Serial social, Confessions d’une assistante sociale, par Elise Viviand (Editions LLL, 2014, 157 p.)
1 Voici un livre original et passionnant, écrit par une assistante de service social qui est professionnelle depuis une dizaine d’années et qui vient de sortir d’un burn-out. Cet ouvrage témoigne de son parcours professionnel entre un service d’accueil de jeunes toxicomanes et un service innovant d’accueil Mères-enfants. Il est écrit à partir de petites anecdotes sur son quotidien, entre les beaux moments et les aberrations du système, il décrit avec beaucoup d’humour et de lucidité son combat quotidien.
2 Volontiers provocateur, le ton est alerte, loin des poncifs habituels. Exemples : « Face au succès de Indignez-vous, je suis encline à penser que l’indignation n’est plus un sentiment mais un simple exercice intellectuel. Il est bon de croire qu’une pensée hors norme, on en a une… » ou bien intervenant en école de formation, elle clame : « La période glorieuse du travail est derrière nous. Voici les pires années depuis des décennies. » Elle décrit aussi le DALO comme un texte législatif supplémentaire qui alourdit et embarrasse son quotidien : « La fumisterie qu’a été le mouvement des enfants du canal » a conduit a faire passer en priorité certains manifestants sur les listes du relogement prioritaire… au détriment de ceux qu’elle suivait depuis des années. Incisif et intelligent, cet ouvrage est vivifiant et réchauffe l’image de ce métier au plus près de ses dimensions relationnelles essentielles.
3 Patricia Vallet
L’Etat social dans tous ses états. Rationalisations, épreuves et réactions de l’intervention sociale, par Manuel Boucher et de Mohamed Belquasmi (dir.) (L’Harmattan, 2014, 313 p.)
4 Cet ouvrage collectif est le résultat d’un colloque du même titre qui s’est tenu à Marseille en décembre 2011. Ce recueil d’articles est dédié à Robert Castel, décédé le 12 mars 2013, plus qu’une dédicace, un hommage, écrit par Manuel Boucher, lui est consacré en ouverture et nous permet de mieux connaitre le sociologue qu’il fût et l’importance de ses travaux. Il était un penseur des mutations de l’« État social » et l’ambition analytique de ce livre corrobore avec l’ensemble de ses idées. Manuel Boucher rappelle que Robert Castel a notamment mis en relief l’apparition d’un nouveau paradigme, celui de « l’activation ». Autrement dit, la recomposition de l’État qui s’organiserait aujourd’hui, principalement, à partir de la mobilisation des « usagers ». Dans ce cadre, le développement du précariat (institutionnalisation de la précarité) associé au chômage de masse et à la décomposition de la solidarité collective amènerait les travailleurs sociaux à accompagner des « valides invalidés ». En outre, les travailleurs sociaux seraient donc tenus de mobiliser et d’activer les personnes vivant des épreuves difficiles, à les inciter à faire des projets et à entrer dans une « logique de contrepartie » pour mériter les efforts qui sont faits pour eux. Comment s’opèrent la rationalisation et la marchandisation de l’intervention sociale ainsi que les épreuves et les réactions des intervenants sociaux confrontés à ces processus ? Ces mutations concourent-elles à produire une démocratisation du champ social ou, paradoxalement, produisent-elles une complexification des formes de domination ?
5 Voici les questions qui sont le fil conducteur des différents articles trouvés ici. Le recueil n’en compte pas moins d’une quinzaine, répartis en trois sections : « Politiques sociales et logique d’activation », « Pratiques d’intervention sociales et responsabilisations » et « Action sociale et territoires ». Habituellement, je ne lis jamais l’intégralité des articles d’un recueil issu d’un colloque, ils sont souvent inégaux, parfois trop universitaires à mon goût. Mais il y a toujours une exception qui échappe à la règle, et ce fut le cas cette fois-ci. Aucun des articles de cet ouvrage ne m’a poussé à zapper, bien au contraire, je les ai tous trouvés clairs et creusés, et sources d’inspiration pour un travailleur social préoccupé par l’avenir de son secteur et les préoccupations humaines engendrées par l’évolution de la planète « Social ». Les regards portés par l’ensemble des auteurs sont complémentaires et nous conduisent à élargir notre point de vue bien au-delà du territoire français, mais bel et bien dans une dimension européenne et même mondiale. Plusieurs focales nous permettent de prendre connaissance d’expériences de terrain et de pratiques en milieu urbain comme en milieu rural, au Luxembourg, en Allemagne, en Argentine, en Suisse, en Hongrie, à Montréal... On pourrait penser perdre pied dans la diversité des points de vue mais a contrario, il m’a semblé ne jamais perdre le fil d’une pensée moderne qui ne cesse de se recouper et de vouloir, au-delà d’une critique sur le développement de l’idéologie de l’activation, inventer, faire émerger des stratégies d’adaptation, et des contre-conduites productives face à la norme sociétale.
6 Arnaud Papin
Derrière les grilles. Sortons du tout-évaluation, par Barbara Cassin (dir.) (Mille et une nuits, 2014, 368 p.)
7 B. Cassin, philologue et philosophe, directrice de recherches au CNRS, dirige cet ouvrage inscrit dans la continuité de L’appel des appels, groupement, qui a vu le jour, sous le quinquennat de N. Sarkozy comme réaction à ce que des professionnels aux spécialités différentes (psychanalystes, médecins, etc.) considéraient comme développement de la logique libérale. Il rassemble un certain nombre de contribution en deux parties. Dans la première, six contributions évoquent la multiplicité des registres de l’évaluation. L’article de S. Bronstein questionne l’efficacité des grilles de notation financière, des dettes souveraines, des crédits, etc. des Etats ou des entreprises par des organismes privés. Le calcul du risque demeure très aléatoire sur bien des points. A. Ogien analyse comment le vote en 2001 de la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances), qui institue un nouveau mode d’organisation du budget de l’Etat, a introduit la dimension de la pertinence des politiques publiques en mettant en lien l’adéquation entre leurs coûts et les avantages qu’elles procurent. Une rationalité qui prévaut aussi dans le monde universitaire comme le montrent E. Alliez et P. Osborne qui reviennent sur les raisons et les enjeux de la suppression des programmes de philosophie au sein de Middlesex University, au nord de Londres alors même qu’elle fonctionnait très bien.
8 La deuxième partie du chapitre aborde le « profilage ». Nos pérégrinations sur Internet intéressent plusieurs secteurs comme le marketing, la sécurité, etc. Le recueil de données des internautes se fait à partir de critères prospectifs. Or, les qualités potentielles des navigateurs évaluées sur la toile demeurent aléatoires, donc arbitraires. Il en va de même des techniques de détermination des criminels potentiels dans le but de prévenir leurs comportements grâce à des grilles préétablies. Ces dernières, présentées comme fondées scientifiquement, translatent, selon D. Bigo « les pratiques humaines en pratiques machiniques linéaires et irréversibles » (p. 112). D’autres grilles se voulant aussi scientifiques, selon R. Gori et C. Védie, ont cours dans l’évaluation des patients dans le champ psychiatrique et se conforment à un modèle réducteur mettant les personnes concernées dans des cases. Le processus d’expertise qu’elles visent à mettre en place correspond au passage de la psychiatrie à la santé mentale et repose sur une vision prédicative et performative qui « valide des préjugés moraux et politiques sous le masque d’une objectivité formelle » (p. 149).
9 La deuxième partie revient sur la manière dont plusieurs métiers, des secteurs sanitaire, social ou juridique, sont impactés par la logique de l’évaluation. Une logique qui risque, à terme, de faire perdre aux professionnels l’essence même de leurs interventions qui repose sur la prise des désirs, des sensations des personnes suivies. Si le besoin d’évaluer est une nécessité, le risque que l’évaluation devienne une fin en soi est bien patent. Un point commun entre les auteurs dans cette partie insiste sur le fait que l’évaluation nous prive du langage et de la faculté ou du goût du jugement. Elle pose un cadre qui contrôle, une financiarisation des actions et rejette la faculté de jugement permanent des individus non des celles des grilles aseptisées.
10 Cet ouvrage montre comment l’évaluation peut être au service direct ou indirect de la finance. Toutefois, elle comporte aussi des aspects très bénéfiques et positifs. Ses avantages sont multiples : rendre compte de la pratique des professionnels, répondre à des exigences démocratiques de participation, remettre en question une certaine hégémonie de ceux qui détiennent le pouvoir ou l’autorité.
11 Ahmed Lemligui
Le sol et le sang, par Jérôme Luther Viret (Éditions CNRS, 2014, 491 p.)
12 Traitant d’une manière érudite la transmission familiale du XIè jusqu’au XIXè siècle en France, cet ouvrage traite essentiellement de la transmission de patrimoine par rapport à l’évolution des structures familiales.
13 Il s’agit d’un ouvrage ambitieux pour trois raisons. Il traite de 800 ans d'histoire des transmissions et des héritages sur ce qui recouvre aujourd'hui le territoire français. Mais tout au long de cette histoire, ce territoire de référence a connu de nombreux bouleversements influençant pratiques coutumières et règles de conduite à l'intérieur de frontières changeantes. Enfin, il convoque l'histoire du droit, la démographie, et l'anthropologie pour écrire cette histoire de la société française sur le long terme.
14 Comme entrée en matière, l’auteur affirme que « les notions juridiques… se nourrissent de l’état de la société et des conflits qui la traverse… » (p. 17), c’est ce constat qui lui permet de tisser en permanence un lien entre droit et société pour comprendre l’évolution des structures familiales tout au long des siècles.
15 Le livre explique tout d’abord les différences entre droit coutumier et droit Romain, ce qui permet à Jérôme Luther Viret d’exposer le fil conducteur de son ouvrage : le sud de la France cherche principalement à préserver le domaine familial, le droit d’aînesse devient alors la règle, pour assurer un droit du sol. Plus au nord, la famille préfère davantage préserver son patronyme pour conserver le prestige de son nom dans les transmissions familiales.
16 Ensuite, l’auteur aborde le rôle qu’a tenu la propriété terrienne dans cette histoire des transmissions. La terre est présentée à la fois comme le moyen d’accéder à l’élite et de perpétuer ce statut. On comprend alors mieux l’importance symbolique et matérielle qui peut s’être cristallisée autour de la propriété, des valeurs d’héritages et de transmission de patrimoine mais aussi sur la nécessité de faire « de bons mariages ». Ensuite, Jérôme Luther Viret cherche à comprendre les hiérarchies familiales induites par la stratégie de préserver le nom ou le sol. Pour lui, ce n’est pas seulement ces stratégies de préservation qui conduisent à des inégalités au sein même des familles mais également la nécessité pour les ascendants de s’assurer contre les risques liés à la vieillesse et la dépendance. En effet, l’héritier principal doit s’occuper de ses parents. Enfin, l’auteur analyse les impacts de la Révolution Française, et notamment sa suppression du droit d’aînesse sur cette histoire sociale. Il remarque que malgré cette abolition, il persiste une préservation des privilèges dus à l’aîné grâce à la complicité des cadets et des notaires. Finalement, le XIXè siècle permet petit à petit de faire évoluer les représentations des transmissions familiales et d’individualiser les héritages pour aboutir à davantage d’égalité. Il faudra longtemps avant que la Révolution française transforme en norme cette valeur que représente l’abolition du droit d’aînesse.
17 Un ouvrage complet qui se veut une référence pour les historiens traitant de ce sujet, et c’est avant tout à eux que s’adresse l’auteur.
18 Simon Pitaud
Chère mère détestée, par Madeleine Melquiond (Max Milo, 2014, 203 p.)
19 La photo de couverture donne le ton : une photographie de Margaret Thatcher taggée.
20 Madeleine Melquiond débute le portrait de sa mère au pas de charge, une écriture saccadée pour décrire une femme arriviste enchaînant les mariages comme les barreaux de l’échelle sociale laissant sa fille « dans le coin ». A mesure des agissements de sa mère, l’admiration et l’amour de sa fille se muent en dégoût puis en rage. Lorsque sa mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer, cette fille qui pensait avoir rompu tout lien, se trouve prise au dépourvu, contrainte de s’occuper de sa mère incapable de l’abandonner. Mais Madeleine Melquiond ne souhaite pas pour autant faire place à l’oubli, elle choisit sans détour de lui parler de sa maladie et continue d’exprimer ses désaccords à cette mère qui semble, curieusement, perdre la mémoire sur ses agissements les moins reluisants. Puis à mesure que la maladie avance, toutes deux baissent les armes, s’amorce alors le récit d’un lent et tumultueux ré-apprivoisement entre une mère et sa fille. Aucune parole n’exprimera une franche réconciliation. « Ne me demande pas davantage, je t’aime mais je n’arrive pas à te le dire. »
21 Ce récit nous donne à voir une belle leçon d’humilité et d’humanité.
22 Alexandra Barjon
Une approche philosophique du soin. L’éthique au cœur des petites choses, par Marie-Claude Vallejo, (Erès, 2014, 176 p.)
23 Marie-Claude Vallejo, cadre de santé en réanimation, interroge avec sensibilité ce que vivent en ce contexte hospitalier les aides-soignants dans leur relation aux patients.
24 Le livre, bien alimenté en citations de philosophes, est issu d’une recherche réalisée par l’auteur auprès des soignants, dont la parole figure en bonne place dans l’ouvrage.
25 Il y est question de vulnérabilité – de part et d’autre –, de sensibilité, d’empathie, de juste distance dans la relation à l’Autre ; le sous-titre « L’éthique au cœur des petites choses » en souligne l’importance. Ces « petites choses » concernent surtout les moments ordinaires du soin, le moment de la toilette, le moment des repas, qui sont peu valorisés. Pourtant ces temps privilégiés donnent toute valeur à la relation de confiance se jouant entre le patient et le soignant » (p. 108) On y pointe aussi la négligence – ces petites négligences « anodines » – comme une sorte de violence ordinaire.
26 Il s’agit ainsi de faire contrepoids à la logique des plateaux techniques ; « La complémentarité de la technique et de la relation offre un soin exigeant » (p. 148). La compétence technique n’est rien sans le souci éthique. On résumerait l’esprit du livre avec cet extrait : le soignant, « dans le secret de sa conscience, guidé par ses valeurs, ses doutes, va pouvoir redonner sens au soin, redonner confiance ou présence à celui qui vit l’insupportable » (p. 10).
27 Ce livre nous a demandé lecture et relecture pour en apprécier la valeur. Si au départ nous avons eu du mal à accrocher (à cause du style poétique de certains passages), il s’en dégage néanmoins une force, une pensée, un questionnement cernant la réalité de l’éthique : ce que je donne en situation.
28 Didier Morel
Regarde les lumières mon amour, par Annie Ernaux (Seuil/Raconter la vie, 2014, 71 p.)
29 Annie Ernaux fait ici l’ethnographie du supermarché, avec ses valeurs humanistes et sa vivacité critique singulière. Elle se mêle à la foule qui vient là « faire un tour » et porte le regard sur les interdits qui parsèment les rayons (« la consommation sur place est interdite », « interdit de lire dans le magasin ») ou sur le classement consternant des jouets à Noël (chars, robots et putching ball pour l’un, mon fer à repasser, ma mini Tefal, ma petite superette pour l’autre !) Elle sculpte notre regard avec le sien tout au long des slogans (« La vie. La vraie. Auchan ») et son petit relevé de sensations et d’émotions permet de saisir quelque chose de la vie qui passe dans ces non lieux, pourvu qu’on y regarde à deux fois comme la jeune femme qui dit à sa fille dans la poussette en tournant la tête vers les guirlandes « regarde les lumières mon amour »
30 Patricia Vallet
L’utopie, par Norbert Elias (La Découverte, 2014, 151 p.)
31 Le volume rassemble trois réflexions consacrées par Elias à l’Utopie. S’appuyant principalement sur les œuvres de Thomas More et de H.G. Wells, il tente d’apporter des éléments de réponse à deux questions : pourquoi les hommes ressentent-ils, depuis le XVIe siècle au moins, le besoin de se projeter dans des extrapolations utopiques ? ; Ces projections peuvent-elles avoir une valeur prédictive ?
32 Par rapport à cette seconde question, les réponses d’Elias demeurent limitées. Certes, il rappelle bien que Wells, par exemple, avait prédit avec parfois une troublante exactitude, dès le début des années 1900, le premier conflit mondial, la guerre de position et l’utilisation des tanks. Idem pour Jules Verne qui avait pressenti le sous-marin ou le voyage sur la lune. Mais ce qu’il constate surtout, c’est que ce pouvoir de prédiction reste très incertain et finalement essentiellement vérifiable après coup. Les utopies, par contre, si elles ne nous éclairent que moyennement sur l’avenir, nous en disent long sur le présent qui les a fait naître.
33 Car l’utopie, en dessinant un monde nouveau, nous donne aussi à voir, en creux, celui qu’elle souhaite voir disparaître. Elias note deux époques dans la production utopique. La première, celle de Thomas More, contemporaine de la cristallisation de la notion d’État, tend à proposer des projections positives vers un avenir meilleur, pacifié, organisé pour permettre le bonheur de tous ; la seconde, celle d’Huxley ou d’Orwell, contemporaine de l’idée de mondialisation, privilégie les visions cauchemardesques d’un monde en péril. Les œuvres de Wells, qui oscillent entre positivisme et inquiétude, formant la charnière.
34 Elias met également le doigt sur un point important, à savoir qu’au fond « la représentation du monde utopique [de More] ne diffère pas tellement de celle d’Huxley ou d’Orwell ». Autrement dit, cette société très structurée, foncièrement holiste, où l’État contrôle tout et où la liberté se résume à accepter sagement la petite place que le Grand Tout nous laisse, ce monde idéal qu’imagine Thomas More est devenu, avec le temps, le monde réel que l’on veut fuir. Comment expliquer ce glissement ?
35 Norbert Elias émet sur cette question plusieurs hypothèses intéressantes. Parmi celles-ci, le constat qu’entre le temps de More et celui d’Orwell, la société a changé. Au XXe siècle, la notion d’État n’est plus neuve et les individus ont pu en mesurer les qualités, mais aussi les failles, notamment cette propension à l’hégémonie qui s’y rattache presque systématiquement. La science aussi a connu des progrès considérables, mais hélas pas toujours très positifs. Les hommes, au cours des siècles, ont tenté de mettre en œuvre concrètement leurs rêves utopiques, mais de révolution en révolution, d’États républicains en régimes communistes, ils ont réalisé que non seulement tout cela ne les rapprochait pas du monde parfait, mais avait même tendance parfois à les en éloigner.
36 Le problème principal, pour Elias, qui propose ici une clé de lecture forte et assez originale, c’est qu’un décalage s’est creusé entre le progrès scientifique et le progrès social : « Le progrès dans le domaine des sciences physiques et de la technologie n’a pas été soutenu par un progrès équivalent en sciences sociales » (p. 122). Ce qui explique, selon lui, que « les utopies du XXe siècle reflètent souvent des aspects horribles mais bien réels de dictatures dont les représentants recourent à un savoir technologique et scientifique de pointe pour renforcer les techniques sociales primitives d’un régime autoritaire » (p. 117).
37 Car il faut bien reconnaître que, si les sciences sociales permettent aujourd’hui d’avoir une compréhension beaucoup plus fine des comportements individuels et sociaux, elles demeurent toujours incapables d’influer positivement et durablement sur ces mêmes comportements. Voilà sans doute un rude challenge pour les scientifiques de demain. L’utopie a de l’avenir !
38 Stéphane Beau