@GRH 2015/4 n° 17

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Article de revue

L’influence du patient sur le travail des soignants et le dialogue social à l’hôpital

Pages 9 à 41

Introduction

1Les organisations hospitalières ont connu depuis une décennie de nombreux changements affectant leur configuration organisationnelle, leur système de gestion ou leur mode de gouvernance. Ces changements ont souvent été justifiés par le souhait d’une plus grande efficacité économique mais également par la volonté de mieux servir les patients. Ces évolutions caractérisent de nombreux pays de l’OCDE (Castonguay, Montmarquette, Scott, 2008 ; Allaire et al., 2014) mais nous nous intéressons ici plus précisément au cas français. En France, les patients se sont vus en effet attribuer une plus grande reconnaissance à travers le droit et la réglementation (Amar et Minvielle, 2000 ; Lopez et Remy, 2007) : un droit des patients s’est progressivement créé à partir des lois de 2002 et s’est réaffirmé dans la loi Hôpital Patient Santé Territoire (HPST) en 2009.

2Si les changements hospitaliers ont souvent été analysés (Claveranne, 2003 ; Nobre, 2011), rares sont les recherches qui les ont envisagés sous l’angle du patient (Sainsaulieu, 2005). Or, le patient prend une place de plus en plus importante dans les établissements hospitaliers, et ce à deux niveaux. Au niveau des unités de soin, le patient manifeste une présence plus soutenue, plus revendicative, aspirant à de nouveaux besoins. Cela contribue à modifier progressivement les conditions d’exercice du travail des personnels intervenant auprès d’eux, et en particulier, des personnels soignants. Au niveau de la gouvernance hospitalière, les patients sont désormais représentés dans le conseil d’administration devenu conseil de surveillance depuis la loi HPST (Stanton et Callu, 2008). Cette représentation leur donne accès à des informations sur les choix stratégiques des établissements hospitaliers et leur permet d’influer dans une certaine mesure sur ces choix. Indirectement, les représentants des patients peuvent influencer les conditions d’emploi des personnels hospitaliers qui sont traditionnellement définies par le cadre réglementaire, mais aussi par le dialogue social pratiqué au niveau des établissements (Tallard et Vincent, 2010) – dialogue social entendu comme les relations qui se nouent entre les partenaires sociaux (représentants des salariés et représentants des employeurs) (Dufresne, Gobin, Maggi-Germain, 2014).

3L’objectif de cet article est double. Il s’agit d’une part d’examiner comment les patients qui interagissent au quotidien avec les personnels hospitaliers influencent les conditions de travail de ces personnels (c’est-à-dire la manière dont les personnels exercent leur activité). Nous limiterons notre analyse aux personnels soignants qui sont en effet le plus souvent au contact direct des patients et de leur entourage, encore plus que le personnel médical (Castel, 2005). D’autre part, il s’agit d’envisager comment la présence des représentants de patients au niveau de la gouvernance hospitalière modifie les conditions du dialogue entre les parties prenantes que sont les représentants de la direction de l’entreprise, les représentants des personnels et les représentants des patients ou des usagers. L’arrivée des représentants des usagers amène en effet ces trois acteurs à des jeux relationnels nouveaux.

4Ces deux volets de l’influence du patient pourraient être traités indépendamment. En effet, les patients considérés individuellement exercent une influence ponctuelle et circonscrite sur le travail des personnels hospitaliers. Lorsqu’ils sont constitués en représentants, leur action est collective et opère à un niveau stratégique de l’organisation hospitalière. Cependant, ces deux niveaux d’analyse ne sont en réalité pas complètement disjoints. Premièrement, car les représentants des patients cherchent à maintenir le lien avec les patients, en se rendant disponibles auprès des patients et en cherchant à les représenter au mieux. Deuxièmement, ce qui se passe au niveau des unités de soins dans la relation patient – personnel soignant est rapporté aux représentants des patients mais aussi aux représentants des salariés via la ligne managériale soignante, les deux niveaux ne sont donc pas déconnectés. Troisièmement, les conditions d’exercice du travail soignant sont un des objets de discussion et de choix au sein des instances de gouvernance hospitalière, notamment des commissions paritaires (instances du dialogue social entre la direction de l’établissement et les représentants des personnels). Toutes ces raisons nous amènent à traiter ces deux niveaux d’influence du patient et de ses représentants dans un même article.

5La littérature traitant de la présence du patient dans les établissements s’est développée au cours de la décennie 2000. Certains travaux montrent que les conditions de travail des personnels s’en trouvent modifiées (Bercot, 2013), mais ils restent le plus souvent descriptifs. Les effets sur les conditions de la gouvernance sont en revanche peu traités. Après avoir brièvement présenté cette littérature, nous proposons un cadre d’analyse qui repose sur la notion de triangulation et de régulation sociale. Ce cadre permet de rendre compte à la fois de l’apparition du patient dans le jeu relationnel entre les personnels et leur encadrement au niveau opérationnel, et au niveau stratégique entre la direction de l’hôpital et les représentants des personnels.

6Nous proposons ensuite d’analyser le cas d’un établissement hospitalier universitaire auprès duquel une étude a été menée. Les résultats de cette étude montrent que les conditions d’exercice de l’activité des personnels soignants sont significativement affectées par les évolutions des comportements des patients dans les unités de soin. En revanche, les modalités de la gouvernance et du dialogue social entre les parties prenantes sont assez peu touchées par l’arrivée des représentants des usagers. Nous discutons ensuite ces résultats à la lumière du cadre théorique retenu.

1 – L’évolution de la présence du patient dans les établissements hospitaliers et ses effets sur le travail des personnels et les conditions de la gouvernance

7Une abondante littérature en économie, sociologie ou management analyse l’influence des clients sur les organisations (Benghozi, 1998 ; Beauquier, 2005 ; Gilbert, Rollet-Crozet, Teglborg, 2014) et plus précisément sur le travail (Ughetto, Besucco, Tallard, du Tertre 2002 ; Loos-Baroin, 2003 ; Juhle, 2006 ; Dietrich et Lozier, 2012 ; Schütz, 2014) et, dans une moindre mesure, sur le dialogue social. En revanche plus disparates sont les travaux qui analysent le statut et les comportements des patients à l’hôpital, et les transformations que cet acteur amène dans le travail hospitalier et la gouvernance hospitalière. Nous souhaitons faire ici une brève présentation de cette littérature sur les organisations hospitalières avant de proposer une grille d’analyse de l’influence du patient sur le travail et la gouvernance à l’hôpital.

1.1 – La représentation collective des patients et leur participation aux instances de gouvernance hospitalière

8Les ordonnances de 1996 puis la loi de 2002 imposent aux établissements hospitaliers d’institutionnaliser la présence des représentants des usagers dans leur gouvernance (Bréchat et al., 2010). Les représentants des usagers siègent désormais au conseil d’administration de l’établissement, devenu le conseil de surveillance en 2009. Cet organe de décision se prononce sur les orientations stratégiques de l’établissement, exerce un contrôle sur la gestion et la santé financière de l’établissement, délibère sur les questions organisationnelles et donne son avis sur la politique d’amélioration de la qualité, de la gestion des risques et de la sécurité des soins. En y siégeant, les représentants des patients peuvent ainsi participer à la définition des modalités de fonctionnement de l’établissement hospitalier. Cependant, comme le prévoit la loi, ils ne sont pas impliqués directement dans la négociation du projet social qui est négocié entre le directeur de l’établissement et les organisations syndicales représentatives au sein de l’établissement (Tallard et Vincent, 2010). Cette nouvelle configuration offre toutefois la possibilité aux représentants des usagers d’exprimer leurs opinions et d’influencer les choix organisationnels qui ont des conséquences en matière d’emploi et de travail à l’occasion de l’élaboration du projet d’établissement.

9Par ailleurs, les représentants des usagers peuvent siéger dans plusieurs commissions des établissements hospitaliers notamment la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (Bréchat et al, 2010). La participation des représentants des usagers à ces commissions devait permettre selon le législateur d’influer, même de manière marginale, sur la qualité de l’offre de soins, ce qui ne semble pas avoir eu lieu selon le rapport de l’IGAS (2012). Ce rapport fait également état d’une faible influence des usagers dans la prise de décision des établissements hospitaliers face aux logiques professionnelles et structurelles. L’influence des représentants des patients sur les règles sociales ne semble qu’être indirecte ; elle peut s’exercer via la définition du projet d’établissement et via la définition de l’offre de soins et, selon les établissements, de manière différenciée (Couty et Scotton, 2013).

10Au-delà de l’institutionnalisation des usagers dans la gouvernance hospitalière, des associations des patients ayant pour objectif de défendre collectivement les droits des patients se sont progressivement constituées à partir des années 1970. Structurées généralement par type de pathologie, elles occupent depuis une quinzaine d’années une place croissante à la fois dans le système de santé globalement (Le Pen, 2009) mais aussi au niveau des établissements.

1.2 – L’évolution des attentes et des comportements des patients

11En même temps que les usagers se voyaient octroyer de nouveaux droits, leurs comportements ont évolué. Du fait notamment de la Charte des droits du patient, les patients sont mieux informés, sollicitent davantage les personnels hospitaliers et expriment plus volontiers leurs attentes (Castel, 2005).

12Grâce à la Charte, les malades peuvent faire valoir leurs droits et ne sont plus considérés comme des agents passifs dans le processus d’hospitalisation. Ils ont désormais accès à leur dossier médical, ceci leur donne un droit à l’information tant sur le diagnostic que sur le pronostic. Depuis une quinzaine d’années, l’accès à l’information est également facilité par l’apparition de supports d’information largement distribués (presse médicale spécialisée, classement des hôpitaux dans la presse générale, support Internet, etc.) (Ghadi et Naiditch, 2001 ; Wyatt, Henwood, Hart, Platze, 2004).

13Mieux informés et mieux formés également (Pierron, 2007), les patients ont des attentes plus exigeantes d’informations concernant leur état de santé ou les traitements qui leur sont dispensés. Ces exigences accrues amènent une modification profonde du rapport au personnel hospitalier : d’un rapport de soumission à l’expert hospitalier et de passivité, le patient exerce davantage ses droits à une qualité de soins et réclame satisfaction (Douguet, Munoz, Leboul, 2005). Il est même amené à opérer parfois des choix en concertation avec les personnels médicaux et soignants sur les soins qu’il va recevoir (Bungener et De Pouvourville, 2009 ; IGAS, 2012 ; Honoré, 2015). Le personnel hospitalier a désormais «des comptes à rendre» à ses patients, il se voit opposer une obligation de résultat, celle de satisfaire les aspirations des patients plutôt que d’assurer les moyens d’une prise en charge correspondant aux critères techniques des professionnels (Le Pen, 2009).

14Cette possibilité de réclamation vis-à-vis des résultats de la prestation est facilitée par les procédures de dépôt de plaintes auprès de la direction des usagers des hôpitaux et par les recours juridiques. La Commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge qui a pour mission d’assister, d’orienter et d’informer toute personne qui s’estime victime d’un préjudice du fait de l’activité de l’établissement offre, depuis la loi du 4 Mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, de nouvelles opportunités de réclamation pour les usagers.

15Par ailleurs, le milieu hospitalier est confronté, comme d’autres services publics, à une montée des comportements agressifs voire violents des patients (Mauranges, 2001 ; Loriol, 2003) qui a des conséquences directes sur les conditions de travail, comme le montre l’enquête de la DREES (Le Lan, 2006).

1.3 – Les transformations du travail des personnels soignants

16Un certain nombre d’études en gestion et en sociologie mentionnent les transformations de l’activité des personnels soignants consécutives à l’évolution des comportements des patients.

17Les exigences croissantes des patients rendent plus incertain ou aléatoire le travail des personnels soignants. Comme le souligne Sainsaulieu (2006, p.79), «le patient est une source d’imprévus inépuisable. Il change de lit ou de service, il change d’état (malade ou non, grave ou léger), il change d’humeur ou de ton, d’exigence ou de besoin». Ce caractère aléatoire du travail en relation avec le patient (Raveyre et Ughetto, 2003) est amplifié par la rotation croissante des patients dont la durée du séjour est progressivement réduite (notamment pour des raisons de coût) (Acker, 2005). Les aléas liés aux patients viennent s’ajouter à d’autres aléas organisationnels de plus en plus nombreux dans les établissements hospitaliers, quel que soit le travail plus ou moins programmé des personnels soignants (Micheau et Molière, 2014 ; Honoré, 2015).

18La relation au patient à l’hôpital a toujours été un élément substantiel du travail des personnels hospitaliers (Goffman, 1968 ; Strauss, 1992). Mais différents travaux montrent que cette relation est présentée de plus en plus comme essentielle aux yeux des personnels soignants, et placée au cœur de leur métier (Raveyre et Ughetto, 2003 ; Acker, 2005 ; Douguet, Munoz, Leboul, 2005). Elle améliore l’engagement des personnels soignants (Avgar et al., 2011), elle contribue à donner du sens au travail soignant (Baret et Robelet, 2010) et elle est constitutive de l’identité et de l’éthique professionnelle de ces personnels (Micheau et Molière, 2014).

19Cependant, paradoxalement, les personnels soignants peuvent consacrer quantitativement moins de temps aux patients pour plusieurs raisons. Les personnels soignants ont moins le temps de développer une relation de proximité avec les patients (Acker, 2005) car la durée de séjour des patients s’est significativement raccourcie pour des raisons budgétaires (Annandale, 1996). Ensuite, les personnels infirmiers doivent consacrer du temps à noter et enregistrer informatiquement l’ensemble des actes réalisés, pour des raisons de traçabilité et de sécurité médicale (Acker, 2005 ; Baret et Robelet, 2010). Cette charge administrative est renforcée par la rotation des personnes hospitalisées liée à la durée plus courte des séjours (Raveyre et Ughetto, 2003 ; Sainsaulieu, 2006). Les personnels soignants aspirent également à passer du temps de coordination entre les différents acteurs intervenants auprès des patients (médecins, techniciens) afin d’assurer au mieux la prestation de soins (Micheau et Molière, 2014). Enfin, le temps accordé au patient a été réduit aussi du fait la mise en œuvre d’un aménagement-réduction du temps de travail au début des années 2000 qui conduit parfois les personnels soignants «à courir d’un malade à l’autre» (Tonneau, 2004, p.10). Globalement, «aux yeux des infirmières, c’est le temps passé avec et à l’écoute des patients qui devient la variable d’ajustement» (Micheau et Molière, 2014, p.24), alors que cette relation aux patients fait sens pour les personnels soignants et est constitutive de leur identité.

20Cette mise en tension entre une aspiration à passer du temps auprès des patients (la «part des soins relationnels» – Micheau et Molière, 2014, p.28) et les autres tâches amène le personnel soignant à réaliser des arbitrages (Raveyre et Ughetto, 2003) et à hiérarchiser les priorités (Acker, 2005). Lorsque cette mise en tension est mal régulée par les personnels et leurs encadrants (Ruiller, 2012), elle peut être source de frustration (et même parfois de souffrance) (Loriol, 2003 ; Roques et Roger, 2004 ; Baret et Robelet, 2010). «Ne pas avoir le temps de s’occuper de ses patients (…), c’est le sentiment profond que le métier perd de son sens et de son intérêt» (Micheau et Molière, 2014, p.28).

21Le travail des personnels soignants se trouve ainsi modifié même si des spécificités entre les types d’activité peuvent exister (Micheau et Molière, 2014) : une plus grande incertitude pèse sur le travail, et l’aspiration à être en relation avec le patient se trouve en tension plus grande avec les autres dimensions du travail soignant.

1.4 – Triangulation et régulation : un cadre d’analyse de l’influence du patient sur le travail et le dialogue social

22Les travaux analysant les influences des usagers et patients sur le travail des personnels soignants et la gouvernance hospitalière peuvent être analysés à la lumière de deux cadres conceptuels que nous articulons : la triangulation des relations de travail et la régulation sociale. La triangulation permet de positionner le patient dans ses rapports avec les personnels soignants, leurs encadrants, la direction hospitalière et les représentants du personnel et des usagers. La théorie de la régulation sociale de Reynaud permet en complément d’analyser la manière dont se jouent les jeux entre ces différents acteurs.

23L’influence d’une tierce personne dans la relation de travail peut être analysée à travers la notion de triangulation des relations de travail. Les situations de triangulation des rapports de travail se manifestent par exemple lorsqu’un client intervient de manière directe ou indirecte dans la relation salariale pour influencer le contenu du travail et les conditions d’emploi d’un salarié (Sobczak, Rorive, Havard, 2008). Ces relations peuvent être schématisées graphiquement à partir d’un triangle dont les extrémités représentent les acteurs et les côtés représentent les relations entre les acteurs (Havard, Rorive, Sobczak, 2006) (figure 1).

Figure 1

Les triangles des relations de travail et du dialogue social dans une organisation hospitalière

Figure 1

Les triangles des relations de travail et du dialogue social dans une organisation hospitalière

24Deux niveaux d’analyse peuvent être distingués.

  • Le premier niveau opérationnel concerne les conditions concrètes de travail et met en scène : le personnel soignant qui réalise les soins avec d’autres personnels soignants ou non-soignants (médicaux, spécialisés ou techniques) ; l’encadrement qui détermine les actions à réaliser ; et le patient qui bénéficie des soins (comportement passif) mais également qui exprime des attentes et peut juger des soins qui lui sont prodigués – au moins en tant que profane – (comportement actif).
  • Le second niveau institutionnel fait intervenir la direction de l’hôpital, les représentants des personnels et les représentants des patients. Dans cette seconde configuration, les acteurs exercent des fonctions de représentation et dans ce cadre se joue le dialogue social entre les acteurs qui négocient les conditions d’emploi.

25Au sein de chacune de ces relations triangulaires se nouent des jeux d’intermédiation et de négociation qui permettent de réaliser les actions de soins ou de prendre des décisions concernant la gouvernance hospitalière. L’analyse de ces jeux d’intermédiation et de négociation entre les acteurs peut être approfondie à l’aide de la théorie de la régulation sociale proposée par J.D. Reynaud (1997). Celle-ci met en lumière la manière dont se créent et se transforment les règles dans les organisations. Le processus de production et de transformation des règles, appelé «régulation», contribue à définir les acteurs participant à l’élaboration, l’adoption et la transformation des règles (Reynaud et Reynaud, 1994). Trois sources et formes de régulation sont identifiées : la «régulation autonome», la «régulation de contrôle» et la «régulation conjointe».

26La «régulation autonome» émane de l’action collective d’individus composant un groupe social. La qualification autonome a été retenue par Reynaud (1988) pour montrer la capacité des acteurs à affirmer leur autonomie à l’égard des autres acteurs qui tentent de leur imposer des règles (Reynaud, 1999). Cette régulation peut donc être considérée comme défensive, mais elle peut aussi traduire la volonté des acteurs de compléter des règles considérées comme incomplètes ou partiellement inefficaces.

27La «régulation de contrôle» émane de l’extérieur du groupe et cherche à orienter et prescrire des comportements, à contrôler des zones d’autonomie des salariés (Reynaud, 1999). Cette régulation de contrôle est incarnée, dans les organisations, par l’encadrement ou la direction mais pas seulement ; un groupe de médecins peut par exemple exercer une régulation de contrôle à l’égard d’un groupe de personnels soignants à travers les indications médicales qu’il prescrit sans qu’il n’y ait de relation hiérarchique entre les médecins et les personnels soignants.

28La rencontre de ces deux formes de régulation peut, dans certains cas mais pas toujours, aboutir à une nouvelle règle faisant l’objet d’un accord (Reynaud, 2003). Cet accord passe alors par un processus de négociation explicite ou implicite appelé «régulation conjointe». La négociation collective entre représentants du personnel et direction est une forme explicite de la régulation conjointe. Cependant, la rencontre entre des règles autonomes et des règles de contrôle n’aboutit pas toujours à une régulation conjointe, certaines règles se juxtaposent voire peuvent se concurrencer (Reynaud, 2003).

29De nombreux travaux ont eu recours, depuis ces 30 dernières années, à cette théorie de la régulation sociale pour analyser les situations de travail mais aussi les processus de négociation collective (de Terssac, 2003). Cependant, ces travaux ne faisaient pas intervenir le destinataire des prestations comme un acteur potentiel de la régulation, aux niveaux de l’analyse des conditions du travail des personnels en contact avec le client (Borzeix, 2003) et dans leur intervention dans le dialogue social. Nous pensons que ce cadre est pertinent pour examiner les formes de régulation qui s’opèrent au sein des deux configurations de triangulation présentées ci-dessus.

30Ainsi, nous souhaitons mobiliser ce cadre de référence pour analyser les transformations des conditions de travail et du dialogue social qui se sont opérées au niveau d’un établissement hospitalier du fait d’une présence plus marquée des patients.

2 – Le cas d’un établissement hospitalier : des effets sur les conditions de travail mais peu d’effets sur le dialogue entre les acteurs

31Une étude exploratoire menée auprès d’un établissement français hospitalier permet d’analyser certaines évolutions du travail soignant et des conditions du dialogue entre les acteurs hospitaliers. L’analyse de cet établissement spécifique met en évidence une évolution significative des conditions de travail des personnels soignants, mais une moindre évolution des conditions du dialogue social. Cela nous permet de revenir sur les apports et les limites du cadre de référence retenu dans la première partie.

2.1 – Méthodologie et contexte de l’étude

32Pour éclairer les évolutions du travail des personnels soignants et du dialogue social du fait de l’influence des patients, nous avons choisi de mener une étude de cas exploratoire. Cette méthode de collecte et d’analyse de données la plus utilisée en recherche (Yin, 2008) présente en effet plusieurs avantages pour étudier notre objet. Tout d’abord elle permet d’explorer des phénomènes qui sont difficiles à comprendre et multidimensionnels (Yin, 2008). Notre objet fait intervenir plusieurs acteurs ayant des ancrages et des visions différentes, et qui entrent en relation à différents niveaux de l’organisation. Par ailleurs, l’étude de cas exploratoire permet d’appréhender les contours d’une recherche, d’ajuster les questionnements, voire de compléter une connaissance existante (Siggelkow, 2007) et de révéler de nouvelles dimensions d’une réalité sociale (Strauss & Corbin, 1998). Si certaines études existent sur les transformations du travail des personnels soignants, peu d’études ont porté sur la perception par les représentants des personnels hospitaliers des représentants des usagers et de leur influence. Notre étude de cas vise notamment à explorer ce champ relativement peu abordé. Enfin, l’étude de cas exploratoire a pour vocation à ouvrir des voies d’approfondissement à d’autres recherches.

33L’étude exploratoire a été réalisée dans un Centre Hospitalier Universitaire (CHU). La capacité d’accueil de cet établissement était au moment de l’enquête de 3.077 lits et places par discipline médicale et l’effectif hospitalier totalisait 10 211 personnes, 1 826 personnes appartenant au corps médical et 8 385 personnes relevant du corps non-médical (dont 5 974 personnels soignants et éducatifs). Le CHU était composé de trois grands ensembles hospitaliers (deux lieux d’accueil de court séjour et un ensemble dédié à la psychiatrie et au moyen séjour).

34Cette étude exploratoire menée dans un laps de temps court (quelques semaines) s’appuie sur un échantillon restreint d’entretiens semi-directifs menés auprès de personnes représentant les acteurs identifiés dans notre cadre de référence, c’est-à-dire des représentants de la direction de l’hôpital et de l’encadrement, des représentants des patients et des représentants du personnel soignant. Nous avons ainsi rencontré le directeur des soins (DS), un cadre supérieur de santé, deux personnels soignants (une infirmière et une aide-soignante), le directeur des ressources humaines (DRH), le directeur des usagers et de la réglementation (DUR), trois représentants d’usagers (le trésorier de l’association des usagers, la secrétaire ainsi qu’un membre qui effectue des «visites» régulières auprès des patients) lors d’un même entretien, et cinq représentants syndicaux (trois représentants de la Confédération Française Du Travail – CFDT – en un même entretien puis deux représentants de la Confédération Générale du Travail Force Ouvrière – CGT-FO dans un autre entretien). Les contenus de ces neuf entretiens portaient sur les évolutions récentes et les spécificités de l’établissement, les évolutions du travail des personnels soignants (nature des relations avec les autres personnels, avec les patients), l’évolution du comportement et des attentes des patients, les conditions du dialogue social entre les représentants des salariés et ceux de la direction, la participation des représentants des patients aux instances de la gouvernance hospitalière et aux instances consultatives, les relations entre les représentants des usagers et la direction hospitalière. Nous avons le plus souvent possible essayé de traiter l’ensemble de ces dimensions en les adaptant aux personnes rencontrées. Ceci nous a permis de croiser les propos de plusieurs interlocuteurs lors de l’analyse des données. Ce croisement des données est rendu visible dans les différents tableaux proposant des verbatim illustrant chacune des thématiques analysées. Tous les entretiens d’une durée de 90 à 120 minutes ont été enregistrés, retranscris et ont fait l’objet d’une analyse de contenu consistant en trois phases : une pré-analyse pour identifier les différentes thématiques présentes dans les entretiens ; une étape de catégorisation des éléments de réponse ; et une étape d’interprétation (Robert et Bouillaguet, 1997 ; Cresswell, 2013). Ces données issues des entretiens ont été complétées par l’analyse de documents fournis par l’établissement (projet d’établissement, projet social, Charte des patients de l’établissement notamment).

2.2 – Résultats de l’étude

35La présentation des résultats de l’étude de cas exploratoire privilégie dans un premier temps les transformations opérées au niveau des conditions de travail des personnels soignants, car ce sont les plus significatives. Nous abordons ensuite les transformations plus mineures qui se sont produites au niveau de la gouvernance et du dialogue social.

2.2.1 – Des attentes davantage exprimées par les patients et des comportements plus agressifs

36Les différents témoignages recueillis au cours des entretiens montrent que les comportements des patients ont évolué vers davantage d’exigences qu’ils font valoir auprès des personnels soignants. Les patients, aux dires des représentants d’usagers et des personnels soignants et de leurs représentants, semblent mieux informés (voir tableau 1). La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a facilité l’accès à l’information médicale, mais les associations de malades ont joué également un rôle d’information en incitant davantage les patients à réclamer des explications sur leur état de santé et sur les soins qui leur sont prodigués. Les patients sont aussi (comme d’autres citoyens) mieux formés et donc plus aptes à comprendre les informations fournies par le personnel hospitalier, ils peuvent s’octroyer le droit de contester les diagnostics médicaux et la manière dont ils sont soignés. Les patients expriment donc plus clairement leurs exigences qu’ils ne pouvaient le faire auparavant, celles-ci concernent essentiellement l’écoute et l’explication sur le diagnostic et les soins. Ceci amène une modification du rapport entre les patients et les personnels soignants, les patients sont davantage acteurs de cette relation.

Tableau 1

Extraits d’entretien sur l’évolution des attentes et des comportements des patients

Tableau 1
Personnels soignants Encadrants de santé et direction RH Représentants des personnels soignants Représentants des patients Les attentes et les exigences des patients s’expriment davantage • «Les patients ont plus de demandes, ils exigent plus de choses, peut-être plus de droits et ils les connaissent mieux, donc je pense qu’ils les expriment». • «Le patient a de plus en plus pris sa place. Maintenant il peut revendiquer, il est dans une société où il dit qu’il a le droit à des choses, il a plus de demandes». • «Les usagers dorénavant veulent être informés du diagnostic, des traitements, des conditions, ils veulent de plus en plus savoir quelles conséquences aura leur pathologie sur leur vie. Ils attendent en quelque sorte un pronostic» (cadre de santé). • «Il faut dire que le patient a des droits. Des droits et des devoirs comme le personnel a des droits et des devoirs vis-à-vis du patient» (CFDT) • «Les usagers connaissent mieux leurs droits, automatiquement, ils sont d’autant plus exigeants». • «La loi, je pense, n’est pas passée inaperçue, demander son dossier médical, des choses comme ça. Je pense que le malade essaie de s’informer beaucoup plus. Il connaît ses droits». • «Si un malade me dit, ‘je n’ai pas eu ci, je n’ai pas eu ça’, je lui dis ‘eh bien, écoutez dites-le ! Si vous n’avez pas compris, redemandez’». • «Ce qu’on demande, c’est qu’il y ait un petit peu d’écoute de la part d’un médecin, qu’un médecin prenne le temps d’expliquer un traitement, de prendre la personne un peu plus en considération». • «Il y a 6 ou 7 ans le malade subissait, il ne donnait pas son avis, il avait peur, il prenait le médecin pour la science. Maintenant le malade sait qu’il a le droit de demander. Et s’il n’est pas d’accord et qu’il ne veut pas de tel médicament, il peut refuser». Les comportements des patients et de leur entourage sont plus agressifs à l’égard des personnels malgré les dispositions prises • «Il y a beaucoup d’agressivité. Le manque de patience des gens fait qu’il suffit que quelqu’un soit agressif dans un service, un patient ou quelqu’un du personnel, et la tension monte tout de suite, et cela peut dégénérer très vite». • «L’hôpital était hier un lieu où on pouvait se sentir en sécurité. Aujourd’hui, on peut y sentir un climat de violence. Il y a de la violence en psychiatrie, mais aussi aux urgences. (…) Malgré tout ce qu’on peut mettre en place ; les équipes de sécurité, on filtre à l’entrée. Mais malgré tout ça il y a une violence très forte» (DRH). • «Il y a de l’agressivité, notamment dans certains services, notamment aux urgences il y a plus d’agressivité» (CFDT). • «Les usagers connaissent mieux leurs droits, automatiquement, ils sont d’autant plus exigeants». • «La loi, je pense, n’est pas passée inaperçue, demander son dossier médical, des choses comme ça. Je pense que le malade essaie de s’informer beaucoup plus. Il connaît ses droits». • «Si un malade me dit, ‘je n’ai pas eu ci, je n’ai pas eu ça’, je lui dis ‘eh bien, écoutez dites-le ! Si vous n’avez pas compris, redemandez’». • «Ce qu’on demande, c’est qu’il y ait un petit peu d’écoute de la part d’un médecin, qu’un médecin prenne le temps d’expliquer un traitement, de prendre la personne un peu plus en considération». • «Il y a 6 ou 7 ans le malade subissait, il ne donnait pas son avis, il avait peur, il prenait le médecin pour la science. Maintenant le malade sait qu’il a le droit de demander. Et s’il n’est pas d’accord et qu’il ne veut pas de tel médicament, il peut refuser».

Extraits d’entretien sur l’évolution des attentes et des comportements des patients

37Les comportements des patients (et de leur entourage) ont également évolué vers davantage de violence, dénoncée à plusieurs reprises par les représentants de la direction et du personnel soignant. Des mesures visant à protéger les personnels ont été prises par l’établissement (dispositifs techniques et humains de sécurité aux urgences, ou des séances de formations visant à faire face aux situations de violence par exemple). Malgré tout, les acteurs interrogés semblent se résigner à cette croissance de la violence, un phénomène de société qui touche d’autres organisations de service public.

2.2.2 – Le travail des personnels soignants est mis en tension…

38Les évolutions des comportements et des attentes des patients modifient les modalités du travail exercé par les personnels soignants (voir tableau 2).

Tableau 2

Extraits d’entretiens sur l’évolution du travail des personnels soignants

Tableau 2
• Personnels soignants • Encadrants de santé et direction des soins Le travail des personnels soignants est plus incertain La dimension relationnelle revêt une plus grande importance… • «Avec mes collègues en psychiatrie, nous passons la plus grande part de notre temps avec les patients, je dirais plus de 75 % de notre temps. Ils sont toujours là ils ont des demandes». • «Ce que j’aime dans ce métier c’est qu’au niveau des soins, il reste proche du patient dans le sens où on nous a appris à ne pas faire mal à un patient, on nous a appris à faire un soin qui soit le plus rapide possible, vous voyez où il y a cette espèce de rapprochement entre le patient et nous» (infirmière). • «On est dans un métier où il y a de l’aléa (…). Chaque jour peut se ressembler comme il ne se ressemblera jamais surtout dans les endroits où les patients vont tourner très rapidement» (encadrant). • «Ici, on a quand même beaucoup de populations à gérer : on a les gens qui travaillent, on a les familles, on a les patients, ça fait beaucoup ! il y a beaucoup de choses qui se passent et il faut être très réactif» (direction des soins). • «L’information que délivre le personnel soignant reste souvent de bonne qualité par rapport à l’attente du patient. C’est une relation que je qualifierais de très proche. Quand vous faites du soin, quand vous touchez à l’intimité du patient, vous faites des toilettes, des pansements, vous rasez les gens dans des parties très intimes. Moi, ce que je qualifierais ce sont des relations très intimes parce qu’on est proche du corps de l’autre» (encadrant). … mais est parfois reléguée au second plan • «Prise en charge globale du patient, être à l’écoute, ça c’est le discours. Mais par exemple en psychiatrie, on distribue les médicaments à 25 patients à la file indienne». • «L’infirmière passe plus rapidement dans les chambres. Elle doit noter dans son poste de soin, donc elle passe moins de temps avec les patients. L’accompagnement psychologique du patient est aujourd’hui moins bien fait. Aujourd’hui, on forme les personnels à ça… Ils sont formés, mais ils n’ont pas le temps» (direction des soins). • «Ce sont les infirmières qui coordonnent l’action de tous les acteurs autour du patient. C’est le médecin qui prescrit un certain nombre de choses, les infirmières sont chargées de la mise en œuvre de cette prescription, elles participent à ce travail» (direction des soins). • «Lorsque les personnels ne peuvent consacrer de temps à un patient et qu’ils ont le sentiment que le patient était en attente, pour eux c’est très frustrant. Il y a un paradoxe qu’ils ont du mal à gérer et ça, ces situations-là après elles sont génératrices de souffrance parce qu’ils estiment qu’on ne répond pas à l’attente des usagers» (encadrant).
Tableau 2
Un travail de régulation nécessaire pour faire face aux évolutions du travail • «Au niveau de notre métier on est souvent là, on a un rôle propre mais on est souvent là pour expliquer ce qui se passe pour le patient. Un relais entre le médecin et le patient pour lui expliquer la pathologie, pourquoi il a mal. Pourquoi on ne va pas lui faire mal, lui expliquer des examens, des choses comme ça. Parce que de plus en plus au niveau des médecins, des cadres, ils ont un langage que les familles ou les patients ne comprennent pas. Nous on est un trait d’union d’explications entre les deux» (infirmière). • «Les demandes les plus importantes des patients restent sûrement sur la qualité de l’information et en règle générale ce n’est pas les personnels soignants qui informent le moins bien. Je pense que c’est le corps médical qui a le plus de progrès à faire. L’information que délivre le personnel soignant reste souvent de bonne qualité par rapport à l’attente du patient» (encadrant). • «Il me semble que les gens qui travaillent dans les unités, quelle que soit la hiérarchie, travaillent comme tout être humain à vouloir construire de la sécurité, ils veulent de la sécurité alors qu’on est dans un environnement assez mouvant, avec des patients qui bougent, des patients qui effectivement ont changé notre société et qui expriment» (encadrant). • «Les agents doivent maîtriser leurs relations avec les patients et veulent maîtriser les aléas. Le cadre aussi veut maîtriser tous les aléas, or ce n’est pas possible» (encadrant). • «Autrefois quand un patient bousculait un personnel, on disait, c’est un malade. Il y avait un certain respect pour le malade. Aujourd’hui, on considère que ce n’est pas normal. On va dire : puisque c’est comme ça, je le déclare. Certains personnels déposent des plaintes… Donc nous on les accompagne dans ces situations» (direction des soins). • «Dans ma position d’encadrement, j’essaie d’accompagner les cadres de santé, j’essaie d’avoir une bonne écoute» (encadrant). • «Les personnels expriment ce qu’ils veulent des conditions de travail et les patients expriment davantage leurs attentes mais du coup bien évidemment, ce n’est pas facile à gérer parce qu’avant c’était plus facile quand on avait des gens qui étaient muets comme des carpes. D’un côté comme de l’autre mais maintenant ils ne sont plus muets et donc effectivement, il faut apprendre à gérer ce dialogue» (encadrant). • «Nous, on intervient comme des personnes ressources. S’il y a conflit, on va prendre la gestion du conflit et on va aider à le gérer» (encadrant). • Les personnels soignants «ont l’habitude maintenant que les patients remplissent les questionnaires, ils ont l’habitude d’avoir à gérer des lettres de plaintes et donc ils ont parfois le sentiment que dès qu’un patient écrit, effectivement on va demander des comptes» (encadrant).

Extraits d’entretiens sur l’évolution du travail des personnels soignants

39Le travail des personnels soignants est marqué par davantage d’incertitude et d’aléas. Cette incertitude est liée à la rotation plus grande des patients comme l’a souligné la littérature, mais aussi à l’hétérogénéité des acteurs (les patients, leur entourage, les professionnels paramédicaux, les représentants du culte, …) évoluant dans l’établissement hospitalier.

40Les patients réclamant davantage d’information, d’explication et d’écoute aspirent à une relation de plus grande proximité avec les personnels soignants. De même, les personnels soignants (et leurs représentants) valorisent largement cette dimension relationnelle de leur activité. La relation entre les soignants et les patients varie d’une simple discussion avec le patient avec une relation parfois très proche des aides-soignants qui entrent en contact direct avec les patients. Les personnels soignants (infirmiers) apportent aux patients des explications complémentaires à celles produites par le corps médical et répondent ainsi aux attentes des patients.

41Cependant, cette relation de proximité, attendue par les patients et valorisée par les personnels soignants et leur encadrement, est paradoxalement parfois reléguée au second plan selon les personnels soignants, la direction et les représentants des usagers. Les personnels soignants passent ainsi moins de temps auprès des patients qu’ils ne le souhaiteraient. Les charges administratives et la rotation plus importante des personnels soignants du fait de la réduction-aménagement du temps de travail, comme celle des patients du fait de la réduction des durées moyennes de séjour, limitent le temps relationnel entre patients et soignants. Dans cet établissement enquêté, comme dans d’autres selon la littérature, les personnels soignants et les patients font face à une situation paradoxale et le travail des soignants est mis en tension, ce qui est parfois source de frustration comme le souligne l’encadrement.

2.2.3 – … rendant nécessaire un travail de régulation

42Face à l’incertitude de l’activité des personnels soignants et à la mise en tension sur la dimension relationnelle, les personnels soignants et leur encadrement cherchent des solutions pour mieux répondre aux attentes des patients et ajustent leurs pratiques. Ces ajustements formels et informels sont autant de formes de régulation de contrôle et autonome qu’opèrent les personnels soignants et l’encadrement vis-à-vis des patients (voir tableau 2).

43Ainsi, lorsque les patients sollicitent des compléments d’information sur leur état de santé, ils peuvent s’adresser aux personnels médicaux qui possèdent la compétence et l’expertise sur cette dimension. Cependant, selon les personnels soignants et leur encadrement, ce sont souvent les soignants qui fournissent des explications complémentaires aux patients, et le font généralement bien. S’opère ainsi une régulation de contrôle assurée par les personnels soignants à l’égard des patients. Cette régulation de contrôle vient se juxtaposer à une autre régulation de contrôle qui stipule que seuls les personnels médicaux sont aptes à transmettre les informations médicales. La coexistence de ces deux régulations de contrôle est cependant acceptée par l’encadrement qui reconnaît l’efficacité de la transmission des informations des personnels soignants aux patients, et qui l’accompagne même. En effet, des formations sur l’accompagnement relationnel sont dispensées aux personnels soignants.

44De même, l’encadrement et le personnel soignant cherchent à réduire l’incertitude et le caractère aléatoire de leur travail du fait des interrelations avec les patients. L’encadrement propose des règles de contrôle pour essayer de maîtriser les aléas de la relation avec les patients en arbitrant parfois entre les demandes plus ou moins prioritaires des patients (des besoins exprimés de bien-être et des besoins de sécurité médicale). L’encadrement déclare adopter une posture d’écoute, et faciliter la mise en place de conseil, d’aide ou de formation afin d’aider les personnels soignants à faire face à ces situations délicates. Parallèlement à ces régulations de contrôle, les personnels soignants, en s’appuyant sur des échanges et partages d’expériences, créent leurs propres règles autonomes leur permettant d’améliorer les conditions d’exercice de leur travail et plus précisément de leurs relations avec les patients.

45Face aux comportements d’agressivité et de violence de certains patients se développent principalement des régulations de contrôle émanant de la direction et de l’encadrement. Ainsi, dans les services d’urgence ont été mis en place des systèmes régulés de sécurité (équipes et règles spécifiques de sécurité des personnes). Face à la violence qui se développe dans les services psychiatriques sont mis en place des dispositifs particuliers d’accompagnement des personnels hospitaliers (une cellule médico-psychologique, un partenariat avec la médecine du travail ainsi que l’encouragement de la direction hospitalière à déposer plainte contre les comportements déviants des patients).

46L’encadrement joue parfois un rôle d’arbitre entre les attentes provenant des patients et celles des personnels soignants. Il peut même intervenir le cas échéant pour prévenir ou pour gérer un conflit. Cette forme de régulation de contrôle s’exerce à la fois à l’égard des personnels soignants et des patients.

47Enfin, une certaine régulation peut s’exercer réciproquement de la part des patients sur les personnels soignants lorsque les dispositifs de mesure de la qualité de service (à travers des questionnaires de satisfaction) et de dépôts de plaintes se développent dans l’établissement dont ont pris conscience les personnels soignants. Cette forme de régulation de contrôle externe (Borzeix, 2003) oblige les personnels soignants à rendre des comptes sur leur travail.

2.2.4 – Des patients représentés dans des associations et dans la gouvernance hospitalière

48Comme dans tous les centres hospitaliers, l’établissement enquêté a mis en place la Charte du droit des patients et introduit les représentants des patients au sein du conseil d’administration, devenu conseil de surveillance. Mais l’établissement a également facilité la participation des représentants des usagers à des commissions et aidé les diverses associations de patients à se constituer en une fédération. Ces facilités permettent aux représentants des patients d’exercer une certaine influence sur les décisions prises au sein de l’établissement (voir Tableau 3).

Tableau 3

Extraits d’entretiens relatifs à la représentation des patients dans les associations et la gouvernance hospitalière

Tableau 3
Représentants de la direction (DUR, DRH, DS) Représentants des patients Les représentants des patients participent au conseil d’administration (ou de surveillance) • «Depuis avril 96 dans les établissements de santé publique et privée au sein des conseils d’administration il y a des représentants des usagers. Ces représentants des usagers au départ étaient choisis par la DASS, choisis dans des associations» (DUR). • «C’est vrai que le directeur des usagers et de la réglementation nous a très bien aidés, il nous a vraiment bien introduit dans ce système». • «On a des réunions avec [le directeur des usagers et de la réglementation], on regarde avec lui le cas avant d’aller au CA, et après on vote en CA. Mais vous imaginez les CA des fois ça dure, 2 ou 3 heures, si chaque administrateur intervenait! Donc on voit ça avant et puis on vote. (…) S’il y a quelque chose qu’on n’a pas compris on appelle le directeur des usagers pour savoir ce qu’il en pense, qu’est-ce qu’on peut voter». • «On commence à bien connaître le système, on est dedans on vit dedans, on est peut-être moins objectifs sur certaines choses, participant au conseil d’administration, quand on voit certaines demandes que l’on peut faire par rapport à l’association, et quand j’entends au Conseil d’Administration qu’on demande du matériel médical qui vaut X millions d’euros, on dit que c’est plus important que ce qu’on demande. Quand on voit le prix, l’enveloppe elle est ce qu’elle est, il faut faire avec. C’est là où je commence à être déformée parce que s’il faut faire des choix.» Création d’une fédération des associations d’usagers • «Quand on a demandé aux usagers de participer à la réflexion sur le nouveau projet d’établissement, ils ont souhaité créer une fédération qui rassemblait les différentes associations présentes autour du CHU. On a largement soutenu cette idée et on a facilité sa création en mettant à leur disposition un espace pour qu’ils puissent s’installer» (DUR). • L’objectif de l’association des usagers est «d’écouter, d’accompagner, d’informer, de tenir compte des demandes des usagers, toutes les demandes, tous les problèmes, de transmettre auprès de la direction du CHU, toutes les réflexions, les réclamations, les plaintes et d’essayer de trouver avec les usagers une réponse adaptée à notre situation… «.
Tableau 3
La participation des représentants des usagers à différentes commissions leur permet d’exprimer leur avis et d’influencer dans une certaine mesure les décisions • «On a créé des focus groupe usagers qu’on réunit régulièrement. Ils peuvent exprimer leurs avis sur différents projets. C’est dans ce cadre qu’on a sollicité les usagers pour participer à l’élaboration du projet d’établissement» (DUR). • «Dans la commission de formation continue, il y a à la fois des échanges et des avis donnés, des négociations, les représentants des usagers pareil. Des groupes de travail avec les usagers sont formés. Cette semaine j’ai travaillé sur la préparation de la prochaine accréditation dans un groupe de travail comprenant des usagers» (DS). • «Ils sont là pour donner leur avis en tant qu’usagers, ils attendent de l’information sur l’hôpital» (DS). • «En Septembre, octobre 2001 à la demande de la Direction du CHU et des représentants des usagers, le CHU a souhaité qu’un groupe d’usagers soit présent pour participer à l’élaboration de son projet d’établissement 2003/2007». • «Quand on lit les plaintes on voit tout. Après on va dans des réunions, on dit il y a une plainte». • «On participe à certaines commissions, comme c’est un droit en tant qu’administrateur du CHU. Il s’agit des commissions paritaires, des commissions d’appels d’offres, plus largement de certaines commissions où les représentants des usagers sont présents». • «Je participe à des groupes de travail dans l’amélioration de la qualité, pour l’accréditation». • «On participe aussi à l’élaboration de documents d’information pour les usagers, concernant un examen, concernant l’information pour une pathologie. C’est très technique et il y avait plusieurs patients qui pataugeaient. Il faut adapter les informations écrites à l’usager incompréhensibles par tout le monde. (…) Donc on travaille beaucoup sur ces fiches d’information». • «En tant que représentant des usagers dans un CHU, on donne notre avis parce qu’on est à l’écoute des malades (…). J’ai eu l’opportunité de rentrer dans les commissions paritaires, ce n’est pas rien! C’est-à-dire les gens qui sont évalués lors des commissions paritaires, on enlève un point ou on en remet un. Je trouve que c’est bien de savoir que cela se passe comme ça». • «C’est un personnel soignant qui avait fait une faute et qui a été licencié et c’est vrai que j’avais dit j’ignore ce que la direction va voter pour la réintégration du personnel, pour moi c’est non. Donc même si c’était dans mon idée à moi, on ne l’intègre pas».

Extraits d’entretiens relatifs à la représentation des patients dans les associations et la gouvernance hospitalière

49Dès la fin des années 1990, dans le cadre de l’application de l’ordonnance de 1996, l’établissement a intégré deux représentants des usagers au sein du conseil d’administration siégeant avec des élus et des représentants des personnels hospitaliers. Ces représentants des usagers étaient initialement choisis parmi des membres d’associations d’usagers qui souhaitaient s’investir davantage. Progressivement la direction a institutionnalisé le processus d’installation des représentants des usagers au sein du conseil d’administration devenu conseil de surveillance. Les représentants des usagers ont ainsi l’occasion comme les autres membres d’exprimer leur avis et de voter.

50Parallèlement, la direction a invité les représentants des patients à participer à différentes commissions consultatives et groupes de travail mis en place par l’établissement. Ainsi les représentants des usagers siègent à la commission des appels d’offres, à la commission visant à améliorer la qualité de la prise en charge des patients, à des commissions paritaires, ou participent à des groupes de travail pour contribuer par exemple à l’élaboration du projet d’établissement.

51Enfin, la direction de l’hôpital a encouragé en 2002 les associations de patients à se regrouper au sein d’une même entité, l’Espace des Usagers. Cette unité rassemblant des patients individuels et des associations de santé a pour objet d’abord d’être à l’écoute des patients, de faire remonter les avis des patients auprès de la direction, et de faire valoir les intérêts des patients.

52Cette fédération des associations des usagers permet d’asseoir la représentativité des personnes représentant les patients et de faciliter les échanges entre représentants des usagers et direction de l’établissement. En effet, les associations d’usagers récoltent les avis des patients à travers les plaintes qui sont déposées par leur intermédiaire, mais aussi par des pratiques d’écoute mises en place à travers les «visiteurs ou visiteuses» qui sont des personnes passant dans les unités de soins et se mettant à la disposition des patients pour recueillir leurs avis sur les prestations, ou simplement pour échanger. Au-delà de ce contact direct avec les patients, les représentants des usagers ont également la possibilité d’accéder aux plaintes déposées auprès de la direction des usagers et de la réglementation pour prendre connaissance des avis (négatifs dans ce cas) des patients. Ces retours des patients (directs et indirects) sont ensuite transmis par les représentants des usagers à la direction de l’établissement.

2.2.5 – … leur permettant d’exprimer leur avis et parfois d’influencer les décisions

53Forts de cette connaissance des attentes et évaluations des patients, les représentants des usagers peuvent exercer une certaine influence sur les décisions prises au sein de l’établissement (voir tableau 3). Celle-ci est possible à travers différents moyens et instances.

54Tout d’abord, dans le cadre du conseil d’administration puis de surveillance, les représentants des usagers ont la possibilité de voter et d’exprimer leurs avis. Mais, selon les représentants des usagers interrogés, ces avis s’échangent davantage en amont des conseils avec la direction des usagers et de la réglementation que pendant les conseils. Ainsi les représentants des patients peuvent exercer une certaine influence sur la direction de l’établissement. Mais réciproquement, la direction de l’établissement peut, selon nos interlocuteurs, influencer la vision des représentants des patients qui, sensibilisés aux enjeux organisationnels et financiers de l’établissement, peuvent orienter leurs votes. Ceci peut représenter ainsi une régulation conjointe informelle entre les représentants des patients et la direction.

55La participation aux diverses commissions et groupes de travail permet par ailleurs aux représentants des usagers de défendre les intérêts des patients et d’exprimer leurs avis sur des projets ou à l’occasion de décision. Ainsi, les représentants des usagers peuvent contribuer à la création de supports de communication à destination des patients sur des pathologies par exemple. Cette contribution est révélatrice d’une véritable régulation conjointe, la création d’une règle de manière conjointe, même si elle est circonscrite à un outil de communication. Par ailleurs, un des représentants des usagers nous a précisé qu’il avait la possibilité de donner son avis lors des commissions paritaires sur les évaluations et les promotions des personnels non-médicaux. Les représentants des patients ont même été associés à une commission disciplinaire au cours de laquelle ils se sont exprimés quant à la rupture du contrat d’un personnel soignant ayant commis une faute. Leur avis a été écouté, même si le décisionnaire était la direction de l’établissement. Les deux situations décrites par les représentants des usagers montrent que ces derniers avaient la possibilité d’influencer les décisions en matière de gestion des ressources humaines prises en commission paritaire ou disciplinaire. S’il ne s’agit pas complètement d’une forme de régulation conjointe associant la direction de l’établissement, les représentants des personnels et les représentants des patients, ces derniers peuvent exercer une certaine régulation de contrôle externe en donnant leur avis provenant des patients aux instances décisionnelles de l’établissement. L’influence est à nouveau réciproque car à l’occasion de ces commissions, les représentants des usagers déclarent comprendre mieux les enjeux et les spécificités des prestations de l’hôpital, ceux-ci peuvent ainsi être intégrés lorsqu’ils expriment leur avis. Cette influence est d’ailleurs reconnue par les représentants des patients interrogés qui ont déclaré être devenus des «usagers professionnels».

56Les formes de régulation mises en évidence ici concernent principalement des régulations conjointes informelles qui s’opèrent entre les représentants des patients et la direction hospitalière. Une régulation conjointe à trois comprenant également les représentants des patients est plus exceptionnelle (lors des commissions paritaires par exemple).

2.2.6 – Mais le dialogue entre représentants du personnel et représentants des patients reste difficile et limite l’élargissement du dialogue social

57L’entrée des représentants des patients dans la gouvernance de l’établissement a apparemment marqué les esprits des différentes parties prenantes (voir Tableau 4). Si les représentants de la direction considéraient comme légitime leur présence dans les instances de gouvernance hospitalière, les représentants des usagers reconnaissent qu’une certaine réticence à leur égard s’est exprimée au moins au début. Ils reconnaissent que cette réticence continue d’exister de la part des représentants des personnels. Pourtant, au sein des commissions qui sont des espaces d’échange direct avec les personnels, il semble, selon eux, que leur participation soit acceptée.

Tableau 4

Extraits d’entretiens relatifs aux relations entre les membres de la direction, les représentants des personnels et les représentants des patients interrogés

Tableau 4
Représentants de la direction Représentants des personnels Représentants des patients Perceptions des patients lors de leur arrivée dans les instances hospitalières • «L’établissement a été anticipateur sur la place de l’usager parce que les associations ont été regroupées, on leur a donné des moyens, ils sont entendus, ils sont dans des groupes de travail. Donc ça je trouve que c’est bien» (DRH). • «Les usagers qui participent par définition sont des personnes coopérantes, bienveillantes… Quelqu’un qui décide de s’associer et de participer, n’est pas quelqu’un qui est en opposition. On a de bons rapports. Ce ne sont pas des rapports d’opposition» (DRH). • «Les patients ont une représentativité au CA» (CFDT). • «Le patient qui est à l’hôpital ne peut pas être dans les instances. C’est un représentant des patients. On est bien d’accord, c’est quelqu’un qui est valide, ce n’est pas quelqu’un d’hospitalisé» (CFDT). • «Les représentants des usagers, que j’aime bien entre parenthèses, je ne vois pas ce qu’ils font dans un conseil d’administration. Alors ça peut être très bien sur le papier. C’est vrai que l’usager c’est bien, il faut des représentants des usagers, mais euh les décisions par contre, quand ils les prennent ils obéissent simplement au vote du président du conseil d’administration» (FO). • «Il y a un gros danger, c’est qu’en fin de compte, aujourd’hui on s’aperçoive que le représentant des usagers à la limite on l’amène à dire que ça va bien pour dire que les hôpitaux vont bien» (FO). • «Avec le recul je pense qu’on est vraiment bien intégrés par la direction de l’établissement. Au début il y a eu un peu de réticences, mais maintenant, ça fait partie de la culture». • «Il y avait des réticences du personnel par rapport à nous parce qu’ils ne voyaient pas ce qu’on venait faire dans leurs affaires. Pour s’intégrer, il a fallu passer par la petite porte, faire la petite souris, ne pas brusquer les choses et finalement on a fini par bien nous accepter». • «De toute façon, pour les représentants du personnel, les représentants des usagers, je ne pense pas que cela représente grand-chose». Pas véritablement de dialogue entre les représentants des personnels et les représentants des patients • «On n’est pas très en lien avec les patients en fait (…) on ne les rencontre pas pour travailler ensemble» (CFDT). • «Moi je suis allé trouver le représentant des usagers quand on a eu des problèmes à la maison de retraite. J’avais demandé au représentant des usagers de venir avec moi pour voir le problème des personnels, ils ont pris bonne note, et puis après au vote, ils ont voté contre nous» (FO). • «Par rapport au personnel, qu’est-ce que devraient faire les usagers, ils devraient dire il manque du personnel ! Que disent les représentants des usagers ? Non» (FO). • À la question «pourriez-vous nous dire s’il a y un dialogue entre les représentants du personnel et les représentants d’usager-patients et comment se passe-t-il ?», un représentant des patients a répondu : «Nous, on défend le malade». • «On s’occupe seulement du patient et pas du tout du personnel. C’est le rôle des syndicats, il est hors de question de mélanger les deux. On est une association, on est autonomes, indépendants, on n’est pas rattachés au CHU, bien que travaillant beaucoup pour l’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients, effectivement on apporte notre avis d’usager, on reste autonome».

Extraits d’entretiens relatifs aux relations entre les membres de la direction, les représentants des personnels et les représentants des patients interrogés

58De leur côté, les représentants du personnel reconnaissent que les patients sont représentés au sein du conseil d’administration. Mais les représentants du personnel font une distinction entre les patients qui s’expriment dans les services et qui sont donc hospitalisés, et les représentants des usagers de l’hôpital. La légitimité de cette représentation est donc questionnée à demi-mot par les représentants CFDT mais explicitement contestée par la CGT-FO. Celle-ci considère la participation des usagers au conseil d’administration comme une «intrusion» dans les affaires qui concernent normalement la direction de l’établissement et les représentants du personnel. Les représentants des usagers constituent, aux yeux des représentants du personnel, plutôt une menace dans l’équilibre des pouvoirs entre la direction et les représentants du personnel car, selon les représentants du personnel, les représentants des usagers sont influencés par la direction et suivent ses orientations.

59Cette méfiance se traduit également par le fait que les représentants du personnel ne manifestent pas le besoin de rencontrer ou de travailler avec les représentants des usagers. De leur côté également, les représentants des usagers n’expriment pas non plus le besoin de rencontrer les représentants du personnel en dehors des instances de gouvernance.

60Pourtant, les représentants des personnels et des usagers pourraient se rejoindre car ces deux acteurs collectifs défendent a priori la qualité des soins apportés au patient. Ainsi, il est arrivé parfois que les représentants des personnels mobilisent les représentants des usagers pour défendre les intérêts du personnel en matière d’insuffisance d’effectifs ou d’amélioration de la qualité des soins. Mais ces tentatives ayant conduit à des échecs, les représentants syndicaux estiment ne pas avoir besoin des représentants des usagers pour défendre la qualité des soins à l’hôpital. De même, les représentants des usagers se contentent de défendre les intérêts des patients et préfèrent rester neutres. Les deux acteurs se limitent donc à la défense de leurs intérêts respectifs et ne s’engagent pas véritablement dans un dialogue, et encore moins dans une forme de régulation conjointe.

61Cette absence de dialogue entre les représentants des personnels et des usagers ne contribue donc pas à l’ouverture du dialogue social engagé entre les représentants des personnels et la direction de l’hôpital. Les relations s’étaient pourtant apaisées au cours des dernières années grâce à une volonté affirmée de la direction de promotion du dialogue social.

2.3 – Discussion, limites et perspectives de recherche

62Cette étude de cas exploratoire confirme certains résultats avancés par la littérature concernant les évolutions des comportements et attentes des patients (Le Lan, 2006 ; Pierron, 2007 ; Bungener et De Pouvourville, 2009 ; IGAS, 2012), les transformations du travail des personnels soignants qui y sont liés (Raveyre et Ughetto, 2003 ; Acker, 2005 ; Douguet, Munoz, Leboul, 2005 ; Sainsaulieu, 2006 ; Baret et Robelet, 2010) et l’entrée des patients dans la gouvernance hospitalière.

63Notre étude souligne toutefois le rôle important que jouent le personnel soignant et l’encadrement dans la régulation des tensions que peuvent vivre les personnels soignants devant arbitrer entre des attentes plus explicitement formulées par les patients et les autres contraintes de leur activité. Des formes de régulation de contrôle sont mises en œuvre par les personnels soignants à l’égard des patients lorsqu’ils viennent préciser des informations médicales. Les personnels soignants développent également des formes de régulation autonome afin d’améliorer les conditions d’exercice et de réduire les aléas et l’incertitude pesant sur leur activité, du fait de la diversité des attentes de certains patients. L’encadrement développe également de nombreuses formes de régulation de contrôle à l’égard des personnels soignants et des patients afin de faire face à l’agressivité de certains patients, de réduire l’incertitude de l’activité soignante en relation avec les patients, et d’arbitrer entre les contraintes organisationnelles et les attentes renforcées des patients. Ainsi que le soulignaient Detchessahar et Grévin (2009, p.28), les évolutions et contraintes croissantes que connaissent les personnels soignants rendent nécessaire «la régulation locale du travail, qui consiste notamment en des arbitrages répétés entre les tâches, par les acteurs, afin de produire des accords locaux et révisables qui leur permettent – pour un temps – de faire le travail». Les encadrants jouent un rôle primordial dans ce travail de régulation de l’activité soignante (Dumas et Ruiller, 2012 ; Bercot, 2013).

64Ces régulations qui s’opèrent au niveau de l’activité des personnels soignants au contact des patients peuvent être considérées comme des régulations «ordinaires», au sens où les définissent Reynaud et Richebé (2007, p.17), des régulations qui permettent aux acteurs «de se coordonner et d’agir ensemble au quotidien» (voir figure 2). Dans l’établissement étudié, ces régulations «ordinaires» se font principalement de manière bilatérale (entre deux catégories d’acteurs) et se juxtaposent. Aucune régulation conjointe engageant les trois parties n’a cependant été identifiée. Cependant, ces situations existent probablement ainsi que Strauss (1992) l’a décrit à travers les processus de négociation explicite et implicite entre les médecins et personnels soignants d’une part, et les patients d’autre part. Bercot (2013) montre ainsi dans une étude concernant les blocs opératoires que des mécanismes de régulation conjointe locale peuvent se jouer entre les personnels soignants et les personnels médicaux, à propos des contraintes aléatoires qui doivent être gérées pour les patients. Nous pouvons par ailleurs faire l’hypothèse qui serait à vérifier dans une étude ultérieure que les équipes soignantes aspirant au maintien de l’importance et de la valorisation de la relation soignant-soigné pourraient s’associer aux patients pour faire valoir cette relation de proximité. Ainsi, il s’agirait d’une régulation conjointe qui s’exercerait entre le personnel soignant et les patients à l’égard de l’encadrement et de la direction.

Figure 2

Les régulations «ordinaires» qui s’opèrent au niveau opérationnel

Figure 2

Les régulations «ordinaires» qui s’opèrent au niveau opérationnel

65Par ailleurs, à un niveau institutionnel, notre étude de cas exploratoire montre que, malgré la présence des représentants de patients dans la gouvernance hospitalière (conseil de surveillance et les nombreuses instances consultatives), le dialogue ne s’élargit pas aux trois parties (direction de l’hôpital, représentants des salariés et représentants des usagers). Il ne semble pas se dégager de régulation conjointe informelle ou formelle car des relations de méfiance subsistent entre les représentants des personnels et les représentants des usagers.

66Mais l’institutionnalisation des patients au sein du conseil de surveillance et de certaines commissions ou groupes de travail peut être considérée comme un premier pas vers une reconnaissance, au moins de la direction à l’égard des représentants des patients. La reconnaissance mutuelle par les acteurs de leur existence et de leur légitimité est effectivement une des premières étapes de la régulation conjointe (Reynaud 2005). Mais ce n’est pas la seule, au-delà de la reconnaissance de légitimité, il faut que les acteurs expriment une intention réelle de confronter les intérêts et de chercher une forme de compromis. Ce qui n’était pas le cas au moment de l’enquête puisque les tentatives par les représentants du personnel de mobilisation des représentants des patients lorsqu’il s’agissait de défendre le déploiement de moyens (notamment en effectifs) pour maintenir une qualité de soins réclamée par les patients, ont échoué. Nous pouvons supposer que le temps, voire d’autres tentatives initiées par la direction ou par les représentants des personnels, pourraient ouvrir des possibilités de régulation conjointe (identifiées dans la figure 3) qui pourraient aller au-delà de la «régulation conjointe standard», c’est-à-dire celle qui s’opère entre la direction et les représentants des personnels. Les instances de ce dialogue sont créées, il faut maintenant que les acteurs entrent dans le jeu de régulation. Cela suppose cependant que les représentants des usagers acquièrent une réelle légitimité aux yeux des représentants des personnels, que des opportunités de compromis se présentent, et que les acteurs expriment leur volonté de dialoguer. Ainsi que l’a tenté l’établissement étudié au début des années 2000, l’élaboration du projet d’établissement pourrait être une bonne opportunité pour ce dialogue social élargi et cette régulation conjointe triangulée.

Figure 3

Les possibles régulations conjointes d’un dialogue social «triangulé» au niveau institutionnel

Figure 3

Les possibles régulations conjointes d’un dialogue social «triangulé» au niveau institutionnel

67Cette étude présente certaines limites qui tiennent notamment aux conditions de collecte des données. Notre étude s’appuie uniquement sur des entretiens de face-à-face avec un individu ou trois individus (pour les représentants des patients et pour les représentants du personnel). Nous n’avons pas eu l’opportunité de réaliser des observations des situations de travail des personnels soignants, ni des lieux d’échange entre les acteurs au niveau de la gouvernance hospitalière (le conseil de surveillance) et des commissions associant les représentants des usagers. Ceci a grandement limité notre capacité à repérer les régulations conjointes aux deux niveaux d’analyse.

68Par ailleurs, notre échantillon d’acteurs interrogés est relativement restreint ce qui nous a conduits à qualifier cette étude de cas d’exploratoire. Nos résultats sont très liés aux spécificités du contexte de l’établissement et représentent davantage des pistes de recherche à creuser. Cependant, il nous semble que la théorie de la régulation sociale dans une perspective triangulée offre des perspectives de recherche intéressantes pour analyser l’influence du patient à l’hôpital.

69Enfin, notre étude a cherché à couvrir les catégories d’acteurs pertinentes pour notre objet ; à savoir les personnels soignants et leur encadrement, la direction des ressources humaines et la direction des usagers, et les représentants des personnels et des usagers. Cependant, l’acteur médical n’a pas été interrogé, ni au niveau opérationnel de l’activité de soin (ou ordinaire de la régulation), ni au niveau institutionnel de la gouvernance. Pourtant cet acteur médical est bien au cœur de l’activité hospitalière avec le personnel soignant (Glouberman et Mintzberg, 2001). Il est présent auprès du patient dans son activité médicale (cure) aux côtés des personnels soignants (care). Et l’acteur médical est représenté à travers le président de la Commission Médicale d’Établissement, au niveau de la gouvernance et dans les diverses autres commissions ou groupes de travail et projets. Il est donc un réel interlocuteur vis-à-vis des patients à ces différents niveaux, ce qui élargit d’autant les interactions et fait passer la configuration à quatre acteurs au lieu de trois (voir figure 4). Notre étude n’a donc pas examiné ce niveau de complexité faisant intervenir les quatre acteurs. Cette perspective nécessiterait un niveau et une méthode d’investigation beaucoup plus ambitieux articulant des entretiens et des observations. Au-delà de la complexité de la méthodologie que supposerait l’analyse des régulations entre ces quatre acteurs, on peut faire l’hypothèse (à vérifier) que l’influence du patient pourrait être moindre face au pouvoir d’influence que pourraient exercer le corps médical, le personnel soignant et la direction (voir figure 4).

Figure 4

Les régulations possibles dans une configuration à quatre acteur

Figure 4

Les régulations possibles dans une configuration à quatre acteur

Conclusion

70L’objectif de cet article était de montrer, à travers une étude de cas exploratoire, comment les patients pouvaient modifier, à travers leurs interactions avec les personnels soignants au niveau opérationnel, le travail de ces derniers et, au niveau institutionnel, à travers leur participation à de nombreuses instances de la gouvernance, influencer les conditions du dialogue.

71La revue de littérature proposée a mis en évidence des recherches sur l’influence du patient sur les conditions de travail des personnels soignants ainsi que des recherches sur la présence des représentants des usagers dans la gouvernance hospitalière. Pour aller au-delà de ces deux champs de recherche et analyser l’influence du patient aux deux niveaux, nous avons proposé un cadre d’analyse mobilisant la triangulation des relations de travail (au niveau des conditions de travail et du dialogue social) et la théorie de la régulation sociale (celle-ci permettant de mettre en lumière la manière dont les acteurs coordonnent leurs interactions et créent des règles). Cette grille de lecture est ensuite utilisée pour analyser la situation d’un établissement hospitalier à travers une étude de cas exploratoire.

72Les principaux résultats confirment certaines idées avancées par la littérature mais montrent également le rôle des régulations opérées par l’encadrement et le personnel soignant au niveau opérationnel (ou ordinaire). Au niveau institutionnel, quelques indices montrent la capacité pour les représentants d’usagers de donner leur avis à l’occasion de leur présence en conseil de surveillance et de plusieurs commissions ou groupes de travail. Mais il ne s’opère pas réellement de dialogue, et aucun véritable mécanisme de régulation entre les représentants des usagers et les représentants des personnels ne se développe car la légitimité des représentants des usagers n’est pas encore suffisamment reconnue par ces derniers.

73Malgré des limites liées au caractère exploratoire de cette étude, celle-ci montre, du point de vue de la recherche, les perspectives de recherche prometteuses qu’offre la triangulation des régulations pour analyser à la fois la régulation ordinaire opérationnelle et la régulation collective institutionnelle. Cette recherche pourrait même s’élargir au personnel médical. Du point de vue professionnel, cette recherche rappelle le rôle primordial que joue l’encadrement dans la coordination et la médiation des relations entre les personnels et les patients, essentiel à la bonne conduite de la prestation de soins. Elle souligne également la volonté forte de la direction d’installer les représentants des usagers dans la gouvernance de l’hôpital, au-delà de l’obligation légale. Mais pour qu’un véritable dialogue puisse s’instaurer entre les acteurs, la reconnaissance de l’acteur usager par les représentants du personnel est indispensable. Celle-ci est possible si la direction de l’établissement et les représentants des usagers le souhaitent réellement à des fins d’amélioration du fonctionnement hospitalier, ainsi que le soulignent Couty & Scotton (2013).

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