1Chacun de nous sait que la mort fait partie de la vie. Elle est inscrite dans la vie. Je suis un médecin habitué à donner la vie, au terme d’une grossesse ou même avant l’implantation de l’embryon. Et c’est précisément pour cela que je considère que la fin de vie me concerne.
2Je ne vais pas aborder ici le problème de la fin de vie de ceux qui meurent « de leur belle mort » (en pleine santé) ou de ceux qui se suicident, mais plutôt l’aide à mourir dans la liberté et la dignité pour les hommes et femmes atteints d’une affection incurable.
QUELQUES DÉFINITIONS
3Avant d’aborder le sujet, je crois qu’il est important de définir un certain nombre de termes trop souvent mal compris. Et d’abord, l’euthanasie, il convient de rappeler que le dictionnaire Littré la définit : « la bonne mort, la mort douce et sans souffrance ». Aujourd’hui, on désigne par là l’acte de provoquer la mort par compassion à l’égard d’un malade incurable pour mettre fin à ses souffrances ou à l’égard d’un nouveau-né gravement malformé. Malheureusement, à cause du nazisme on a assimilé l’euthanasie à l’holocauste ou à un eugénisme politique, c’est pourquoi je préfère utiliser des formules plus précises qui indiquent clairement la nature de l’acte pratiqué :
- L’acharnement thérapeutique consiste à prolonger la vie, considérée comme sacrée, en maintenant en survie un sujet en phase terminale, le plus souvent de manière artificielle et sans aucun bénéfice pour le patient.
- Les soins palliatifs se donnent pour tâche de soulager la souffrance physique. Ils sont effectués par des personnes dévouées qui apportent leur secours aux mourants pour les accompagner sans les aider à mourir. En pratique, les douleurs n’ont pas toutes des remèdes et les soins palliatifs conduisent parfois à plonger le malade dans un sommeil induit.
- L’euthanasie ou aide active à la délivrance consiste à provoquer la mort par l’utilisation de produits médicamenteux. Elle est demandée par un malade incurable, de façon lucide, réitérée, en dehors d’un état dépressif. On verra plus loin qu’elle se pratique dans certains pays dans des conditions très rigoureuses (Pays-Bas par exemple).
- Le suicide assisté suppose qu’une tierce personne fournisse les drogues nécessaires, mais le malade lui-même prend le médicament quand il le décide. On dit qu’il s’agit d’un suicide assisté car le malade a auprès de lui un soignant qui l’aiderait en cas de difficulté. Ce mode d’aide à mourir est pratiqué en Suisse ou aux USA (Oregon).
UN PEU D’HISTOIRE
4En 1974, l’Anglais George Thompson, l’Américain Lirius Pauling et
le Français Jacques Monod, tous trois prix Nobel, signent une
déclaration en faveur de « l’euthanasie humanitaire » (beneficent
euthanasia), c’est-à-dire selon leur définition, « une mort rapide,
sans douleur et considérée comme un bienfait par l’intéressé ».
Cette nouvelle exigence éthique s’étend progressivement à l’ensemble du monde occidental, où sont créées des associations
« pour le droit de mourir dans la dignité » ou « pour l’euthanasie
volontaire », les pays latins étant touchés plus tardivement que les
pays anglo-saxons et ceux où le protestantisme est fortement
implanté. Une loi a été votée en 2001 aux Pays-Bas et en 2002 en
Belgique. L’euthanasie n’est plus punissable dans certaines conditions. La dépénalisation vise à faire en sorte que le médecin qui a
fait preuve dans ses actes de toute la rigueur requise dans les
conditions fixées par la loi ne soit plus incriminé et puisse reconnaître en toute transparence qu’il a pratiqué l’euthanasie. Les critères de rigueur sont les suivants :
le médecin :
- doit avoir acquis la conviction que la demande du patient est volontaire et mûrement réfléchie;
- doit avoir acquis la conviction que les souffrances du patient sont insupportables et sans perspective d’amélioration;
- doit avoir informé le patient sur sa situation et sur les perspectives qui sont les siennes;
- doit avoir acquis, avec le patient, la conviction qu’il n’existe pas d’autre solution raisonnable dans la situation où se trouve le patient;
- doit avoir consulté au moins un autre médecin indépendant qui, ayant vu le patient, s’est exprimé par écrit sur le respect des quatre critères de rigueur énoncés précédemment;
- doit avoir pratiqué l’interruption de la vie ou donné l’aide au suicide avec toute la rigueur médicale requise.
5La Suisse offre la possibilité de recourir au suicide médicalement assisté.
6En 1995, aux Pays-Bas, il y a eu 9 700 demandes explicites d’euthanasie dont 3 600 ont été exécutées. Il y a eu la même année un total de 135 675 décès dans le pays.
7En Suisse, l’année dernière, l’association EXIT a aidé 120 personnes en fin de vie à mourir dignement.
8En France, nous savons que l’euthanasie est pratiquée sans le dire. Dans une étude publiée en 1996 dans Lancet et menée par un groupe de réanimateurs à l’initiative du docteur Edouard Ferrand, 7309 malades ont été suivis pendant deux mois. 1461 décès ont été enregistrés. 53% correspondent à une décision médicale. Ces résultats sont comparables à ceux qui sont publiés à l’étranger.
9En ce qui concerne le public, l’ADMD a interrogé par la SOFRES les Français (1000 personnes sondées) sur la loi actuelle et son éventuel changement : 77% se prononcent en faveur de la dépénalisation et du changement de la loi.
10Récemment, un questionnaire adressé aux médecins français par l’ADMD a indiqué lui aussi que 70% des médecins qui ont répondu considéraient que leur approche de fin de vie serait facilitée si une loi de dépénalisation était votée.
11Bien entendu, tous ceux qui se déclarent favorables à ces interruptions volontaires de la vie ne le choisiraient pas nécessairement pour eux-mêmes. Mais ils en acceptent le principe pour ceux qui en expriment la volonté.
LA SOCIÉTÉ A CHANGÉ
12Si les lois évoluent depuis quelques décennies, c’est en raison de la reconnaissance d’un certain nombre de principes qui sont les nôtres.
LA LIBERTÉ
13La liberté, c’est le pouvoir d’agir au sein d’une société organisée selon sa propre détermination au sein de règles définies. Notre société démocratique est une société sans dogmes imposés (par exemple par un roi, une religion, un parti) au sein de laquelle les individus sont libres de se déterminer et d’assurer leur condition humaine.
14Personne ne doit édicter des règles attentatoires à la liberté d’un individu. Dans la société, quelles que soient les croyances individuelles des uns et des autres, on doit reconnaître le caractère unique de chaque vie même si le destin de chacun de nous n’a de sens que dans une perspective plus large. La société moderne doit privilégier l’épanouissement de l’individu, sa liberté, son bien-être et sa sécurité. La contrepartie est qu’elle doit laisser à l’individu le soin de définir lui-même ses valeurs et ses raisons de vivre.
L’AUTONOMIE
15Le principe d’autonomie exige que tout acte entraînant des conséquences pour autrui soit subordonné au consentement de la personne impliquée.
16Un des avantages majeurs de ce principe est qu’il permet de bâtir une éthique qui favorise la coexistence pacifique de personnes dont les croyances et les valeurs sont différentes. Dans ces cas, il n’y a, en effet, aucune discussion rationnelle qui puisse démontrer la supériorité d’une attitude sur l’autre. La volonté de tous de résoudre pacifiquement les désaccords moraux implique le respect de la liberté de chacun comme condition préalable au respect mutuel.
17C’est ce principe qui a guidé l’adoption des lois sur la contraception, l’avortement ou la stérilisation volontaire. Le médecin ne peut rien entreprendre sans l’autorisation du patient. Celui-ci doit être correctement informé : c’est capital. Une fois informé, le sujet décide par lui-même. Le médecin peut refuser sa demande.
18C’est ce principe qui a guidé la loi du 4 mars 2002 sur les nouveaux droits du malade qui dit notamment : «Aucun acte médical, ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment». Il est donc possible aujourd’hui de s’opposer à ce que l’on considérerait pour soi être un acharnement thérapeutique.
19Par ailleurs, «toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté».
20On reconnaît donc aujourd’hui le droit d’un individu à ne pas subir un traitement qu’il jugerait inutile ou intolérable. Bien entendu, cette loi n’implique pas que tout individu ait le droit de demander au corps médical de l’aider à quitter la vie. Mais nous savons tous qu’il est des situations (heureusement peu fréquentes), où un patient est atteint d’une maladie qu’il sait incurable et dont les symptômes ou les conséquences des traitements (douleurs non maîtrisées, dépendance paralysies, privation de capacités relationnelles par exemple) lui rendent la vie intolérable. Ces symptômes peuvent être tolérés par certains et pas du tout pour d’autres.
21De même certains considèrent que leur vie ne leur appartient pas et attendent leur fin, alors que d’autres considèrent que leur mort – qui fait partie de leur vie – les concerne seuls. Ils demandent alors qu’on les aide à franchir le pas, comme l’a fait Vincent Humbert qui a ému le monde entier.
22L’affirmation fondamentale de l’autonomie de la personne malade ou du droit de la personne doit s’exprimer à l’intérieur de relations maîtrisées pour ne pas être laissée à l’appréciation de qui que ce soit.
LA DIGNITÉ
23La dignité, on en parle beaucoup. On critique la conduite d’une personne que l’on juge indigne. Les partisans des soins palliatifs considèrent que la dignité est perçue par le moribond dans le regard et la compassion de l’autre. Personne n’a le monopole de la dignité. Elle a eu, au cours du temps, des acceptions différentes :
- pour les religions monothéistes, Dieu ayant créé l’homme à son image, il confère a tout homme une dignité intrinsèque à la personne humaine;
- pour la bourgeoisie du XIXe siècle, la dignité est une valeur discriminante qui dépend de la conduite des individus. Elle s’oppose au laisser-aller, à la bassesse, à la veulerie;
- pour Kant, la dignité se trouve en tout être, c’est la loi morale qui se trouve en tout être et qui est indépendante de Dieu;
- pour Hegel, c’est le regard d’autrui qui fait ma dignité. Le moi s’éveille par la grâce du toi.
24Si la dignité est dans le regard de l’autre, cela veut dire que ma dignité se juge à la mesure de la compassion des autres. Ma dignité n’est plus une marque de ma liberté ou de mon autonomie, elle est fonction des autres. C’est exactement ce concept dont on argue quand on rejette la dignité « valeur bourgeoise » permettant de condamner les gens « indignes »: indignes d’une promotion, d’une fonction, ou ceux ayant un comportement indigne. La dignité, au contraire, est une valeur personnelle qui, comme telle, peut varier dans sa perception d’un individu à l’autre. Untel peut s’estimer digne de vie étant paralysé, aveugle, incapable de s’alimenter. Un autre peut estimer avoir perdu sa dignité dans les mêmes circonstances. Nul n’est juge de ma dignité, seul moi-même.
25En 1945, la charte des Nations Unies a déclaré sa foi dans «la dignité de la personne humaine» et la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 indiquait «l’être humain a droit à une protection absolue quand il s’agit du respect de la dignité de sa personne, dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables». Protéger la dignité de la personne humaine, c’est opposer à tout ce qui porte atteinte de manière délibérée à propos de notre corps, à notre esprit, à notre liberté. C’est au nom de cette dignité que la société – et le corps médical notamment – combat la souffrance ou le handicap. Ceci est bien accepté pendant la vie. Mais la fin de vie peut s’accompagner de souffrances qui avilissent l’être qui les subit au point de lui faire perdre toute dignité.
L’ÉGALITÉ
26Ce dernier principe sur lequel reposent les bases de notre société reconnaît à chacun des droits égaux. Or, l’actuelle clandestinité, l’inégalité des situations en fonction de la bonne ou mauvaise volonté des soignants, l’absence de loi créent une inégalité devant la fin de vie… qui ne profite évidemment qu’à ceux qui ont dans leurs relations un médecin compréhensif ou bien qui ont la chance de le rencontrer en fin de vie.
LES SOINS PALLIATIFS ET L’ADMD
27Les soins palliatifs visent à accompagner les malades en fin de vie, avec compassion et attention. Beaucoup considèrent qu’il faut pratiquer une « compassion d’équipe ». Devant la fin de vie d’un malade incurable, souffrant ou handicapé, on propose le « non abandon » et l’accompagnement affectif.
28En tant que médecin, j’ai toujours combattu, moi aussi, pour éviter la souffrance et accompagner les patients. J’ai introduit, le premier, à la clinique Marignan, l’anesthésie péridurale pour les accouchées.
29Il y a encore quelques années, en France, le personnel médical n’utilisait ni morphine ni autre antidouleur et laissait les gens souffrir. C’est pourquoi il faut défendre le principe et la création de services de soins palliatifs. Néanmoins, les personnes qui ont un attachement spirituel et religieux et qui n’acceptent pas le principe d’aider quelqu’un à mourir – accordant à Dieu, uniquement, le pouvoir d’ôter la vie d’un homme —, plaident pour l’existence des soins palliatifs en lieu et place du choix ultime du patient. Les soins palliatifs apportent compassion et gentillesse, ils permettent au patient de partir en l’absence de douleur et même de conscience. Selon M. de Hennezel, une personne en fin de vie qui réclame d’en finir «cache une autre demande, celle d’être soulagée et de recevoir l’assurance d’être respectée dans son désir de ne pas voir sa vie prolongée». C’est exactement ce que nous, nous voulons. Nous voulons que soient donnés des soins palliatifs mais aussi que soit respecté le droit à l’autonomie de chacun, un droit qui est aujourd’hui reconnu par la société. Nous souhaitons que ce droit soit respecté, particulièrement quand le patient est en état de détresse et d’indignité et qu’il veut choisir le moment de son départ. La décision d’euthanasie existe, mais elle est médicale, elle n’est pas le choix du patient. Les études de Didier Peillon en 1995 et du docteur Pochar en 1999 ont prouvé l’existence de l’euthanasie médicale. Les publications scientifiques mentionnent, actuellement, que 20 à 26 % des réanimateurs ou des anesthésistes arrêtent les perfusions, même dans les services de soins palliatifs, quand ils se rendent compte que le patient n’est plus secourable. La Société de Réanimation de Langue Française qui réunit la communauté des anesthésistes réanimateurs francophones a le 7 juin 2002 considéré que les décisions d’arrêt des thérapeutiques actives concernaient près de 10 % des patients adultes admis et 50 % des décès d’adultes en réanimation. Mais la décision d’une équipe médicale n’est pas la décision du patient, elle ne répond pas à sa volonté à lui, quelle que soit la compassion qu’il reçoit de la part de cette équipe.
30Je suis favorable aux soins palliatifs. Ils sont nécessaires. Ceux qui les prodiguent doivent être encouragés. Mais on n’a pas le droit d’obliger quelqu’un à vivre s’il ne le veut plus. Les soins palliatifs ne sont pas en opposition avec le droit de mourir dans la dignité… et on sait aussi que le nombre de lits de soins palliatifs est largement insuffisant en France.
FAUT-IL LÉGIFÉRER ?
31Il y a plusieurs positions en présence :
LE RESPECT DE TOUTE VIE HUMAINE
32La vie est une réalité transcendante et ne peut être laissée à la libre disposition de l’homme. Les tenants de cette position dénoncent les dérives auxquelles ne manqueraient pas d’ouvrir la reconnaissance d’un droit à l’euthanasie. Ils considèrent qu’autoriser l’euthanasie provoquerait une brèche morale et sociale dont les conséquences sont difficiles à mesurer. Les arguments suivants sont avancés :
- la dignité d’une personne appréciée diversement selon qu’on la considère de l’extérieur ou telle que la ressent l’intéressé est propre à chaque personne.
- la personne bien portante ne sait pas quelle sera sa réaction face à la mort.
- les malades en fin de vie sensibles à l’angoisse de leurs proches peuvent souhaiter épargner leur entourage par une demande qui ne correspond pas à leur sentiment profond.
- les personnes privées de capacités relationnelles peuvent être victimes du désir de mort de l’entourage ou des soignants;
- le devoir déontologique du médecin est de soigner (…).
- la justification légale de l’euthanasie serait de nature à mettre un frein aux soins palliatifs ou du moins d’en retarder l’évolution ou à faire intervenir de façon excessive des paramètres économiques ou de gestion hospitalière.
NE RIEN CHANGER À LA SITUATION ACTUELLE
33Chacun sait que l’euthanasie existe et qu’elle est pratiquée ainsi que le rappelaient les réanimateurs de SRLF. Puisque des gens aussi connus que Freud, Gilles Deleuze, Roger Stéphane, Bruno Bettelheim, Arthur Koestler, Jean Mercure, Roger Quillot, Mireille Jospin, ont réussi à mourir dans la dignité, pourquoi faire des vagues ? Pourquoi changer, puisque la loi n’est pas appliquée, et que chacun se débrouille ? C’est évidemment une attitude hypocrite.
MOURIR DANS LA DIGNITÉ EST UN DROIT
34Pour les tenants de cette position, la mort étant inéluctable, la plupart des humains veulent être rassurés sur les conditions de leur fin de vie. Ils refusent la déchéance physique et intellectuelle. L’existence humaine ne doit pas être comprise de façon physiologique ou en termes de biologie quantitative.
35L’individu est seul juge de la qualité de sa vie et de sa dignité. La dignité est une convenance envers soi que nul ne peut interpréter. Elle relève de la liberté de chacun.
36Le suicide n’est plus condamnable en France depuis 1792 mais l’assistance à la mort consentie relève du code pénal.
37Le droit à l’euthanasie n’impose aucune obligation à quiconque et la clause de conscience est ici impérative.
38Le droit à mourir dans la dignité n’est pas un droit accordé à un tiers de tuer. Mais il se présente comme la faculté pour une personne consciente et libre d’être comprise puis aidée dans une demande exceptionnelle qui est celle de mettre fin à SA vie.
39En terme juridique, une dépénalisation de l’assistance à mourir devrait protéger suffisamment la liberté de chacun et éviter l’actuelle clandestinité et son cortège de déviance.
40La demande d’assistance à une mort consentie doit être formulée librement, consciemment, clairement et de manière réitérée. Elle est toujours révocable afin de protéger la liberté individuelle et l’autonome de la personne.
41Au cas où la personne serait dans l’incapacité de s’exprimer, ou bien que l’on contesterait son testament de vie, un mandataire préalablement désigné pourra confirmer les volontés du sujet.
42Il faut donc une loi qui permette à chacun d’agir dans la transparence, qui protège les soignants ou ceux qui viendraient en aide aux malades et qui évite la clandestinité. André Comte Sponville énonçait récemment une règle de bon sens «quand la loi et la morale ne coïncident plus, c’est la loi qu’il faut changer». C’est bien le but que s’est fixé l’ADMD.
43Choisir sa mort, c’est le dernier acte de liberté d’un être humain. Mais les textes législatifs permettent encore de contester ce droit. Aujourd’hui, le choix n’existe pas… sauf pour ceux qui ont la chance de connaître un médecin ou un service médical bienveillant. Nous voulons que la loi exprime le possible dans la transparence en respectant le droit de chacun.
44La modification de la loi française est donc nécessaire. Plusieurs projets ont été déposés au parlement au cours des législatures. Le débat n’a jamais eu lieu. En 2003, une mission parlementaire a été créée qui devrait proposer des solutions avant l’été 2004. Comment ne pas évoquer les lois sur la contraception ou sur l’IVG qui elles aussi ont demandé du temps et des discussions avant d’aboutir ? Les principes que la loi devrait respecter sont :
- une demande libre et mûrement réfléchie;
- la souffrance du patient doit être insoutenable ou sa maladie sans issue thérapeutique;
- le patient doit avoir été informé de son état et de son pronostic par le médecin;
- un autre médecin doit avoir été consulté et a donné son accord;
- l’acte est pratiqué avec rigueur dans les conditions prévues par la loi.
45Comme l’a écrit Jacques Pohier, l’euthanasie volontaire apparaît pour certains comme procédant d’une surestimation indue des droits des êtres humains sur leur propre vie. Pour nous, il n’y a pas « transgression ». En réalité, ce n’est pas un choix entre la vie et la mort. C’est un choix entre deux façons de mourir.