« Le point de la situation : la position Deligny, c’est le détournement de la position de l’éducateur spécialisé, dans ou hors l’institution.L’éducateur spécialisé est un « travailleur social qui doit remplacer implicitement les pères et mères de famille momentanément absents ou définitivement absents » (Congrès de l’UNAR de 1951). C’est quelqu’un qui malgré son titre n’a aucune compétence précise, à l’inverse de l’éducateur technique ou du moniteur, dont la fonction – la seule – est de prendre en charge la totalité de l’enfant – son temps et son passé, son corps et ses « activités », son essence et sa maladie. C’est un individu qui n’a pour ainsi dire aucune identité professionnelle mais qui doit servir comme pérémère de pôle d’identification pour l’enfant. C’est quelqu’un dont la tradition (scoutisme et A.J.) affirme qu’il est un « grand-père » à qui on demande d’être un père.
Surtout.
1. L’Éducateur est quelqu’un qu’on enferme dans une situation duelle faite d’interpellations auxquelles il ne faut pas répondre, d’agressions qu’il faut interpréter comme signes d’amour, de défenses qu’il faut lire comme des ouvertures. Pôle d’identification il ne trouve son identité qu’à pouvoir dire « ce sont mes gosses », c’est moi qui m’en occupe. Agressions, défenses, messages et leurres font partie du lot quotidien et du matériau de travail de l’éducateur alors qu’il sait pertinemment que les actes éducatifs les plus « efficaces » sont le fait dans l’institution de cette fraction du personnel qui a un « ailleurs », qui s’occupe d’autre chose, qui a autre chose à faire : cuisinière, jardinier, gardien, femme de ménage, personnel de service…