Notes
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[1]
Prix Nobel d’économie en 1985.
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[2]
Annales d’économie et de statistique de l’INSEE, n° 66,2002.
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[3]
Ces chiffres seraient respectivement de 4305 et 5035, 6126 et 9070 euros avec un taux technique de 0%.
-
[4]
Source FFSA.
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[5]
Professeur à l’Université de l’Illinois, EU.
-
[6]
Président du Directoire de CNP Assurances.
-
[7]
Professeur à l’Université de Liège.
-
[8]
Institué par l’article 76 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.
-
[9]
Art. 107 de la loi Fillon.
-
[10]
Voir à cet égard la Revue de l’IRES n° 41 2003/1.
-
[11]
Il est à noter que l’application de la règle relative aux versements sur des produits collectifs (8% de la rémunération brute du salarié dans la limite de 8 PASS) conduit à un résultat supérieur de celui résultant de l’application de celle fixée pour l’enveloppe globale (10% des revenus professionnels d’activité, c’est-à-dire après la déduction des frais professionnels. Un salarié qui bénéficierait du maximum fiscal au titre de produits collectifs, ne disposerait donc plus de « disponible fiscal » au titre de l’année N, pour effectuer des versements dans un produit individuel éligible (PERP ou Préfon).
-
[12]
Pour plus de précisions, voir Gérontologie et société n° 93, juin 2000, page 59 et suivantes.
-
[13]
Le rapport Jachiet de l’Inspection générale des finances sur le viager hypothécaire; le rapport conjoint IGF - Inspection des services judiciaires sur le crédit hypothécaire; le rapport du groupe Grimaldi sur la réforme du code civil sur les sûretés.
1 Le « préparer sa retraite » d’antan s’est mué en « préparez votre retraite ». Or, cette translation sémantique révèle une modification profonde de la vision que l’on se fait de la période qui suit celle de la vie active. Ainsi, les stages visant à adapter le futur retraité à une oisiveté méritée, mais souvent redoutée, ont laissé la place aux articles de revues spécialisées sur les stratégies d’épargne à mettre en place dès l’entrée dans son premier emploi. Désormais, pour les actifs, évoquer l’objectif de la préparation de la retraite, c’est d’abord chercher à se prémunir contre la baisse inéluctable des revenus après son départ de la vie professionnelle. Dans cette perspective, la constitution d’un droit à une rente, qui sera perçue par le bénéficiaire (appelé aussi crédirentier) jusqu’à son décès en contrepartie de l’abandon définitif de tout ou partie du capital confié au gestionnaire, semble une solution que d’aucuns qualifieraient de « bon sens »? Cependant, le décalage est grand entre d’une part la conscience de la baisse de revenu qu’implique la seule perception des retraites issues des régimes obligatoires et d’autre part les mesures concrètes prises pour pallier les difficultés attendues des régimes de retraite par répartition. En un mot, les produits d’épargne ouvrant droit à une rente viagère, dont la vocation est pourtant de compléter les pensions acquises dans le strict cadre professionnel, sont encore frappés de préjugés qui limitent l’intérêt que leur porte le public.
LA RENTE VIAGÈRE, AU CŒUR D’ENJEUX LIÉS À UN ALÉA
2Devant les difficultés auxquelles les régimes de retraite doivent faire face, la question n’est plus de savoir, pour les ménages en activité, s’il convient de se constituer une épargne utilisable au moment de la retraite, mais bien, quelles modalités cette épargne doit revêtir pour être pertinente. L’enjeu est donc désormais moins la thésaurisation sans but précis qu’une allocation de l’épargne qui réponde, tant dans sa phase de constitution que lors de sa réalisation, à un objectif identifié et clairement poursuivi. A cet égard, la rente viagère apparaît comme la solution combinant à la fois la sécurité d’une rente servie à vie et dont la revalorisation est en principe assurée, avec la sérénité que procure une gestion financière prise en charge par un professionnel dans un cadre contractuellement défini.
3De tels atouts semblent rendre cette solution proche de l’idéal pour qui veut préparer sa retraite. Sur un plan purement théorique, fort est de constater que la rente viagère répond au modèle tiré de la théorie dite « du cycle de vie » élaborée notamment par Yaari en 1965, puis par Modigliani [1], selon laquelle dans un environnement à information parfaite, les individus tendent à adapter, au fil du temps, la structure de leurs ressources à celle de leur consommation. En simplifiant l’hypothèse, les agents lissent leurs revenus en épargnant lors de leur phase d’activité, pour désépargner alors qu’ils l’ont quittée. Ainsi un agent disposant d’une information fiable et complète pourrait précisément adosser l’épargne à constituer lors de sa vie active à sa consommation attendue durant sa période de retraite. Il se trouve que l’information nécessaire à cette anticipation parfaite, à savoir la durée de vie, n’est pas disponible pour chaque individu, puisqu’en principe et sauf cas certes marginalement envisageables mais pratiquement rarissimes, personne ne connaît la date de son décès. Certains tenant de la théorie du cycle de vie avancent même l’idée que seuls 20% des héritages seraient volontaires, 80% d’entre eux résultant d’une appréciation erronée de la date de sa disparition. Quoi qu’il en soit, l’optimisation entre revenu provenant d’une rente viagère et transmission dans un cadre successoral n’est pas toujours au rendez vous. Le comble, heureusement rare mais pas inexistant, est la situation de ces personnes âgées dotées d’un patrimoine, notamment immobilier, qui sont placées en institution dont le coût est couvert par les enfants ou la puissance publique. Dans ce dernier cas, et en application de l’obligation alimentaire, les sommes prises en charge au titre de l’aide sociale peuvent donner lieu à récupération sur l’éventuel héritage. On assiste donc a une situation absurde et génératrice de complications et frustrations qu’une transformation du capital initial en rente aurait évité.
4La méconnaissance individuelle de la date de son décès fait donc courir un double risque à l’individu qui tenterait de planifier seul le rythme de réalisation de son épargne. D’un côté, celui de restreindre « inutilement » sa consommation en conjecturant un décès plus tardif que celui qui adviendra réellement. Il laissera alors un héritage involontairement élevé. Symétriquement, une anticipation de la date de son décès le laissera sans ressource sur la fin de sa vie.
5La rente viagère permet d’externaliser ce risque en mutualisant les durées de vie ainsi que leur anticipation pour chaque individu. Les travaux de Jeffrey Brown aux Etats-Unis et ceux de Ronan Mahieu et Béatrice Sédillot [2] en France ont démontré que la solution de la rente viagère calculée de manière actuariellement neutre offre une sécurité supérieure à celle que procure une planification individuelle de l’utilisation d’un capital qui lui correspondrait. Par ailleurs, l’espérance de vie à un âge donné est statistiquement vrai, mais ne se vérifie que très rarement sur le plan individuel. Ainsi, si l’espérance de vie à 80 ans est de près de 10 ans, la probabilité de vivre plus longtemps que cette espérance de vie statistique est de plus de 47% soit presque une chance sur deux. Une anticipation individuelle est donc un pari irrationnel si elle fonde seule l’utilisation du capital que l’on souhaite consommer au cours de sa retraite en prenant comme unique référence l’espérance de vie statistique.
UNE CONSTRUCTION TECHNIQUE COMPLEXE QUI ENGAGE L’AVENIR
6A la différence d’une rente obtenue par un placement bancaire, la rente viagère implique l’aliénation, c’est-à-dire l’abandon, du capital qui lui correspond. Ainsi, à la rémunération purement financière que lui verserait un banquier, le gérant de la rente va « ajouter » une rémunération supplémentaire qui correspond à l’utilisation du capital aliéné. Cette rémunération, calculée en fonction de l’âge du souscripteur, permet de mutualiser sur une population donnée l’espérance de vie en appliquant des tables de mortalité qui expriment une durée de vie moyenne calculée statistiquement. Bien entendu, plus le crédirentier est âgé, plus ce supplément de rémunération est élevé. C’est ce que traduit le critère de neutralité actuarielle qui égalise le montant du capital constitué et la somme actualisée des pensions versées compte tenu de l’espérance de durée de vie du crédirentier. Cette opération, par le biais de la mutualisation opérée par l’assureur, permet de rendre neutre l’opération au niveau collectif.
7Le gestionnaire va promettre un taux de rémunération qu’il s’engage à servir au crédirentier tout au long de sa vie. Compte tenu des durées extrêmement longues de ce type d’opération, le taux précompté, objet de la promesse et appelé « taux technique », ne peut être que prudent. Il est d’ailleurs encadré par les pouvoirs publics qui le fixent en référence à des taux de marché véritablement constatés. Actuellement, il est plafonné à 2%. Ainsi, le taux technique précompté, c’est-à-dire celui sur lequel s’engage le gestionnaire, sera compris entre 0% et 2%. Cette notion de prudence réglementaire est utilisée dans le cadre de calculs de rentes constitués, elle permet de garantir l’indexation des arrérages de rente servie par la distribution des produits financiers générés par le capital provisionné et aliéné. En résumé, le montant de la rente annuelle est déterminé à la souscription sur la base d’une rémunération financière au maximum égale à un taux technique réglementaire. Une éventuelle rémunération supplémentaire résultant de la performance du placement des actifs est distribuée sous forme de revalorisation annuelle à chaque clôture d’exercice conformément aux clauses de participations aux résultats.
8Il convient de noter que bien qu’actuariellement équivalent, le choix du taux technique conduira à une évolution différente du montant de la rente perçue. A taux de rendement des actifs identiques, un taux technique bas conduira à un montant plus faible dans les premières années du service de la rente qu’avec un taux technique élevé. En contre partie, l’augmentation de la rente sera plus importante avec un taux bas qu’avec un taux technique élevé. En effet, et en simplifiant le propos, tout se passe comme si le taux technique conduisait à une actualisation de la valeur du capital de sorte que l’assiette sur laquelle s’applique le rendement financier au fil du temps, diminue d’autant plus rapidement que le taux technique est élevé. En pratique, ce choix, qui ne pourrait être rationnellement pris qu’en connaissant sa durée de vie restante, s’impose souvent en retournant la proposition. Il est en réalité déterminé par le montant de rente que le crédirentier souhaite percevoir dès la première année compte tenu du capital dont il dispose. L’évolution de la rente se déduit ensuite de ce choix initial.
9En simplifiant la proposition, un épargnant disposant d’une somme de 100000 euros et plaçant son capital chez un banquier qui lui rémunère à 4% touchera chaque année 4000 euros. Cette somme, qui variera chaque année en fonction du taux de rendement des actifs, verra son pouvoir d’achat réel diminué du taux d’inflation. Ainsi avec une hypothèse d’une inflation à 1,5%/an, (et d’un taux de rendement inchangé) de 4000 euros la première année, son pouvoir d’achat passera à 3713 euros en cinq ans. Son capital, en revanche, sera inchangé en valeur nominal mais bien entendu, diminué, en valeur réelle, du taux d’inflation. Si ce même épargnant place la même somme afin de toucher une rente viagère, il consommera son capital mais verra sa rente augmentée du taux de rémunération servi par le gestionnaire de la rente. En supposant que le taux technique soit de 2%, en plaçant la même somme à 65 ans, il sera certain de percevoir 5525 euros la première année et 5972 euros cinq ans plus tard, 6580 la dixième année et 7990 euros 20 ans après [3].
10A ces considérants financiers et actuariels portant sur le souscripteur du contrat, s’ajoute l’incidence de la réversion. En effet, le contrat peut prévoir qu’au décès du crédirentier principal, la rente continuera d’être servie, selon un taux défini lors de la conclusion du contrat, à un bénéficiaire désigné, en principe le conjoint. Il va de soi qu’une telle clause conduit à diminuer le montant de la rente dans des proportions d’autant plus importantes que le bénéficiaire de la réversion est jeune. Il convient donc, au moment de la souscription du contrat, ou au plus tard au moment de la mise en service de la rente, de demander que soient établies des simulations en faisant varier les hypothèses afin de retenir celle qui correspond le mieux à la situation de chacun.
11La rente viagère est une réponse techniquement bien adaptée aux épargnants qui souhaitent se constituer un complément de revenu sécurisé. Elle permet de surcroît de libérer son bénéficiaire de la gestion d’un capital dont l’anticipation de la consommation est rendue aléatoire du fait de l’ignorance qui est la sienne de sa durée de vie réelle. Pour autant, les contrats dits « tunnels » qui n’admettent que les sorties en rente, ne rencontrent pas un véritable succès parmi les épargnants.
UNE FORMULE QUI SÉDUIT APPAREMMENT PEU
12En dépit de son intérêt, la rente viagère ne rencontre pas un engouement particulier. A cet égard, les chiffres sont éloquents. Les placements qui réservent l’épargne à une sortie exclusivement en rente au jour de la retraite, c’est-à-dire les Plans d’Epargne Populaire (PERP) créés en août 2003, la Préfon destinée aux agents publics, les contrats Madelin pour les non salariés, les contrats supplémentaires d’entreprise type articles 39,83 et PERE, n’atteignaient pas, dans leur ensemble, les 100 milliards d’euros d’encours fin 2005. Ce montant est à comparer au plus de 970 milliards d’euros gérés dans le cadre de l’assurance vie qui a par ailleurs drainé 120 milliards de primes au titre de la seule année 2005 [4] ou aux 300 milliards d’euros déposés sur les livrets bancaires.
13A cet égard, l’exemple du PERP, issu de la loi Fillon, permet d’illustrer cette désaffection des épargnants pour les produits à sortie exclusivement en rente. En 2004, année de son lancement effectif, 1,2 millions d’épargnants en ont souscrit un. En 2005, à peine 500000 souscriptions ont été enregistrées. Quant aux primes collectées, elles ne dépassaient pas 1,5 milliards d’euros fin 2005, soit en moyenne, moins de 1000 euros placés par contrat. Au-delà des chiffres, le succès du Plan d’Epargne Collectif (PERCO), produit de la famille de l’épargne salariale destiné à la préparation de la retraite, en regard de celui rencontré par le PERE, les deux ayant été créés par la loi Fillon, est en grande partie dû à ce qu’une sortie en capital soit possible si l’accord relatif à la mise en place du PERCO le prévoit, possibilité inexistante pour le PERE.
14Deux types de raisons peuvent expliquer cette réticence pour les contrats à sortie en rente. D’abord des explications d’ordre rationnel. La volonté de conserver un capital pour faire face à une dépense imprévue, par exemple liée à la dépendance, ainsi que la volonté de transmettre un héritage. Pour autant, bien que réelles ces raisons ne décrivent que partiellement la réalité, pour ne pas dire qu’elles renvoient à d’autres, plus « psychologiques ». Lors des derniers entretiens de l’assurance organisés par la FFSA à Paris, Jeffrey Brown [5] qui intervenait aux côtés de Gille Benoist [6] et de Pierre Pestiau [7] dans une des conférences, a défendu l’idée que « le sentiment de perdre le contrôle sur son patrimoine, doublé de l’impression que la rente est plus une loterie qu’un mécanisme rationnel d’assurance » étaient à la source des principales réticences des assurés pour ce type de solution.
15Cette situation paraît pourtant évoluer. En premier lieu, les sous-cripteurs de contrat en sortie en rentes (PERP) ne correspondent pas aux anticipations faites par les opérateurs au moment de son lancement. De fait, en lieu et place des populations âgées et fortement fiscalisées ce sont en réalité des souscripteurs jeunes aux revenus modestes qui ont choisi le PERP. D’aucuns pensent que non seulement ces derniers sont moins marqués par le souvenir d’une inflation forte qui, jadis, a laminé les rentes mais qu’en outre, l’inquiétude croissante des ménages quant aux revenus dont ils disposeront au moment de la retraite s’est conjuguée avec une évolution rapide et profonde de l’environnement institutionnel et concurrentiel du marché de l’épargne retraite dont les plus jeunes d’entre eux auraient mieux perçu les opportunités.
CONSTITUER DES DROITS À LA RENTE VIAGÈRE EN PROFITANT DES OPPORTUNITÉS FISCALES
16Les sources permettant de se constituer des droits à bénéficier d’une rente viagère en supplément des rentes versées par les régimes obligatoires sont diverses. En effet la multiplicité et la segmentation des contrats, en fonction des populations auxquelles ils sont destinés, rendent difficile une vue d’ensemble de ce marché.
SE CONSTITUER UNE RENTE VIAGÈRE DANS LE CADRE DE L’ENTREPRISE
17Premier canal, souvent mal connu du grand public, les contrats proposés dans le cadre de l’entreprise. Modalité privilégiée pour se constituer une rente viagère perçue au moment du départ à la retraite dans les pays européens à tradition « Beveridgienne » et en premier lieu en Grande-Bretagne, ces produits se répartissent en deux grandes familles. Désignés en France par l’article du code général des impôts qui organise leur fiscalité, les régimes dits article 83 et 39 représentent à eux seuls la très grande majorité des contrats à sortie en rente du marché de par le montant des encours gérés.
18Première famille, les régimes à cotisations définies (Art. 83). Mis en place au sein d’une entreprise, ces contrats conduisent l’employeur à verser des cotisations exprimées, en principe, en pourcentage du salaire. Lors du départ en retraite, celles-ci sont transformées en rente viagère à l’exclusion de tout autre mode de sortie. Même le départ de l’entreprise, hors cas de départ en retraite, ne permet pas le versement au salarié des sommes acquises. Ces dernières sont en effet, soit transférées sur un plan de même nature s’il en existe un chez le nouvel employeur, soit débloquées, sous forme de rente, au jour où le salarié fait valoir ses droits à retraite. Il s’agit donc de contrats qui constituent un droit à retraite supplémentaire mais dont le montant variera selon la durée cotisée et le rendement des placements. La réforme d’août 2003 a ouvert la possibilité aux salariés d’effectuer des versements individuels dans un cadre comparable à ceux du Plan d’Epargne Retraite Populaire (PERP) en créant le PERE.
19La seconde famille est dite « à prestations définies ». Dans ce cas, l’entreprise, en partenariat avec l’opérateur (le plus souvent un assureur) auquel elle confie la gestion du régime, s’engage sur un montant de rente qu’elle versera au salarié à la condition expresse qu’il figure dans ses effectifs, au jour de son départ à la retraite. Ce montant peut être exprimé en pourcentage du dernier salaire perçu, compte tenu, éventuellement, des pensions versées par les régimes obligatoires. Souvent réservés aux dirigeants ou aux cadres supérieurs, ces contrats constituent un passif social important pour l’entreprise.
20Les conditions fiscales et sociales sont avantageuses pour l’entreprise puisque les cotisations à sa charge sont déductibles de l’impôt sur les sociétés et bénéficient d’exonération pour les charges sociales.
21Ces dispositifs, qui relèvent des techniques d’assurance, ont également été complétés en France par le législateur dans le cadre de la loi Fillon, en destinant un produit d’épargne salariale pure, le Plan d’Epargne Collectif (PERCO), à la préparation de la retraite. Ouvert à tous les salariés d’une entreprise qui le met en place, le PERCO est alimenté par les sommes issues de l’intéressement, de la participation, des versements volontaires des salariés et de l’éventuel abondement de l’employeur. Contraints par les plafonds de l’épargne salariale, ces versements donnent droit à une rente viagère au jour du départ à la retraite. Les débats qui ont accompagné sa création ont toutefois conduit le législateur à permettre une sortie en capital si l’accord de sa mise en place le prévoit. Des cas de déblocages anticipés plus nombreux que pour les articles 83 et 39 sont également prévus, notamment en cas d’achat de la résidence principale.
22Ces produits ouvrant droit à une rente viagère au moment de la retraite sont fréquents dans certains pays d’Europe, notamment en Europe du nord (Grande-Bretagne, Pays-Bas…). Appelés « fonds de pension », et traditionnellement construits sur le modèle des contrats à prestations définies, ils sont confrontés à des difficultés majeures. Certaines entreprises doivent faire face à des engagements sociaux (cas de Rolls-Royce ou British Telecom par exemple) qui sont supérieurs à leur capitalisation boursière. Pour sortir de cette situation, les entreprises substituent à leurs fonds à prestations définies des systèmes à cotisations définies au terme desquels le salarié constatera le montant de la rente à laquelle il a droit compte tenu du rendement obtenu sur le fonds. Il y a donc un déport du risque de l’entreprise vers le salarié qui n’a aucune garantie quand à la rente qu’il percevra lors de son départ en retraite. La crise de confiance qui frappe les fonds de pension n’est d’ailleurs certainement pas étrangère à l’augmentation des prix de l’immobilier considéré comme valeur refuge plus sure que les retraites proposées par les entreprises.
POUR LES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS
23Intermédiaire entre les régimes distribués dans le cadre de l’entreprise et les contrats proposés aux particuliers, ceux destinés aux travailleurs non salariés ont été fiscalement institués par la loi du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle (dite loi « Madelin »). Elle permet en effet la défiscalisation (déductibilité du revenu imposable au titre des BIC ou des BNC) des cotisations effectuées à titre volontaire par les travailleurs non salariés non agricoles (TNS ou TNSNA). Ainsi, les professionnels éligibles peuvent se constituer une rente viagère en franchise fiscale.
POUR LES FONCTIONNAIRES
24Les fonctionnaires bénéficient de systèmes qui leur sont dédiés. Ces régimes spécifiques (PREFON créé en 1967 et le COREM qui a vu le jour en 1949) dont la sortie se fait exclusivement en rente viagère leur permet de compenser la chute de leurs revenus au moment de leur retraite. Ces régimes ont bénéficié jusqu’en 2003, d’une spécificité fiscale. Celle-ci était justifiée par le fait qu’à cette époque, les pensions n’étaient calculées que sur leur seul traitement indiciaire sans intégrer les primes.
25Cette situation a été depuis corrigée par la création du Régime Additionnel de la Fonction Publique « le RAFP [8] » auquel sont obligatoirement affiliés les fonctionnaires, les magistrats et les militaires. Les cotisations sont assises sur l’ensemble des éléments de rémunération soumis à la CSG et n’ouvrant pas droit à retraite et sont plafonnées à hauteur de 20% du traitement indiciaire brut annuel. Le taux de cotisation est fixé à 10% du montant de l’assiette : 5 % étant à la charge du fonctionnaire et 5% à la charge de l’employeur. La liquidation ne peut intervenir avant l’âge de 60 ans.
26La Retraite additionnelle est servie en rente viagère. Une réversion au bénéfice du conjoint est également prévue.
POUR LES PARTICULIERS
27Les particuliers, sans activité professionnelle ou qui travaillent dans une entreprise ou une institution ne proposant pas de régime de retraite supplémentaire, peuvent également souscrire un produit leur procurant une rente au jour de leur mise à la retraite. Ne seront présentés ici que les produits spécifiquement destinés à la préparation à la retraite, à l’exclusion de ceux qui autorisent une sortie en rente avant le départ en retraite (cas du Plan d’Epargne en Action ou du Plan d’Epargne Populaire qui n’est désormais plus distribué).
28Le législateur, à l’occasion de la loi d’août 2003, a décidé d’étendre le droit d’accès à des produits d’épargne réservés à la retraite et dont la sortie se fait en rente viagère [9]. A cet effet, a été créé le Plan d’Epargne Populaire (PERP) qui ouvre la possibilité à tout un chacun, de se constituer un droit à rente viagère pour son départ en retraite. Elaboré dans un souci de très grande sécurité, le PERP prévoit, à côté de l’établissement gestionnaire (dans les faits un assureur), la présence d’une association (le Groupement d’épargne retraite populaire, le GERP) à laquelle les cotisants adhèrent obligatoirement. Le cantonnement des fonds, qui assure une protection renforcée des actifs, se double d’une « désensibilisation » des actifs qui consiste à opérer, au fil du temps, un glissement des fonds des actifs plus risqués et donc plus rémunérateurs, vers des supports moins risqués (produits de taux). La complexité du montage, couplée à l’engagement de très long terme, ont certainement limité l’engouement des épargnants pour cette solution.
UNE FISCALITÉ DES COTISATIONS FAVORABLE RÉCEMMENT TOILETTÉE
29Les produits de retraite sont toujours fortement structurés par la fiscalité qui leur est appliquée. Certains avancent d’ailleurs l’idée que les avantages de toute nature, et notamment fiscaux et sociaux, dont bénéficient ce type de dispositif sont pour partie au moins, responsables des difficultés que rencontrent les systèmes obligatoires qui se trouvent, par la même privés de ressources. Les déséquilibres alors constatés justifient de nouvelles incitations fiscales qui aggravent encore une situation dont elles sont à l’origine [10].
30En matière fiscale, la loi Fillon d’août 2003 a affirmé la volonté de doter les produits individuels et collectifs d’épargne réservés à la retraite d’une égalité de traitement au regard de l’impôt. Pour ce faire, une enveloppe fiscale unique a été créée, qui fédère le panorama des produits dédiés à la retraite. Les mécanismes de fonctionnement de cette enveloppe sont, sous une apparente simplicité, en réalité complexes. Le principe est le suivant : les montants versés sur des produits de retraite dans le cadre professionnel ou à titre privé, donnent lieu à une minoration du revenu imposable du foyer fiscal dans la limite d’une enveloppe globale qui s’apprécie selon les revenus de chaque membre du foyer fiscal.
31Chaque membre du foyer fiscal peut donc déduire jusqu’à 10% de ses revenus professionnels dans la limite de huit plafonds de la Sécurité sociale (PASS) de l’année civile qui précède, duquel seront retranchés les montants déjà versés au titre des produits collectifs. Cette enveloppe fiscale globale est au moins égale à 10% d’un PASS [11].
UNE FISCALITÉ DE LA RENTE DIFFÉRENTE SELON LES MODALITÉS DE SON ACQUISITION
32Le plus souvent, la rente est réputée avoir été acquise à titre gratuit (cas de la rente servie au titre d’un article 83,39, ou dans le cadre d’un PERP, ou d’un produit Madelin). Elle est alors imposée au titre des revenus du retraité en bénéficiant des abattements fiscaux applicables aux pensions servies par les régimes obligatoires (jusqu’aux revenus 2005, abattement de 10% (plafonné) et 20%). Il en va différemment de certaines rentes viagères dites acquises à titre onéreux. C’est en particulier le cas des contrats n’ayant pas permis de bénéficier d’une fiscalité avantageuse lors de la constitution des droits (cas de contrat d’entreprise avec une sortie en capital possible ou de certains contrats souscrits dans un cadre individuel hors fiscalité de la loi Fillon). C’est aussi la fiscalité qui s’applique aux rentes versées au titre d’un PERCO. Dans ce cas particulier, la fraction imposable de la rente est fonction de l’âge auquel la rente est mise en service. La part imposable passe ainsi de 70% pour une mise en paiement de la rente au bénéfice d’un crédirentier de moins de 50 ans, à 30% si celui-ci est âgé de 70 ans [12].
33Dans tous les cas, les sommes perçues dans l’année au titre de la rente constituée (appelées aussi arrérages de rente) sont soumises à la CSG et la CRDS. Les contrats prévoyant une sortie en rente viagère acquise à titre onéreux doivent être déclarés pour la valeur de la réserve mathématique au titre de l’Impôt Solidarité sur la Fortune (ISF).
LE CAS PARTICULIER MAIS EMBLÉMATIQUE DE L’IMMOBILIER
34Il est communément admis que l’acquisition d’un bien immobilier, et particulièrement de la résidence principale, est une manière de préparer sa retraite. Cette reconnaissance a trouvé sa traduction législative en France avec la possibilité de récupérer les sommes détenues dans un PERCO pour acheter sa résidence principale. La loi Riester, en Allemagne, a également aménagé des décaissements possibles des sommes placées pour la retraite au même motif. Il existe en outre une possibilité consistant à vendre sa maison contre une rente viagère versée par l’acquéreur qui ne deviendra pleinement propriétaire qu’au décès du crédirentier. Cette solution, brocardée par un film de Pierre Tchernia sorti en 1971, n’est toutefois pas sans intérêt pour qui veut à la fois garder l’usufruit de sa résidence et compléter le montant de sa retraite. Bien entendu, même si le montant de la rente est fixé librement entre les parties, celle-ci doit refléter la valeur intrinsèque du bien objet de la transaction. En pratique, le calcul de la rente est le plus souvent réalisé par un notaire qui prend en compte plusieurs paramètres comme la valeur du bien, l’existence ou non d’un « bouquet » (somme versée immédiatement et constituant un paiement partiel en capital), l’âge et le sexe du vendeur (car ils déterminent son espérance de vie), et si le crédirentier conserve ou non l’usage du logement. Pour tous ces calculs, le notaire dispose de banques de données et de barèmes qui, en principe, garantissent l’équité de l’opération.
35Le prêt viager hypothécaire ou comment faciliter l’accès au crédit pour les propriétaires âgés.
36Une modification du code de la consommation a été introduite par l’ordonnance du 23 mars 2006. Celle-ci, qui fait suite à plusieurs rapports [13], introduit dans la gamme des produits disponibles en France le prêt viager hypothécaire. Cette modification vise, selon le ministre de l’économie, à mobiliser la valeur du patrimoine immobilier « dormant » dans le financement de l’économie pour relancer ainsi consommation et croissance. Il s’agit d’un prêt destiné aux personnes âgées qui, étant propriétaires d’un bien immobilier (résidence principale ou secondaire), ont besoin de financements, et ne souhaitent pas le vendre. Calqué sur ce qui existe déjà au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, il permet l’octroi de crédits remboursables in fine: tout, c’est-à-dire capital et intérêts, étant remboursés à la fin de l’opération. En pratique, ce remboursement intervient donc lors du décès de l’emprunteur (le remboursement est fait grâce à la vente du bien concerné) ou lors de la vente du bien hypothéqué.
37Le crédit peut servir à faire des travaux, des achats exceptionnels, mais aussi à acheter une rente pour compléter les revenus. Cette somme peut encore être utilisée pour faire une donation à ses enfants ou petits-enfants et anticiper, ainsi, un héritage.
38Des règles spécifiques organisent la protection de ces emprunteurs particuliers. D’abord la dette est plafonnée à la valeur de l’immeuble à l’issue de l’opération. Il ne peut donc y avoir de dette laissée aux héritiers. Des mesures complémentaires ont été introduites dans le code de la consommation, notamment l’interdiction totale du démarchage sur ce type de produits. Cette réforme devrait à la fois favoriser l’accession à la propriété, tout en améliorant la situation financière des personnes âgées, en permettant à la fraction des 6 millions de ménages français de plus de 65 ans qui sont propriétaires de leur logement et qui souffrent de ressources insuffisantes, de mobiliser des fonds grâce au fait qu’ils sont propriétaires, sans pour autant en subir d’inconvénient.
39De fait, au traditionnel choix des ménages en terme d’épargne – immobilier et assurance vie– commence à se substituer, surtout de la part des jeunes épargnants, une souscription de contrats d’assurance spécifiquement dédiés à la retraite dont la sortie se fait en rente. Par ailleurs, l’unification du marché de la retraite voulue par le législateur et qui s’est traduite par une enveloppe fiscale unique pour l’ensemble des produits, conduit à une concurrence des supports (collectifs/individuels, produits assuranciels/Epargne salariale) et à une complexification des gammes proposées par les acteurs du marché.
Notes
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Prix Nobel d’économie en 1985.
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Annales d’économie et de statistique de l’INSEE, n° 66,2002.
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Ces chiffres seraient respectivement de 4305 et 5035, 6126 et 9070 euros avec un taux technique de 0%.
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Source FFSA.
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Professeur à l’Université de l’Illinois, EU.
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Président du Directoire de CNP Assurances.
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[7]
Professeur à l’Université de Liège.
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[8]
Institué par l’article 76 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.
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[9]
Art. 107 de la loi Fillon.
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[10]
Voir à cet égard la Revue de l’IRES n° 41 2003/1.
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[11]
Il est à noter que l’application de la règle relative aux versements sur des produits collectifs (8% de la rémunération brute du salarié dans la limite de 8 PASS) conduit à un résultat supérieur de celui résultant de l’application de celle fixée pour l’enveloppe globale (10% des revenus professionnels d’activité, c’est-à-dire après la déduction des frais professionnels. Un salarié qui bénéficierait du maximum fiscal au titre de produits collectifs, ne disposerait donc plus de « disponible fiscal » au titre de l’année N, pour effectuer des versements dans un produit individuel éligible (PERP ou Préfon).
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[12]
Pour plus de précisions, voir Gérontologie et société n° 93, juin 2000, page 59 et suivantes.
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[13]
Le rapport Jachiet de l’Inspection générale des finances sur le viager hypothécaire; le rapport conjoint IGF - Inspection des services judiciaires sur le crédit hypothécaire; le rapport du groupe Grimaldi sur la réforme du code civil sur les sûretés.