Notes
-
[1]
On parle aussi de gérontechnologies mais ce terme nous semble trop stigmatisant et trop marqué autour d’une vision purement médicale du vieillissement.
-
[2]
Notre réflexion, affiliée à la sociologie et liée à des pratiques sociales, nous permet de nous affranchir de l’adjectif « sociale » généralement placé à la suite de l’acceptabilité lorsqu’on étudie un rapport humain/non-humain.
-
[3]
La Smartcheck est un outil technologique d’aide au diagnostic médical pour le repérage de la fragilité. Elle est composée de capteur pour mesurer la marche, d’une plateforme de force pour mesurer l’équilibre et d’une tablette sur laquelle plusieurs questionnaires médicaux sont insérés.
-
[4]
Tous les noms présents dans cet article sont des pseudonymes.
-
[5]
L’enquête MFV (Migration Famille Vieillissement) a été réalisée dans les DOM en 2009-2010 par l’Insee et l’Ined.
-
[6]
La Réunion étant une île volcanique, les Bas correspondent à la partie partant du littoral jusqu’à 400 m d’altitude et les Hauts correspondent aux espaces au-dessus de 400 m d’altitude.
-
[7]
Le temps lontan ne fait pas seulement référence à l’avant, il fait référence à un avant daté très précisément correspondant à l’avant-modernisation, c’est-à-dire avant les années 1960-1970 (Andoche et al., 2009).
-
[8]
Maison en créole réunionnais.
Introduction
1Aujourd’hui de plus en plus présentes, les Technologies de la Santé et de l’Autonomie [1] (TSA) représentent un ensemble vaste de solutions technologiques à destination de personnes âgées et de leur entourage, qu’il soit familial, de proximité ou professionnel. Ces TSA comprennent toutes sortes de réponses aux besoins accompagnant l’avancée en âge comme les dispositifs portés ou non portés de télésurveillance et de téléalarme, les dispositifs de domotique, de e-santé ou bien les dispositifs interactifs de coordination et de liens sociaux. La visée de cet article n’est pas de porter un jugement normatif sur l’imprégnation de ces TSA dans notre quotidien, mais plutôt de comprendre comment les individus se positionnent face à ces innovations, qu’ils soient utilisateurs ou non. À partir d’un travail de thèse effectué à l’île de La Réunion, notre approche qui mobilise les vieillissements contextualisés, c’est-à-dire l’ancrage sociodémographique et institutionnel dans lequel évoluent les individus (Mallon, 2014), a deux objectifs principaux. Le premier, qui s’articule autour de la notion d’acceptabilité, est de mieux comprendre les expériences positives et négatives de ces technologies. Le second, qui s’appuie sur l’hypothèse d’une assimilation du processus d’acceptabilité à celui de déprise, est d’apporter des éclairages sur les vécus individuels du vieillissement. Le concept de déprise en sociologie du vieillissement correspond à la mise en place, par les individus, de stratégies d’adaptation pour faire face à l’avancée en âge. Pour cela, une première section présentera le processus d’acceptabilité ainsi que le mécanisme de ses composantes à partir d’un sous-corpus d’utilisateurs de la téléassistance. Une deuxième section abordera le poids du parcours de vie dans le processus d’acceptabilité. Enfin, une troisième section détaillera la typologie des vécus individuels du vieillissement et leur lien avec l’utilisation des TSA.
Les usages et ses logiques ou le degré d’acceptabilité
2Il n’existe pas de définition consensuelle de l’acceptabilité [2]. Elle est très présente dans les disciplines telles que l’ergonomie, la psychologie sociale ou l’agronomie mais, bien que présente, elle est peu conceptualisée en sociologie et plus généralement en sciences humaines et sociales (Baba et Raufflet, 2015). L’acceptabilité est un processus et le résultat d’une rencontre de facteurs qui influencent un positionnement individuel et/ou collectif. On peut alors définir l’acceptabilité comme un mouvement, en permanente reconfiguration, au sein duquel des éléments, porteurs de valeurs subjectives plus ou moins objectivées par les individus, entrent en interaction, s’additionnent et produisent un sens. Cette définition permet ainsi de faire la différenciation entre l’acceptabilité (processus) et l’usage (état avec une intensité plus ou moins importante à un temps t). Avec cette définition, l’usage et le non-usage participent d’un mouvement similaire et occupent une place importante qu’il convient d’analyser.
3L’analyse de notre corpus d’entretiens (63 entretiens semi-directifs de personnes âgées de plus de 55 ans à l’île de La Réunion dont 32 entretiens auprès d’utilisateurs de la téléassistance, 16 entretiens auprès d’utilisateurs de la Smartcheck [3] et 15 entretiens spécifiques sur le rapport à la technologie et à l’innovation) nous a permis d’élaborer différents types de freins et de facilitateurs entrant dans le processus d’acceptabilité des TSA. Nous avons d’abord identifié des freins relatifs à soi qui concernent la perception de ses compétences intellectuelles et physiques souvent liée à un sentiment d’illégitimité à l’égard de l’utilisation des nouvelles technologies et souvent amplifiée par la peur de s’imposer aux autres et par le sentiment d’étrangeté au monde qui correspond à un sentiment, partagé par de nombreuses personnes vieillissantes, de distanciation et d’incompréhensions face à leur environnement (Caradec, 2004). Ensuite, des freins relatifs à autrui qui se construisent autour des effets de stigmatisation induits par certains objets technologiques et autour de transformations sociales induites par l’utilisation de la technologique. Enfin, des freins relatifs à l’objet en termes d’utilisabilité et d’accessibilité, notamment financière. À l’inverse, il existe des facilitateurs relatifs à soi liés aux dispositions personnelles et aux positionnements que l’on adopte face à la société. Dans cette perspective, le rapport à l’apprentissage et la notion de confiance sont centraux. Il existe aussi des facilitateurs par rapport à autrui en lien avec l’entourage social et les facteurs expérientiels. Enfin, il existe des facilitateurs liés à l’objet dans le cas de perception d’utilité positive (Klein, 2018).
4Nos analyses rejoignent, sur beaucoup de points, celles de Feirouz Boudokhane (2006) et de Marc-Éric Bobillier-Chaumon et Raluca Oprea Ciobanu (2009) concernant les facteurs facilitants et au contraire ceux freinant l’adoption de nouvelles technologies et plus globalement l’intégration d’innovations. Elles rejoignent également celles développées par Sudha Ram (1987) sur les facteurs de non-usage. Cependant, même si ces approches ont été utiles théoriquement, elles ne répondent pas complètement au continuum existant entre l’usage et le non-usage. Les facteurs d’acceptabilité ne sont pas par nature orientés et caractérisés. C’est le contexte d’usage qui pondère les facteurs positivement ou négativement. Le contexte d’usage varie d’un individu à l’autre et s’intègre dans un contexte plus macrosociologique, institutionnel et territorialisé. On trouve des résultats similaires en France métropolitaine concernant des technologies qui ne sont pas spécifiquement en lien avec la perte d’autonomie ou le vieillissement. Ce constat permet alors d’affirmer que les TSA ne présentent pas de schéma d’appropriation différenciée des autres technologies (Klein, 2017).
5Pour comprendre le rapport aux TSA, il faut donc considérer la personne dans son rapport à soi et à ses propres fragilités naissantes et dans son rapport aux autres en lien avec son parcours de vie et dans le rapport du monde à soi (Gucher, 2012). Ceci a pour conséquence la nécessité de prendre en compte la diversité des facteurs. Il n’existe pas de facteur explicatif unique, donc il est nécessaire de bien contextualiser l’implémentation des TSA, et ce d’autant plus qu’elles sont des innovations qui répondent à un enjeu sur le long terme. Il est difficile, à travers un travail qualitatif, de pouvoir analyser les liens et les influences que ces différents facteurs ont entre eux. L’approche relative aux logiques d’usage permet toutefois de continuer l’explicitation du processus d’acceptabilité en introduisant un caractère plus dynamique de l’usage et une approche plus fine sur les degrés d’usage.
6Nous proposons ici d’interroger les usages de la téléassistance auprès de 32 personnes âgées vivant seules et équipées de la téléassistance soit de manière privée soit dans le cadre des actions d’un CCAS (Centre Communal d’Action Sociale). Les quatre logiques d’usage (utilitaire, identitaire, de médiation et d’évaluation) définies par Vincent Caradec (2001a, 2001b) permettent de mieux comprendre les raisons qui poussent ou pas une personne à utiliser une technologie. La logique utilitaire est caractérisée par une appréciation sur l’utilité ; la logique identitaire renvoie à une adéquation ou une inadéquation de l’objet à ce que l’on est ; la logique de médiation intervient lorsque l’usage est soumis à l’intervention d’un tiers ; la logique d’évaluation consiste à juger les caractéristiques de l’objet et d’en attribuer une image positive ou négative. Si elles renseignent sur le processus d’acceptabilité et sur la décision d’utilisation, elles ne renseignent cependant pas véritablement sur les modalités d’usage et sur la satisfaction. De plus, elles sont très souvent mêlées et il semble plus pertinent, dans notre cas, de montrer la complémentarité de ces logiques d’usage en termes de temporalité et de ressentis subjectifs et la manière dont elles se rencontrent. Cela est plus pertinent car, dans notre corpus, très peu de personnes s’extraient de la logique de médiation qui domine très largement les modes d’acquisition de la téléassistance.
7Le cas de Madame Rivière [4] (92 ans) est très éclairant à ce propos. Sa décision de s’équiper de la téléassistance relève de plusieurs logiques. D’après elle :
L’essentiel si je tombe c’est que ça peut m’aider.
9Ainsi Madame Rivière s’est équipée de la téléassistance car elle estime que c’est utile en cas de chute pour alerter les secours. Elle s’est équipée de la téléassistance car :
Ça me permet de sortir un peu dehors sur la varangue.
11Le fait d’avoir la téléassistance lui garantit donc de maintenir une forme d’autonomie et de continuité dans ses activités. On retrouve ainsi une logique identitaire. Enfin, Madame Rivière n’a pas pris la décision seule de s’équiper de la téléassistance car c’est son aide-ménagère qui lui en a parlé et qui a fait les démarches auprès du CCAS. On se trouve dans ce cas face à une logique de médiation.
12C’est aussi l’aide-ménagère de Madame Lebon (95 ans) qui a proposé l’équipement et fait les démarches pour la téléassistance. La logique de médiation prime dans le cas de Madame Lebon car, étant assez isolée du point de vue familial, son entourage professionnel ne lui a pas laissé le choix pour son maintien à domicile. Elle a accepté toutefois car c’était gratuit et cela lui permettait de rester chez elle. Ainsi, on voit à travers cette situation comment se mêlent à la fois une logique d’évaluation entre le prix à payer pour son autonomie, la gratuité de la téléassistance, et une logique identitaire à travers la préservation d’autonomie dans son lieu de vie :
Je trouve que si on a ça avec nous on peut aller dans la cour et avoir une petite distraction.
14La logique de médiation est aussi présente pour Monsieur Robert (88 ans) dont l’aide-ménagère a fait les démarches pour l’équiper de la téléassistance. La gratuité de l’équipement a également été déterminante pour l’acceptation de Monsieur Robert. Il se positionne aussi du côté de la logique utilitaire car il reconnaît l’utilité de l’objet quand il est seul chez lui si jamais il lui arrive quelque chose mais il estime, par contre, que l’objet ne lui permet pas de continuer ses sorties en dehors de son domicile et sollicite donc une approche identitaire.
Si je sors un peu dans le chemin et si je tombe dans le chemin l’appareil ne fonctionne pas il faudrait que je puisse marcher et que ça me suive il ne faut pas que je reste dans la cour toute la journée moi j’ai des étourdissements ça ne prévient pas.
16À travers cet extrait, Monsieur Robert met en lumière les limites de la téléassistance dans son champ d’action cantonné au domicile. Ces différents exemples sont forts d’enseignement. D’abord, ils permettent de montrer, si cela était encore nécessaire, le caractère complexe et multidimensionnel de la décision d’utilisation de la téléassistance par les personnes âgées. Ensuite, ils intègrent un élément temporel qui justifie à lui seul le caractère processuel de l’acceptabilité. En effet, si une personne a été équipée de la téléassistance par l’intervention d’un tiers, ce n’est pas pour autant qu’elle ne peut développer d’autres logiques d’usage par la suite qui viennent s’opposer à l’usage ou le confirmer. Enfin, le postulat de la coexistence des logiques d’usage permet d’introduire l’idée d’une variété d’usages possibles face à un même objet et d’un rapport contrasté à l’objet.
17Dans le cas de la téléassistance, l’usage principal qui est revendiqué à la fois par les téléassisteurs et par les personnes âgées est un usage lié à la sécurité et à la réactivité en cas de chute ou de problème quelconque.
18L’équipement de la téléassistance naît du risque de chute mais aussi et surtout parce que la personne vit seule. L’équipement en téléassistance a ainsi tendance à s’amplifier lorsque la personne est isolée. La téléassistance est souvent utilisée en substitut de la présence humaine parce que les personnes estiment ne pas en avoir besoin en présence d’autres personnes. C’est ce qu’exprime Madame Belle en disant qu’elle n’en a pas besoin le soir et le week-end car elle est accompagnée ou Madame Pauline qui dit :
Quand j’ai du monde, j’en profite pour l’enlever sinon je le porte.
20Mais, pour beaucoup, lorsque les personnes sont seules, la téléassistance apparaît comme « un secours » qui peut être sollicité en cas de besoin.
21Sur la nature de l’usage, l’exemple de la téléassistance est très parlant. En effet, notre analyse rejoint la littérature scientifique sur le sujet par rapport à la déviation des usages. Certaines personnes disent ne jamais avoir utilisé la téléassistance mais avoir déjà appelé la plateforme de télé-appel pour discuter et échanger. Madame Pelle :
J’ai déjà appuyé pour donner de mes nouvelles.
23Elles sont très largement encouragées à le faire parce que les téléassisteurs pratiquent « les appels de convivialité » qui se font à une fréquence d’une fois par mois.
Ils discutent avec moi, même si tu n’es pas malade tu peux m’appeler quand tu dors pas tu peux m’appeler pour discuter un peu.
Ils me téléphonent à peu près tous les mois ils me disent il ne faut pas hésiter d’appeler si j’ai besoin.
26Madame Vierre fait même état d’appels beaucoup plus fréquents :
C’est eux qui m’appellent de Saint-Denis tous les 15 jours ils me demandent si ça va bien et si on est normal.
28Certaines personnes développent même des relations assez privilégiées puisqu’elles connaissent le nom de leur interlocuteur qui semble régulier :
Brigitte je crois elle me demande si je ne suis pas malade.
30Ainsi, on se situe dans ce que Catherine Gucher (2014) qualifie d’« usage détourné ». Ce qui est intéressant, c’est que ce détournement de l’usage par les personnes âgées a été intégré par les téléassisteurs qui proposent dans leur offre ce service de convivialité au même titre que celui de l’assistance. Si le message est un peu nuancé sur les plaquettes commerciales, il est tout à fait assumé dans la relation client. Ainsi, dans de nombreux cas, l’usage initial de la téléassistance de sécurisation de la personne et de son entourage se substitue au profit d’un usage social pour lutter contre l’isolement.
31Cet exemple d’« usage détourné » montre bien l’intérêt théorique de l’étude des usages pour parvenir à une représentation des besoins et des attentes des personnes âgées. C’est ce que nous proposons de faire à présent en analysant le processus d’acceptabilité des TSA au prisme des transformations propres à l’avancée en âge. L’objectif est ainsi de faire le lien avec l’expérience individuelle du vieillissement.
Rapport à la technologie et parcours de vie
32L’individu à travers ses valeurs et son parcours de vie construit des représentations de l’objet, lui-même caractérisé par un certain nombre de fonctionnalités. Schématiquement, ces représentations vont induire une perception d’utilité de l’objet positive ou négative. Dans le cas d’une perception d’utilité positive et si cet objet répond à un besoin de l’individu (qui n’est pas nécessairement celui prévu par l’objet), alors cela entraînera l’utilisation qui entraînera elle-même un usage (pas forcément univoque). À l’inverse, si la perception d’utilité de l’objet est négative, alors l’objet ne répond pas à aucun besoin et cela empêchera toute utilisation. Cela n’est pas tout à fait aussi simple car intervient également l’action des freins et des facilitateurs qui ont pu être identifiés précédemment. Les freins et les facilitateurs sont liés à l’individu, à autrui et à l’objet. Ils agissent positivement ou négativement sur ce mouvement et agissent en interaction avec les autres facteurs pour déterminer l’usage. Pour la population qui nous intéresse, l’action du temps a son importance car elle entraîne des reconfigurations identitaires qui agissent sur l’usage.
33Ce n’est pas seulement la nature de la technologie qui joue sur le processus d’acceptabilité, mais aussi le contexte et le moment social dans lequel il s’insère. Les personnes retraitées à La Réunion ont connu un parcours de vie lié à plusieurs facteurs de vulnérabilité. Une vulnérabilité économique d’abord, causée par l’héritage de la précarité financière familiale, l’obligation de travailler avec les parents ou en placement très jeune, la faible scolarisation, le caractère informel de l’emploi sur une période plus ou moins longue de la vie active. Ensuite, les personnes âgées réunionnaises ont connu une vulnérabilité sociale non sans lien avec la précarité économique décrite ci-dessus. Il n’existe pas de chiffre exposant le taux d’illettrisme chez les personnes âgées à La Réunion, mais on sait par expérience que celui-ci est très élevé. On peut citer toutefois l’enquête Informations et Vie Quotidienne (IVQ) réalisée par l’Insee en 2011 (Michaïlesco et Le Grand, 2013) qui évalue le taux d’illettrisme à 22,6 % des 16-65 ans ayant été scolarisés. Le taux d’illettrisme des 60-65 ans s’élève quant à lui à 39 %. Ce chiffre est sous-estimé car il ne prend en considération que les personnes ayant été scolarisées, or c’est loin d’être le cas pour la majorité des personnes âgées. Nous ne disposons pas de chiffre pour les plus de 65 ans, mais on peut aisément supposer que le taux d’illettrisme est encore bien supérieur à celui des 60-65 ans. Notons également que cette enquête ne concerne que les personnes nées après la départementalisation, or les conditions de vie étaient moins bonnes avant 1946, et notamment concernant l’accès à l’éducation. La vulnérabilité sanitaire est la troisième. Les personnes âgées réunionnaises sont globalement en moins bonne santé que les personnes âgées métropolitaines et connaissent une entrée dans la perte d’autonomie plus précoce. À cet égard, notons que la proportion de bénéficiaires de l’APA est de 12 % à La Réunion contre 8 % en France métropolitaine (Baktavatsalou et Clain, 2016). L’enquête MFV [5] apporte des éléments intéressants sur la perception de l’état de santé des personnes âgées entre 60 et 79 ans. 35 % se considèrent en bonne et très bonne santé, 49 % en moyenne santé et 16 % en mauvaise et très mauvaise santé. Enfin s’ajoute à cela une vulnérabilité géographique qui s’applique aux habitants des cirques et plus généralement aux habitants des Hauts [6] de La Réunion.
34Ce cumul de vulnérabilités, symptomatique de la pauvreté, impacte le positionnement des individus face à leur vieillissement en rendant la projection dans le futur peu optimiste et l’autonomie décisionnelle discutable. Les changements socio-économiques ayant été très rapides, les personnes trouvent, en leur existence, un support et une preuve de ces changements. C’est exactement ce mécanisme qui pousse les personnes à évoquer et à se référer de manière récurrente au temps lontan [7] à la fois comme témoin de ces évolutions et à la fois comme référence identitaire. Lorsque les personnes interrogées affirment qu’elles sont trop vieilles, c’est bien là la manifestation d’une distance face à un monde dont les codes ne sont plus aussi facilement appréhendés. C’est ce que l’on comprend par les fréquentes références au manque d’éducation actuel des enfants, aux incivilités auxquelles elles sont confrontées et globalement au sentiment d’insécurité qu’elles expriment. Ce sentiment d’étrangeté au monde est, d’après nous, particulièrement amplifié à La Réunion du fait du parcours de vie des personnes âgées. L’illettrisme important chez les personnes âgées est à l’origine d’un sentiment d’infériorité et d’une perception négative de soi. En effet, si autant de personnes jugent qu’elles n’ont pas les compétences pour pouvoir utiliser un objet technologique, c’est parce que, d’après elles, le fait de ne pas être allé à l’école, de ne pas avoir appris à lire et à écrire, sont des éléments qui les éloignent du savoir et de l’apprentissage. Cette mise à distance de la situation d’apprentissage, comme protection ou comme conviction dépréciée de soi, agit sur les représentations des nouvelles technologies et sur les perceptions d’utilisabilité de l’objet. De plus, cet illettrisme partagé par beaucoup de personnes de notre corpus est à l’origine d’une situation de dépendance dans la vie de tous les jours, que ce soit pour les démarches administratives, pour les transports ou pour l’accès général à l’information. Cette nécessité du recours à autrui dans les actes de la vie quotidienne, depuis de nombreuses années, entraîne des possibilités d’adaptation plus limitées sur leur quotidien et une certaine passivité dans la prise de décision. Ces personnes s’en remettent ainsi beaucoup à leurs proches pour les décisions importantes ou celles de tous les jours, mais aussi aux professionnels qui les entourent. Cela est particulièrement le cas des femmes qui n’ont jamais travaillé et qui ont toujours dépendu de leurs maris.
35L’avancée en âge entraîne des reconfigurations progressives, qui peuvent être lentes au rythme de la fatigue (par exemple la réduction progressive des temps d’activité physique par semaine) ou bien rapides (en réponse par exemple à une chute). Les TSA ou la technologie en général interviennent donc à un moment de l’existence marqué par de nombreux changements relatifs au corps, à l’esprit, à la mémoire et au réseau social. Ainsi, en plus de tous les facteurs intervenants dans le processus d’acceptabilité, il faut intégrer l’effet des stratégies de déprise (Barthe, Clément et Drulhe, 1988 ; Caradec, 2004) et plus largement les épreuves rencontrées (Caradec, 2018) par les personnes.
Des vécus du vieillissement au prisme de l’utilisation de la technologie
36Accepter de recevoir des informations, les comprendre et les intégrer dans ses pratiques n’est pas automatique et les individus n’ont pas tous les mêmes capacités pour pouvoir y faire face. Stéphane Alvarez (2014, 2016) définit trois types de rapport au vieillissement en lien avec la réception de messages de prévention. Il y a tout d’abord les personnes âgées qui vivent leur vieillissement comme une souffrance et pour qui le vieillissement est vécu comme un déclin inéluctable et une épreuve. Ensuite, il y a les personnes qui voient le vieillissement comme un apprentissage et qui ont de grandes capacités d’adaptation. Ce sont souvent des personnes plus apaisées, moins en colère et qui ont moins de ressentiment. Elles sont dans une valorisation de l’autonomie et de la responsabilité et manifestent une volonté de s’en sortir par elles-mêmes. Les personnes qui voient leur vieillissement comme un apprentissage sont plutôt issues de milieux sociaux privilégiés. Enfin, on retrouve les personnes qui ont un rapport ambivalent au vieillissement. Pour celles-ci, toujours issues de milieux plutôt privilégiés, réussir son vieillissement est impossible car le vieillissement est porteur d’atteintes au prestige social dans lequel elles se trouvent. Le vieillissement est alors synonyme de déclassement et de « mort sociale » (Guillemard, 1972).
37Cette typologie des différents rapports au vieillissement est très instructive mais ne permet pas de rendre compte de la situation réunionnaise de notre corpus. Une des raisons majeures est le nombre extrêmement restreint de personnes issues de milieux sociaux privilégiés. Nous sommes majoritairement face à des personnes ayant connu des conditions de vie difficiles et qui vivent dans des situations de précarité importante. Ainsi, il n’est pas étonnant de ne pas avoir retrouvé de personnes ayant un rapport ambivalent au vieillissement du moins dans les termes de Stéphane Alvarez. Si certaines personnes peuvent considérer le vieillissement comme un inéluctable déclin, ce sentiment ne résulte pas de la perte d’un statut social particulier, mais plutôt des limitations physiques et sociales qu’il entraîne. De plus, très peu de personnes expriment un rapport totalement positif au vieillissement car, comme nous avons pu le montrer, les personnes âgées cumulent un certain nombre de vulnérabilités et sont globalement peu sereines face à l’avenir. Ainsi, on peut conclure que, dans la typologie de Stéphane Alvarez, la majorité de notre corpus se situerait du côté du vieillissement vécu comme une souffrance. Pour autant, malgré une certaine homogénéité du milieu social, on constate une hétérogénéité des comportements face au vieillissement.
38Les analyses de notre corpus d’entretiens nous permettent de dégager trois types de vieillissement qui partagent pourtant une perception plutôt négative du vieillissement. Cette vision plutôt négative du vieillissement est due comme nous l’avons déjà explicité au parcours de vie des personnes et à l’héritage de celui-ci en termes de conditions de vie. Les personnes âgées réunionnaises rencontrées dans le cadre de ce travail ont une faible capacité de projection dans le futur du fait de l’instabilité perçue de leur situation. Toutefois, malgré une relative homogénéité des milieux sociaux, trois visions du vieillissement émergent.
Le vieillissement fataliste ou « il est trop tard »
39Cette posture se rapproche du vieillissement en souffrance décrit par Stéphane Alvarez. Les personnes de cette catégorie font face à de nombreuses difficultés sur les plans économique, sanitaire et social. Jeunes ou moins jeunes retraités, ils perçoivent très peu de perspectives d’avenir étant donné les fragilités auxquelles ils font face et dont ils perçoivent un caractère irréversible. Selon ces personnes, il est trop tard car elles sont déjà sur la mauvaise pente du vieillissement. Leur réseau social n’est pas forcément restreint, notamment avec les nombreux professionnels qui viennent à domicile, mais elles se sentent souvent isolées voire abandonnées et livrées à elles-mêmes. Pour faire le lien avec la théorie de la déprise, on peut dire que ces personnes s’inscrivent dans l’abandon-renoncement. Progressivement, les activités sont abandonnées sans pour autant que de nouvelles activités viennent les remplacer. L’utilisation de nouvelles technologies n’est pas envisagée car dans une certaine mesure cela ne sert plus à rien de faire des efforts ou de changer ses habitudes (ce qui est coûteux en temps et en énergie) puisque la fin est proche. Leur rationalité fataliste les pousse au calcul selon lequel le lourd investissement en temps et en énergie dans l’apprentissage d’un nouvel objet technologique est trop important par rapport à la potentielle durée de bénéfice.
Le vieillissement passif ou « je ne sais rien »
40Cette posture est probablement la plus caractéristique des personnes âgées rencontrées lors de ce travail de recherche. Le rapport passif au vieillissement repose sur un principe assumé de non-autonomie individuelle et de dépendance à autrui. Ce sont des personnes qui ne se positionnent pas vraiment face à leur vieillissement et qui ont une vision positive et négative de leur avancée en âge en fonction de leur interlocuteur. On retrouve dans cette catégorie la majorité des personnes analphabètes. Ces personnes qui ne savent pas lire et qui pour la plupart ne maîtrisent pas bien le français, ont été dans une forme de dépendance à autrui toute leur vie. C’est le cas de beaucoup de femmes, qui n’ont jamais été scolarisées ou très peu, qui n’ont jamais travaillé et qui ont toujours dépendu de leur mari. Cette dépendance au mari se manifestait d’un point de vue financier, mais aussi pour les décisions importantes et pour les déplacements. Le seul espace de décision et d’autonomie pour ces femmes était la kaz [8]. Le fait de ne pas être allée à l’école et de ne pas avoir été dans des situations d’apprentissage bien longtemps entraîne un complexe d’infériorité important et une remise en doute permanente de leurs capacités intellectuelles. Pour ces personnes, l’entourage joue un rôle déterminant dans leur manière de vivre leur vieillissement. Elles ont tendance à s’en remettre systématiquement et particulièrement à leur conjoint ou à leurs enfants pour les décisions les concernant. Ainsi, en fonction de leur entourage, ces personnes pourront vivre positivement ou négativement leur vieillissement. On perçoit ainsi l’importance de la relation humaine pour elles car autrui est l’unique source d’information et de confiance. Dans ce contexte, ces personnes ont un besoin d’accompagnement particulièrement important. Si cette condition est rassemblée, alors le rapport passif au vieillissement peut faire preuve de grandes capacités d’adaptation. Par rapport aux nouvelles technologies, on retrouve des personnes qui investissent Skype car elles y sont encouragées par leur entourage. Au contraire des personnes qui n’investissent pas du tout la technologie car elles ne sont pas encouragées voire découragées. Du point de vue de la théorie de la déprise, on peut ainsi retrouver dans cette catégorie l’ensemble des stratégies avec une dominance plus marquée des stratégies d’abandon, qu’elles soient de substitution, de sélection ou de renoncement ou de rebond dans les cas les plus positifs.
Le vieillissement combatif ou « ça doit m’aider »
41Cette posture est adoptée par des personnes qui malgré des contraintes financières et parfois médicales adoptent une vision plutôt positive de leur vieillissement. On retrouve des personnes proactives qui manifestent de la joie de vivre et de l’optimisme malgré les difficultés. Ces personnes ne sont pas forcément très entourées par leur famille, mais elles ne manifestent pas de sentiment d’isolement. Pour ces personnes, le voisinage et l’entourage amical jouent un rôle important dans le quotidien. Elles sont parmi les personnes les mieux informées en termes de retraite, de prévention et de vieillissement. Ce sont des personnes qui font preuve de grandes capacités d’adaptation et qui valorisent la notion d’autonomie. Leur rapport au vieillissement est combattant car elles arrivent à gagner des batailles face aux difficultés du vieillissement sans pour autant posséder les armes favorisant le « Bien Vieillir ». En effet, ces personnes sont loin d’avoir les ressources des catégories sociales privilégiées et pourtant elles parviennent à les mobiliser. Une des explications à cette situation est l’implication importante de ces personnes dans le domaine associatif et notamment dans les clubs du troisième âge. Du point de vue de la déprise, on se trouve tout à fait du côté de l’adaptation et du rebond. En effet, on va retrouver très souvent dans leur discours la volonté de s’ancrer dans la société actuelle et de ne pas être mis de côté. Ces personnes vont ainsi plus volontiers avoir recours aux nouvelles technologies comme moyen de préserver leur autonomie et d’asseoir leur existence au présent. Certaines d’entre elles vont même être entreprenantes et diffuser autour d’elles certaines pratiques technologiques comme l’utilisation d’un ordinateur.
Conclusion
42L’acceptabilité des TSA est conditionnée en premier lieu par la perception d’utilité de l’objet par rapport à un besoin. S’ajoute à cela un ensemble de facteurs qui viennent concurrencer cette relation. L’action du temps et des reconfigurations identitaires et sociales au cours du vieillissement est un autre facteur diachronique à considérer. L’étude de l’acceptabilité s’est révélée un excellent moyen d’interroger le rapport au vieillissement des personnes âgées pour mettre au jour des vécus différenciés du vieillissement : fataliste, passif et combatif. Cet article invite donc à considérer les vieillissements dans leurs différents aspects et leur hétérogénéité tout en œuvrant pour une approche théorique territorialisée et contextualisée.
Références
- Alvarez, S. (2014). Prévention et vieillissement : l’expérience individuelle du vieillissement face à la norme contemporaine du « bien vieillir » (Thèse de doctorat de sociologie, Université de Grenoble). Repéré à : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01145883/document
- Alvarez, S. (2016). Émergence et évolutions de la prévention dans les politiques de la vieillesse. La revue de l’Ires, 88(1), 33-61. doi:10.3917/rdli.088.0033
- Andoche, J., Hoarau, L., Rebeyrotte, J.-F. et Souffrin, E. (2009). L’immigration réunionnaise : un peuplement continu, contraint et volontaire. Revue Expression, (33), 137-155.
- Baba, S. et Raufflet, E. (2015). L’acceptabilité sociale : une notion en consolidation. Management International, 19(3), 98-114. doi:10.7202/1043005ar
- Baktavatsalou, R. et Clain, E. (2016). Allocation personnalisée d’autonomie en 2013. Une dépendance plus précoce et plus coûteuse. Repéré à : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2522054 consulté le 13/12/2016.
- Barthe, J.-F., Clément, S. et Drulhe, M. (1988). Vieillesse ou vieillissement ? Les processus d’organisation des modes de vie chez les personnes âgées. Les cahiers de la recherche sur le travail social, (15), 11-31.
- Bobillier-Chaumon, M.-É. et Oprea Ciobanu, R. (2009). Les nouvelles technologies au service des personnes âgées : entre promesses et interrogations – Une revue de questions. Psychologie française, 54(3), 271-285. doi:10.1016/j.psfr.2009.07.001
- Boudokhane, F. (2006). Comprendre le non-usage technique : réflexions théoriques. Les Enjeux de l’information et de la communication, 2006(1), 13-22. Repéré à : https://www.cairn.info/revue-les-enjeux-de-l-information-et-de-la-communication-2006-1-page-13.htm.
- Caradec, V. (2001a). « Personnes âgées » et « objets technologiques » : une perspective en termes de logiques d’usage. Revue française de sociologie, 42(1), 117-148. Repéré à : https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_2001_num_42_1_5335
- Caradec, V. (2001b). Générations anciennes et technologies nouvelles. Gérontologie et société, spécial, 71-91. Repéré à : https://rt7.hypotheses.org/files/2016/03/G%C3%A9n%C3%A9rations-anciennnes-et-technologies-nouvelles-GS-2001.pdf
- Caradec, V. (2004). Vieillir après la retraite. Approche sociologique du vieillissement. Paris, France : Presses universitaires de France, coll. « Sociologie d’aujourd’hui ».
- Caradec, V. (2018). Intérêt et limites du concept de déprise. Retour sur un parcours de recherche. Gérontologie et société, 40(155), 139-147. doi:10.3917/gs1.155.0139
- Gucher, C. (2012). Technologies du « bien vieillir et du lien social » : questions d’acceptabilité, enjeux de sens et de continuité de l’existence : la canne et le brise-vitre. Gérontologie et société, 35(141), 27-39. doi:10.3917/gs.141.0027
- Gucher, C. (dir.). (2014). Les technologies de l’autonomie et de la santé : entre progrès et régressions. (Rapport de recherche). Repéré à : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01274787/ document consulté le 10/08/2017.
- Guillemard, A.-M. (1972). La retraite, une mort sociale, Sociologie des conduites en situation de retraite. Paris/La Haye : Mouton.
- Klein, A. (2017). Rapport général à l’innovation et Adoption des gérontechnologies. Dans F. Sandron (dir.). Vieillissement et gérontechnologies à La Réunion (pp. 105-122). Saint-Denis, France : BTCR, Université de La Réunion.
- Klein, A. (2018). Vieillissement, innovation et territoire, le cas de l’île de La Réunion. Paris, France : L’Harmattan, coll. « Populations ».
- Mallon, I. (2014). Pour une analyse du vieillissement dans des contextes locaux. Dans C. Hummel, I. Mallon et V. Caradec (dir.). Vieillesse et vieillissement, Regards sociologiques (pp. 175-187). Rennes, France : Presses universitaires de Rennes, coll. « Le Lien social ».
- Michaïlesco, F. et Le Grand, H. (2013). 116 000 personnes en situation d’illettrisme en 2011. Repéré à : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1291760 consulté le 15/01/2015.
- Ram, S. (1987). A Model of Innovation Resistance. Advances in Consumer Research, (14), 208-212. Repéré à : http://acrwebsite.org/volumes/6688/volumes/v14/NA-14
Mots-clés éditeurs : vieillissement, La Réunion, acceptabilité, santé, technologies
Date de mise en ligne : 04/11/2019
https://doi.org/10.3917/gs1.160.0033Notes
-
[1]
On parle aussi de gérontechnologies mais ce terme nous semble trop stigmatisant et trop marqué autour d’une vision purement médicale du vieillissement.
-
[2]
Notre réflexion, affiliée à la sociologie et liée à des pratiques sociales, nous permet de nous affranchir de l’adjectif « sociale » généralement placé à la suite de l’acceptabilité lorsqu’on étudie un rapport humain/non-humain.
-
[3]
La Smartcheck est un outil technologique d’aide au diagnostic médical pour le repérage de la fragilité. Elle est composée de capteur pour mesurer la marche, d’une plateforme de force pour mesurer l’équilibre et d’une tablette sur laquelle plusieurs questionnaires médicaux sont insérés.
-
[4]
Tous les noms présents dans cet article sont des pseudonymes.
-
[5]
L’enquête MFV (Migration Famille Vieillissement) a été réalisée dans les DOM en 2009-2010 par l’Insee et l’Ined.
-
[6]
La Réunion étant une île volcanique, les Bas correspondent à la partie partant du littoral jusqu’à 400 m d’altitude et les Hauts correspondent aux espaces au-dessus de 400 m d’altitude.
-
[7]
Le temps lontan ne fait pas seulement référence à l’avant, il fait référence à un avant daté très précisément correspondant à l’avant-modernisation, c’est-à-dire avant les années 1960-1970 (Andoche et al., 2009).
-
[8]
Maison en créole réunionnais.