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Article de revue

Patriotes désintéressés ou espions vénaux ?

Agents et argent en Belgique et en France occupées, 1914-1918

Pages 25 à 45

Notes

  • [1]
    De 1919 à 1925, l’accent est surtout mis sur la souffrance et la mort de figures héroïques. Les activités elles-mêmes des agents sont surtout mises en scène dans les publications de la seconde moitié des années 1920 et des années 1930, notamment avec l’espoir de raviver la flamme patriotique face à la menace allemande. L. van Ypersele et E. Debruyne, De la guerre de l’ombre aux ombres de la guerre. L’espionnage en Belgique durant la guerre, 1914-1918. Histoire et mémoire, Bruxelles, 2004, p. 103-179.
  • [2]
    On notera que le « lieutenant Marcel » (alias Vincent de Moor) aborde sans problème la fourniture de fonds nécessaires à la production de la Libre Belgique, la presse, clandestine ou non, étant de toute évidence une activité nécessitant de l’argent. Il évoque aussi le transfert de fortes sommes destinées au paiement clandestin des fonctionnaires, et dénonce plus loin les sommes reçues par des jeunes gens pour le livrer à l’ennemi, mais jamais il ne s’attache à la question financière en matière de renseignement. Lieutenant Marcel, Mes aventures et le mystère de la Libre Belgique, 2e éd., Bruxelles-Paris, 1919.
  • [3]
    Ce fonds est conservé à Bruxelles, aux Archives générales du Royaume (AGR).
  • [4]
    Pour plus de détails sur les réseaux, leurs employeurs et leurs agents, nous renvoyons (entre autres) à L. van Ypersele et E. Debruyne, De la guerre de l’ombre aux ombres de la guerre. L’espionnage en Belgique durant la guerre, 1914-1918. Histoire et mémoire, Bruxelles, 2004.
  • [5]
    L’Etappengebiet, ou zone d’étape, s’étendait sur les quelques dizaines de kilomètres derrière le front et était placée sous le contrôle direct des armées.
  • [6]
    C’est le cas de Charles Troupin, qui, dès le 2 août 1914, demande 2 500 F par mois comme appointements contre la fourniture de renseignements à l’état-major belge. Cette exigence et son comportement louche le font passer pour une « fripouille » aux yeux de Mage, chef du service secret militaire belge, qui le remballe rapidement. Troupin parvient cependant, dès le lendemain, à se faire attacher au ministère de la Guerre. Ses activités troubles à Liège lui vaudront d’être reconnu coupable d’espionnage par un tribunal de guerre belge, et d’être exécuté le 18 août 1914. Laurent Mignon, Les services belges d’espionnage et de contre-espionnage (juin 1910 - avril 1915), Liège, 2000-2001 (mémoire de licence en histoire ULg, dir. F. Balace), p. 51.
  • [7]
    Il arrive que des commerçants ou des banquiers acceptent de jouer les intermédiaires. L’inconvénient est que ce genre de transaction laisse des traces dans les livres de comptes, qui peuvent s’avérer compromettantes et sont difficiles à faire disparaître. L’avantage est à l’inverse qu’elles peuvent aussi servir de preuves en vue de la liquidation des comptes après la guerre. Ce système, évoqué dans la correspondance du service des Ambulants, semble dès lors avoir été peu pratiqué et vite abandonné. Maria-Teresa Abad Mier, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général belge pendant la Première Guerre mondiale, 1914-1918, Louvain-la-Neuve, 1996 (mémoire de licence UCL, J. Lory (dir.)), p. 128.
  • [8]
    Ainsi, un couple travaillant en 1917 pour le service Alphonse paie 40 frs de loyer par mois pour disposer d’un lieu d’observation à Laeken. Rapport de Pierre Debeaune, Bruxelles, 24 avril 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 4.
  • [9]
    Il s’agit en général d’un couple et éventuellement de ses enfants les plus âgés, et parfois d’une fratrie d’adultes célibataires. Il arrive aussi que des agents isolés s’adonnent à l’observation ferroviaire, ce qui exclut bien entendu une observation permanente. Ils sont alors payés à la moitié du barème d’un poste normal.
  • [10]
    Notes de Mr Jean Corbisier, communiquées par la Fédération des prisonniers politiques, s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 47.
  • [11]
    Les informations sur les finances du service Geerinckx sont tirées de Philippe Ledent, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général français en Belgique pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1994 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 65-66.
  • [12]
    Les informations concernant le service Lefèvre & Parenté, également connu sous le nom de service des Télégraphistes, proviennent des AGR, Archives des services patriotiques, no 1.
  • [13]
    À titre de comparaison, un mineur gagne en moyenne 5,71 F par jour (Sophie de Schaepdrijver, La Belgique et la Première Guerre mondiale, Bruxelles, 2004, p. 218), et un agent de police bruxellois 200 F par mois (Benoît Majerus, Occupations et logiques policières. La police bruxelloise en 1914-1918 et 1940-1945, Bruxelles, 2007, p. 32).
  • [14]
    Les informations concernant les services Carlot Théo et Lambrecht proviennent des AGR, Archives des services patriotiques, respectivement no 42A & B, 174 et 176, et 24A & B.
  • [15]
    Fiches individuelles, 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 149.
  • [16]
    Et aussi d’ « ambulants », ou d’ « observateurs territoriaux ».
  • [17]
    Lettre de « 1117 » [Nicolas Cloos] à « Hunter » [Édouard Lagasse de Locht], 15 décembre 1917, in AGR, Archives des services patriotiques, no 95, cité dans Véronique Guilluy, Édouard Lagasse de Locht et les services Hunter, réseau de renseignement en 1916-1918, Louvain-la-Neuve, 1988 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 78.
  • [18]
    Instructions centrales pour les chefs de service, par « Evelyn » (Cameron), s.l. [octobre 1915], in AGR, Archives des services patriotiques, no 43.
  • [19]
    Madeleine Vinche, collaboratrice de Henri Siquet, chef d’un réseau Hunter fusillé le 25 avril 1918, rapportera que, en prison, « sa crainte était qu’on ne crût qu’il retirait un profit quelconque de ses actions car les dernières paroles qu’il m’a dites (c’était à travers les barreaux, dans la voiture cellulaire qui nous ramenait à la prison, après le jugement, le 11 mars 1918) ont été pour me prier de défendre sa mémoire si elle était jamais attaquée, moi qui savais que ce qu’il avait fait il l’avait toujours fait par pur patriotisme » (lettre de Madeleine Vinche à « Mademoiselle », Verviers, 4 septembre 1920, in AGR, Archives des services patriotiques, no 10).
  • [20]
    Ainsi, aux yeux de la population belge, les trois grandes figures de « mauvais Belges » sont le profiteur, l’espion (au service de l’ennemi) et l’activiste. Laurence van Ypersele, « “Au nom de la Patrie ! À mort les traîtres.” La répression des inciviques belges de 1914 à 1918 », in HHHistoire@ Politique, no 3, novembre-décembre 2007 (consultable en ligne sur wwwww. histoire-politique. fr).
  • [21]
    Rapport de Victor Vandeborne, Hal, 14 novembre 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 43.
  • [22]
    Lettre de Martin Bastiaensen à « Monsieur le Capitaine », Bruxelles, 23 mars 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 1.
  • [23]
    Rapport de M. Deblocq Théophile-Victor, s.l.n.d. (1919), in AGR, Archives des services patriotiques, no 46.
  • [24]
    Lettre de Théophile De Ridder à sa mère, Mons, 1er mars 1916, in AGR, Archives des services patriotiques, no 43.
  • [25]
    Lettre à « Cher Monsieur », s.l. [août 1917], in AGR, Archives des services patriotiques, no 3.
  • [26]
    Copie des notes d’audience de Me Harmignies, par Fernand de Looze, s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 43. La plupart des inculpés ont d’ailleurs été dénoncés par Lampert.
  • [27]
    Rapport de M. François Vandeplas, Louvain, 1er mars 1920, in AGR, Archives des services patriotiques, no 151.
  • [28]
    Lettre à « Cher Monsieur », s.l. [août 1917], in AGR, Archives des services patriotiques, no 3.
  • [29]
    Véronique Guilluy, Édouard Lagasse de Locht et les services Hunter, réseau de renseignement en 1916-1918, Louvain-la-Neuve, 1988 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 79. Ainsi, l’épouse d’un agent arrêté en février 1917 reçoit 100 F, tandis que les familles d’Henri Siquet (arrêté en octobre 1917) et de Nicolas Cloos (arrêté en mars 1918) en reçoivent 160.
  • [30]
    C’est le cas de l’épouse de François Mus, qui reçoit 150 F par mois de la direction de Flessingue, suite à l’arrestation de son mari. Maria-Teresa Abad Mier, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général belge pendant la Première Guerre mondiale, 1914-1918, Louvain-la-Neuve, 1996 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 128.
  • [31]
    Il arrive en tout cas que les antennes installées aux Pays-Bas demandent à leurs supérieurs le versement d’une indemnité aux familles. Philippe Ledent, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général français en Belgique pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1994 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 65.
  • [32]
    Fiches individuelles, 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 3.
  • [33]
    Extrait du rapport de M. Alfred Franssen sur les procédés et agissements des nommés Arthur Frankignoul & Joseph Jacques, par Armand Waleffe, s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 150. L’auteur du rapport soupçonne en outre fortement Arthur Frankignoul, qui dirige le réseau depuis les Pays-Bas pour le War Office, de s’être lui aussi enrichi sur le dos du service.
  • [34]
    Note intitulée Comptabilité, n.s., s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 1.
  • [35]
    Annette Hendrick, ORAM. Un réseau de renseignement allié pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1982 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 173-174.
  • [36]
    Philippe Ledent, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général français en Belgique pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1994 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 65-67.
  • [37]
    Rapport de M. Arthur Vanpoucke, par Choquet, Saint-Gilles, 6 avril 1920, in AGR, Archives des services patriotiques, no 42A.
  • [38]
    Rapport de Léon Sencier, s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 6.
  • [39]
    Henry Landau, All’s Fair. The Story of the Britisch Secret Service behind the German Lines, New York, 1934, p. 58. En 1917, certains demanderaient même, selon Siquet, 1250, voire 1500 F par tête. Lettre de « Henri Tesch » à « M. le Secrétaire », s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 10.
  • [40]
    Minute d’un rapport de M. V. Ernest au major Cameroun [...], s.l., début 1916, in AGR, Archives des services patriotiques, no 43.
  • [41]
    Note intitulée Comptabilité, n.s., s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 1.
  • [42]
    Ainsi, dans ses directives d’octobre 1915, Cameron précise : « Le chef de service recevra du bureau central des provisions d’argent pour assurer le fonctionnement de son système. Il enverra par retour au bureau un reçu signé. [...] Il justifiera mensuellement de l’emploi des sommes envoyées en produisant ses comptes. » Instructions centrales pour les chefs de service, par « Evelyn » (Cameron), s.l. [octobre 1915], in AGR, Archives des services patriotiques, no 43.
  • [43]
    Henry Landau, All’s Fair. The Story of the Britisch Secret Service behind the German Lines, New York, 1934, p. 48-50.
  • [44]
    Rapport de Georges Van Domme, in AGR, Archives des services patriotiques, no 182 a, cité par Maria-Teresa Abad Mier, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général belge pendant la Première Guerre mondiale, 1914-1918, Louvain-la-Neuve, 1996 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 126.
  • [45]
    Note intitulée G.Q.G. D/27, n.s., s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 47. Notons que Lorphèvre sera acquitté dès juin 1915.
  • [46]
    Lettre d’ « Evelyn » [Cameron] à « Carlot » [Victor Ernest], 13 mai 1916, in AGR, Archives des services patriotiques, no 42A.
  • [47]
    Henry Landau, All’s Fair. The Story of the British Secret Service behind the German Lines, New York, 1934, p. 48-50.
  • [48]
    M. Occleshaw, Armour against Fate. British Military Intelligence in the First World War, Londres, 1989, p. 175.
  • [49]
    Rapport de M. Duquesne, s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 47.
  • [50]
    P. Decock, La Dame blanche. Un réseau de renseignements de la Grande Guerre, 1916-1918, Bruxelles, 1981 (mémoire de licence en histoire ULB, dir. J. Stengers), p. 110.
  • [51]
    Ibid., p. 94.
  • [52]
    Minute d’un rapport de M. V. Ernest au major Cameroun [...], s.l., début 1916, in AGR, Archives des services patriotiques, no 43.
  • [53]
    Lettre d’Afchain à Cameron, 25 novembre 1915, in AGR, Archives des services patriotiques, no 152.
  • [54]
    M. Occleshaw, Armour against Fate. British Military Intelligence in the First World War, Londres, 1989, p. 161. Putman est expulsé des Pays-Bas en juillet 1915.
  • [55]
    Lettre d’Afchain à Cameron, 2 décembre 1915, in AGR, Archives des services patriotiques, no 152.
  • [56]
    Lettre d’Afchain à Cameron, 24 décembre 1915, in AGR, Archives des services patriotiques, no 152.
  • [57]
    Notons qu’en amont le Secret Service du War Office tient le même raisonnement vis-à-vis de Landau : son financement sera important si les résultats le justifient. Henry Landau, All’s Fair. The Story of the British Secret Service behind the German Lines, New York, 1934, p. 45-46.
  • [58]
    Note de Landau à « M.69 », 5 juin 1917, in AGR, Archives des services patriotiques, no 4 (cité par Annette Hendrick, ORAM. Un réseau de renseignement allié pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1982 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 175).
  • [59]
    Ainsi, dans le cas de Hunter, la correspondance conservée ne révèle pas que des agents aient eu à se plaindre du financement offert par le service. Véronique Guilluy, Édouard Lagasse de Locht et les services Hunter, réseau de renseignement en 1916-1918, Louvain-la-Neuve, 1988 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 79.
  • [60]
    Considérations générales sur les services alliés en Hollande, par M. Fauquenot, s.l., 1920, in AGR, Archives des services patriotiques, no 125. Cité dans Philippe Ledent, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général français en Belgique pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1994 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 63.
  • [61]
    Henry Landau, All’s Fair. The Story of the British Secret Service behind the German Lines, New York, 1934, p. 135.
  • [62]
    A. Henry, Le ravitaillement en Belgique pendant l’occupation allemande, Paris, 1924.
  • [63]
    Au sujet des conditions socio-économiques durant la seconde moitié de l’Occupation, voir Sophie de Schaepdrijver, La Belgique et la Première Guerre mondiale, Bruxelles, 2004, p. 213 et s.
  • [64]
    A. Henry, Le ravitaillement en Belgique pendant l’occupation allemande, Paris, 1924, p. 85, n. 1.
  • [65]
    Annette Hendrick, ORAM. Un réseau de renseignement allié pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1982 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 112.
  • [66]
    Ibid., p. 171-172.
  • [67]
    Déclaration de Wérisse, par « St Dic », s.l., 1er juin 1917, in AGR, Archives des services patriotiques, no 10.
  • [68]
    Véronique Guilluy, Édouard Lagasse de Locht et les services Hunter, réseau de renseignement en 1916-1918, Louvain-la-Neuve, 1988 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 79.
  • [69]
    Lettre de « H » au service Barcelone, in AGR, Archives des services patriotiques, no 95, cité dans Véronique Guilluy, Édouard Lagasse de Locht et les services Hunter, réseau de renseignement en 1916-1918, Louvain-la-Neuve, 1988 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 77.
  • [70]
    Maria-Teresa Abad Mier, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général belge pendant la Première Guerre mondiale, 1914-1918, Louvain-la-Neuve, 1996 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 129.
  • [71]
    Frais ordinaires à rembourser, par Robert Dieu, s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 7.
  • [72]
    Fiches individuelles, 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 149.
  • [73]
    P. Decock, La Dame blanche. Un réseau de renseignements de la Grande Guerre, 1916-1918, Bruxelles, 1981 (mémoire de licence en histoire ULB, dir. J. Stengers), p. 110-114.
  • [74]
    Finalement, les sommes dues à Nagelmackers ne seront pas réclamées par celui-ci. P. Decock, La Dame blanche. Un réseau de renseignements de la Grande Guerre, 1916-1918, Bruxelles, 1981 (mémoire de licence en histoire ULB, dir. J. Stengers), p. 114.
  • [75]
    Véronique Guilluy, Édouard Lagasse de Locht et les services Hunter, réseau de renseignement en 1916-1918, Louvain-la-Neuve, 1988 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 80.
  • [76]
    P. Decock, La Dame blanche. Un réseau de renseignements de la Grande Guerre, 1916-1918, Bruxelles, 1981 (mémoire de licence en histoire ULB, dir. J. Stengers), p. 112-113.
  • [77]
    Organisation Brésil. Comptabilité générale du 1er février 1918 au 1er février 1919, par Joseph Lefèbvre, s.l., 26 janvier 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 12.
  • [78]
    Annette Hendrick, ORAM. Un réseau de renseignement allié pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1982 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 177-178.
  • [79]
    Voir à ce sujet Emmanuel Debruyne, « Le nerf de la guerre secrète. Le financement des services de renseignement en Belgique occupée, 1940-1944 », Cahiers d’histoire du temps présent, n 13-14, décembre 2004, p. 223-265, et de manière plus générale Emmanuel Debruyne, La guerre secrète des espions belges, Bruxelles, Éd. Racine, 2008.

1Durant l’entre-deux-guerres paraissent de nombreux ouvrages relatant les aventures, la captivité ou la mort d’agents de renseignement du premier conflit mondial [1]. Leurs activités sont décrites avec plus ou moins de détails, mais bien rares sont les récits qui suggèrent l’enjeu que pouvait représenter la question financière. Son omission est symptomatique : l’argent n’a pas sa place dans les récits mettant en scène des figures héroïques et leur engagement patriotique, surtout s’il s’agit d’espionnage [2].

2Les récits publiés, parfois autobiographiques mais souvent cocardiers, sont heureusement loin d’être la seule source pour qui veut étudier les réseaux de renseignement de la Grande Guerre. Il est possible de se référer aux archives des différents services secrets protagonistes, dans la mesure où elles ont été conservées. Il est également possible de porter son attention sur l’intéressant corpus documentaire constitué par la Commission des archives des services patriotiques [3]. Cet organisme s’est efforcé dès 1919 de rassembler de façon systématique tous types de documents relatifs aux organismes clandestins qui pendant quatre ans s’étaient voués à la lutte contre l’Occupant. On y retrouve notamment des notes échangées entre les réseaux et leurs employeurs, ainsi que des centaines de rapports établis après la guerre par leurs agents, et même quelques documents comptables. Ces sources s’avèrent fécondes pour l’étude des enjeux pécuniaires du renseignement en Belgique occupée. Cet article se fonde sur un dépouillement partiel de ce fonds et sur la littérature historique. Il ne constitue donc qu’un premier aperçu, qui nécessitera d’être approfondi et complété, notamment sur des aspects tels que les représentations associées à l’argent ou le règlement des comptes et l’indemnisation des agents après la guerre.

1. L’ESPIONNAGE EN BELGIQUE ET EN FRANCE OCCUPEES

3Pendant toute la Grande Guerre, la Belgique et le nord de la France se retrouvent isolés du monde extérieur, d’une part par la ligne impénétrable du front, de l’autre par une clôture électrifiée installée dès 1915 par l’armée allemande pour séparer la Belgique des Pays-Bas, restés en dehors du conflit [4]. Le viol de la neutralité belge, les pertes militaires, les destructions et le massacre de milliers de civils par l’armée allemande, sans compter les privations imposées par le régime d’occupation, rendent l’Envahisseur particulièrement impopulaire auprès des populations occupées. Aussi la situation belge offre-t-elle aux responsables du renseignement allié une formidable possibilité de disposer d’espions volontaires en plein cœur du dispositif allemand. Belges et Français entreprennent dès les premiers mois de la guerre de développer leurs propres réseaux derrière les lignes ennemies. Ceux-ci sont reliés à des bureaux dépendant de leurs services secrets respectifs, installés la plupart du temps dans des villes hollandaises à proximité de la frontière, comme Maastricht ou Flessingue. Les Britanniques démarrent plus lentement, mais l’ampleur de leurs réseaux sera bien plus importante que celle de leurs homologues. Du Great Headquarter dépendent deux organisations distinctes, et même rivales : celle dirigée depuis Londres par le major Wallinger (organisation WL) et celle du major Cameron (organisation CF), à Folkestone. Le Secret Service du War Office dispose également de ses propres réseaux, dont l’action est supervisée depuis Rotterdam par l’homme d’affaires Richard Tinsley (organisation T). Ces réseaux gagneront une grande efficacité en 1916-1918 après l’arrivée du capitaine Landau, qui devient responsable du renseignement militaire au sein de T, et le développement d’Oram et de Hunter, deux services dépendant de T et disposant de plusieurs réseaux de renseignement et de liaison. S’y ajoutent encore quelques réseaux dépendant des services secrets de l’Amirauté britannique. Leur chef, le lieutenant O’Caffrey, dispose tout comme Cameron d’un bureau à Folkestone, au sein du centre de renseignement interallié, où Belges et Français sont également représentés. Mis en place fin 1914, ce centre est censé permettre une coordination des initiatives clandestines et l’échange des informations obtenues. Cet objectif sera cependant battu en brèche par la dynamique de compétition qui s’instaurera entre les différents services secrets.

4Sous l’impulsion de ces divers employeurs, environ 250 réseaux voient le jour, un peu partout sur le territoire du gouvernement général, et plus difficilement dans l’Etappengebiet [5], où les forces allemandes exercent un contrôle draconien sur la population. La majorité de ces réseaux sont de petite taille et rassemblent quelques dizaines de personnes tout au plus. Le millier d’agents de la Dame blanche est tout à fait exceptionnel. Dès le début de l’année 1915, le renseignement ferroviaire devient la priorité de la plupart d’entre eux : son enregistrement systématique offre en effet une clé unique pour déceler l’évolution du déploiement allemand. Les informations collectées sont transmises aux antennes alliées aux Pays-Bas, la difficulté principale étant le franchissement du fil à haute tension de la frontière. Malgré les représentations négatives associées à l’espionnage, dont la vénalité, environ 6 000 à 7 000 citoyens belges et français s’engagent dans le renseignement, mus principalement par le patriotisme et la haine de l’Occupant. Certains s’activent dans la presse clandestine ou dans l’aide à l’évasion. La répression allemande de cette « résistance avant la lettre » entraîne des milliers d’arrestations, qui conduisent souvent à des peines de travaux forcés et à la déportation dans les bagnes allemands. La justice militaire occupante envoie également 280 de ces patriotes devant le peloton d’exécution.

2. DES RETRIBUTIONS VARIEES

5Durant les premiers mois de la guerre, les services secrets alliés opèrent dans la précipitation pour alimenter leurs états-majors, avides du moindre renseignement sur l’offensive ennemie. Régulièrement, des individus se présentent à eux, et délivrent contre rétribution des informations parfois peu fiables [6]. Les plus roublards vont jusqu’à s’échanger des données ou à les vendre à plusieurs interlocuteurs. Cela leur permet de multiplier les gains, au risque de créer aux yeux des officiers traitants l’illusion de rapports concordants. L’établissement de réseaux plus ou moins permanents, particulièrement après la stabilisation du front, permet heureusement de tempérer une « course aux renseignements » en train de se muer en « bourse aux renseignements ».

6À partir de ce moment, la circulation financière s’effectue comme suit. Les différentes organisations fournissent des fonds à leurs représentants aux Pays-Bas, qui les font parvenir aux chefs de réseaux en territoire occupé au moyen des courriers transfrontaliers. Ces chefs utilisent l’argent reçu pour rétribuer leurs agents, soit de main à main, soit par l’intermédiaire d’un agent de liaison [7]. En pratique, les sommes brassées varient selon la période, l’obédience et le réseau, et avec elles les montants payés aux agents. Toutefois, la distribution s’organise souvent selon un schéma plus ou moins semblable, chaque fonction correspondant à un mode de rétribution propre.

7Les postes d’observation ferroviaire sont souvent rétribués à la semaine. La somme reçue est censée assurer le paiement de deux agents se relayant pour relever en continu le passage sur un tronçon défini, et ce de jour comme de nuit. Dans certains cas, elle doit aussi couvrir la location d’un lieu de résidence propice à cette observation [8]. En pratique, ces postes sont souvent assurés par les membres d’une même cellule familiale, à qui le montant prévu est donc attribué [9]. Durant les deux premières années de la guerre, les rétributions prévues varient énormément d’un réseau à l’autre. Dans la plupart de ceux dépendant du GQG belge, les agents sont peu ou pas rémunérés. Dans le cas du service VDB, ils ne touchent rien jusqu’aux premières arrestations, au printemps 1915 [10]. Face au découragement de bon nombre d’entre eux, leurs employeurs décident d’accorder à partir de ce moment un petit montant, qui ne dépasse sans doute pas quelques dizaines de francs par mois. De leur côté, les services d’obédience française accordent des indemnités, sans toutefois pouvoir se permettre de donner des montants importants. Les postes du service Geerinckx touchent, par exemple, entre 40 et 50 F par mois en 1915 [11]. L’un d’eux reçoit mensuellement 120 F, mais cette somme doit couvrir la location d’une maison particulièrement bien située pour l’observation de la voie Malines-Gand. Les Britanniques paraissent bien plus généreux avec leurs observateurs ferroviaires. En 1915, les postes du service Lefèvre & Parenté (CF) [12] sont payés 70 F par semaine, soit environ 300 F par mois [13], qui couvrent aussi leurs frais. Les services Carlot Théo & Lambrecht, tous deux de CF, pratiquent à peu près les mêmes tarifs en 1915 et 1916 [14]. À la même époque, et jusqu’en 1916, les observateurs ferroviaires du réseau Bordeaux (T), un des réseaux les plus étendus du moment, sont moins bien rétribués, et de manière beaucoup plus variable d’un poste à l’autre [15]. Beaucoup de couples sont payés au rapport, ceux-ci étant bihebdomadaires. Les sommes reçues varient entre 70 et 160 F par mois, auxquels s’ajoutent souvent le remboursement des frais.

8Si l’observation ferroviaire constitue l’épine dorsale du renseignement militaire, elle ne monopolise pas pour autant les efforts de tous les agents. Certains, qualifiés d’ « agents promeneurs » [16], portent leur attention sur une zone géographique déterminée et relèvent la présence de garnisons ou de troupes en transit, ou l’établissement d’ouvrages défensifs, de dépôts, d’hôpitaux ou de plaines d’aviation. La plupart du temps, ces agents reçoivent des sommes comparables à celles des observateurs ferroviaires. Elles se justifient cependant différemment. En effet, leur mission est moins contraignante (elle ne nécessite pas une attention permanente), mais entraîne fréquemment des frais de déplacement. Ainsi, les « promeneurs » de Geerinckx reçoivent 50 F par mois, plus 10 à 20 F de frais.

9Au contraire des observateurs, les courriers ne sont en général pas rétribués de façon périodique mais à la course. Leur fonction est d’autant plus dangereuse que les contrôles sont fréquents, dans un pays où la liberté de mouvement est sévèrement entravée par les ordonnances du pouvoir occupant, qui interdit par exemple l’usage de la bicyclette dès 1915. Aux frais de transport s’ajoutent les débours engendrés par l’obtention des laissez-passer de la très tatillonne administration allemande. Ici encore, les disparités sont importantes. Les courriers de Lefèvre & Parenté sont privilégiés, avec 20 à 30 F par course en 1915. À la même époque, ceux de Geerinckx n’en touchent que 5, auxquels s’ajoute le remboursement des frais. Dans certains cas, des courriers reçoivent une indemnité mensuelle, comme chez Bordeaux, où plusieurs d’entre eux gagnent 150 F par mois, frais non compris.

10Il importe de distinguer les courriers chargés de passer la frontière belgo-néerlandaise de leurs homologues assurant les liaisons à l’intérieur du pays. La redoutable clôture électrifiée, les sentinelles qui tirent à vue et les fouilles aux points de passage rendent la tâche périlleuse. Ceux qui s’y risquent sont rares et, souvent, entendent être grassement rétribués. Seule une petite minorité refuse toute rémunération pour cette tâche. Cette situation crée de grandes disparités, qui résultent également de la régularité, de la vélocité et du volume que les passeurs sont disposés à transporter. Ainsi, l’écart entre les sommes demandées par les courriers de Lefèvre & Parenté va de 5 à 75 F par passage. Belges et Français, parcimonieux vis-à-vis de leurs agents, hésitent moins à débourser lorsqu’il s’agit de faire passer les plis. Geerinckx paie ainsi une prime de 50 à 100 F pour le passage de la frontière.

11La situation des cadres est aussi sujette à d’importantes variations. Beaucoup de fondateurs de réseaux, comme Dieudonné Lambrecht (CF), ne souhaitent que le remboursement de leurs frais. Cette disposition s’accommode plus facilement d’un statut social élevé. D’autres se contentent d’un salaire plus ou moins identique à celui de leurs agents, tandis que certains reçoivent un salaire clairement plus élevé. Quelques-uns, nous le verrons, puisent allègrement dans le budget du service, et justifient généralement les sommes disparues en inventant de faux agents ou la corruption de militaires ennemis.

12La distribution des fonds diffère donc assez sensiblement d’un réseau à l’autre. Une ligne de fracture apparaît clairement entre les services secrets belges et français, d’une part, et leurs homologues britanniques, de l’autre, ces derniers offrant un financement nettement plus abondant. Toutefois, une autre dichotomie se dessine au niveau individuel, qui pose la question de la vénalité du renseignement.

3. UNE ACTIVITE VENALE ?

13Les sommes versées aux agents se justifient en partie par le remboursement des frais, mais peuvent à la longue atteindre des montants importants. Certains agents, surtout dans les milieux plutôt aisés, refusent catégoriquement tout salaire. C’est le cas de Nicolas Cloos, chef du service Néro (T), qui va jusqu’à retourner à Hunter 200 F dont il n’a pas l’utilité : « Je n’ai pas de frais pour le moment, de plus ma dignité ne me permet pas de recevoir cet argent. J’aime beaucoup mon devoir, mais je préfère le faire en bon citoyen belge avec honneur ! » [17] Chez Hunter, environ un agent sur six ne souhaite pas de salaire. Cependant, tous sont loin de pouvoir se le permettre. Le seul fait d’avancer les sommes nécessaires est un problème en ces temps de privations. Il importe donc de rembourser les agents ou, mieux, d’avancer les sommes nécessaires à leur activité, et si possible de manière suffisamment large pour qu’ils ne soient pas contraints de la restreindre par manque de fonds. Les chefs des différentes organisations découragent d’ailleurs leurs collaborateurs de recruter des personnes mues par l’appât du gain. Ainsi, Cameron recommande de « choisir, pour agents, de préférence des personnes de confiance agissant par patriotisme plutôt que par esprit de lucre. Le salaire de nos agents n’est qu’une rétribution destinée à couvrir les frais et les dépenses raisonnables que le service leur occasionnera » [18].

14Cependant, le bénévolat, fût-il indemnisé, a ses limites. La pratique de l’espionnage s’avère chronophage : diriger un réseau demande une attention de tous les instants, les déplacements nécessaires aux liaisons ou aux tournées d’observation sont d’autant plus longs que la mobilité est restreinte, et l’observation ferroviaire ne permet pas une minute d’inattention. Or « le temps, c’est de l’argent », et ce dernier fait défaut en cette période de chômage massif, de hausse des prix et de ponction des ressources financières individuelles et collectives par l’occupant. Ne pas rétribuer les agents, ou les rétribuer chichement ou irrégulièrement, équivaut à prendre le risque de les voir abandonner l’action clandestine pour consacrer leur temps à trouver les revenus nécessaires à la survie de leur famille.

15Pourtant, bien des agents se sentiront tenus après la guerre de justifier leur rétribution. Beaucoup sont en effet hantés (parfois jusque dans leurs derniers instants [19]) par la crainte que leur activité clandestine ne nuise à leur réputation, qui pourrait être entachée du soupçon de vénalité associée, à l’époque, à l’espionnage. L’appât du gain apparaît en effet comme un critère déterminant pour séparer le vil espion de l’agent de renseignement courageux et désintéressé. In fine, la question revient à distinguer les patriotes des profiteurs, préoccupation majeure des populations en période de guerre et de sortie de guerre [20]. On la retrouve par exemple dans les motifs que donne cet observateur ferroviaire de Carlot Louis (CF) à son engagement et à celui de ses fils : « Intérêt personnel ? Non. Promesse pour plus tard, non, car je suis estropié et vieux, donc l’avenir [n’]existe plus pour moi ; gros payement alors [?] Non, c’est à peine que j’ai voulu accepter cinq francs par jour et nuit pour nous trois pour service actif [...]. Mais écœurement de voir notre pays traité de la sorte par l’Allemagne. L’amour pour la liberté, l’amertume de constater alors la conduite de certains Belges envers les Boches, grands lécheurs de bottes allemandes pour obtenir des faveurs à l’avantage de leurs proches, le plaisir de pouvoir dire en soi même, patience, notre jour viendra, tout se paye, quand notre Roi sera revenu une autre vie commencera. Voilà mes vrais motifs. » [21] Il n’est pas rare non plus que des agents expliquent que, en regard de l’investissement personnel exigé par l’espionnage, les sommes reçues étaient même fort modestes. C’est le cas de Martin Bastiaensen, agent de Lefèvre & Parenté [22] : « N’obéissant qu’à mes sentiments patriotiques, j’acceptai d’emblée la proposition qui m’était faite. [Le recruteur] me dit alors que je serais rétribué pour mon travail à raison de Frs 5. – par jour. Je n’avais nullement pour intention de faire de cette mission une affaire vénale. [Le recruteur] apaisa tous mes scrupules à cet égard. La somme proposée ne pouvait d’ailleurs être considérée véritablement comme rétribution, mais plutôt comme indemnité pour me dédommager des frais nombreux qu’entraînait ma mission. Envisagée à ce point de vue, cette rétribution fut même fréquemment insuffisante. » Notons que, à l’inverse, certains fonctionnaires, qui ont refusé de rester en poste pour ne pas servir l’ennemi, et que le gouvernement continue à rémunérer par voie clandestine, sont recrutés sous prétexte qu’ils sont déjà payés ! C’est ainsi que, arguant des risques d’être fusillé, le sous-chef de station d’Ath, Théophile-Victor Deblocq, s’entend répondre que « l’administration estimait que les agents pouvaient bien payer un peu de leur personne puisqu’on leur accordait la moitié de leur traitement » [23].

16Cependant, la misère est telle en pays occupé que certains voient dans le renseignement, pour peu qu’il soit convenablement rétribué, l’occasion de gagner de quoi vivre décemment. Ce genre de démarche est confessé par Théophile De Ridder, courrier de Carlot Louis, dans la lettre qu’il écrit à sa mère la veille de son exécution : « On m’a considéré comme espion [...]. J’ai fait cela pour gagner un peu d’argent, par suite que nous étions dans la misère, j’étais déjà si longtemps sans ouvrage, et toi, tu ne gagnais presque rien. » [24] Obtenir de l’argent ne s’oppose pas nécessairement au patriotisme. Il ne s’agit pas de s’enrichir aux dépens de la collectivité nationale, mais bien en lui rendant service. En 1917, Arthur Frankignoul, qui dirige depuis les Pays-Bas plusieurs réseaux pour le War Office, expose dans la lettre qu’il destine aux personnes approchées que ce salaire n’a rien de déshonorant [25] : « En collaborant à notre service de renseignements, vous gagnez honnêtement votre vie, ce qui n’est pas à dédaigner par ces temps de dure misère que nous traversons. » Ces déclarations, dans le contexte de crise socio-économique de l’occupation, permettent de mesurer le caractère relatif de l’opposition entre engagement patriotique et profit personnel. Des agents invoquent même la nécessité économique comme défense face aux tribunaux allemands. « C’est le défaut de ressources qui m’a poussé et pas le patriotisme », aurait déclaré Adolphe Lampert lors du procès de Mons, auquel comparaissent de nombreux agents de Carlot Louis [26]. Plusieurs autres reprennent l’argument à sa suite, comme l’observateur ferroviaire Adolphe Maton, qui déclare : « [On] ne m’a pas dit qu’il s’agissait d’espionnage. [...] J’ai reçu durant quatre mois 50 F. Je l’ai fait pour substanter [sic] ma famille. »

17L’équation complexe de l’engagement, où interviennent valeurs et motivations, mais aussi niveau « normal » de revenu et rétributions clandestines, doit aussi prendre en compte le « facteur risque » et ses conséquences. Aux craintes légitimes de l’agent potentiel face à la possibilité d’être arrêté ou exécuté, s’ajoutent les tiraillements qu’il peut éprouver quant au sort de sa famille dans pareilles hypothèses. Ainsi, François Vandeplas, au moment de s’engager au service Bordeaux, a un échange à ce propos avec les hommes venus l’enrôler : « Ces Messieurs me disaient que comme Belge je ne pouvais refuser cela [...] je leur ai fait comprendre qu’à côté de mes devoirs de patriote j’avais également mes devoirs de père de famille ayant femme, et deux enfants en bas âge, ma vie ne m’appartenait pas entièrement [...] que si un jour j’étais fusillé je plongeais dans la misère femme et enfants, mais néanmoins j’acceptai. » [27] Le risque est grand de voir des personnes potentiellement utiles refuser leur aide pour ne pas mettre leurs proches en péril. Certains recruteurs font donc la promesse que leurs employeurs soutiendront femme et enfants en cas d’arrestation. Frankignoul promet par exemple à la famille des agents du service Legros (T) qui viendraient à disparaître « un secours mensuel variant entre 200 et 300 F, suivant les besoins, jusqu’à la fin de la guerre » [28]. Hélas, ce genre de système risque de prêter le flanc aux arnaques, qui n’ont pas manqué depuis le début de la guerre secrète. Pour éviter les coups montés, les services doivent transmettre la liste de leurs agents, ce qui s’avère extrêmement dangereux, ou se résigner à une longue procédure d’enquête sur les personnes arrêtées et leurs proches avant qu’une aide ne soit éventuellement octroyée. Il est cependant avéré que Hunter a assuré l’entretien d’agents contraints à se cacher, ou de familles d’agents arrêtés [29]. Plusieurs familles ont également bénéficié d’une telle allocation de la part des services belges [30]. Peut-être les services français octroient-ils également ce genre d’aide [31]. Par contre, les familles des agents de Legros, à qui Frankignoul avait promis une aide, n’en recevront pas : l’ensemble du réseau étant sous les verrous, il n’y a plus personne pour les contacter [32].

18Le patriotisme réel qui anime la plupart des agents n’empêche donc pas une grande partie d’entre eux d’être rétribués. L’argent est dans cette optique un moyen de pratiquer le renseignement au profit des alliés, éventuellement en bouclant au passage les fins de mois difficiles. La perspective s’inverse lorsque l’argent devient la fin poursuivie, l’espionnage devenant la manière d’en gagner. L’histoire des réseaux est émaillée de tels cas de vénalité, flagrante ou soupçonnée. Tantôt, l’appât du gain est évident et l’emporte sur toute autre considération. Tantôt, c’est sans doute la manipulation de fortes sommes qui finit par susciter des tentations irréfrénables dans le chef de personnes mues au départ par leur seul sentiment patriotique.

19On retrouve ces deux profils parmi les chefs de service. Joseph Jacques, chef de Bordeaux, sera soupçonné d’avoir détourné plus d’une centaine de milliers de francs à son profit [33], tout en s’assurant une seconde source de profit en menant double jeu avec l’ennemi. Autre exemple, Charles Parenté, qui dirige la branche d’observation des aéronefs du service Lefèvre & Parenté, refuse de fournir à O’Caffrey des quittances relatives à la répartition des fonds reçus, soi-disant par mesure de prudence [34]. Il ressort de plusieurs témoignages rassemblés dès la fin de 1915 et confirmés après l’Armistice que des agents à qui Parenté prétendait allouer des primes pour la qualité de leurs prestations n’auraient jamais rien reçu. Parenté n’est pas le seul à concilier travail de qualité et profit illicite : Tiole, chef du service M.65 (T), triche lui aussi avec ses comptes [35]. Alors qu’il reçoit en moyenne 15 000 frs par mois à la fin de la guerre, Tiole est loin d’en dépenser l’entièreté. Landau et Moreau, ses employeurs, s’apercevront de la supercherie au lendemain de l’Armistice, et lui demanderont quelques explications. Tiole reconnaîtra avoir conservé 16 000 F par-devers lui et s’engagera à les rembourser, ce qui lui vaudra le pardon de ses chefs. Dans d’autres cas, la fraude n’est pas prouvée, mais l’attention des agents est attirée par le comportement prodigue de leurs supérieurs. Ils sont d’autant moins disposés à l’ignorer qu’une telle conduite est mal perçue en ces temps de privation, et que les sommes envolées le sont à leurs dépens. Ainsi, Charles Huybrechts, agent de Geerinckx, affirmera n’avoir pas toujours touché l’argent dû, alors qu’au même moment les frères Geerinckx « buvaient beaucoup » [36] !

20Les simples agents ne sont pas immunisés contre l’appât du gain. Certes, certains, comme chez VDB, menacent d’arrêter de travailler s’ils ne sont pas indemnisés convenablement, mais une telle réaction peut difficilement passer pour de la cupidité dans la mesure où leurs exigences restent raisonnables et que la sécurité du réseau n’est pas mise en jeu. Un agent de Carlot Théo, exigeant d’être payé, aurait même jeté au feu les « rapports qui auraient pu sauver la vie à nos soldats » [37]. Si regrettable qu’il soit, un tel geste peut être mis sur le compte de la colère, attisée par la tension permanente qu’engendre la guerre clandestine. Il en va différemment lorsque des agents pratiquent le chantage à la dénonciation, en réclamant des sommes toujours plus importantes. Le service Sencier (T) est un des réseaux victimes de tels agissements. Au départ, certains agents commettent de petits détournements. L’un d’eux, chargé de remettre 100 F de prime à un autre, n’en remet que 50 et empoche le reste [38]. Par la suite, un courrier va jusqu’à glisser une lettre de chantage dans un pli à destination de la Hollande, menaçant de nuire au service s’il ne reçoit pas une certaine somme ! Léon Sencier, chef de ce réseau, est contraint de cacheter les plis et essaie de rompre avec ces individus peu scrupuleux. Cela s’avère beaucoup moins facile qu’il n’y paraît, ceux-ci cherchant à maintenir le contact pour continuer à racketter le service. La tension monte encore lorsqu’un des courriers impliqués retient comme garantie 10 000 marks qu’il soutire d’un envoi des Pays-Bas ! Son chef le menace de le dénoncer aux Allemands pour que la somme lui soit livrée... Le climat devient à ce point délétère que Sencier doit partir pour la Hollande, non sans se défaire de la partie du service gangrenée par ces affaires. Les menaces continueront à l’encontre de sa remplaçante, tandis que d’autres agents (près d’une dizaine sur les soixante du service !) seront également soupçonnés d’avoir détourné de l’argent. Après la guerre, ces personnes seront exclues des décorations britanniques. Par ailleurs, un certain nombre d’agents accuseront Sencier lui-même d’avoir détourné de l’argent, notamment en octroyant des salaires élevés à ses frères.

21Le milieu des passeurs de la frontière hollando-belge est particulièrement touché par la vénalité, que ce soit en matière de transmission de renseignements ou d’exfiltration de personnes. Pour beaucoup d’entre eux, cette activité se ramène à une forme de contrebande, risquée mais lucrative. D’après Landau, les passeurs sont payés entre 500 et 1 000 F par tête convoyée, vraisemblablement dans le cas d’ouvriers qualifiés recherchés par l’industrie de guerre alliée [39]. Il n’est guère étonnant que les passeurs de frontière disposés à se lancer par patriotisme dans l’espionnage (passibles de mort) tout en abandonnant le passage d’hommes (en principe moins sévèrement puni) soient difficiles à trouver. Or, moins susceptibles de se vendre au contre-espionnage ennemi, ils n’en sont que plus recherchés. D’une manière générale, les courriers doivent aussi être surveillés lorsqu’ils transportent les fonds destinés à alimenter le réseau, pour éviter que les moins scrupuleux ne ponctionnent ces sommes alléchantes. Généralement, les envois pécuniaires sont accompagnés d’une lettre précisant le montant confié au porteur.

22Les officines alliées aux Pays-Bas sont agitées de nombreuses affaires louches, dans lesquelles la vénalité joue un rôle majeur. Beaucoup d’acteurs du renseignement se plaignent de ce climat, dont ils dénoncent le caractère malsain et les nombreux dangers auxquels ces affaires exposent les agents de terrain. Victor Ernest est du nombre, qui, début 1916, déplore auprès de Cameron que, belges ou non, la plupart des « éléments dont je dus user en Hollande [...] paraissaient guidés surtout par l’appât du gain. Ils travaillaient au plus offrant et rares sont les véritables dévouements que j’ai rencontrés parmi eux » [40]. Une telle cupidité se retrouve entre autres chez un représentant d’O’Caffrey aux Pays-Bas, Planckaert. D’après le constat dressé par son successeur, Planckaert aurait réalisé un important profit en ne mentionnant pas dans ses comptes les « bénéfices considérables » réalisés en 1915 lors des opérations de conversion des livres sterlings envoyées par son employeur en marks destinés à alimenter les réseaux [41]. Avertis de cette malversation, les dirigeants des services alliés auraient imposé à leurs officines de faire un relevé détaillé et systématique de telles opérations. Cette mesure aurait à son tour suscité envers l’auteur du constat l’inimitié de certains de ses homologues, ce qui impliquerait qu’une telle pratique n’était pas le fait du seul Planckaert. Tout cela encouragera les services secrets alliés à exercer un contrôle plus strict des activités de leurs officines en pays batave, et notamment de leur gestion financière [42].

23Le trafic des renseignements est un autre fléau, qui sévit tout particulièrement durant la première année du conflit, mais ne disparaîtra jamais complètement. Il s’agit de livrer les mêmes renseignements (parfois peu fiables) à plusieurs services secrets, en se faisant payer par chacun d’entre eux [43]. Ainsi, une certaine Émilie De Schutter, qui, selon plusieurs agents, serait « allée d’abord se présenter au service anglais, [...] y toucha énormément d’argent et s’adressa [aux services secrets belges] où elle en reçut encore » [44]. L’installation du fil électrique, qui rend le passage de plus en plus périlleux, va paradoxalement rendre service aux alliés en tarissant quelque peu le flux de ces trafiquants d’informations peu scrupuleux. Certains se recycleront cependant en intermédiaires entre le terrain et les services alliés, en essayant de se faire attribuer aux Pays-Bas un rôle (rétribué) dans les liaisons avec le pays occupé. Cette fonction ne les empêche pas, bien au contraire, de pratiquer le trafic de renseignements. Jean Lorphèvre, qui travaille pour Cameron à Flessingue, est du nombre, du moins jusqu’à son expulsion des Pays-Bas et à son arrestation à Hull par Scotland Yard [45]. Ce commerce nuit à la qualité du renseignement et pèse sur la sécurité des réseaux. Lorsque, en mai 1916, une énième affaire de ce genre éclate au sein de Carlot Théo, Cameron en vient à déclarer à Victor Ernest que, pour lui, les deux principales menaces qui pèsent sur les réseaux sont « l’indiscrétion [et] l’avarice » [46]. Les services alliés s’efforceront de combattre ces agissements, avec un succès croissant durant la seconde moitié du conflit. Ainsi, une des tâches essentielles de Henry Landau, lorsqu’il entre dans l’organisation T, est de trouver aux Pays-Bas des collaborateurs belges agissant par patriotisme plutôt que pour de l’argent, pourvu que leur vie quotidienne soit assurée. La famille Moreau et son service Oram lui fourniront à ce titre une aide précieuse, en mettant à sa disposition des cheminots dévoués qui joueront le rôle d’intermédiaires sur le sol hollandais [47]. La comparaison des rapports fournis permet aussi de repérer ce genre de pratique et de débusquer leurs auteurs. Ce travail méticuleux deviendra la spécialité d’Oppenheim, l’attaché militaire britannique à La Haye, vers qui convergent les rapports des réseaux du War Office et du GHQ à partir de février 1917 [48].

24En fin de compte, certains chefs de service préfèrent recourir le moins possible à la rémunération des agents. Le souci financier n’est pas étranger à cette politique, surtout dans les organisations d’obédience belge ou française, qui manquent de fonds. Il s’y mêle cependant parfois aussi des considérations sur la sécurité du réseau ou la moralité des agents, la vénalité, en enfreignant la seconde, pouvant aussi mettre en danger la première. C’est ainsi que Fernand Duquesne, chef de section de VDB, relèvera, dans son rapport d’après-guerre : « Il est très mauvais de payer les agents, car ceux-ci peuvent attirer l’attention par des dépenses exagérées. » [49] La Dame blanche, quant à elle, convient au départ de ne couvrir que les frais et d’éviter de recruter des individus réclamant un salaire [50]. Par la suite, certains agents ayant totalement renoncé à exercer un emploi rémunéré pour s’adonner pleinement au service recevront de quoi assurer leur subsistance et un dédommagement, encore que de manière « toujours très parcimonieuse » [51]. L’état-major exercera d’ailleurs un certain contrôle sur la manière dont cet argent est géré par les échelons subalternes. Malgré cette retenue pécuniaire, fondée sur des considérations pratiques, sécuritaires et morales, le service n’en absorbera pas moins des sommes toujours croissantes, entrainées par son incroyable expansion et par la dégradation des conditions socio-économiques en pays occupé.

4. NERF DE LA GUERRE ET GUERRE DES SERVICES

25Début 1916, Victor Ernest conclut un rapport adressé à Cameron sur cette note de découragement : « J’eus ces derniers mois [...] maintes occasions de constater que la nature humaine est faible, que l’argent aide à triompher de certains obstacles mais aussi d’assouvir certaines rivalités professionnelles. Même entre différents services alors que tous devaient s’inspirer dans la communauté d’idées, d’intérêts, d’efforts, souvent l’on n’hésite pas à perdre du temps, de l’argent, des forces pour atteindre ce seul but : nuire au service voisin. Ce sont là les faits qui découragent les bonnes volontés, les courages, plus que toutes les mesures prises par les Allemands et qui écartent certains éléments dont l’emploi pourrait donner d’utiles et précieux effets. » [52] Ce constat désabusé n’a rien de totalement irréaliste. Les relations entre services alliés sont mauvaises, et la question financière ne les améliore en rien. Les différentes organisations d’espionnage sont en perpétuelle compétition les unes contre les autres : les Belges reprochent aux autres d’établir des réseaux sur leur territoire, chaque organisation britannique estime devoir être la seule à opérer derrière les lignes ennemies, et chacun suspecte l’autre de manquer de fiabilité. Ces rivalités nationales et opérationnelles sont aggravées par la concurrence financière : les agents qui, dès 1915, se plaignent d’être insuffisamment payés sont tentés de se tourner vers d’autres employeurs si ceux-ci semblent mieux disposés à répondre à leurs attentes pécuniaires, que celles-ci soient ou non entachées de vénalité.

26Dans un premier temps, ce phénomène est surtout vécu « passivement » par les officines alliées, qui essaient de répondre aux attentes des agents et, éventuellement, sont contraintes de prendre acte de leur abandon ou de leur passage à un autre employeur. Les défections créent, bien évidemment, des rancœurs entre organisations, d’autant plus tenaces que le réseau perdu était efficace. Les officiers traitants crient à la trahison lorsqu’ils s’aperçoivent qu’un de leurs agents se fait payer par un concurrent, ce dernier étant naturellement soupçonné d’avoir inspiré la duplicité de l’agent concerné. C’est ainsi que, en novembre 1915, Afchain, qui dirige depuis Maastricht plusieurs réseaux pour CF, se plaint auprès de Cameron d’un agent qui, il vient de s’en apercevoir, mange à deux râteliers : « Les renseignements que je vous ai envoyés mardi ont également été envoyés à [O’Caffrey]. Vous pouvez lui faire remarquer que cet agent vous appartenait depuis longtemps. Si cet homme n’avait pas été payé quand j’ai appris ces détails, je ne l’aurais certainement pas fait mais il était trop tard. En tout cas, je n’accepterai plus ses renseignements, je les laisse à l’autre service puisqu’ils sont si généreux ! » [53] Cette affaire, parmi d’autres, contribue à détériorer encore un peu les relations entre ces deux services britanniques.

27Cette concurrence prend une tournure encore plus aiguë lorsque les officiers traitants ne se contentent plus de la subir, mais prennent l’initiative de débaucher les réseaux de leurs homologues. Ainsi, dès 1915, Putman, représentant de Cameron, est accusé d’essayer de détourner les agents d’autres réseaux et de les corrompre en vue d’obtenir leurs rapports avant qu’ils ne les transmettent à leurs propres employeurs [54]. Quelques mois plus tard, c’est au tour d’Afchain de se plaindre qu’un certain Wesmael, collaborateur d’O’Caffrey, enrôle des agents, à qui un salaire important est proposé sans que soit prise en compte l’éventualité qu’ils travaillent déjà pour une autre organisation. Afchain supplie Cameron de contraindre O’Caffrey de mettre fin à ces pratiques, « car il sera très facile à Mr W. de prendre tous mes agents d’Allemagne. Vous savez que je paye chaque homme à Frs : 5. par jour en moyenne pour mes postes, or lui il offre 10 marks [soit 12,50 F] par jour & par homme. Il a des hommes pour recruter ces agents d’Allemagne à qui il donne 1 mark par jour & par homme pendant tout le temps que l’agent recruté continue le travail. Vous comprenez que ces hommes ont tout avantage à recruter le plus d’agents possible, sans s’occuper si ces agents sont déjà à d’autres services, & d’un autre côté offrant plus du double que moi ils ont très facile de débaucher mes hommes » [55]. L’affaire continue à s’envenimer au point qu’Afchain écrit trois semaines plus tard que, en plus de « leur donner 10 marks par jour, [Wesmael] offrait à Mr Creusen qui travaille gratuitement de lui donner 100 F par semaine ; Mr Creusen nous étant tout dévoué, a refusé avec indignation et a tellement été choqué de ce marchandage qu’il ne voulait plus continuer. J’accuse donc Mr Wesmael d’avoir consciemment voulu acheter nos hommes d’Allemagne [...] j’hésite d’entreprendre une nouvelle organisation ayant un homme pareille [sic] dans les jambes. J’apporte à mon travail tout mon temps, j’y mets toutes mes forces mais il faut que je sois à l’abri de tous ces marchandages éhontés [...]. C’est révoltant & remarquez que cela décourage totalement des hommes comme Mr Creusen qui travaillent avec désintéressement » [56].

28Cette concurrence active provoque un certain phénomène d’enchère. Or il devient évident à la longue qu’à ce jeu les organisations britanniques, mieux financées, sont les plus fortes, et parmi elles le War Office est sans conteste le grand gagnant. Landau fait d’ailleurs savoir aux chefs de réseaux que l’organisation T peut être très large si les résultats le justifient [57]. Il prescrit par exemple au service M.69, en juin 1917, de se développer autant que possible : « Vous pouvez avoir l’assurance que nous vous donnerons toujours tout le support que nous pourrons, et pour la question des fonds il n’y a pas de limites à ce que nous sommes prêts à dépenser, pourvu que nous obtenions des résultats. » [58] Le message est clair. Dans la pratique, il s’avère effectivement que les possibilités financières du War Office lui permettent de procurer une certaine aisance financière à ses réseaux et, partant, des bases plus solides pour leur développement. T peut se permettre de leur fournir une provision permettant de répondre aux opportunités qui s’offriraient à eux. En outre, la qualité des liaisons transfrontalières que T parvient à développer en 1917-1918, principalement grâce à Oram, lui permet d’assurer à ses affiliés un arrivage de fonds assez régulier. La confiance des agents envers la direction ne peut qu’en sortir renforcée [59].

29Les responsables des autres services finissent par se rendre compte qu’il devient impossible de faire jeu égal avec les Britanniques [60]. En l’occurrence, un des points cruciaux pour les Belges et les Français est d’assurer le paiement des passeurs, qui demandent des sommes élevées. D’après Landau, le major Mage, qui dirige le service belge, pensait probablement que le caractère exorbitant des montants demandés était entraîné par les abondantes rétributions accordées par les Britanniques. Landau n’est pas de cet avis : « I found from experience, however, that if I did not pay them what they asked, they turned to smuggling, which was less dangerous and very remunerative. As we could not do without these frontier passage men, we met their demands. It was a question of getting results, not of economizing or agreeing with other services on a fixed rate for specified jobs, as if frontier passage men were day laborers. » [61] Quoi qu’il en soit, cette situation de déséquilibre pécuniaire provoque une jalousie aiguë des Belges envers leurs homologues britanniques. Ils n’auront de cesse de compliquer la vie de ces derniers, notamment en provoquant le rappel sous les drapeaux de leurs délégués belges en âge de porter les armes. Cette tactique d’obstruction ne leur profite de toute façon en rien : dès 1916, le rythme de création de nouveaux réseaux d’obédience belge et française diminue, entraînant une nette diminution de leurs activités en Belgique et en France occupées au cours des deux dernières années de la guerre.

30Il est vrai que les sommes nécessaires au fonctionnement des réseaux ne font que croître. Depuis le début de l’Occupation, la vie est de plus en plus chère en Belgique et dans les départements français contrôlés par l’Allemagne. Le pain, qui constitue (avec la pomme de terre) la base de l’alimentation, en est un bon exemple. En Belgique, il passe de 26 centimes le kilogramme en juillet 1914 à 32 dès le premier mois de la guerre [62]. En novembre, il atteint déjà 40 centimes, soit une augmentation de 50 % en 4 mois. Le pain se stabilise l’année suivante à ce niveau, ce qui s’avère d’autant plus problématique pour les revenus les plus modestes que les salaires n’ont pas suivi la hausse et que le chômage sévit à grande échelle. En 1916-1917, le pain atteint 50 centimes. L’hiver très rigoureux du tournant de ces deux années ne fait rien pour améliorer la situation [63]. Les deux années suivantes seront plus éprouvantes encore : en 1917-1918, le pain est à 68 centimes, et en 1918-1919, à 83 centimes. Le Comité national de secours et d’alimentation est en outre contraint de limiter de façon drastique la ration. Alors qu’elle tournait autour de 250 ou 300 g par personne et par jour en 1915-1916, elle tombe à 225 g en février 1917, puis à 190 g en mars 1918. La qualité du pain ne cesse, elle aussi, de diminuer. Il reste possible de s’en procurer en marché noir, mais les prix (18 F pour un pain infect [64]) sont inabordables pour la plupart des bourses. En somme, il devient de plus en plus difficile de se livrer au renseignement sans être payé décemment, surtout à partir du pénible hiver 1916-1917. Il est de moins en moins rare dès ce moment de voir les chefs de service réclamer une augmentation du salaire de leurs agents à leurs employeurs ou, du moins, relayer les demandes auprès de ces derniers. Le service M . 65 établit en janvier 1918 un rapport sur la « cherté de la vie », qui constitue avant tout un plaidoyer en faveur d’une révision à la hausse du salaire de ses agents [65]. Ce rapport détaille les tarifs alors en vigueur :

31— une paire de souliers : 200 F ;

32— une paire de chaussettes : 18 F ;

33— 1 kg de pommes de terre : 2,25 F ;

34— 1 kg de beurre : 35 F ;

35— 1 œuf : 1,25 F ;

36— 1 l de lait : 1 F.

37Et ainsi de suite.

38La plupart des réseaux du War Office parviennent à répondre de manière adéquate à cette demande de fonds accrue. Beaucoup d’agents reçoivent environ 300 F vers 1917, et la dernière année de la guerre voit encore de nouvelles augmentations. Ainsi, les salaires de M . 65 vont jusqu’à 400 F par mois à partir de mai 1918 [66], tandis que le service Siquet accorde dès 1917 jusqu’à 750 F par mois pour un poste d’observation ferroviaire, assorti d’une prime de 500 F pour le relevé de renseignements exceptionnels [67]. Les courriers demeurent payés selon les plis transmis, ce qui continue à provoquer des écarts de salaire très importants, variant de 150 à 1 400 F par mois pour ceux de Hunter [68]. La détérioration des conditions socio-économiques pousse sans doute une proportion croissante d’agents à accepter une rétribution. Hunter annonce d’emblée à ses nouveaux agents qu’un salaire décent est la règle : « Sans diminuer en rien le mérite ou le travail patriotique mais pour que ceux qui se dévouent n’aient pas de préoccupation quant à leur subsistance, il leur sera alloué une indemnité proportionnée aux nécessités de la vie en pays occupé. » [69] Ce message est aussi l’occasion de mettre les pendules à l’heure : la rémunération est un moyen de maintenir les agents en activité, pas une source de profit. Et, dans le cas où elle serait superflue, Hunter propose de la verser à des œuvres patriotiques.

39Paradoxalement, les services belges et français sont mieux à même d’accorder des salaires décents à leurs agents en 1918 qu’au début de la guerre, du fait de leur nombre désormais restreint de réseaux opérationnels. C’est ainsi qu’en 1917-1918 les postes d’observation de Van Dael, un des derniers services belges, reçoivent 300 F par mois pour un poste de deux personnes [70]. Cette somme est augmentée d’une « indemnité charbon » mensuelle de 50 F en janvier 1918, en raison du travail de nuit qui oblige les observateurs à se chauffer. Les passeurs de courriers sont eux aussi bien rétribués, à raison par exemple de 175 F par pli délivré dans le cas de Van Dael. À raison d’un ou deux plis par semaine, un courrier peut empocher entre 700 et 1 400 F par mois, soit autant qu’un de ses homologues travaillant pour Hunter. Van Dael reçoit en 1918 pour sa quarantaine d’agents un financement de 5 000 à 6 000 F. Autrement dit, ce réseau semble disposer d’un financement par agent relativement comparable à ceux de ses homologues britanniques. Le reliquat des services belges et français n’en est pas moins complètement dépassé sur le plan numérique par les Britanniques.

40Les aléas du passage de la frontière rendent utile de disposer d’un bailleur de fonds, au cas où l’argent viendrait à manquer. Certains chefs aisés peuvent avancer eux-mêmes les sommes, comme celui du service Dieu (T) qui, rapidement coupé, avance lui-même 2 500 F, et reçoit le concours financier de plusieurs de ses agents [71]. Toutefois, pour peu que le service atteigne une certaine extension, cet expédient ne peut durer éternellement. Il faut alors faire appel à des commerçants fortunés ou des personnalités de la finance. Bordeaux trouve un secours précieux auprès d’un négociant en grains, qui lui avance 35 000 F en 1916 [72]. La Dame blanche, quant à elle, est soutenue dans un premier temps par un riche avocat, qui fournit une trentaine de milliers de francs [73]. Il est vrai qu’elle souffre à ce moment d’un manque de financement criant de la part de CF, qui la conduit à chercher un autre employeur dès juillet 1917. Passée sous la férule du War Office, elle reçoit alors un large financement (30 000 F par mois dès octobre 1917), qui pourtant lui permet à peine de faire face à son extraordinaire développement. Elle est donc contrainte de demander d’importantes avances (jusqu’à 50 000 F... par mois !) auprès du banquier Gaston Nagelmackers pour compléter sa dotation [74].

41L’organisation T, confrontée à une forte progression du nombre de ses agents durant les deux dernières années de la guerre, a peut-être connu des difficultés de paiement vers la mi-1918, comme en témoignent les problèmes rencontrés à ce moment par Hunter pour obtenir de Landau les fonds nécessaires à son développement [75]. Il est vrai que l’alimentation de la Dame blanche est à ce moment devenue le plus gros poste de dépenses en matière de renseignements de T. Début 1918, ses besoins mensuels dépassent déjà 100 000 F, et s’apprêtent à croître encore à cause de l’augmentation des prix, de l’extension du réseau, et de l’aide aux familles des agents arrêtés [76]. En août suivant, le réseau envisage des dépenses mensuelles de 180 000 F, et veut constituer une réserve de 1 million de francs. Or les autres réseaux réclament eux aussi un financement régulier. Ceux de Hunter, qui opèrent jusqu’à plus de 200 agents, nécessitent chaque mois environ 15 000 F. Parmi eux, le seul service Brésil, qui aligne une centaine d’agents, reçoit 118 000 F de février à novembre 1918 [77]. La plupart des réseaux de T réclament en fait des sommes de plus en plus élevées. Ainsi, M . 65, qui totalise une quarantaine d’agents à son apogée, reçoit plus ou moins 3 000 F par mois fin 1917, 8 750 F dès janvier 1918, et plus de 10 000 à partir de mars, jusqu’à culminer à 24 000 en août [78]. Sa dotation totale aura été de 165 000 F. Quoi qu’il en soit, et bien que nous ne soyons actuellement pas en mesure de disposer d’une vue d’ensemble des finances des différentes organisations, il ressort assez clairement, que grâce à une meilleure utilisation de ses ressources humaines et financières, le War Office, en engageant des montants surpassant sans doute tout ce que ses concurrents ont jamais pu avancer, réalise le meilleur investissement. Jamais les renseignements n’ont été aussi nombreux, aussi fiables, aussi systématiques et aussi rapidement reçus qu’en cette dernière année de la guerre, qui voit la suprématie de T sur le terrain de la guerre secrète en pays occupé.

CONCLUSION

42La problématique pécuniaire évolue tout au long de la guerre, principalement sous l’effet de deux facteurs : les conditions de vie en territoire occupé et les rapports de force entre services de renseignements alliés. Malgré le patriotisme qui les anime, et leur répugnance vis-à-vis de la vénalité de l’espionnage, la majorité des agents ne peuvent se permettre de refuser d’être payés pour leur engagement. Les conditions socio-économiques de l’Occupation le leur permettent d’autant moins qu’elles ne font que se dégrader et que le renseignement est une activité très prenante. Le climat de compétition qui règne entre services secrets alliés conduit les agents à préférer les employeurs qui paient le mieux, lorsqu’il ne va pas jusqu’à entraîner la débauche d’agents par un service concurrent. Certains individus profitent d’ailleurs du besoin d’informations des alliés, assorti de leur manque flagrant de coordination, pour faire du renseignement un juteux commerce, que ce soit en offrant leurs services à plusieurs employeurs, en facturant grassement le passage de la frontière hollando-belge ou en détournant une partie du financement des réseaux. Tantôt les organisations alliées combattent ces procédés, tantôt elles sont contraintes de s’en accommoder, mais force est de constater que c’est finalement la structure disposant de la meilleure assise financière – à savoir, l’organisation T du War Office – qui parviendra, malgré ces obstacles, et malgré le coût croissant du renseignement et le travail du contre-espionnage ennemi, à atteindre le plus haut niveau d’efficacité. Dans les coulisses aussi, l’argent demeure le nerf de la guerre. Pourtant, la mémoire collective ne retiendra pas cet aspect de la guerre secrète, lui préférant une image plus épurée de l’héroïsme. Cette dernière inspirera les résistants du conflit suivant, qui, bien que dans un contexte très différent, seront parfois bien étonnés d’être rapidement rattrapés par la question prosaïque mais ô combien cruciale de l’argent [79].


Date de mise en ligne : 22/01/2009

https://doi.org/10.3917/gmcc.232.0025

Notes

  • [1]
    De 1919 à 1925, l’accent est surtout mis sur la souffrance et la mort de figures héroïques. Les activités elles-mêmes des agents sont surtout mises en scène dans les publications de la seconde moitié des années 1920 et des années 1930, notamment avec l’espoir de raviver la flamme patriotique face à la menace allemande. L. van Ypersele et E. Debruyne, De la guerre de l’ombre aux ombres de la guerre. L’espionnage en Belgique durant la guerre, 1914-1918. Histoire et mémoire, Bruxelles, 2004, p. 103-179.
  • [2]
    On notera que le « lieutenant Marcel » (alias Vincent de Moor) aborde sans problème la fourniture de fonds nécessaires à la production de la Libre Belgique, la presse, clandestine ou non, étant de toute évidence une activité nécessitant de l’argent. Il évoque aussi le transfert de fortes sommes destinées au paiement clandestin des fonctionnaires, et dénonce plus loin les sommes reçues par des jeunes gens pour le livrer à l’ennemi, mais jamais il ne s’attache à la question financière en matière de renseignement. Lieutenant Marcel, Mes aventures et le mystère de la Libre Belgique, 2e éd., Bruxelles-Paris, 1919.
  • [3]
    Ce fonds est conservé à Bruxelles, aux Archives générales du Royaume (AGR).
  • [4]
    Pour plus de détails sur les réseaux, leurs employeurs et leurs agents, nous renvoyons (entre autres) à L. van Ypersele et E. Debruyne, De la guerre de l’ombre aux ombres de la guerre. L’espionnage en Belgique durant la guerre, 1914-1918. Histoire et mémoire, Bruxelles, 2004.
  • [5]
    L’Etappengebiet, ou zone d’étape, s’étendait sur les quelques dizaines de kilomètres derrière le front et était placée sous le contrôle direct des armées.
  • [6]
    C’est le cas de Charles Troupin, qui, dès le 2 août 1914, demande 2 500 F par mois comme appointements contre la fourniture de renseignements à l’état-major belge. Cette exigence et son comportement louche le font passer pour une « fripouille » aux yeux de Mage, chef du service secret militaire belge, qui le remballe rapidement. Troupin parvient cependant, dès le lendemain, à se faire attacher au ministère de la Guerre. Ses activités troubles à Liège lui vaudront d’être reconnu coupable d’espionnage par un tribunal de guerre belge, et d’être exécuté le 18 août 1914. Laurent Mignon, Les services belges d’espionnage et de contre-espionnage (juin 1910 - avril 1915), Liège, 2000-2001 (mémoire de licence en histoire ULg, dir. F. Balace), p. 51.
  • [7]
    Il arrive que des commerçants ou des banquiers acceptent de jouer les intermédiaires. L’inconvénient est que ce genre de transaction laisse des traces dans les livres de comptes, qui peuvent s’avérer compromettantes et sont difficiles à faire disparaître. L’avantage est à l’inverse qu’elles peuvent aussi servir de preuves en vue de la liquidation des comptes après la guerre. Ce système, évoqué dans la correspondance du service des Ambulants, semble dès lors avoir été peu pratiqué et vite abandonné. Maria-Teresa Abad Mier, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général belge pendant la Première Guerre mondiale, 1914-1918, Louvain-la-Neuve, 1996 (mémoire de licence UCL, J. Lory (dir.)), p. 128.
  • [8]
    Ainsi, un couple travaillant en 1917 pour le service Alphonse paie 40 frs de loyer par mois pour disposer d’un lieu d’observation à Laeken. Rapport de Pierre Debeaune, Bruxelles, 24 avril 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 4.
  • [9]
    Il s’agit en général d’un couple et éventuellement de ses enfants les plus âgés, et parfois d’une fratrie d’adultes célibataires. Il arrive aussi que des agents isolés s’adonnent à l’observation ferroviaire, ce qui exclut bien entendu une observation permanente. Ils sont alors payés à la moitié du barème d’un poste normal.
  • [10]
    Notes de Mr Jean Corbisier, communiquées par la Fédération des prisonniers politiques, s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 47.
  • [11]
    Les informations sur les finances du service Geerinckx sont tirées de Philippe Ledent, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général français en Belgique pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1994 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 65-66.
  • [12]
    Les informations concernant le service Lefèvre & Parenté, également connu sous le nom de service des Télégraphistes, proviennent des AGR, Archives des services patriotiques, no 1.
  • [13]
    À titre de comparaison, un mineur gagne en moyenne 5,71 F par jour (Sophie de Schaepdrijver, La Belgique et la Première Guerre mondiale, Bruxelles, 2004, p. 218), et un agent de police bruxellois 200 F par mois (Benoît Majerus, Occupations et logiques policières. La police bruxelloise en 1914-1918 et 1940-1945, Bruxelles, 2007, p. 32).
  • [14]
    Les informations concernant les services Carlot Théo et Lambrecht proviennent des AGR, Archives des services patriotiques, respectivement no 42A & B, 174 et 176, et 24A & B.
  • [15]
    Fiches individuelles, 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 149.
  • [16]
    Et aussi d’ « ambulants », ou d’ « observateurs territoriaux ».
  • [17]
    Lettre de « 1117 » [Nicolas Cloos] à « Hunter » [Édouard Lagasse de Locht], 15 décembre 1917, in AGR, Archives des services patriotiques, no 95, cité dans Véronique Guilluy, Édouard Lagasse de Locht et les services Hunter, réseau de renseignement en 1916-1918, Louvain-la-Neuve, 1988 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 78.
  • [18]
    Instructions centrales pour les chefs de service, par « Evelyn » (Cameron), s.l. [octobre 1915], in AGR, Archives des services patriotiques, no 43.
  • [19]
    Madeleine Vinche, collaboratrice de Henri Siquet, chef d’un réseau Hunter fusillé le 25 avril 1918, rapportera que, en prison, « sa crainte était qu’on ne crût qu’il retirait un profit quelconque de ses actions car les dernières paroles qu’il m’a dites (c’était à travers les barreaux, dans la voiture cellulaire qui nous ramenait à la prison, après le jugement, le 11 mars 1918) ont été pour me prier de défendre sa mémoire si elle était jamais attaquée, moi qui savais que ce qu’il avait fait il l’avait toujours fait par pur patriotisme » (lettre de Madeleine Vinche à « Mademoiselle », Verviers, 4 septembre 1920, in AGR, Archives des services patriotiques, no 10).
  • [20]
    Ainsi, aux yeux de la population belge, les trois grandes figures de « mauvais Belges » sont le profiteur, l’espion (au service de l’ennemi) et l’activiste. Laurence van Ypersele, « “Au nom de la Patrie ! À mort les traîtres.” La répression des inciviques belges de 1914 à 1918 », in HHHistoire@ Politique, no 3, novembre-décembre 2007 (consultable en ligne sur wwwww. histoire-politique. fr).
  • [21]
    Rapport de Victor Vandeborne, Hal, 14 novembre 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 43.
  • [22]
    Lettre de Martin Bastiaensen à « Monsieur le Capitaine », Bruxelles, 23 mars 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 1.
  • [23]
    Rapport de M. Deblocq Théophile-Victor, s.l.n.d. (1919), in AGR, Archives des services patriotiques, no 46.
  • [24]
    Lettre de Théophile De Ridder à sa mère, Mons, 1er mars 1916, in AGR, Archives des services patriotiques, no 43.
  • [25]
    Lettre à « Cher Monsieur », s.l. [août 1917], in AGR, Archives des services patriotiques, no 3.
  • [26]
    Copie des notes d’audience de Me Harmignies, par Fernand de Looze, s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 43. La plupart des inculpés ont d’ailleurs été dénoncés par Lampert.
  • [27]
    Rapport de M. François Vandeplas, Louvain, 1er mars 1920, in AGR, Archives des services patriotiques, no 151.
  • [28]
    Lettre à « Cher Monsieur », s.l. [août 1917], in AGR, Archives des services patriotiques, no 3.
  • [29]
    Véronique Guilluy, Édouard Lagasse de Locht et les services Hunter, réseau de renseignement en 1916-1918, Louvain-la-Neuve, 1988 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 79. Ainsi, l’épouse d’un agent arrêté en février 1917 reçoit 100 F, tandis que les familles d’Henri Siquet (arrêté en octobre 1917) et de Nicolas Cloos (arrêté en mars 1918) en reçoivent 160.
  • [30]
    C’est le cas de l’épouse de François Mus, qui reçoit 150 F par mois de la direction de Flessingue, suite à l’arrestation de son mari. Maria-Teresa Abad Mier, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général belge pendant la Première Guerre mondiale, 1914-1918, Louvain-la-Neuve, 1996 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 128.
  • [31]
    Il arrive en tout cas que les antennes installées aux Pays-Bas demandent à leurs supérieurs le versement d’une indemnité aux familles. Philippe Ledent, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général français en Belgique pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1994 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 65.
  • [32]
    Fiches individuelles, 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 3.
  • [33]
    Extrait du rapport de M. Alfred Franssen sur les procédés et agissements des nommés Arthur Frankignoul & Joseph Jacques, par Armand Waleffe, s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 150. L’auteur du rapport soupçonne en outre fortement Arthur Frankignoul, qui dirige le réseau depuis les Pays-Bas pour le War Office, de s’être lui aussi enrichi sur le dos du service.
  • [34]
    Note intitulée Comptabilité, n.s., s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 1.
  • [35]
    Annette Hendrick, ORAM. Un réseau de renseignement allié pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1982 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 173-174.
  • [36]
    Philippe Ledent, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général français en Belgique pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1994 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 65-67.
  • [37]
    Rapport de M. Arthur Vanpoucke, par Choquet, Saint-Gilles, 6 avril 1920, in AGR, Archives des services patriotiques, no 42A.
  • [38]
    Rapport de Léon Sencier, s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 6.
  • [39]
    Henry Landau, All’s Fair. The Story of the Britisch Secret Service behind the German Lines, New York, 1934, p. 58. En 1917, certains demanderaient même, selon Siquet, 1250, voire 1500 F par tête. Lettre de « Henri Tesch » à « M. le Secrétaire », s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 10.
  • [40]
    Minute d’un rapport de M. V. Ernest au major Cameroun [...], s.l., début 1916, in AGR, Archives des services patriotiques, no 43.
  • [41]
    Note intitulée Comptabilité, n.s., s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 1.
  • [42]
    Ainsi, dans ses directives d’octobre 1915, Cameron précise : « Le chef de service recevra du bureau central des provisions d’argent pour assurer le fonctionnement de son système. Il enverra par retour au bureau un reçu signé. [...] Il justifiera mensuellement de l’emploi des sommes envoyées en produisant ses comptes. » Instructions centrales pour les chefs de service, par « Evelyn » (Cameron), s.l. [octobre 1915], in AGR, Archives des services patriotiques, no 43.
  • [43]
    Henry Landau, All’s Fair. The Story of the Britisch Secret Service behind the German Lines, New York, 1934, p. 48-50.
  • [44]
    Rapport de Georges Van Domme, in AGR, Archives des services patriotiques, no 182 a, cité par Maria-Teresa Abad Mier, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général belge pendant la Première Guerre mondiale, 1914-1918, Louvain-la-Neuve, 1996 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 126.
  • [45]
    Note intitulée G.Q.G. D/27, n.s., s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 47. Notons que Lorphèvre sera acquitté dès juin 1915.
  • [46]
    Lettre d’ « Evelyn » [Cameron] à « Carlot » [Victor Ernest], 13 mai 1916, in AGR, Archives des services patriotiques, no 42A.
  • [47]
    Henry Landau, All’s Fair. The Story of the British Secret Service behind the German Lines, New York, 1934, p. 48-50.
  • [48]
    M. Occleshaw, Armour against Fate. British Military Intelligence in the First World War, Londres, 1989, p. 175.
  • [49]
    Rapport de M. Duquesne, s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 47.
  • [50]
    P. Decock, La Dame blanche. Un réseau de renseignements de la Grande Guerre, 1916-1918, Bruxelles, 1981 (mémoire de licence en histoire ULB, dir. J. Stengers), p. 110.
  • [51]
    Ibid., p. 94.
  • [52]
    Minute d’un rapport de M. V. Ernest au major Cameroun [...], s.l., début 1916, in AGR, Archives des services patriotiques, no 43.
  • [53]
    Lettre d’Afchain à Cameron, 25 novembre 1915, in AGR, Archives des services patriotiques, no 152.
  • [54]
    M. Occleshaw, Armour against Fate. British Military Intelligence in the First World War, Londres, 1989, p. 161. Putman est expulsé des Pays-Bas en juillet 1915.
  • [55]
    Lettre d’Afchain à Cameron, 2 décembre 1915, in AGR, Archives des services patriotiques, no 152.
  • [56]
    Lettre d’Afchain à Cameron, 24 décembre 1915, in AGR, Archives des services patriotiques, no 152.
  • [57]
    Notons qu’en amont le Secret Service du War Office tient le même raisonnement vis-à-vis de Landau : son financement sera important si les résultats le justifient. Henry Landau, All’s Fair. The Story of the British Secret Service behind the German Lines, New York, 1934, p. 45-46.
  • [58]
    Note de Landau à « M.69 », 5 juin 1917, in AGR, Archives des services patriotiques, no 4 (cité par Annette Hendrick, ORAM. Un réseau de renseignement allié pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1982 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 175).
  • [59]
    Ainsi, dans le cas de Hunter, la correspondance conservée ne révèle pas que des agents aient eu à se plaindre du financement offert par le service. Véronique Guilluy, Édouard Lagasse de Locht et les services Hunter, réseau de renseignement en 1916-1918, Louvain-la-Neuve, 1988 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 79.
  • [60]
    Considérations générales sur les services alliés en Hollande, par M. Fauquenot, s.l., 1920, in AGR, Archives des services patriotiques, no 125. Cité dans Philippe Ledent, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général français en Belgique pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1994 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 63.
  • [61]
    Henry Landau, All’s Fair. The Story of the British Secret Service behind the German Lines, New York, 1934, p. 135.
  • [62]
    A. Henry, Le ravitaillement en Belgique pendant l’occupation allemande, Paris, 1924.
  • [63]
    Au sujet des conditions socio-économiques durant la seconde moitié de l’Occupation, voir Sophie de Schaepdrijver, La Belgique et la Première Guerre mondiale, Bruxelles, 2004, p. 213 et s.
  • [64]
    A. Henry, Le ravitaillement en Belgique pendant l’occupation allemande, Paris, 1924, p. 85, n. 1.
  • [65]
    Annette Hendrick, ORAM. Un réseau de renseignement allié pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1982 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 112.
  • [66]
    Ibid., p. 171-172.
  • [67]
    Déclaration de Wérisse, par « St Dic », s.l., 1er juin 1917, in AGR, Archives des services patriotiques, no 10.
  • [68]
    Véronique Guilluy, Édouard Lagasse de Locht et les services Hunter, réseau de renseignement en 1916-1918, Louvain-la-Neuve, 1988 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 79.
  • [69]
    Lettre de « H » au service Barcelone, in AGR, Archives des services patriotiques, no 95, cité dans Véronique Guilluy, Édouard Lagasse de Locht et les services Hunter, réseau de renseignement en 1916-1918, Louvain-la-Neuve, 1988 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 77.
  • [70]
    Maria-Teresa Abad Mier, Les réseaux de renseignement du Grand Quartier général belge pendant la Première Guerre mondiale, 1914-1918, Louvain-la-Neuve, 1996 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 129.
  • [71]
    Frais ordinaires à rembourser, par Robert Dieu, s.l.n.d., in AGR, Archives des services patriotiques, no 7.
  • [72]
    Fiches individuelles, 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 149.
  • [73]
    P. Decock, La Dame blanche. Un réseau de renseignements de la Grande Guerre, 1916-1918, Bruxelles, 1981 (mémoire de licence en histoire ULB, dir. J. Stengers), p. 110-114.
  • [74]
    Finalement, les sommes dues à Nagelmackers ne seront pas réclamées par celui-ci. P. Decock, La Dame blanche. Un réseau de renseignements de la Grande Guerre, 1916-1918, Bruxelles, 1981 (mémoire de licence en histoire ULB, dir. J. Stengers), p. 114.
  • [75]
    Véronique Guilluy, Édouard Lagasse de Locht et les services Hunter, réseau de renseignement en 1916-1918, Louvain-la-Neuve, 1988 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 80.
  • [76]
    P. Decock, La Dame blanche. Un réseau de renseignements de la Grande Guerre, 1916-1918, Bruxelles, 1981 (mémoire de licence en histoire ULB, dir. J. Stengers), p. 112-113.
  • [77]
    Organisation Brésil. Comptabilité générale du 1er février 1918 au 1er février 1919, par Joseph Lefèbvre, s.l., 26 janvier 1919, in AGR, Archives des services patriotiques, no 12.
  • [78]
    Annette Hendrick, ORAM. Un réseau de renseignement allié pendant la Première Guerre mondiale, Louvain-la-Neuve, 1982 (mémoire de licence en histoire UCL, dir. J. Lory), p. 177-178.
  • [79]
    Voir à ce sujet Emmanuel Debruyne, « Le nerf de la guerre secrète. Le financement des services de renseignement en Belgique occupée, 1940-1944 », Cahiers d’histoire du temps présent, n 13-14, décembre 2004, p. 223-265, et de manière plus générale Emmanuel Debruyne, La guerre secrète des espions belges, Bruxelles, Éd. Racine, 2008.

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