Notes
-
[1]
Maître de conférences, HDR, en sciences de gestion, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Laboratoires PRISM & ERASME,, E-mail : sophie.gaultier-gaillard@univ-paris1.fr
-
[2]
Maître de conférences en sciences de gestion, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Laboratoires PRISM & ERASME, florent.pratlong@univ-paris1.fr.
-
[3]
Programme LITEAU, Axes 2 et 3. « Submersion marine et impacts paysagers et sociaux dans le Bassin d’Arcachon : Gérer par la dé-poldérisation ? ». Nous remercions Lydie Goeldner-Gianella et Frédéric Bertrand pour les commentaires sur ces recherches dans le cadre du projet BARCASUB.
Introduction
1Les tempêtes de Janvier et Février 2009 ont rappelé la vulnérabilité des côtes basses du littoral atlantique français à l’aléa de submersion marine, dix ans après les impacts dramatiques, tant sur le plan financier que socio-culturel, de la tempête de 1999. Bien que protégées de l’Océan par la flèche du Cap Ferret, les rives d’Andernos dans le bassin d’Arcachon ont été submergées par 1m d’eau. Avec un coefficient de marée supérieur à celui de morte eau à la date de la tempête, ce niveau aurait pu doubler. Les autorités locales ont dû déterminer s’il était pertinent de reconstruire les digues qui avaient cédé et envisager des investissements de consolidation pour l’existant ou une dépoldérisation totale ou partielle du Bassin- c’est-à-dire la réouverture de polders à la mer au moyen de procédés variés utilisant des écluses, des brèches ou des démantèlements de digues - en prenant en compte les conseils de scientifiques, de gestionnaires mais également les perceptions des riverains et des touristes. L’objet de cet article est de fournir une valorisation des perceptions des populations en s’appuyant sur l’approche par les ressources et la théorie des perspectives. Une première partie présente les spécificités du territoire, puis une deuxième partie expose les résultats économétriques d’une enquête par questionnaire réalisée auprès de différents acteurs à travers la mise en œuvre de la méthode des coûts de transport et de la méthode d’évaluation contingente. Ces résultats sont issus d’un programme de recherche innovant prenant conjointement en considération les aspects biophysiques, sociaux, économiques de la gestion côtière dans le cadre des programmes de recherche « LITEAU » [3].
1.1 – Un territoire aux multiples ressources
1.1.1 – La valorisation et la préservation du littorale : entre proximité et gestion intégrée
2La notion de territoire est polysémique et, selon les disciplines qui se l’approprient, prend des significations très variées. Pour les géographes un territoire est la composante identitaire d’un espace que s’approprient les acteurs (Levy, Lussault, 2003) et est défini selon trois angles d’approche : une appartenance juridique, une spécificité naturelle et une spécificité culturelle (George, Verger, 2009). Comprendre un territoire c’est chercher à comprendre les multiples interactions qui existent entre ses différentes composantes. En sciences de gestion, le territoire peut être considéré comme un système complexe, telle une organisation. Cette complexité s’inscrit à la fois dans l’écosystème et offre de nombreuses aménités (activité de pêche, chasse, sport, agrément du paysage, etc.). La gestion du littoral est alors intrinsèquement liée aux différents usages, en intégrant la nécessité de préservation et de mise en valeur. Le littoral représente un bien commun localisé, générateurs de nombreux conflits d’usages. Il apparaît donc nécessaire de prendre en compte les particularismes locaux et la pluralité des acteurs (souvent animés par des intérêts divergents). Un développement d’une approche stratégique et intégrée des activités humaines et de leur impact sur le littoral nécessite d’identifier les acteurs concernés (Hénocque, Denis, 2001) : (1) les gestionnaires / décideurs (syndicat, élus locaux, collectivités territoriales, etc.), qui apparaissent comme les acteurs centraux ; (2) les représentants de l’Etat (Préfets, services déconcentrés de l’Etat, etc.) et les établissements publics impliqués (notamment le Conservatoire du littoral), qui jouent un rôle important dans l’arbitrage, le soutien technique et la régulation ; (3) les acteurs socio-économiques concernés, qui traduisent la multiplicité des usages et des activités économiques sur le territoire ; (4) les experts techniques et scientifiques (experts, universitaires, etc.), qui produisent les connaissances pour guider le débat ; (5) les associations d’usager et les ONG, qui s’impliquent dans la démarche de concertation et de gestion.
3La coordination de ces acteurs nécessite de construire de nouveaux dispositifs institutionnels dédiés à la gestion locale des enjeux environnementaux et sociaux du littoral. Cette coordination est rendue possible par l’existence d’un proximité institutionnelle entre les acteurs, qui conduit à l’émergence d’une gouvernance territoriale. Le courant théorique de l’« école des proximités » (Pecqueur, Zimmerman, 2004 ; Rallet, Torre, 2005) considère que l’implication des acteurs offre des possibilités de rencontre et des opportunités sur la gestion locale des enjeux environnementaux, liées à l’échange entre les parties concernées. Les proximités sont de deux catégories (Rallet, Torret, 2005) : d’une part géographiques (fondées sur la distance et mesurées en terme d’unité physique par des coûts de transports), et d’autre part organisées (composées de l’interaction entre les acteurs et du partage des valeurs et représentations). Ces proximités favorisent l’apparition d’une trajectoire collective à l’échelle territoriale autour des aménités. La gouvernance est alors appréhender comme « un processus non seulement de coordination des acteurs mais aussi d’appropriation des ressources et de construction de la territorialité. Cette forme particulière de coordination par création de groupe ne se construit pas seulement par l’identification d’un problème commun mais aussi à travers (…) la transformation et l’appropriation par les acteurs locaux des ressources non valorisées des territoires. La coordination, la négociation rendues nécessaires pour faire évoluer le territoire vers les objectifs souhaités amènent à créer de nouveaux lieux de concertation, de nouvelles techniques d’action et de décision, de nouveaux processus » (Leloup et al., 2005). De manière à concilier les intérêts légitimes mais parfois antagonistes voire contradictoires des divers acteurs, le concept de « gestion intégrée » du littoral semble s’imposer pour refléter les variables institutionnelles et le caractère polycentrique de la gouvernance (Ostrom, 2005). L’approche par les « ressources » (Wernefeldt, 1984 ; Hamel, Prahalad, 1994 ; Tywoniak, 1998) permet aussi de conceptualiser le territoire comme un panier de ressources et d’analyser les différentes combinaisons qui le différencient de ses concurrents et lui confèrent un avantage concurrentiel (Perteraf, 1993), caractérisé, dans notre d’étude, par l’attractivité ressentie par les touristes, et évaluée par la méthode des coûts de transport.
4Le Bassin d’Arcachon est un cas d’école car ses ressources sont multiples et les acteurs concernés nombreux. La préservation et la valorisation de ses ressources naturelles sont indispensables à son développement touristique, vital pour la région. Le développement de cet avantage concurrentiel est par conséquent directement lié aux politiques publiques de gestion du littoral du Bassin d’Arcachon. Notamment, les domaines endigués sont susceptibles d’être aménagés en conséquence d’une politique de dépoldérisation partielle ou totale du Bassin. Les enjeux sont alors très diversifiés, en fonction des populations considérées. Sur le plan des perceptions des populations locales, sur les terrains endigués, situés à 2 ou 3km de la mer, les riverains considèrent les digues comme des « bastions », des « remparts » face à la mer. Les communes, mise à part celle du Teich, ne possédent toujours pas en 2010 de plan de prévention du risque inondation (PPRI). Sur le plan écologique, la submersion des polders entraîne une diminution des marais doux et prairies humides, encore exploitées, au profit des marais salés, mais permet la reconstitution de vasières et de prés salés dont la grande valeur écologique est connue (Soriano, 1992 ; Ledoux et al., 2005). Sur les plans patrimonial et paysager, il faut tenir compte de la conservation des « bassins à poissons » des polders, auxquels les populations sont très attachées, et qui a même généré la construction de villages ex-nihilo (Audenge). La présence de ces polders permet également à la population, et notamment aux chasseurs et pêcheurs, qui ont un fort pouvoir politique dans cette région, un accès aisé au bassin. Sur le plan économique, les digues jouent un rôle crucial pour le tourisme (notamment à travers les valeurs récréatives) car elles sont fréquemment empruntées par les promeneurs, qui profitent de la vue panoramique sur la lagune et ses marais, et sur les bassins et marais doux des polders. D’autre part un parc ornithologique, qui joue un rôle économique majeur, accueille plus de 2 millions de visiteurs depuis sa création. Les conséquences de la décision des autorités publiques locales de transformer ou non le Bassin sont donc considérables.
1.1.2 – Une nécessité : la prise en compte des perceptions populations
5La question de la récurrence du phénomène et de la maîtrise de ses impacts interpelle fortement les pouvoirs publics dont les ressources sont contraintes et pour lesquels l’entretien du Bassin pèse lourdement sur les budgets. De plus la demande locale de protection s’accentue. Si le bassin d’Arcachon est une zone particulièrement appropriée pour l’étude du risque de submersion et de ses impacts, il l’est également pour une réflexion sur le choix de la « dé-poldérisation » comme mode de gestion de ce risque. Parmi les nombreux marais endigués des rives sud et est du bassin, certains ont déjà été dépoldérisés, soit accidentellement dans deux propriétés du Conservatoire du Littoral (CELRL), soit volontairement à La Teste-de-Buch. Cinq sites distincts ont été retenus pour répondre à ces objectifs.
Les sites retenus pour l’étude
Les sites retenus pour l’étude
6Les caractéristiques de ces sites sont proches : de taille moyenne (de 5600 à 8700 habitants), ces communes ont développé un tourisme différent des autres communes du bassin, car orienté sur les espaces de préservation de la Nature. Néanmoins, elles connaissent une forte croissance démographique (de 13 à 32 % entre 1999 et 2004), ce qui constitue un facteur d’augmentation de la vulnérabilité. Afin de recueillir les perceptions des populations, permettant de caractériser leurs préférences, des questionnaires d’évaluation ont été proposés, par interview directe sur le site, à un échantillon d’usagers. La prise en compte de l’intérêt des citoyens dans l’aménagement du littoral passe ainsi par l’estimation de leurs préférences individuelles (Robin et al., 2008). Il est donc nécessaire de fonder l’évaluation sur des enquêtes par questionnaires, révélatrices des comportements directs des individus et de leurs perceptions du littoral.
7Ces questionnaires ont permis d’éliciter les préférences révélées des individus en se fondant sur la théorie des perspectives (Kahneman, Tversky, 1979, 1982 ; Kahneman, 1992 ; Kahneman, Ritov, 1994), tenant compte des biais cognitifs susceptibles d’influencer leurs perceptions. L’idée essentielle de la théorie des perspectives est de prendre en compte les jugements des individus et d’intégrer leurs désaccords au niveau des probabilités afin de leur donner du sens. La théorie des perspectives considère que les individus ne sont pas capables d’analyser complètement les situations qui comportent des jugements probabilistiques et économiques. Ces individus raisonnent davantage sur des heuristiques ou des raccourcis mentaux qui sont souvent biaisés. Cela a été pris en compte pour apprécier les réponses des individus interrogés, formulant leur perception individuelle du littoral, en évaluant chacun des scénarii correspondant à chacun des modes de gestion pour les sites endigués du Bassin d’Arcachon. Cette théorie des perspectives offre ainsi un cadre conceptuel intéressant, dans le sens où elle est fondée sur une transformation non linéaire des probabilités qui permet d’admettre une somme des probabilités inférieure ou égale à 1, et ainsi tolérer la décision correspondant au « je ne sais pas ». D’autre part, cette théorie repose sur des variations relatives des préférences et non des variations absolues, telle la théorie de l’utilité espérée, permettant ainsi de mieux refléter les préférences des individus. En effet, elle peut ainsi admettre une fonction valeur sensible aux situations de pertes et de gains, relatant l’acceptation d’une évolution temporelle du comportement de l’individu face au risque (en l’occurrence le risque de submersion marine dans le Bassin d’Arcachon).
8Il n’en demeure pas moins une difficulté à établir une préférence collective sur les modes de gestion du littoral à partir des préférences individuelles exprimées par chaque individu (au sens du théorème d’impossibilité d’Arrow, 1963). La théorie du choix social (Kelly, 1991) montre ainsi que la totalité des options considérées est un ensemble, qui peut uniquement être composé d’états sociaux, et ne résulte pas d’une agrégation de préférences individuelles. Toutefois, même si les préférences des individus ne sont pas pleinement intégrées au regard de la gestion des sites endigués, une politique publique optimale du littoral est susceptible d’être menée sur la base d’un dialogue de gestion entre les administrations publiques concernées (municipalité, région, conservatoire du littoral, etc.), qui prennent connaissance de ces préférences individuelles. C’est le sens de la gestion intégrée du littoral qui repose sur une évaluation préalable des préférences des populations.
2 – La dé-poldérisation dans le bassin d’Arcachon : un mode de gestion novateur face au risque de submersion marine ?
2.1 – Méthode d’étude des préférences et représentation de la valeur des digues
9La dé-poldérisation du littoral est perçue par les individus, autrement dit les populations locales ou les vacanciers, à travers une modification des dommages et des bénéfices environnementaux ressentis directement ou indirectement sur les sites de Graveyron, Certes et Malprat du bassin d’Arcachon. Différentes méthodes ont été appliquées pour appréhender cette représentation de la valeur économique, déterminée par la somme des valeurs escomptées, présentes des flux de tous les services produits, liés au changement d’état physique du littoral, suite à une dé-poldérisation. Cette valeur économique est déterminée au sens de la théorie néo-classique du bien-être et se fonde sur une notion de substituabilité permettant de révéler les valeurs que les individus attribuent au littoral. Ces valeurs, fondées sur la substituabilité des attributs considérés, sont exprimées en termes de consentement à payer CAP, représentant la somme monétaire maximum qu’un individu est prêt à payer plutôt que de renoncer à une amélioration d’un service rendu par le littoral dans son état existant.
10Plusieurs catégories composent cette valeur économique globale du littoral, pouvant être affectées par une dé-poldérisation totale ou partielle des sites. La valeur économique totale englobe la valeur d’usage et la valeur de non usage. La valeur d’usage correspond à une utilisation effective envisagée ou possible de l’actif environnemental en question. Cette valeur économique totale englobe la valeur d’usage et de non usage. D’une part, la valeur d’usage correspond à une utilisation effective, envisagée ou possible du littoral sur les sites de Certes, Malprat et Graveyron. Certains individus peuvent notamment être disposés à payer pour préserver ce littoral afin de garder la possibilité d’usages à l’avenir. Cette valeur d’option est une valeur d’usage, car ils ont la possibilité d’en avoir la jouissance. D’autre part, les individus perçoivent aussi une valeur de non usage correspondant à leur consentement à payer pour préserver le littoral qui n’est pas effectivement utilisé ou qu’il n’est pas envisageable d’utiliser ou qu’il est impossible d’utiliser. Il existe trois types de valeur de non usage. La valeur d’existence renvoie au consentement à payer pour préserver l’existence de services du littoral qu’aucun individu n’utilise ou n’envisage d’utiliser effectivement. D’autres motivations font état de l’intérêt pour l’existence des services environnementaux eux-mêmes ou d’un souci de protection conduisant à se sentir responsable du site lui-même. La valeur altruiste reflète le souci de rendre le littoral concerné accessible à d’autres personnes de la génération du moment. La valeur patrimoniale témoigne du souci d’assurer à la prochaine génération et aux générations suivantes la possibilité de connaitre les sites dans leur état actuel.
Représentation des différentes valeurs du littoral
Représentation des différentes valeurs du littoral
11Une évaluation économique du littoral a été conduite pour répondre à un double objectif :
- d’une part, produire un ordre de grandeur, en termes monétaires, des bénéfices et dommages apportés par une dé-poldérisation partielle ou totale des sites de Certes, Graveyron et Malprat afin que les décisions politiques puissent intégrer ces valeurs d’une manière cohérente ;
- d’autre part, apporter des éléments de compréhension (par le biais des données collectées au cours des études) permettant de re-situer la gestion du littoral des domaines dans un contexte plus large où les perceptions et priorités des acteurs et citoyens sont prises en compte.
12Cette évaluation économique est principalement fondée sur des méthodes qui associent une valeur exprimée en termes monétaires à des changements du littoral.
13Cette monétarisation permet de fournir un élément de comparaison à des grandeurs économiques plus classiques mobilisées dans l’analyse des décisions et les choix politiques pour la gestion des digues sur le bassin d’Arcachon. Deux approches d’évaluation économique étaient mises en pratique. Chaque méthode apporte un éclairage différent et original sur la valeur économique de la dé-poldérisation du littoral. Plusieurs méthodes ont été conjointement utilisées pour mieux capturer cette valeur qui reste difficile à évaluer : la méthode des préférences révélées par les coûts de transports (Scherrer, 2003 ; Apparé, 2004) et la méthode des préférences déclarées par l’évaluation contingente (Bonnieux, 1998 ; Venkatachalam, 2004). Voir en l’annexe 1 pour la présentation des méthodes.
Typologie des méthodes d’évaluation du littoral
Typologie des méthodes d’évaluation du littoral
14La première méthode de préférences révélées est fondée sur l’observation du comportement des individus (population locale ou vacancier) pour en déduire une mesure de leur bien être pour des usages récréatifs du littoral dans son état actuel sans dé-poldérisation. La méthode choisie est celle des coûts de transports, qui s’appuit sur le comportement effectif observé de fréquentation des sites pour en inférer une valeur à l’état existant du littoral dans sa composante récréative. Cette méthode des coûts de déplacement estime la valeur économique du bien être associée aux sites du littoral qui sont utilisés à des fins récréatives : la pêche, la baignade, la chasse, la promenade, … Cette méthode repose sur l’idée que les individus expriment l’intensité de leur demande d’usage pour le littoral par l’ensemble des dépenses qu’ils engagent pour s’y rendre et le visiter. Dans cette perspective, la valeur récréative du littoral correspond au montant que les individus sont prêts à payer pour venir visiter le site (Appéré, 2004 ; Raheema et al., 2012). La visite du littoral s’effectue si les bénéfices retirés compensent les coûts, en particulier les coûts de transport, subis pour s’y rendre. Le coût de déplacement est alors utilisé pour mesure l’unité de l’intensité de la visite. Ce coût de déplacement prend en compte les coûts de transport kilométriques et le coût d’opportunité du temps de déplacement. Cette méthode des coûts de transport a été appliquée sur les sites de Malprat, Certes et Graveyron par l’administration d’un questionnaire au cours du printemps 2010 et de l’été 2011 pour déterminer le taux de fréquentation des sites sur les domaines du littoral, éléments indispensables au calcul du taux de visites dont les résultats sont présentés dans les tableaux 3 et 4 ci-dessous.
Enquêtes par la méthode des coûts de transport au printemps 2010
Enquêtes par la méthode des coûts de transport au printemps 2010
Enquêtes par la méthode des coûts de transport à l’été 2011
Enquêtes par la méthode des coûts de transport à l’été 2011
15La deuxième méthode des préférences déclarées ou méthode d’évaluation contingente a consisté à interroger directement les individus sur leur consentement à payer pour révéler leurs préférences sur les modes de gestion du littoral (Carr, 2003 ; Albertini et al. ; 2005). Il s’agit d’évaluer la préférence des riverains et visiteurs pour différents modes de gestion de la digue avec la dé-poldérisation totale ou partielle, renforcement des digues (voir en annexe 2 pour une présentation des scénarii). La mise en œuvre de la méthode d’évaluation contingente a nécessité la construction d’un questionnaire pour placer les individus sur un marché hypothétique caractéristique d’une situation de référence.
16Le questionnaire, en lui-même, est composé de trois parties.
- La première s’intéresse au degré de sensibilisation des individus à propos du risque de submersion marine. Pour les individus ne connaissant pas le terme, la définition suivante leur a été donnée : « La submersion marine désigne l’envahissement temporaire et brutal d’un domaine continental littoral (par exemples : Certes, Malprat, Graveron) par la mer sous l’action de processus physiques se manifestant de manière extrême (forte dépression atmosphérique, vent violent, forte houle,..), associés à des phénomènes naturels plus réguliers (marée astronomique, variation de température de l’eau, flux marin régulier, inversion des vents jour/nuit,…) ».
- La deuxième partie porte sur la valorisation de la gestion du littoral et permet de fournir une estimation de la valeur accordée par chaque individu à l’aménagement du littoral afin de pouvoir construire leur consentement à payer. Trois scénarii ont été établis afin de mettre chacun des individus en situation.
- le premier scénario propose, de façon totalement imaginaire, que, pour aider à la gestion du littoral, les visiteurs puissent, lors de leur visite, faire un don à un fonds spécifique ;
- le second scénario suppose, de façon imaginaire, que l’on demande aux visiteurs sur place de contribuer financièrement à la gestion du littoral par l’achat d’un ticket de stationnement ou d’un ticket d’entrée ou de passage ;
- le troisième scénario suggère, de façon toujours imaginaire, que les habitants participent au financement de la gestion du littoral par un supplément d’impôts locaux répartis sur plusieurs années, par exemple sur 5 ans.
- La troisième partie de l’enquête concerne les données socio-économiques. L’objectif était de mieux connaître, certes, les motivations des individus, mais aussi de chercher à savoir si ces caractéristiques socioéconomiques et psychologiques n’influençaient pas le fait de donner ou non un consentement à payer positif. Ces données étaient nécessaires à la construction d’un modèle explicatif du CAP. Cette dernière partie s’est attachée à recueillir des informations telles que : la ville d’origine, l’âge, la CSP, la tranche du revenu, etc. ;
17L’application de la méthode d’évaluation contingente a ainsi consisté à recréer artificiellement une alternative de choix qui n’existe pas pour permettre la déclaration notamment de la valeur accordée à la gestion du littoral. Cette méthode a conduit à demander au cours de l’été 2011 directement aux individus (la population locale et les vacanciers) de déterminer leur consentement à payer pour des modes alternatifs de gestion de la digue, fondés sur un scénario de référence hypothétique. Cela a permis de faire révéler en grandeur monétaire les variations de bien être qu’un individu peut anticiper d’une modification de l’état de la digue sur les domaines du bassin d’Arcachon.
2.2 – Le poids des représentations, des pratiques et de l’implication locale dans le refus d’une gestion novatrice du risque de « submersion »
2.2.1 – Des intentions également défavorables à la dé-poldérisation
18La mise en œuvre des méthodes d’évaluation économique, d’une part par la méthode des coûts de transports, et d’autre part par la méthode d’évaluation contingente, permet de déterminer une valeur perçue et déclarée par les individus (la population locale et les vacanciers) pour la préservation des sites du littoral dans leur état actuel. Il ressort de ces deux études que la dé-poldérisation totale n’est pas une option privilégiée par les individus en raison d’une perte d’activité récréative ou d’une évaluation non désirée face à un risque de submersion marine.
19La méthode des coûts de transports a mis en évidence l’existence d’une valeur récréative pour les sites dans la configuration actuelle, correspondants à un bénéfice économique retirés équivalent à une compensation monétaire de l’ordre de 12,2 euros par visite si une dé-poldérisation venait à affecter l’état actuel de la digue. Il ressort de cette étude que les professions supérieures et les femmes seraient davantage sensibles à préserver l’état existant du site pour pratiquer des activités de loisir sur les sites endigués du bassin d’Arcachon. Les résultats sont concordants dans les deux enquêtes réalisées au printemps 2010 et à l’été 2011. L’enquête du printemps 2010 montre que plus le revenu est élevé plus le taux de fréquentation est important, signifiant par la même une perte d’usage récréatif (Mc Conell, 1975) équivalente en cas de dé-poldérisation des sites. L’enquête réalisées sur les coûts de transport à l’été 2011 montre que ceux qui visitent le plus le site sont des individus de l classe moyenne (i.e. les individus avec u revenu entre 1000 et 1500 euros).
Synthèse des résultats de l’enquête sur les coûts de transport du printemps 2010
Synthèse des résultats de l’enquête sur les coûts de transport du printemps 2010
Synthèse des résultats de l’enquête sur les coûts de transport à l’été 2011
Synthèse des résultats de l’enquête sur les coûts de transport à l’été 2011
20Ces deux enquêtes permettent d’établir que le taux de fréquentation est important pour le revenu de la classe moyenne (i.e. le revenu entre 1000 et 2000 euros). Par ailleurs, le maximum du coût d’opportunité est de 212.70 euros et celui du coût kilométrique est de 1334.24 euros. Le maximum du coût total est donc égal à 1546.91 euros. De plus, plus le coût total est petit plus le taux de fréquentation est important, ce qui montre une fréquentation des domaines endiguées essentiellement par les habitants des communes du Teich, Audenge et Biganos. Inversement, plus le coût total est important, moins il y aura de visiteurs. Le taux de visite est assez important lorsque le coût total est entre 0 et 100 euros pour les populations locales. La fréquentation des sites est assez élevée lorsque les coûts totaux sont aux alentours de 100 et 200 euros ou entre 700 et 800 euros pour les habitants de la région Aquitaine ou les vacanciers. En effet, plus le temps de trajet en minutes est grand plus le coût d’opportunité du temps est grand donc moins il y aura de visiteurs sur le site. De même, plus la distance en kilomètre est importante plus le coût de la distance est grand et le taux de fréquentation est moins important. Par contre, étant donné la valorisation des coûts de transports auprès des individus interrogés, il semble que les visiteurs du site font, pour la plupart, peut-être partie de la classe moyenne. Ces valeurs sur la fréquentation des sites permettent ainsi d’apprécier les valeurs d’usage récréatives potentiellement affectées en cas de dépoldérisation des sites.
21La méthode d’évaluation contingente a permis de hiérarchiser les préférences des individus (la population locale et les vacanciers) sur le mode de gestion de la digue dans le cas de l’option de dé-poldérisation. Un premier constat établit que les valeurs, obtenues sur le consentement à payer moyen, sont significatives. Le scénario relatif au comportement de don, parmi tous les modes de gestion proposés pour la digue, fournit les valeurs les plus élevées. Le comportement de don est ainsi révélateur du fait que la digue est considérée comme un bien public global. Autrement dit, les individus interrogés sont prêts à souscrire à un don sans lien direct avec leur usage du littoral ou leur niveau de revenu. Toutefois, il faut relativiser ce résultat car les individus interrogés présentent une faible sensibilité au problème de gestion de la digue. Les individus interrogés acceptent les différents modes de gestion de la digue (notamment l’option de renforcement), mais ne veulent pas y contribuer directement et individuellement. Un consentement moyen relatif au paiement d’un ticket d’usage ou de la création d’un impôt supplémentaire a été néanmoins établi, mais il reste faible.
Estimation du Consentement à Payer pour les différentes options de gestion de la digue en fonction du véhicule de paiement annoncé dans le scénario
Estimation du Consentement à Payer pour les différentes options de gestion de la digue en fonction du véhicule de paiement annoncé dans le scénario
22Dans le cas des résultats relatifs au don annuel du scénario 1, il apparaît que le CAP des riverains et individus interrogés est significativement élevé. Il s’échelonne entre 42,9 euros pour la digue renforcée et 19,2 euros pour la digue éliminée. Ces résultats signifient que les individus interrogés préfèrent davantage l’option de la digue renforcée pour se prémunir contre des vulnérabilités face au risque de submersion marine mais traduisent également une acceptabilité de la dé-poldérisation partielle, car tous les modes de gestion de la digue sont valorisés. L’option de la digue éliminée, ou de dé-poldérisation totale, est l’option la moins valorisée par les individus interrogés. Plus spécifiquement, le scenario 1 propose, pour aider à la gestion du littoral, que les visiteurs et résidents puissent, lors de leur visite, faire un don à un fonds spécifique. Il était demandé aux visiteurs de spécifier le montant qu’ils seraient prêt à payer pour chaque option :
- Dans l’option « digue actuelle », les variables les plus significatives qui influencent négativement le choix des individus sont : l’emplacement du logement (plus ce dernier est proche du littoral et plus l’individu la redoute), le type de logement (autrement dit l’individu propriétaire est défavorable à son maintien), leur catégorie socio professionnelle (plus cette dernière est élevée et plus les individus souhaitent une modification de la digue), et leur genre (autrement dit les femmes sont défavorables au maintien de la digue actuelle). Par contre, l’individu évacué suite à la tempête Xynthia et dont le revenu est élevé est favorable au maintien de la digue actuelle.
- Dans l’option « digue renforcée », plus l’individu est informé sur le risque de submersion marine et plus il est favorable à ce choix. Par contre, les femmes propriétaires y sont davantage défavorables que les hommes interrogés ; et l’information sur le risque d’inondation par les rivières vient renforcer ce choix.
- Dans l’option « digue ouverte », les individus n’y sont pas trop favorables car ils remettent en cause l’aptitude des pouvoirs publics à informer la population.
23D’autres études similaires ont été effectuées pour les deux autres scénarii avec différents véhicules de paiement (ticket d’usage et impôts), mais les individus n’ont pas retenu ces deux scénarii dans leurs choix et donc le nombre de réponses ne permet pas d’effectuer une généralisation. Plus de 82% des individus ne souhaitent pas retenir cette option. L’analyse économétrique, sur le scénario retenu par les individus, donne les résultats présentés ci-après.
24Dans l’option « digue actuelle », les variables les plus significatives sont l’emplacement du logement, le type de logement, leur catégorie socio professionnelle et leur sexe, qui influencent négativement le choix des individus de la maintenir. Par contre, plus le revenu est élevé et plus l’individu est favorable au maintien de cette dernière. La variable relative aux évacuations les influence également positivement dans ce choix.
25Dans l’option « digue ouverte », les individus n’y sont pas trop favorables car ils remettent en cause l’aptitude des pouvoirs publics à informer la population.
Estimation du Consentement à Payer Scénario 1 par le don
Estimation du Consentement à Payer Scénario 1 par le don
*** : variable Significatives à 1%, ** Variable significatives à 5%, * Variable significatives à 10%Conclusion
26Cette évaluation des préférences, des populations locales et des visiteurs, des sites des terrains endigués du Bassin d’Arcachon, offre une représentation de l’intégration en amont des usages et des représentations locales et multiformes du littoral. La nature territoriale des enjeux de la dé-poldérisation conduit à favoriser la préservation du littoral. Les résultats obtenus permettent d’apporter une valorisation monétaire à la perception des populations sur différents scénario de dépoldérisation potentielle, partielle ou totale, dans un contexte de risques de submersion marine. Les autorités locales peuvent ainsi envisager des contributions annuelles par individu dans le cas du renforcement des digues. D’une part, l’étude montre que les individus ont un consentement à payer significatif par visite sur le site ainsi transformé. D’autre part plus l’information sur le risque de submersion marine est diffusée de façon explicite, plus les individus sont enclins à contribuer financièrement à la préservation du littoral.
27Ces valorisations monétaires permettent ainsi aux décideurs locaux d’intégrer, dans leurs projections, non seulement la participation financière potentielle des populations, mais également leur aptitude, selon leurs caractéristiques socio-économiques, à accepter les décisions publiques. Ces dernières doivent concilier l’intérêt scientifique des géographes, prônant la dépoldérisation qui permettrait d’éviter toute inondation car les fortes houles viendraient à se casser sur les zones nouvellement inondées, l’intérêt des associations telle « chasse, pêche et traditions » qui souhaitent conserver leurs acquis, l’attrait touristique du parc ornithologique, et le développement touristique qui incite certaines communes proches de la mer, mais ne la voyant pas, à être favorable à une dé-poldérisation afin de transformer leur commune en station balnéaire. Cette étude permet donc d’apporter un élément de décision primordial par la valorisation économique des préférences des individus face à une option de dé-poldérisation. D’après les résultats de l’enquête, il est incontestable que les individus souhaitent conserver leurs digues et s’opposent à toute dé-poldérisation. L’opinion des individus est un élément clé de la politique de gestion du littoral qui doit chercher à améliorer le bien-être des individus tout en conservant l’habitat.
Les méthodes d’évaluation des actifs environnementaux
La méthode des coûts de déplacement
28La méthode des coûts de déplacement a été développée par Hotelling (1947) pour évaluer les bénéfices environnementaux retirés par les parcs nationaux aux Etats-Unis. La formalisation canonique a été développée par la suite par Clawson et Knetsch (1966). McConnel (1975) précisera la relation entre les précédentes études appliquées et la théorie économique, en démontrant notamment que la fréquentation d’un site dépend du prix d’accès au site, de la qualité du site et du revenu disponible des individus. Dans cette perspective, la valeur d’un site naturel correspond au montant que les individus sont prêts à payer pour venir visiter le site. Le coût de déplacement est alors utilisé pour mesure l’unité de l’intensité de la visite. Cette méthode permet de révéler la valeur accordé à un actif environnemental (par exemple un paysage) à partir du coût que les visiteurs supportent pour s’y rendre. La visite d’un site s’effectue si les bénéfices retirés compensent les coûts et, en particulier les coûts de transport, subis pour s’y rendre. La méthode des coûts de déplacement nécessite donc le calcul d’une fonction de demande pour l’actif environnemental. L’idée de base consiste à estimer le consentement des individus à payer pour l’aménagement de sites de loisirs d’après la somme d’argent et le temps qu’ils ont consacré pour s’y rendre. Il s’agit donc de construire une demande qui exprime le consentement à payer de l’individu, en supplément des dépenses engagées pour la consommation de bien marchand. Les individus manifestent ainsi une demande pour un site récréatif par les dépenses de transports (et droits d’entrée) engagé et le coût d’opportunité du temps de trajet.
29La première étape a conduit à estimer une courbe de fréquentation à partir d’une régression reliant les trajets par tête au coût de déplacement pour chaque zone. La demande observée de trajet est : Vi/Ni=f(Ci) avec Vi le nombre total de trajets effectués par les résidents de la zone i, avec Ni la population totale de la zone i et avec Ci le coût moyen de déplacement pour se rendre de la zone i au site. Pour relation linéaire simple, cette relation s’écrit de la forme : Vi/Ni=a-bCi+?i La deuxième étape a consisté à dériver une fonction de demande agrégée qui indique les nombres de visites estimées pour différents prix. Les individus provenant de différentes zones visiteraient au même taux le site s’ils étaient confrontés aux mêmes coûts d’accès. Les variations des coûts de déplacement peuvent s’interpréter comme des pseudos péages et les différences des taux de visites comme des réactions de la demande à ces droits. La demande agrégée peut ainsi être déduite de la relation entre le pseudo péage P* qui est ajouté au coût de déplacement : Vi*=a–b(Ci+P*). En augmentant progressivement la valeur de P* jusqu’à ce que le taux de visite tende vers 0, il est possible de construire la fonction de demande totale en agrégeant le nombre de visite par zone pour toute valeur de P* tel que : V*(P)= ?[Vi*(P*)/Ni]Ni. Après avoir obtenu la fonction de demande, la valeur économique du site est enfin établie par le surplus des résidents et visiteurs des domaines endigués du littoral.
La méthode d’évaluation contingente
30La méthode des préférences déclarées ou méthode d’évaluation contingente consiste à interroger directement les individus sur leur consentement à payer pour révéler leurs préférences. Cette méthode nécessite la construction d’un questionnaire pour placer les individus sur un marché hypothétique caractéristique d’une situation de référence. La méthode des préférences déclarées intègre les avancées en matière d’étude de marché et de la psychologie cognitive. Elle consiste à recréer artificiellement un marché qui n’existe pas pour permettre la déclaration notamment de la valeur non-usage des actifs environnementaux. La méthode d’évaluation contingente a été développée par Davis (1964) pour estimer la valeur économique pour tous les services de l’écosystème ou de l’environnement virtuel. La méthode d’évaluation contingente est « une méthode d’élicitation des préférences, lorsque le comportement des individus ne peut être observé sur un marché » (Desaigues et Lesgards, 1992). Le principe consiste à demander directement aux individus de déterminer leur consentement à payer pour les services environnementaux, basés sur un scénario de référence hypothétique. Il s’agit donc de faire révéler en grandeur monétaire les variations de bien être qu’un individu peut anticiper d’une modification de son environnement. Comme il n’existe pas de marché pour les actifs environnementaux, la valeur obtenue par la méthode d’évaluation contingente doit être le résultat d’un arbitrage entre diminution de la consommation de biens marchands et l’amélioration de la qualité de l’environnement. Puisque le revenu des individus est constant, il s’agit donc de faire révéler un coût d’opportunité du bien environnemental à valoriser. La méthode d’évaluation contingente, largement utilisée dans l’évaluation des actifs environnementaux non marchands, peut être employée pour estimer la valeur économique des attributs de ces digues. Il s’agit d’interroger directement les individus sur leur consentement à payer (CAP) à partir de scénarii hypothétiques. Un scénario correspond à un changement d’état, d’un ou plusieurs attributs de la digue, auquel est associé un véhicule de paiement. Cette méthode ressemble ainsi à une d’enquête d’opinion, dans laquelle sont sollicitées des personnes interviewées pour déterminer combien elles seraient disposées à payer pour éviter une dégradation de l’environnement de la digue ou au contraire pour assurer leur préservation. Cette valorisation monétaire est déterminée par le calcul de leur CAP, qui représente la somme maximum d’argent qu’un individu est prêt à payer pour bénéficier des attributs écologiques et esthétiques de la digue. Ce CAP exprime ici la préférence des individus sous la forme d’un indice de satisfaction, relatif à leur demande de préservation de la digue, qui remplit chacune de ces valeurs. Pour ceux qui y pratiquent des activités sportives (jogging, vélo, roller) ou qui s’y récréent (pique-nique, balades,…), il est possible d’affirmer que la valeur d’usage existe de façon directe. Pour les personnes qui empruntent la digue pour des raisons de commodités (chasseurs qui se rendent dans leurs abris par ex.), la valeur d’usage sera indirecte, dans la mesure où le passage par la digue leur permet de se rendre sur leur lieu de loisirs.
31La méthode d’évaluation contingente constitue un puissant outil d’analyse, dont le succès tient essentiellement dans la souplesse de sa mise en œuvre. Il s’agit d’une méthode qui, par l’interrogation directe des individus, permet d’obtenir une estimation de mesures compensées de leur variation de bien-être relatif à l’aménagement du littoral. Un questionnaire d’évaluation a été proposé, sur chacun des sites considérés, à un échantillon de visiteurs et d’usagers. Les données, ainsi recueillies, ont fait l’objet d’un traitement économétrique permettant de mieux connaître les raisons d’un CAP positif ou nul, grâce à une régression Log-linéaire. Un modèle Logit a été utilisé en complément afin d’expliquer la probabilité d’annoncer un CAP positif en fonction des autres variables révélées par l’enquête de terrain.
32Considérons un projet de préservation du littoral qui entraînerait le passage de son niveau de diversité de Q0 à Q1. L’augmentation du bien-être des agents économiques peut être évaluée à partir des modifications de leurs fonctions d’utilité. Pour un niveau de revenu donné Y0, avant la réalisation du projet, l’utilité d’un agent est donnée par : U0 = U(Y0,Q0), avec Q la qualité donnée de l’actif environnemental. Après la mise en œuvre du projet, la valeur de l’utilité d’un agent passe à U1 telle que U1 = U(Y0,Q1). La modification de l’utilité de l’agent permet la détermination de son consentement à payer (CAP) pour une amélioration de la qualité du littoral : U0 = U(Y0,Q0) = U(Y0-CAP,Q1). Le consentement à payer obtenu s’apparente au surplus consommateur, c’est-à-dire à la diminution de revenu consenti par l’agent pour lui permettre de conserver un niveau d’utilité initial, lorsque la qualité du littoral augmente de Q0 à Q1. L’utilisation de la technique d’évaluation contingente, qui reconstitue un marché fictif contextualisant le choix des agents, permet ainsi d’inciter les individus à révéler leur variation d’utilité et à définir leur consentement à payer pour l’actif environnemental.
Valorisation de la gestion du littoral des domaines du bassin d’Arcachon
Références
- ALBERINI A., ROSATO P., LONGO L. ET ZANATTA V., 2005, Information and Willingness to Pay in a Contingent Valuation Study : The Value of S. Erasmo in the Lagoon of Venice, Journal of Environmental Planning and Management, vol. 48 (2), p. 155-175.
- APPERE G., 2004, L’évaluation des actifs à usage récréatif : la méthode contingente des coûts de transport”, Revue d’Économie Régionale & Urbaine, vol. 1, p. 81-106.
- ARROW, K. J. 1963, Social choice and individual values, 2nd edition, Wiley, New-York).
- BONNIEUX F., 1998, Principe, mise en œuvre et limites de la méthode d’évaluation contingente, Economie publique, vol. 1, p 47-90
- BOSCHET C., RAMBONILAZA T., 2012, Dispositifs formels et collaborations interindividuelles autour des aménités environnementales, Management & Avenir, 2012/3 n° 53, p. 72-90.
- CARR L., MENDELSOHN R., 2003, Valuing Coral Reefs : A Travel Cost Analysis of the Great Barrier Reef, AMBIO, Journal of the Human Environment, vol. 32(5), p. 353-357.
- CLAWSON M., KNETSCH J.L., 1966, Economics of Outdoor Recreation, Resources for the Future : Washington.
- DAVIS R.K., 1964, The value of big game hunting in a private forest, in Transactions of the Twenty-ninth North American Wildlife Conference, Washington.
- DESAIGUES B. ET LESGARDS V., 1992, L’Evaluation Contingente des Actifs Naturels, Revue d’Economie Politique, vol. 102, p. 100-122
- GEORGE P. ET VERGER F., 2009, Dictionnaire de la géographie, Presses universitaires de France.
- GOELDNER-GIANELLA, L., BERTRAND F., 2010, « La submersion marine et ses impacts environnementaux et sociaux dans le bassin d’Arcachon, gérer ce risque de dépoldérisation ? programme Baracsub », Séminaire Liteau GICC, Fréjus. 18-19 OCT.
- HAMEL G., PRAHALAD C.K., 1994, Competing for the future, Harvard Business Review, 72(4), p. 122-129.
- HENOCQUE Y., DENIS J., 2001, Des outils et des hommes pour une gestion intégrée des zones côtières, Commission Océanographique Intergouvernementale, Vol. 2, manuels et guides n° 42.
- KAHNEMAN, D., A. TVERSKY, 1979, Prospect Theory : an analysis of decision under risk, Econometrica, vol.47, n°2, p. 263-291.
- KAHNEMAN, D., I. RITOV, 1994, Determinants of stated willingness to pay for public Goods : A study in the Headline Method, Journal of Risk and Uncertainty, n°1, vol.9, pp. 5-38.
- KELLY, J. S., 1991, Social choice bibliography, Social Choice and Welfare, pp. 97–169.
- LEDOUX L., CORNELL S., O’RIORDAN T., HARVEY R., BANYARD L., 2005, Towards sustainable flood and coastal management : identifying drivers of, and obstacles to, managed realignment, Land Use Policy, 22/2, p. 129-144.
- LELOUP F., MOYART L., PECQUEUR B., 2005, La gouvernance territoriale comme nouveau mode de coordination territoriale ?, Géographie, Economie, Société (7), p. 321-331.
- LEVY J., LUSSAULT M., 2003, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Saint-Just-la Pendue, Belin.
- Mc CONELL K.E., 1975, Some problems in estimating the demand for outdoor recreation, American Journal of Agricultural Economics, vol. 75(2), p. 330-334.
- OSTROM E., 2005, Understanding institutional diversity, Princeton university press, New Jersey, 376p.
- PECQUEUR B., ZIMMERMANN J.-B. (Eds), 2004, Économie de proximités, Hermès-Lavoisier, Paris, 264p.
- PERTERAF M., 1993, The Corner stones of competitive advantage : A Resource-Based View, Strategic Management Journal, 14, pp. 179-191.
- RAHEEMA N., COLTB S.,FLEISHMANC E., 2012, Application of non-market valuation to California’s coastal policy decisions, Marine Policy, vol. 36(5), p. 1166–1171
- RALLET A., TORRE A., 2005, Proximity and localization, Regional Studies, 39(1), p. 47-60.
- ROBIN S., ROZAN A., RUFFIEUX B., 2008, Mesurer les préférences du consommateur pour orienter les décisions des pouvoirs publics : l’apport de la méthode expérimentale, Economie & Prévisions, vol.1(182), p. 113-127.
- SCHERRER S., 2003, Evaluation économique des aménités récréatives d’une zone humide littorale : le cas de l’estuaire de l’orne, Document de travail de la D4E Direction des études économiques et environnementales, Ministère de l’Environnement.
- SORIANO-SIERRA E.J., 1992, Etude écologique des marais salés du bassin d’Arcachon, structure et évolution des schorres, production et dégradation de leur végétation, Université Bordeaux I, 255 p.
- TYWONIAK S.A., 1998, Le modèle ressources et compétence ; un nouveau paradigme pour le management stratégique ?, in LAROCHE H. NIOCHE J.P. (éd)., Repenser la stratégie-fondements et perspectives, Vuibert, p. 166-204.
- VENKATACHALAM L., 2004, The contingent valuation method : a review, Environmental Impact Assessment Review, vol. 24 (1), p. 89-124.
- WERNEFELT B., 1984, A Resource-Based View of the Firm, Strategic Management Journal, 5(2), p. 171-180.
Mots-clés éditeurs : gouvernance territoriale, perceptions, théorie des perspectives, approche par les ressources, populations
Date de mise en ligne : 07/04/2014
https://doi.org/10.3917/gmp.022.0033Notes
-
[1]
Maître de conférences, HDR, en sciences de gestion, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Laboratoires PRISM & ERASME,, E-mail : sophie.gaultier-gaillard@univ-paris1.fr
-
[2]
Maître de conférences en sciences de gestion, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Laboratoires PRISM & ERASME, florent.pratlong@univ-paris1.fr.
-
[3]
Programme LITEAU, Axes 2 et 3. « Submersion marine et impacts paysagers et sociaux dans le Bassin d’Arcachon : Gérer par la dé-poldérisation ? ». Nous remercions Lydie Goeldner-Gianella et Frédéric Bertrand pour les commentaires sur ces recherches dans le cadre du projet BARCASUB.