Notes
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[1]
Maître de conférences HDR, Université de Reims Champagne-Ardenne, CRDT EA 3312, thierry.come@univ-reims.fr
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[2]
ATER, Université de Reims Champagne-Ardenne, CRDT EA 3312, abdelilah.yassine@univ-reims.fr
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[3]
Comme, par exemple, Freud (1917) et Hull (1943, 1952).
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[4]
Tétouan, Tanger, Rabat, Khouribga, Fès, El Jadida, Casablanca, Béni Mellal, Settat et Agadir.
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[5]
Cartographie et géomantique appliquées, droit, électronique et informatique industrielle, sciences économiques et de gestion, génie électrique, informatique, ingénierie, mathématiques-physique, réseaux et télécommunication, sciences des mathématiques-physique-chimie (SMPC), sciences de la vie et de la terre (SVT).
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[6]
36 % des étudiants sont en L1 ; 20 % en L2 ; 27 % en L3 ; 8,2 % en Master1 ; 6,5 % en Master2 ; et, 2% en doctorat.
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[7]
L’auto efficacité se rapporte aux « jugements que les personnes portent sur leurs capacités à organiser et à réaliser les types d’actions requis pour atteindre certains objectifs. » (1986, p.391).
Introduction
1L’entrée dans l’économie de la connaissance a eu des conséquences importantes sur la massification des études en Europe. La stratégie de Lisbonne et son actuelle déclinaison en programme « Horizon 2020 » mettent l’accent sur la nécessité de former toujours plus d’étudiants et affichent des objectifs ambitieux en matière de recherche. La France n’est pas en reste qui, d’un projet de 80% d’une classe d’âge au baccalauréat, envisage désormais de permettre à 50% d’une classe d’âge d’atteindre le niveau de la licence. Les organismes internationaux, les agences de notation, et même les investisseurs suivent de très près ces évolutions pour hiérarchiser les pays et évaluer leur attractivité et leur potentialité de développement. Le nombre d’étudiants diplômés devient ainsi un enjeu économique et un indicateur géostratégique. Ce phénomène se retrouve en Afrique mais, joint à une démographie plus vigoureuse, il se traduit par des problèmes structurels aigus de locaux, de formation des enseignants et de pédagogie. Les mêmes difficultés structurelles se retrouvent en Europe mais reliées à des phénomènes de mode. Des formations fortement demandées se retrouvent cycliquement en sureffectif au vu des locaux et des postes d’enseignants affectés (STAPS, Psychologie, AES, Sciences de la vie ...). Difficile alors de pratiquer une pédagogie différenciée, de proposer des formations innovantes et d’adapter les parcours universitaires !
2En effet cette volonté affichée par tous les gouvernements d’accroître le niveau de formation des jeunes se heurte à deux difficultés majeures. La première est la crise budgétaire qui réduit les marges de manœuvre des ministres. La sanctuarisation du budget des universités, si elle est bien effective, correspond à une préservation des moyens, là où l’ambition devrait impliquer une forte progression des dépenses. La seconde difficulté est plus diffuse, elle correspond à une remise en cause du bien-fondé des dépenses publiques. De la crise de l’Etat-providence au Nouveau Management Public, les discours concordent pour inciter l’Etat à justifier ses dépenses, à en évaluer le bien fondé et les effets, à en contrôler l’exécution. Ainsi la LOLF en France a été votée pratiquement à l’unanimité.
3Dès lors si l’objectif d’accroître le nombre d’étudiants n’est contesté par personne (hormis quelques nostalgiques de la pensée d’Ivan Illich et de sa « Société sans Ecole », voyant dans cette formation de masse un embrigadement et un formatage des jeunes cerveaux pour leur faire accepter les dérives d’une société de consommation), des interrogations apparaissent sur l’optimisation des dépenses qui y sont consacrées. En premier lieu l’effectivité de ces dépenses en terme d’augmentation du niveau des connaissances des étudiants, sensée être mesurée par le nombre d’étudiants diplômés, est parfois contestée par des polémiques sur le niveau des diplômes dans les formations de masse. Néanmoins, le taux de réussite des étudiants paraît pour les parties prenantes du système d’enseignement supérieur en constituer un bon indicateur. En second lieu, la productivité des établissements est également remise en cause. La durée des études pour obtenir un diplôme doit être standardisée et s’inscrire dans les canons du Processus de Bologne. Les parcours d’études doivent être homogènes, permettre des passerelles mais ne doivent plus se transformer en « dérive touristique » dans le monde des connaissances ni en lieu d’attente d’emploi sans réelle construction de projet personnel pour de trop nombreux titulaires de baccalauréats notamment professionnels. La dernière interrogation porte sur la qualité de la formation et les compétences obtenues par les étudiants. Dans un système optimal, le jeune diplômé devrait s’insérer sans problème sur le marché du travail et trouver sans coûts de recherche excessifs l’emploi qui correspond à ses compétences. Dans la réalité c’est beaucoup moins vrai, du fait certes de la crise économique mais aussi de la faible professionnalisation des études. Le taux d’insertion professionnelle des étudiants devient ainsi un indicateur de cette qualité.
4Ces différents éléments - persévérance des étudiants jusqu’à l’obtention du diplôme (absence de décrochage), suivi normalisé du parcours (absence de redoublement et limitation des réorientations) et insertion sur le marché du travail (adéquation des compétences acquises à l’emploi et période de transition réduite) - sont liés à l’implication et la motivation des étudiants. De nombreuses études théoriques et empiriques l’ont souligné : les étudiants impliqués et motivés réussissent mieux (Boujut, Bruchon-Schweitzer, 2007). Agir sur l’implication et la motivation serait donc une solution efficace pour optimiser l’ensemble du système, ne serait-ce qu’en réduisant le taux d’échec en première année. Pour ce faire deux méthodes sont déjà utilisées avec succès en France : le recrutement par concours et/ou la hausse des droits d’inscription. La première assure le succès des Grandes Ecoles mais aussi de toutes les filières sélectives, notamment dans le domaine de la santé. La sélection permet de vérifier le degré d’implication et de motivation de l’étudiant, et ne recrutant que des étudiants impliqués et motivés, les résultats suivent : taux de réussite, durée des études, taux d’employabilité ont des niveaux d’excellence. La seconde est propre aux écoles de commerce et aux établissements privés. Le taux d’employabilité et le niveau des salaires d’embauche sont des éléments déterminants du choix des élèves. Les droits d’inscriptions font alors office de révélateur des préférences de l’étudiant quant à sa formation et, dans une quasi-fonction hédoniste, indique son niveau de motivation et d’implication. L’environnement familial, notamment le niveau de revenu et le patrimoine des parents, peut apporter un bémol à la robustesse de cette fonction : la littérature fourmille d’exemples de fils de famille n’étant pas des étudiants assidus. Ces deux méthodes posent un vrai problème d’équité. La reproduction sociale, chère à Pierre Bourdieu joue à fond. En termes économiques, les plus riches sont avantagés. En termes sociaux, ceux qui ont accès aux réseaux et qui en maîtrisent les codes et ceux qui bénéficient d’informations privilégiées disposent d’avantages concurrentiels par rapport à la masse des étudiants potentiellement intéressés par les formations dispensées. De fait, ces deux méthodes constituent un mode de sélection efficace d’une élite mais non un processus d’amélioration de l’efficacité de l’ensemble du système. Les différents critères de sélection utilisés permettent de vérifier l’implication et la motivation a priori des étudiants mais non de les améliorer a posteriori puisque pour la plupart de ces établissements, la plus grande difficulté pour les élèves est d’y entrer. Il faut donc pour améliorer l’efficacité de l’ensemble du système jouer sur l’implication et la motivation a posteriori, et donc inverser la problématique de la sélection, voire pour ne pas froisser de nombreux acteurs de la vie universitaire, dont en premier lieu les organisations étudiantes, évoquer une orientation active et prôner que c’est bien l’acceptation dans une filière de formation qui motive et implique l’étudiant, et non son automaticité. Cependant avant de proposer de généraliser un système d’orientation active pour accroître l’efficacité du système d’enseignement supérieur et répondre ainsi aux deux objectifs politiques de 50 % d’une classe d’âge au niveau de la licence et de respect des contraintes budgétaire, il convient de vérifier que l’implication et la motivation des étudiants dans une filière régulée sont bien plus fortes que dans une filière ouverte.
5Pour ce faire, nous avons choisi comme terrain d’étude le Maroc. Ce pays a un système universitaire proche, les mêmes problématiques de massification et de contraintes budgétaires. L’accès à l’enseignement supérieur marocain dépend du type d’établissement, selon qu’il soit à accès libre (52 établissements) ou à accès régulé (50 établissements). Tous les diplômés du secondaire peuvent automatiquement s’inscrire dans les établissements à accès libre avec la liberté du choix de la filière. En revanche, l’inscription dans les établissements à accès régulé suppose une sélection et un examen d’entrée. L’inscription est gratuite quel que soit le type d’établissement. Cela nous permet d’écarter la variable prix dans notre étude.
6Nous présentons dans une première partie théorique les concepts d’implication (1.1) et de motivation (1.2) en les resituant dans le cadre universitaire. Nous évoquons ensuite la méthode suivie pour vérifier notre proposition en précisant les outils de mesure (2.1) et le mode opératoire choisi (2.2). Nous analysons dans la dernière partie les résultats obtenus en matière d’implication (3.1) et de motivation (3.2) des étudiants qui confirment notre hypothèse en précisant en conclusion les limites qu’il convient d’apporter à leur généralisation au cas français.
1 – Cadre théorique
7La littérature théorique fournit de multiples définitions et applications des notions d’implication et de motivation. Il n’est pas possible dans le cadre d’un article de toutes les présenter d’autant que nous souhaitons lier ces concepts à leur environnement. Nous avons donc privilégié les approches qui nous paraissaient les plus adaptées au terrain d’études et à notre recherche. L’implication des étudiants (1.1) est présentée en premier, leur motivation (1.2) en second. Nous précisons dans chaque thème les concepts susceptibles d’être investis pour comprendre et mesurer l’implication et la motivation des étudiants au sein de leur établissement. Nous considérons la relation entre l’étudiant et son établissement comme centrale dans notre approche et nous insistons sur le rôle actif de l’environnement dans la démarche cognitive de l’étudiant.
1.1 – L’implication des étudiants : une relation entre l’étudiant et son Université
1.1.1 – L’implication organisationnelle : fondement théorique
8En sciences de gestion, l’implication organisationnelle est l’un des concepts les plus étudiés dans le monde des organisations. Ce concept doit sa richesse et sa complexité à la pluridisciplinarité de ses approches. Rien qu’au début des années 80, plus d’une trentaine de définitions de l’implication sont déjà proposées (Morrow 1983).
9Le concept de l’implication trouve son origine dans la théorie de l’échange de March et Simon (1958). Les auteurs distinguent entre la motivation des individus à participer et la motivation à produire dans l’organisation. Si la première motivation consiste à rejoindre l’organisation et y rester, la seconde concerne la tendance des individus à être performants dans les tâches qu’ils accomplissent. Cette distinction est également soulignée dans la conceptualisation de l’implication organisationnelle de Porter et al. (1974), qui proposent pour la définir trois caractéristiques : 1) un fort degré de croyance et d’adhésion aux valeurs et objectifs de l’organisation ; 2) la volonté d’exercer de considérables efforts au nom de l’organisation ; 3) un désir déterminé de rester membre de l’organisation. Pour leur part, Mowday et al. (1979) considèrent l’implication organisationnelle comme étant une mesure subjective qui, selon la perception des employés, permet de rendre compte de leur identification vis-à-vis aux valeurs fondamentales de leur organisation, leur intention d’y rester et leur volonté d’exercer plus d’efforts que ceux attendus par celle-ci. Thévenet (1992) explique que l’implication peut être conceptuellement décrite selon - au moins - trois axes : une forte croyance aux buts et valeurs de l’organisation ; la volonté d’y exercer des efforts considérables ; et une très forte intention et désir de continuer d’appartenir à l’organisation. Dans ce sens, l’implication organisationnelle peut être perçue comme un accord d’échange (Coopey, 1995), une obligation ou encore une attache des individus à l’organisation (Mathieu et Zajac, 1990) qui les poussent à agir en parfaite adéquation avec les intérêts et des objectifs de l’organisation (Wiener, 1982).
10D’un point de vue psychologique, l’implication illustre le degré d’attachement de l’individu à son organisation (Grusky 1966), à ses caractéristiques et perspectives (O’Reilly et Chatman 1990). Durrieu et Roussel (2002) reprennent l’ensemble de ces apports et présentent l’implication organisationnelle comme l’« attitude de l’individu correspondant d’une part à son attachement affectif à l’organisation dans laquelle il travaille et au partage des valeurs communes ; d’autre part à son choix raisonné de lui rester fidèle, fonction de l’évaluation qu’il fait du coût d’opportunité de partir ou de rester, enfin à l’obligation morale qu’il ressent de lui être fidèle et d’accomplir son devoir jusqu’au bout (Durrieu et Roussel, 2002, p. 7) », ce qui suppose l’investissement physique et intellectuel de l’individu dans l’accomplissement de la quasi-totalité de sa fonction (Maugeri, 2004). Dans le cas des formations universitaires, la sélection à l’entrée devrait renforcer le coût d’opportunité, et, à supposer l’étudiant rationnel, son implication.
1.1.2 – Les typologies de l’implication
11L’une des premières définitions « multidimensionnelles » de l’implication de l’individu au sein de l’organisation revient à Kelman (1958). L’auteur propose trois dimensions de l’implication considérées en psychologie sociale comme des niveaux d’influence. Une première dimension basée sur l’acquiescement ou la complaisance ou encore l’échange : le sujet est impliqué « lorsque la source d’influence possède une emprise sociale sur la cible (Gosling, 1996, p. 92) ». On peut dire par exemple que la récompense détermine l’implication de l’individu en échange de son travail ; Une deuxième dimension basée sur l’identification : dans ce cas de figure, l’individu souhaite maintenir des relations positives avec un groupe de référence qui l’attire. Le plus important pour l’individu dans ce cas est sa relation vis-à-vis au groupe ; Une dimension fondée sur l’intériorisation : ici l’implication n’est plus la résultante d’un contrôle social mais le « fait que le contenu évoqué par la source d’influence est intégré dans le système de valeurs du sujet ». Ainsi, de par son implication, « l’individu recherche la congruence entre ses valeurs et celles de l’organisation » (Chevreuil, 2009).
12En partant de ces trois dimensions proposées par Kelman (1958), Kanter (1968) va distinguer trois « systèmes sociaux majeurs » ayant trait à l’implication organisationnelle des acteurs : « continuance, cohesion, control ».
- l’implication continue (continuance commitment) dépend de la perception de l’individu des coûts éventuellement liés à son départ de l’organisation ;
- l’implication de cohésion exprime l’attachement psychologique de l’individu à l’organisation ;
- l’implication contrôle désigne le cas où l’individu adapte son comportement aux normes de l’organisation. L’implication contrôle fait référence à l’intériorisation chez Kelman (1985).
13Au prétexte que la littérature sur l’implication vise moins la définition du concept en tant que tel que les éléments qui la composent, Thévenet (2000) précise son modèle en trois composantes. Ces composantes deviennent : l’identification (exprimée par l’adhésion aux buts de l’organisation et ses valeurs), l’engagement (exprimé par la volonté d’agir dans le sens des mêmes buts et valeurs), et la loyauté (exprimée par le désir de rester dans l’organisation).
14Dans une même optique et en partant des trois composantes de Buchanan (1974), Brasseur et Mzabi (2003) proposent également trois dimensions de l’implication liées à l’attitude de l’individu. La première dimension « affective » s’attache aux sentiments et aux émotions de l’individu ; la deuxième dimension « cognitive » renvoie à la faculté de connaître, de croire et de penser ; la troisième dimension « conative » traduit les intentions de l’agir de l’individu au sein de l’organisation.
15A partir des travaux antérieurs, Reichers (1985) souligne que le cadrage théorique de l’implication organisationnelle est toujours déficient en raison du manque de précision « significative » et de redondances dans les définitions. Il distingue entre l’aspect attitudinal et comportemental. Il va en contrepartie modifier la représentation de l’implication en en proposant une nouvelle conceptualisation en trois dimensions. Il distingue :
- une approche par l’échange : l’implication est le résultat de transactions entre l’organisation et l’individu. Dans ce sens, le degré d’implication est fonction du jugement des récompenses perçues. Plus la récompense apparaît favorable plus l’individu s’implique. De plus, selon la théorie des investissements (Becker, 1960), l’implication organisationnelle est d’autant plus forte que les coûts qui peuvent lui être associés au départ le sont.
- une approche par l’attribution qui apparaît quand « les individus s’attribuent une attitude d’implication après s’être engagés volontairement, de manière explicite et irrévocable, dans des comportements donnés » (Chevreuil, 2009).
- une approche de la congruence des buts entre l’individu et l’organisation : ici, l’implication est l’élément qui lie l’identité de l’individu à l’identité de l’organisation.
16En se servant du travail de Porter et ses collègues, Allen et Meyer (1984, 1990, 1996) développent une conceptualisation de l’implication organisationnelle comportant trois composantes majeures ainsi que leurs échelles de mesure. Ces auteurs distinguent :
- une implication affective, liée à l’attachement émotionnel de l’individu, son identification et son engagement vis-à-vis à l’organisation.
- une implication calculée, illustre une implication fondée sur les coûts qui pourraient être associés au fait de quitter volontairement l’organisation (coûts de changement). Dans un sens plus positif, elle est basée sur le calcul des avantages que l’individu peut avoir en restant au sein de l’organisation.
- une implication normative, associée au sentiment d’obligation morale de rester dans l’organisation, preuve de fidélité et de devoir.
17La plupart des contributions précédemment évoquées envisagent l’implication comme un construit comportant plusieurs dimensions. Ces dimensions sont variables mais se rejoignent au moins sur deux composantes : une reposant sur l’affect (désir de participer…) et l’autre sur les résultats d’un calcul (coûts…). Ces mêmes dimensions permettront une comparaison de l’implication des étudiants selon qu’ils soient inscrits dans des établissements universitaires à accès libre ou des établissements universitaires à accès régulé. Faut-il noter que la notion de l’implication dans le milieu universitaire est aussi importante que les coûts de changement (établissements, filières…) perçus par l’étudiant. Elle traduit plus souvent une alternative pour remédier aux coûts de changement susceptibles d’êtres trop élevés.
1.1.3 – L’implication à l’Université : une attitude comportementale de l’étudiant
18Considérée comme attitude comportementale, l’implication fournit un contexte propice pour améliorer la qualité de l’enseignement (Shagholi et al., 2011). En s’interrogeant sur les facteurs qui agissent sur la présence de l’étudiant à l’Université, Astin (1984) développe le concept de « student involvement ». Pour lui, l’implication est un terme « actif » qui renvoie essentiellement à une attitude comportementale contrairement à la motivation, qui est davantage liée à un état psychologique ; il s’agit donc moins d’apprécier l’implication selon ce que l’étudiant pense ou ressent que l’évaluer par la manière dont il se comporte au sein de l’Université. La notion d’implication qui, selon lui, est loin d’être ésotérique se rapporte tout simplement à la quantité d’énergie physique et psychologique que l’étudiant consacre à l’expérience universitaire.
19Ainsi, l’étudiant fortement impliqué est un étudiant qui, par exemple, consacre une énergie considérable à l’étude, passe beaucoup de temps sur le campus, participe activement aux associations des étudiants, et interagit souvent aussi bien avec les membres du corps professoral qu’avec les autres étudiants. Inversement, un étudiant « non impliqué » néglige ses études, passe peu de temps sur le campus, s’abstient de participer aux activités extra-universitaires, et n’entre qu’occasionnellement en contact avec les enseignants et ses camarades.
20Pour développer une théorie de l’implication des étudiants, Astin (1984) attire l’attention sur cinq postulats de base : (1) l’implication se réfère à l’investissement de l’énergie physique et psychologique dans divers objectifs qui peuvent être très généralisés (l’expérience de l’étudiant) ou spécifiques (préparation préexamen), (2) indépendamment de cet objectif, l’implication se produit selon un continuum. Son degré varie d’un étudiant à l’autre. Mais pour le même étudiant, le degré d’implication diffère en fonction des objectifs et des périodes. (3) l’implication peut être appréciée par des caractéristiques quantitatives (nombre d’heures passées en cours) et qualitatives (degré d’assimilation), (4) le niveau d’apprentissage des étudiants ainsi que leur développement personnel associé au programme d’éducation sont directement proportionnels à la qualité et la quantité de leur implication dans ce programme, (5) l’efficacité de n’importe quelle politique éducative dépend de sa capacité à augmenter l’implication des étudiants.
21Les deux dernières propositions peuvent ainsi fournir des indices pour concevoir au préalable des programmes éducatifs plus efficaces. Par ailleurs, Astin fait une distinction entre l’implication dans les études et l’implication dans la vie scolaire. La première se mesure par l’effort physique et psychologique que l’étudiant consacre aux études, par exemple, le nombre d’heures passées à étudier, son degré d’intérêt pour ses cours. L’implication dans la vie scolaire renvoie à l’effort consacré pour tisser des liens avec les membres du personnel enseignant et les autres étudiants, aux activités extra-pédagogiques et aux organisations étudiantes.
1.1.4 – L’implication de l’étudiant : une intégration dans la vie de l’Université
22Tinto (1975, 1993) part du concept de l’implication pour expliquer l’abandon d’étude à l’Université. Il propose un modèle interactionniste qui trouve son origine dans les concepts d’intégration et d’appartenance à la communauté universitaire (Schmitz et al. 2010). Il montre ainsi que l’intégration sociale et intellectuelle de l’étudiant dans l’établissement – désignée également par l’implication – constitue un facteur important de persévérance pour les sujets. Selon lui, l’étudiant est d’autant plus susceptible de persévérer qu’il est en interaction avec l’ensemble des parties prenantes de son établissement.
23Dans cette étude, il dissocie l’intégration sociale de l’intégration académique. La première est liée aux facteurs stimulés par l’interaction entre l’étudiant et les enseignants ou entre l’étudiant et l’administration ainsi que la participation aux activités socioculturelles. L’intégration académique s’applique aux facteurs de réussite scolaire, elle est mesurée par la performance scolaire de l’étudiant, son développement intellectuel, et son identification par rapports aux principes et règles du système académique. En d’autres termes, l’intégration académique peut être mesurée par le « degré de congruence entre les valeurs et objectifs de l’étudiant et ceux de l’institution (Schmitz et al., 2010) ». Tinto pense que la difficulté d’intégration peut mener à l’abandon scolaire et défend l’idée selon laquelle la qualité des expériences vécues par l’étudiant au sein du milieu académique et social (l’intégration académique et sociale) peut modifier l’implication initiale des étudiants.
24Pascarella et Terenzini (2005) désignent l’implication par la participation des étudiants aux activités pédagogiques et par les interactions qu’ils ont avec leurs enseignants. Ils affirment aussi que les activités qui permettraient un meilleur développement scolaire et cognitif seraient celles qui favorisent l’implication.
25Dans son étude sur les facteurs de l’implication des étudiants et la gouvernance des Universités sénégalaises, Baldé (2011) stipule que la satisfaction des aspects annexes et de la qualité de l’enseignement influencent significativement l’implication affective des étudiants. Pour ce qui est de l’implication calculée, elle est partiellement influencée par la satisfaction, la participation, la sélection et les caractéristiques individuelles. En revanche, les droits d’étude n’influencent en aucun cas le degré d’implication des étudiants, ce qui justifie également de ne pas les retenir dans notre étude.
1.2 – La motivation des étudiants
1.2.1 – La motivation envers les études : une approche sociocognitive
26L’objectif est de présenter une définition du concept de motivation utilisable dans notre étude. Vu la diversité des approches et l’impossibilité à toutes les prendre en compte, nous avons retenu la perspective sociocognitive de la motivation qui nous paraît la plus adaptée à notre objet et champ d’étude.
27En complément, voire en réaction, aux travaux des auteurs [3] psychanalystes classiques associant la motivation principalement aux « pulsions », les chercheurs démontrent que la motivation n’est pas uniquement liée à ces pulsions et proposent comme alternative des théories sociocognitives telles que l’approche cognitive de la motivation (Tolman, 1932 ; Atkinson, 1964 ; McClelland, 1985), la théorie des buts d’accomplissement (Nicholls, 1984, 1989 ; Elliot, 1997), la théorie de l’autodétermination (Deci et Ryan 1985, 1991, 2000) ou encore le modèle hiérarchique de Vallerand (Vallerand, 1997, 2001).
28Tolman (1932) fut le premier à remettre en cause l’idée selon laquelle les comportements humains sont uniquement la conséquence de l’assouvissement des besoins environnementaux. Pour ce psychologue américain, les comportements peuvent être « significativement » dictés par de pures représentations individuelles des sujets et orientés vers un objectif précis en fonction d’une visée propre à chacun. White (1959) rend plus complète l’approche théorique de la notion de la motivation en introduisant le besoin de compétence (Gillet, 2008, p. 19). Selon cette approche, les individus - indépendamment des pulsions physiologiques - cherchent continuellement à interagir efficacement avec leur environnement en conséquence de leur sentiment de compétence.
29Harter (1978) s’appuie sur les travaux de White pour développer la théorie de la motivation par l’accomplissement. Elle base son approche sur l’estime de soi. Elle montre que, d’une part, lorsque l’individu éprouve du plaisir quand il perçoit un succès dont l’origine est attribuée à ses compétences, ce même sentiment le pousse à effectuer de nouvelles tentatives avec son environnement et il devient alors davantage compétent. D’autre part, qu’en cas d’échec, l’individu s’aperçoit comme incompétent et par conséquent, son implication diminue d’autant plus que les échecs sont répétés. L’individu peut dans ce cas abandonner l’activité ou la tâche. L’estime de soi exacerbe les résultats de la situation initiale C’est ce qui peut expliquer l’abandon des études universitaires chez un nombre important d’étudiants.
30La plupart des théoriciens de la théorie des buts d’accomplissement (Ames, 1992 ; Nicholls, 1989 ; Dweck, 1999) estiment que ce qui motive l’individu c’est la recherche de la compétence. Cette forme de motivation particulièrement utile mérite d’être davantage étudiée dans le milieu universitaire, où la compétence est un aspect indéniablement valorisé et valorisant. Cette approche considère que le but prioritaire des individus consiste, dans des contextes tels que l’Université par exemple, à (1) manifester une compétence élevée - à lui-même ou aux autres - et (2) éviter de faire preuve d’incompétence (Nicholls, 1984, p. 328). Pour se sentir compétent, il existe deux manières exprimées par deux buts d’accomplissement (Nicholls, 1989) : un but d’apprentissage ou d’implication dans la tâche, il s’agit alors d’un but de maîtrise (Elliot, 1997) et un but de résultat et de compétition interpellant l’implication de l’ego. Les auteurs soulignent que les deux buts d’accomplissement dépendent aussi bien de la personnalité de l’individu que du contexte dans lequel il se trouve. Dans une perspective de maîtrise, l’impression qu’a l’individu de se surpasser et d’avoir fourni plus d’efforts lui procure un sentiment de compétence. Cependant, pour certains, quand la maîtrise personnelle se révèle insuffisante pour se sentir compétent, le besoin de démontrer une supériorité par rapport aux autres s’impose, d’où le rôle de l’ego chez Nicholls.
31Notre approche suggère d’étudier la motivation à partir de l’interaction existant entre les comportements d’une personne, ses caractéristiques individuelles et l’environnement dans lequel elle évolue (Viau, 1997), nous nous intéressons donc à la forme de motivation qui détermine le comportement. Par conséquent, nous proposons de définir le concept de la motivation comme étant « le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction et la persistance du comportement (Vallerand et Thill, 1993, p.18) ».
32Parmi ces modèles, la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (1985, 2002) semble particulièrement bien adaptée pour expliquer les effets de la sélection sur le comportement des étudiants dans le champ universitaire.
1.2.2 – La théorie de l’autodétermination et la motivation des étudiants
33Le modèle de l’autodétermination de Deci et Ryan (1985, 2002) cherche à comprendre et à expliquer la dynamique motivationnelle qui amène un individu à s’engager ou non dans une activité, en l’occurrence ici les études supérieures.
34Cette approche postule que chaque être humain est un organisme actif qui cherche continuellement et naturellement à développer son potentiel humain par la découverte de nouvelles perspectives, par la maîtrise de nouveaux challenges et par la satisfaction de ses besoins psychologiques de base (Deci et Ryan, 2000, 2002 ; Bryan et Solmon, 2007). Les auteurs avancent qu’il existe différentes formes de motivation qui se distinguent selon leur degré d’autodétermination. Une activité est d’autant plus autodéterminée qu’elle est effectuée avec le sentiment d’un choix libre et selon un principe de cohérence interne (Deci et Ryan, 2000 ; Ryan et Deci, 2000, 2002).
35Dès lors, Deci et Ryan (2002) conçoivent trois grands types de motivation organisés selon un continuum et en fonction du niveau d’autodétermination auquel ils sont associés : la motivation intrinsèque (le niveau le plus autodéterminé), la motivation extrinsèque et l’amotivation (le niveau le moins autodéterminé). Le caractère intrinsèque et extrinsèque de la motivation est utilisé dans différents domaines eu égard à sa place déterminante dans la théorie de l’autodétermination (Deci et Ryan, 1985, 1991). La nature, par exemple, de l’engagement d’un étudiant dans une activité universitaire permet de faire la distinction entre ces deux formes de motivation. L’étudiant intrinsèquement motivé décide de s’investir dans cette activité pour le plaisir, l’intérêt et la satisfaction qu’elle lui procure, l’activité étant une fin en soi. A l’opposé, un sujet extrinsèquement motivé participe à l’activité universitaire ou extra-universitaire afin d’obtenir une contrepartie liée à son engagement (Côme, Baldé, Kijowski, 2009).
36La motivation intrinsèque, extrinsèque ou encore l’amotivation s’appliquent à un large éventail de comportements humains (Vallerand et Ratelle, 2002) dont le comportement des étudiants dans le milieu institutionnel de l’Université. Ces différents types de motivation permettront donc d’apprécier au mieux le rôle de la sélection à l’entrée de l’Université.
La motivation intrinsèque
37La motivation dite intrinsèque (MI) se réfère au fait de s’adonner à une activité pour le plaisir et la satisfaction que l’individu en retire pendant qu’il la pratique (Deci, 1971 ; Vallerand et Halliwell, 1983), volontairement et par l’intérêt pour l’activité (Vallerand et al., 1989). Un salarié intrinsèquement motivé se sent libre d’accomplir ses tâches professionnelles et n’est pas préoccupé par des facteurs externes tels que primes, promotion ou reconnaissance sociale. Il les accomplit pour tout ce qu’elles lui procurent en termes de réalisation de son potentiel et d’accomplissement de soi. Pour un étudiant, la motivation intrinsèque serait d’assister à ses cours parce qu’il trouve cela intéressant et satisfaisant d’en apprendre plus. Ce type de motivation est issu des besoins de compétence et d’autodétermination (Deci, 1975 ; Deci et Ryan, 1985) et repose sur la satisfaction de trois besoins psychologiques fondamentaux (Deci et Ryan, 1991 ; Ryan et Deci, 2000) que sont les besoins d’autonomie, de compétence et d’appartenance sociale. En ce sens, le développement de l’autodétermination de l’individu suppose qu’il est l’initiateur de ses propres actions, qu’il interagit d’une manière efficace avec son environnement tout en se sentant en possession des aptitudes appropriées.
38Vallerand et Blais (1987) relèvent trois types de motivation intrinsèque : la MI à la connaissance, la MI à l’accomplissement et la MI aux sensations.
39La MI à la connaissance possède, comme son nom peut l’indiquer, une grande renommée dans le milieu de l’éducation (Vallerand et al., 1989). Vallerand et Blais (1987) considèrent « qu’une personne est motivée par la MI à la connaissance lorsqu’elle fait une activité pour le plaisir et la satisfaction qu’elle ressent lorsqu’elle est en train d’apprendre quelque chose de nouveau ou d’explorer de nouvelles questions… ». Dans cette optique, un étudiant est motivé par la MI à la connaissance quand il lit un livre pour le simple plaisir et la satisfaction qu’il éprouve en apprenant de nouvelles choses, pareillement quand il assiste à ses cours ou décide de passer du temps à la bibliothèque.
40Le deuxième type de la MI correspondant à l’accomplissement. Cette dimension a été largement étudiée dans le milieu scolaire (Harter, 1981). L’individu interagit avec l’environnement pour se sentir compétent (Déci et Ryan, 1985) en créant des réalisations uniques (Amabile, 1985). A l’instar de ces conceptualisations de la motivation à l’accomplissement, Vallerand et Blais (1987) considèrent une personne comme étant motivée par la MI à l’accomplissement lorsqu’elle « fait une activité pour le plaisir et la satisfaction qu’elle ressent lorsqu’elle est en train d’accomplir, de créer quelque chose ou encore d’essayer de relever un défi optimal ». Ainsi, un étudiant fait preuve d’une MI à l’accomplissement lorsqu’il réalise un travail pour le sentiment de plaisir et de maîtrise qu’il ressent pendant qu’il est en train de se surpasser dans les études.
41Le dernier type de la MI est décrit comme la MI aux sensations. Les auteurs considèrent qu’une personne éprouve cette dernière à partir du moment où « elle fait une activité dans le but de ressentir des sensations spéciales (amusement, excitation, plaisir sensoriel, esthétisme ou autre) que lui procure son implication au sein de l’activité ». L’étudiant qui assiste à son cours parce qu’il trouve enthousiasmant d’échanger avec les autres, ou bien celui qui aime lire un livre pour l’effet d’excitation que lui procure certains passages passionnants, montre de la MI aux sensations.
La motivation extrinsèque
42La motivation extrinsèque (ME) regroupe un ensemble de comportements effectués pour des raisons instrumentales, associés généralement à une absence d’autodétermination (Vallerand et Blais, 1987). Dans ce sens, l’individu extrinsèquement motivé peut s’investir dans une activité même si elle ne lui procure aucun plaisir. La motivation extrinsèque renvoie à « l’engagement dans une activité dans un but non inhérent à l’activité, soit en vue de retirer quelque chose de plaisant, soit afin d’éviter quelque chose de déplaisant une fois l’activité terminée » (Deci et Ryan, 1985). Cette forme de motivation est guidée par des facteurs n’ayant pas de rapport direct avec la réalisation de soi. Deci, Ryan ainsi que d’autres chercheurs ont souligné l’existence de quatre types de ME allant du plus bas au plus haut degré de l’autodétermination : la régulation externe, l’introjection, l’identification et l’intégration.
43La régulation externe correspond à la définition générale de la ME dans la littérature. Le comportement de l’individu est régularisé par des sources de contrôle qui lui sont externes telles que la recherche d’une récompense, un ultimatum ou une date limite, la surveillance d’un supérieur ou encore les évaluations régulières. L’étudiant qui étudie juste parce que ses parents l’obligent à le faire serait l’exemple de la ME par régulation externe.
44Dans le cas de la régulation introjectée, l’individu intériorise les sources de contrôle de ses actions ou comportements (Vallerand et al., 1987). Par exemple, l’étudiant qui suit ses cours et prépare ses travaux dirigés pour échapper au sentiment de culpabilité qu’il éprouverait dans le cas contraire.
45La ME devient régularisée par identification lorsque le comportement de l’individu est perçu comme étant choisi par celui-ci. Un exemple de ce type de ME serait l’étudiant qui décide de lire un livre parce que c’est le moyen qu’il choisit pour se préparer à l’examen qu’il veut réussir. L’activité ici est donc effectuée de façon autodéterminée.
46Finalement, la régulation est dite intégrée lorsque l’individu « se sent autodéterminé dans la régulation du comportement en question et que cette forme d’autorégulation est consistante avec d’autres schémas de sa personne » (Vallerand et al.). L’étudiant motivé de cette façon serait celui qui décide d’étudier parce que cela lui permettra de réussir ses examens ce qui par la suite l’aidera à accéder à la carrière qu’il envisage. A ce stade, l’individu atteint le niveau le plus élevé d’autodétermination dans la poursuite de comportements extrinsèquement motivés.
47Dans le domaine de l’éducation, les résultats obtenus avec les différents types de ME ont été confirmés avec plusieurs variables éducationnelles (Vallerand et al.).
L’amotivation
48Deci et Ryan définissent comme amotivé l’individu qui n’est ni intrinsèquement ni extrinsèquement motivé. Dans ce cas, l’individu n’arrive pas à percevoir les relations entre ses comportements et les résultats obtenus (Deci et Ryan, 1985). Par conséquent, il se sent incompétent et en manque de persévérance faute, selon lui, de facteurs hors de son contrôle.
49Vallerand et al. soulignent que lorsqu’ils sont amotivés, les individus anticipent leurs incapacités à pouvoir contrôler les résultats de leurs actions et, par conséquent, se sentent désabusés et abandonnent éventuellement la pratique de ses dernières. Un étudiant amotivé ne perçoit donc aucune raison de continuer ses études universitaire. De plus, en l’absence des deux autres formes de motivation, l’amotivation s’associe aux conséquences les plus négatives du comportement de l’étudiant.
50La revue de littérature nous a donc permis d’identifier les types d’implication (implication affective et implication calculée) et de motivation (motivation extrinsèque, motivation intrinsèque et amotivation) les plus adaptés à leur mesure sur une population étudiante présente dans des établissements à accès différencié.
2 – Outils de mesure, méthodologie et qualité psychométrique
51Afin de mesurer l’implication et la motivation des étudiants, nous présentons les outils de mesures appropriés à notre étude (2.1) ainsi que le questionnaire et la population enquêtée (2.2) puis, pour rendre la comparaison entre les deux types d’établissement plus significative, nous vérifions la qualité psychométrique du construit (2.3).
2.1 – Outils de mesures
52La littérature propose un grand nombre d’outils pour mesurer aussi bien l’implication que la motivation. Nous empruntons ici des outils déjà existants que nous adaptons à la situation particulière des étudiants au sein de l’Université marocaine. Cette manœuvre permet, comme le souligne Cohen (2003), de bénéficier d’instruments dont la fiabilité est éprouvée. Ceci permet dès lors la comparaison avec d’autres recherches et l’extension de l’application du questionnaire établi pour cette enquête à d’autres populations étudiantes.
2.1.1 – Outils de mesure de l’implication des étudiants à l’Université
53Dans cette recherche, nous avons choisi d’utiliser l’échelle développée par Allen et Meyer (1990) dans sa forme tridimensionnelle car elle fait l’objet d’un consensus (Valéau, 2004). Cependant l’adaptation de l’échelle aux étudiants a réduit les dimensions à deux : implication effective et calculée. Les items de l’implication normative n’ont en effet pas donné les résultats escomptés étant appliqués aux étudiants (Baldé, 2011), nous ne les avons donc pas retenus. Au total, 11 items sont utilisés pour exprimer l’implication des étudiants : 6 items correspondent à la dimension affective de l’implication et 7 correspondent à la dimension calculée de l’implication. Une consigne invite les sujets à lire attentivement chacun des énoncés, ensuite d’indiquer dans quelle mesure les énoncés sont exacts pour eux en entourant le chiffre correspondant allant de 1 (ne correspond pas du tout) à 7 (correspond très fortement). Le calcul des scores de l’implication s’effectue par le biais de l’étude des moyennes.
Opérationnalisation de la variable de « l’implication »
Opérationnalisation de la variable de « l’implication »
2.2.2 – Outils de mesure de la motivation des étudiants à l’Université
54Les outils de mesure de la motivation varient selon la hiérarchie proposée et l’objet d’étude. L’Echelle de Motivation en Education / Academic Motivation Scale (EME/AMS) publiée par Vallerand, Blais, Brière et Pelletier en 1989 dans la Revue Canadienne des Sciences du Comportement permet de mesurer les 7 types de motivation qu’il est possible d’organiser en un continuum en fonction de leur degré d’autodétermination. Cet outil a été adapté à différents niveaux d’étude notamment au domaine de l’enseignement et a généré énormément de recherches dans le secteur de l’éducation.
55L’échelle mesure les trois types de la motivation intrinsèque - la motivation à la connaissance (MICO), la motivation à l’accomplissement (MIAC) et la motivation à la stimulation (MIST) - les trois types de la motivation extrinsèque - l’identification (MEID), l’introjection (MEIN) et la régulation externe (MERE) – ainsi que l’amotivation. Une consigne écrite invite les sujets à indiquer dans quelle mesure, sur une échelle allant de 1 à 7, chacun des énoncés correspond actuellement à l’une des raisons pour lesquelles ils font des études supérieures. Contrairement à la partie « implication » les items ne sont pas numériquement hiérarchisés par type de motivation pour ne pas induire de biais dans les réponses.
Opérationnalisation de la variable « motivation »
Opérationnalisation de la variable « motivation »
2.2 – Diffusion du questionnaire et population d’enquête
56Aux items de l’implication et de la motivation, d’autres variables concernant les caractéristiques individuelles des étudiants figurent sur le questionnaire (l’âge, le sexe, domaine d’étude, niveau de formation, l’Université, la faculté ou composante, la ville et remarques et commentaires). Pour écarter toute possibilité d’incompréhension ou de confusion des items du questionnaire par les sujets et afin d’assurer de la faisabilité opérationnelle de notre instrument de mesure, un pré-test a été réalisé auprès d’étudiants marocains au sein de trois Universités marocaines.
2.2.1 – La diffusion du questionnaire
57Dans un premier lieu, nous avons envoyé un courriel avec le lien du questionnaire aux responsables (chefs de filières, responsables de formation, secrétaires de doyen …) d’un grand nombre de facultés marocaines pour le diffuser auprès des étudiants. Comme les réponses des responsables ont été très peu satisfaisantes, nous avons opté pour la diffusion du questionnaire sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, nous avons publié le lien du questionnaire sur les pages des Universités marocaines et celles des groupes d’étudiants que nous avions repérés. A l’encontre de nos attentes, les réponses au questionnaire ont été très faibles alors que le nombre de consultations du lien était très important (en moyenne 470 consultations par jour). Ce constat inattendu nous a poussés à essayer d’en chercher les raisons en contactant les consultants des pages concernées. Après plusieurs échanges, deux motifs expliquaient cette réticence. Le premier est lié au titre du questionnaire, plus précisément le mot « enquête ». Le deuxième est lié à la case « Université » que le sondé devrait renseigner. En effet, les étudiants ont exprimé un sentiment de « peur » ou de « prudence » par rapport au questionnaire. Pour remédier à ce problème, nous avons supprimé le mot « enquête » et rendu l’item « nom de l’université » facultatif. Après cette manœuvre, les réponses ont significativement augmenté sans toutefois atteindre les résultats attendus. Par conséquent, nous avons utilisé l’enquête face à face en distribuant le questionnaire sous format papier aux étudiants. Après avoir obtenu le consentement de tous les participants, les questionnaires ont été distribués aux étudiants dans le cadre des cours et travaux dispensés. Les sujets ont été informés de leur droit de ne pas participer à cette étude ainsi que de son caractère anonyme. Il a également été précisé aux sujets qu’il n’y avait ni bonnes ni mauvaises réponses, que les données recueillies resteraient confidentielles et ne serviraient qu’à des fins de recherche. L’enquête s’est déroulée du 5 novembre 2012 jusqu’au 25 mars 2013. Le lien de l’enquête sur internet est toujours actif et nous recevons encore des réponses.
2.2.2 – La population d’enquête
58En combinant les deux modes de diffusion présentés, nous avons eu au final 668 réponses. Vu l’importance de l’échantillon, nous avons décidé d’écarter toute réponse incomplète et de ne retenir que les individus qui ont répondu à l’ensemble des questions. 584 ont été retenus, soit 322 étudiantes (55,1 %) et 262 étudiants (44,9 %). Les âges variaient de 17 à 42 ans autour d’une moyenne de 21 ans. Les participants appartenaient à différentes villes du royaume [4] et suivent différentes formations [5] ; la plupart des répondants suivent une formation en sciences économiques et de gestion (64,4 %), en mathématiques-physique (14,4 %) et en informatique (11,2 %). L’échantillon couvre également les trois niveaux des études LMD [6].
59Afin d’apprécier l’impact du type d’établissement sur le niveau de l’implication et de la motivation des étudiants, nous avons ajouté la variable « Typ_Etab » qui distingue entre les établissements à accès libre ou à accès régulé. Le nombre d’étudiants inscrits aux établissements à accès libre (EAL) est de 455, soit environ 73% de l’échantillon ; le nombre des étudiants aux établissements à accès régulé (EAR) s’élève à 129, soit environ 22% de la population totale.
2.3 – L’analyse de la fiabilité du construit
60Dans la mesure où les items d’une échelle sont censés mesurer le même phénomène, ils devraient être corrélés, c’est-à-dire que les résultats des items doivent être aussi proches que possibles les uns des autres. La fiabilité de l’instrument de mesure représente donc le degré auquel les instruments de recherche mesurent de façon constante le construit qu’ils sont censés étudier (Perrien, 1998). Partant de ce principe, la démarche que nous avons utilisée pour contrôler la fiabilité des échelles consiste à : (1) analyser les corrélations des items constituant les sous-échelles, puis (2) supprimer ceux qui peuvent éventuellement affaiblir la valeur de l’alpha de Crombach (α). Ce coefficient « synthétise le degré de corrélation entre les réponses aux questions différentes d’un même questionnaire (Pupion, 2012, p. 378) ».
2.3.1 – Cohérence interne de l’implication des étudiants
61L’examen de la matrice des corrélations des items mesurant l’implication affective révèle que l’ensemble des items sont fortement corrélés excepté l’Item ImpAff_4. En ce qui concerne l’implication calculée, de fortes corrélations sont également remarquées sauf pour l’item ImpCal_5. Après le retrait des deux items, l’alpha de Cronbach de l’implication affective et l’implication calculée est respectivement de 0,790 et 0,808. Les deux dimensions sont suffisamment fiables (Nunnally, 1978) pour évaluer l’implication des étudiants dans les Universités marocaines.
2.3.2 – Cohérence interne de la motivation des étudiants envers leurs études
La motivation intrinsèque
62La matrice des corrélations montre que tous les items de la motivation intrinsèque (MI) sont fortement corrélés entre eux. La forte corrélation entre certains items s’explique par les sous-dimensions composant la motivation intrinsèque : la MI à la connaissance (items 1, 2 et 3), la MI à l’accomplissement (items : 4, 5 et 6) et la motivation intrinsèque à la stimulation (items : 7, 8 et 9). Le niveau de fiabilité est satisfaisant pour la MI à la connaissance (α=0,873) et la MI à l’accomplissement (α=0,796) et est acceptable (De Vellis, 2003) quant à la MI à la simulation (α=0,676).
La motivation extrinsèque
63De même, l’ensemble des items mesurant la motivation extrinsèque (ME) des étudiants montre une forte corrélation notamment ceux composant les dimensions « inter motivation extrinsèque » : la ME identifiée (items 1, 2, 3 et 4), la ME introjectée (items : 5, 6, 7 et 8) et la ME à la régulation (items : 9, 10 et 11). Le niveau de fiabilité de la ME identifiée (α=0,902), de la ME introjectée (α=0,880) et la ME à la régulation externe (α=0,851) est très bon (Nunnally et Bernstein, 1994 ; De Vellis, 2003).
L’amotivation
64Le niveau de fiabilité de la variable amotivation (α=0,693) est considéré comme acceptable (De Vellis, 2003).
65Les dimensions de la motivation extrinsèque, extrinsèque et l’amotivation sont exprimées par des moyennes. L’indice global de la motivation est calculé à partir de la formule de Vallerand et al. (1987) :
66IGM = (2*(MICO+MIAC+MIST)/3 + MEID) - ((MERE+MEIN)/2 + 2*AMOT).
67Toutefois l’étude de la motivation avec ses différentes sous-unités nous paraît plus pertinente dans le cadre de la comparaison entre les deux types d’établissement.
68Les échelles de l’implication et de la motivation présentées dans cette recherche ont été validées dans plusieurs domaines y compris celui de l’enseignement. Pour notre étude, nous avons adapté les mêmes échelles aux Universités marocaines, nous avons ensuite vérifié la qualité psychométrique des construits par le biais de l’alpha de Cronbach. Les résultats montrent que les outils utilisés sont parfaitement cohérents et homogènes pour mesurer de manière identique dans les deux types d’établissement les concepts d’implication et de motivation des étudiants. La méthode de comparaison est donc robuste et les conclusions sur l’impact de la sélection sur le niveau d’implication et de motivation des étudiants justifiées.
3 – Résultats de la comparaison des scores
69L’utilisation des outils d’évaluation précédemment présentés montre un impact très significatif de la sélection à l’entrée des établissements universitaires aussi bien sur l’implication des étudiants (3.1) que sur leur motivation (3.2).
3.1 – Les scores de l’implication des étudiants en fonction du type d’établissement
70Les résultats de l’implication des étudiants (tableau 3) témoignent d’une faible implication des étudiants au sein des établissements à accès libre. Leur implication affective est évaluée à 2,3 ; score qui est au dessous de la moyenne de l’échelle d’environ deux points. Affectivement, ces étudiants sont très peu impliqués. De même, le score de l’implication calculée est faible et est évalué à 2,9. Ce qui veut dire que les étudiants sont peu impliqués au sein de leur établissement eu égard au avantages qu’ils pensent pouvoir retirer en y restant. Par conséquent, le score global de l’implication est également faible et s’élève à 2,6. Ce score indique qu’au sein des établissements à accès libre, les étudiants sont peu ou très peu impliqués. Les résultats obtenus corroborent les résultats attendus.
Scores de l’implication des étudiants en fonction du type d’établissement
Scores de l’implication des étudiants en fonction du type d’établissement
71Pour les étudiants des établissements à accès régulé, l’implication affective est évaluée à 3,8 ; score qui est proche de la valeur centrale de l’échelle mais sans pour autant l’atteindre. Bien que ce score soit plus important que celui des étudiants des établissements à accès libre, les étudiants des établissements à accès régulé sont, affectivement, moyennement impliqués. En revanche, le score de l’implication calculée est plus important que celle affective et s’estime à 4,7. Ces étudiants sont assez impliqués au sein de leur établissement eu égard à l’avantage perçu. En conséquence, le score global de l’implication est moyen et s’élève à 4,2.
72Les scores obtenus de l’implication indiquent clairement l’écart entre les niveaux de l’implication des étudiants selon le type d’établissement. En effet, au sein des établissements à accès régulé, les étudiants sont moyennement impliqués alors qu’ils le sont très peu dans les établissements à accès libre. Ce résultat montre ainsi l’intérêt de la sélection quant aux niveaux de l’implication. Cependant il ne permet pas de montrer que la sélection est le moyen le plus adapté pour accroître l’implication puisque les scores des établissements à accès régulés restent moyens du fait d’une implication affective relativement faible. Ils ont conscience des avantages qu’ils ont à suivre une formation à accès régulé mais ils n’en tirent que peu de sentiment d’appartenance et ne s’identifient pas à leur établissement.
3.2 – Les scores de la motivation des étudiants en fonction du type d’établissement
3.2.1 – La motivation intrinsèque
73Les résultats de la motivation intrinsèque montrent également un écart des niveaux de motivation en comparaison au type d’établissement.
Scores de la MI des étudiants en fonction du type d’établissement
Scores de la MI des étudiants en fonction du type d’établissement
74Au niveau de la motivation Intrinsèque à la connaissance, les étudiants des établissements à accès libre affichent un score de 2,9 alors que les étudiants des établissements à accès régulé affichent un score de 5,32. Ce résultat signifie que pour le deuxième groupe, la majorité des étudiants participent aux activités universitaires pour le plaisir et la satisfaction qu’ils ressentent en apprenant de nouvelles choses. En revanche, pour les étudiants des établissements à accès libre, la motivation à la connaissance est très faible et ne correspond qu’à très peu d’étudiants (14% de l’échantillon). Toutefois, les différences pédagogiques, que ce soit en moyens ou en méthodes, peuvent aussi expliquer en partie ces écarts, les établissements marocains à accès régulé étant comme en France mieux dotés.
75Pour le deuxième type de motivation intrinsèque, la motivation à l’accomplissement, les étudiants des établissements à accès libre n’éprouvent pas ou très peu de plaisir et de satisfaction à se sentir efficaces et compétents quand ils s’investissent dans leurs études (2,82). Au contraire, les étudiants des établissements à accès régulé sont assez motivés à ce niveau (4,72), ils entreprennent des activités universitaires pour se sentir compétents et capables de maîtriser plusieurs tâches. Leur auto-efficacité au sens de Bandura [7] est manifestement plus importante.
76Les étudiants des établissements à accès libre affichent un score de motivation intrinsèque à la stimulation de 2,79 alors que les étudiants des établissements à accès régulé affichent un score de 3,79. Même s’il existe une différence significative entre les deux groupes d’étudiants en faveur de ceux des établissements à accès régulé, les sensations comme comportement motivationnel n’occupent pas une place importante. L’amusement, l’enthousiasme né de l’échange avec autrui ou le plaisir sensoriel issu de l’implication dans la vie étudiante ne sont pas déterminants pour suivre des études.
77En combinant les trois composantes de la motivation intrinsèque, le score global de la Motivation Intrinsèque montre que la MI des étudiants des établissements à accès régulé est supérieure à celle des étudiants des établissements à accès libre. Les scores de la MI sont respectivement de 2.84 et 4,61 pour les étudiants des établissements à accès libre et pour ceux des établissements à accès régulé.
78Les résultats attendus au niveau de la MI pour les étudiants des établissements à accès libre correspondent aux résultats obtenus.
3.2.1 – La motivation extrinsèque
79L’étude des scores de la motivation extrinsèque identifiée montre que les étudiants des établissements à accès libre obtiennent un score de 3, alors que les étudiants des établissements à accès régulé obtiennent un score de 5,52. Le choix des études universitaires est dicté par la motivation extrinsèque par identification lorsque l’étudiant choisi lui-même son parcours, d’une manière autodéterminée. Les étudiants des établissements régulés font preuve de ce type de motivation à l’opposé des étudiants des établissements à accès libre qui manquent d’autodétermination.
Scores de la ME des étudiants en fonction du type d’établissement
Scores de la ME des étudiants en fonction du type d’établissement
80Les étudiants des établissements à accès libre affichent un score de la motivation extrinsèque introjectée de 2,9 contre 5,19 pour les étudiants des établissements à accès régulé. Dans ce type de motivation extrinsèque, l’étudiant intériorise les sources de contrôle de ses comportements. Ce comportement est apprécié chez les étudiants des établissements à accès régulé et très peu éprouvé par les étudiants des établissements à accès libre.
81Les résultats de la motivation extrinsèque à la régulation externe témoignent également d’une grande différence au niveau des scores. Les étudiants des établissements à accès libre obtiennent un score de 2,67 contre 5,3 pour les étudiants des établissements à accès régulé. Ce qui montre que le deuxième groupe est plus motivé par des sources de contrôle et des comportements qui sont à l’extérieur de l’individu (Suivi des parents ou effet de groupe par exemple). Leur motivation est entretenue alors que le comportement des étudiants des établissements à accès libre est très peu régularisé par des causes externes.
82Le score global de la Motivation Extrinsèque montre que les étudiants des établissements à accès régulé sont, encore une fois, plus extrinsèquement motivés que ceux des établissements à accès libre.
Scores de l’AMOT des étudiants en fonction du type d’établissement
Scores de l’AMOT des étudiants en fonction du type d’établissement
3.2.3 – L’amotivation
83En termes d’amotivation, les scores obtenus pour les étudiants des établissements à accès libre et régulé sont respectivement de 2,50 et 2,12. Ces scores sont proches et signifient que l’ensemble des étudiants sont peu ou très peu amotivés. Contrairement à toute attente, le score pour les étudiants des établissements à accès libre attendu très fort est très faible. Ce résultat montre que plus de 85% des étudiants sondés savent bien ce qu’ils font dans leur établissement et perçoivent les relations entre leurs comportements et les résultats obtenus. Ce résultat conforte davantage notre proposition de recherche et élimine l’hypothèse selon laquelle une erreur d’orientation peut expliquer le manque de motivation.
L’Indice Global de Motivation selon le type d’établissement et le sexe
L’Indice Global de Motivation selon le type d’établissement et le sexe
3.2.4 – L’indice global de la motivation
84Les résultats de mesure de l’Indice Globale de Motivation tel que proposé par Vallerand et al. (1989) qui doit être compris entre -18 et + 18 sont respectivement de 0,9633 et de 5,2402 pour les étudiants des établissements à accès libre et pour ceux a accès régulé. L’indice est très faible pour la première catégorie d’étudiant. Ce résultat qui s’avère très alarmant mérite une étude particulière et davantage d’attention quant aux établissements universitaires à accès libre.
Récapitulatif des scores de l’implication et de la motivation des étudiants selon les deux types d’établissement
Récapitulatif des scores de l’implication et de la motivation des étudiants selon les deux types d’établissement
85Les résultats obtenus témoignent d’une différence significative entre les scores selon que les étudiants appartiennent à un établissement à accès libre ou à accès régulé. Pour les établissements à accès régulé, les étudiants sont moyennement impliqués et assez motivés. En revanche, en ce qui concerne les étudiants des établissements à accès libre, le résultat est préoccupant notamment pour le score de la motivation globale. Un score de motivation de 0,96 signifie que les étudiants ne sont pas du tout motivés. En termes d’implication, les mêmes étudiants sont très peu impliqués. Dès lors, il semble peu étonnant que leurs taux de réussite, leur persévérance et leur niveau de compétences diffèrent.
Conclusion
86L’objectif de notre étude est de montrer que le mode d’entrée dans les études peut influencer la motivation et l’implication des étudiants et donc accroitre leur chance de réussite. Les résultats obtenus dans l’exemple marocain confirment cette intuition. Toutefois avant d’en faire une règle générale applicable au cas français, il convient de conforter ces résultats de deux manières :
- en étendant l’expérimentation, notamment en utilisant cette même échelle pour mesurer les niveaux de motivations et implication d’étudiants faisant l’objet d’une sélection à l’entrée de leur parcours (IUT, classe préparatoire intégrée, master 2) et de les comparer à ceux des étudiants de filières ouvertes (licence au sein des UFR, master 1..) ou à capacité d’accueil (certaine UFR STAPS, études de santé..). Les droits d’inscription de toutes ces différentes filières sont fixés par l’Etat à un niveau relativement bas. Cela permet d’éliminer également la variable prix.
- En introduisant d’autres variables susceptibles d’influer sur la motivation et l’implication. Par exemple, en amont de la formation et participant de la décision de suivre ou non celle-ci, la reconnaissance sociale de la filière suivie, la représentation des métiers envisagés avec l’obtention du diplôme. Egalement il devrait être possible d’introduire une variable « différenciation pédagogique » et une variable « ressources humaines et moyens utilisés »
87Si ces études devaient confirmer notre hypothèse, il serait alors utile en matière de management public et d’optimisation des dépenses publiques de réfléchir à la mise en place d’une réelle orientation active en conférant dans un premier temps un rôle plus directif aux procédures APB, d’autant plus que les statistiques officielles confirment que les étudiants ayant obtenu leur premier vœux d’affectation réussissent mieux que ceux contraints à suivre leur dernier vœux. Cela supposerait également que les missions d’orientation et d’aide à l’insertion professionnelle soient mieux considérées dans nos universités.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : orientation active, accès régulé, motivation, implication
Mise en ligne 13/10/2015
https://doi.org/10.3917/gmp.034.0005Notes
-
[1]
Maître de conférences HDR, Université de Reims Champagne-Ardenne, CRDT EA 3312, thierry.come@univ-reims.fr
-
[2]
ATER, Université de Reims Champagne-Ardenne, CRDT EA 3312, abdelilah.yassine@univ-reims.fr
-
[3]
Comme, par exemple, Freud (1917) et Hull (1943, 1952).
-
[4]
Tétouan, Tanger, Rabat, Khouribga, Fès, El Jadida, Casablanca, Béni Mellal, Settat et Agadir.
-
[5]
Cartographie et géomantique appliquées, droit, électronique et informatique industrielle, sciences économiques et de gestion, génie électrique, informatique, ingénierie, mathématiques-physique, réseaux et télécommunication, sciences des mathématiques-physique-chimie (SMPC), sciences de la vie et de la terre (SVT).
-
[6]
36 % des étudiants sont en L1 ; 20 % en L2 ; 27 % en L3 ; 8,2 % en Master1 ; 6,5 % en Master2 ; et, 2% en doctorat.
-
[7]
L’auto efficacité se rapporte aux « jugements que les personnes portent sur leurs capacités à organiser et à réaliser les types d’actions requis pour atteindre certains objectifs. » (1986, p.391).