Notes
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[1]
URL : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000083.pdf (consultée le 27/04/2016).
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[2]
Les relais RH sont entendus ici comme des salariés étant à la fois des référents en matière RH pour les autres salariés ainsi que pour le ou les dirigeants.
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[3]
L’assistante RH ne constitue pas un relai RH dans la mesure où son rôle est très administratif. Il s’agit dans les faits d’une secrétaire polyvalente.
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[4]
Il convient de noter qu’en fonction des PME le statut des personnes en charge des RH n’est pas le même (Directeur, Responsable…), cela s’explique essentiellement par le profil des personnes qui occupent ces postes. Dans ces PME, ce sont les personnes qui font leur poste.
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[5]
Un code a été établi pour regrouper les personnes interrogées : Dirigeant et DG, Encadrement de Direction (composé de directeur et chef de service appartenant au comité de direction), Encadrement (composé de responsables ayant un rôle intermédiaire), Personnel.
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[6]
Trois thèmes sont ressortis : le dirigeant est susceptible d’orienter la GRH, il existe une réciprocité entre la GRH et l’innovation (la GRH contribue à l’innovation et évolue également sous l’effet de celle-ci), le dirigeant est l’impulseur de l’innovation
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[7]
Le dirigeant considère ses collaborateurs comme des membres de sa famille, l’affect occupe une place privilégiée. Pour autant, le dirigeant est autoritaire et souhaite que ses décisions soient respectées.
Introduction
1« L’innovation quelle qu’elle soit est développée par des personnes, qu’il convient de gérer au mieux » (Defélix, 2014, p. 234). Cet auteur pointe le rôle majeur joué par le capital humain dans les processus d’innovation en rappelant la nécessité d’aligner les ressources humaines sur les stratégies d’innovation. Ce constat a été établi par de nombreuses recherches, en l’occurrence essentiellement focalisées sur de grandes entreprises (Defélix, Mazzilli & Gosselin, 2015 ; Laursen & Foss, 2014). Pour autant, Cooke et Saini (2010) ont récemment pointé des problèmes de non-alignement des pratiques de GRH et des buts organisationnels visés, par exemple, lorsque l’évaluation ne valorise que la performance à court terme, ce qui va à l’encontre du développement de la créativité. En dépit de ce constat, peu de travaux se sont intéressés au contexte spécifique de la PME (Corbett-Etchevers, Defélix, Galois-Faurie & Gallego-Roquelaure, 2013). Or, en 2011, selon un rapport de l’Observatoire des PME, 49 % des entreprises engagées dans des processus d’innovation sont des PME [1]. À l’instar de de Leede et Looise (2005), nous considérons l’innovation comme l’introduction de quelque chose de nouveau, au moins pour l’organisation existante, en termes de produits ou de services, nouvelles technologies ou nouvelles formes d’organisation. Par conséquent, nous définissons ici une PME innovante comme étant une entreprise de petite et moyenne taille ayant introduit au moins une nouveauté qu’elle soit technologique ou non.
2Dans ce type de structure, le dirigeant joue un rôle central (Torrès & Enrico, 2014). Afin de comprendre la relation entre le dirigeant de PME, l’innovation et la GRH, nous avons mobilisé la théorie des échelons supérieurs de Hambrick et Mason (1984) et le mix social de Mahé de Boislandelle (2015).
3La théorie des échelons supérieurs souligne : d’une part, les dirigeants ont des logiques d’action qui sont fonction de leur interprétation personnelle et d’autre part, leur perception a trait à leurs expériences, leurs valeurs et leur personnalité. Le mix social nous apporte des éclaircissements sur les politiques de GRH et leurs spécificités en PME.
4Cette recherche vise à enrichir les connaissances sur la GRH en PME, au travers de la théorie des échelons supérieurs et du mix social. Plus particulièrement, il s’agit d’éclairer le rôle du dirigeant dans l’innovation au travers de ses pratiques de GRH. Autrement dit, comment le dirigeant innove-t-il en s’appuyant sur ses pratiques de GRH ? Cette question de recherche est explorée à partir de la conduite d’une étude de cas multiples menée auprès de quatre PME innovantes. Nous nous sommes intéressées au profil du dirigeant de ces entreprises, aux spécificités de leurs pratiques de GRH ainsi qu’aux innovations réalisées. 6 récits de vie ont été récoltés auprès des dirigeants et 25 entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès de personnes internes (RH, personnes clés en matière d’innovation) et externes (consultants, syndicats). Une analyse documentaire a également été effectuée. Les données collectées ont fait l’objet d’une analyse thématique.
5Afin de répondre à cette problématique, nous abordons, dans une première partie, la littérature relative au lien existant entre GRH en PME innovante et rôle du dirigeant de PME. Dans une seconde, nous analysons le cas de quatre PME innovantes ayant fait évoluer leurs pratiques de GRH avant de discuter les résultats obtenus.
1 – Quels liens existe-t-il entre GRH et innovation en PME ?
1.1 – Des pratiques de GRH tournées vers l’innovation…
6La GRH en PME se construit chemin faisant et évolue en fonction des besoins de l’entreprise. Elle présente des faiblesses latentes, identifiées par D’Amboise et Garand (1995), qui sont relatives à un manque de ressources qui caractérise la PME (Wolff & Pett, 2006). L’une des particularités de la GRH dans les PME est son caractère informel voire intuitif (Mahé de Boislandelle, 2015) qui serait inhérent à la forme d’entreprise.
7L’auteur propose de décrire le système de GRH des PME à travers un mix social dont l’architecture se compose des quatre variables suivantes : emploi, rémunération, valorisation et participation. La politique d’emploi regroupe le recrutement et la mobilité : fondé sur la connaissance de la population employée, cet axe permet à l’entreprise d’identifier ses besoins et ses ressources en matière de personnel et d’en évaluer les écarts. La politique de rémunération comprend l’ensemble des allocations monétaires ou en nature distribuées au personnel. La politique de valorisation renvoie à la formation sous toutes ses formes, aux modes d’appréciation des collaborateurs (entretien annuel, bilan de compétences) et enfin, à l’amélioration des conditions de travail. Enfin, la politique de participation se rapporte aux outils de communication interne, à l’implication dans le travail ainsi qu’au dialogue social.
8Ces pratiques de GRH sont le plus souvent informelles et intuitives (Mahe de Boislandelle, 2015). En ce qui concerne le recrutement, Torrès et Enrico (2014) dénotent chez le dirigeant, une tendance à recruter un profil similaire au sien. Ses caractéristiques personnelles interviennent donc dans sa décision, réduisant ainsi son objectivité.
9Un phénomène semblable est observé dans le cadre de la mobilité interne ou de la rémunération : l’attribution des primes se fait également à la guise du dirigeant (Pichault & Nizet, 2013). La communication, quant à elle, est de nature directe, le plus souvent orale et informelle (Mahé de Boislandelle, 2015). Enfin, les pratiques de formation « sur le tas » (Paradas, 2007) ainsi que le tutorat (Frédy-Planchot, 2010) sont généralement privilégiées.
10Or, la GRH peut servir la stratégie et en particulier le processus d’innovation. Defélix (2014, p. 234) précise que « les dynamiques d’innovation ne tiennent dans le temps que si se déploient de véritables stratégies ressources humaines alignées avec la stratégie globale d’innovation ». Pour qu’une innovation soit un succès, elle doit en effet être soutenue par la GRH (Oke et al., 2012) : la formation, la gestion stratégique des collaborateurs, le recrutement et le partage de l’information font partie des pratiques de GRH contribuant à l’innovation (Sheehan, 2014) tout comme la diversité des missions ou la reconnaissance (Pichault & Picq, 2013).
11Pour autant, les pratiques de GRH ne sont pas systématiquement alignées sur la stratégie de l’entreprise (Bootz et al., 2014) et ne sont donc pas en mesure de soutenir suffisamment l’innovation (Cooke & Saini, 2010).
12En PME, Corbett-Etchevers et al. (2013) préconisent de s’appuyer sur une politique de GRH intégrée aux dynamiques d’innovation pour mieux les gérer : l’impact de l’innovation sur la GRH ne s’inscrit pas dans une perspective déterministe mais volontariste au sein de laquelle le dirigeant joue un rôle clé.
13Laursen et Foss (2014) mettent en exergue un gap : les mécanismes reliant la GRH et l’innovation restent encore insuffisamment compris. Il paraît donc opportun de mener une étude reliant GRH et innovation au travers du profil du dirigeant.
1.2 – …à la théorie des échelons supérieurs
14Bien que la centralisation du pouvoir, via le contrôle exercé au quotidien par le dirigeant, puisse inhiber les capacités d’innovation détenues en interne (Julien & Carrier, 2002), l’innovation a su trouver sa place au sein des PME (Messeghem & Sammut, 2011). Si les PME sont en partie désavantagées par leurs caractéristiques intrinsèques à l’image de leurs ressources limitées (Wolff et Pett, 2006), elles disposent par ailleurs de nombreux leviers pour innover. Parmi leurs prédispositions, la flexibilité organisationnelle (Hausman, 2005) fondée sur la capacité d’adaptation au changement qu’elle confère aux PME constitue une source d’innovation incontestable. Le dirigeant joue également un rôle déterminant : c’est en ce sens que la théorie des échelons supérieurs de Hambrick et Mason (1984) a été mobilisée. Ces auteurs considèrent que les résultats de l’entreprise, son niveau de performance ainsi que la stratégie choisie pour atteindre les buts organisationnels sont influencés par les dirigeants et plus particulièrement par la personnalité, l’expérience et les valeurs. Ces caractéristiques n’étant pas définies de façon explicite dans les travaux de ces auteurs, nous retiendrons les définitions ci-après.
15La personnalité est l’« ensemble des caractères permanents constituant l’individualité d’une personne » (Encyclopaedia Universalis).
16L’expérience est la « pratique de quelque chose, de quelqu’un, épreuve de quelque chose, dont découlent un savoir, une connaissance, une habitude » (Le Dictionnaire Larousse).
17La valeur renvoie à « ce qui est posé comme vrai, beau, bien, d’un point de vue personnel ou selon les critères d’une société et qui est donné comme un idéal à atteindre, comme quelque chose à défendre » (Le Dictionnaire Larousse). Pour Hambrick et Mason (1984), ces caractéristiques permettent de souligner que les dirigeants ont une rationalité limitée et un champ de vision relativement étroit. Dès 1987, Hambrick et Finkelstein proposent une variable modératrice : la discrétion managériale, se traduisant par une influence des caractéristiques personnelles des dirigeants sur les choix stratégiques à condition que celle-ci soit élevée. Cette latitude discrétionnaire est renforcée en l’absence de contraintes émanant de l’environnement externe ou de facteurs organisationnels. Celle-ci constitue donc un arbitrage entre volontarisme managérial et déterminisme environnemental en matière de choix stratégiques. Une seconde variable modératrice est venue se greffer au modèle théorique revisité par Hambrick en 2007, il s’agit de l’exigence de la fonction managériale suggérée par Hambrick et al. (2005) Ce second modérateur est lié au dirigeant. Plus les exigences de la fonction de dirigeant sont renforcées, plus l’influence des caractéristiques personnelles sur les choix stratégiques est prégnante. Les auteurs soulignent que l’exigence de la fonction managériale émane des défis inhérents à la performance ou encore à la mission à accomplir mais aussi aux aspirations du dirigeant. Dans les PME, les dirigeants sont bien souvent seuls et présentent des carences en matière de gestion, ce qui est susceptible de les inciter à reproduire ce qu’ils ont pu observer par le passé ou à renouveler certaines tentatives.
18L’analyse de la littérature articulant GRH en PME innovante et dirigeant conduit à proposer le schéma suivant (Figure 1).
Quand le dirigeant innove en s’appuyant sur son mix social
Quand le dirigeant innove en s’appuyant sur son mix social
19Ce schéma invite à interroger le rôle du dirigeant de PME dans l’innovation au travers des pratiques de GRH.
2 – Le cas de quatre PME innovantes
2.1 – Une étude qualitative reliant le dirigeant aux pratiques de GRH, levier d’innovation
20Notre étude s’est déroulée entre novembre 2014 et juin 2015. Au regard de notre problématique et de la visée compréhensive de cette recherche, l’étude de cas multiples, permettant d’expliquer des dynamiques ou des processus complexes (Yin, 2012), a été mobilisée.
21La sélection des cas a reposé sur trois principaux critères :
- des effectifs supérieurs à 50 salariés : le critère de la taille de la PME demeurant large, pour apprécier pleinement le rôle de la GRH dans l’innovation, les entreprises de plus de 50 salariés ont été retenues. À partir de ce seuil, une PME commence à structurer sa GRH, passant d’un niveau administratif à un niveau de gestion stratégique des ressources humaines (Mahé de Boislandelle, 2015).
- la réalisation d’innovation au cours des cinq dernières années : il s’agit de l’introduction d’une nouveauté technologique ou non s’apparentant le plus souvent à des améliorations.
- la localisation en Rhône-Alpes, région connue pour son dynamisme en matière d’innovation. Il s’agissait en outre d’opportunisme méthodologique (Hudson et Ozanne, 1988) du fait de notre facilité d’accès au terrain.
22Pour identifier les PME répondant à ces critères, nous avons participé à des conférences organisées par la CCI de Grenoble, et nous avons également recherché des articles de presse dans la revue professionnelle Présences. Nous avons utilisé la base de données financières DIANE pour vérifier la taille des entreprises et leur indépendance avant de rencontrer les dirigeants de PME pour mieux cerner leur stratégie d’innovation. Au regard de ces différents critères, quatre PME ont été sélectionnées. (Tableau 1).
23Pour collecter nos données, 31 entretiens ont été réalisés. Plus précisément, 6 récits de vie ont été recueillis auprès de la direction. Ce mode de collecte nous a permis de mieux cerner leur profil. En effet, cette forme d’entretien permet « recueillir des réponses d’une dimension plus difficilement atteignable par l’approche par questions semi-directives » (Sanseau, 2005, p. 34-35). La narration des dirigeants nous a aidées à retracer leur parcours. Il s’agissait de faire ressortir la personnalité du dirigeant et identifier ses expériences et ses valeurs. Nous avons choisi de laisser les dirigeants s’exprimer librement à partir de la question suivante : « Pouvez-vous me raconter comment vous avez organisé votre GRH ? ». 19 entretiens semi-directifs ont également été menés auprès des membres du service RH et des personnes clés en matière d’innovation. Ces personnes clés ont été sélectionnées en raison de leur rôle déterminant dans le déploiement d’innovations.
247 entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des personnes extérieures aux PME (Tableau 2).
Les personnes interrogées [4]
Les personnes interrogées [4]
Personnes externes
Référent juridique et RH d’un syndicat patronal local
Consultant spécialiste de l’innovation en PME
Consultant spécialiste de la GRH dans les petites structures
Consultant spécialiste d’organisation et management en PMEResponsable de la DIRECCTE
Responsable de la formation d’une chambre consulaire
25Lors de nos entretiens, nous avons eu recours à l’approche « effet boule de neige » (Ter Wal et Boshma, 2009), des collaborateurs nous ont recommandé de rencontrer d’autres personnes susceptibles d’avoir une valeur ajoutée. En les interrogeant, nous avons pu avoir accès à leur perception et indirectement, collecter des informations sur celle des membres de leur équipe avec laquelle ils ont de fortes relations de proximité. Au regard de notre question de recherche et de l’analyse de la littérature existante, les thèmes du guide d’entretiens étaient les suivants : fonction RH, pratiques de GRH, décision d’innover et mise en place de l’innovation. Lors des entretiens semi-directifs, nous avons posé les mêmes questions aux acteurs internes quelle que soit la population étudiée afin non seulement d’accroître la validité de nos résultats mais aussi de favoriser une saturation des données. Les différents thèmes composant notre guide d’entretien pour les acteurs externes étaient : l’organisation et son environnement, les relations avec l’entreprise, le profil du dirigeant de l’entreprise, les pratiques de GRH et l’innovation.
26Au total, nous avons réalisé 31 entretiens. Tous les entretiens ont été enregistrés et intégralement retranscrits [5]. Une analyse thématique (Miles et Huberman, 2003) manuelle [6] a été réalisée nous permettant d’aboutir à nos résultats et de donner du sens aux propos des personnes rencontrées (Schreier, 2012).
27Des documents internes (bilans sociaux, livret d’accueil, fiches de poste…) et documents externes (articles de presse, sites internet…) ont également été étudiés. Nous avons pu ainsi trianguler nos données et confirmer, compléter les informations collectées.
28En juin 2015, à l’issue de notre recherche, nous avons organisé un workshop réunissant les dirigeants de PME, les membres du service RH ainsi que des chercheurs. L’objectif était de restituer nos résultats afin de bénéficier d’un effet miroir mais aussi d’identifier de nouvelles perspectives au vu des problématiques actuelles rencontrées par les praticiens.
2.2 – La GRH et l’innovation en PME, quel rôle pour le dirigeant ?
29Dans cette sous-partie, nous commençons par nous intéresser à la GRH de chaque PME avant de mettre en lumière l’influence exercée par le dirigeant. Nous portons ensuite un regard sur l’innovation au sein de ces différentes structures et nous abordons les liens existants entre GRH et innovation.
2.2.1 – Les pratiques de GRH des PME
30Au sein de Manufacprim, le recrutement interne est privilégié, le processus n’est pas clairement formalisé et les critères sont peu définis, « on utilise les réseaux RH et les miens. On rencontre les candidats, puis on voit ce qu’il se passe » (Manufacprim1/ED). Des collaborateurs ont bénéficié de mobilité interne. La rémunération est opaque et arbitraire : « on a eu des écarts de 400 euros quoi pour un même poste et même fonction (…) c’est fait au feeling. » (Manufacprim4/ED). De nombreuses formations sont réalisées chaque année accompagnées d’autres leviers pour développer les compétences : coaching, autoformation. L’évaluation reste encore informelle bien que l’entreprise dispose des outils nécessaires à la réalisation des entretiens annuels d’évaluation. Concernant la communication, plusieurs instruments de gestion sont utilisés : réunions et journal interne.
31Chez Buroteck, les pratiques de GRH sont davantage formalisées afin de trouver un candidat dont la personnalité serait en adéquation avec les valeurs de l’entreprise. La PME favorise la mobilité interne. Concernant la rémunération, aucune politique salariale n’a été définie : « on a une grille, c’est ce qui est mis en place et géré par le Syntec » (Buroteck3/ED). Parallèlement à la formation, le coaching occupe également une place prépondérante. Concernant l’évaluation, des entretiens annuels sont réalisés et sont assortis d’une évaluation plus informelle. Les collaborateurs apprécient l’environnement dans lequel ils travaillent aussi bien sur le plan physique que psychologique. Pour communiquer, la PME a recours aux notes de service, aux réunions, ou à l’organisation d’événements.
32Quant à Persontop, elle dispose d’un processus de recrutement bien défini et propose des perspectives d’évolution aussi bien ascendantes qu’horizontales. L’entreprise a instauré une politique de rémunération bien structurée à partir de son pacte social. L’entreprise investit énormément sur la formation et les autres leviers de développement des compétences : « c’est du tutorat, de l’accompagnement par du coaching » (Persontop1/Dirigeant). De surcroît, les collaborateurs sont évalués lorsqu’ils sont en situation mais aussi à l’aide d’entretiens : « on a un premier mode d’évaluation donc qui est de la double écoute. » (Persontop6/E). Pour améliorer les conditions de travail, un comité santé bien-être a été créé. La communication repose sur les réunions, le management de proximité et l’intranet.
33La PME Maindustri possède des pratiques de GRH très informelles se caractérisant par l’absence de processus de recrutement. Le dirigeant offre des perspectives d’évolution aux collaborateurs « Quand un besoin se fait sentir de créer une structure ou une nouvelle branche de l’entreprise, c’est dans le vivier des gens techniques qu’on regarde en priorité » (Maindustri2/ED). Il n’existe pas de politique de rémunération définie. Les formations sont diverses et variées, l’autoformation occupe une place importante. L’évaluation informelle reste encore la règle. Les conditions de travail sont décrites comme étant bonnes. Enfin, la communication est directe et informelle. « Ça fonctionne en discussion de couloirs » (Maindustri3/ED).
34Le tableau suivant résume les pratiques de GRH des PME (Tableau 3).
Les pratiques de GRH des PME étudiées
Les pratiques de GRH des PME étudiées
2.2.2 – L’influence du dirigeant
35Les pratiques de GRH sont grandement influencées par la personnalité du dirigeant de Manufacprim. Son besoin de contrôle a un impact sur des pratiques de GRH telles que le recrutement, la mobilité, la communication, la formation ou encore la régulation sociale : « je vais m’impliquer dans le recrutement des cadres, c’est sûr que c’est moi qui m’en occupe ! » (Manufacprim1/Dirigeant). Son côté paternaliste [7], son engagement et son impulsivité ont également un impact notamment sur les conditions de travail. « Quand tout va bien, on se tape sur l’épaule et le lendemain tu lui fous une baffe ! Tu ne peux pas demander à quelqu’un de comprendre ça… » (Manufacprim4/ED).
36Le dirigeant de Buroteck oriente très fortement la GRH par sa personnalité notamment. Son besoin de contrôle et son goût du pouvoir jouent un rôle majeur et touchent plusieurs pratiques de GRH à l’image de la formation, de la communication ou encore de la régulation sociale. « Il n’y a aucun syndicat ici et de toutes façons, il n’accepterait jamais, même si on n’a pas le choix. (Buroteck3/ED). Le dirigeant souhaite préserver ses marges de manœuvre, ce qui a un impact sur la rémunération dans la mesure où il refuse d’instaurer une politique salariale jugée trop contraignante. Son côté paternaliste et engagé ainsi que ses valeurs ont un impact sur les pratiques de GRH à l’instar de la communication ou des conditions de travail. Son expérience oriente la formation ou encore la communication. : « J’ai toujours eu quelqu’un qui venait un peu me « coacher ». Le gars me disait « tiens tu as dit ça comme ça » et il venait accompagner et compléter une carence que j’avais » (Buroteck1/Dirigeant).
37L’influence des dirigeants de Persontop est moins prégnante que dans les PME précédentes. Les pratiques de GRH semblent davantage être influencées par leurs valeurs. Profondément ancrées dans l’entreprise, celles-ci sont centrées sur l’humain, la solidarité, la considération et le respect. « On est sur 3 valeurs fondatrices qui correspondent à ce que je pense moi à titre personnel. » (Persontop2/DG). Les deux dirigeants partagent des valeurs similaires qu’ils ont transposées dans la PME. En effet, la prise en considération de la personne et le bien-être sont au cœur de la GRH. Le pacte social découle des valeurs du dirigeant (fondateur) tout comme la grille d’évaluation et la politique de rémunération. Celles-ci l’ont conduit à créer une entreprise dans le secteur de l’intermédiation sociale pour accompagner et aider les personnes à faire face aux difficultés rencontrées.
38Le dirigeant de Maindustri possède une influence assez faible sur la GRH et s’appuie principalement sur son expérience. En effet, concernant l’organisation du travail, il a souhaité mettre en place des binômes. Il a toujours travaillé selon ce système favorisant les échanges informels, l’écoute et le partage de connaissances, levier de développement des compétences. Son expérience influence également les conditions de travail, à savoir l’open space. « L’entreprise s’est créée parce qu’on était ensemble, on discutait. D’ailleurs, on a toujours nos bureaux dans la même salle » (Maindustri1/Dirigeant).
39Le tableau 4 nous renseigne sur la relation entre le dirigeant et la GRH.
L’influence des caractéristiques des dirigeants sur les pratiques de GRH
L’influence des caractéristiques des dirigeants sur les pratiques de GRH
2.2.3 – Innovations et dirigeant
40Avant d’étudier les liens que l’on peut établir entre GRH et innovation, nous présentons la variété des innovations réalisées par les différentes PME et le rôle du dirigeant.
41Les quatre PME réalisent des innovations de produit ou de service. En effet, l’innovation de produit a fait le succès de Manufacprim et Maindustri. « On travaille aussi que ce soit donc au niveau logiciel, avec un logiciel de gestion des procédures qui est né d’une innovation interne puis qui a grandi ! » (Maindustri2/ED) Les entreprises Buroteck, Persontop et Maindustri allient innovation de produit et de service pour répondre aux besoins de leurs clients. En outre, les PME Manufacprim et Maindustri réalisent des innovations de procédé : « On adapte des schémas de milliers de petits process » (Manufacprim5/ED).
42Nos résultats révèlent que la vision stratégique du dirigeant joue un rôle clé. Elle est l’élément déclencheur de l’innovation et permet d’identifier la finalité recherchée. Pour certains, après avoir été un moteur de croissance, elle constitue une défense et garantit la survie de l’entreprise « on a eu des stratégies d’innovation et de recherche mais économiquement, c’est long donc ça ne paye pas tout de suite » (Manufacprim2/DG). Au sein de Maindustri, le constat est similaire. A contrario, pour Buroteck et Persontop, l’innovation est la meilleure attaque pour créer de la valeur. « Nos clients sont en attente d’innovation et nous, on se doit justement de les surprendre et d’être toujours force de proposition » (Persontop6/E).
43Une fois les opportunités à la clé identifiées, la décision d’innover émane du dirigeant. En effet, tous les collaborateurs des quatre PME se rejoignent sur ce point : « ça vient essentiellement de notre dirigeant qui lui est encore la tête pensante de l’entreprise » (Buroteck6/E). « Elle vient du PDG, depuis que je le connais, il a toujours des idées ! » (Maindustri4/ED).
44Certains traits de personnalité du dirigeant influent sur sa décision d’innover. En effet, le côté créatif et la curiosité du dirigeant jouent un rôle clé. « On s’intéresse à tout, on lit, on rencontre des gens, on est très ouvert ! » (Manufacprim1/Dirigeant). L’innovation bénéficie du côté entrepreneur du dirigeant « Il y a quelqu’un qui est visionnaire et qui est un développeur dans cette PME, c’est le président » (Consultant spécialiste de l’innovation en PME).
45Si la prédilection du dirigeant pour l’informel encourage l’innovation, elle est souvent accompagnée de la mise en place d’une stratégie d’innovation non formalisée au sein des quatre PME.
46L’innovation résulte d’un processus itératif au sein duquel le couple essai/erreur occupe une place centrale et renforce l’apprentissage de ces PME. « On a plutôt tendance à chaque fois à expérimenter, si ça ne marche pas, on revient en arrière » (Manufacprim3/ED).
47Ainsi, le dirigeant initie l’innovation à travers sa vision stratégique, elle peut être encouragée par certains traits de personnalité qu’il possède.
2.2.4 – Comment la GRH favorise-t-elle l’innovation ?
48Plusieurs pratiques de GRH contribuant à l’innovation ont été mises en lumière. Toutefois, les différentes populations étudiées semblent adopter des positions plus ou moins divergentes quant au rôle de ces pratiques de GRH en matière d’innovation comme en témoigne le tableau suivant (Tableau 5).
Principales pratiques de GRH leviers d’innovation au regard des perceptions croisées des populations interrogées
Principales pratiques de GRH leviers d’innovation au regard des perceptions croisées des populations interrogées
49Ces résultats illustrent le fait que pour les 4 PME étudiées, la rémunération ne constitue pas un levier d’innovation. Autrement dit, du fait notamment de ressources financières limitées, les dirigeants et relais RH axent leur politique sur des aspects relatifs notamment aux conditions de travail ou à la communication.
50Au sein de Manufacprim, six pratiques de GRH, levier d’innovation ont été identifiées : le recrutement, la formation, la communication, l’implication des collaborateurs dans des projets d’innovation, la mobilité et la responsabilisation des collaborateurs. Pour autant, seulement deux pratiques semblent faire consensus chez l’ensemble des populations étudiées. L’implication des collaborateurs dans des projets d’innovation a permis de constituer des équipes transverses, de ne pas évoluer uniquement dans une logique top down et de valoriser les ouvriers en les faisant participer à ce type de projet pour renforcer leur engagement. « Ce n’est pas resté un truc entre les chefs de service ! Il y a vraiment des ouvriers de différents endroits de l’atelier qui ont été introduits dans les équipes de réflexion ! » (Manufacprim6/P). La communication constitue également l’un des bras armé de l’innovation. En effet, l’innovation naît des échanges collectifs entre les membres de l’entreprise. « Il y a des réunions hebdomadaires qui sont faites en partageant sur un nouveau produit, sur les idées, sur les succès des uns et des autres. » (Manufacprim4/ED). Le dirigeant et les commerciaux sont systématiquement présents à ces réunions mais chaque semaine, les salariés conviés sont différents et ne sont pas issus des mêmes services pour renouveler les idées et connaître le point de vue de collaborateurs travaillant aux diverses étapes de la chaîne de fabrication. Le dirigeant peut ainsi identifier de nouvelles opportunités.
51Au sein de Buroteck, les pratiques de GRH favorisant l’innovation au regard des personnes interrogées sont : le recrutement, la communication, la formation et l’implication des collaborateurs. Les différentes populations rencontrées s’accordent sur une seule pratique, le recrutement. « Pour trouver des candidats, je ne fais pas qu’appel au bouche-à-oreille, je passerai à côté de candidats sinon. Après, je fais faire des contrôles de référence pour en savoir plus sur eux » (Buroteck1/D). Le sourcing multicanal élargit les champs de recherche et permet d’acquérir les compétences recherchées. Par ailleurs, l’évaluation des compétences via des contrôles de référence offre la possibilité à l’entreprise de collecter des informations sur les aptitudes du candidat et son comportement en situation.
52La PME Persontop semble avoir mis en œuvre de nombreuses pratiques contribuant à l’innovation : le recrutement, la communication, l’implication des collaborateurs dans des projets d’innovation, la formation, la mobilité et la responsabilisation des collaborateurs, le fonctionnement en mode projet et les conditions de vie. Les différentes populations étudiées se rejoignent sur cinq pratiques : le recrutement, la formation, la mobilité, la responsabilisation des collaborateurs et les conditions de travail. Tout comme Buroteck, l’entreprise a un processus de recrutement formalisé. Pour recruter, elle peut se tourner vers son réseau pour acquérir des compétences spécifiques : « On travaille avec un cabinet de recrutement, ils savent exactement ce que nous recherchons et nous fournissent des candidats détenant les compétences qu’il nous faut » (Persontop5/E). La formation est professionnelle et continue au sein de cette PME, des communautés de pratiques pour partager des informations et des expériences : « On travaille beaucoup en atelier ce qu’on appelle des ateliers d’analyse ou d’échange de pratiques » (Persontop3/ED). La responsabilisation des collaborateurs reposant sur l’autonomie et la confiance leur permet de prendre des initiatives et d’expérimenter. En outre, la mobilité fait partie des incitations mises en place pour encourager l’innovation. « C’est plutôt laisser des espaces de liberté aux collaborateurs dans leur évolution professionnelle » (Persontop2/DG). Enfin, le comité de santé bien-être travaille sur l’amélioration des conditions de travail aussi bien psychologiques que physiques pour développer et maintenir la qualité de vie au travail et le confort des salariés. Les thématiques d’étude sont choisies par les collaborateurs en fonction des problématiques qu’ils rencontrent au quotidien (équilibre vie privée/professionnelle).
53Enfin au sein de Maindustri, les pratiques de GRH, levier d’innovation identifiées sont : le recrutement, la communication, l’implication des collaborateurs dans des projets d’innovation, la responsabilisation des collaborateurs et le fonctionnement en mode projet. Parmi les pratiques citées, seule la communication a fait l’unanimité. Dans cette PME, elle permet notamment de résoudre des problématiques empiriques auxquelles l’entreprise est confrontée. Pour ce faire, elle compte sur ses collaborateurs pour échanger et proposer des idées. Les salariés possèdent des compétences techniques et de fines connaissances qui leur permettent d’apporter des solutions « il ne faut pas que ce soit une équipe R&D qui soit quelque part mais que ça communique et qu’on mette même à contribution des gens sur le terrain. » (Maindustri2/ED).
54Le tableau 6 propose de mettre en perspective la relation entre le dirigeant et les pratiques de GRH.
La relation entre le dirigeant et les pratiques de GRH, levier d’innovation
La relation entre le dirigeant et les pratiques de GRH, levier d’innovation
55En croisant la perception des différentes populations étudiées, nous avons observé les similitudes et les divergences. Nous notons tout de même que le discours du dirigeant est globalement repris par les managers. Si certaines pratiques générales sont mobilisées par les PME étudiées, on constate qu’elles sont déployées de manière spécifique.
2.3 – Discussion : les différentes évolutions de la GRH
56Notre étude révèle que les caractéristiques personnelles des dirigeants agissent différemment sur la GRH d’une PME à l’autre. Dans le cas de Manufacprim et Buroteck, où les dirigeants influencent fortement la GRH (Mahé de Boislandelle, 2015 ; Torrès et Enrico, 2014), leur personnalité a des effets très prégnants sur l’ensemble des pratiques. Au sein de Manufacprim, celle-ci oriente la politique d’emploi, de valorisation (uniquement la formation) et de participation. La personnalité du dirigeant de Buroteck influe à son tour sur ces trois politiques et également sur la politique de rémunération. Malgré la présence d’une directrice des ressources humaines (Manufacprim) et d’une responsable des ressources humaines (Buroteck), les dirigeants ne perdent pas le contrôle de leur GRH, ils possèdent encore un pouvoir discrétionnaire élevé (Hambrick et Finkelstein, 1987). Le dirigeant du cas Persontop, guidé par de profondes valeurs sociales, oriente plus faiblement la GRH. Il exerce principalement son influence sur la politique de valorisation (conditions de travail, évaluation, formation) et de rémunération. Enfin, le dirigeant de la PME Maindustri, s’appuyant sur son expérience, a une influence assez faible sur la GRH. En effet, il oriente majoritairement la politique de valorisation et la politique de communication plus partiellement.
57Nos résultats vont dans le sens de la théorie des échelons supérieurs de Hambrick et Mason (1984) fondée sur le principe que les choix stratégiques sont liés à l’interprétation personnelle du dirigeant qui est elle-même inhérente à ses caractéristiques personnelles. Ces dernières conditionnent la GRH et constituent le fondement de ses décisions. La construction de celle-ci évolue donc davantage dans une perspective volontariste confortée par la discrétion managériale (Hambrick & Finkelstein, 1987) élevée que possède le dirigeant de PME du fait de la centralisation du pouvoir (Torrès & Enrico, 2014). En effet, à l’instar de Corbett-Etchevers et al. (2013), l’évolution des pratiques de GRH favorisant l’innovation résulte d’une décision qui émane du dirigeant. Soumis à une importante pression et à un fort degré d’exigence au regard de sa fonction (Hambrick & al., 2005), sa rationalité est limitée dans le cadre de la mise en place des pratiques de GRH construites à partir de ses propres représentations. En outre, la théorie des échelons supérieurs met en priorité l’accent sur la place centrale occupée par les caractéristiques de nature démographique dans le processus décisionnel. Or, en retenant seulement le dirigeant comme unité d’analyse, nous avons constaté que la personnalité du dirigeant orientait le plus la GRH dans deux PME sur quatre. À l’inverse, les expériences du dirigeant, unique caractéristique démographique étudiée, influencent peu les pratiques de GRH.
58Les dirigeants des PME Manufacprim et Buroteck sont paternalistes. Ils considèrent leurs collaborateurs comme des membres de leurs familles voire comme leurs enfants, ils ne font pas dissociation entre la vie privée et professionnelle. De plus, bien que l’épanouissement et le bien-être de leurs collaborateurs fassent partie de leurs préoccupations, la fonction RH leur sert avant tout « de vigie surveillance ». Ils sont en quête d’opportunités et enclin à prendre des risques pour innover. Le dirigeant du cas Persontop est incontestablement un entrepreneur social. Janssen et al. (2012, p. 26) le définissent comme étant « une personne visionnaire, à la fibre éthique prononcée, dont le principal objectif est de créer de la valeur sociale ». Le dirigeant de la PME Maindustri, quant à lui, est un entrepreneur imitateur puisqu’il a tendance à reproduire les pratiques observées par le passé dont il garde de bons souvenirs. Les exigences de la fonction managériale semblent particulièrement prégnantes dans son cas.
59Par conséquent, du fait du profil des dirigeants, la GRH de ces PME ne suit pas systématiquement la même trajectoire. En effet, si les dirigeants Manufacprim et Buroteck ont des profils similaires, leur GRH n’emprunte pas tout à fait la même voie. La PME Manufacprim a conservé une GRH reposant sur des pratiques informelles et arbitraires (Mahé de Boislandelle, 2015) tandis que la PME Buroteck tend à s’en éloigner petit à petit pour se rapprocher d’un modèle de GRH plus formalisé et personnalisé bien que de nombreuses pratiques soient encore laissées au libre arbitre du dirigeant. Concernant l’entreprise Persontop, celle-ci possède une GRH formelle et individualisée, on pourrait donc parler de GRH « dénaturée » par analogie à la PME dénaturée de Torrès et Julien (2005). À l’inverse, la PME Maindustri dispose d’une GRH encore informelle et intuitive. Cependant, elle n’est pas réservée au dirigeant puisque celui-ci n’intervient que très peu et préfère la déléguer. En effet, elle est assurée par la responsable administrative et financière ainsi que de la responsable du service QSE qui se partagent cette fonction. Elles sont autonomes dans leurs décisions, néanmoins, très prises par leurs fonctions respectives, elles ont peu de temps à accorder à la GRH.
60Au sujet de la relation entre la GRH et l’innovation, nous avons pu observer que certaines pratiques de GRH favorisaient l’innovation. En effet, nos résultats révèlent que le recrutement, la communication, l’implication des collaborateurs dans des projets d’innovation, la formation et la responsabilisation des collaborateurs contribuent à l’innovation. Ces observations convergent avec les travaux de Pichault et Picq (2013), Sheehan (2014) ou encore Aït Razouk (2014). Pour autant, toutes les PME étudiées ne mobilisent pas l’intégralité de ces pratiques et les déploient de manière différente. Si Oke, et al. (2012) parlent d’une culture favorable à l’innovation, nous avons constaté que des conditions de travail propices à l’innovation jouaient un rôle clé. Notre étude a également mis en exergue que des pratiques telles que la mobilité facilitaient l’innovation. Nos résultats montrent que sur les quatre PME, une seule exploite pleinement le potentiel de sa GRH et aligne ses pratiques de GRH pour innover. Notre constat est similaire à celui de Cooke et Saini (2010) qui ont souligné des problèmes de non alignement. Toutefois, l’absence d’alignement des pratiques de GRH sur la stratégie d’innovation n’empêchent pas les PME d’innover comme en témoignent nos résultats.
61En outre, au sein des quatre PME étudiées, nos résultats montrent que le dirigeant joue un rôle clé en matière d’innovation dans le sens où il impulse celle-ci. En effet, sa vision stratégique et ses traits de personnalité constituent des prédicteurs satisfaisants d’innovation. Par conséquent, le dirigeant est le déclencheur de la décision d’innover (Corbett-Etchevers et al., 2013). En outre, notre étude dévoile que celui-ci ne met pas en place de stratégie d’innovation formelle. Cette dernière résulte davantage d’un processus itératif au sein duquel le duo essai/erreur occupe une place de choix. Elle peut également naître pour résoudre une problématique rencontrée par l’entreprise.
Conclusion
62Pour répondre à notre problématique, nous avons mobilisé la théorie des échelons supérieurs, peu connue en France, en réalisant des adaptations pour l’appliquer à la PME et en réduisant l’unité d’analyse au dirigeant. Celle-ci a été combinée avec le mix social de Mahé de Boislandelle (2015) pour faciliter l’opérationnalisation de cette théorie. À notre connaissance, cet ancrage théorique n’a jusqu’ici jamais été utilisé pour le relier le dirigeant aux pratiques de GRH. Cette étude offre la possibilité d’apprécier la relation entre le dirigeant et l’innovation sous le prisme de la GRH. Cette approche a permis de mettre en lumière le rôle du dirigeant, à travers la discrétion managériale et les exigences de la fonction managériale, dans les choix de mise en place de pratiques de GRH, levier d’innovation. Ses caractéristiques personnelles conditionnent ses choix stratégiques. Plus précisément, nous montrons que dans certains cas, la personnalité du dirigeant, caractéristique prédominante, oriente la GRH et la discrétion managériale semble particulièrement prégnante. Au regard de nos résultats nous sommes en mesure de définir la personnalité comme étant des traits psychologiques distinctifs guidant le comportement et les attitudes des individus. Si quelques dirigeants de PME choisissent de conserver une GRH informelle et réactive, d’autres n’hésitent pas à la faire évoluer. Les liens existants entre GRH et innovation ont été identifiés et apportent des éléments de réflexion sur cette relation encore peu explorée dans les PME. Nous avons montré qu’il n’était pas impératif que la GRH soit alignée sur la stratégie d’innovation, néanmoins, elle doit être cohérente avec celle-ci. Le recours aux pratiques de GRH générales peut prendre diverses formes en fonction de l’entreprise. En effet, au-delà d’un catalogue de bonnes pratiques à mobiliser pour innover, nous avons constaté que l’animation et l’organisation de l’innovation au sein des différentes structures nécessitaient de déployer des pratiques propres au contexte. Parmi les pratiques de GRH contribuant à l’innovation, les politiques d’emploi et de participation ont principalement été mises en lumière. Les processus de recrutement formalisés permettraient d’acquérir les compétences externes recherchées (via du sourcing multicanal ou le recours à un cabinet de recrutement) et prennent en considération la nécessité d’évaluer les compétences. Par ailleurs, la communication interne constitue un vecteur d’innovation par le biais de l’instauration d’une écoute active, de groupe de réflexion ou encore de réunions transversales hebdomadaires. En outre, compte tenu de sa rationalité limitée et de son champ de vision étroit, il est impératif que le dirigeant fasse appel aux acteurs qui l’entourent et accepte de voir son pouvoir discrétionnaire se réduire. En ce qui concerne l’innovation plus particulièrement, les restitutions faites lors du workshop ont conduit à formuler plusieurs préconisations. Certaines personnes clés pourraient être en charge de projets innovants en organisant par exemple des groupes de travail. L’objectif serait de développer la créativité via les échanges entre collaborateurs de différents services. Par ailleurs, des formations de management dans une optique d’innovation permettraient de sensibiliser l’encadrement de proximité et de s’appuyer sur des pratiques spécifiques pour innover. Plus précisément, le développement d’innovations sociales/managériales peut être une voie à privilégier bien que celle-ci n’apparaisse pas toujours de façon consciente et construite dans les entreprises.
63Ces résultats sont toutefois à prendre avec précautions du fait des limites de ce travail. Cette étude est exploratoire et appelle à la conduite de travaux complémentaires pour confirmer notre propos en élargissant notre échantillon de PME innovantes. Les dirigeants nous ont principalement orientées vers des salariés appartenant à l’encadrement et à des personnes clés en matière d’innovation d’après leur perception. Il s’agit ici d’un biais cognitif et d’une limite freinant notre accès au terrain. Nous ne sommes donc pas en mesure d’affirmer que le discours managérial soit identique à celui du personnel. Par ailleurs, nous n’avons pas pu réaliser les récits de vie en deux temps, à quelques semaines d’intervalle, comme préconisé (Sanseau, 2005) compte tenu de l’emploi du temps chargé des dirigeants. En outre, nous nous sommes uniquement concentrés sur l’influence du dirigeant du fait de l’importance de son pouvoir discrétionnaire dans un contexte de PME.
64Pour pallier ces limites, nous souhaitons élargir notre recherche au réseau. En effet, notre étude montre que le réseau du dirigeant s’invite au sein de la GRH. Les pratiques concernées sont le recrutement, la formation ou encore la communication. L’intégration du réseau du dirigeant est une piste prometteuse qui nécessite d’être approfondie. Cette dimension nous permettra de prendre en compte les effets de l’environnement externe. Nous tenterons de relier le réseau du dirigeant aux pratiques de GRH dans les PME afin d’analyser l’influence entre ces éléments et de comprendre comment celle-ci est susceptible de modifier la relation entre le dirigeant et la GRH dans ce contexte.
65Par ailleurs, une seconde orientation nous paraît intéressante, il s’agit de relier plus précisément les caractéristiques personnelles du dirigeant aux différents types d’innovations. Plus précisément, il s’agira de se demander quels sont les traits de personnalité qui agissent le plus sur l’innovation et sur quel type d’innovation en particulier.
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Mots-clés éditeurs : PME, dirigeant, pratiques de GRH, innovation
Date de mise en ligne : 01/05/2017
https://doi.org/10.3917/grh.164.0047Notes
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[1]
URL : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000083.pdf (consultée le 27/04/2016).
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[2]
Les relais RH sont entendus ici comme des salariés étant à la fois des référents en matière RH pour les autres salariés ainsi que pour le ou les dirigeants.
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[3]
L’assistante RH ne constitue pas un relai RH dans la mesure où son rôle est très administratif. Il s’agit dans les faits d’une secrétaire polyvalente.
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[4]
Il convient de noter qu’en fonction des PME le statut des personnes en charge des RH n’est pas le même (Directeur, Responsable…), cela s’explique essentiellement par le profil des personnes qui occupent ces postes. Dans ces PME, ce sont les personnes qui font leur poste.
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[5]
Un code a été établi pour regrouper les personnes interrogées : Dirigeant et DG, Encadrement de Direction (composé de directeur et chef de service appartenant au comité de direction), Encadrement (composé de responsables ayant un rôle intermédiaire), Personnel.
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[6]
Trois thèmes sont ressortis : le dirigeant est susceptible d’orienter la GRH, il existe une réciprocité entre la GRH et l’innovation (la GRH contribue à l’innovation et évolue également sous l’effet de celle-ci), le dirigeant est l’impulseur de l’innovation
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[7]
Le dirigeant considère ses collaborateurs comme des membres de sa famille, l’affect occupe une place privilégiée. Pour autant, le dirigeant est autoritaire et souhaite que ses décisions soient respectées.