Notes
-
[1]
Selon la Commission européenne, 2012.
-
[2]
Dans le texte, le terme « clients » sera employé au sens de « bénéficiaires ».
-
[3]
Bénévolat d’entreprise et volontariat d’entreprise seront utilisés sans distinction.
-
[4]
Selon le Ministère fédéral du Travail, des Affaires sociales et de la protection des consommateurs autrichien, 2009.
1 Dans l’Union européenne, environ 92 à 94 millions d’adultes sont engagés dans des activités bénévoles. Ainsi, environ 22 à 23 % de la population européenne âgée de 15 ans et plus exercent une activité bénévole [1]. Les bénéfices du bénévolat pour la société dans son ensemble, les bénévoles, les organisations bénévoles et les clients [2] sont un fait bien connu (Huski-Leventhal et alii, 2010, Hustinx et Meijs, 2011). L’ONU et l’Union Européenne ont reconnu l’importance du bénévolat il y a plusieurs années et ont mis l’accent sur ce sujet au cours de l’Année internationale des Volontaires en 2001 et de l’Année européenne du volontariat en 2011. Le bénévolat a des effets positifs sur la communauté grâce à la participation de membres de différents groupes et donc sur la production de capital social, générant de l’inclusion et de la cohésion dans nos sociétés contemporaines. Plusieurs États nationaux, par exemple, essaient de mieux intégrer leurs minorités à travers le travail bénévole (Hustinx et Meijs, 2011). Des changements majeurs du secteur social ont pu être notés dans plusieurs pays ces dernières années comme les subventions remplacées par des appels d’offre. Presque toutes les Organisations du secteur social (OSS) sont confrontées à la baisse des ressources financières en raison des compressions budgétaires des États, des régions ou des municipalités (Drexler, 2007). Par conséquent, des débats se sont engagés sur le financement des services nécessaires pour les clients de ces organisations. Les bénévoles sont devenus une partie essentielle des ressources de beaucoup d’OSS. Ils soutiennent la prestation de services, devenus trop chers, trop coûteux en main d’œuvre, pour être mis à la disposition des bénéficiaires. Le bénévolat est souvent considéré comme une solution pour résoudre ces problèmes et assurer des services que l’État ne peut plus se permettre d’offrir. En conséquence, le travail bénévole a été renforcé par plusieurs organisations afin de maintenir qualitativement et quantitativement un haut niveau de service, en réorganisant les tâches. D’une part les bénévoles sont majoritairement engagés en tant que complément du personnel rémunéré, comme le montrent plusieurs études (Studer et von Schnurbein, 2012), et ils y font un travail important de soutien. D’autre part la qualité et le professionnalisme du travail social doivent être maintenus et les tâches spécifiques n’être remplies que par des personnes ayant la qualification et l’expérience nécessaires. Dans le même temps, les aspirations des bénévoles et leurs motivations ont connu des changements notables dans la dernière décennie (European Values Study, 2008, Rosenkranz et Weber, 2002, Hustinx et Lammertyn, 2003). Les organismes bénévoles ont bien sûr réagi à ces changements par rapport à la motivation et la disponibilité des bénévoles. L’image du bénévolat s’est diversifiée selon plusieurs modèles – du plus traditionnel au plus moderne – et de nouveaux acteurs se sont impliqués en encourageant le bénévolat, comme les entreprises à travers le bénévolat d’entreprise (Huski-Leventhal et alii, 2010).
Le bénévolat d’entreprise [3]
2 Le volontariat d’entreprise peut être défini comme suit : les sociétés encouragent leurs employés à participer à des projets bénévoles et aux activités des organisations sociales ou d’autres organisations à but non lucratif. Les activités de bénévolat peuvent être effectuées dans ou en dehors de la charge officielle de travail de l’employé (Huski-Leventhal, 2010, p. 148). De telles initiatives font généralement partie de la stratégie de Responsabilité sociale des entreprises (RSE). Au lieu d’aider uniquement par un soutien financier, notamment par le parrainage ou les dons en nature, les entreprises souhaitent agir comme des entreprises citoyennes donnant à voir leur responsabilité vis-à-vis de leur communauté. Elles ont adopté des politiques plus actives et décidé de réaliser des projets pour les OSS. Les entreprises soutiennent les activités de volontariat de leurs employés à travers la mise à disposition de temps, c’est-à-dire d’heures de travail, pour ces activités, de savoir-faire ou de ressources matérielles. C’est une tendance qui a commencé aux États-Unis et est devenue populaire en Europe continentale dans la dernière décennie. Les programmes de volontariat d’entreprise peuvent se concentrer sur des initiatives de portée locale ou mondiale, selon l’activité et les objectifs de l’entreprise et/ou la nature du partenariat. Ces projets visent à créer des situations gagnant-gagnant pour les bénévoles, les entreprises et les organisations sociales. Ces prestations dépendent habituellement de certaines exigences telles qu’une bonne planification, l’égalité de tous les partenaires, la réponse aux attentes et points de vue des bénévoles ainsi que leur préparation et leur guidance. La presse et la littérature scientifique sur le bénévolat d’entreprise mettent la plupart du temps l’accent sur les avantages pour les entreprises et leurs employés et la situation gagnant-gagnant pour les organisations du secteur privé et du secteur social. Qu’en est-il du point de vue des OSS ? Leur voix se fait beaucoup moins entendre et il n’existe que quelques études, en particulier sur la situation autrichienne (Mauhart, 2004, Blumberg et Scheubel, 2007). Le bénévolat d’entreprise n’est pas très répandu en Autriche comme une étude nationale l’a révélé il y a quelques années (Tuffrey, 1998a, dans Heuberger, 2004) et il concerne principalement les branches autrichiennes d’entreprises internationales. Il y a une tendance, cependant, à plus d’initiatives depuis les deux dernières années. Tout d’abord, on examinera ce que l’on appelle la situation gagnant-gagnant du bénévolat d’entreprise en décrivant les bénéfices et les conditions nécessaires pour les acteurs impliqués. Dans un deuxième temps on donnera un aperçu des différents types de bénévolat d’entreprise. Ce sera une base importante de la partie empirique de l’article, appuyée sur le témoignage des organisations du secteur social viennois engagées dans des projets de volontariat d’entreprise. Le travail empirique porte sur le niveau méso.
Avantages du bénévolat d’entreprise pour les organisations à but lucratif
3 La vieille tradition des entreprises consistant à attendre les demandes d’organisations sociales de leur proche environnement a considérablement diminué (Janes, 2003, Schöffmann, 2003). Aujourd’hui, les entreprises veulent souvent être considérées comme des entreprises citoyennes. Par conséquent, elles contribuent activement à la prospérité de leur environnement en portant des projets avec des OSS par exemple. Les dons des entreprises sont remplacés par une politique plus active et un sentiment de responsabilité pour les problèmes de la société de proximité (Schöffmann, 2003). Elles encouragent leurs employés à donner du temps et de l’expertise à l’organisation partenaire du secteur volontariat peuvent être développés à cette échelle, tout le long du circuit d’approvisionnement. Souvent, les projets de volontariat des entreprises commencent grâce à l’initiative de leurs salariés (Blumberg et Scheubel, 2007). Les entreprises offrant des projets de volontariat à leurs employés tentent à la fois de contribuer à la stabilité de leur environnement et au bien-être de leurs employés. Si une région est attrayante pour ses habitants en raison de sa stabilité sociale et de sa prospérité générale, il est également attrayant pour les employés et leurs familles de vivre dans un tel environnement. Ainsi les entreprises peuvent puiser dans un plus grand réservoir de talents potentiels et les personnes nouvellement embauchées ayant migré sont plus susceptibles de rester dans une région si la situation générale y est agréable. Ce facteur devient de plus en plus important en raison de la situation démographique actuelle et du goulot d’étranglement prévu dans le recrutement de main d’œuvre aux qualifications appropriées dans l’avenir. En dehors de l’environnement macro-économique, il est encore plus important pour les employeurs d’offrir à leurs employés un environnement de travail sain et attractif. Pour les salariés d’aujourd’hui, l’autodétermination et l’accomplissement de leurs demandes immatérielles au travail sont très importants. Ils veulent avoir un emploi qui fait sens, la possibilité d’un développement professionnel et personnel et la reconnaissance du travail effectué. Les jeunes, en particulier, s’attendent à vivre aussi leurs valeurs pendant les heures de travail (Flato et alii 2008). Ils sont plus susceptibles de s’engager pour leur employeur si ce dernier partage les mêmes valeurs (Ludowig, 2009). Les entreprises qui permettent à leurs employés de s’impliquer dans des projets de volontariat sont généralement considérées comme des employeurs qui offrent des possibilités intéressantes pour l’accomplissement de soi. En conséquence, le bénévolat d’entreprise améliore considérablement l’image des entreprises pour les employés, les postulants et d’autres parties prenantes comme les consommateurs. C’est un moyen social. Si les entreprises opèrent au niveau mondial, les projets de important d’attirer et de fidéliser les talents (Blumberg et Scheubel, 2007, Diehl et Conrad, 2008). Le volontariat d’entreprise peut être pertinent à la fois pour les Ressources humaines et le marketing des entreprises. En matière de gestion des ressources humaines, il peut être utilisé pour le perfectionnement des employés au niveau individuel ou du travail en équipe. Il peut aider à accroître les capacités sociales et enrichir l’esprit grâce à une mise en contact avec des situations et des personnes complètement nouvelles et inhabituelles. Il permet également de former ses capacités dans un environnement réel, contrairement à des séminaires et des exposés. En outre, il améliore les capacités de gestion, la productivité des employés et les possibilités de mise en réseau. Le volontariat d’entreprise est particulièrement utile pour créer un bon environnement de travail et améliorer l’identification à une culture de l’entreprise (Blumberg et Scheubel, 2007, Martin et Deierling, 2010). La recherche empirique montre que, pour un tiers des participants à une enquête réalisée auprès de 10 000 étudiants allemands, la possibilité de faire du bénévolat d’entreprise joue un rôle significatif dans le choix de postuler ou non pour un emploi (Ludowig, 2009). Un autre sondage montre que 40 % des employés travaillent même pour un moindre salaire si leur employeur leur donne l’occasion de faire du bénévolat pendant leurs heures de travail (Blumberg et Scheubel, 2007). En outre, le bénévolat d’entreprise peut contribuer au bien-être physique et mental des employés (Schöffmann, 2003). De tels projets permettent également d’offrir aux futurs retraités l’occasion d’utiliser leur expertise afin de réduire le syndrome du « bureau vide » au moment du départ. Quand il s’agit de marketing, l’engagement de l’entreprise pour la communauté est habituellement valorisé dans la presse locale. Une communication positive est très importante pour ses relations publiques, son succès auprès de toutes les parties prenantes, notamment les consommateurs, pour l’amélioration de ses ventes et de son image de marque.
Les employés en tant que bénévoles d’entreprise
4 De nombreux employés souhaitent s’engager en tant que bénévoles mais, pour des raisons biographiques et/ou de contraintes de temps, ils ne parviennent pas à concilier travail, famille et activités de volontariat (Schoenig et Krauss, 2002). Dans les deux dernières décennies, de nombreux chercheurs ont signalé les changements dans la motivation des individus à faire du bénévolat et dans les différentes formes d’engagement (Hustinx et Lammertyn, 2003, Hustinx et Meijs, 2011). La volonté, la capacité et la disponibilité des bénévoles influent généralement sur la décision des gens à faire du bénévolat (Huski-Leventhal et alii, 2010). Plus ces facteurs augmentent, plus les gens en font. En règle générale, il y a un déplacement d’un type collectif de bénévolat (Heelas, 1996 et Hustinx, 2003) vers des types plus réflexifs ou individualisés de volontariat (Hustinx, 2003). Plusieurs types d’engagement volontaire coexistent. D’un côté, le bénévole « traditionnel » collectif, pour qui le sentiment d’appartenance à une communauté l’emporte et s’exprime souvent dans le prolongement de la tradition religieuse de la bienveillance. Le bénévole collectif exécute habituellement des tâches auxiliaires de sens commun et de bonne volonté (Hustinx, 2003). Sa motivation à s’engager dans le bénévolat est (était) essentiellement de nature altruiste, comme l’accomplissement d’un devoir (Schöffmann, 2003). De l’autre côté, le volontaire, réflexif ou individualisé, qui aime à améliorer ses compétences professionnelles, son prestige et à entretenir l’amitié à travers ces activités. Au lieu de motivations complètement altruistes, les motivations égo-centrées ou de réalisation de soi gagnent de plus en plus de terrain. En conséquence, les « nouveaux » bénévoles sont en recherche d’initiatives plus souples, sporadiques, temporaires et sur la base de projets (Schöffmann, 2003, Huski-Leventhal et alii, 2010, Hustinx et Meijs, 2011). Leur engagement est couplé à l’appartenance à une certaine communauté (religieuse) et leurs sentiments d’appar tenance sont principalement auto-créés sur la base d’intérêts communs, de besoins, de valeurs et de solidarité (Bennett, 1998, Hustinx, 2003). L’imprévisibilité biographique des (jeunes) gens d’aujourd’hui peut être, en partie, une raison de ce changement (Hustinx et Meijs, 2011). Les préférences et les besoins personnels sont les contraintes qui dictent les activités de bénévolat qui peuvent être effectuées et l’idéalisme est remplacé par des objectifs plus tangibles et plus pragmatiques. Surtout pour la jeune génération, les motivations autogérées ou instrumentales dominent (Hustinx, 2003). Par ailleurs, les bénévoles d’aujourd’hui ont tendance à être bien éduqués et appartiennent à la classe sociale moyenne ou supérieure. Les tâches qu’ils remplissent requièrent une expertise spéciale, également nécessaire en raison de la complexité croissante des problèmes sociaux. Ils exécutent leurs tâches avec responsabilité et efficacité (Hustinx, 2011, Huski-Levental et alii, 2010). Les recherches aux États-Unis montrent aussi que les personnes avec des emplois à temps partiel sont plus susceptibles de faire du bénévolat que les employés à temps plein (Nesbit et Gazley, 2011). Si nous regardons d’un peu plus près le bénévolat d’entreprise, les volontaires s’engagent dans des projets mobilisant souvent les compétences de base de leurs emplois. Ils éprouvent un sentiment d’utilité de leurs talents qu’ils peuvent déployer en dehors du travail pour un bénéfice social et sociétal. Avoir la possibilité d’effectuer des tâches de volontariat pendant ou après les heures de travail autorise les employés à combiner les activités de volontariat avec les autres obligations de la vie professionnelle et privée. Certains projets font participer les familles ou les amis, menant donc ensemble deux objectifs : faire le bien et passer du temps avec la famille ou les amis. Par ailleurs, les bénévoles d’entreprise estiment que les activités de bénévolat les aident à se développer à la fois professionnellement et personnellement (Martin et Deierling, 2010). Il n’est pas rare de voir des employés d’un certain niveau, tels que les cadres ou jeunes cadres de direction, participer plus souvent à des activités de volontariat d’entreprise (Schwalbach et alii, 2006). Il est important de mentionner que la possibilité de participer à des projets de volontariat d’entreprise est une forme d’auto-détermination et d’accomplissement de soi dans l’emploi. De telles initiatives apportent satisfaction et représentent une autre forme de rétribution et de reconnaissance. Les postes de direction ou d’expertise disponibles ne sont pas si nombreux et, dans le long terme, la progression de carrière ne peut pas être la seule motivation des employés (Fuchshuber, à paraître).
Les organisations du secteur social partenaires du bénévolat d’entreprise
5 Les bénévoles représentent une ressource importante pour les OSS. Ils peuvent apporter leur contribution en tant que profanes, experts, aidants, travailleurs intellectuels ou partenaires de coopération, comme le montre un article de la littérature spécialisée de Sibylle Studer et de Georg Von Schnurbein (2012). Ils travaillent souvent directement avec les clients alors que le personnel rémunéré est plus concerné par les tâches conceptuelles et administratives (Huski-Leventhal et alii, 2010). Grâce à l’aide de bénévoles, le personnel professionnel peut se concentrer sur d’autres objectifs. Les OSS, comme les organismes bénévoles en général, ont réagi aux transformations sociales et culturelles qui ont eu lieu dans le domaine du volontariat ces dernières années (Hustinx, 2011). En raison de la complexité croissante des problèmes sociaux, le professionnalisme, la nécessité de travailleurs intellectuels se sont fait sentir pour soutenir les activités des OSS et l’implication d’autres acteurs extérieurs. Le paysage du bénévolat a complètement changé pour ces organisations. Elles répondent à ces nouvelles exigences par des choix internes et externes. Face aux changements externes, elles essaient de tenir compte du « cocktail » des modèles de bénévolat, collectifs ou individualisés, en offrant des possibilités de bénévolat épisodique et axé sur les projets (Backhaus-Maul, 2003, Hustinx et Meijs, 2011). Elles prennent de plus en plus de dispositions fonctionnelles individualisées pour les bénévoles et se considèrent comme des structures « facilitantes », médiatrices entre le projet spécifique et les bénévoles (Hustinx, 2003). Elles créent souvent des activités conjointes avec des partenaires externes, comme les gouvernements nationaux (les jours de service), les entreprises (le bénévolat d’entreprise) et les établissements d’enseignement (l’apprentissage par le service) (Hustinx, 2011). Les fonctions du bénévolat avec des tâches désignées sont conçues et communiquées de façon à répondre aux demandes des bénévoles d’aujourd’hui, d’enrichissement des compétences personnelles et professionnelles et d’efficacité. En interne, les OSS ont adopté des outils de gestion professionnels pour leur travail avec les bénévoles. Les pratiques de gestion des ressources humaines comme le recrutement, le perfectionnement du personnel par la formation, le soutien continu grâce au coaching ou la supervision et les systèmes de reconnaissance sont systématiquement utilisés (Kaltenbrunner, 2009, Studer et Von Schnurbein, 2012). Les coordonnateurs de bénévoles sont mis en situation de référents à la disposition de ces derniers pour toutes sortes de demandes. Seulement quelques recherches ont étudié, à ce jour, les effets et l’efficacité de ces pratiques de gestion des bénévoles. Les effets positifs ont pu être identifiés sur des volontaires : satisfaction, engagement et ancienneté. La formation notamment, le soutien et le choix des activités influencent positivement les bénéfices personnels et les contributions perçues. D’autres études signalent qu’il est encore plus important de créer une culture de valeurs partagées et de collaboration constructive entre les bénévoles et le personnel rémunéré (Studer et Von Schnurbein, 2012). La voie de l’intégration des bénévoles doit être dessinée par les OSS. Alors que les bénévoles d’hier se contentaient de s’engager et de travailler, ceux d’aujourd’hui aspirent à être plus impliqués dans les équipes et dans les processus démocratiques de décision. De toute évidence, de nombreuses OSS ont dû subir des changements pour répondre à ces nouvelles exigences (Backhaus-Maul, 2003).
6 Les avantages, les opportunités et les défis pour les OSS à prendre part à des partenariats de volontariat avec les entreprises sont les suivants. Grâce à des partenariats avec le secteur à but lucratif, les OSS peuvent améliorer leur disponibilité de bénévoles et leurs canaux de recrutement. Habituellement, un grand nombre de salariés d’entreprise et de membres de leurs familles et amis découvrent alors la possibilité de faire du bénévolat dans une organisation à but non lucratif. L’expérience suisse montre que environ 60 % des bénévoles d’entreprise continuent de collaborer avec l’organisation sur du long terme après le projet de bénévolat d’entreprise (Seitenwechsel, 2002, Mauhart, 2004). Souvent, le soutien financier va de pair avec le bénévolat d’entreprise (Schoenig et Krauss, 2002). En outre, un nombre important de connaissances des professionnels (gestion) peut être partagé avec les entreprises ou leurs gestionnaires (connaissances en informatique). Par exemple, le responsable des ressources humaines d’une entreprise peut être le mentor d’un gestionnaire bénévole. L’amélioration des compétences, des connaissances et du professionnalisme peut être atteinte (Huski-Leventhal et alii, 2010). En contrepartie, dans des projets d’échange spécifiques, les gestionnaires d’entreprise peuvent apprendre du travail et de l’expérience de « l’autre organisation » (Drexler, 2006). Alors que les entreprises sont de plus en plus intéressées pour apprendre sur un travail coopératif différent, plus orienté vers d’autres modèles de leadership, les employés ou les gestionnaires des OSS voudraient, eux, améliorer leurs compétences en management. Il est important de noter, cependant, que tous les instruments du monde de l’entreprise à but lucratif ne peuvent être utilisés dans les OSS, et vice-versa, en raison des différences de cultures et de valeurs organisationnelles. Autre effet positif pour les OSS : la médiatisation dans la presse locale ou nationale peut apporter le soutien de donateurs ou de bénévoles supplémentaires Les bénévoles des entreprises parlent des questions sociales dans leurs familles et sur leurs lieux de travail, et aident ainsi à sensibiliser la société à l’importance du travail social. Les réseaux peuvent en être intensifiés. La controverse constructive, à travers la confrontation à de nouvelles idées et visions des bénévoles d’entreprise, peut servir, de temps à autre, à interroger les routines et les pratiques organisationnelles et à réfléchir sur leur actualité et leur efficacité (Mauhart, 2004, Schoenig, 2002). Ainsi, le bénévolat d’entreprise influe positivement sur le développement organisationnel, la promotion du professionnalisme et la qualité du travail. Les défis pour l’OSS portent sur les coûts de la coordination et de la gestion des projets, sur la rencontre des attentes et des objectifs du partenaire externe (la responsabilité de l’atteinte des objectifs) et sur les risques, pour son identité, de l’ouverture de la culture de l’organisation. Les réactions négatives des salariés des OSS peuvent venir d’une augmentation de la charge de travail (préciser les tâches à d’autres, les superviser) et des craintes de perte de la qualité du travail social. Comme les volontaires d’entreprise aiment être impliqués dans les processus de décision, les choix d’orientation peuvent en être influencés (Mauhart, 2004). Une autre critique importante du partenariat avec le monde des entreprises porte sur la perte d’indépendance, de crédibilité et le transfert possible de l’image du partenaire privé sur celle de l’OSS. Les parties prenantes, en particulier les donateurs, croient en l’idéalisme de ces organisations et ces types de partenariats pourraient être regardés d’une manière critique. Dans le long terme, le partenariat avec les organisations à but lucratif pourrait conduire à une diminution des financements publics et une nouvelle réduction des budgets pourrait en être la conséquence. La responsabilité des problèmes sociaux semble se déplacer de plus en plus sur d’autres acteurs que l’État, les régions ou les municipalités, et d’une certaine façon, par voie de conséquence, la mise à disposition d’un certain type de travail social finit par dépendre des décisions d’organisations privées. Les groupes marginalisés de la société pourraient voir s’accroître le risque de sous-provision ou de cessation de services pour ceux d’entre eux qui ne seraient plus considérés comme des groupes cibles par les entreprises ou les autres partenaires externes (Mauhart, 2004).
7 Les États nationaux, les régions et les municipalités sont devenus d’importants partenaires externes assurant la promotion du bénévolat par le biais des entreprises et des établissements d’enseignement et de formation. Ils investissent dans la création d’agences favorisant la rencontre des organisations bénévoles et des volontaires, individuels ou d’entreprises (Huski-Leventhal et alii, 2010). Néanmoins, l’inclusion de volontaires issus des entreprises est un moyen important pour montrer aux parties intéressées l’importance et les bienfaits du travail social et contribuer à diminuer les opinions préconçues entre groupes sociaux.
Les exigences pour des partenariats d’entreprises fructueux
8 Pour réaliser des coopérations intersectorielles fructueuses, les deux parties, les entreprises et les OSS, doivent être des partenaires égaux. Chaque partie a sa valeur et le travail de part et d’autre doit être reconnu. L’OSS ne peut pas se sentir dans une position mineure si, dans une coopération, une entreprise et ses employés en tirent également des bénéfices. (Schoenig et Krauss, 2002). Les attentes et les objectifs doivent être discutés à fond. C’est alors seulement que des programmes spécifiquement adaptés peuvent être développés. Le volontariat d’entreprise est plus utile pour les OSS si les entreprises ont des intentions à long terme et intègrent leur projet d’une manière stratégique et durable dans leur travail (en y réservant le budget et le temps). Il est recommandé que les entreprises s’engagent dans leur cœur de métier, comme les entreprises de consulting qui fournissent du conseil ou les entreprises de nouvelles technologies qui mettent en œuvre des solutions informatiques. La stratégie mise en place consiste aussi, pour l’entreprise, à travailler de concert avec ses employés sur un projet à long terme (Schoenig et Krauss, 2002). Les conditions suivantes doivent être prises en compte : le postulat suprême du bénévolat d’entreprise est que les employés décident librement de participer ou non ; tous les employés doivent avoir la possibilité de faire du bénévolat ; les bénévoles d’entreprises doivent être préparés et formés pour les situations qu’ils rencontreront. Pendant le volontariat, ils doivent être encadrés en continu et, à la fin de leurs fonctions, ils doivent avoir la possibilité de réfléchir sur les tâches accomplies, en collaboration avec le personnel de l’OSS. Le temps de feed-back en particulier ne doit pas être sous-estimé car la rétroaction qualitative de « l’autre partie » peut être d’une valeur unique. Au sein des entreprises, personne n’a généralement le temps de donner du retour de façon intense (Drexler, 2007). Il est important d’intégrer le point de vue des employés, où et comment ils aimeraient faire du bénévolat. Cette information peut être obtenue au moyen d’un sondage auprès des employés. Ce n’est qu’en prenant en compte les perceptions de chaque personne qu’un soutien durable et efficace pour les OSS peut être atteint (Blumberg et Scheubel, 2007). Les personnes de référence sélectionnées doivent être à la disposition des employés des deux côtés. Le bénévolat d’entreprise est un programme vivant qui doit pouvoir subir des changements de temps à autre. Les partenaires de la coopération doivent correspondre par la taille, le nombre de bénévoles d’entreprise et les perspectives temporelles (à long terme).
Les formes de bénévolat d’entreprise
9 Le volontariat d’entreprise peut avoir des formes multiples qui diffèrent dans leur durée et l’intensité des projets entrepris. La diversité des facettes du bénévolat d’entreprise présentée dans la littérature concerne principalement des projets axés sur le développement des ressources humaines (Heuberger, 2004, Pinter, 2006). Cette section présente brièvement quelques exemples connus de ce genre de bénévolat :
10 1) Le soutien des initiatives des salariés : les entreprises peuvent parrainer l’engagement social (singulier) de leurs employés. Certaines sociétés renforcent les partenariats avec des agences de volontaires. Ce type de soutien influe positivement sur la relation entre les employés et les entreprises par la reconnaissance du travail volontaire.
11 2) Les journées d’action : les équipes ou tous les employés intéressés d’une organisation à but lucratif s’engagent dans un projet avec le secteur social pour un temps limité (1 ou 2 jours). Les personnes travaillent ensemble dans un cadre totalement inconnu sur une action sociale déterminée (par exemple la construction d’une aire de jeux pour les enfants). Pour la réalisation du projet, il est important de travailler ensemble dans le cadre hiérarchique habituel. Les compétences sociales, de communication et de travail en équipe peuvent être ici formées. À la fin de la (les) journée(s) d’action, le résultat ou le succès devrait être visible pour tous les participants. Ce genre d’activité de volontariat d’entreprise est comparable à de la formation hors les murs mais effectué dans une situation réelle et dans un but socialement utile (Pinter, 2006).
12 3) Le mentorat : la définition classique de mentorat se réfère à l’activité d’une personne expérimentée (mentor) qui partage des connaissances et de l’expérience avec une personne plus jeune ou moins expérimentée (le mentoré) en vue de renforcer son développement personnel et professionnel. Le mentorat peut être proposé à tous les employés, indépendamment de l’âge ou du niveau. Le mentorat est, par exemple, adapté pour dispenser de la formation pour l’orientation professionnelle de jeunes socialement défavorisés, former des chômeurs à des programmes informatiques. Le mentorat nécessite une préparation spéciale du mentor et du mentoré (Pinter, 2006). L’utilisation des compétences professionnelles dans un but non commercial améliore les niveaux de satisfaction au travail et la motivation.
13 4) Les détachements : les employés sont détachés auprès d’une OSS pour réaliser un projet, sur un temps limité, avec maintien intégral du salaire payé par l’entreprise. Aux États-Unis, les détachements sont également appelés des programmes de « mise à disposition de cadres ou d’employés » (Loaned executive). Ces programmes durent généralement de six mois à un an. L’expertise professionnelle de l’entreprise sur une tâche convenue, comme par exemple la (ré-) organisation de la collecte de fonds pour l’organisation, peut s’avérer d’une importance capitale pour la réalisation des objectifs de l’OSS. Les salariés détachés s’engagent sur des postes de direction ou d’experts et ont en charge certains projets. Les tâches et les responsabilités de l’agent détaché sont généralement similaires à celles de son travail dans l’entreprise, mais le contexte et le cadre d’action sont complètement différents (Heuberger, 2004). Les projets « Pro-bono » figurent dans cette catégorie. Des détachements peuvent être initiés pour trois groupes cibles : les jeunes professionnels, les jeunes cadres ou les personnes avant leur départ en retraite (Pinter, 2006). Les employés peuvent ainsi utiliser leurs connaissances pour une bonne cause et sont en capacité de développer davantage leurs compétences professionnelles, managériales et sociales.
14 5) Les projets de développement : le groupe cible des projets de développement en volontariat d’entreprise peut être soit un groupe d’individus soit une équipe (Heuberger, 2004). Ces projets définissent les missions à remplir dans un laps de temps convenu et permettent aux volontaires d’entreprise d’utiliser leurs connaissances professionnelles pour une initiative donnée, comme l’organisation d’un événement. Les projets de développement se réfèrent souvent à toutes sortes de projets qui permettent le contact direct entre les volontaires d’entreprise et les clients de travail social (dans ce cas ils sont organisés de la même façon qu’un stage). Il arrive souvent que les employés ou les jeunes cadres accomplissent des tâches habituellement accomplies par des travailleurs sociaux, ou du personnel d’autres services, dans un laps de temps convenu et sous la supervision d’un professionnel. Par ce moyen, les employés sont en situation de mieux comprendre la réalité des autres et d’être sensibilisés aux problèmes touchant souvent aux limites existentielles des êtres humains. Ces projets ont pour objectif de faire entrer les volontaires d’entreprise dans un véritable processus d’apprentissage et de leur faire percevoir le travail dans une nouvelle perspective (Pinter, 2006). Ils forment ainsi leurs compétences à la recherche de solutions créatives et développent leurs compétences sociales et de communication (Martin et Deierling, 2010). Les projets de développement connus dans les pays d’Europe centrale sont les projets, suisse « Seitenwechsel », autrichien « Bruckenschlag » et allemand « Switch » (Schoenig et Krauss, 2002).
Le témoignage des organisations du secteur social dans la région de Vienne
15 Le travail bénévole est un élément essentiel pour de nombreuses OSS en Autriche. Sur un total d’environ 3 millions de bénévoles, environ 2 millions sont engagés dans un travail bénévole structuré avec une organisation. En ce qui concerne le secteur social, on recense plus de 227 000 personnes engagées dans ce type d’activité. Sur plus de 14 millions d’heures hebdomadaires de travail bénévole effectuées, près de 600 000 heures sont consacrées au secteur social [4]. Une étude datée de 2006 montre que près de 5 % de toutes les organisations à but non lucratif sont impliquées dans des projets de volontariat d’entreprise (Bomber, 2007, Diaconesco, 2010). Le volontariat d’entreprise est devenu de plus en plus populaire ces dernières années, impliquant presque exclusivement des branches locales d’entreprises internationales. 2011, l’Année européenne du volontariat, a vu le lancement de nombreuses initiatives de volontariat et les projets existants ont été intensifiés. Les résultats suivants sont basés sur une étude qualitative dans le cadre du programme de Master européen SOWOSEC de Vienne, auprès des treize organisations viennoises du secteur social qui participent actuellement à un projet de bénévolat d’entreprise. Toutes les OSS impliquées dans des programmes de volontariat d’entreprise ont été interviewées. Les entrevues ont été menées avec le coordonnateur responsable du programme bénévole au sein des OSS. Les personnes interrogées occupent différents postes, tels que manager de bénévoles et responsable des ressources humaines. Les entretiens qualitatifs sont exploités par la méthode de l’analyse de contenu selon Mayring (1995). Cette partie fournit des indications intéressantes (Quehenberger, 2012). Fondamentalement, tous les projets existants de volontariat d’entreprise de l’étude portent sur des projets locaux d’OSS. Les personnes interrogées ont déclaré avoir été impliquées dans le bénévolat d’entreprise, sur des amplitudes de temps différentes, à partir de partenariats récents datant de quelques semaines à 5 voire 7 ans. Certaines organisations ont souligné un intérêt grandissant des entreprises sur les 2 dernières années qui pourrait être corrélé à une diffusion croissante des politiques de RSE et aux effets de sensibilisation de l’Année européenne du volontariat. En outre, la possibilité de gagner un prix (Trigos) pour les meilleurs projets de bénévolat d’entreprise réalisés pourrait avoir eu un effet positif sur les relations publiques tant pour les entreprises que pour les OSS.
Les formes de projets de bénévolat d’entreprise
16 Différentes formes de volontariat d’entreprise coexistent dans le groupe des organisations interrogées et à l’intérieur d’une même initiative. Les détachements se traduisent par des partenariats à long terme avec une entreprise à but lucratif ou une agence de volontaires comme Vernetzte Welten. Souvent, les agences de bénévoles jouent un rôle d’intermédiaire entre la demande et l’offre. Les détachements durent généralement plus longtemps (de 6 à 9 mois) et permettent aux bénévoles d’entreprise d’utiliser les compétences de leur cœur de métier sur un nouveau terrain. Les Journées d’action (un ou deux jours par an) : elles peuvent occasionner un engagement ponctuel ou dans la durée, aussi longtemps que l’association en a besoin. Les entreprises affichent les possibilités d’action sur leur intranet ou bien elles alimentent une base de données et des groupes d’employés peuvent s’inscrire pour l’occasion. Cette forme de journées d’action en continu implique des partenariats à long terme avec l’entreprise. L’expérience d’une organisation montre que ces projets d’action impliquant des tâches manuelles a eu un effet positif sur la compréhension mutuelle entre clients et bénévoles des entreprises. Les programmes de volontariat continu des entreprises sont organisés à certaines heures de la semaine sur le long terme (impliquant le temps libre des salariés). Les bénévoles des entreprises peuvent assurer le transport des aliments vers les marchés sociaux. Ces tâches nécessitent peu de professionnalisme ou de préparation mais elles sont importantes pour la chaîne d’approvisionnement des marchés sociaux. Les partenariats de développement se déroulent généralement sur une période plus courte d’une ou deux semaines (organisés par le Bru?ckenschlag, organisme bénévole, par exemple), ils impliquent un travail avec les clients – lorsque cela est possible – compte tenu du niveau de professionnalisme en travail social nécessaire et de la compréhension des tâches qu’en ont les bénévoles d’entreprise. Une attention particulière est accordée à leur formation dans l’activité de volontariat, aux explications pendant la mission bénévole, et au temps de réflexion et de feed-back après le projet de bénévolat. Habituellement, les entreprises commencent leur coopération en présentant leurs intentions et un projet planifié. Les OSS décident si elles peuvent répondre à la demande en fonction du temps de mise à disposition proposé, du nombre de bénévoles d’entreprise, des attentes de l’entreprise et des tâches qu’elles trouvent adaptées à tous les participants. Parfois, les organismes bénévoles jouent un rôle important dans la recherche et la définition des tâches spécifiques adaptées au bénévoles. Certaines des organisations interrogées disent que le point de départ ce sont les idées et les souhaits de l’entreprise. À l’étape suivante, l’OSS ne peut que développer un programme de bénévolat d’entreprise répondant au projet de l’entreprise à but lucratif ou exprimer ses regrets de le décliner. La négociation est donc une phase importante pour une partie des organisations interrogées. Une manière efficace de commencer et de maintenir la coopération consiste à constituer une base de données sur l’intranet de l’entreprise. L’organisation du secteur social y communique ses besoins actuels sous forme d’emplois et de tâches et les bénévoles d’entreprise y participent en cas d’intérêt. Le démarrage d’une coopération et la possibilité d’une base de données comme support pour la collaboration ne sont pas mentionnés pour le moment dans la littérature sur le bénévolat d’entreprise.
Exigences des organismes du secteur social pour une coopération fructueuse
17 Pour les OSS, il est important d’avoir une coopération à long terme avec les entreprises. Des journées d’action, à court terme, peuvent être le prélude à une coopération durable mais d’un autre côté les programmes à la journée nécessitent beaucoup de ressources (présence des employés, encadrement, supervision, etc.). Pour cette raison, certaines organisations refusent clairement de mettre en place des journées d’action de bénévolat d’entreprise si elles ne s’adaptent pas complètement aux tâches quotidiennes. Le temps de détachement doit être d’une durée adéquate car chaque volontaire d’entreprise a besoin d’un nombre de semaines pour s’adapter à la nouvelle organisation et en comprendre les tâches. Créer une situation gagnant-gagnant, pour toutes les parties concernées, implique d’avoir une compréhension commune de la valeur du travail. Plusieurs personnes interrogées ont souligné l’importance de l’ouverture et l’intérêt des deux parties. La discussion sur les objectifs, les questions pertinentes et les conventions devraient tenir compte des nécessités de tous les partenaires de manière égale. Ces remarques vont totalement dans le sens de la littérature existante sur ce sujet (Schoenig et Krauss, 2002). Pour les OSS, il est important de constater une valeur ajoutée du volontariat d’entreprise pour les clients. Cette perspective n’a pas été mentionnée jusqu’à présent dans la littérature. Il est nécessaire que l’OSS indique clairement ce qu’elle peut et ce qu’elle veut faire avec le bénévolat d’entreprise. Le partenariat doit avoir un sens et un résultat satisfaisants pour toutes les parties. Si les demandes ne peuvent être satisfaites, il est préférable de refuser, d’une manière diplomatique, de coopérer. Il est important de recueillir l’approbation de toutes les personnes impliquées : les employés, les clients et les bénévoles de l’entreprise. Des ressources internes doivent également être mises à la disposition du projet de bénévolat d’entreprise au sein de l’OSS (employés, temps de préparation du processus en cours, temps de réflexion). Des personnes référentes doivent être également disponibles. La question des ressources a été partiellement abordée dans la littérature existante mais d’une manière moins détaillée (Blumberg et Scheubel, 2007). Une constatation intéressante porte sur l’implication du « top management », soulignée de manière explicite lors des entretiens : « Si l’organisation tout entière, les chefs, ne le prend pas en charge [le projet de bénévolat d’entreprise] il ne fonctionne pas. Que la direction soutienne le travail est vraiment très important. Je crois qu’il est extrêmement important que le management, ou la personne qui en a la charge, apporte son soutien ». Cependant, les tâches accomplies doivent s’insérer dans le rythme habituel de l’organisation. Cette demande explicite des OSS est un point important qui n’a pas été signalé dans la littérature à ce jour (Schoenig et Krauss, 2002, Blumberg et Scheubel, 2007). Elle peut être d’une certaine importance pour les clients, l’entreprise et ses bénévoles. Les emplois professionnels doivent être occupés par un personnel professionnel. Il y a certains lieux d’exercice du travail social où les personnes extérieures ne devraient pas interférer, par exemple les appartements-foyers car l’entrée des volontaires pourrait être perçue par les clients de façon négative, comme une violation de leur vie privée. Une personne interrogée fait remarquer ce qui suit : « Certains points ne peuvent pas être remplis. Quand les gens viennent et me disent qu’ils veulent venir avec moi dans un appartement partagé par des enfants et des jeunes et qu’ils veulent y jouer et prendre soin des enfants, alors je leur dis : pas avec moi. La vie privée est un droit et, dans un espace privé, un inconnu n’a pas à y pénétrer ». Les bénévoles d’entreprise doivent être préparés et accompagnés en permanence sur leur lieu d’affectation. Cette affirmation fait consensus chez la plupart des personnes interrogées. « Des ateliers informant sur le comportement du groupe cible (tel que de jeunes autistes ou des jeunes au comportement agressif) devraient être programmés à l’avance ». La formulation explicite des besoins et conditions qui posent les bases d’une coopération fructueuse apporte des éclairages nouveaux et détaillés dans le point de vue des OSS.
Avantages pour l’Organisation du secteur social
18 Fondamentalement, il y a un accord commun sur l’intérêt d’avoir un expert, extérieur à l’organisation, prêt à partager son expertise professionnelle et ses connaissances d’une autre sphère paradigmatique. Une personne interrogée souligne « qu’avoir un expert externe est une façon très économique d’intégrer de la connaissance professionnelle ». On souligne également qu’un regard extérieur aide les OSS à bien des égards. La possibilité d’un intense feed-back donne une nouvelle impulsion au travail et vice versa. Les avantages d’un échange mutuel de connaissances ont déjà été formulés dans la littérature (Drexler, 2006). Les bénévoles d’entreprise sont des « porte-parole » de l’importance du travail social auprès de leurs amis et des autres parties prenantes. La rencontre, habituellement positive, avec un monde différent et le compte rendu qu’ils en font peuvent attirer de nouveaux bénévoles ou de nouveaux donateurs. Des effets positifs de relations publiques peuvent ainsi être obtenus. Il se propage ainsi plus de connaissances sur le rôle du travail social, souligné par ces propos : « Un autre grand avantage c’est qu’on se fait plus connaître dans d’autres secteurs que le secteur social ». Certains notent la valeur ajoutée pour les clients des activités proposées par les bénévoles d’entreprises, activités qui ne pourraient pas être fournies par le personnel permanent. Grâce au bénévolat d’entreprise, des contacts et des réseaux se créent entre différents secteurs qui, dans le long terme, peuvent attirer de nouveaux employés et bénévoles. Comme le montre la recherche, la majorité des bénévoles reste en contact avec l’organisation après le projet de volontariat d’entreprise. En conséquence, l’organisation se doit aussi de construire une relation avec les employés en dehors de l’entreprise (Blumberg et Scheubel, 2007). Les contacts peuvent également aider à de futures collectes de fonds (aides monétaires et dons en nature). En dehors des avantages économiques et d’aide au changement, une personne interrogée a clairement souligné « la possibilité d’entrer en contact avec des gens intéressants sur le plan personnel ». Cette évaluation à un niveau plus personnel n’apparaissait pas dans la littérature. En général, les personnes interrogées ont une approche positive du bénévolat d’entreprise et de ses avantages pour les clients et le développement de l’organisation. Certains expriment une vision plus critique sur ce sujet par l’aveu du bout des lèvres de la négligence de l’entreprise sur des aspects éthiques.
Défis et expériences négatives
19 Il y a un commun accord pour dire que le secteur lucratif entretient souvent la croyance romantique qu’en mettant des employés à la disposition des organisations du secteur social il soutient déjà suffisamment leur travail. Pour plusieurs partenaires interviewés, trouver comment faire face avec ces vues irréalistes constitue un défi. Les projets à court terme ne sont généralement pas compatibles avec les besoins des organisations. Il y a automatiquement des contraintes professionnelles, de temps et d’espace quand on met en œuvre une activité pour une variété de bénévoles d’entreprise : « Les entreprises ont rarement conscience qu’il faut un temps de préparation de plusieurs semaines pour qu’une activité commune fonctionne », relève une personne interrogée. Les employés ont un emploi du temps serré et n’ont pas la disponibilité nécessaire pour superviser les bénévoles d’entreprise. Ils ne se sentent pas responsables de la construction d’activités d’équipe. Il est de surcroît important de ne pas négliger les bénévoles « classiques ». Si les projets de volontariat d’entreprise ne sont pas élaborés ou mis en œuvre d’une manière professionnelle, une publicité négative pourrait retomber sur l’OSS. Toutes les personnes interrogées ont souligné l’importance croissante du bénévolat d’entreprise. Il y a plus de demande pour les projets de volontariat d’entreprise que d’offre. Alors que les fonds publics se sont réduits, le bénévolat d’entreprise – comme le bénévolat en général – permet de maintenir un certain niveau de service qui, autrement, ne serait pas possible. En période de compression sévère des moyens de l’État-providence, les partenaires privés doivent être pris en considération. Certains croient que la collaboration avec des agences de volontariat comme Teamworks (Travail d’équipe), Vernetzte Welten (Mondes connectés) et Bru?ckenschlag (Construire des ponts) sera d’une plus grande importance. L’échange d’expériences et de connaissances peut être intensifié dans les partenariats intersectoriels. Ces résultats soulignent clairement la perspective du niveau méso, en particulier des OSS, sur le thème du bénévolat d’entreprise et donnent un aperçu important de leurs besoins. Dans l’ensemble, les organisations interrogées donnent une critique positive, voire expriment une opinion convaincue des bénéfices de ces projets.
Le rôle de l’État dans la promotion du bénévolat d’entreprise
20 Dans les dernières années, le paysage du bénévolat a complètement changé. Le bénévolat est devenu un phénomène plus complexe. En période de pénurie de fonds et de réductions budgétaires, les États, les régions et les municipalités ont commencé à promouvoir de nouvelles formes de bénévolat. Le rôle des institutions publiques est plus un rôle de médiation et de préparation que d’action. Elles investissent dans la création d’agences de volontariats, d’organismes de bénévoles pour lier l’offre et la demande. Dans la perspective des changements démographiques actuels et futurs, les possibilités d’augmenter les impôts et les cotisations sociales sont limitées. Les entreprises et les établissements d’enseignement, en encourageant le bénévolat, représentent une contribution importante à une politique active d’intervention sociale, avec la même quantité de ressources, et des services qualitativement et quantitativement de niveau égal (Backhaus-Maul, 2003). Certes, on peut trouver des avantages et des inconvénients à l’engagement des entreprises et à leurs effets sur les pratiques de bénévolat. Comme les États-providence sont de plus en plus sous pression dans la plupart des pays occidentaux, on peut craindre que l’action sociale n’ait à faire face à de prochaines réductions des fonds publics. Ainsi, la prestation et la qualité de certains services pourraient être remises en question. Le secteur privé aura tendance à s’engager dans des projets visibles pour la société. Il pourrait ne pas investir dans des domaines du travail social qui ne conviennent pas à son image (Mauhart, 2004, Huski-Leventhal et alii, 2010). L’intégration des bénévoles est un atout important pour de nombreuses OSS et leur contribution est sans doute nécessaire pour la diversité des prestations de services. Mais les bénévoles ne peuvent pas combler le vide créé par les coupes budgétaires dans les systèmes de protection sociale. Comme il est clairement indiqué dans la recherche, certaines tâches ne peuvent être accomplies que par des travailleurs sociaux et non par des bénévoles qui conduisent des tâches complémentaires. L’implication des entreprises dans la promotion du bénévolat d’entreprise s’est accentuée dans les dernières années, comme les résultats de notre étude SOWOSEC le montrent. Grâce au volontariat d’entreprise, de nombreuses OSS sont capables de fournir des services difficiles à financer autrement. Le volontariat d’entreprise est un lien important entre la communauté et les organisations du secteur social, et une façon de promouvoir la solidarité. Cependant, le bénévolat ne peut être qu’une partie de la solution dans la discussion actuelle sur l’engagement de l’État-providence. Cet article, appuyé sur une étude empirique exploratoire, donne de nouvelles perspectives approfondies sur les besoins et exigences des OSS concernant les projets de volontariat d’entreprise. L’étude s’est intéressée au niveau local à des initiatives de volontariat en Autriche. Les recherches futures pourraient également s’intéresser de plus près aux perspectives de participation des OSS à des projets de volontariat à l’échelle mondiale. Comme le soulignent également les participants à l’étude, les recherches à venir et leur communication, à travers la presse et le lobbying, devraient mettre plus l’accent sur les organisations du secteur social. Cela aiderait à construire des ponts plus nombreux et plus fructueux.
21Ce texte a été traduit de l’anglais par Yves Coutand que nous remercions.
Bibliographie
Bibliographie
- BACKHAUS-MAUL Holger, « Burgerschaftliches Engagement in den USA », in Schöffmann Dieter, Wenn alle gewinnen, Hamburg, Körber Stiftung, 2003.
- BLUMBERG Martin, SCHEUBEL Veronika, Hand in Hand, Bremen, brands and values GmbH, 2007.
- BUNDESMINISTERIUM FÜR ARBEIT, SOZIALES UND KONSUMENTENSCHUTZ (FEDERAL MINISTRY FOR WORK, SOCIAL AFFAIRS AND CONSUMER PROTECTION), Freiwilliges Engagement in Österreich, 2009.
- DIEHL Benjamin et CONRAD Christian, « Corporate Volunteering. Chance fur das Talentemanagement », in Wirtschaftspsychologie aktuell, 3/2008.
- Diaconesco, Einfluss von Unternehmenskooperationen mit NPOs auf das Humankapital der erwerbswirtschaftlichen Organisationen, Vienna, Wirtschaftsuniversität Diplomarbeit, 2010.
- DREXLER Bettina, Learning on the job of another, in Wirschaftspsychologie, n° 1/2007.
- FLATO Erhard, REINBOLD-SCHEIBLE Silke, Zukunftsweisenden Personalmanagement, Munchen, mi-Fachverlag, 2008.
- FUCHSHUBER Eva, « Corporate Volunteering. Ein vielseitig unterstutzendes Instrument fur die Personalarbeit in Organisationen », in ICEP, Casebook of Corporate Volunteering, Vienna, à paraître.
- HASKI-LEVENTHAL Debbie, « The Third-Party Model : Enhancing Volunteering through Governments, Corporations and Educational Institutes », in Journal of Social Polica, 39/1/2010.
- HEUBERGER Andreas, Corporte Volunteering, Forms of use and Potentials for HR, Vienna, 2004.
- HUSTINX Lesley, MEIJS Lucas, « Re-embedding volunteering : in search of a new collective ground », in Voluntary sector Review, volume II/1/ 2011.
- HUSTINX Lesley, LAMMERTYN Frans, « Collective and Reflexive Styles of Volunteering. A Sociological Modernization Perspective », in Voluntas. International Journal of Voluntary and Nonprofit Organizations, volume XIV, n° 2, 2003.
- JANES Jackson, « Philantropie und Engagement amerikanischer Unternehmen », in Schöffmann, Wenn alle gewinnen, Hamburg, 2001.
- KALTENBRUNNER Katharina. Integriertes Freiwilligenmanagement in großen Fremdleistungsorientierten Non-Profit-Organisationen, Frankfurt-Wien, Lang, 2010.
- LUDOWIG Kirsten, « Corporate Social Responsibility Grun oder sozial », in Junge Karriere, n° 09, 1er septembre 2009.
- MARTIN Thomas et DEIERLING Nina, « Hilfe die ankommt », in Personalwirtschaft, octobre 2010.
- MAUHART Julian, « Corporate Volunteering : Nutzen und Kosten, Chancen und Risiken aus Sicht der Non Profit Organisationen », Wirschaftsuniversität Diplomarbeit, Wien, 2004.
- MAYRING Philipp, Qualitative Sozialforschung, GmbH, 1995.
- NESBIT Rebecca, GAZLEY Beth, « Patterns of Volunteer Activity in Professional Associations and Societies », in Voluntas, 2011.
Autres sources
- http://www.europeanvaluesurvey.eu/evs/surveys/survey-2008.html
- http://ec.europe.eu/citizenship/pdf/executive_summary_volunteering_de.pdf
Notes
-
[1]
Selon la Commission européenne, 2012.
-
[2]
Dans le texte, le terme « clients » sera employé au sens de « bénéficiaires ».
-
[3]
Bénévolat d’entreprise et volontariat d’entreprise seront utilisés sans distinction.
-
[4]
Selon le Ministère fédéral du Travail, des Affaires sociales et de la protection des consommateurs autrichien, 2009.