Notes
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[1]
La FRB est une fondation pluraliste et indépendante œuvrant en Belgique et au niveau international à l’amélioration du bien-être des populations.
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[2]
Composée par ailleurs de deux collègues néerlandophones rattachées à l’Université catholique de Louvain, Anja Declercq et Aline Sevenants.
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[3]
Cette réflexion n’engage que les auteurs et non la FRB ou les projets dont il sera question.
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[4]
Dans ce rapport, le lecteur intéressé pourra trouver la présentation détaillée des douze projets, qui ne sera pas reprise dans le texte qui suit.
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[5]
Le repérage des articles pertinents a été fait progressivement durant l’année de suivi des projets (donnant lieu au rapport FRB, 2014), en bénéficiant des travaux préparatoires menés par la FRB (2009, 2011) et en participant à différents colloques organisant des sessions sur la question (Alzheimer Europe, 24th Annual Conference, Glasgow, 20-22 october 2014 ; IAGG, 8th Congress, Dublin, 23-26 April 2015 ; 5th International Conference on Advance Care Planning and End of Life Care (ACPEL), 9-12 September 2015, Munich).
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[6]
On peut penser à la recommandation faite par différents groupes de personnes malades, « nothing about us without us » (comme DEEP au Royaume-Uni – pour Dementia Engagement and Empowering Project – ou DASNI aux États-Unis pour Dementia Advocacy and Support Network International) et mises en œuvre dans certains centres de recherche qui associent systématiquement des groupes de travail constitués de personnes malades aux projets les concernant.
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[7]
L’enjeu de l’idéal-type est de rendre le réel plus intelligible. Celui-ci étant infiniment complexe, la construction de l’idéal-type par le chercheur va supposer de sélectionner les traits essentiels, de les accentuer et de les enchaîner les uns aux autres pour produire « un tableau de pensée homogène » (voir Max Weber, Essais sur la théorie de la science, pp. 172-173). L’idéal-type ne se retrouve dès lors jamais comme tel dans la réalité : c’est en le comparant à celle-ci qu’on peut mieux la comprendre.
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[8]
La loi belge de 2002 sur le droit des patients (art. 8, § 4) prévoit la possibilité de rédiger des déclarations anticipées négatives (de refus de traitement) qui sont contraignantes pour les soignants, sans limitation de durée, dans la mesure où elles précisent les circonstances dans lesquelles tel traitement médical est refusé. Le représentant légal (art. 14, § 1, de la même loi) désigné par le patient se substitue à lui pour les décisions le concernant en cas d’incapacité. La loi belge de 2013 instaurant un statut de protection pour les personnes majeures incapables précise le rôle de ce représentant.
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[9]
La loi française du 2 février 2016 prévoit ainsi dans son article 8 que ces directives doivent être appliquées par le médecin « sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ».
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[10]
En faisant l’hypothèse de changements culturels allant dans le sens d’une affirmation de l’autonomie décisionnelle telle que conçue ici, on peut imaginer que les patients prendront davantage à l’avenir l’initiative de la planification anticipée.
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[11]
Dans la mesure où les déclarations anticipées ont été pensées relativement aux décisions médicales, toutes les législations considèrent que le médecin reste l’expert légitime pour définir les actes d’investigation ou de traitement médicalement utiles (« décisions positives »), le patient ayant le droit de les refuser, pour des raisons qui lui appartiennent (« décisions négatives »).
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[12]
La seule exception à ce principe concerne, en droit belge, les déclarations anticipées d’euthanasie, qui sont des déclarations positives (demandant que l’acte d’euthanasie soit posé) tout en étant contraignantes, dans les circonstances où elles sont applicables. Nous n’entrerons pas ici dans ce vaste débat, réouvert périodiquement en Belgique, en ce qui concerne la démence.
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[13]
Ce choix sera largement encadré par chaque législation nationale, qui, comme tout texte néanmoins, laisse nécessairement une marge pour l’interprétation.
Introduction
1De 2013 à 2014, la Fondation Roi Baudouin (FRB) [1] a soutenu douze projets-pilotes contribuant à mettre en œuvre la planification anticipée des soins pour les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer. Faisant partie de l’équipe de chercheuses chargées du suivi des projets [2], nous situerons les enseignements de ceux-ci dans la perspective des recherches menées au niveau international en les articulant à différentes perspectives anthropologiques [3].
2Dans le champ de la santé entre autres, l’autonomie est devenue une valeur phare. Elle s’est en particulier concrétisée par un ensemble de législations consacrant le droit des patients à ne se voir appliquer des traitements que s’ils rencontrent leur consentement. C’est pour prendre en compte les situations de patients devenus incapables que s’est développée la planification anticipée des soins. Celle-ci permet aux patients d’expliciter, tant qu’ils en sont capables, les traitements qu’ils (ne) souhaitent (pas ou plus) se voir administrer dans des circonstances précisées survenant lorsqu’ils ne seront plus capables de décider.
3C’est dans ce contexte que la FRB s’est intéressée, dès 2009, à la manière d’ouvrir la voie de la planification anticipée des soins pour les malades d’Alzheimer. Après avoir commandité à différents experts des travaux qui ont donné lieu à deux rapports (FRB, 2009, 2011), accréditant l’idée que les malades d’Alzheimer avaient de fait peu l’occasion de prendre les décisions médicales les concernant, la Fondation a voulu soutenir le passage à la pratique, en l’occurrence par douze projets répartis dans les trois régions du pays et différents types de lieux de vie et de soins. Une équipe de recherche a été mandatée pour mettre en place un processus de recherche-action visant à expliciter les enseignements tirés de ces pratiques (FRB, 2014 [4]).
4La définition de la planification anticipée retenue par la FRB est la suivante : « Un projet de soins personnalisé et anticipé est un processus par lequel une personne, en concertation avec ses proches et ses soignants formule à l’avance des objectifs et des choix relatifs à la manière dont elle souhaite que l’on prenne soin d’elle si elle n’est plus en mesure de les exprimer elle-même » (FRB, 2011, 2014). Il y est question d’un processus – pouvant donner lieu à un document mais ne pouvant y être réduit – et de choix qui ne portent pas exclusivement sur des décisions médicales de fin de vie (même s’ils peuvent les inclure).
5Cette définition commune n’a pas empêché les projets de se développer dans des sens variés, que l’équipe de chercheuses a progressivement analysés comme relevant de deux types de conception de l’ACP – au sens strict/au sens large – répondant de façon différenciée aux questions qui se posent en pratique : quelles décisions s’agit-il d’anticiper ? Qui doit initier le processus de planification et y contribuer ? À quel moment est-il judicieux de l’entamer ? Ou encore, quel statut donner aux documents produits ?
6L’objet de cet article va être :
- de montrer que ces deux types d’ACP se retrouvent dans la littérature européenne [5] consacrée aux législations et aux pratiques en la matière, ayant donc une pertinence dépassant le cas des douze projets financés par la FRB (cf. 1. Rendre compte de la diversité des pratiques) ;
- en décrivant la façon dont chaque type d’ACP répond aux questions clés identifiées ci-dessus, d’identifier les fondements anthropologiques permettant de rendre raison de la cohérence interne de chaque type et de leurs différences (cf. 2. Une planification anticipée au sens strict et 3. Une planification anticipée au sens large) ;
- pour conclure, de mettre en évidence comment cet éclairage anthropologique permet de clarifier les choix à opérer entre différentes approches.
7Avant de ce faire, relevons un paradoxe : tant pour les projets belges que dans la littérature internationale, il apparaît que, en dépit de leur visée qui est l’accroissement de l’autonomie des personnes, les dispositifs d’ACP ne font que peu intervenir les personnes elles-mêmes au moment de leur conception et de leur évaluation. Les douze projets belges n’ont pas été conçus avec et par les premiers intéressés, mais par des professionnels de la santé ou du monde associatif ; leur intérêt n’a pas fait l’objet d’une évaluation systématique avec ceux-là. On retrouve cette critique dans la littérature internationale (Dening, Jones et Sampson, 2011). Quand des recherches ont été menées auprès des personnes malades, les résultats vont dans des sens divers : montrant parfois une réticence des personnes démentes à se projeter dans le futur, choisissant de vivre l’instant, celui-ci pouvant déjà comporter son lot de difficultés (Groen-van de Ven et al., 2016a ; Dening, Jones et Sampson, 2012) ou rapportant parfois au contraire une appréciation de l’anticipation par les personnes démentes se sentant soulagées d’avoir pu faire connaître leurs souhaits pour l’avenir (Poppe, Burleigh et Banerjee, 2013).
8Ce paradoxe reflète sans doute le fait que les personnes démentes courent le risque d’être exclues du processus de choix pour toutes les décisions les concernant (comme le montrent Léontine Groen-van de Ven et al., 2016a et Géraldine Boyle, 2013)… même celle qui consiste à vouloir leur proposer un processus de planification des soins ! Ce paradoxe nous conduit vers deux réflexions. La première, simple à dire, plus difficile à mettre en œuvre, est de recommander que tout dispositif d’ACP soit défini et évalué avec les personnes concernées [6]. La seconde nous place dans une position potentiellement plus difficile : si beaucoup reste à faire pour que les personnes démentes soient associées, à la mesure de leurs capacités, à toute décision les concernant aujourd’hui, est-il judicieux de chercher à promouvoir dès aujourd’hui des dispositifs d’ACP, particulièrement délicats à mettre en œuvre, alors que le (relativement) plus simple est encore loin d’être acquis, quel que soit le lieu de vie et de soins ? Nous avons considéré que les décisions à prendre, pour le présent et pour le futur, consistent en une seule et même préoccupation, rencontrant fondamentalement le même écueil : une vision de la démence associant celle-ci, en bloc, à l’incapacité. Dépasser cet écueil étant ce qui nous mobilise, il nous a semblé qu’il valait la peine de travailler à promouvoir la participation des personnes malades tant aux décisions les concernant aujourd’hui qu’à celles qui tireront leurs effets demain. Des acteurs du champ de la santé, de la bioéthique ou du monde associatif étant prêts à promouvoir une planification anticipée des soins, nous avons saisi l’occasion de réfléchir, avec eux, aux modalités de celle-ci qui soient une réelle chance pour les personnes démentes souhaitant entrer dans ce type de réflexion. Cela ne doit bien sûr pas oblitérer le fait que, sur le terrain, ces pratiques n’auront réellement de sens que si elles sont en continuité avec un souci de prendre en compte les choix de la personne malade pour les décisions qui la concernent aujourd’hui selon ses capacités.
Deux idéal-types pour rendre compte de la diversité des pratiques
9Karen Dening et al. (2011) l’observent dans leur revue de la littérature portant sur la planification anticipée des soins pour les personnes démentes : sous le même label d’advance care planning se retrouve une grande diversité d’approches. C’est le cas également parmi nos projets, quand bien même ils avaient été sélectionnés au départ d’une définition commune de la planification anticipée (énoncée plus haut). Deux idéal-types sont apparus à l’équipe de recherche comme pertinents pour rendre compte de cette diversité. Puisqu’il s’agit d’idéal-types (au sens wébérien [7]), aucun projet ne correspond dans toutes ses caractéristiques à une de ces deux tendances, qui sont néanmoins utiles pour pointer deux directions distinctes organisant les manières d’envisager les questions clés qui se posent à tout acteur mettant en œuvre une démarche d’anticipation.
10Dans une perspective de planification anticipée au sens strict ou étroit du terme, l’enjeu est de mettre au point un processus standardisé permettant d’aboutir à la production de documents légalement contraignants, portant sur un refus de traitements médicaux en fin de vie et sur le choix d’un représentant [8].
11Dans une perspective de planification anticipée au sens large, l’objectif principal est d’initier un processus de communication avec la personne malade et ses proches, à propos de ses valeurs, de son histoire de vie et de toutes décisions d’aide et de soins qui la concernent, en accordant une attention particulière aux décisions concernant sa vie quotidienne, sans nécessairement aboutir à un document écrit.
12Ces deux idéal-types recoupent une différenciation entre deux approches présentes dans la littérature (par exemple Nuffield Council on Bioethics, 2009 ; Hertogh, 2011 ; Hinsliff-Smith et al., 2015), la terminologie adoptée étant alors parfois de parler de « directive anticipée » pour désigner ce que nous avons nommé « planification anticipée au sens strict » et « planification anticipée des soins » pour renvoyer à ce que nous avons qualifié de « sens large ».
13En ce qui concerne les projets belges, l’aboutissement du travail collectif a été de considérer que les deux approches étaient complémentaires, les deux ayant à être idéalement combinées selon l’évolution de la maladie et les décisions à prendre. Nous reviendrons dans les conclusions sur l’utilisation possible des deux idéal-types identifiés.
14Penchons-nous à présent sur la manière dont sont abordées différentes questions clés selon que l’on se situe dans l’une ou l’autre perspective, en dégageant les conceptions de l’autonomie qui les fondent. Nous commencerons par celle qui, historiquement, est apparue la première.
Une planification anticipée des soins au sens strict
15En nous situant dans une perspective idéal-typique, qui vise les traits essentiels de l’approche en question, nous allons développer trois des questions qui se sont posées tant pour les projets belges que dans la littérature internationale : quel statut donner aux documents ? Quand entamer la démarche de planification anticipée ? Qui doit l’initier et en être partie prenante ? Ce faisant, nous constaterons qu’une vision de l’autonomie informe cette modalité restreinte de planification anticipée, qualifiée d’« individualiste » par le Nuffield Council on Bioethics (2009) ou de « canonique » par Natalie Rigaux (2011a) qui nous permettra de mieux comprendre la cohérence propre de cette approche et dont les différentes facettes seront présentées progressivement.
Le statut contraignant du document : priorité à l’expression de l’autonomie passée
16Dans la perspective initiale de ses défenseurs (l’un des plus fameux étant Ronald Dworkin, 1993), les directives anticipées doivent avoir un statut contraignant pour les soignants, dans la mesure où la personne est devenue incapable et que les circonstances prévues dans le document sont d’application. C’est là une façon d’accorder une primauté à ce que le patient souhaitait lorsqu’il était capable par rapport à ce qu’il manifeste, le cas échéant, à l’heure où il est devenu incapable. Le fondement éthique de cette priorité donnée à l’expression passée tient à l’anthropologie rationaliste qui caractérise la conception canonique de l’autonomie (Rigaux, 2011 a et b), faisant de la rationalité (se concrétisant ici par la capacité) la condition d’une pleine dignité de l’homme. Dès lors, celui dont l’incapacité témoigne d’un écart relativement à cet idéal ne mérite pas les mêmes égards, ses choix n’étant plus considérés comme consistants. Est reconnu ainsi à l’individu capable le droit de contrôler son devenir s’il devenait incapable.
17Les législations des pays européens n’ont pas toutes adopté cette perspective (Goffin, 2012). À titre d’exemple, les législations belge et française donnent aux directives anticipées un pouvoir contraignant, bien que non absolu [9]. En Angleterre et au Pays de Galles, le Mental Capacity Act reconnaît le caractère contraignant des directives anticipées, sauf si la personne qui les a rédigées fait quelque chose de clairement incohérent avec le contenu de la directive (Nuffield Council on Bioethics, 2009, p. 78). Il semble qu’en ce qui a trait au cas particulier des personnes démentes, il n’y ait pas d’accord entre juristes quant à la question de savoir si cette exception peut les concerner, d’où la demande du Nuffield Council de clarifier cette importante question.
Le choix du moment : fonction de l’évaluation de l’(in)capacité
18Quand faut-il envisager l’information et la proposition d’une anticipation des volontés, pour autant que les citoyens n’en aient pas pris l’initiative ? Pour les auteurs et les projets se situant dans la perspective d’une planification au sens strict, nous pouvons observer un consensus autour de l’idée que l’anticipation doit commencer rapidement après l’annonce du diagnostic (en laissant à la personne le temps nécessaire pour se faire à celui-ci), de façon à s’assurer que la capacité requise pour anticiper des décisions médicales est encore bien présente (Poppe et al., 2013 ; Robinson et al., 2013). Notons que cette position présuppose que le diagnostic de démence ait été posé et surtout transmis au patient. Or l’on sait que, même dans les pays dits anglo-saxons, ce n’est pas le cas pour la majorité des patients, sans même entrer dans les difficultés éthiques que pose l’annonce du diagnostic (Gzil, 2009). Une fois qu’un diagnostic de démence est posé et qu’il est question d’anticiper des décisions médicales portant sur la fin de vie, il semble raisonnable de prévoir une évaluation de la capacité à anticiper, quand bien même le principe reconnu par toutes les législations européennes est que tout adulte est présumé capable. Les principes devant guider cette évaluation se sont progressivement affinés d’une présomption d’incapacité globale associée au seul diagnostic de démence à un consensus autour de la nécessité d’évaluer la capacité de façon spécifique pour chaque type de décision à prendre (decision-specific evaluation) (Boyle, 2013 ; Dening et al., 2011). C’est dans une perspective internaliste que cette évaluation de la capacité est conçue, c’est-à-dire en considérant qu’elle est fondamentalement déterminée par des caractéristiques internes du sujet – fonction de l’avancée du processus démentiel – plus que par l’interaction entre celui-ci et son environnement (Rigaux, 2011a). L’évaluation est censée permettre la discrimination entre deux états bien distincts : la capacité – qui permet l’anticipation des décisions sous revue – et l’incapacité – qui conditionne alors l’entrée en piste du représentant légal et l’application au moment venu des directives anticipées si la situation du patient correspond aux circonstances prévues par le document. Qui va pouvoir faire cette évaluation ? Si les professionnels interrogés semblent se renvoyer la balle, il semble pourtant que l’intervention d’un médecin spécialiste serait utile pour une décision renvoyant à des questions aussi techniques (Sampson et Burns, 2013). Restent enfin une observation empirique et une objection de principe. Sur la base de leurs travaux et d’autres recherches antérieures, Karen Dening et al. (2012) observent que, même à un stade peu avancé de la démence (score moyen de 24,9 au MMSE), les personnes malades ont des difficultés à se projeter dans un avenir supposant de s’abstraire de leur présent. L’objection de principe quant à elle est la suivante (Hertogh, 2011) : sachant d’une part que ce n’est que progressivement que les personnes s’adaptent à une maladie chronique et découvrent une façon de vivre qui leur convient, et connaissant d’autre part le stigmate associé à la maladie d’Alzheimer, il peut sembler problématique de proposer aux patients récemment diagnostiqués de prendre position quant à la valeur de leur vie future dans la mesure où ils auront très probablement tendance à la sous-estimer sans avoir ensuite l’occasion de revoir leur choix, par défaut d’actualisation du document et/ou perte de la capacité à le faire.
Qui initie et participe au processus d’anticipation des volontés ?
19Première question envisagée ici et qui, ni dans les projets relevant d’une approche de l’anticipation au sens strict ni dans la littérature internationale n’a trouvé de réponse précise : qui doit initier le processus d’anticipation, le patient, ses proches ou les professionnels ? Vu la visée de ces dispositifs consistant à accroître l’autonomie des patients, on pourrait trouver cohérent que ceux-ci soient à la manœuvre pour entamer les démarches et conversations menant à la rédaction de directives anticipées. Pourtant, l’expérience des projets considérés et la littérature consultée vont dans le sens de la nécessité d’une proposition venant des professionnels, sans laquelle, jusqu’à ce jour au moins [10], quasi aucune planification ne serait initiée (Dening et al., 2011 ; Almack et al., 2012 ; Poppe et al., 2013 ; Musa et al., 2015). Quels professionnels précisément ? C’est à cet égard que la question n’est pas tranchée, la seule chose faisant consensus étant la nécessité d’une formation spécifique et d’une reconnaissance du temps que demande cette responsabilité.
20Seconde question : quelle place donner aux proches dans les discussions en matière de planification des soins ? Dans la perspective sous revue ici, on rencontre plutôt dans les projets la crainte que les proches ne se substituent aux personnes malades et n’en viennent à faire valoir leurs propres préférences. L’anthropologie qui guide cette perspective, d’inspiration individualiste (Nuffield Council on Bioethics, 2009 ; Rigaux 2011a), semble expliquer cette méfiance : l’autre, même « proche », apparaît a priori comme une menace pour l’autonomie, la meilleure garantie de l’expression de celle-ci étant de permettre au sujet malade de décider « en son âme et conscience ». Seule la figure du professionnel, éclairant son consentement par des informations techniques (type de problèmes médicaux susceptibles de survenir dans le contexte du processus démentiel), semble pouvoir légitimement intervenir.
Une planification anticipée des soins au sens large
21Nous allons voir comment sont abordées les mêmes questions clés dans la vision élargie et dont rend compte son inspiration par une conception relationnelle de l’autonomie (Nuffield Council on Bioethics, 2009 ; Rigaux 2011a), qui sera présentée pas à pas.
Équilibrer la prise en compte de l’expression passée et présente
22Ce qui fonde l’approche large n’est plus une anthropologie rationaliste mais une vision de l’homme donnant une place cardinale au corps agissant du sujet, ouvert au monde et à autrui (Rigaux, 2011a). Il importe dès lors de prêter attention aux affects, aux émotions qu’il manifeste. On le devine, cette perspective va déplacer le curseur, de la primauté donnée au passé dans la vision restreinte vers celle reconnue au présent. Dans la mesure où la personne démente, fût-elle considérée comme incapable, exprime aujourd’hui un autre investissement de la vie que celui qu’elle a consigné dans ses directives anticipées, celles-ci ne devraient pas l’emporter sans prise en compte de l’expression présente.
23Choisissant explicitement une approche relationnelle de l’autonomie, c’est dans cette perspective que se situe le Nuffield Council on Bioethics, plaidant pour la recherche d’une balance entre volontés passées et expression présente de la personne démente, faisant intervenir des critères tels que la force relative des souhaits passés, le degré d’importance de la décision à prendre ou l’étendue de la détresse qui serait causée aujourd’hui par une décision conforme aux souhaits passés (Nuffield Council on Bioethics, 2009, p. 83).
24Pour les décisions qui ne concernent pas les traitements médicaux (de fin de vie) mais celles qui portent sur la vie quotidienne, les volontés anticipées n’ont pas de force légale contraignante. Celle-ci ne vaut en effet jamais que pour les volontés dites « négatives » (refus de consentement à un acte médical) et non pour les volontés dites « positives » [11] qui portent sur un choix à faire (par exemple un lieu où vivre, une activité à poursuivre…) [12]. Ce type d’anticipation ne peut donc être qu’indicative, ce qui redonne nécessairement plus de poids à l’expression présente du sujet, si tant est qu’on la prenne en compte.
25C’est donc à la fois pour des raisons de principe mais aussi pour des motifs tenant aux types de décisions – positives – prises en compte que l’approche élargie reconsidère la priorité donnée à l’expression passée de la personne capable propre à l’approche restreinte.
Soutenir la capacité
26Dans la perspective restreinte, on l’a vu, le meilleur moment pour anticiper les décisions futures en cas de démence est le plus tôt possible, de façon à augmenter les chances de disposer de la capacité nécessaire, pensée dans une perspective internaliste. Lorsque l’on déplace la perspective vers une conception relationnelle de l’autonomie, le point de vue sur la capacité se fait externaliste (Rigaux, 2011a), qui considère les conditions externes au sujet comme cruciales pour promouvoir sa capacité. Le « bon » moment pour anticiper n’est plus alors défini a priori mais doit être recherché pour chaque décision à prendre par chaque personne singulière et englobe une série de conditions : il s’agit de trouver non seulement le bon moment – sachant que la capacité fluctue selon les heures et les jours (Nuffield Council on Bioethics, 2009) – mais aussi le bon lieu, le bon interlocuteur (Gzil et Latour, 2008). L’enjeu pour celui-ci est de maximiser la capacité (non de l’évaluer en toute extériorité, comme si elle ne relevait que du sujet, voire même, de façon encore plus restreinte, ne dépendait que du stade de sa maladie) : donner des appuis pour faciliter la compréhension, minimiser le besoin de recourir à la mémoire sont quelques-unes des possibilités reprises par Géraldine Boyle (2013) du Code of Practice associé au Mental Capacity Act pour aider les professionnels à soutenir la capacité et, dès lors, l’autonomie du sujet.
27Suivant cette conception relationnelle, le moment où anticiper doit être aussi repensé en fonction des décisions à prendre, vu le consensus concernant le caractère préférablement « decision-specific » de l’évaluation de la capacité. Or les décisions envisagées ne se limitent plus uniquement aux décisions importantes (« big decisions ») de fin de vie mais plus largement à toutes décisions à prendre dans la vie quotidienne, qu’elles concernent les soins, la vie sociale, les questions financières… À l’heure actuelle, les chercheurs se sont moins intéressés à la capacité à prendre ces décisions quotidiennes qu’aux décisions médicales de fin de vie (Hinsliff-Smith et al., 2015). Pour certaines d’entre elles, la capacité à anticiper pourra vraisemblablement être préservée (et soutenue) plus longtemps que pour les décisions lointaines dans le temps et échappant à l’expérience de tout un chacun comme le sont les décisions en matière de traitement de fin de vie. La distance entre l’aujourd’hui et le futur sur lequel porte l’anticipation pourra être aussi beaucoup plus courte, comme dans le cas de la décision de retour (ou non) au domicile suite à une hospitalisation qu’étudient Marie Poole et al. (2014). Dans ce cas, mais aussi de façon plus générale à propos des décisions plus quotidiennes (Hinsliff-Smith et al., 2015), les auteurs observent une tendance des professionnels et des proches à considérer comme incapables de décider les personnes faisant des choix contraires à ce qui leur semble raisonnable, ceux-ci utilisant donc comme critère d’évaluation de la capacité non la cohérence du raisonnement (capacité à comprendre l’information, à exprimer son jugement…) mais son issue, ce qui, du point de vue de l’autonomie peut être considéré comme problématique. Enfin, ce ne sont plus les mêmes acteurs qui sont le mieux placés pour évaluer la capacité, vu le type de décision sous revue. Si, dans l’approche restreinte, les médecins spécialistes semblaient être requis, les proches ou les soignants de première ligne sont dans cette approche-ci les premiers concernés, à la fois parce qu’il s’agit des personnes dont la qualité des liens aux personnes démentes peut être le plus soutenant et parce que c’est davantage au jour le jour, en situation, que le discernement de ce qui compte pour elles, aujourd’hui et à l’avenir, a son sens. Pour autant, proches et professionnels n’évaluent pas nécessairement adéquatement les capacités des personnes souffrant de troubles cognitifs, on vient de le voir, d’où la nécessité de développer une réflexion quant aux manières de les soutenir pour ce faire (Boyle, 2013).
Une prise de décision conjointe
28Le titre de cette section indique d’emblée la voie suivie par les tenants de l’approche large pour répondre à la question de savoir qui impliquer dans le processus d’anticipation. Selon les auteurs, le partage doit se faire entre proches de confiance et sujet dément : le Nuffield Council on Bioethics parle de « joint decision making », Léontine Groen-van de Ven et al. (2016b) parlent de « shared decision making » et considèrent qu’outre les proches, les professionnels faisant partie du réseau de soin doivent en être partenaires. Le fondement de ce partage se situe dans le cœur même de l’intuition qui préside à la conception relationnelle de l’autonomie : tout homme – dément ou non – est envisagé comme un être social, définissant son être et ses projets en interaction avec autrui (Rigaux, 2011a). L’interdépendance qui caractérise chaque humain prend de facto un tour décisif quand survient la maladie, cela amenant les auteurs et les projets soutenant cette perspective à concevoir le processus de décision – et par extension d’anticipation des décisions – comme devant être un processus conjoint. Cela permet le soutien de la capacité de la personne démente dont il a été question au point précédent. Cela favorise le maintien de l’implication des personnes malades dans les décisions les concernant, alors même que leur capacité présumée devient limite, c’est-à-dire n’est ni pleine ni absente. La difficulté clé relevée par les auteurs tient à l’existence d’un réseau familial et relationnel de qualité : sans disposer de proches (et de professionnels) de confiance, la personne malade se retrouve sans les appuis nécessaires à l’anticipation des décisions.
29On pressent à partir de ce qui vient d’être développé que le rôle du représentant prend ici de nouveaux contours : alors que, dans l’approche restreinte, il est seul à pouvoir légitimement intervenir (comme porte-parole, le cas échéant, des volontés consignées dans les directives anticipées) quand le sujet est devenu incapable et qu’il n’intervient pas ou qu’il disparaît lorsque le sujet est considéré comme capable, s’établit ici un continuum entre autonomie et représentation, d’où la possibilité de parler d’autonomie étendue, assistée voire déléguée (Rigaux, 2011b).
Mais encore ?
30Dès l’entame de ce texte, nous avons signalé un paradoxe : dans les projets belges d’ACP que nous avons suivis – comme souvent dans les initiatives relevées par la littérature européenne –, les dispositifs de planification anticipée ne sont pas pensés avec les premières personnes concernées – pour ce qui nous concerne ici, les personnes en début de démence. Comment les réflexions proposées ici pourraient-elles le dépasser ?
31Par construction idéal-typique, les deux modèles d’ACP présentés ont radicalisé des positions qui, dans la pratique, peuvent en partie au moins être combinées. À quoi bon, alors, les présenter dans leur radicalité ? En balisant le champ des possibles, ces idéal-types permettent, nous semble-t-il, d’aider toute personne concernée à se situer, en fonction de sa sensibilité à l’une ou l’autre anthropologie (plus rationaliste et atomiste ou plus relationnelle) et des spécificités de sa situation (entre autres la présence de proches bienveillants) :
- en intégrant ou pas dans les dispositifs d’anticipation les décisions médicales de fin de vie et l’aide/les soins quotidiens ;
- en reconnaissant aux proches le seul rôle de porte-parole des volontés de la personne incapable ou plus largement, en leur permettant de contribuer, selon les décisions à prendre, à un processus de décision partagé ;
- en insistant sur la rédaction de documents reconnus comme légalement contraignants ou en soutenant un processus continu d’anticipation, en partie plus informel mais accordant la plus grande attention permanente aux manifestations de volonté actuelles des personnes.
32Ces positions distinctes sont-elles compatibles ? La dernière d’entre elles semble appeler un choix plus exclusif [13] entre une vision des déclarations anticipées comme contraignant le corps médical, indépendamment ou pas – là est le dilemme – de ce que pourrait manifester de contraire à ses volontés anticipées la personne démente au moment du traitement à entreprendre ou pas.
33Quelle recommandation faire aux professionnels à partir de ces réflexions ? Pour s’inscrire pleinement dans l’esprit de la planification anticipée de soins – qui est, rappelons-le, d’élargir par anticipation le droit au consentement des patients aux futures situations d’incapacité –, il faudrait que les dispositifs proposés puissent ouvrir l’ensemble du champ des possibles (de l’approche restreinte à la plus large) sans faire le choix des formes à privilégier à la place des patients. Chaque citoyen, en fonction de ses priorités, pourrait alors s’y positionner. Le processus d’anticipation inclurait ainsi une réflexion préalable quant au type de dispositif souhaité (en fonction de sa propre norme en matière d’autonomie).
Références
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Mots-clés éditeurs : décisions, démence, anticipation, autonomie, consentement
Date de mise en ligne : 13/10/2017
https://doi.org/10.3917/gs1.154.0121Notes
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[1]
La FRB est une fondation pluraliste et indépendante œuvrant en Belgique et au niveau international à l’amélioration du bien-être des populations.
-
[2]
Composée par ailleurs de deux collègues néerlandophones rattachées à l’Université catholique de Louvain, Anja Declercq et Aline Sevenants.
-
[3]
Cette réflexion n’engage que les auteurs et non la FRB ou les projets dont il sera question.
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[4]
Dans ce rapport, le lecteur intéressé pourra trouver la présentation détaillée des douze projets, qui ne sera pas reprise dans le texte qui suit.
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[5]
Le repérage des articles pertinents a été fait progressivement durant l’année de suivi des projets (donnant lieu au rapport FRB, 2014), en bénéficiant des travaux préparatoires menés par la FRB (2009, 2011) et en participant à différents colloques organisant des sessions sur la question (Alzheimer Europe, 24th Annual Conference, Glasgow, 20-22 october 2014 ; IAGG, 8th Congress, Dublin, 23-26 April 2015 ; 5th International Conference on Advance Care Planning and End of Life Care (ACPEL), 9-12 September 2015, Munich).
-
[6]
On peut penser à la recommandation faite par différents groupes de personnes malades, « nothing about us without us » (comme DEEP au Royaume-Uni – pour Dementia Engagement and Empowering Project – ou DASNI aux États-Unis pour Dementia Advocacy and Support Network International) et mises en œuvre dans certains centres de recherche qui associent systématiquement des groupes de travail constitués de personnes malades aux projets les concernant.
-
[7]
L’enjeu de l’idéal-type est de rendre le réel plus intelligible. Celui-ci étant infiniment complexe, la construction de l’idéal-type par le chercheur va supposer de sélectionner les traits essentiels, de les accentuer et de les enchaîner les uns aux autres pour produire « un tableau de pensée homogène » (voir Max Weber, Essais sur la théorie de la science, pp. 172-173). L’idéal-type ne se retrouve dès lors jamais comme tel dans la réalité : c’est en le comparant à celle-ci qu’on peut mieux la comprendre.
-
[8]
La loi belge de 2002 sur le droit des patients (art. 8, § 4) prévoit la possibilité de rédiger des déclarations anticipées négatives (de refus de traitement) qui sont contraignantes pour les soignants, sans limitation de durée, dans la mesure où elles précisent les circonstances dans lesquelles tel traitement médical est refusé. Le représentant légal (art. 14, § 1, de la même loi) désigné par le patient se substitue à lui pour les décisions le concernant en cas d’incapacité. La loi belge de 2013 instaurant un statut de protection pour les personnes majeures incapables précise le rôle de ce représentant.
-
[9]
La loi française du 2 février 2016 prévoit ainsi dans son article 8 que ces directives doivent être appliquées par le médecin « sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ».
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[10]
En faisant l’hypothèse de changements culturels allant dans le sens d’une affirmation de l’autonomie décisionnelle telle que conçue ici, on peut imaginer que les patients prendront davantage à l’avenir l’initiative de la planification anticipée.
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[11]
Dans la mesure où les déclarations anticipées ont été pensées relativement aux décisions médicales, toutes les législations considèrent que le médecin reste l’expert légitime pour définir les actes d’investigation ou de traitement médicalement utiles (« décisions positives »), le patient ayant le droit de les refuser, pour des raisons qui lui appartiennent (« décisions négatives »).
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[12]
La seule exception à ce principe concerne, en droit belge, les déclarations anticipées d’euthanasie, qui sont des déclarations positives (demandant que l’acte d’euthanasie soit posé) tout en étant contraignantes, dans les circonstances où elles sont applicables. Nous n’entrerons pas ici dans ce vaste débat, réouvert périodiquement en Belgique, en ce qui concerne la démence.
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[13]
Ce choix sera largement encadré par chaque législation nationale, qui, comme tout texte néanmoins, laisse nécessairement une marge pour l’interprétation.