Notes
-
[1]
La Quête intermittente, Paris, Gallimard, 1987. À partir de la p. 114.
-
[2]
Ibid., p. 24. Freud écrivait à l’âge de 65 ans, à l’occasion du départ de son fils pour le service militaire : « Le 13 mars de cette année, je suis entré brusquement dans la véritable vieillesse. Depuis, la pensée de la mort ne m’a pas quitté… » Lettre du 8 mai 1921 à Sandor Ferenczi.
-
[3]
Florence Dibie-Racoupeau, « Devenir du traumatisme au cours du vieillissement », contribution aux IVe Rencontres Scientifiques de la Société Française de Victimologie, 2001. Article en ligne, p. 4
-
[4]
Jacques Messy, La personne âgée n’existe pas. Une approche psychanalytique de la vieillesse,Paris, Rivages Psychanalytiques, 1992, p. 82.
-
[5]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 26.
-
[6]
Ibid., p. 32.
-
[7]
Noureddine Bouati, Chronopsychologie des personnes âgées.
-
[8]
Claude Balier, « Eléments pour une théorie narcissique du vieillissement », in Cahiers de la Fondation nationale de gérontologie, 4,1976, pp. 129-153.
-
[9]
Eugène Ionesco, Journal en miettes, Paris, Gallimard, 1967, pp. 102-103.
-
[10]
La Quête intermittente, op.cit., p. 51.
-
[11]
Ibid. L’expression en italiques est entre guillemets dans le texte.
-
[12]
Ibid., pp. 22-23.
-
[13]
Ibid., pp. 98-99. Terme en italiques dans le texte.
-
[14]
Ibid., p. 69.
-
[15]
Ibid., p. 102-103.
-
[16]
Ibid., p. 156.
-
[17]
Ibid., p. 118-119.
-
[18]
Jean Bergeret, Abrégé de Psychologie Pathologique, Paris, Masson, 1972 : « Les états-limites et leurs aménagements », pp. 179-195.
-
[19]
Henri Bianchi, « Vieillir après Freud », in Psychanalyse et vieillissement, éd. par l’Association Internationale de Gérontologie Psychanalytique. Congrès 1 (1980), Paris, Sopedim, 1980, pp. 1-26 ; p. 23.
-
[20]
Béatrice Didier, Le journal intime, Paris, PUF, 1976, p. 115.
-
[21]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 52.
-
[22]
Ibid., p. 69.
-
[23]
Par exemple p. 144.
-
[24]
Ibid., p. 126.
-
[25]
Ibid., p. 85.
-
[26]
Ibid., p. 100.
-
[27]
Ibid., p. 109-110.
-
[28]
Ibid., p. 126.
-
[29]
Béatrice Didier,Le journal intime, op.cit.,p. 18.
-
[30]
Ibid., p. 49-50.
-
[31]
Ibid., p. 14.
-
[32]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 62-63.
-
[33]
Gilles Ernst, « Déjà fini », in Lectures de Ionesco, éd. par Norbert Dodille, Marie-France Ionesco et Gabriel Liiceanu, Paris, l’Harmattan, 1996, pp.87-112 ; p. 94.
-
[34]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., pp. 131-136.
-
[35]
Gilles Ernst, « Déjà fini », in Lectures de Ionesco, op.cit., pp. 87-112 ; p. 93.
-
[36]
Michel de Montaigne, Essais, Livre II, Paris, Garnier-Flammarion, 1969, pp. 44-45.
-
[37]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 11.
-
[38]
Ibid., p. 93.
-
[39]
Ibid., pp. 66-67.
-
[40]
Ibid., p. 142.
-
[41]
Ibid., p. 100.
-
[42]
Ibid., p. 42.
-
[43]
Ibid., p. 43.
-
[44]
Ibid., pp. 44-47.
-
[45]
Ibid., p. 49. On entend ici l’écho de Rousseau juge de Jean-Jacques, in Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes, vol.1, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, pp. 657-992 ; pp. 664-665.
-
[46]
Ibid., p. 116-117. Cet épisode est narré dans le Journal en miettes, op.cit., p. 60-92.
-
[47]
Ibid., p. 14.
-
[48]
Ibid., p. 108-109.
-
[49]
Ibid., p. 111-114.
-
[50]
Ibid., p. 84-85.
-
[51]
Ibid., p. 82.
-
[52]
Ibid., p. 120.
-
[53]
Ibid., p. 168.
-
[54]
Ibid., p. 108.
-
[55]
Michel Beaujour, Miroirs d’encre, Paris, Seuil, 1980, p. 25.
-
[56]
Ibid., p. 350.
-
[57]
Gilles Ernst, « Déjà fini », art.cit.,p. 93.
-
[58]
Maurice Giulani, Préface, in Ignace de Loyola, Écrits, Paris, Desclee de Brouwer, 1991, pp. 7-18 ; pp. 10-11.
-
[59]
Au sens de « règles de vie ». Cf Alain Montandon, Les formes brèves, Paris, Hachette, 1992, pp. 31-33.
-
[60]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 136.
-
[61]
Ibid., pp. 127 et 34.
-
[62]
Ralph-Rainer Wuthenow, Das erinnerte Ich. Europäische Autobiographie und Selbstdarstellung im 18. Jahrhundert,Munich, C.H.Beck, 1974, pp. 33-36.
-
[63]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., pp. 166-167.
-
[64]
Ibid., pp. 150 et 151.
-
[65]
Ibid., p. 137.
-
[66]
Ibid, p. 123.
-
[67]
Ibid, p. 115.
-
[68]
Michel Beaujour, Miroirs d’encre, op.cit., p. 13.
-
[69]
Jean Baruzi, « Les aphorismes de Saint Jean de la Croix », in Les Dits de lumière et d’amour, Paris, Corti, 1991, pp. 117-127, p. 125. Ionesco lit d’ailleurs les écrits de cet auteur sur Jean de la Croix. Cf La Quête intermittente, op.cit., pp. 111-113.
-
[70]
La Quête intermittente,
-
[71]
Eugène Vance, « Le moi comme langage : Saint Augustin et l’autobiographie », in Poétique14,1973, p. 171.
-
[72]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 152.
-
[73]
Ibid., pp. 107 et 169.
-
[74]
Ibid., p. 33.
-
[75]
Ibid., p. 142.
-
[76]
Ibid., p. 143.
-
[77]
Ibid., p. 12.
-
[78]
Henri Bianchi, « Vieillir après Freud », art.cit., p. 20.
-
[79]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., pp. 130-131.
-
[80]
Ibid., p. 40.
-
[81]
Ibid., p. 106. Cf aussi pp. 60,89,99.
-
[82]
Daniel Alaphilippe, Laetitia Sautel, « Contrôle et dépression chez la personne âgée », in Pratiques psychologiques, psycho-gérontologie, Le Bouscat, L’esprit du temps, n°3,2000, pp.49-61 ; p. 52.
-
[83]
La Quête intermittente, p. 129.
-
[84]
Ibid., p. 104.
-
[85]
Ibid., 76.
-
[86]
Ibid., p. 129.
-
[87]
Ibid., p. 146.
-
[88]
Ibid., p. 139.
-
[89]
Ibid., p. 13.
-
[90]
Ibid., p. 111.
-
[91]
Ibid., pp. 13-14.
-
[92]
Ibid., p. 18.
-
[93]
Ibid., p. 23.
-
[94]
Alain Girard, Le journal intime, Paris, PUF, 1963, p. 507.
-
[95]
La Quête intermittente, op.cit., p. 138.
-
[96]
Ibid., pp. 115-116.
-
[97]
Ibid., p. 32.
-
[98]
Gabriel Balbo, « Introduction d’un concept psychanalytique du vieillissement », in Psychanalyse et vieillissement, op.cit., pp.52-71; p.59.
-
[99]
La Quête intermittente, op.cit., p. 76.
-
[100]
Ibid, p. 152.
-
[101]
Ibid, p. 104.
-
[102]
Lucian Pintilie, « Travelling latéral », in Lectures de Ionesco, op.cit., pp. 41-47 ; p. 41.
-
[103]
La Quête intermittente, op.cit., p. 74.
-
[104]
Ibid., p. 15.
-
[105]
Ibid., p. 24.
-
[106]
Ibid., p. 24.
-
[107]
Nous savons cependant qu’il a 77 ans. Cf note 2.
-
[108]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 101. Les italiques sont dans le texte.
-
[109]
Ibid., p. 24.
-
[110]
Ibid., p. 129. Et citation suivante.
-
[111]
Cf Job, 19,22 : « Pourquoi vous montrer insatiables de ma chair ?» Ionesco, dans ses journaux, s’identifie fréquemment à la figure de Job.
-
[112]
Eugène Ionesco, Journal en miettes, pp. 55-56 et 212.
-
[113]
Henri Bianchi, « Vieillir après Freud », art.cit., p. 23.
-
[114]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 44.
-
[115]
Ibid., pp. 24 et 100.
-
[116]
Ibid., p. 79.
-
[117]
Ibid., p. 57.
-
[118]
Ibid., p. 41.
-
[119]
Ibid., pp. 42-43.
-
[120]
Ibid., p. 44.
-
[121]
Ibid., p. 79.
-
[122]
Ibid., p. 50.
-
[123]
Ibid., pp. 65-66 et 54.
-
[124]
Ibid., pp. 13 et 148.
-
[125]
Jean-François Chiantaretto, De l’acte autobiographique, Seyssel, Champ Vallon, 1995, p.19.
-
[126]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit, p. 169. Cf p. 9 de cet article.
-
[127]
Ibid., p. 98.
-
[128]
Ibid., p. 36.
-
[129]
Ibid., p. 123. Allusion au Roi se meurt.
-
[130]
Ibid., pp. 164-165.
-
[131]
Ibid., p. 65.
-
[132]
Michel Lioure, « À quoi bon la littérature ?», in Lectures de Ionesco, op.cit., pp. 25-37 ; p. 25.
-
[133]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit, pp. 9 et 18.
-
[134]
Ibid., pp. 17-18.
-
[135]
Ibid., p. 105.
-
[136]
Michel Beaujour, Miroirs d’encre, op.cit., p. 25.
-
[137]
La Quête intermittente, op.cit., p. 32.
-
[138]
Ibid., p. 14.
-
[139]
Ibid., p. 19.
-
[140]
Cf Cicéron, De la vieillesse, et Pétrarque, Lettres de la vieillesse.
-
[141]
La Quête intermittente, op.cit., p. 44.
-
[142]
Ibid., p. 139.
-
[143]
Alain Montandon, Les formes brèves, op.cit., p. 70.
-
[144]
La Quête intermittente, op.cit., p. 25.
-
[145]
Ibid., p. 56.
-
[146]
Eugène Ionesco, Un Homme en question, Paris, NRF / Gallimard, 1979, p. 96.
-
[147]
Eugène Ionesco, Ruptures de silence. Rencontres avec André Coutin, Paris, Mercure de France, 1995, p. 84. Les entretiens eurent lieu en 1978.
-
[148]
Eugène Ionesco, Antidotes, Paris, Gallimard, 1977, p. 196.
-
[149]
La Quête intermittente, op.cit., p. 222.
-
[150]
« J’espère : Jésus-Christ ». Cf note 73.
-
[151]
Michel Beaujour, Miroirs d’encre, op.cit., p. 43.
-
[152]
Dans l’intervention divine (Tolle, Lege), Michel Beaujour voit la « sommation qui mène Augustin vers le Verbe ». In Michel Beaujour, Miroirs d’encre, op.cit., p. 45.
-
[153]
Michel Beaujour, Miroirs d’encre, op.cit., pp. 25-26.
1La Quête intermittentecouvre les mois de juillet 1986 à janvier 1987. Ionesco, après ce qu’il appelle « l’accident », est dans un établissement de soins, au château du Rondon, puis dans son appartement parisien [1]. Il avait déjà tenu, de 1963 à 1967, un journal intime : le Journal en miettes. C’est la peur de la mort qui le pousse à reprendre l’écriture diaristique. Le dramaturge a toujours été scandalisé par la condition humaine. La vieillesse le confronte à sa propre mort, l’obligeant à anticiper sa disparition. Il tente alors de faire du journal un exercice spirituel, visant moins à se justifier qu’à trouver le salut dans l’écriture. Ce qui importe, au seuil de la mort, c’est de s’assurer d’une foi et de la survie de l’âme. Mais les maux de l’âge et le souci de la postérité entravent la quête spirituelle. L’écrivain vieillissant, paradigme de tous les mortels, peut seulement souhaiter être sauvé au nom des souffrances subies.
LA QUÊTE
LES INTERMITTENCES DU MOI
2La vieillesse est vécue par Ionesco comme un traumatisme. C’est une métamorphose brutale que décrit le diariste : « Dire qu’il y a encore très peu de temps, seize mois, à plus de soixante-quinze ans, j’étais jeune, mais j’ai sombré psychologiquement et physiquement et soudainement dans la vieillesse… » [2]. Il évoque les « cinq jours qui [l]’ont traumatisé, qui ont été la révélation d’une odieuse, affreuse, implacable vérité… » Commentant ce passage, la gérontopsychiatre Florence Dibie-Racoupeau constate que « la prise de conscience de la vieillesse s’impose brutalement au psychisme, sur le mode de la rupture, de l’effraction », c’est-à-dire sur le mode du trauma [3]. Fréquemment, la vieillesse « se caractérise par la dépression, le repli sur soi, le désinvestissement du monde extérieur » [4].
3La vieillesse et l’approche de la mort soulèvent un questionnement sur l’identité. Ionesco redoute une altération de l’essence de l’être en raison des métamorphoses physiques imposées par l’âge. « Et si la vieillesse n’était q’une maladie qui ne toucherait pas à mon essence ?» [5], espère-t-il. Son propre corps, méconnaissable, lui est devenu étranger. « C’est comme si j’avais un autre corps, j’ai un autre corps » [6], constate l’écrivain. En effet, le corps vieilli est moins gratifiant que celui de la jeunesse. La réalité ne correspond plus aux attentes de l’idéal du moi [7]. Claude Balier montre combien il est difficile de conserver un sentiment d’identité personnelle face aux changements physiologiques et psychiques, et face à l’angoisse de la mort [8]. Ce que désire Ionesco, c’est s’assurer de l’existence d’une essence du moi au-delà de la fuite du temps. Déjà, dans le Journal en miettes (1963-1966 ou 1967), le dramaturge s’interrogeait sur la validité du personnalisme et la possibilité de l’immortalité de l’âme [9]. La quête intermittente, c’est d’abord une quête menée dans l’intermittence, celle d’un homme confronté à la discontinuité du moi. Comme Proust, Ionesco prend conscience de ce que l’on pourrait appeler les « anachronismes du moi », c’est-à-dire de la différence des états subjectifs dans le temps. Aux « intermittences du cœur » répond la quête intermittente. L’écriture fragmentaire du journal fait écho à cette discontinuité. Constatant que « l’ego (…) se fait toujours par des relations avec l’autre », Ionesco s’inquiète des troubles de sa mémoire portant sur le nom de ses proches ou de célébrités [10]. Or, ajoute-t-il, l’oubli de l’autre est l’oubli de soi-même. C’est la mémoire qui est garante de la personnalité. Les défaillances de celle-ci renvoient à des «creux de néant, des morceaux de vide » [11]. Si la mémoire humaine est si fragile, où le passé est-il conservé ?, s’interroge le diariste [12]. Et surtout, comment le «revoir» [13] ? C’est tout le rapport au monde, chez la personne âgée, qui subit une dégradation. Ionesco ne cesse de comparer la mémoire de sa femme à la sienne [14], et craint la perte, pour elle et lui, des capacités intellectuelles, en raison, d’une part de l’âge lui-même, d’autre part de la prise de médicaments [15]. L’écrivain ressent plus vivement que jamais son étrangeté au monde [16]. Plongé au « centre du bizarre », il voit son esprit obscurci par une brume qui entoure son passé et son existence [17]. Pour Jean Bergeret, la crise de sénescence est une seconde crise d’adolescence qui remet en cause « toute l’organisation structurelle profonde du Moi et ses aménagements intérieurs » [18]. Henri Bianchi constate que le sujet vieillissant vit avec l’angoisse de perdre « ses réserves narcissiques » [19]. Ceci explique que Ionesco, quatorze ans après le Journal en miettes, ait éprouvé le besoin de reprendre son journal. En effet, comme le rappelle Béatrice Didier, le journal est tenu lorsque le moi est menacé ou n’est pas encore constitué [20]. Or l’aboutissement du vieillissement et des métamorphoses physiologiques est la pure et simple disparition de l’ego. Ionesco songe au manque que son absence laissera dans le monde [21]. Chaque matin, il est soulagé d’être encore en vie. « Toujours là », écrit-il le 15 août 1986, dans l’un des rares fragments datés. Il déclare à sa femme que tous deux seront sans doute morts dans un délai de trois ans [22]. Craignant chaque jour que son dernier jour ne soit arrivé [23], il n’ose fixer de rendez-vous éloignés dans le temps [24].
4Le journal intime est le lieu où le sujet tente de réparer la blessure narcissique. D’abord, l’écriture elle-même est une lutte contre la mort. Si, à plusieurs reprises, Ionesco déplore son bavardage, celui-ci est en réalité rassurant : seuls les vivants parlent. « Je recommencerai demain, si j’existe encore demain (comme je l’es-père)» [25], avoue-t-il. En outre, le journal permet de se livrer à toutes sortes de pratiques exorcistes, dont la plus révélatrice est sans doute l’opération de comptage effectuée en divers lieux de l’ouvrage. Le diariste raconte que pour trouver le sommeil, il dresse mentalement la liste de tous ceux qu’il a connus et qui sont morts, ou alors de ses biens et réserves d’argent. Au décompte des morts, tourné vers le passé, correspond l’inventaire de la fortune destinée à se rassurer sur l’avenir [26]. Dans les deux cas, cette opération permet de cerner le présent, de se savoir vivant. Cette énumération contre la mort concerne également ses lectures [27], et les pays qu’il a visités [28] – mais cette fois elle a lieu au sein même du journal. Ces énumérations ont une fonction différente des premières. Il s’agit ici de dresser le bilan d’une vie bien remplie, afin de rendre l’inactivité et l’immobilité présentes moins douloureuses, et la perspective de la mort moins tragique. La liste des pays, en outre, est dressée en roumain et en français. Au désir d’un contenu exhaustif, s’ajoute l’usage des deux langues qui constituent la personne ionescienne. Certes, il y a dans tout diariste quelque chose du collectionneur, une forme du ressassement, un attachement au passé. Le journal intime, rappelle Béatrice Didier, est tenu contre la fuite du temps [29]. Il est un « livre de comptes », un bilan de l’existence [30]. Cependant les énumérations de La Quête intermittente visent plus particulièrement à rassembler les fragments épars du moi, à constituer des unités complètes du sujet. Béatrice Didier observe que le journal, malgré son écriture fragmentaire, est en réalité tenu pour faire échec au morcellement [31].
5Cette lutte contre la mort donne également lieu à des jeux d’écriture. Dans une liste intitulée « Exercices de style (?)» [32], Ionesco fait part de ses hésitations concernant sa condition de mortel. Dans des formules fonctionnant par oppositions binaires, il manifeste la dualité de ses convictions. En outre, il introduit quelquefois, au sein de l’une, voire des deux hypothèses, une autre alternative, comme en témoigne le passage suivant : « Parfois, je pense que l’on naît (ou : renaît) tous les jours, d’autres fois, je pense que l’on meurt tous les jours (ou chaque jour)». D’une part, ces jeux stylistiques tentent d’exorciser la peur de la mort, prise au piège de la rhétorique ; d’autre part, ce souci d’extrême précision de l’expression révèle le désir de maîtrise intellectuelle qui tiendrait en échec la sénilité. Le sujet tente de se saisir au plus près, dans toutes ses nuances. Gilles Ernst note en effet l’aspect contradictoire de ces propositions : « Le moi envisageant sa mort est rarement logique : la nature et l’expérience le convainquent qu’il mourra; mais la peur le persuade du contraire » [33]. Ce type d’exercice est réitéré sous le titre d’« Exercices de style ? ou Prières pour des morts ?» [34]. La forme interrogative et alternative de ce titre reflète, du reste, à la fois les doutes et la rigueur de la pensée. Gilles Ernst rapproche ce passage, qui énumère toutes les façons possibles de mourir, des exercices de chute de cheval que Montaigne faisait dans sa tête pour s’apprivoiser à la mort [35]. On pense également au récit de la syncope comme simulation de la mort [36].
6Les fragments de La Quête intermittente se déploient donc sous forme d’exercices spirituels.
L’EXERCICE SPIRITUEL
7La Quête intermittente représente un mélange du modèle rousseauiste et augustinien. Ionesco se livre, comme Saint-Augustin et le Rousseau des Confessions, à un examen de conscience. Comme eux, il rappelle ses fautes passées.
8Le portrait élogieux qu’il fait de sa femme, au début de l’ouvrage, est en même temps l’occasion de se blâmer soi-même [37]. Le dévouement de Rodica rend plus évidents encore les torts de l’écrivain. Ceux-ci peuvent être classés en deux catégories : la vie intérieure et la vie sociale. Dans le domaine de la vie intérieure, l’auteur évoque d’abord, dans un premier groupe, ses « dépressions cycliques », ses « désespoirs », ses « détresses », ses « colères ». Puis, dans un second groupe, il cite sa « désespérance » et ses « innombrables défaillances ». Entre ces deux ensembles figurent les fautes liées à la vie sociale, à savoir son « ivrognerie », ses « tromperies », son « égoïsme », ses « vanités littéraires ». Le désespoir ouvre et ferme le tableau de la noirceur d’âme. Il est la faute majeure, et la plus douloureuse à porter. Chacun de ces deux groupes est précédé et suivi d’une énumération des qualités de sa femme, qualités qui sont toutes d’avoir soutenu et aidé son mari, de veiller encore sur lui dans la vieillesse, allant jusqu’au sacrifice de ses forces. Ce diptyque permet d’opposer Rodica, créature céleste, ange-gardien, et Ionesco, créature misérable, pécheur. Ionesco oppose, à plusieurs reprises, son égoïsme de vieillard au dévouement de sa femme [38], et son égoïsme paternel au dévouement de sa fille [39]. Il se sent coupable de l’amour que cette dernière a pour lui, car celui-ci a entravé son épanouissement personnel. Il se sent impuissant à contribuer au bonheur de Marie-France [40], s’inquiète du sort de celle-ci lorsqu’il sera mort, et craint qu’elle ne puisse vivre de ses œuvres [41]. Chez Ionesco, la vieillesse engendre un sentiment de culpabilité, des remords sans rémission, car il est désormais trop tard pour réparer ses torts.
9Dans La Quête intermittente, on retrouve à la fois le discours à l’œuvre dans Les Confessions de Rousseau, mais aussi celui de Rousseau juge de Jean-Jacques. La confession recèle également un plaidoyer pro domo. Comme son illustre prédécesseur genevois, Ionesco souligne l’injustice et la persécution dont il est victime parmi les hommes : « Victime, eh oui, victime, je suis, d’une désinformation délibérée. Il y a tellement de gens qui me détestent » [42]. Le coupable Ionesco devient un innocent envié pour ses grandes qualités. Évoquant son anti-communisme, il écrit : « Ils m’en veulent donc d’avoir vu, su, voulu savoir avant eux » [43]. Selon lui, c’est la raison pour laquelle on travestit à son désavantage l’Histoire littéraire. L’écrivain rétablit la vérité à son sujet. Il rappelle que c’est lui, et non Beckett, qui est l’inventeur du théâtre de l’absurde [44]. Sur un ton qui rappelle les dialogues rousseauistes, il déclare qu’il peut facilement fournir la preuve que les premiers essais d’écriture de La Cantatrice chauve datent de 1943. C’est le même modèle littéraire qui semble présider à la justification avancée par Ionesco pour avoir ainsi exposé son originalité créatrice : « Je demande d’être excusé si je parle tant et tant de moi, de mon œuvre. C’est parce que, si on ne me fait pas justice, il faut que je me fasse justice à moi-même » [45].
10La quête évoquée par le titre de ce journal est de nature métaphysique. Dans sa jeunesse, l’écrivain a fait l’expérience de l’extase mystique [46]. Dressant le bilan de sa vie passée, il observe qu’il a perdu son temps, car il n’a pas vécu uniquement « dans la recherche du Sacré » [47]. Il se considère comme un littéraire qui n’a rien compris à la métaphysique [48]. Il a lu les mystiques, mais a oublié ce qu’ils lui avaient révélé [49]. Relisant les Confessions de Saint-Augustin [50], il se compare, à son désavantage, à l’évêque d’Hippone. Si ce dernier était paresseux dans sa jeunesse, Ionesco l’est encore dans son grand âge [51]. Se croyant au seuil de la mort, le diariste, dans sa retraite forcée du Rondon, a senti « le frisson de l’Insondable » [52]. Plus que jamais, il se trouve confronté au mystère de l’existence, à l’étrangeté du monde [53]. Il a le désir de « forcer Dieu » [54]. L’anachorèse à laquelle le contraint la vieillesse le voue à la pratique du journal intime. Pour Michel Beaujour, ce retrait de l’autoportraitiste est un apprentissage de la mort [55]. Les exercices de style ionesciens ne sont donc pas seulement la tentative d’exorciser sa peur de la mort, mais d’intégrer celle-ci à son paysage spirituel. Michel Beaujour souligne le parallèle entre la pratique diaristique et la méditation religieuse [56]. Ce n’est pas seulement à la philosophie de Montaigne que se réfère Gilles Ernst, commentant les étranges « Prières pour des morts », mais aussi aux exercices spirituels de Saint Ignace. Ionesco, observe-t-il, énumère en effet toutes les causes de mort possibles [57]. Cet exercice est proche de l’expérience continuelle de la mort faite par Loyola depuis la blessure très grave qui lui avait été infligée lors du siège de Pampelune [58]. Chez le dramaturge, c’est « l’accident » qui tient lieu de point de départ spirituel. Et de fait, l’ouvrage est parsemé de maximes [59] qui pourraient figurer dans les écrits du mystique de Manrèse. « Mais ce qu’il faut, c’est aimer Dieu au point de vouloir fondre en Lui » [60], écrit Ionesco. Or, ce qui est cherché, à travers la mortification ignatienne, c’est l’union avec Dieu. Les exhortations à soi-même présents dans La Quête, souvent à la première personne du pluriel, rappellent également la manière d’Ignace de Loyola. « Communion avec les morts. Être avec eux », note Ionesco, ou encore : « Soyons dans l’instant [61] ».
11La Quête intermittente renoue avec la religiosité des journaux piétistes du XVIIIe en Allemagne. En effet le piétisme se nourrit de l’idée d’un accomplissement rapprochant de Dieu grâce à une constante purification morale. Ces journaux reposent sur la justification (Rechtfertigung) et la confession (Bekenntnis) [62]. Ils témoignent d’une aspiration personnelle à la beauté de l’âme dans un monde perçu comme menaçant, injuste et hostile. Ce dernier trait est également présent chez Ionesco, qui ne cesse d’évoquer le « mal universel »régnant en ce monde depuis des dizaines de siècles [63]. À la fin de sa vie, l’écrivain désire être pardonné, par ceux qu’il aime, mais surtout par Dieu. L’examen de conscience est une quête de salut. Parce qu’il a consacré sa vie à sa propre gloire, il redoute de n’avoir pas plu à Dieu. Il espère cependant que ses écrits aient pu être une aide pour quelqu’un. « Ai-je sauvé quelqu’un ?»se demande-t-il [64]. Ionesco croit à la grâce efficiente. S’il a sauvé quelqu’un, alors lui-même sera sauvé. Il espère que son travail littéraire le place au nombre des élus [65]. Il veut aller de la littérature à la religion, puis de la religion à la métaphysique [66]. La littérature est donc une propédeutique à la métaphysique, dans laquelle le journal intime joue un rôle fondamental. En effet, son auteur observe chez lui, depuis la reprise de son journal, un retour à la spiritualité [67]. L’autoportrait, pour Michel Beaujour, est « écrivaillerie coupable » [68]. Ionesco inverse cette proposition : ce sont les autres activités qui relèvent de l’oisiveté. Le diariste cherche en effet à suivre la Via negationis de Saint Jean de la Croix, telle que l’explique Jean Baruzi : « Il faut, tandis que nous cherchons Dieu, non seulement repousser, mais nier les choses et tout ce qui, en nous, les prolonge » [69]. L’objectif que se fixe Ionesco dans cette écriture quotidienne est de dire l’indicible, de parler à Dieu [70]. Il désire accomplir le même parcours que Saint Augustin, à savoir que « le texte de Dieu« devienne le centre du sien [71]. Il espère en effet que son désarroi touchera le Seigneur [72]. Cet ultime journal se doit d’être un livre de prières; l’écrivain y récite le Pater Noster, et termine sur un credo : « J’espère : Jésus-Christ » [73]. Mais cette formule trahit la difficulté de la quête. Au verbe croire s’est sub-stitué le verbe espérer, vecteur sémantique du doute et de l’inquiétude.
L’INTERMITTENCE
LE DÉGOÛT DE LA VIEILLESSE
12« Tout le monde ne peut prétendre à la sainteté », écrit Ionesco, constatant qu’il ne jeûne pas, et qu’il ne sait pas prier. Il voit dans ses défaillances mémorielles le signe de son incapacité spirituelle. En effet, observe-t-il, Saint Augustin lie spiritualité et nécessité de la mémoire [74]. Le diariste craint que l’âme ne soit atteinte par la dégénérescence du cerveau [75]. D’ailleurs, remarque-t-il, il n’y a pas de saint sénile [76]. En outre, il évoque l’égoïsme et le gâtisme de l’âge. Il dit n’avoir plus d’intérêt pour rien, ni la politique, ni la lecture, ni la conversation [77]. Les psychanalystes soulignent cette inattention de l’homme vieillissant au monde [78]. Le dramaturge a si peur de vieillir seul qu’il préfèrerait mourir avant sa femme [79]. Le fils de l’intendant du château dans lequel il séjourne étant tombé gravement malade, Ionesco s’inquiète de son sort, mais avoue-t-il, « avec mauvaise conscience » [80]. En effet, il redoute qu’on ne puisse, le lendemain, lui servir son petit déjeuner au lit. De fait, La Quête intermittente est un livre d’heures profane, dans lequel les offices sont remplacés par les repas. Le souci du repas est prépondérant dans la période du Rondon, où le dîner est attendu comme « le troisième événement important de la journée » [81]. Cette passivité et cette dépendance sont caractéristiques de l’institution. Daniel Alaphilippe et Laetitia Sautel observent que la personne âgée renonce, dans ce cadre, à toute initiative comportementale [82].
13La Quête intermittente est une longue peinture des maux de la vieillesse : « Énervement, fatigue, angoisse, douleurs, rhumatismes, mauvaise circulation » [83], chutes [84]. En outre, les médicaments eux-même sont causes de troubles [85]. Ces infirmités plongent l’écrivain dans le désespoir : « On se sent vaincu ou brisé, brisé de vivre » [86]. Cet état déclenche le rire ionescien caractéristique, celui de la terreur face à l’absurde : « C’est classique, c’est classique ; tellement classique que cela me donne envie de rire, de rire et de rire ! (…) de rire… de peur d’avoir peur » [87]. Quelquefois, c’est dans un style télégraphique, d’une pudeur pathétique, que le diariste évoque ses douleurs, comme dans cette phrase averbale : « Les souffrances physiques ». [88]. L’écrivain se plaint de ne pouvoir plus séduire, ni boire, ni manger d’abondance [89]. Il souffre en effet surtout de troubles digestifs, qui entraînent un état dépressif. Il a conscience de ce lien, puisqu’il évoque sa digestion « attristante » [90]. Dès le début de son journal, il place sur le même plan, sa dépression et ses maux d’intestin [91]. L’« angoisse métaphysique », pense-t-il, « n’est peut-être qu’une mauvaise cénesthésie, un déséquilibre des humeurs » [92]. Ce sont les maux du corps qui sont à l’origine du désespoir. Certes, Ionesco le reconnaît, il a toujours connu l’angoisse. Mais s’y ajoutent désormais des phénomènes physiques suscitant un « malaise mortel » [93]. Ainsi s’explique le fait qu’il ait repris son journal. En effet, comme le constate Alain Girard, le diariste, souvent de constitution précaire, « suractive » en lui une sorte de « conscience corporelle » [94]. Tout entier tourné vers son corps, le sujet semble dans une impasse, enfermé en lui-même.
14Aussi ce corps vieillissant entrave-t-il la quête spirituelle. « On ne peut mener, dans la fatigue, le Combat Spirituel », observe l’écrivain [95]. Ce « corps infirme » est en réalité le signe de notre infirmité métaphysique [96]. Il n’est pas « le corps de gloire » [97], mais un « corps de souffrance » [98]. La vieillesse est donc la métamorphose inverse de la transfiguration. Les « angoisses du Corps » empêchent de penser, déplore Ionesco [99]. Il fait la distinction entre celles-ci et l’angoisse métaphysique. Les premières relèvent de l’effroi devant la mort, d’un souci humain, la seconde élève vers Dieu. « Peur. Peur. Angoisse. / Je n’en suis qu’à l’effroi », regrette le diariste [100]. Il constate qu’il ne peut prier car il retombe toujours en luimême [101]. La douleur physique, en effet, ramène à soi. C’est en ce sens que le corps vieillissant représente le péché.
« Il est clair, écrit Lucian Pintilie, que l’un des motifs qui ont entravé la recherche obstinée de la foi chez Eugène Ionesco ce fut, dans les dernières années, le scandale de la dégradation physique, plus encore que le scandale de la mort elle-même. (…) Car le mal s’insinuait perfidement dans le corps » [102].
16La répugnance envers les personnes âgées émerge à plusieurs reprises dans le journal. Ionesco constate qu’aucun des locataires du Rondon, ces « piteux vieillards », ne serait prêt à sacrifier ce qui lui reste de vie pour le fils de l’intendant [103]. La vieillesse est assimilée à une maladie contagieuse. Dès le début de l’ouvrage, l’auteur constate : « Entouré de vieillards, je suis un vieillard… » [104]. Sa terreur de l’épidémie déclenche sa violence : « Je les évite, je les écarte, je les chasse, je ne veux pas leur parler, qu’ils soient loin de moi, que nous ne nous touchions pas » [105]. Le diariste va même jusqu’au déni le plus complet de son appartenance à cette catégorie : « Non, je ne suis pas comme eux, je ne suis pas eux » [106]. Superstitieux, il ne mentionne jamais son âge [107], donne peu de dates, et ne précise jamais de quel « accident » il a été victime. D’un autre patient du Rondon, il écrit : « Il n’a pas eu l’accident» [108]. Le terme employé, précédé de l’article défini, renvoie à une intervention du destin. C’est la « malheureuse fatalité » qui est à l’origine de son vieillissement soudain [109], dans lequel sa femme a également sombré. Ionesco est donc lui-même porteur de ce germe contagieux de la vieillesse. Celle-ci est une malédiction : « On vous souhaite de vivre vieux, quand on est jeune, hélas, ils ne savent pas ce qu’ils vous souhaitent » [110]. Elle est une punition, une plaie divine, pour avoir vécu « au-dessus de ses possibilités normales ». Alors qu’il n’avait que cinquante ans, le dramaturge se révoltait déjà, comme Job [111], contre le fléau de la vieillesse et redoutait la dégradation du corps [112]. Cette conception est en effet un héritage judéo-chrétien. Henri Bianchi, commentant Moïse et le monothéismede Freud, voit dans le meurtre de Moïse, puis la culpabilité des fils meurtriers « l’extension de la notion de faute par laquelle le vieillir et le mourir cesseront d’être compris comme des nécessités naturelles, comme la norme du destin, pour devenir la punition et l’expiation d’un péché » [113].
17La vieillesse détourne donc de la Sainteté, d’autant plus que la proximité de la mort ravive la vanité littéraire.
LE LITTÉRATEUR
18Le désir de Ionesco est de penser à Dieu et à la mort [114]. Mais il oublie, tombe dans le divertissement. Il se compare, pour se rassurer, aux autres pensionnaires du Rondon [115] et aux membres du conseil constitutionnel [116]. Il envie Beckett, convaincu que celui-ci vieillit mieux que lui [117]. Éprouvant le besoin de se sentir vivant, il énumère toutes ses activités [118], s’intéresse aux polémiques littéraires et intellectuelles [119]. Conscient de l’intermittence de sa quête, il se reprend : « Je retombe dans l’inessentiel » [120]. Mais il revient aussitôt à ses soucis de carrière, et doit s’imposer le silence. Cet intérêt pour le monde extérieur est vécu comme une véritable chute [121]. Le journal n’est pas un exercice spirituel réussi. « Ce n’est pas la quête. C’est l’intermittence [122] », déplore le diariste.
19C’est qu’en réalité, l’homme public ne cesse de prendre le pas sur l’homme privé. Le célèbre dramaturge s’inquiète de la valeur et de la postérité de ses œuvres [123], car il craint d’être oublié [124]. Ionesco diariste reste écrivain. Il a d’ailleurs clos ce journal sept ans avant sa mort. Bien loin d’être une œuvre inachevée, La Quête intermittente a été publiée, d’abord en partie dans La Revue des deux mondes, en juillet et septembre 1987, puis dans son intégralité, chez Gallimard, en 1987. Ionesco rompt ainsi avec le pacte du journal intime, qui implique la non-publication du vivant de l’auteur [125]. La fin du journal trahit le projet esthétique. L’écrivain s’y désigne à la troisième personne, recourt au passé simple et termine sur le credo que nous avons cité plus haut [126]. L’introduction d’un cadre narratif et d’une formule finale révèle le degré d’achèvement de l’œuvre. En outre, Ionesco revient quelquefois sur ce qu’il a écrit pour fournir des explications au lecteur. Il aide celui-ci à se repérer dans un texte écrit au jour le jour et donc nécessairement désorganisé, comme dans le passage suivant : « Pour résumer ce que j’ai dit, avant la parenthèse sur le métier… » [127] Aussi le diariste finit-il par douter de sa sincérité : « Suis-je un pantin, un comédien, ou suis-je vrai ?» [128] Parodiant le titre d’une de ses pièces, il écrit : « Le roi mourra en littérateur » [129]. Ce que sait l’écrivain vieillissant, c’est que la littérature cache le chemin vers Dieu [130], autrement dit, que les mots cachent le Verbe. La littérature est horizontalité, la métaphysique verticalité [131]. Michel Lioure commente l’évolution de Ionesco : « L’obsession de la vanité de la littérature a poursuivi l’écrivain et n’a cessé de croître avec l’âge en dépit – ou en raison – de l’expérience et du savoir » [132].
20Cependant, bien que la quête spirituelle semble échouer, ce journal de vieillesse est peut-être la voie du salut.
LE RACHAT
21Ionesco a une vision pascalienne de la condition humaine. Nous sommes promis à l’abattoir, le pain quotidien n’est que « la ration des prisonniers » [133], et le monde une géhenne [134]. La fraternité s’effectue par le négatif. « Ma détresse est celle de tous les autres » [135], écrit-il. Ainsi s’explique le passage final à la troisième personne du singulier. Michel Beaujour observe que tout autoportrait cesse d’être individuel. Le sujet y devient « le microcosme d’une culture », « voué à la mort », à une « mémoire archaïque » [136]. Ici, le sujet ionescien se remplit de toutes les consciences qui l’ont précédé et qui suivront. Toutes les générations sombrent en effet dans le même naufrage immense de la mort. Le monde n’est peut-être qu’une illusion [137], et l’existence une sorte de farce que Dieu a faite aux hommes. Tous sont dupes, jusqu’aux lecteurs de La Quête, eux aussi en sursis [138]. Dès lors, le diariste est un moribond écrivant pour des agonisants [139].
22Mais ce diariste vieillissant est le plus lucide. On retrouve chez Ionesco, par-delà l’horreur de la vieillesse, quelque chose de la conception stoïcienne et pétrarquienne [140]. Le vieillard ionescien est le sage qui dénonce chaque jour l’imposture de l’existence, car il se sait mortel. Contraint de réduire son activité, il oppose la méditation à l’action. Cette dernière, en effet, lui fait oublier la vieillesse et la mort [141]. Le caractère méditatif de ce journal se révèle dans la forme aphoristique de certains passages. « Toutes nos paroles une non-parole », énonce le diariste [142]. Or « la pensée aphoristique est une méthode précise de recherche de la vérité » [143]. Le vieillard est véritablement le paradigme de la condition humaine. Il incarne le désastre de l’Histoire humaine, qui n’est qu’une succession de tragédies et de déchéances. La vieillesse, comme les grandes batailles de l’Histoire [144], est « la triste fin d’une Épopée ». La peur de la mort, chez le vieillard, n’est qu’une forme plus aiguë de la peur de chacun. « Je suis en vérité (on est vraiment) celui qui ne voudrait pas mourir » [145], écrit Ionesco. La vieillesse plonge l’écrivain dans la neurasthénie. Or le dépressif est également un métaphysicien. Depuis Dürer, la mélancolie est associée à la connaissance et la pensée. Dans la philosophie heideggerienne, c’est le danger du vide qui nous montre notre propre existence, car l’être authentique est un « être-pour-la-mort » (SeinzumTode). Ionesco lui-même souligne, dans un autre ouvrage, la lucidité de la dépression, qu’il oppose à l’inconscience de l’homme « sain d’esprit » [146]. Dans Ruptures de silence, « l’homme qui ne sait pas qu’il va mourir » est décrit comme un « infirme » [147]. Le vieillard infirme de La Quête intermittente ne serait-il pas, en réalité, le mieux-portant de tous, sur le plan métaphysique ? Dans Antidotes, Ionesco évoque cette expérience métaphysique faite en 1975, alors qu’il se croyant mourant. Il explique que s’il était resté dans ce « no man’s land » plus longtemps, quelque chose de révélateur se serait produit [148]. La vieillesse est peut-être cette occasion. Dans ce même ouvrage, il observe que poser la question du sens de l’existence, c’est manifester notre liberté [149]. L’expérience de la vieillesse, en tant qu’elle permet l’interrogation métaphysique, est donc aussi une expérience de la liberté humaine.
23Le vieillard, parce qu’il se situe entre le monde des vivants et des morts, est donc l’intercesseur privilégié auprès de Dieu. Ionesco espère que le Christ intercèdera en sa faveur, parce qu’il représente tous les mortels, et que le Christ a fait l’expérience de la mort. Il a eu, lui aussi, comme le vieillard, un corps de souffrance. Tel est le sens de la formule finale [150]. Ainsi le diariste rejoint-il, finalement, l’exemplum de Saint Augustin. En effet, « à la fin de ses Confessions, Augustin n’est plus qu’une créature déchue et rédimée parmi la multitude des humains » [151].
24Ionesco, pendant ces longs mois, s’est cru au seuil de la mort. En réalité, il lui reste sept années à vivre. Il espérait mettre à profit la quasi-réclusion du Rondon pour rattraper le temps perdu à figurer dans le monde au lieu de chercher Dieu. Mais il ne parvient pas à produire le déplacement du système allocutoire dans lequel il se trouve, contrairement à Saint Augustin. Perclus de douleurs, accablé par des soucis terrestres, il ne parvient pas à s’adresser à Dieu et manque la grâce qu’avait obtenue l’auteur des Confessions [152]. Mais La Quête intermittente est malgré tout un exercice spirituel, puisqu’il parvient « à décentrer l’exercitant pour le reconstituer in figura Christi » [153]. Surtout, cet autoportrait, au jour le jour, du moi vieillissant, constitue un phénomène exceptionnel dans la littérature autobiographique.
Notes
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[1]
La Quête intermittente, Paris, Gallimard, 1987. À partir de la p. 114.
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[2]
Ibid., p. 24. Freud écrivait à l’âge de 65 ans, à l’occasion du départ de son fils pour le service militaire : « Le 13 mars de cette année, je suis entré brusquement dans la véritable vieillesse. Depuis, la pensée de la mort ne m’a pas quitté… » Lettre du 8 mai 1921 à Sandor Ferenczi.
-
[3]
Florence Dibie-Racoupeau, « Devenir du traumatisme au cours du vieillissement », contribution aux IVe Rencontres Scientifiques de la Société Française de Victimologie, 2001. Article en ligne, p. 4
-
[4]
Jacques Messy, La personne âgée n’existe pas. Une approche psychanalytique de la vieillesse,Paris, Rivages Psychanalytiques, 1992, p. 82.
-
[5]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 26.
-
[6]
Ibid., p. 32.
-
[7]
Noureddine Bouati, Chronopsychologie des personnes âgées.
-
[8]
Claude Balier, « Eléments pour une théorie narcissique du vieillissement », in Cahiers de la Fondation nationale de gérontologie, 4,1976, pp. 129-153.
-
[9]
Eugène Ionesco, Journal en miettes, Paris, Gallimard, 1967, pp. 102-103.
-
[10]
La Quête intermittente, op.cit., p. 51.
-
[11]
Ibid. L’expression en italiques est entre guillemets dans le texte.
-
[12]
Ibid., pp. 22-23.
-
[13]
Ibid., pp. 98-99. Terme en italiques dans le texte.
-
[14]
Ibid., p. 69.
-
[15]
Ibid., p. 102-103.
-
[16]
Ibid., p. 156.
-
[17]
Ibid., p. 118-119.
-
[18]
Jean Bergeret, Abrégé de Psychologie Pathologique, Paris, Masson, 1972 : « Les états-limites et leurs aménagements », pp. 179-195.
-
[19]
Henri Bianchi, « Vieillir après Freud », in Psychanalyse et vieillissement, éd. par l’Association Internationale de Gérontologie Psychanalytique. Congrès 1 (1980), Paris, Sopedim, 1980, pp. 1-26 ; p. 23.
-
[20]
Béatrice Didier, Le journal intime, Paris, PUF, 1976, p. 115.
-
[21]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 52.
-
[22]
Ibid., p. 69.
-
[23]
Par exemple p. 144.
-
[24]
Ibid., p. 126.
-
[25]
Ibid., p. 85.
-
[26]
Ibid., p. 100.
-
[27]
Ibid., p. 109-110.
-
[28]
Ibid., p. 126.
-
[29]
Béatrice Didier,Le journal intime, op.cit.,p. 18.
-
[30]
Ibid., p. 49-50.
-
[31]
Ibid., p. 14.
-
[32]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 62-63.
-
[33]
Gilles Ernst, « Déjà fini », in Lectures de Ionesco, éd. par Norbert Dodille, Marie-France Ionesco et Gabriel Liiceanu, Paris, l’Harmattan, 1996, pp.87-112 ; p. 94.
-
[34]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., pp. 131-136.
-
[35]
Gilles Ernst, « Déjà fini », in Lectures de Ionesco, op.cit., pp. 87-112 ; p. 93.
-
[36]
Michel de Montaigne, Essais, Livre II, Paris, Garnier-Flammarion, 1969, pp. 44-45.
-
[37]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 11.
-
[38]
Ibid., p. 93.
-
[39]
Ibid., pp. 66-67.
-
[40]
Ibid., p. 142.
-
[41]
Ibid., p. 100.
-
[42]
Ibid., p. 42.
-
[43]
Ibid., p. 43.
-
[44]
Ibid., pp. 44-47.
-
[45]
Ibid., p. 49. On entend ici l’écho de Rousseau juge de Jean-Jacques, in Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes, vol.1, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, pp. 657-992 ; pp. 664-665.
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[46]
Ibid., p. 116-117. Cet épisode est narré dans le Journal en miettes, op.cit., p. 60-92.
-
[47]
Ibid., p. 14.
-
[48]
Ibid., p. 108-109.
-
[49]
Ibid., p. 111-114.
-
[50]
Ibid., p. 84-85.
-
[51]
Ibid., p. 82.
-
[52]
Ibid., p. 120.
-
[53]
Ibid., p. 168.
-
[54]
Ibid., p. 108.
-
[55]
Michel Beaujour, Miroirs d’encre, Paris, Seuil, 1980, p. 25.
-
[56]
Ibid., p. 350.
-
[57]
Gilles Ernst, « Déjà fini », art.cit.,p. 93.
-
[58]
Maurice Giulani, Préface, in Ignace de Loyola, Écrits, Paris, Desclee de Brouwer, 1991, pp. 7-18 ; pp. 10-11.
-
[59]
Au sens de « règles de vie ». Cf Alain Montandon, Les formes brèves, Paris, Hachette, 1992, pp. 31-33.
-
[60]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 136.
-
[61]
Ibid., pp. 127 et 34.
-
[62]
Ralph-Rainer Wuthenow, Das erinnerte Ich. Europäische Autobiographie und Selbstdarstellung im 18. Jahrhundert,Munich, C.H.Beck, 1974, pp. 33-36.
-
[63]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., pp. 166-167.
-
[64]
Ibid., pp. 150 et 151.
-
[65]
Ibid., p. 137.
-
[66]
Ibid, p. 123.
-
[67]
Ibid, p. 115.
-
[68]
Michel Beaujour, Miroirs d’encre, op.cit., p. 13.
-
[69]
Jean Baruzi, « Les aphorismes de Saint Jean de la Croix », in Les Dits de lumière et d’amour, Paris, Corti, 1991, pp. 117-127, p. 125. Ionesco lit d’ailleurs les écrits de cet auteur sur Jean de la Croix. Cf La Quête intermittente, op.cit., pp. 111-113.
-
[70]
La Quête intermittente,
-
[71]
Eugène Vance, « Le moi comme langage : Saint Augustin et l’autobiographie », in Poétique14,1973, p. 171.
-
[72]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 152.
-
[73]
Ibid., pp. 107 et 169.
-
[74]
Ibid., p. 33.
-
[75]
Ibid., p. 142.
-
[76]
Ibid., p. 143.
-
[77]
Ibid., p. 12.
-
[78]
Henri Bianchi, « Vieillir après Freud », art.cit., p. 20.
-
[79]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., pp. 130-131.
-
[80]
Ibid., p. 40.
-
[81]
Ibid., p. 106. Cf aussi pp. 60,89,99.
-
[82]
Daniel Alaphilippe, Laetitia Sautel, « Contrôle et dépression chez la personne âgée », in Pratiques psychologiques, psycho-gérontologie, Le Bouscat, L’esprit du temps, n°3,2000, pp.49-61 ; p. 52.
-
[83]
La Quête intermittente, p. 129.
-
[84]
Ibid., p. 104.
-
[85]
Ibid., 76.
-
[86]
Ibid., p. 129.
-
[87]
Ibid., p. 146.
-
[88]
Ibid., p. 139.
-
[89]
Ibid., p. 13.
-
[90]
Ibid., p. 111.
-
[91]
Ibid., pp. 13-14.
-
[92]
Ibid., p. 18.
-
[93]
Ibid., p. 23.
-
[94]
Alain Girard, Le journal intime, Paris, PUF, 1963, p. 507.
-
[95]
La Quête intermittente, op.cit., p. 138.
-
[96]
Ibid., pp. 115-116.
-
[97]
Ibid., p. 32.
-
[98]
Gabriel Balbo, « Introduction d’un concept psychanalytique du vieillissement », in Psychanalyse et vieillissement, op.cit., pp.52-71; p.59.
-
[99]
La Quête intermittente, op.cit., p. 76.
-
[100]
Ibid, p. 152.
-
[101]
Ibid, p. 104.
-
[102]
Lucian Pintilie, « Travelling latéral », in Lectures de Ionesco, op.cit., pp. 41-47 ; p. 41.
-
[103]
La Quête intermittente, op.cit., p. 74.
-
[104]
Ibid., p. 15.
-
[105]
Ibid., p. 24.
-
[106]
Ibid., p. 24.
-
[107]
Nous savons cependant qu’il a 77 ans. Cf note 2.
-
[108]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 101. Les italiques sont dans le texte.
-
[109]
Ibid., p. 24.
-
[110]
Ibid., p. 129. Et citation suivante.
-
[111]
Cf Job, 19,22 : « Pourquoi vous montrer insatiables de ma chair ?» Ionesco, dans ses journaux, s’identifie fréquemment à la figure de Job.
-
[112]
Eugène Ionesco, Journal en miettes, pp. 55-56 et 212.
-
[113]
Henri Bianchi, « Vieillir après Freud », art.cit., p. 23.
-
[114]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit., p. 44.
-
[115]
Ibid., pp. 24 et 100.
-
[116]
Ibid., p. 79.
-
[117]
Ibid., p. 57.
-
[118]
Ibid., p. 41.
-
[119]
Ibid., pp. 42-43.
-
[120]
Ibid., p. 44.
-
[121]
Ibid., p. 79.
-
[122]
Ibid., p. 50.
-
[123]
Ibid., pp. 65-66 et 54.
-
[124]
Ibid., pp. 13 et 148.
-
[125]
Jean-François Chiantaretto, De l’acte autobiographique, Seyssel, Champ Vallon, 1995, p.19.
-
[126]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit, p. 169. Cf p. 9 de cet article.
-
[127]
Ibid., p. 98.
-
[128]
Ibid., p. 36.
-
[129]
Ibid., p. 123. Allusion au Roi se meurt.
-
[130]
Ibid., pp. 164-165.
-
[131]
Ibid., p. 65.
-
[132]
Michel Lioure, « À quoi bon la littérature ?», in Lectures de Ionesco, op.cit., pp. 25-37 ; p. 25.
-
[133]
Eugène Ionesco, La Quête intermittente, op.cit, pp. 9 et 18.
-
[134]
Ibid., pp. 17-18.
-
[135]
Ibid., p. 105.
-
[136]
Michel Beaujour, Miroirs d’encre, op.cit., p. 25.
-
[137]
La Quête intermittente, op.cit., p. 32.
-
[138]
Ibid., p. 14.
-
[139]
Ibid., p. 19.
-
[140]
Cf Cicéron, De la vieillesse, et Pétrarque, Lettres de la vieillesse.
-
[141]
La Quête intermittente, op.cit., p. 44.
-
[142]
Ibid., p. 139.
-
[143]
Alain Montandon, Les formes brèves, op.cit., p. 70.
-
[144]
La Quête intermittente, op.cit., p. 25.
-
[145]
Ibid., p. 56.
-
[146]
Eugène Ionesco, Un Homme en question, Paris, NRF / Gallimard, 1979, p. 96.
-
[147]
Eugène Ionesco, Ruptures de silence. Rencontres avec André Coutin, Paris, Mercure de France, 1995, p. 84. Les entretiens eurent lieu en 1978.
-
[148]
Eugène Ionesco, Antidotes, Paris, Gallimard, 1977, p. 196.
-
[149]
La Quête intermittente, op.cit., p. 222.
-
[150]
« J’espère : Jésus-Christ ». Cf note 73.
-
[151]
Michel Beaujour, Miroirs d’encre, op.cit., p. 43.
-
[152]
Dans l’intervention divine (Tolle, Lege), Michel Beaujour voit la « sommation qui mène Augustin vers le Verbe ». In Michel Beaujour, Miroirs d’encre, op.cit., p. 45.
-
[153]
Michel Beaujour, Miroirs d’encre, op.cit., pp. 25-26.