autres facteurs. Ce rapport, plutôt technique, commence par la définition de différents concepts utiles pour mieux appréhender les différents champs recouverts par les TIC santé (télémédecine, Web santé, e-Inclusion, p-santé) et par la présentation de notions concernant les usages (logique d'utilité, logique identitaire, logique d'évaluation), les lieux de vie (lieu de vie, espace de vie, espace public) et les déterminants de l'usage. Les auteurs proposent ensuite un état des lieux de l'utilisation des TIC santé structuré en fonction des différents champs d'application définis dans le chapitre précédent. Ils confrontent les caractéristiques des déterminants de l'utilisation des TIC avec celles de l'existant pour élaborer des typologies par catégorie d'acteurs et par secteur d'application afin de lister des indicateurs pertinents (les produits, les services et les aides techniques). Les différentes parties de ce document se terminent par des synthèses, le plus souvent sous forme de tableau, qui permettent de visualiser rapidement et clairement les informations principales tirées des différentes analyses effectuées. Ce travail descriptif est complété par des réflexions sur les évolutions prévisibles des marchés et par des recommandations pour les industriels et les institutionnels afin de poursuivre et valoriser les actions déjà engagées.
16 Isabelle Besson
17 ? CHARUE-DUBOC F., AMAR L., RAULET-CROSET N., KOGAN A.F. Pôle de Recherche en Economie et Gestion. Centre de recherche en gestion. (P.R.E.G.-C.R.G.). Ecole Polytechnique-CNRS, Ecole des Mines de Nantes. (2010/01). La téléassistance pour le maintien à domicile : comment dépasser une logique d'offre technologique et construire des usages pertinents ? Paris : PREG-CRG, Nantes : Ecoles des Mines de Nantes, 147 p., tabl., ann.
18 Ce rapport porte sur l’évolution des dispositifs de téléassistance dédiés au maintien à domicile des personnes âgées dépendantes et couplant technologies et services. En France, si les premières offres datent des années 1980, le développement de ces services a été très lent. Depuis une dizaine d’années, on assiste à une professionnalisation du secteur. On constate la diversité des opérateurs : certains sont sous statut privé mais ont des liens forts avec des associations (ex : Filien-ADMR), d’autres, comme Equinoxe, ont un statut associatif et développent des relations avec des associations. D’autres, appartenant au secteur de l’économie sociale, ont choisi le statut associatif (ex : Présence verte, en lien avec la MSA). Enfin, des opérateurs appartiennent au service public (Sdis, Samu). Parmi les grands opérateurs, deux logiques stratégiques peuvent être distinguées. La première, qualifiée de « logique industrielle », est centrée sur une volonté de développement et s’appuie sur des relais (collectivités territoriales) pour poursuivre ce développement. L’autre est qualifiée de « logique d’intégration locale », soit par sa propre action, soit parce que nouant des partenariats avec des acteurs locaux pour la mise en œuvre du service. L’ancrage local des opérateurs est un facteur de différenciation entre eux. La constitution du réseau de proximité et sa disponibilité sont des dimensions clé dans l’efficience de la téléassistance. Au-delà de la dimension technologique, l’analyse des dynamiques d’évolution du système de téléassistance conduit à mettre l’accent sur le maillage des différents acteurs qui se crée autour de la personne âgée.
19 Lydie Audureau
20 ? PENNEC S. / dir., LE BORGNE-UGUEN F. / dir., BODIN T., BOUCHAYER F., CARADEC V., CHEVRIER S., CLEMENT S., DOUGUET F., GALLENGA G., JUGUET S., MANTOVANI J., TRELLU H. (2005). Technologies urbaines - vieillissements et handicaps. Rennes : ENSP, 219 p.
21 Quels sont les objets techniques et les technologies introduits dans les logements, mais aussi en ville, pour faciliter la mobilité des personnes âgées et des personnes handicapées ? Quel est l’impact de ces aménagements sur ces populations : appropriation ou rejet ? Ce sont principalement à ces questions qu’ont cherché à répondre les différents auteurs de cet ouvrage, coordonné par Simone Pennec et Françoise Le Borgne-Uguen, toutes deux sociologues, enseignants-chercheurs, respectivement directrice et membre de l’Atelier de l’université de Bretagne Occidentale de Brest. L’ensemble des textes traite des moyens mis à disposition des individus pour améliorer leurs possibilités de mobilité ou en compenser les limites au domicile comme dans l’espace public, avoir accès à des informations et échanger avec d’autres personnes. La particularité de cet ouvrage est d’aborder des mobilités à tous les niveaux du parcours de l’individudans la cité : le logement, l’environnement de proximité, des abords extérieurs du logement jusqu’au quartier, et enfin l’ensemble de la ville, ses services publics, ses commerces et ses transports. La première partie présente des réalisations au domicile tout en s’interrogeant sur les politiques de l’habitat, les relations entre les intervenants professionnels et l’entourage, sur l’appropriation des nouveaux objets par la personne, notamment des objets marqueurs du handicap. La deuxième partie est consacrée aux objets de communication et à leurs usages. Le rapport des personnes âgées aux objets audiovisuels « classiques » est étudié, ainsi que l’introduction d’objets destinés à la sécurité (comme la téléassistance) ou de techniques favorables au développement des communications avec l’entourage. Enfin, la troisième partie porte sur les espaces urbains et sur les transports. Dans chacune de ces contributions, les auteurs mettent le lecteur en situation afin qu’il éprouve les limites des aménagements urbains en parcourant les villes de Caen, Marseille, Paris et Rennes.
22 Isabelle Besson
23 ? RIALLE V., HERVE C. / dir. (2007/09/12). Technologie et Alzheimer : appréciation de la faisabilité de la mise en place de technologies innovantes pour assister les aidants familiaux et pallier les pathologies de type Alzheimer. Paris : Université René Descartes, 241 p. Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l'Université Paris 5, discipline Ethique Médicale et Biologique.
24 Vincent Rialle a choisi dans sa thèse de favoriser la parole des aidants familiaux de malades atteints de syndrome démentiel. En effet ces malades exigent des efforts d’attention et de soins particulièrement considérables qui conduisent souvent à l’épuisement psychique et physique de l’aidant familial. De nombreuses technologies innovantes sont de plus en plus disponibles pour sécuriser le malade et l'aidant, améliorer les soins et les conditions de vie, et favoriser le maintien à domicile. Cette recherche s’articule autour de trois questions portant sur les usages de technologies avancées :
25 – En quoi ces usages constituent-ils un danger pour la personne humaine dans sa vulnérabilité, ses aspirations, son humanité ?
26 – En quoi sont-ils menaçants pour les acteurs de la prise en charge et pour les valeurs fondamentales que constituent la liberté, l’égalité et la fraternité, mais aussi la sécurité et la qualité de vie pour tous ?
27 – À l’inverse, quelles conséquences entraine la non-utilisation de ces techniques pour ces mêmes personnes et ces mêmes valeurs ?
28 L’enquête descriptive et analytique menée auprès d’un ensemble représentatif de 270 familles de malades atteints d’un syndrome démentiel apporte des réponses à ce questionnement éthique. L’analyse des résultats et les commentaires libres présentés en annexe mettent en lumière la diversité des attitudes des aidants par rapport à ces nouveaux produits. Comme l’auteur le note en conclusion, les répondants ne sont pas dupes du « bluff technologique » dont ils risquent potentiellement d’être les victimes mais ils gardent aussi l’espoir d’un changement et restent ouverts à la nouveauté. Ce travail très dense souligne bien la nécessité de garder à l’esprit le respect de l’humain dans un environnement technologique et sociétal qui évolue très vite.
29 Agnès Béghi
30 Autour de ces questions complexes sur les gérontotechnologies, l’équipe du Centre de Documentation a élaboré une bibliographie plus complète qui comprend des références d’ouvrages et d’articles, français et étrangers.
31 Les lecteurs interessés peuvent la demander au Centre de Documentation (doc@fng) ou la consulter/télécharger gratuitement sur Cairn.info.