Notes
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[1]
Général Mordacq, Le Ministère Clemenceau : Journal d’un témoin. Novembre 1918-juin 1919, Paris, Plon, 1931, t. I, pp. 80-81.
-
[2]
Jean-Baptiste Duroselle, La Grande Guerre des Français. 1914-1918. L’incompréhensible, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2002, p. 256. Jean-Claude Montant a démontré l’inefficacité de la propagande extérieure organisée par l’État (La Propagande extérieure de la France pendant la Première Guerre mondiale : l’exemple de quelques neutres européens, thèse de doctorat d’État, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, 1988, 9 volumes).
-
[3]
Christophe Prochasson et Anne Rasmussen (dir.), Vrai et Ffaux dans la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2004.
-
[4]
Créée en juillet 1917 au Service Géographique de l’Armée, le Bureau d’Études d’Alsace-Lorraine a pour mission de promouvoir à l’arrière et dans la zone des armées le bien fondé du retour à la France des provinces perdues. Ses archives sont déposées aux Archives Nationales sous la cote AJ/30.
-
[5]
Les rapports d’Albert Michel sont conservés au Service Historique de la Défense sous la cote 16N 1584, Évacués alsaciens – contact et propagande.
-
[6]
Hansi (Jean-Jacques Walz), Mon Village, 1913.
-
[7]
L’opération a autant pour fonction de protéger les habitants des bombardements que d’éviter, à la suite d’un repli, que les hommes considérés comme mobilisables ne soient enrôlés dans l’armée allemande.
-
[8]
Cité par Roger Martin, « Les Alsaciens dans l’arrondissement de Remiremont pendant la guerre de 1914-1918 », Pays de Remiremont, n° 2, 1979, p. 63. Sur ce sujet, voir Christophe Malingrey, Arrestation, déportation et évacuation par la France des Alsaciens du Massif vosgien pendant la Première Guerre mondiale, mémoire de maîtrise, université de Strasbourg-II, 2000, pp. 60 sq., et Clément Thiriau, Immigration volontaire ou forcée des Allemands et des Alsaciens dans les Vosges (1911-1920), mémoire de master 2, université de Nancy-2, 2007, 148 p.
-
[9]
Les instigateurs de cette pétition sont le maire, l’instituteur, le pasteur et un notable du village de Soultzeren. Si la pétition ne fait pas l’unanimité parmi les évacués, un rapport du préfet des Vosges au ministère de l’Intérieur remarque que les signataires sont assez nombreux dans les cantons de Saulxures et de Plombières. Saisie sur ordre du ministre de l’Intérieur, la pétition n’atteignit cependant aucune ambassade.
-
[10]
Philippe Nivet, Les Réfugiés français de la Grande Guerre (1914-1920). Les « Boches du Nord », Paris, Commission française d’histoire militaire / Institut de stratégie comparée / Economica, 2004, 598 p.
-
[11]
Voir Bruno Cabanes, La Victoire endeuillée. La sortie de guerre des soldats français (1918-1920), Paris, Le Seuil, coll. « L’Univers Historique », 2004, p. 101.
-
[12]
SHD 16N 1584, op. cit., note du 28 octobre 1917.
-
[13]
Pour une biographie détaillée de l’officier de gendarmerie, voir Georges Philippot, « Albert Michel », in Fabrice Fanet et Jean-Christophe Romer (dir.), Les Militaires qui ont changé la France, Paris, Le Cherche-Midi, 2008, pp. 179 sq.
-
[14]
L’Alsacien évacué – Ce qu’il fut – Ce qu’il est – Ce qu’il sera – Ce qu’on lui doit, p. 1 Dans le même esprit, il rédige en mars 1918 une brochure à destination de la troupe : Appel au poilu !
-
[15]
Les dix petits chapitres sont ainsi annoncés : « Les erreurs d’appréciations. – Leurs causes » ; « L’œuvre de germanisation » ; « Les malheurs de la guerre » ; « La position de l’évacué » ; « L’image de la situation » ; « L’argument de la langue » ; « Quelques chiffres » ; « La haine du Boche » ; « Pages d’histoire » ; « Au temps de l’annexion » ; « Considérations finales ».
-
[16]
Né à Paris en 1873, ancien élève de l’École alsacienne, l’artiste peintre est directeur technique des théâtres du front. Son œuvre la plus célèbre est « La Victoire », allégorie de l’attachement de l’Alsace à la France.
-
[17]
L’Alsacien évacué – Ce qu’il fut – Ce qu’il est – Ce qu’il sera – Ce qu’on lui doit, p. 10.
-
[18]
Ibid., p. 16.
-
[19]
L’Union Amicale d’Alsace-Lorraine, société fondée en 1913 et dirigée par l’avocat Léonce Armbruster, est le principal fournisseur de tracts et de brochures.
-
[20]
Elle complète utilement les instructions données par les inspecteurs d’Académie des départements où sont cantonnés les Alsaciens évacués. Celui du département des Vosges rappelle aux instituteurs : « Il est du devoir des éducateurs de rappeler que les Alsaciens-Lorrains n’ont cessé depuis près de cinquante ans de protester de leur attachement à la France, sont restés Français de cœur malgré les brimades, les menaces et les vexations, le sont, comme on l’a dit doublement, doivent être d’autant mieux traités qu’ils souffrent eux aussi de la guerre, parfois même bien cruellement et par suite ont droit aux égards dus à la fidélité et aux malheurs. »
-
[21]
Albert Michel note : « La chaleur entraînante de la parole saura corriger ce qu’ont parfois d’un peu froid les paroles écrites… Où elle est possible, la causerie est un excellent moyen de faire comprendre la véritable situation des Alsaciens. D’un caractère moins solennel qu’en général la conférence, dont elle est le très utile prolongement, elle sait s’infiltrer dans tous les milieux ; selon l’auditoire improvisé, on peut lui donner la tournure appropriée. Il appartient à tous ceux qui le peuvent de s’occuper dans leur sphère d’action, de l’œuvre à entreprendre. Chacun doit s’appliquer à répandre autour de lui ce qu’il sait de l’Alsacien, ce qu’il a retenu de l’Alsace, et ne laisser médire de ces choses. Chacun doit attirer l’attention sur des erreurs et des injustices commises sur des ignorances souvent coupables. Alors les choses n’en marcheront que mieux… » (L’Alsacien évacué – Ce qu’il fut – Ce qu’il est – Ce qu’il sera – Ce qu’on lui doit, p. 5).
-
[22]
Albert Michel se rend souvent en tout début de matinée dans les brigades de gendarmerie et les commissariats de police pour s’entretenir de l’action à mener avant qu’ils ne partent en tournée. Par exemple, le 5 décembre 1917 : « 8 heures Gendarmerie d’Héricourt et Commissariat de police de la même ville. Entretien au sujet de la situation des Alsaciens évacués, en vue d’une organisation pratique de propagande par le moyen du personnel et de Gendarmerie et de la Police locale » (SHD 16 N 1584, op. cit.).
-
[23]
L’Alsacien évacué – Ce qu’il fut – Ce qu’il est – Ce qu’il sera – Ce qu’on lui doit, p. 6.
-
[24]
Né en 1851 à Metz, l’artiste peintre opte pour la nationalité française en 1872. Il participe durant la guerre aux œuvres de propagande patriotique.
-
[25]
SHD, 16 N 1584, op. cit. Lettre du 8 décembre 1917.
-
[26]
Né à Mulhouse en 1875, fondateur de trois revues satiriques germanophobes, D’r Klapperstei (1903-1905), Das Elsass als Bundestaat (1905), puis Dur’s Elsass, Henri Zislin quitte l’Alsace à la déclaration de guerre pour s’engager dans l’armée française. Élevé au grade d’officier interprète, décoré de la Croix de Guerre, chevalier de la Légion d’Honneur, le caricaturiste est chargé d’actions de propagande en Alsace occupée par l’armée française et créé un périodique, Kriegsberichte destiné à informer la population alsacienne des faits de guerre (cf., supra, p. 6).
-
[27]
SHD, 16 N1584, op. cit. Lettre du 8 décembre 1917.
-
[28]
Ibid.
-
[29]
Ibid.
-
[30]
Ibid.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
AN AJ 30/107, Bureau d’études d’Alsace-Lorraine, lettre du 11 février 1918.
-
[33]
Journaliste et écrivain pacifiste allemand réfugié en Suisse en 1915, il rend le Reich responsable du déclenchement de la guerre.
-
[34]
AN AJ 30/107, op. cit., lettre du 11 février 1918.
-
[35]
L’ouvrage édité en Suisse en 1916 chez Payot est une commande du service d’Information de l’ambassade de France. Elle répond à la brochure intitulée Wohin gehört Elsass-Lothringen? de l’Alsacien germanophile Friedrich Lienhard.
-
[36]
AN AJ 30/107, op. cit., lettre du 11 février 1918.
-
[37]
Parue en 1915 chez Armand Colin, la brochure est l’œuvre du sociologue Émile Durkheim et du spécialiste du monde slave Ernest Denis qui adhèrent sans réserve à l’Union sacrée.
-
[38]
AN AJ 30/107, op. cit., lettre du 11 février 1918.
-
[39]
À la fin de la guerre, le nombre d’évacués s’élève à environ 4 500 personnes réparties sur dix-neuf communes (source : Christophe Malingrey, Arrestation, déportation et évacuation par la France des Alsaciens du Massif vosgien pendant la Première Guerre mondiale, op. cit., p. 72)
-
[40]
AN AJ 30/107, op. cit., lettre du 11 février 1918.
-
[41]
Ibid.
-
[42]
Ibid.
-
[43]
Le 15 décembre 1917, à l’issue d’une réunion tenue devant 600 réfugiés, le commandant Michel note avec satisfaction qu’« une adresse chaleureuse de remerciements au préfet et à l’officier a été rédigée et couverte de nombreuses signatures » (SHD, 16 N 1584, op. cit.)
-
[44]
AN AJ 30/107, lettre du 11 février 1918.
-
[45]
Sur les « films alsaciens » de la SCPA on se reportera à la thèse d’Odile Gozillon-Fronsacq, Stratégies cinématographiques en Alsace (1896-1939), Université de Strasbourg II, 1998, deux volumes. Ce remarquable travail est résumé dans son ouvrage Alsace cinéma : cent ans d’une grande illusion, Strasbourg, La Nuée bleue, 1999, 142 p.
-
[46]
SHD 16N 1584, op. cit., journée du 30 novembre 1917.
-
[47]
À savoir deux exemplaires de la série Les Annales de la guerre où sont présentées dans l’un, les usines d’armement et le matériel de guerre de l’armée et dans l’autre, Les Américains en France ; La fin d’un raid, qui montre des Zeppelins abattus ; La Visite du roi d’Italie en Alsace.
-
[48]
Ce montage d’images de fiction et d’actualité d’une durée de trente-cinq minutes illustre cette vision de la femme alsacienne qui veille à conserver vivace pour les nouvelles générations le culte de la patrie perdue. L’héroïne du film, Jeanne Moser, est la fille d’un instituteur de Cernay, petite bourgade du Haut-Rhin qui a quitté l’Alsace en 1872 pour ne pas à avoir à enseigner en allemand. Avant de partir, son père lui demande de rester à Cernay pour maintenir le souvenir de la patrie perdue. Jeanne Moser, toujours coiffée du nœud traditionnel et vêtue de sombre, porte le deuil de la France. Tournée vers le passé, elle ne trouve de réconfort que dans le recueillement sur les tombes de ses ancêtres qui, depuis un échevin de Thann au XVIIe siècle, ont toujours servi la France. Un jour du mois d’août 1914, alors que Jeanne devenue une vieille femme est au cimetière, les troupes françaises entrent dans la ville. Elle retourne alors dans l’ancienne salle de classe de son père et découvre avec plaisir qu’un instituteur militaire a remplacé le maître allemand tant détesté. Le son du clairon retentit alors et tous les enfants rassemblés sur le perron de l’école acclament le défilé des troupes françaises.
-
[49]
SHD., 16 N 1584, op. cit., journée du 30 novembre 1917.
-
[50]
Ibid.
-
[51]
Nous ne disposons malheureusement pas du nombre de réfugiés dans ce département.
-
[52]
SHD., 16 N 1584, op. cit., journée du 30 novembre 1917.
-
[53]
Montage d’images de fiction et d’actualité, Dans un village d’Alsace, réalisé en mai 1918, est, à notre sens, le film de propagande qui synthétise le mieux, sur une quinzaine de minutes, et à travers le récit qu’en font deux soldats, cette image de l’Alsace idéalisée dont la mise en scène est largement inspirée du livre d’Hansi, Le Paradis tricolore.
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[54]
Jean-Baptiste Duroselle, La Grande Guerre des Français, op. cit., p. 255.
-
[55]
16 N 1584, op. cit., lettre au général de Boissoudy du 1er novembre 1918.
-
[56]
L’événement a porté un coup très dur au travail de rapprochement entre Alsaciens et Vosgiens que le commandant Michel feint de minorer : « La plupart des évacués n’ont pas bien compris la portée et la nature du texte qui leur était soumis et beaucoup se refusent à signer un document estimé de caractère purement politique et ont commencé une action de contre-propagande fâcheuse pour inciter les Alsaciens à ne pas apposer leur signature. Cela produit de petits conflits locaux sans gravité mais permet aux Vosgiens de suspecter une fois de plus le loyalisme des Alsaciens qui les entourent » (Lettre du commandant Michel du 18 avril 1918 adressée à la présidence du Conseil).
1 À partir de la fin de 1917, le commandant de gendarmerie d’origine
2 alsacienne Albert Michel tente d’améliorer les relations entre Français et
3 « Toute la guerre avait montré la puissance de la propagande en tant que moyen d’action » écrit en 1930 le général Mordacq, directeur du cabinet militaire de Clemenceau [1]. Jean-Baptiste Duroselle modère cet enthousiasme : « Face à cet optimisme, bien d’autres observateurs doutent de la propagande et la considèrent comme peu efficace sinon négligeable [2]. » Toutefois, Anne Rasmussen et Patrick Prochasson insistent sur le fait que la propagande, à l’instar des « rumeurs » et des « légendes », participe à une culture de guerre indispensable à la mobilisation des populations [3]. L’initiative individuelle s’inscrit dans cette volonté de faire triompher le « vrai ».
4 Les archives du Bureau d’Études d’Alsace-Lorraine, unité de propagande relevant du ministère de la Guerre [4], attestent de la collaboration de civils et de militaires animés d’un puissant sentiment patriotique qui veulent convaincre du bon droit de la France à récupérer ses provinces perdues en 1871. Ainsi en est-il de l’action entreprise par le commandant de gendarmerie d’origine alsacienne Albert Michel. L’officier tente, à partir de la fin de 1917, d’améliorer les relations entre Français et évacués alsaciens cantonnés dans les départements de l’Est proche des lieux de combats. « Apprendre l’Alsace aux Français et la France aux Alsaciens », l’investissement porte témoignage de cette recherche de la « bonne propagande » [5].
À l’origine de la mission de propagande : des contacts difficiles entre Vosgiens et Alsaciens
5 En 1914, les Français ne connaissent les Alsaciens qu’à travers les stéréotypes que la sentimentalité patriotique se plaît à imaginer au travers des albums de l’illustrateur Hansi qui décrivent par une série de petits tableaux humoristiques la vie des villages d’outre-Vosges résistant à l’envahisseur allemand [6]. Mais en 1915, les habitants des départements limitrophes de la Haute-Alsace découvrent une réalité bien différente, suite aux évacuations de villageois alsaciens de la vallée de la Fecht et de la région d’Orbey, menées dans la zone du front par la VIIe Armée du général de Boissoudy [7].
6 Logés chez l’habitant, ces évacués deviennent pour la population de l’arrondissement de Remiremont, dans le département des Vosges, des intrus tenant trop de place dans la maison. Rendus responsables de la guerre et de la pénurie de vivres, ils représentent aussi pour beaucoup d’ouvriers et de travailleurs agricoles une possible main-d’œuvre concurrente. Plus grave, s’exprimant surtout en dialecte, ils sont assimilés aux Allemands. Ce n’est qu’en 1916 qu’un rapport de la conférence interministérielle concernant l’Alsace-Lorraine relève officiellement « des erreurs, des abus et même des crimes » suite aux mises en garde du préfet des Vosges adressés aux maires de différentes communes où se développe un sentiment de haine contre les Alsaciens :
Il m’est revenu que, dans les rapports journaliers avec la population, ou dans les rapports des enfants entre eux, les Alsaciens sont traités de Boches. Bien que je sois assuré que ces petits incidents ne constituent que des exceptions, je vous prie de tenir la main à ce qu’ils ne se reproduisent pas [8].
8 Les évacués sont aussi nombreux à réclamer leur rapatriement. En juillet 1917, une pétition rédigée en ce sens et adressée aux ambassades des pays neutres dont celle de Suisse, circule parmi eux [9]. Un tel acte ne fait que conforter le sentiment d’hostilité des Vosgiens à l’égard de ces « presque Boches » renforçant par le fait leur isolement. La situation n’est pas sans rappeler celle des réfugiés du Nord de la France occupée par les Allemands qui sont à la fois méprisés et rejetés par les populations de l’arrière comme l’a bien montré Philippe Nivet [10].
9 En mai 1917, de retour d’une visite d’inspection des territoires alsaciens occupés par l’armée française, le député d’origine alsacienne, Adrien Weber, président de la commission du budget conclut que l’usage du dialecte est le nœud du malentendu. Aucune mesure officielle n’est pourtant prise pour informer de la spécificité culturelle des Alsaciens que les troupiers et leurs officiers ont tendance à assimiler à des Français « bochisés [11] » Sans doute ne veut-on pas donner implicitement raison à la propagande allemande qui fait de la langue le principal attribut de la nationalité. Mais à la mi-octobre, la situation est jugée assez préoccupante par le général de Boissoudy pour que soit associée aux opérations de délivrance des nouvelles pièces d’identité des évacués devant assouplir leur condition de circulation, « une action méthodique de propagande rationnelle tendant à mieux assurer encore le contact, la liaison, entre Alsaciens et Français, et arriver à une pénétration plus intime des populations évacuées en raison du péril de guerre [12] ».
10 La mission est confiée au commandant de gendarmerie Albert Michel.
« L’Alsacien évacué – ce qu’il fut – ce qu’il est – ce qu’il sera – ce qu’on lui doit »
11 Né à Strasbourg en 1867, fils de Michel Ott, bijoutier de la rue des Arcades, Albert Michel quitte la capitale alsacienne après y avoir terminé ses études secondaires. Adoptant comme patronyme le prénom de son père, il est admis en 1888 à l’École Militaire d’Infanterie de Saint-Maixent [13]. Nommé sous-lieutenant en 1894 au IIe bataillon des chasseurs à pieds à Lunéville, il est vite élevé au grade de lieutenant. Entré à la Garde Républicaine, il devient professeur d’allemand, puis officier d’ordonnance du général inspecteur de la gendarmerie. Nommé capitaine, Albert Michel reçoit en juin 1914 le commandement de la frontière de la Haute-Saône, des Hautes-Vosges et du Territoires de Belfort. À la déclaration de guerre, il est promu commandant et maintenu à la tête de la VIIe Légion de gendarmerie en garnison à Belfort. Fait chevalier de la légion d’Honneur en avril 1915, il est cité à l’ordre de l’armée pour avoir fait évacuer sous le feu de l’ennemi les villages alsaciens du front.
12 Détaché auprès du GQG et certain de la victoire prochaine, Albert Michel travaille à une première édification de la Légion de gendarmerie d’Alsace-Lorraine quand, en octobre 1917, le général de Boissoudy le fait appeler pour prendre la direction effective de la propagande. Un mois plus tard paraît une brochure de trente et une pages de très petit format, qui peut aisément se glisser à l’intérieur d’une poche. Le titre révélateur : L’Alsacien évacué – Ce qu’il fut – Ce qu’il est – Ce qu’il sera – Ce qu’on lui doit.
13 Édité par le ministère de la Guerre, l’opuscule doit fournir les jalons « pour une action de contact, de liaison et de pénétration, à parfaire entre les évacués alsaciens et les populations au milieu desquelles elles vivent [14] ». Il est sobrement signé « Un officier alsacien ». L’anonymat de l’auteur a vraisemblablement pour but de montrer aux Français que l’on peut être à la fois d’origine alsacienne et avoir des fonctions de commandement dans l’armée.
14 Les évacués ne sont pas des « Boches ». Le plan de la brochure propose une dizaine de thèmes pour expliquer leur condition particulière. Chaque chapitre conclut au devoir qui incombe à tout vrai patriote « de plaindre, de consoler, de rassurer, d’aimer » ceux qui sont loin d’être des ennemis [15].
15 Albert Michel, qui invite les Vosgiens à faire preuve de compassion et de compréhension envers ces déracinés, leur promet que peu à peu apparaîtront sous le vernis germanique ces Alsaciens de légende qu’ils s’attendaient à recevoir :
Beaucoup d’entre nous ont devant les yeux la belle image de l’artiste Georges Scott, synthétisant l’Alsace revenue à la France [16].
Exacte sur le fond, ce n’est pourtant pas le dessin montrant une Alsacienne jetée au cou d’un lieutenant français, en pleine mêlée, qui reflète entièrement la vérité.
[…] Nous devons combattre des préventions injustes, sources de heurts et d’à-coups ; tous les efforts doivent tendre à dissiper des malentendus, dont certains furent quelque peu sérieux, et il faut que soit comblé un fossé qui, au fond, n’est que factice, Alors des temps meilleurs luiront pour tous… Français, comprenons les Alsaciens [17] !
17 ou encore :
Pour percer la croûte et arriver à la partie saine, il y a la peine à prendre, l’action à produire ! Alors nous verrons réapparaître, sans restriction, le peuple de qui sont sortis les Kléber, les Kellermann, les Rapp, et tous les autres. Mais encore faut-il leur faire le geste libérateur…
L’empreinte germanique est sans réelle profondeur ; c’est une couche de faux vernis qui voudrait être aux couleurs allemandes ; il suffit de la gratter pour voir, aussitôt réapparaître le drapeau tricolore. Français, pénétrons les Alsaciens [18] !
19 Se faisant fort de pouvoir prévenir heurts et conflits, il construit sa stratégie de propagande selon trois axes : « Apprendre l’Alsace aux Français », « Apprendre la France aux Alsaciens », réunir Français et Alsaciens pour une « propagande mixte » par le cinéma.
« Apprendre l’Alsace aux Français »
20 Les causeries, les tracts, brochures, mais aussi les affiches et cartes postales, et les jeux de cartes illustrées, fournis par des sociétés alsaciennes-lorraines de Paris [19] et le Bureau d’Études d’Alsace-Lorraine sont utilisés en fonction du public à atteindre.
21 L’action par le tract touche essentiellement les écoles. L’instituteur a pour mission de distribuer les imprimés aux élèves et de les leur commenter [20]. Sur ordre du commandant Michel, les écoles constituent également des stocks de brochures sur la question d’Alsace-Lorraine qui sont distribuées lors des « causeries [21] ».
22 Réunissant, le plus souvent dans les locaux des mairies un public restreint d’hommes et de femmes qui se sont signalés aux gendarmes par leur opposition à la présence des Alsaciens, les causeries sont animées par ceux qu’Albert Michel qualifie de « porte-parole écoutés » : notables locaux, fonctionnaires municipaux, ou représentants de l’État [22] qui construisent leur discours en s’inspirant du contenu de L’Alsacien évacué. Et ceux-ci de glisser çà et là, afin de retenir l’attention de l’auditoire, quelques anecdotes ou histoire drôle au cours de la petite réunion afin d’illustrer les démonstrations :
23 À la fin de la réunion, chacun repart avec l’opuscule du commandant Michel. L’illustration, au dessin vigoureux pour frapper l’œil, joue également un rôle important dans la stratégie mise en place.
24 Affiches et cartes postales sont mises en dépôt dans les locaux de gendarmerie avec recommandation « d’en emporter en tournée et de les remettre à bon escient ». Le commandant Michel se montre ainsi très satisfait de l’effet produit par L’Alsace enchaînée de Bettanier [24] : « Le succès est considérable, elle attire l’œil partout où on la place : gendarmerie, mairies, mais il en faudrait encore dans les bureaux de poste, petites gares, perceptions, stations de tramway » précise-t-il au général de Boissoudy [25]. Les jeux de cartes postales dessinés par Hansi ou Zislin [26] sont aussi très prisés ; La rupture de stock menaçant, Albert Michel conseille aux administrations civiles et militaires de ne les distribuer qu’à « petite dose [27] », à l’instar des brochures dont la portée ne peut être, à son sens, qu’indirecte : « Le plus difficile est d’arriver à la faire lire mais ceci obtenu ses effets sont durables. Il semble que la brochure soit l’affaire d’une certaine élite qui de fait convaincue sert de porte-parole [28]. »
25 Qu’en est-il des méthodes de propagande établies à destination des Alsaciens ?
« Apprendre la France aux Alsaciens »
26 Si les évacués apprécient l’attitude des autorités à leur égard, ils accueillent avec méfiance toute tentative cherchant à glorifier les exploits de l’armée française ou celles qui cherchent à les convaincre du bien-fondé de la réintégration des provinces perdues en 1871.
27 À l’occasion du nouveau régime de circulation des évacués mis en place à la fin de 1917, le commandant Michel accompagne les préfets ou les sous-préfets afin d’engager le dialogue avec les Alsaciens qui sont invités à assister à des petites réunions informelles à la mairie. Parole est d’abord donnée aux autorités de l’État :
28 Au-delà des questions d’ordre matériel, les maires doivent organiser « avec le concours de certaines bonnes volontés locales, un système de réunions du soir périodiques (hebdomadaires ou bimensuelles par exemple) au cours desquelles les principaux événements de guerre, pourraient sous la forme qu’il convient d’être présentées aux Alsaciens de lire et de comprendre nos gazettes [30] ».
29 Au cours de ses tournées Albert Michel s’étonne de ce que les évacués ignorent tout de l’effort de guerre de l’Entente et particulièrement de celui de la France. En parallèle avec les causeries une action de propagande par l’imprimé est alors entreprise à la fin novembre 1917. Le journal Die Kriegsberichte et des brochures rédigées en allemand leur sont proposés.
30 Créé en octobre 1914 par le caricaturiste Henri Zislin, en poste au Service de Renseignements de l’Armée à Belfort, Die Kriegsberichte ou « Nouvelles de guerre » est un hebdomadaire imprimé à Belfort et distribué dans les territoires alsaciens occupés par l’armée française. Le feuillet qui paraît de manière très irrégulière, car tributaire de l’approvisionnement en papier, contient en plus des nouvelles du front, un ou deux articles en français sur différents sujets : question d’Alsace-Lorraine, portraits des chefs de guerre ou des responsables politiques des pays alliés. On y trouve aussi un conte ou une historiette en dialecte, quelques nouvelles locales, des mercuriales et des actes officiels. Chaque numéro est illustré d’un dessin humoristique d’Henri Zislin.
31 Après quelques semaines, Albert Michel constate que ce journal ne produit pas l’effet attendu. Loin de convaincre, il inspire plutôt de la méfiance : « D’après certaines opinions exprimées, les “Kriegsberichte” allaient à l’encontre de leur but en voulant trop démontrer. Trop parler nuit… a dit une Alsacienne intelligente [31]. » La brochure rédigée en allemand n’a pas plus d’efficacité.
32 En janvier 1918, quatre brochures éditées par le Service de la Propagande Aérienne de l’Armée sont envoyées par le ministère, de la Guerre aux préfectures de la Haute-Saône, des Vosges, du Doubs et du Territoire de Belfort afin de juger de leur intérêt. Les préfets ignorant l’allemand ou s’estimant incompétents en matière de propagande, préfèrent s’en remettent au jugement d’Albert Michel qui se montre très critique :
33 L’officier de gendarmerie note à propos de Die Vorgeschichte des Krieges d’un certain Herman Rosmayer :
34 Wie Deutsche Geschichtschreiber einst urteilen werden d’Herman Fernau [33] lui semble d’un abord bien trop complexe :
35 Il en est de même pour le petit livre d’Émile Durkheim et d’Ernest Denis [35] : Wer hat den Krieg gevollt qu’il estime cependant de bonne qualité :
36 Wohin gehört Elsass-Lothringen ? Zu Frankreich d’un dénommé J. Riber [37] est jugé peu approprié :
Les avantages économiques entrevus ne touchent malheureusement pas aux produits de la région. Enfin, le passage du livre qui parle de l’excellent accueil qu’auraient reçu les Alsaciens dans l’armée française risque de ne pas être un argument trop convaincant.
Il est visible que cette brochure a pour but de réfuter les arguments invoqués par un nommé Lienhard qui a publié un livre préconisant le maintien de l’Alsace à l’Allemagne [38].
37 De fait, aucune de ces quatre brochures ne répond à son attente. Albert Michel se résout cependant à en faire la commande mais dans des proportions variables pour chacune d’entre elles :
38 Il projette de les remettre à ceux qui seraient susceptibles de jouer auprès des réfugiés le rôle de porte-parole des autorités civiles et militaires : « Là où ce serait possible, des lectures expliquées d’extraits choisis judicieusement, avec commentaires en patois seraient données. […] L’effet serait plus certain et des auditeurs ainsi prévenus seraient invités à lire tout l’ouvrage. Le système aurait aussi l’avantage de dissiper certaines préventions [41]. » Les imprimés ne sont distribuées à l’issue des réunions, qu’à ceux qui le demandent parce qu’« intéressés par ce qu’ils ont entendu [42] ».
39 Le commandant Michel ne dit pas si sa méthode a été couronnée de succès. Mais, persuadé que la meilleure des propagandes est encore de s’inquiéter au quotidien des conditions de vie des évacués [43], il ne semble pas s’être bercé d’illusion : « Qui veut trop prouver ne prouve rien. Et il est des Alsaciens qui sont enclins à soupçonner de la partialité chez les auteurs des ouvrages [44]. » Aussi, quitte à organiser une action de propagande autant que celle-ci réunisse Français et Alsaciens. En parallèle de la causerie et de la distribution d’imprimés, il s’agit d’amplifier une action de « propagande mixte ».
La « propagande mixte » par le cinéma
40 Dès novembre 1917, Albert Michel sollicite de Pierre Marcel, chef de la Section Photographique et Cinématographique de l’Armée, l’envoi de films dans le but de « créer la fusion entre Alsaciens et Français ; impressionner les esprits de part et d’autre [45] ». La stratégie de « propagande mixte » est clairement énoncée : montrer aux Français l’Alsace, ses habitants, son histoire « sous le jour qui convenait » [46] et aux Alsaciens, à la fois la grandeur, la puissance de la patrie retrouvée et les procédés de guerre des Allemands. Une série de six bobines composée de cinq films d’actualité [47] et du film de fiction L’Alsace attendait [48] alimentent les projections qui se déroulent à la fréquence de deux représentations par jour.
41 Des explications sont données au public français avant chaque film par un représentant des autorités civiles ou militaires : « Un sommaire de l’histoire de l’Alsace y est exposé, la brochure “L’Évacué alsacien” servira le plus généralement de thème » leur conseille Albert Michel. Les Alsaciens « sont ensuite instruits en patois alsacien de ce qu’ils voient, et on les met à même d’en tirer les conclusions voulues » :
42 À la sortie, cartes postales, tracts, et la brochure L’Évacué alsacien sont mis à la disposition du public. « En certains endroits, note Albert Michel, la présence de poilus cantonnés dans le pays et admis suivant le nombre des places disponibles a été du plus heureux effet [50]. » Et l’officier de narrer en termes enthousiastes la tournée effectuée hors du département des Vosges du 11 au 23 mars 1918, dans le Territoire de Belfort :
– Les observations recueillies : il a été permis de constater que l’action de propagande par le film même non combinée avec une causerie porte de fruits utiles [52].
43 Un nouveau spectacle est proposé à compter du 1er septembre. Trois des huit nouveaux films confiés par la SCPA se déroulent en Alsace occupée par l’armée française : Dans un village d’Alsace, En Alsace libérée et Fête de l’indépendance américaine à Masevaux. Ces courts-métrages rendent compte de la fraternisation des Alsaciens avec les poilus et les soldats américains. Le message envoyé aux spectateurs français est sans ambiguïté : un comportement similaire est attendu à l’égard des évacués. Les Alsaciens découvrent dans les deux premiers films que dans les vallées vosgiennes de Haute Alsace les villageois vaquer paisiblement à leurs activités dans les champs, les carrières et les jardins : « Grâce au dévouement des soldats, la vie a repris » énonce un carton du film En Alsace libérée. La même impression de sérénité se dégage du second film intitulé Dans un village d’Alsace [53]. Le spectateur pénètre dans la chaleur d’un foyer qui semble ignorer la guerre malgré la seule présence à l’écran de trois femmes et d’une petite fille. Qu’en déduire sinon que la France apporte le bonheur alors que « Les Barbares n’ont rien épargné » énonce un carton d’En Alsace libérée et, qu’à l’instar de leurs compatriotes, les évacués doivent faire confiance aux autorités françaises et croire en l’amour de la République pour les provinces perdues en 1871. À preuve, cette dernière image d’En Alsace libérée où les délégués de villes françaises viennent témoigner devant la statue de Strasbourg de l’« inébranlable attachement de la France à l’Alsace et à la Lorraine, arrachées par la force ».
44 Quelques jours avant l’armistice, Albert Michel abandonne sa mission de propagande pour se consacrer à la mise sur pied de la Légion de Gendarmerie d’Alsace. Le bilan de son action est bien sombre.
L’Alsace française en question
45 Les initiatives du commandant Michel vérifient l’inefficacité de la « guerre psychologique » selon le mot de Jean-Baptiste Duroselle [54]. Si l’action de propagande souffre de son amateurisme dans l’organisation, se pose également la question de son opportunité.
46 La « propagande mixte » ne dispose pas spontanément des moyens de son ambition. Ainsi, la projection des films de la SCPA est tributaire, jusqu’en décembre 1917, du lieutenant Prudhomme, gros industriel d’Épinal et chef du Service automobile du GQG qui prête obligeamment son projecteur de cinéma avec groupe électrogène et met à sa disposition une camionnette. La propagande au quotidien dépend de la bonne volonté de tout un chacun : « Il n’y a pas intérêt à laisser tomber l’œuvre entreprise » met en garde le commandant Michel au moment de son départ [55]. Toutefois, la « propagande mixte » vaut plus par l’idée que par ses effets. Quelques séances de cinéma ne pouvaient durablement transformer les rapports entre Français et Alsaciens évacués et convaincre ces derniers de la certitude de la victoire de la France.
47 La thèse du vernis germanique défendue par Albert Michel est révélatrice de l’état d’esprit de ces fils ou filles d’Alsaciens et de Mosellans qui, ayant opté pour la France en 1871, cherchent, à faire œuvre de « bonne propagande ». Elle véhicule cependant les stéréotypes revanchards d’avant-guerre et s’avère contre-productive car niant la spécificité culturelle des évacués, elle est surtout sans prise avec le cours du conflit. La « propagande mixte » n’a pas su convaincre, en avril 1918, les Alsaciens de Saulxures et de Cornimont à signer une pétition émanant des autorités préfectorales demandant la réintégration des provinces perdues et destinée au président Wilson [56]. En mai, l’officier de gendarmerie s’inquiète d’une nouvelle agitation des réfugiés lors de l’offensive allemande en Champagne qui laisse croire en une possible victoire de l’Allemagne. Mais ne convenait-il pas, de son point de vue, d’engager dans une même ferveur patriotique les réfugiés au même titre que les populations locales, parce que Français à part entière ? Albert Michel, fier de son parcours, est avant tout un militaire qui cherche faire partager son amour de la patrie à ces Alsaciens dont il attend le prochain retour au sein de la communauté nationale.
48 Nommé après-guerre directeur de l’École Préparatoire de Gendarmerie de Strasbourg et élevé au grade de colonel, il œuvre à faire de la gendarmerie un agent de francisation dans les départements recouvrés. Contrarié par « le malaise alsacien » qui suit la réintégration de l’Alsace au sein de la République jacobine, il demande sa retraite anticipée en août 1925 afin de combattre le courant autonomiste par l’organisation de nombreuses conférences itinérantes tout en faisant part dans Les Dernières Nouvelles de Strasbourg de ses considérations sur l’actualité régionale.
49 À sa mort survenue le 10 octobre 1939, au début d’un nouveau conflit franco-allemand, l’Alsace française est toujours en question.
Notes
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[1]
Général Mordacq, Le Ministère Clemenceau : Journal d’un témoin. Novembre 1918-juin 1919, Paris, Plon, 1931, t. I, pp. 80-81.
-
[2]
Jean-Baptiste Duroselle, La Grande Guerre des Français. 1914-1918. L’incompréhensible, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2002, p. 256. Jean-Claude Montant a démontré l’inefficacité de la propagande extérieure organisée par l’État (La Propagande extérieure de la France pendant la Première Guerre mondiale : l’exemple de quelques neutres européens, thèse de doctorat d’État, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, 1988, 9 volumes).
-
[3]
Christophe Prochasson et Anne Rasmussen (dir.), Vrai et Ffaux dans la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2004.
-
[4]
Créée en juillet 1917 au Service Géographique de l’Armée, le Bureau d’Études d’Alsace-Lorraine a pour mission de promouvoir à l’arrière et dans la zone des armées le bien fondé du retour à la France des provinces perdues. Ses archives sont déposées aux Archives Nationales sous la cote AJ/30.
-
[5]
Les rapports d’Albert Michel sont conservés au Service Historique de la Défense sous la cote 16N 1584, Évacués alsaciens – contact et propagande.
-
[6]
Hansi (Jean-Jacques Walz), Mon Village, 1913.
-
[7]
L’opération a autant pour fonction de protéger les habitants des bombardements que d’éviter, à la suite d’un repli, que les hommes considérés comme mobilisables ne soient enrôlés dans l’armée allemande.
-
[8]
Cité par Roger Martin, « Les Alsaciens dans l’arrondissement de Remiremont pendant la guerre de 1914-1918 », Pays de Remiremont, n° 2, 1979, p. 63. Sur ce sujet, voir Christophe Malingrey, Arrestation, déportation et évacuation par la France des Alsaciens du Massif vosgien pendant la Première Guerre mondiale, mémoire de maîtrise, université de Strasbourg-II, 2000, pp. 60 sq., et Clément Thiriau, Immigration volontaire ou forcée des Allemands et des Alsaciens dans les Vosges (1911-1920), mémoire de master 2, université de Nancy-2, 2007, 148 p.
-
[9]
Les instigateurs de cette pétition sont le maire, l’instituteur, le pasteur et un notable du village de Soultzeren. Si la pétition ne fait pas l’unanimité parmi les évacués, un rapport du préfet des Vosges au ministère de l’Intérieur remarque que les signataires sont assez nombreux dans les cantons de Saulxures et de Plombières. Saisie sur ordre du ministre de l’Intérieur, la pétition n’atteignit cependant aucune ambassade.
-
[10]
Philippe Nivet, Les Réfugiés français de la Grande Guerre (1914-1920). Les « Boches du Nord », Paris, Commission française d’histoire militaire / Institut de stratégie comparée / Economica, 2004, 598 p.
-
[11]
Voir Bruno Cabanes, La Victoire endeuillée. La sortie de guerre des soldats français (1918-1920), Paris, Le Seuil, coll. « L’Univers Historique », 2004, p. 101.
-
[12]
SHD 16N 1584, op. cit., note du 28 octobre 1917.
-
[13]
Pour une biographie détaillée de l’officier de gendarmerie, voir Georges Philippot, « Albert Michel », in Fabrice Fanet et Jean-Christophe Romer (dir.), Les Militaires qui ont changé la France, Paris, Le Cherche-Midi, 2008, pp. 179 sq.
-
[14]
L’Alsacien évacué – Ce qu’il fut – Ce qu’il est – Ce qu’il sera – Ce qu’on lui doit, p. 1 Dans le même esprit, il rédige en mars 1918 une brochure à destination de la troupe : Appel au poilu !
-
[15]
Les dix petits chapitres sont ainsi annoncés : « Les erreurs d’appréciations. – Leurs causes » ; « L’œuvre de germanisation » ; « Les malheurs de la guerre » ; « La position de l’évacué » ; « L’image de la situation » ; « L’argument de la langue » ; « Quelques chiffres » ; « La haine du Boche » ; « Pages d’histoire » ; « Au temps de l’annexion » ; « Considérations finales ».
-
[16]
Né à Paris en 1873, ancien élève de l’École alsacienne, l’artiste peintre est directeur technique des théâtres du front. Son œuvre la plus célèbre est « La Victoire », allégorie de l’attachement de l’Alsace à la France.
-
[17]
L’Alsacien évacué – Ce qu’il fut – Ce qu’il est – Ce qu’il sera – Ce qu’on lui doit, p. 10.
-
[18]
Ibid., p. 16.
-
[19]
L’Union Amicale d’Alsace-Lorraine, société fondée en 1913 et dirigée par l’avocat Léonce Armbruster, est le principal fournisseur de tracts et de brochures.
-
[20]
Elle complète utilement les instructions données par les inspecteurs d’Académie des départements où sont cantonnés les Alsaciens évacués. Celui du département des Vosges rappelle aux instituteurs : « Il est du devoir des éducateurs de rappeler que les Alsaciens-Lorrains n’ont cessé depuis près de cinquante ans de protester de leur attachement à la France, sont restés Français de cœur malgré les brimades, les menaces et les vexations, le sont, comme on l’a dit doublement, doivent être d’autant mieux traités qu’ils souffrent eux aussi de la guerre, parfois même bien cruellement et par suite ont droit aux égards dus à la fidélité et aux malheurs. »
-
[21]
Albert Michel note : « La chaleur entraînante de la parole saura corriger ce qu’ont parfois d’un peu froid les paroles écrites… Où elle est possible, la causerie est un excellent moyen de faire comprendre la véritable situation des Alsaciens. D’un caractère moins solennel qu’en général la conférence, dont elle est le très utile prolongement, elle sait s’infiltrer dans tous les milieux ; selon l’auditoire improvisé, on peut lui donner la tournure appropriée. Il appartient à tous ceux qui le peuvent de s’occuper dans leur sphère d’action, de l’œuvre à entreprendre. Chacun doit s’appliquer à répandre autour de lui ce qu’il sait de l’Alsacien, ce qu’il a retenu de l’Alsace, et ne laisser médire de ces choses. Chacun doit attirer l’attention sur des erreurs et des injustices commises sur des ignorances souvent coupables. Alors les choses n’en marcheront que mieux… » (L’Alsacien évacué – Ce qu’il fut – Ce qu’il est – Ce qu’il sera – Ce qu’on lui doit, p. 5).
-
[22]
Albert Michel se rend souvent en tout début de matinée dans les brigades de gendarmerie et les commissariats de police pour s’entretenir de l’action à mener avant qu’ils ne partent en tournée. Par exemple, le 5 décembre 1917 : « 8 heures Gendarmerie d’Héricourt et Commissariat de police de la même ville. Entretien au sujet de la situation des Alsaciens évacués, en vue d’une organisation pratique de propagande par le moyen du personnel et de Gendarmerie et de la Police locale » (SHD 16 N 1584, op. cit.).
-
[23]
L’Alsacien évacué – Ce qu’il fut – Ce qu’il est – Ce qu’il sera – Ce qu’on lui doit, p. 6.
-
[24]
Né en 1851 à Metz, l’artiste peintre opte pour la nationalité française en 1872. Il participe durant la guerre aux œuvres de propagande patriotique.
-
[25]
SHD, 16 N 1584, op. cit. Lettre du 8 décembre 1917.
-
[26]
Né à Mulhouse en 1875, fondateur de trois revues satiriques germanophobes, D’r Klapperstei (1903-1905), Das Elsass als Bundestaat (1905), puis Dur’s Elsass, Henri Zislin quitte l’Alsace à la déclaration de guerre pour s’engager dans l’armée française. Élevé au grade d’officier interprète, décoré de la Croix de Guerre, chevalier de la Légion d’Honneur, le caricaturiste est chargé d’actions de propagande en Alsace occupée par l’armée française et créé un périodique, Kriegsberichte destiné à informer la population alsacienne des faits de guerre (cf., supra, p. 6).
-
[27]
SHD, 16 N1584, op. cit. Lettre du 8 décembre 1917.
-
[28]
Ibid.
-
[29]
Ibid.
-
[30]
Ibid.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
AN AJ 30/107, Bureau d’études d’Alsace-Lorraine, lettre du 11 février 1918.
-
[33]
Journaliste et écrivain pacifiste allemand réfugié en Suisse en 1915, il rend le Reich responsable du déclenchement de la guerre.
-
[34]
AN AJ 30/107, op. cit., lettre du 11 février 1918.
-
[35]
L’ouvrage édité en Suisse en 1916 chez Payot est une commande du service d’Information de l’ambassade de France. Elle répond à la brochure intitulée Wohin gehört Elsass-Lothringen? de l’Alsacien germanophile Friedrich Lienhard.
-
[36]
AN AJ 30/107, op. cit., lettre du 11 février 1918.
-
[37]
Parue en 1915 chez Armand Colin, la brochure est l’œuvre du sociologue Émile Durkheim et du spécialiste du monde slave Ernest Denis qui adhèrent sans réserve à l’Union sacrée.
-
[38]
AN AJ 30/107, op. cit., lettre du 11 février 1918.
-
[39]
À la fin de la guerre, le nombre d’évacués s’élève à environ 4 500 personnes réparties sur dix-neuf communes (source : Christophe Malingrey, Arrestation, déportation et évacuation par la France des Alsaciens du Massif vosgien pendant la Première Guerre mondiale, op. cit., p. 72)
-
[40]
AN AJ 30/107, op. cit., lettre du 11 février 1918.
-
[41]
Ibid.
-
[42]
Ibid.
-
[43]
Le 15 décembre 1917, à l’issue d’une réunion tenue devant 600 réfugiés, le commandant Michel note avec satisfaction qu’« une adresse chaleureuse de remerciements au préfet et à l’officier a été rédigée et couverte de nombreuses signatures » (SHD, 16 N 1584, op. cit.)
-
[44]
AN AJ 30/107, lettre du 11 février 1918.
-
[45]
Sur les « films alsaciens » de la SCPA on se reportera à la thèse d’Odile Gozillon-Fronsacq, Stratégies cinématographiques en Alsace (1896-1939), Université de Strasbourg II, 1998, deux volumes. Ce remarquable travail est résumé dans son ouvrage Alsace cinéma : cent ans d’une grande illusion, Strasbourg, La Nuée bleue, 1999, 142 p.
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[46]
SHD 16N 1584, op. cit., journée du 30 novembre 1917.
-
[47]
À savoir deux exemplaires de la série Les Annales de la guerre où sont présentées dans l’un, les usines d’armement et le matériel de guerre de l’armée et dans l’autre, Les Américains en France ; La fin d’un raid, qui montre des Zeppelins abattus ; La Visite du roi d’Italie en Alsace.
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[48]
Ce montage d’images de fiction et d’actualité d’une durée de trente-cinq minutes illustre cette vision de la femme alsacienne qui veille à conserver vivace pour les nouvelles générations le culte de la patrie perdue. L’héroïne du film, Jeanne Moser, est la fille d’un instituteur de Cernay, petite bourgade du Haut-Rhin qui a quitté l’Alsace en 1872 pour ne pas à avoir à enseigner en allemand. Avant de partir, son père lui demande de rester à Cernay pour maintenir le souvenir de la patrie perdue. Jeanne Moser, toujours coiffée du nœud traditionnel et vêtue de sombre, porte le deuil de la France. Tournée vers le passé, elle ne trouve de réconfort que dans le recueillement sur les tombes de ses ancêtres qui, depuis un échevin de Thann au XVIIe siècle, ont toujours servi la France. Un jour du mois d’août 1914, alors que Jeanne devenue une vieille femme est au cimetière, les troupes françaises entrent dans la ville. Elle retourne alors dans l’ancienne salle de classe de son père et découvre avec plaisir qu’un instituteur militaire a remplacé le maître allemand tant détesté. Le son du clairon retentit alors et tous les enfants rassemblés sur le perron de l’école acclament le défilé des troupes françaises.
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[49]
SHD., 16 N 1584, op. cit., journée du 30 novembre 1917.
-
[50]
Ibid.
-
[51]
Nous ne disposons malheureusement pas du nombre de réfugiés dans ce département.
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[52]
SHD., 16 N 1584, op. cit., journée du 30 novembre 1917.
-
[53]
Montage d’images de fiction et d’actualité, Dans un village d’Alsace, réalisé en mai 1918, est, à notre sens, le film de propagande qui synthétise le mieux, sur une quinzaine de minutes, et à travers le récit qu’en font deux soldats, cette image de l’Alsace idéalisée dont la mise en scène est largement inspirée du livre d’Hansi, Le Paradis tricolore.
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[54]
Jean-Baptiste Duroselle, La Grande Guerre des Français, op. cit., p. 255.
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[55]
16 N 1584, op. cit., lettre au général de Boissoudy du 1er novembre 1918.
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[56]
L’événement a porté un coup très dur au travail de rapprochement entre Alsaciens et Vosgiens que le commandant Michel feint de minorer : « La plupart des évacués n’ont pas bien compris la portée et la nature du texte qui leur était soumis et beaucoup se refusent à signer un document estimé de caractère purement politique et ont commencé une action de contre-propagande fâcheuse pour inciter les Alsaciens à ne pas apposer leur signature. Cela produit de petits conflits locaux sans gravité mais permet aux Vosgiens de suspecter une fois de plus le loyalisme des Alsaciens qui les entourent » (Lettre du commandant Michel du 18 avril 1918 adressée à la présidence du Conseil).