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Article de revue

Le centre d'interprétation de Suippes : « Marne 14-18 »

Pages 45 à 60

1Placé sur l’ancien front de Champagne, le centre d’interprétation, Marne 14-18 se situe au carrefour des sites de Verdun et du Chemin des Dames. Il offre une présentation vivante, moderne et humaniste de la Première Guerre mondiale. Une riche collection iconographique et de nombreux témoignages laissés par les soldats et les civils montrent toute l’intensité et l’horreur du conflit.

GENÈSE DU PROJET : UNE INITIATIVE INTERCOMMUNALE DE DÉVELOPPEMENT TOURISTIQUE

2Le territoire de Suippes porte de nombreux stigmates de la Grande Guerre. Monuments commémoratifs, nécropoles nationales, ossuaires, chapelles, bornes Vauthier, parsèment le secteur.

3Une première volonté de mise en valeur de site a émergé en 2000, de l’ABMC (American Battle Monuments commission). Le Mémorial américain de Sommepy-Tahure, érigé en 1931 en mémoire des 70 000 soldats américains venus combattre dans la région durant l’été et l’automne 1918, devait devenir le point de départ d’un circuit touristique de mémoire. La commission américaine a donc revu l’aménagement du site du monument du Blanc Mont en construisant un local d’accueil et en réalisant une illumination de l’édifice. Au printemps 2001, le nouveau site du Blanc Mont était inauguré.

4Dans un second temps, le 22 septembre 2002 fut marqué par le lancement du circuit « Sur les pas des armées de Champagne ». Ce circuit résulte d’un inventaire précis des différents sites, stèles et lieux marqués par les combats du territoire. Cet inventaire permit de réaliser une carte géographique mentionnant chacun de ces sites.

5La même année eurent lieu les premières réunions de réflexion autour de la création d’un musée 14-18 à Suippes.

6En parallèle, la DMPA (Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives) du ministère de la Défense, élaborait une méthodologie de valorisation du patrimoine architectural et paysager des sites de mémoire. La mission mémoire et patrimoine du Grand Est mettait en place une mise en réseau des sites de guerre de 1630 à nos jours. Le moment était venu de concrétiser les projets.

7La Communauté de communes de la région de Suippes souhaitait créer un site de référence pour le nord de la Champagne-Ardenne. En outre, et tenant compte de l’ouverture de la médiathèque intercommunale et de la création de son pôle multimédia en septembre 2003, la possibilité d’installer le musée au centre de Suippes, dans les locaux de la Maison des associations est apparue comme un nouvel atout qui permettrait de classer ce lieu en catégorie « point d’appui ».

8C’est ainsi qu’est née la volonté forte de concrétiser un projet commun, de conforter le rôle patrimonial et la mise en valeur du circuit « Sur les pas des armées de Champagne » afin d’organiser une offre touristique à partir d’une thématique globalisante.

9Après une étude de faisabilité réalisée en 2003, le projet était adopté.

Le concept

10Il s’agit de faire découvrir la réalité de la vie des combattants de la Première Guerre mondiale sur le territoire et les équipements (publics et privés) traitant de cette guerre. Pour cela, deux axes sont retenus :

11— créer un point de repère et d’accueil : un centre d’interprétation à Suippes ;

12— mener le visiteur « sur les pas des armées de Champagne » à travers le territoire qui possède de nombreux atouts touristiques.

13L’histoire que nous voulons présenter sur le territoire de Suippes a le souci de montrer le conflit à travers les hommes et les femmes. Ici le regard se veut sensible. Il fait ressentir le vécu des soldats et des civils jusqu’à plonger le visiteur au cœur de la Grande Guerre de trois manières différentes mais complémentaires :

14— une approche didactique qui permet de comprendre les mécanismes de la guerre ;

15— une approche émotionnelle basée sur l’être humain en temps de guerre ;

16— une approche spectaculaire qui donne à percevoir l’intensité de la guerre.

Une organisation spatiale et un parti pris scénographique

17Marne 14-18 se compose de sept espaces à la scénographie forte et originale, déroulés en trois temps :

181 / l’Europe et la région d’avant guerre ;

192 / la guerre, du point de vue de l’humain ;

203 / l’Europe et la région d’après guerre.

21Chaque espace est doté d’une mise en scène adaptée au propos. Le lien graphique choisi pour les zones argumentaires est sobre. Il est le même tout au long de l’exposition et crée ainsi un fil conducteur facilement identifiable.

22L’exposition permanente, développée sur un parcours d’environ 600 m2, pour un temps moyen de visite estimé à une heure trente minutes, a pour souci prioritaire la mise en perspective d’un propos historique neuf, clair et précis auprès du « grand public ». Son contenu et sa traduction scénographique respectent cette volonté première.

23Les textes écrits, audiovisuels et autres messages sont traduits de façon systématique en anglais et en allemand.

24Les zones argumentaires sont des informations immédiatement visibles qui permettent de comprendre l’essentiel du sujet traité et d’en retenir la quintessence. Ce niveau doit être compris par un enfant de 10-12 ans.

Trois temps, sept espaces

25Temps 1 / espace 1 : l’Europe et la région d’avant guerre

26Cet espace d’introduction doit permettre aux visiteurs de comprendre le contexte politique, économique mais aussi humain de l’Europe et de la région à l’époque, ainsi que les causes profondes du conflit.

27Dans un contexte global de brillante prospérité (Belle Époque, révolution industrielle, progrès technologiques, croissance économique forte, exportation des hommes et des savoir-faire dans les colonies...), une succession de rivalités et de crises va conduire l’Europe et le monde entier au chaos, à une guerre longue et destructrice.

28L’ambiance générale plonge l’espace dans des tons de bleu lunaire s’assombrissant (à l’aide d’un éclairage spécifique) au fur et à mesure de l’avancée du visiteur. Une perspective accélérée montre l’enchaînement menant au conflit (succession de colonnes parallèles décroissantes blanches). En fond sonore, sur une des parois, une bande diffuse des ritournelles, des chants, des rires. L’espace découpé en onze alcôves blanches avec en fond des impressions « art nouveau » montre l’homme de différentes nationalités dans sa vie quotidienne faite de labeurs et de loisirs.

29Le territoire de Champagne, Suippes et les proches communes en particulier, ne sont pas oubliés.

30Constituée comme une véritable galerie d’images (photographies, cartes, affiches, écrans vidéo), accompagnée de cartes et de zones argumentaires bénéficiant d’un titrage, la perspective se termine par les deux affiches de mobilisation française et allemande.

Quelques exemples parmi les thématiques abordées

L’avant-guerre d’un point de vue humain dans différents pays d’Europe, dans la région de Suippes et dans différentes classes sociales

31— la Belle Époque, les mondanités ;

32— les avancées technologiques ;

33— les débuts du tourisme ;

34— les loisirs, le sport ;

35— les disparités sociales (paysans, ouvriers, rentiers) ;

36— les mouvements de grève (les vignerons notamment) ;

37— une France qui change : service militaire obligatoire, école laïque et obligatoire, exode rural.

Les faits menant à la guerre

38— l’impérialisme : 1 / rivalité économique, 2 / coloniale, 3 / maritime ;

39— les problèmes de nationalités ;

40— les alliances ;

41— le pacifisme ;

42— les crises.

43 Temps 2 / espace 2 : Si je reviens comme je l’espère...

44La guerre est introduite par un court métrage original d’une douzaine de minutes, qui traite du conflit à l’aide de la correspondance de la famille Papillon, objet d’un livre Si je reviens comme je l’espère, publié en 2003. Quatre personnages, quatre voix : trois frères (Marcel, Joseph et Lucien) ayant combattu au front, en partie dans la région de Suippes, et leur sœur (Marthe) à l’arrière. Ce film est composé d’images d’archives, d’effets visuels et de scènes tournées dans la région de Suippes et à Vézelay, lieu de découverte des manuscrits. L’espace a pour vocation d’apporter aux spectateurs un discours sensible et pudique, annonçant le traitement qui est fait de la Grande Guerre dans l’ensemble du centre.

45La salle de projection possède une capacité d’une trentaine de places. Le décor est volontairement sobre.

46Temps 2 / espace 3 : un front, des hommes

47Des soldats de toutes nationalités sont engagés dans le conflit et confrontés à une guerre de type nouveau : nouvelles armes, nouvelles stratégies... un conflit généralisé qui, au départ européen, va devenir mondial.

48D’une chronologie de stratégies et de batailles, découlent les évolutions des parties en présence à travers des changements d’armement ou encore d’uniforme. Le front occidental retiendra toute l’attention du visiteur, avec un rappel ponctuel des événements politiques nationaux et internationaux. La Champagne n’est pas oubliée et fait l’objet d’un traitement en parallèle. Ainsi, une carte animée, entourée de mannequins de soldats, évoque les faits de guerre proprement locaux, compris dans le secteur géographique qui s’étend des Monts de Moronvilliers jusqu’à l’Argonne.

49La transition avec Si je reviens comme je l’espère s’opère grâce à neuf grands portraits de soldats, qui ont valeur de symboles et illustrent la diversité des combattants de Suippes et sa région. Ces portraits sont accompagnés d’une carte d’identité et d’objets personnels mis en vitrines rétro-éclairées.

50L’ambiance générale est austère pour ne pas trahir la gravité et la brutalité des événements relatés. L’information de cette salle est traitée sur une cimaise constituée de zones argumentaires, de photographies, de gravures, de vitrines, de cartes et de téléphone de transmission diffusant discours et chansons. Un marquage spécifique permet de faire ressortir les grandes dates et faits.

51L’espace présente également des pièces authentiques encadrées par les fidèles reconstitutions d’un avant d’avion Bréguet et d’un char Renault.

Quelques exemples parmi les thématiques abordées

52— l’armement ;

53— les stratégies ;

54— les personnages phares ;

55— le vécu des soldats.

56Temps 2 / espace 4 : ils ont cassé le bleu du ciel

57Après des heures effroyables au cœur des tranchées, les poilus sortent de leur attente pour se confronter à l’ « ennemi ». C’est d’abord le silence, l’attente angoissée, une impression d’étouffement, puis des sons sourds qui lancent les soldats aux combats : explosions, tirs de mitrailleuse en tout sens, course effrénée, blessures et mort. Des projections d’images pendant une durée de trois à cinq minutes retracent les conditions de vie du soldat au front.

58Le ciel à l’arrivée des spectateurs est bleu limpide, on entend des chants de conquête, enthousiastes, confiants dans la promesse d’une victoire rapide. Peu à peu les ténèbres se font, striées de fusées éclairantes, de brouillard dû au gaz. En images, au plafond, nous assistons à des assauts au sortir des tranchées, entrecoupés de séquences de vie quotidienne. Le final est rouge incendie, proche de l’apocalypse, les lumières s’éteignent, demeurent juste sur les crêtes du décor comme des petites bougies qui vacillent, tandis que l’on entend un extrait de « Fête », bouleversant poème de Guillaume Apollinaire.

59Cette salle est un boyau, qui s’évase en son milieu pour créer le lieu optimal et assister à la projection d’un spectacle audiovisuel chargé d’émotion.

60Temps 2 / espace 5 : l’homme blessé, brisé, soigné

61Pendant de longues heures, voire des jours de combat, des hommes tombent...

62Ce n’est qu’une fois le feu provisoirement arrêté que les blessés peuvent être recherchés et secourus. L’idée de tri est ici présente : tri entre la mort, les blessures simples et les blessures nécessitant des soins plus importants. Commence alors la course folle pour atteindre les postes de secours, les ambulances ou les hôpitaux de l’arrière.

63L’espace est aussi un hommage aux hommes et aux femmes ayant contribué à l’amélioration, à l’accueil, au réconfort et aux soins intensifs : militaires, infirmiers, civils, aumôniers et médecins.

64Il est constitué d’un théâtre de draps de différentes tailles, entrecoupés de murs enduits et fissurés, formant des culs de sac devant l’irrémédiable, de couloirs montrant le cheminement des blessés. Des zones argumentaires sont intégrées à différents supports : panneaux suspendus, mobiliers d’hôpitaux ou de transports, ou encore imprimées parfois à même le tissu.

65Des témoignages sonores et visuels, des photos et du matériel d’hôpital « habillent » l’espace. Le mode de médiation est de deux ordres : évocation et réalisme.

Quelques exemples parmi les thématiques abordées

Le champ de bataille

66— l’attente des secours ;

67— la recherche des corps ;

68— des morts sur le champ de bataille : l’inhumation des corps.

Les blessés au poste de secours sur le front

69— l’acheminement des blessés jusqu’au poste de secours ;

70— les acteurs en présence (infirmiers, brancardiers et médecins militaires...) ;

71— le tri pour l’ambulance de l’arrière.

Le traitement des prisonniers blessés – la Croix-Rouge internationale

72— les hôpitaux de l’arrière ;

73— hommage aux hommes et aux femmes.

L’évolution des techniques médicales

74Temps 2 / espace 6 : civils, soldats, regards croisés

75Avec cette guerre, toute la société voit sa vie bouleversée et doit réinventer son mode de vie, sa foi, son sens de la communauté et de l’entraide. Le destin des civils et des soldats se croise par la pensée, par l’action, et par l’échange, parfois épisodique. Les uns et les autres vivent à la fois solidaires et éloignés. Solidaires dans le sens où tous sont sollicités (hommes civils, hommes soldats, femmes, enfants, vieillards, étrangers...) et participent activement même si cela se situe à des niveaux différents : industriel, agricole, politique... Et éloignés par la vision qu’ils ont de la guerre, vision adoucie par la correspondance, vision erronée par la censure et la propagande.

76L’espace est construit comme un damier :

77— les civils représentés par des tons de vert jaune, symbole d’espoir, de valeur forte liée à la nature ;

78— les soldats représentés par des tons de brun orangé, symbole de la tendance animale.

79Chaque élément du damier représente une personne plus ou moins éloignée du front, et le foisonnement de losanges, la société entière.

80Les deux couleurs principales sont couplées de matériaux bruts type palissade, faisant écho à la palissade finale symbole de libération et de fin de guerre. Au centre, des îlots cubiques et parallélépipédiques montrent les civils et les soldats dans différents moments de vie.

Quelques exemples parmi les thématiques abordées

Les villages détruits

81— l’abandon des villages ;

82— l’occupation des villages.

Les activités des soldats pendant leur repos

83— le courrier et le rôle des marraines ;

84— la sexualité des soldats ;

85— les activités de loisir : artisanat de guerre, argot, chansons et musique ; 

86— le reconditionnement.

L’essoufflement des soldats

87— les automutilations ;

88— les désertions ;

89— le suicide.

Les changements d’activité

90— travail industriel ;

91— travail agricole.

L’essoufflement des populations civiles La propagande La permission

92— le retour tant attendu dans les familles ;

93— le rationnement et les pénuries.

94Temps 3 / espace 7 : l’Europe et la région d’après guerre

95Profondément meurtri, le monde est bouleversé. Cet espace de conclusion permet aux visiteurs d’appréhender le bilan de la guerre et les changements profonds que celle-ci a induits d’un point de vue humain, familial, géographique, économique et politique. Il vise à mettre en exergue les marques visibles du conflit à son lendemain, en Europe et en région Champagne. Ces marques sont autant dans les cœurs que dans les chairs des peuples d’une l’Europe redessinée où germent des désirs de renouveau et grondent des révolutions.

96La configuration rappelle irrésistiblement le début de la visite, avec des éléments de scénographie identiques à ceux du 1er espace du parcours. L’espace découpé en dix alcôves met en scène les hommes et les femmes dans leur retour à la « normalité ».

97Sans répondre aux questions innombrables et complexes soulevées par le drame de la Grande Guerre, la visite se termine par une illustration contemporaine de la réconciliation franco-allemande.

Quelques exemples parmi les thématiques abordées

L’après-guerre d’un point de vue humain

98— les anciens combattants ;

99— les gueules cassées ;

100— orphelins célèbres et anonymes : Albert Camus et tant d’autres ;

101— les veuves ;

102— les disparus.

L’après-guerre d’un point de vue économique et politique

103— la reconstruction locale et générale ;

104— la reconstitution politique de l’Europe ;

105— l’inflation et ses conséquences sociales ;

106— le mouvement international pour la paix ;

107— les nouveaux périls.

Les bornes biométriques

108Des moments de la vie d’un soldat ou d’un civil pendant la Première Guerre mondiale ont été mis en forme et intégrés dans un programme informatique qui les délivre au visiteur selon le principe suivant : chaque personne entrante se voit attribuer, selon son sexe et de façon aléatoire, un destin particulier. Il suit ses aventures tout au long de la visite du centre au moyen de cinq bornes réparties sur le parcours. Chacune marque une étape dans l’évolution de la situation personnelle du protagoniste.

109Cette véritable nouveauté, suscitant la participation du public, n’existe qu’à Marne 14-18. Elle s’appuie sur un système biométrique par empreinte digitale pour l’identification du visiteur auprès de la borne d’entrée et tout au long du parcours.

La boutique

110La fin de la visite débouche sur l’espace boutique du centre d’interprétation. Ce sont principalement des ouvrages qui y sont mis en vente, mais également des objets souvenirs, comme la médaille Arthus Bertrand, ou encore des stylos et porte-clefs. L’offre est adaptée pour tous les budgets et tous les âges. Il y a des ouvrages très généralistes, qui vulgarisent l’histoire de la Première Guerre mondiale, et d’autres plus spécialisés, notamment sur le thème des fusillés ou encore la chirurgie réparatrice opérée à l’époque.

Les manifestations

111En parallèle à l’exposition permanente, le centre d’interprétation propose tout au long de l’année, de nombreuses manifestations.

112La nuit des musées est devenu un rendez-vous pour tous les habitants du secteur. Le public est invité à se rendre sur un site important (monument Navarin, Chapelle russe...). Une reconstitution leur est proposée, ainsi qu’une explication historique des faits.

113Le centre organise dans ce même état d’esprit des randonnées historiques, sur le terrain. Le groupe de marcheurs est accompagné d’un ou plusieurs historiens locaux et, le temps d’une journée, ils partent sur les pas des soldats qui se sont battus lors de telle ou telle offensive. Des témoignages sont lus et un petit guide leur est offert.

114Deux expositions temporaires sont proposées. L’une au printemps et l’autre en automne. Elles portent sur divers sujets (les services sanitaires, la reconstruction, le deuil et la mémoire...).

115En partenariat avec la médiathèque intercommunale, une journée du livre 14-18 est organisée chaque année au mois de novembre. Elle permet à de nombreux auteurs 14-18 de venir présenter et dédicacer leurs ouvrages. Des conférences et tables rondes sont organisées autour d’un thème préalablement défini.

116Le camp militaire de Suippes ouvre ponctuellement ses portes à la visite des cinq villages disparus. Ces villages aux noms connus, Tahure, Perthes, Hurlus... sont restés à l’état de ruine au lendemain de la guerre. Ils forment aujourd’hui un sanctuaire inaccessible. C’est pourquoi, l’ouverture annuelle du camp rassemble toujours plusieurs milliers de visiteurs.

Label Tourisme & Handicap

117Le Centre d’interprétation Marne 14-18 s’est vu décerner le label national « Tourisme & Handicap » en 2008 par l’association Tourisme et Handicaps, membre du Conseil national du tourisme et chargée de mission par le ministère délégué au Tourisme.

118La labellisation est doublement significative :

119— pour les visiteurs handicapés, elle garantit l’accessibilité du site ainsi qu’un accueil adapté ;

120— pour le Centre d’interprétation, le label est une reconnaissance. Il salue la modernité et la qualité de conception du musée, en lui offrant par ailleurs une plus grande visibilité vis-à-vis des publics handicapés et du public en général.

121Dans le cas de Marne 14-18, le label a été attribué pour les quatre familles de handicap : moteur, mental, auditif et visuel. Des outils sont mis à la disposition des publics handicapés afin de faciliter leur visite (textes en braille, en gros caractères...).

LE CIRCUIT D’INTERPRÉTATION : SUR LES PAS DES ARMÉES DE CHAMPAGNE

« Du haut du talus encore vert, ils nous regardaient passer, et l’on eût dit que leurs croix se penchaient, pour choisir dans nos rangs, ceux qui demain, les rejoindraient. »
Roland DORGELèS 39 RI.

Présentation

122Le long d’une bande de terrain jalonnée d’ouest en est par les monts de Moronvilliers, la crête de Navarin, les buttes de Souain, de Tahure du Mesnil et la Main de Massiges se sont affrontés, pendant quatre années, avec un courage égal, en d’âpres combats, Français, Alliés et Allemands.

123Cinq grandes batailles s’y livrèrent : les combats de « grignotage » de l’hiver 1914-1915 – la puissante offensive française du 25 septembre 1915, au succès limité – la reprise à l’ennemi du massif de Moronvilliers en avril et mai 1917 – la tenue en échec de l’ultime attaque allemande, le « Friedensturm », par la IVe armée du général Gouraud, le 15 juillet 1918 – et l’offensive victorieuse franco-américaine du 26 septembre 1918 qui libéra Sommepy et se termina le 11 novembre à Sedan.

124Dans un champ clos de 30 km sur 4 km, 103 divisions françaises, 4 divisions américaines, 2 brigades russes et des régiments polonais et tchécoslovaques ont été engagés. D’Aubérive à Minaucourt, 26 nécropoles et ossuaires abritent les restes de plus de 130 000 soldats. Au cœur de cette zone dévastée, sept villages entièrement détruits n’ont pas été reconstruits et pour cinq d’entre eux, les vestiges sont encore visibles au sein du camp militaire national de Suippes.

125Trois édifices majeurs : la Chapelle russe de Saint-Hilaire-le-Grand, le monument de Navarin et le monument américain du Blanc Mont – des musées à Souain-Perthes-lès-Hurlus et Sommepy-Tahure – d’innombrables monuments divers, stèles et plaques jalonnent les routes et chemins qu’empruntèrent les « soldats des armées de Champagne ». Ils invitent à la découverte d’une page d’histoire de ce pays encore marqué des cicatrices de la guerre mais résolument tourné vers un avenir prometteur au sein d’une Europe en paix.

Une mise en valeur

126Afin d’apporter aux visiteurs une lecture plus efficace sur l’endroit qu’ils visitent, la communauté de communes de la région de Suippes a fait implanter sur cinq sites différents des panneaux d’interprétations, reprenant les grands thèmes du secteur :

127— ossuaire de Navarin : la tranchée et le deuil ;

128— Nauroy : la souffrance des populations civiles ;

129— Souain : les fusillés ;

130— Blanc Mont : l’intervention américaine ;

131— Saint-Hilaire : l’engagement de l’armée russe.

132Ces panneaux présentent une zone argumentaire d’une dizaine de lignes, des éléments iconographiques et une lettre, un témoignage qui illustre le thème abordé.

LES GRANDS SITES DU SECTEUR DE SUIPPES

La Main de Massiges

133Forteresse naturelle dominant la vallée de l’Aisne, cette colline située au nord du village de Massiges, doit son nom aux courbes de niveau qui dessinent sur le terrain et sur les cartes d’état-major une main gauche. Les doigts en sont séparés par de profondes échancrures, que les combattants les voyant du fond de leur tranchée appelèrent ravins.

134La Main de Massiges marquait la limite est du front de Champagne. C’est sur cet obstacle que butèrent, dès le 13 septembre 1914, les troupes du corps colonial de la IVe armée qui participait à la contre-offensive succédant à la 1re bataille de la Marne.

135Elle fit l’objet d’attaques incessantes, surtout au cours des années 1914 et 1915, mais, malgré la bravoure des Marsouins, ne fut jamais totalement investie. Son point culminant, « le mont Têtu », que les Allemands appelèrent « Kanonenberg », truffé de formidables défenses, sans cesse renforcées, ne fut définitivement pris que lors de l’offensive victorieuse de 1918.

136On peut voir, sur le terrain, la forme très particulière de cette colline et, sur les parties non remises en culture, les traces que laissèrent sur le sol les combats acharnés qui s’y déroulèrent.

137De nombreux corps des disparus des deux camps y reposent pour toujours.

Le mémorial américain du Blanc Mont

138Le monument de Sommepy-Tahure s’élève au sommet de la colline du Blanc Mont, à 5 km au nord du village dans le département de la Marne. Le site fut conquis par les troupes américaines de la 2e division le 3 octobre 1918 après de sanglants combats.

139Ce monument fut érigé par les États-Unis d’Amérique pour commémorer les exploits des 70 000 soldats américains qui combattirent en Champagne durant l’été et l’automne 1918 et des soldats français engagés à leurs côtés.

140Le monument a la forme d’une tour, à la fois robuste et élégante, s’harmonisant parfaitement avec la campagne environnante. La pierre jaune doré aux nuances variées des murs extérieurs lui confère une très plaisante apparence.

141Sur les murs extérieurs sont gravés : une dédicace, les insignes et noms des divisions américaines commémorées par ce monument, ainsi que les dates de leurs engagements et les noms de quatre lieux où elles se sont particulièrement distinguées. La dédicace est gravée en français et en anglais sous l’aigle de la façade du monument.

142À l’intérieur de la tour, sur une plaque murale visible à travers la grille de bronze de la porte, est gravée une brève description des opérations américaines dans la région.

143Un escalier mène à la plate-forme d’observation au sommet de la tour d’où l’on peut découvrir un superbe panorama de la campagne environnante et où sont indiqués par des flèches les sites majeurs.

144L’architecte de ce monument est un New-Yorkais, Arthur Loomis Harmon. La cérémonie d’inauguration eut lieu en 1937, 20e anniversaire de l’entrée en guerre des États-Unis dans la Première Guerre mondiale.

La salle franco-américaine de Sommepy-Tahure

145La Grande Guerre a marqué profondément le village. Le 2 septembre 1914, devant l’avance allemande, sous les bombardements, une grande partie de la population s’enfuit ; le 19 septembre le reste des habitants est évacué de force par voie ferrée. Durant quatre ans, Sommepy-Tahure, situé immédiatement derrière la ligne de front côté allemand, constituera une cible privilégiée.

146Ce n’est que le 28 septembre 1918 qu’il sera libéré et, le 3 octobre, définitivement dégagé après la prise du Blanc Mont par la 2e division US. Le village est entièrement détruit ; il faut rebâtir. Envoyé aux États-Unis pour faire des conférences en faveur des régions dévastées, le lieutenant André L’Huillier choisit Sommepy, son village natal, comme thème de ses causeries. Le « Sommepy Fund » est créé pour aider à la reconstruction.

147Le 19 septembre 1925 la nouvelle mairie et la « Salle-mémorial franco-américaine » sont inaugurées en présence de l’ambassadeur des États-Unis Myron-Herrick.

148Cette salle transformée en musée renferme des collections de photos, cartes postales, documents et objets divers témoins de cette douloureuse période.

149Depuis 1951, le nom de Tahure, village détruit situé dans le camp militaire de Suippes, a été jumelé à celui de Sommepy afin que le souvenir demeure.

La chapelle orthodoxe et son cimetière russe à Saint-Hilaire-le-Grand

150Cette chapelle commémorative est dédiée aux 6 100 soldats russes tombés en France. Ce monument fut fondé en 1937, réalisé par l’architecte peintre Albert Benois dans le style orthodoxe du XVe siècle. Pour la Première Guerre mondiale, les pertes de l’armée russe sur l’ensemble des fronts sont estimées à environ 1 700 000 hommes. Le cimetière d’une superficie de 3 412 m2 a recueilli 915 corps (489 en tombes, 426 en ossuaire). Cette petite nécropole devint le cimetière de groupement des sépultures russes.

151Après 1922, de nombreux corps y furent transférés

Le monument aux morts des armées de Champagne et l’ossuaire Navarin

152C’est grâce aux fonds issus d’une souscription publique lancée par le général Gouraud qu’a été érigé le monument ossuaire, à proximité de l’ancienne ferme de Navarin, haut lieu des combats, dont il ne reste aucune trace. La pose de la première pierre, provenant des ruines de l’église de Souain, eut lieu en 1923 en présence de l’ambassadeur des États-Unis. Le maréchal Joffre présida l’inauguration le 28 septembre 1924.

153L’aspect du monument est impressionnant par sa masse et ses proportions. Le groupe des statues qui en couronne le sommet est l’œuvre de Real del Sarte. Il représente trois combattants dans l’attitude de l’attaque. Le sculpteur a donné au soldat de droite les traits de Quentin Roosevelt, neveu du Président des États-Unis, mort pour la France, au soldat de gauche les traits de son propre frère tué au Chemin des Dames, et au grenadier du centre les traits du général Gouraud.

154L’entrée principale donne accès à une chapelle sur les murs de laquelle ont été apposées, à la demande des familles, de nombreuses plaques de marbre portant les noms de soldats disparus. La crypte renferme des ossuaires contenant les restes anonymes de 10 000 soldats ainsi que la tombe du général Gouraud qui a voulu être inhumé au milieu de ceux qu’il avait commandés de 1916 à 1918 à la tête de la IVe armée.

155Une fondation, reconnue d’utilité publique, pourvoit à l’entretien de l’édifice et « l’Association du souvenir aux morts des armées de Champagne » organise chaque année une imposante cérémonie en présence de hautes autorités civiles et militaires françaises et américaines. Une messe en plein air y est célébrée.

Le musée de Souain-Perthes-lès-Hurlus

156Pendant quatre ans, des combats terribles se déroulèrent à Souain, ne faisant reculer le front que de 3 km sur les hauteurs de la ferme de Navarin. Les 55 000 soldats inhumés dans les cimetières militaires de la « Crouée », de l’Opéra, de la 28e brigade, de la Légion Étrangère et de l’ossuaire de Navarin, nous rappellent la tragédie humaine qui s’est jouée en ce lieu. À cette liste, il faut ajouter les monuments de la 34 DI, du 60 et 44 RI élevés par les survivants à la mémoire de leurs camarades tombés en cette terre.

157Depuis 1950, le nom de Perthes-lès-Hurlus, village détruit situé dans le camp militaire de Suippes, a été réuni à celui de Souain pour que son souvenir demeure intact.

Les villages disparus

158Tahure, Perthes-lès-Hurlus, Hurlus, Le Mesnil-lès-Hurlus, Ripont, Nauroy, Moronvilliers...

159Au lendemain de la guerre, il ne reste rien de ces sept villages. Situés au cœur de la « Zone rouge », ils ont été rasés, ensevelis, anéantis.

160Dans les années 1920, toute cette région (plus de 16 000 ha) a été convertie en terrains militaires. De ce fait ces lieux ont pu rester jusqu’à ce jour des sanctuaires, de véritables musées à ciel ouvert de la guerre 1914-1918. Les réseaux de tranchées, les « entonnoirs » de mines sont encore visibles, la terre porte toujours les stigmates des terribles affrontements qui s’y déroulèrent pendant quatre ans.

161Les vestiges des sept villages et des hameaux de Beauséjour et Maisons-de-Champagne sont situés à l’intérieur des camps de Suippes et de Moronvilliers. Tous les deux ans, une journée du souvenir est organisée à Suippes, permettant à tous de se rendre sur ces hauts lieux de mémoire.

162Tahure, près de la source de la Dormoise, comptait 185 habitants en 1914. Le 3 septembre, au cri de « les uhlans arrivent », la population s’enfuit et ne devra jamais y revenir. La butte de Tahure, à l’aspect rendu lunaire par les bombardements, eut maintes fois l’honneur des communiqués. En 1980, les vestiges de l’église du village furent mis au jour. Le nom de Tahure se perpétue maintenant, jumelé à celui de Sommepy.

163Perthes-lès-Hurlus comptait, en 1914, 151 habitants. L’ancienne église datant du XIVe siècle, devenue vétuste, avait été démolie et rebâtie vers 1890. Situé à la croisée de deux chemins importants, dominé par la cote 200 où 7 cratères de mines sont encore visibles, le village a donné son nom à la 1re bataille de Champagne, particulièrement meurtrière : 22 000 morts soit 22 morts à l’hectare... ! Le village de Souain a repris ce nom illustre.

164Hurlus, dont le nom viendrait de « hurler », avait 86 habitants avant la guerre, essentiellement des agriculteurs. C’est le seul village dont il reste des vestiges importants, en l’occurrence quelques pans de murs avec ogives et contreforts de l’église Saint-Rémi datant du XIIIe siècle. La cloche fut sauvée du désastre et donnée à la paroisse de Wargemoulin qui porte aujourd’hui le nom de Wargemoulin-Hurlus.

165Le Mesnil-lès-Hurlus, village de 97 habitants à la veille de la guerre, était célèbre pour son église du XIIIe siècle avec une nef à trois travées et un transept aux voûtes remarquables, et surtout pour un superbe retable du XVIe siècle en bois peint et doré qui se trouve actuellement au musée de Châlons-en-Champagne. C’est un aumônier allemand qui l’a sauvé de la destruction. La butte du Mesnil, couverte d’un réseau de tranchées et creusée d’abris souterrains, resta imprenable jusqu’au 26 septembre 1918, date à laquelle elle fut prise par le RICM (régiment d’infanterie coloniale du Maroc). Le village de Minaucourt perpétue le souvenir du Mesnil-lès-Hurlus.

166Ripont, avec ses 84 habitants, était un charmant village au bord de la Dormoise, avec ses cultures et ses prairies. Il n’en reste que le cimetière curieusement fortifié. Un monument commémoratif « Ici fut Ripont » a été élevé par le Touring club de France. Une stèle rappelle le souvenir du 68e RI de réserve allemand. Ripont a son nom rattaché à celui de Rouvroy.

167Nauroy est le seul village ouvert au public. On peut visiter sa chapelle et les restes de son ancienne église. Son nom est jumelé à celui de Beine.

168À Moronvilliers, un monument aux morts situé près des ruines de l’église rappelle la présence du village dont le nom est rattaché aujourd’hui à celui de Pontfaverger.

SITES ET RENSEIGNEMENTS

169Centre d’interprétation

170Marne 14-18

1714, ruelle Bayard

17251600 Suippes

17303 26 68 24 09

174wwwww. marne14-18. fr

175Tous les jours sauf le lundi

176Février-mars-avril-novembre-décembre : 14 h-18 h

177Mai-juin-septembre-octobre : 10 h-13 h et 14 h-18 h

178Juillet-août : 10 h-19 h

179Individuels

180 Adultes

181 6 E

182 Jeunes (6-18 ans)

183 3 E

184 – de 6 ans

185gratuit

186 Anciens combattants - Étudiants - Demandeurs
  d’emploi - Bénéficiaires du RMI (sur présentation
  de justificatif) - Handicapés

187

188 4,50 E

189 Familles (2 adultes et 3 enfants max.)

190 16 E

191

192Groupes (> 10 personnes)

193 Adultes

194 4,50 E

195 Écoles - collèges - lycées - jeunes

196 2,50 E

197 Établissements scolaires de la communauté de communes de la région de Suippes

198

199 2 E

200Communauté de communes de la région de Suippes

20113, place de l’Hôtel-de-Ville

202BP 31

20351600 Suippes

20403 26 70 08 60

205cccommunaute@ cc-regiondesuippes. fr

206Monument de Navarin

20703 26 66 82 32

208Du 15 mars au 30 septembre, le vendredi : de 14 h à 18 h

209Samedi, dimanche et jours fériés : de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h

210Monument du Blanc Mont

21103 29 85 14 18

212Du lundi au vendredi de 8h à 16h

213Chapelle russe à Saint-Hilaire-le-Grand

21403 26 66 17 25

215Du 15 avril au 15 novembre, sauf mois d’août

216Le dimanche de 15 h à 18 h

217Le reste de l’année : sur rendez-vous

218Musée de Souain

21903 26 70 12 84

220En juillet et août : le dimanche de 14 h à 18 h

221Le reste de l’année : sur rendez-vous

222Salle-mémorial franco-américaine à Sommepy-Tahure

22303 26 66 80 04

224En juillet et août : le dimanche de 15 h à 18 h

225Le reste de l’année : sur rendez-vous

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