Couverture de GMCC_230

Article de revue

Le programme militaire biologique français, 1947-1972

Pages 99 à 123

Notes

  • [1]
    André Corvisier (sous la dir. de), Histoire militaire de la France, t. 4 : De 1940 à nos jours, Paris, PUF, « Quadrige », 1997.
  • [2]
    Qu’il me soit permis ici de remercier MM. Daniel Kiffer (DAS) et Camille Grand (cabinet du ministre de la Défense) pour leur aide précieuse. Sans leur bienveillance et leur soutien, cet article n’aurait probablement pu voir le jour.
  • [3]
    Cet article a été rédigé à partir des archives du Service historique de la Défense, section Terre, de Vincennes (ci-après SHAT).
  • [4]
    SHAT, note d’information du Bureau scientifique de l’armée au chef de l’état-major de l’armée (27 février 1947).
  • [5]
    Ibid.
  • [6]
    Ibid., fiche à l’attention du général chef de l’état-major de l’armée en date du 21 mars 1947 : Propositions au sujet d’un programme de recherche concernant la guerre bactériologique.
  • [7]
    Ibid., compte rendu de la réunion du 11 mars 1947. En l’absence de sources explicites, il n’est pas possible de déterminer si cette décision est le fait du gouvernement, ce qui semble toutefois probable, ni de dater précisément les circonstances et les motivations qui ont présidé à cette reprise des activités biologiques militaires françaises.
  • [8]
    Ibid., compte rendu de la réunion du 11 mars 1947, p. 3.
  • [9]
    Ibid., note de la Direction des poudres en date du 8 avril 1948. Sur le programme militaire biologique français entre 1919 et 1940, on pourra consulter : Olivier Lepick, « French activities related to biological warfare », dans Biological and Toxin Weapons Research, Development and Use From the Middle Ages to 1945 : A Critical Comparative Analysis, Oxford, Oxford University Press, SIPRI, 1999.
  • [10]
    SHAT, note de la Direction des poudres en date du 8 avril 1948.
  • [11]
    Ibid., note du colonel Krebs à Monsieur le général de Corps d’armée chef d’état-major général en date du 21 mars 1947.
  • [12]
    Ibid., note de la Direction des poudres en date du 8 avril 1948.
  • [13]
    Ibid., note de la section Armement et études de l’état-major pour le 2e bureau en date du 29 juillet 1947.
  • [14]
    Ibid., dossier sur la guerre biologique (renseignements étrangers).
  • [15]
    Ibid., rapport au général chef de l’état-major général de l’armée au sujet des recherches d’armes bactériologiques (18 août 1947).
  • [16]
    Ibid., « Orientations à donner aux recherches sur la guerre microbienne d’après les données actuellement acquises, 1953-1954 ».
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    Ibid., note de la Direction des poudres en date du 8 avril 1948.
  • [19]
    Ibid., 16 mars 1948, compte rendu des essais de contamination animale par aérosols microbiens en enceinte close à l’aide d’un germe pathogène pour l’intestin (STA).
  • [20]
    Olivier Lepick, « French activities related to biological warfare », Biological and Toxin Weapons Research, op. cit.
  • [21]
    SHAT, « Orientations à donner aux recherches sur la guerre microbienne d’après les données actuellement acquises, 1953-1954 », p.-v. du 19 février 1948.
  • [22]
    Ibid., « Orientations à donner aux recherches sur la guerre microbienne d’après les données actuellement acquises, 1953-1954 », p.-v. du 31 octobre 1950.
  • [23]
    Ibid., p.-v. du 1er novembre 1950.
  • [24]
    Ibid., p.-v. du 4 novembre 1950.
  • [25]
    Ibid.
  • [26]
    Ibid., « Orientations à donner aux recherches sur la guerre microbienne d’après les données actuellement acquises, 1953-1954 », octobre 1951.
  • [27]
    Ibid., p.-v. de mars 1953. Le médecin général Costedoat note à propos de ces essais, « aucun animal n’est mort de charbon et aucune enzootie ne s’est déclarée ».
  • [28]
    Ibid., « Orientations à donner... », citées, Essais des 25 et 27 février 1953.
  • [29]
    Ibid., p. 7.
  • [30]
    Ibid.
  • [31]
    Le commandement des Armes spéciales est créé au mois de novembre 1951. Dirigé par le général Ailleret, cet organisme a en charge les questions ayant trait aux armes chimiques, biologiques et nucléaires (ibid., décision en date du 20 novembre 1951 signée par le secrétaire d’État à la Guerre (Pierre de Chevigné), no 15486/EMA/IOS sur la création d’un commandement des Armes spéciales).
  • [32]
    Ibid., Plan d’ensemble de mise sur pied des unités des armes spéciales, 22 janvier 1952.
  • [33]
    Ibid., décision créant une Commission des études et expérimentations chimiques et bactériologiques de l’armée de terre en date du 26 août 1952 signé par le secrétaire d’État à la Guerre, Pierre de Chevigné, et le ministre de la Défense nationale, René Pleven.
  • [34]
    Ibid.
  • [35]
    Ibid., « Orientations à donner aux recherches sur la guerre microbienne d’après les données actuellement acquises, 1953-1954 ».
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Ibid., PV no 9 et 14/ASC/TS du 22 décembre 1955 et note no 6929 et 6930 EMA/ARMET/S du 10 avril 1956.
  • [39]
    On lira avec intérêt : Claude Carlier, « La genèse de l’armement atomique », Histoire militaire de la France, t. 4, op. cit., p. 349-356.
  • [40]
    SHAT, procès-verbal de la Commission des études et expérimentations chimiques et bactériologiques de l’armée de terre du 6 juillet 1959.
  • [41]
    Ibid., procès-verbal du 20 novembre 1957.
  • [42]
    Ibid.
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    Ibid., décision en date du 23 janvier 1958 signée par Jacques Chaban-Delmas (ministre de la Défense nationale et des Forces armées, cabinet du ministre no 001167/DN/CAB/ARM.
  • [45]
    Ibid., procès-verbal de la Commission des études et expérimentations chimiques et bactériologiques de l’armée de terre du 6 juillet 1959.
  • [46]
    Ibid., procès-verbal de la réunion du 25 avril 1960.
  • [47]
    Il est à noter que lors des réunions de CIEECB, les membres du Service de santé quittent la salle lorsque sont abordées les questions liées aux aspects offensifs.
  • [48]
    SHAT, procès-verbal de la Commission des études et expérimentations chimiques et bactériologiques de l’armée de terre du 25 avril 1960.
  • [49]
    Ibid., procès-verbal de la Commission interarmées du 27 février 1961.
  • [50]
    Au sein de la DMA, la Direction des recherches et des moyens d’essai (DRME) passe des contrats avec des laboratoires privés, la Direction des poudres dispose du Centre d’études du Bouchet qui assure la maîtrise des programmes d’études et de recherches dans le domaine de l’agression, de la détection et de la protection. Dans le domaine des fabrications, le CEB a la responsabilité de la fabrication des produits toxiques et du chargement des munitions.
  • [51]
    Le SBVA poursuit des recherches de microbiologie sous le double aspect de l’agression et de la protection. Il dispose à ce titre du Laboratoire militaire de recherches vétérinaires de Maisons-Alfort (18 personnes) et du Centre biologique d’expérimentation de Tarbes (26 personnes).
  • [52]
    SHAT, fiche no 011 à l’attention du ministre des Armées en date du 27 janvier 1966, Organisation des activités biologique et chimique.
  • [53]
    Ibid., procès-verbal de la réunion du sous-groupe de travail et d’études biologiques du 7 octobre 1960.
  • [54]
    Ibid., procès-verbal de la réunion de la Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et bactériologiques du 3 novembre 1961.
  • [55]
    Ibid., compte rendu de mission aux États-Unis dans le cadre de l’accord MWDDEA (Mutual Weapons Development Data Exchange Agreement), A-61 F-151 du 2 au 7 juin 1969. Section d’études de biologie et de chimie. Service de bactériologie.
  • [56]
    Ibid., procès-verbal de la réunion de la Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et bactériologiques du 23 janvier 1962 (CIEECB) sous la présidence du général de division aérienne Thiry.
  • [57]
    Ibid., procès-verbal de la réunion du 16 mai 1963.
  • [58]
    Ibid., décision ministérielle no 6234 DMA/ORG/TS.
  • [59]
    Ibid.
  • [60]
    Ibid., observations sur la directive pour le développement des études du SGTEB (BE no 1437/CIAS/2/S du 10 décembre 1963).
  • [61]
    Ibid., directive pour le développement des études du sous-groupe de travail et d’études biologiques, BE no 1437/CIAS/2/S du 10 décembre 1963.
  • [62]
    Ibid., procès-verbal de la réunion de la Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et bactériologiques du 23 janvier 1962 (CIEECB) sous la présidence du général de division aérienne Thiry.
  • [63]
    Ibid., ministère des Armées, commandement interarmées des armes spéciales, Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et biologiques (CIEECB). Procès-verbal des réunions du sous-groupe de travail et d’études biologiques (SGTEB) 1963-1966. Procès-verbal de la réunion du 14 janvier 1964 sous la présidence du vétérinaire colonel Courrèges.
  • [64]
    La présence d’une note non datée sur « les possibilités soviétiques dans le domaine de la guerre biologique » adjointe au procès-verbal de la réunion permet (ibid., ministère des Armées, commandement interarmées des armes spéciales, Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et biologiques (CIEECB). Procès-verbal des réunions du sous-groupe de travail et d’études biologiques (SGTEB) 1963-1966. Procès-verbal de la réunion du 14 janvier 1964 sous la présidence du vétérinaire colonel Courrèges), d’évaluer le degré de connaissance par les autorités françaises du programme militaire biologique soviétique : « Compte tenu des informations recueillies au cours des dernières années, il apparaît que les Soviétiques ont un programme complet de défense contre la guerre biologique. Rien n’a été prouvé de façon certaine pour ce qui concerne un programme offensif, de fortes présomptions existent et le Pr N. N. Jukov Verejnikov, membre de l’Académie de médecine, prix Staline 1950, paraît être le conseiller technique du gouvernement sur ces questions. »
  • [65]
    SHAT, ministère des Armées, commandement interarmées des armes spéciales, Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et biologiques (CIEECB). Procès-verbal des réunions du sous-groupe de travail et d’études biologiques (SGTEB) 1963-1966. Procès-verbal de la réunion du 14 janvier 1964 sous la présidence du vétérinaire colonel Courrèges.
  • [66]
    Ibid., procès-verbal du SGTEB du 20 décembre 1966.
  • [67]
    Ibid., « Observations sur la directive pour le développement des études du SGTEB » (BE no 1437/CIAS/2/S du 10 décembre 1963).
  • [68]
    Ibid., lettre du général Lavaud (délégué ministériel pour l’Armement) au chef d’état-major des armées en date du 21 août 1964.
  • [69]
    Lors de la réunion du sous-groupe biologie du 20 décembre 1966, son président explique que « les réalisations primitivement envisagées quant à la construction d’un armement B et C n’ont pas été retenues par la suite pour des raisons financières » (ibid., procès-verbal du SGTEB du 20 décembre 1966).
  • [70]
    Ibid., procès-verbal du SGTEB en date du 2 juin 1964.
  • [71]
    Ibid., décision en date du 11 janvier 1965 du délégué ministériel pour l’Armement ayant pour objet la création de groupes de travail Biologie et Chimie.
  • [72]
    Ibid., procès-verbal du SGTEB en date du 18 décembre 1964.
  • [73]
    Ibid., décision en date du 11 janvier 1965, citée.
  • [74]
    Ibid., fiche no 011 à l’attention du ministre des Armées en date du 27 janvier 1966.
  • [75]
    Ibid.
  • [76]
    Ibid., fiche à l’attention du ministre des Armées en date du 29 mars 1966.
  • [77]
    Ibid., note du général d’armée Ailleret en date du 20 juillet 1967, no 437/EMA/PROG.4/C.D.
  • [78]
    Ibid., procès-verbal du SGTEB du 20 décembre 1966.
  • [79]
    Ibid.
  • [80]
    Ibid., fiche de l’état-major de l’armée de terre en date du 6 février 1970, « Objet : création d’une commission consultative permanente NBC » signée du général Cantarel, chef d’état-major de l’armée de terre.
  • [81]
    Ibid., procès-verbal de la première réunion du groupe de défense contre l’arme biologique en date 6 février 1969 sous la présidence du lieutenant colonel Fontanges.
  • [82]
    En 1969, la Section d’études de biologie et de chimie du Bouchet ne compte plus que trois officiers (dont un mi-temps, un scientifique et un vétérinaire du contingent, deux laborantines et cinq personnels subalternes).
  • [83]
    SHAT, procès-verbal de la première réunion du groupe de défense contre l’arme biologique en date du 6 février 1969.
  • [84]
    Ibid., procès-verbal de la réunion du groupe du 20 mars 1969.

INTRODUCTION

1Si de nombreuses monographies ont été consacrées à la politique d’armement de la France depuis la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement au programme militaire nucléaire, la question de l’arme biologique française reste totalement absente de l’historiographie nationale. Il est même impossible de trouver un ouvrage de référence qui consacre à ce sujet ne serait-ce que quelques lignes [1]. À l’évidence la confidentialité qui entoure l’étude de ces questions, en France et ailleurs, tient à la sensibilité technique du sujet à un moment où les risques de prolifération biologique continuent de peser sur la sécurité internationale. Ce facteur explique largement l’impossibilité, jusqu’à aujourd’hui, pour les historiens d’obtenir un accès à des sources et des archives qui, malgré le temps écoulé, contiennent des données scientifiques toujours parfaitement valides et pouvant contribuer, si elles devaient être livrées sans quelques précautions, à la prolifération de ces armes [2]. En raison de la nature essentiellement technique des sources et archives qui ont permis la rédaction de cette étude, le texte qui suit s’attache pour l’essentiel à décrire les principales phases, orientations techniques et organisations structurelles du programme militaire biologique français (et plus particulièrement le volet offensif) depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Faute d’avoir pu consulter les sources politiques (secrétariat général de la Défense nationale, conseil de Défense), il manque à cette étude un éclairage et une dimension politiques qui auraient permis une mise en perspective plus pertinente du programme militaire biologique français dans le cadre plus global de la politique de défense de la France depuis 1945. Pour cette raison, on se limitera dans cette courte étude à une description factuelle de l’histoire du programme militaire biologique français [3].

2Il est possible de distinguer deux périodes dans l’histoire du programme militaire français de guerre biologique entre 1947, date de son redémarrage, et 1972, date à laquelle la France renonce officiellement à toute activité à caractère offensif en matière d’armes biologiques. La première qui s’étend de 1947 à 1956 est caractérisée par une reprise volontariste d’un programme militaire biologique de recherche et par le développement à large spectre qui comprend également la mise au point de systèmes d’armes biologiques. La seconde qui s’étend de 1956 à 1972, est marquée par un arbitrage budgétaire en faveur des armes nucléaires qui relègue la question des armes biologiques à un rang subsidiaire et amorce une lente agonie du programme militaire biologique français. Ce dernier tombe progressivement en déshérence politique et budgétaire au fil d’un long déclin. Cet abandon progressif ne sera troublé que pendant quelques mois, entre 1962 et 1964, période au cours de laquelle les autorités françaises décident, puis quelques mois plus tard renoncent, à se doter d’un arsenal militaire biologique opérationnel.

1. 1947-1956, L’ESSOR DU PROGRAMME MILITAIRE BIOLOGIQUE FRANÇAIS

3Il apparaît que les premières initiatives ou réflexions évoquant la reprise d’activités militaires dans le domaine des armes biologiques en France, peuvent être datées du début de l’année 1947. C’est en effet à cette date qu’une note émanant du Bureau scientifique de l’armée (BSA) et adressée au chef d’état-major de la Défense nationale, le général Juin, recommande, après avoir relevé que « la guerre biologique est aussi redoutable que la guerre nucléaire » [4], que « des études systématiques » [5] soient menées sur ces questions. La note suggère la tenue d’une réunion de lancement et dresse un premier état des lieux des grandes orientations d’un futur programme militaire biologique. Ce programme en cinq points [6] propose que soient lancées au plus vite, après une analyse préalable de la situation présente en France et à l’étranger :

4— des études sur les vecteurs de dissémination (bombes, aérosols, atomiseurs) ;

5— des études sur les maladies provoquées par microbes à exotoxines et endotoxines ainsi que les maladies susceptibles d’être propagées par des insectes ;

6— des études sur la détection des germes dans l’atmosphère ;

7— des études sur la protection ;

8— et enfin, des études sur l’agression biologique (contamination des eaux et aliments, du bétail, des plantes, et étude sur la possibilité d’utiliser des insectes comme vecteurs de guerre biologique).

9À la lecture de l’ordre du jour de cette réunion de lancement qui se tient, le 11 mars 1947, au Val de Grâce sous l’égide de la section Armement et étude de l’état-major de l’armée et dans le cadre des activités de la Commission médicale de défense contre la guerre moderne, il semble que la décision de reprendre des activités biologiques militaires a déjà été entérinée puisque le « but de la réunion est de faire le point de la question des études concernant la guerre bactériologique et de jeter les bases d’une organisation permettant de poursuivre ces études » [7]. La réunion se tient sous la présidence du général Revers en présence du lieutenant-colonel Ailleret, d’un représentant du Service de santé des armées, le médecin général Costedoat, ainsi que du colonel Krebs qui représente le Comité scientifique de la Défense nationale (CSDN). Les minutes de cette réunion laissent effectivement entendre que la décision de relancer un programme militaire biologique est implicite car, précise le général Revers en préambule des discussions, il est « un devoir de poursuivre les études dans ce domaine » [8]. Les conclusions de la réunion évoquent la nécessité « de proposer au ministre de la Guerre la création d’une commission qui sera son conseiller technique en matière de guerre biologique ». Cette commission aura pour mission d’établir un programme de recherche ainsi que d’élaborer un plan de renseignement et d’investigation des activités biologiques militaires des principales nations, qui sera confié aux services de renseignements français. Parmi les structures de recherche civiles ou militaires susceptibles de mener les travaux nécessaires à la réalisation du programme biologique militaire, les membres de la réunion s’accordent sur le laboratoire de prophylaxie du Centre d’études du Bouchet (CEB), les laboratoires du Service de santé des armées, les laboratoires de recherche vétérinaire de l’armée ainsi que le laboratoire du Groupement armes chimiques du Service technique de l’Armée (STA).

10Au cours de cette réunion, le médecin général Costedoat dresse un bilan des initiatives françaises en matière de guerre biologique et détaille les acquis obtenus par le programme français entre 1921 et 1940 [9]. Sans qu’il soit possible de préciser la nature et l’ampleur de ces saisies, il évoque les matériels et documents rapatriés d’Allemagne par les forces françaises, qui prouvent que les Allemands se sont intéressés au sujet. Il évoque également le programme américain et son ampleur en citant le rapport Merck du ministère de la Guerre des États-Unis comme sa principale source ainsi que les programmes britannique et soviétique et plus particulièrement l’installation de la mer d’Aral. Le médecin général Costedoat poursuit en affirmant que, depuis la Libération, le seul organe qui travaille sur ces questions en France est la Commission médicale de défense contre la guerre moderne, dont le cabinet militaire autorisa la création le 24 décembre 1946. Dépendant de la Direction centrale du service de santé (DCSS), cette commission, qu’il préside, est organisée en trois sections : chimique, microbienne et nucléaire [10].

11Reprenant les principales recommandations de la réunion, le colonel Krebs, chef du secrétariat permanent du Comité scientifique de la Défense nationale (CSDN), écrit, le 21 mars 1947, au lieutenant-colonel Ailleret qui supervise cette question pour le compte de l’état-major général [11], et propose que la commission ne soit composée que de militaires en raison de l’hostilité importante des milieux civils à l’endroit de la guerre biologique. Il suggère que soient désignés pour siéger au sein de la commission un représentant de l’état-major général de la Défense nationale (EMGDN), de l’état-major de l’armée de terre (EMAT), du cabinet du ministre de la Défense nationale, du Service de santé des armées, du Service technique de l’armée (STA), du laboratoire de prophylaxie du Bouchet, ainsi que du Service des poudres. Pour ce qui concerne le programme d’études, le colonel Krebs recommande, compte tenu du manque d’informations sur les moyens et les objectifs assignés, de procéder en deux étapes : en premier lieu, diligenter un inventaire précis de la situation, des travaux passés et des résultats obtenus et, dans un deuxième temps, établir un programme d’études d’armement biologique.

12En attendant la mise sur pied de cette commission, deux séances de la Commission médicale de défense contre la guerre moderne, spécifiquement consacrées à la guerre microbienne, se tiennent les 17 et 25 avril 1947 [12]. Un programme d’études en 21 points est adopté lors de la séance du 25 avril. Une grande partie des sujets abordés traitent des dangers de la transmission des microbes et de leurs toxines dans l’air. Le document préconise, sur le modèle de ce qui existait avant guerre, de créer un laboratoire spécial au sein de la Direction des poudres pour étudier les moyens offensifs. Il propose d’entreprendre ces recherches à l’établissement du Bouchet. Le programme propose de reprendre les recherches sur la base des travaux réalisés avant 1940 dans le domaine des aérosols microbiens (analyse et détermination de la grosseur des particules, floculation spontanée et provoquée). Ces études devront être menées par le CEB. Le document suggère que les essais de dispersion d’aérosols de toxines microbiennes aient lieu dès février 1948.

13Dans le même temps, les services de renseignement militaire sont chargés de recueillir toutes les informations utiles sur la guerre biologique auprès des attachés militaires en poste [13]. Le résultat de cette mission pour la période 1946-1949 se trouve aux archives du Service historique de la Défense - section Terre à Vincennes [14]. Ce dossier comprend peu de documents classifiés et tient plus d’une compilation de sources ouvertes (auditions du procès de Nuremberg évoquant les activités allemandes, sources américaines non classifiées, et sources militaires alliées sur le programme japonais) que d’une véritable mission de renseignement. En parallèle, les premières études sont lancées dans les laboratoires du STA « conformément à un programme précis très réduit correspondant au choix a priori des directions d’études paraissant les plus payantes » [15].

14Le médecin général Costedoat est chargé d’établir un bilan des travaux menés avant 1940 par le Centre d’études du Bouchet et plus particulièrement le laboratoire de prophylaxie du vétérinaire colonel Velu. Ce bilan figure au rapport établi par le médecin général Costadoat en 1953 [16] et met en lumière les principaux acquis du programme biologique militaire français de l’entre-deux-guerres :

— Essai de contamination de cobayes par projectiles porteurs de spores : les essais ont montré que des mitrains (chutes de fabrication de pointes métalliques) porteurs de spores de bacillus anthracis et dispersées à l’aide d’une bombe dotée d’une charge explosive de 15 g. pouvaient déclencher chez les cobayes exposés une septicémie charbonneuse.
— Résistance des germes sporulés à l’explosion : ces travaux ont permis de réaliser que l’explosion ne détruit pas en totalité les germes sporulés et que ces germes pouvaient être conservés en suspension stable dans un gel semi-solide, qui, au moment de l’explosion, souille les projectiles inclus dans l’engin ainsi que les éclats de cet engin ; les expériences ont également permis d’évaluer les doses minimales infectantes en fonction des engins utilisés.
— Dispersion de spores par engins réels : il a été démontré par deux types d’engins (grenades et boîtes d’aviation) la capacité de contaminer avec des germes sporogènes tous les corps touchés par les éclats, d’arroser avec une pluie très fine tous les objets du voisinage, et de produire des aérosols microbiens.
— Effets des toxiques de guerre sur l’infection : action du chloroformiate de méthyle trichloré sur le déclenchement de l’infection charbonneuse.
— Agressivité par voie respiratoire de germes non sporulés : les expériences ont montré qu’il était possible de transmettre brucella abortus au cobaye par voie aérienne en utilisant un aérosol.
— Dispersion en chambre par explosion de germes non sporulés.
— Dispersion de germes par simple insertion d’ampoules de verre dans l’explosif de l’engin.
— Production d’aérosols microbiens à l’aide d’engins explosifs.
— Premiers essais réels de dispersion de spores charbonneuses par boîte d’aviation moyen modèle (bombes) : les projectiles souillés ont entraîné la mort de 91 % des cobayes blessés.

15C’est donc sur le substrat technique constitué par les résultats obtenus avant 1940 dans le domaine biologique militaire, que va être relancé le programme français à l’orée de l’année 1948.

16Fidèle aux positions entérinées au lendemain de la ratification par la France du protocole de Genève en 1926, il apparaît que les autorités françaises, bien que reprenant des études à caractère offensif dans le domaine biologique militaire, n’entendent avoir recours à ce type d’armes uniquement « qu’à titre de représailles » [17]. Cette position est fréquemment rappelée par les responsables militaires des instances de pilotage du programme biologique militaire et figure souvent en préambule des minutes, pourtant classifiées, des réunions ayant trait au programme militaire biologique français. Cette position sera maintenue avec constance tout au long de la période qui s’étend de 1947 à 1972.

17Au mois d’avril 1948, le Comité scientifique des poudres et explosifs entérine les propositions émises par le médecin général Costedoat lors de la réunion du 11 mars 1947 et vote un budget de cinq millions de francs qui permet « d’initier le programme de guerre microbienne » [18]. Il est également décidé de privilégier la dispersion des toxines (et plus spécifiquement la toxine botulinique dont les services de renseignement français indiquent qu’elle est l’objet de travaux prometteurs aux États-Unis qui sont parvenus à obtenir une toxine pure). Au cours de cette phase initiale, les agents biologiques retenus dans le cadre du programme français furent la toxine botulinique (clostridium botulinum), la ricine ainsi que le bacillus anthracis. Dès le début de l’année 1948, les premiers essais de contamination animale par aérosols microbiens en enceinte close sont réalisés avec succès à Aubervilliers au sein du STA groupement arme chimique section biologie [19].

18Entre 1948 et 1952, sans véritable structure administrative chargée du pilotage du programme biologique militaire, c’est donc le laboratoire de la section biologie du groupement arme chimique de la STA qui mène un ambitieux programme de validation des acquis des connaissances acquises en matière d’armes biologiques par le pays. Ce programme qui embrasse les aspects offensifs et défensifs, apparaît dans son contenu technique comme une continuation des activités biologiques militaires françaises de l’entre-deux-guerres mondiales [20]. Les travaux menés entre 1948 et 1953 portent donc essentiellement sur les domaines suivants :

— Essai de contamination animale par aérosol microbien évoluant en air libre : ces essais permettent de démontrer que l’aérosol microbien fin est un excellent propagateur de l’infection, la voie pulmonaire est la meilleure porte d’entrée du germe dans l’organisme, qu’un germe pathogène (salmonella thyphimurium) lorsqu’il est administré dans la profondeur des bronchioles et des alvéoles devient rapidement « un germe pathogène pneumotrope » [21].
— Essai de contamination animale par aérosol microbien.
— Essai de contamination animale par voie aérienne et dispersion au sol sous forme de brouillard de suspensions microbiennes préparées à partir de bactéries (salmonella typhimurium) conservées à l’état sec [22].
— Essai de contamination animale par voie aérienne et dispersion au sol sous forme de fin brouillard de suspensions microbiennes préparées à partir de cultures fraîches (salmonella thyphimurium) [23].
— Essai de contamination animale par voie aérienne et dispersion au sol sous forme de brouillard de suspensions microbiennes préparées à partir de bactéries (salmonella typhimurium) conservées à l’état sec et réhydratées au moment de l’emploi [24].
— Essai de contamination animale par voie aérienne et dispersion par avion sous forme de brouillard de suspensions microbiennes préparées à partir de cultures fraîches [25].
— Divers tests d’épandage aérien avec des bactéries conservées à l’état desséché, à partir de cultures fraîches [26].
— Contamination directe d’un terrain par des spores charbonneuses dispersées au moyen de réservoirs largables sans charge explosive. Contamination directe du terrain par des spores charbonneuses dispersées au moyen de mines bondissantes à faible charge explosive [27].
— Contamination directe d’un terrain par des spores charbonneuses et par un toxique vésicant persistant (sulfure d’éthyle dichloré) dispersés simultanément au moyen de mines bondissantes [28].
— Réceptivité et modes de contagion des bovins par le virus de la peste et le virus de la pneumonie au sein du Laboratoire militaire de recherches vétérinaires (LMRV) de Maisons-Alfort.

19Les résultats obtenus pendant cette période restent toutefois limités d’un point de vue technique. Nombre de domaines explorés n’ont pas permis d’obtenir de réponses véritablement opérationnelles. Sans sous-estimer les acquis de la campagne d’essais de 1948-1953, il convient d’en relativiser la portée et de conclure, à l’instar du médecin général Costedoat, au caractère « mitigé » [29] des résultats obtenus sur cette période, notamment de la « difficulté de créer artificiellement des épidémies à caractère envahissant » [30]. Ces résultats, qualifiés à juste de titre de « mitigés », s’expliquent largement par la faiblesse relative des moyens humains et financiers affectés au programme biologique militaire. Cette situation est illustrée dans un courrier du général Ailleret, commandant des Armes spéciales (CAS) [31] en date du 22 janvier 1952, qui insiste sur la nécessité « de créer une masse relativement importante de cadres officiers et sous-officiers formés aux techniques chimiques, bactériologiques et atomiques [...] pour servir dans les services responsables des recherches et expérimentations. Or, à l’heure actuelle, cette masse de cadres instruits n’existe pas : on peut estimer que le nombre d’officiers réellement compétents dans les domaines chimique et bactériologique ne dépasse pas respectivement 20 et 15 (et encore s’agit-il pour le 9/10e de vétérinaires militaires » [32].

20Toutefois, les acquis ne sont pas négligeables notamment dans le domaine de la lyophilisation de germes aérobies et anaérobies ainsi que la dispersion de suspensions bactériennes par aérosol. Les essais ont également permis de valider l’infection grave des plaies de guerre par utilisation d’engins contaminés, l’infection à porte d’entrée pulmonaire par l’association d’un aérosol microbien à de très faibles doses d’un toxique de guerre ainsi que la création d’enzooties par dissémination de germes pathogènes.

21Le 26 août 1952, le ministre de la Défense nationale, René Pleven, décide la création, auprès du secrétaire d’État à la Guerre, d’une Commission des études et expérimentations chimiques et bactériologiques (CEECB) de l’armée de terre [33]. La CEECB a pour mission de coordonner les travaux des états-majors et services ayant à connaître des armes chimiques et bactériologiques en tant qu’elles intéressent l’armée de terre. Elle a pour attribution d’assurer l’information réciproque et rapide des différents organismes représentés sur leurs activités respectives dans le domaine des armes chimiques et bactériologiques ainsi que de coordonner leurs travaux sur les questions d’études, de fabrication, de protection et d’emploi touchant à ces armes. Parmi ses membres, on trouve, entre autres, le commandant des Armes spéciales qui préside la CEECB, le directeur du Centre d’études du Bouchet, le chef du bureau Armement et études (ARMET) de l’état-major de l’armée, un représentant de la Direction des poudres, un représentant des Services vétérinaires des armées, ainsi qu’un représentant du Comité d’action scientifique de la Défense nationale (CASDN) [34]. Cette décision dote enfin le programme militaire biologique français d’un organe de pilotage spécifique qui va reprendre jusqu’en 1956, sur des bases similaires, les travaux entrepris depuis 1948.

22À cet effet, et pour donner une base de travail à cette nouvelle instance, le médecin général Costedoat est chargé de la rédaction d’un rapport dont les conclusions et recommandations techniques serviront de lignes directrices à la poursuite des travaux dans le cadre du programme militaire biologique français. Après avoir établi un bilan fouillé des activités antérieures à 1953, le rapport conclut que « ces données militent en faveur de la continuation et du développement des recherches expérimentales et de la réalisation d’essais pratiques sur le terrain » [35]. Le rapport dresse ensuite les lignes directrices du futur programme qui, précise t-il, « devra être établi en fonction des résultats déjà obtenus et des hypothèses valables d’emploi de l’arme bactériologique » [36] esquissant de la sorte un embryon de doctrine biologique française. Ainsi, dans le cadre d’une utilisation tactique, l’objectif poursuivi doit être « d’augmenter la gravité des blessures par éclats d’engins et de provoquer par voie de conséquence l’encombrement des hôpitaux, la généralisation de la prophylaxie médicale (vaccins, sérums spécifiques) » tandis que, dans un cadre stratégique, les cibles sont les « zones sensibles militaires et civiles, camps d’instruction, bases maritimes, villes importantes, centres de ravitaillement, régions d’élevage et centres industriels dans le but de provoquer un effet de panique et de créer de multiples foyers infectieux qui, à la faveur de circonstances particulières, non prévisibles, pourraient engendrer des épidémies ou des épizooties, ce qui aurait pour conséquence d’amoindrir le potentiel militaire, de réduire le rendement des arsenaux et des industries, de perturber le ravitaillement et de porter un grave coup à l’élevage » [37].

23Le rapport propose comme modes de dissémination les obus de 105, de 155, mortiers de 120, bombes d’aviation de 250 kg et 50 kg, mines bondissantes, ainsi que l’épandage aérien. Il suggère également de perfectionner le procédé d’épandage par avion (études d’un réservoir de grande capacité et étude de dispersion par générateur de pression, manodétenteur, rampe d’émission, diffuseurs pour pluie, fin brouillard, aérosol). Concernant le choix des germes, il note que ces agents devront posséder les caractéristiques suivantes : être très virulents, résistants (à l’explosion notamment), disposer d’un pouvoir pathogène élevé, d’un génie épidémiologique, d’offrir une possibilité de stockage de longue durée et pouvoir être produits en grande quantité. Il propose de retenir pour le chargement des munitions destinées, bacillus anthracis, plectridium tétani (tétanos), clostridium oedematiens (gangrène), clostridium histolyticum (gangrène), clostridium sporogens (gangrène), clostridium welchi (perfringens), ainsi que clostridium botulinum. Pour les agents biologiques pour le chargement d’engins ou appareils d’épandage destinés à une utilisation stratégique, malleomyces mallei (morve) ; burkholderia pseudomallei (melioïdose) ; brucella melitensis (fièvre de Malte). Pour les agents biologiques pour le chargement d’engins, d’appareils d’épandage, destinés aux zones d’élevage, le rapport propose le virus de la peste bovine et le virus de la péripneumonie.

24Sans doute conscient des limites budgétaires qui ne manqueront pas d’obérer ou de limiter l’ampleur du programme, le rédacteur du rapport évoque en conclusion la poursuite éventuelle d’un programme « minimum » dont les axes principaux seraient : la sélection et la préparation des agents, l’étude de la conservation de la vitalité et de la virulence de ces agents lyophilisés, l’étude des meilleures conditions de stockage (suspension en milieu liquide, gel, poussière, ampoules ?), l’étude de l’action antiseptique de certains matériaux (métaux, plastiques) utilisés pour les engins, la résistance des germes à l’explosion, la détermination des doses minima actives sur blessures, la détermination des doses minima actives par aérosol, l’étude des aérosols microbiens (en enceinte close sous l’action de divers facteurs – humidité, température, lumière, variation de pression, etc.) ainsi que la stabilité des aérosols microbiens à l’air libre (dispersion par avion et contrôle de la stabilité sous l’action des divers facteurs météorologiques), et enfin la protection et la désinfection.

25C’est donc sur la base des recommandations du rapport Costedoat que se poursuivent les activités militaires biologiques françaises entre 1953 et 1956. Ce rapport semble, en effet, avoir eu une réelle influence puisque l’on retrouve les grandes lignes des préconisations qui y figurent dans une note de 1955, intitulée « programme d’études biologiques » [38], qui répartit les tâches entre les différents organismes de recherches impliqués dans le programme biologique militaire. Le Centre d’études du Bouchet se voit confier la sélection et la préparation des agents biologiques (étude du complexe germe-toxine), le stockage des agents biologiques, les travaux sur la conservation de la vitalité et de la virulence des micro-organismes lyophilisés, la résistance des germes à l’explosion, la possibilité d’infection par contamination de terrain par poussières soulevées de ce terrain et par aérosols, la mise au point des engins (étude de dispersion par projectile autopropulsé de 150 mm et bombes cluster dès que les services de l’armée de l’air auront avancé sur le choix du type), ainsi que la protection (étude du pouvoir d’arrêt des masques à gaz vis-à-vis des aérosols microbiens et des virus). Les laboratoires de recherches du Service vétérinaire des armées se voient confier l’étude de virus pathogènes pour les animaux ainsi que l’étude du comportement des virus soumis aux procédés lyophiles.

2. 1956-1962. LE DÉCLIN DU PROGRAMME BIOLOGIQUE MILITAIRE FRANÇAIS

26Les années 1955-1956 constituent une époque charnière dans l’histoire du programme militaire biologique français, celle de la priorité budgétaire et stratégique accordée par la France aux armes nucléaires [39]. Cette inflexion de la politique militaire française va réduire considérablement l’attention budgétaire accordée aux armes biologiques et réduire les activités militaires biologiques françaises à un simple programme de veille scientifique. Selon toute vraisemblance, et bien qu’il n’ait pas été possible d’en trouver une trace écrite (elle n’est évoquée que de manière indirecte lors des réunions de la CEECB [40]), une décision de Maurice Bourgès-Maunoury, ministre de la Défense nationale, au cours de l’année 1956 entérine une réduction drastique des crédits des programmes chimiques et biologiques. Cette décision coïncide exactement avec l’essor du programme militaire nucléaire français. L’importance de l’effort budgétaire imposé par le programme nucléaire va brutalement assécher les ressources allouées aux programmes chimiques et biologiques militaires. Cet arbitrage sans équivoque et en faveur de l’arme nucléaire aux dépens des armes biologiques et, dans une moindre mesure chimiques, va marquer d’une empreinte durable la période qui s’ouvre en 1956 et s’achève en 1972 avec l’abandon des recherches militaires biologiques à caractère offensif par la France. Cette deuxième phase du programme militaire biologique français sera donc frappée du sceau des incertitudes et des remises en cause incessantes. À plusieurs reprises, des décisions volontaristes de reprises d’activités importantes et même de constitution d’un arsenal biologique opérationnel, resteront lettres mortes faute de crédits suffisants.

27Lors de la réunion du 20 novembre 1957 du CEECB, les minutes évoquent les « importantes restrictions budgétaires qui frappent le programme militaire biologique » [41] qui ont conduit à « une suspension des études de bactériologie » [42] comme le souligne l’ingénieur général Fleury (directeur central des Poudres) au cours de son exposé introductif. Les membres de la CEECB déplorent cette situation et rappellent, dans leurs conclusions, non seulement les résultats obtenus depuis 1947, mais également le travail considérable qu’il reste à accomplir. Ils insistent sur le danger de l’abandon total des études dans ce domaine à la lumière des moyens dévolus aux États-Unis et en Union soviétique sur ces questions. Dans ces recommandations finales, la CEECB propose que ces travaux ne soient pas totalement abandonnés mais reconnaît que se posent de graves « problèmes de financement ». Le représentant du Comité d’action scientifique de la Défense nationale (CASDN), sollicité pour dégager des crédits, lors de la réunion ne peut que décliner les demandes en raison « de ses crédits limités » [43]. La plupart des minutes des réunions de la CEECB et des entités qui lui succéderont entre 1957 et 1972 évoqueront la faiblesse des moyens budgétaires dont souffre de manière chronique le programme militaire biologique qui va dès lors perdurer sous une forme réduite souvent qualifiée par ses responsables de « minimum ».

28Le 23 janvier 1958, l’organisme de tutelle de la CEECB, qui dépendait jusqu’à l’heure de l’état-major de l’armée de terre le Commandement des armes spéciales (CAS), devient le Commandement interarmées des armes spéciales (CIAS) créé par décision du ministre de la Défense nationale et des Forces armées, Jacques Chaban-Delmas [44]. Le CIAS, nouvellement créé et dirigé par le général Thiry, dépend dorénavant du général chef d’état-major général des forces armées qui, dans le cadre de ses attributions propres, pourra lui confier toute étude et toute mission intéressant le domaine des armes spéciales (armes atomiques, chimiques et biologiques). Cette décision a pour conséquence de faire de la CEECB un organisme interarmées qui devient donc la Commission interarmées d’études et d’expérimentations chimique et biologique (CIEECB). Cette réforme aura toutefois une portée limitée sur le fonctionnement de la CIEECB dans la mesure où la modification de tutelle est essentiellement motivée par des considérations liées au programme nucléaire et non aux armes chimiques et biologiques.

29Lors de sa première réunion le 6 juillet 1959, la CIEECB après avoir déploré une nouvelle fois la baisse des moyens disponibles et appelé à la nécessité de continuer les travaux en cours, tire les conséquences des décisions entérinées dans les mois qui précèdent et propose l’adoption d’un programme prioritaire « minimum » en trois points [45] :

— Inventaire des agents biologiques potentiels (l’inventaire des agents biologiques est étudié en liaison avec la commission spéciale des Services de santé qui a établi un projet d’instruction relative à la Défense médicale contre l’arme biologique), études des germes et virus pouvant être utilisés par l’adversaire, étude de la conservation des germes et virus par lyophilisation, études des virus pathogènes pour les animaux, étude de l’influence de l’irradiation sur la réceptivité de l’organisme animal aux infections d’origine microbienne ou virale.
— Détection d’alerte d’aérosols microbiens (étude des appareils à prélèvement d’air et détection des aérosols microbiens et dans ce cadre, le CEB évalue l’intérêt d’un appareil américain qui utilise la technique des anticorps fluorescents).
— Étude systématique des agents physiques ou chimiques de décontamination biologique.
Si une marge de manœuvre budgétaire pouvait être dégagée, le sous-groupe inscrirait à son programme deux domaines supplémentaires :
— Étude de l’adaptation des engins de dispersion chimique aux agents biologiques.
— Étude de la fabrication industrielle des agents sous forme lyophilisée.

30En attendant que ce programme « minimum » reçoive éventuellement l’approbation des autorités de tutelle et un financement cohérent [46], la CIEECB ne peut qu’approuver la poursuite de quelques études mineures dont celle des virus pathogènes pour animaux, la conservation des virus par lyophilisation, l’inventaire des agents biologiques militaires potentiels ainsi que l’étude des effets de l’irradiation sur la réceptivité aux infections sur l’animal.

31Les membres de la CIEECB proposent également de créer un sous-groupe de travail et d’études biologiques (SGTEB) dont la présidence est proposée au vétérinaire général Guillot et qui aura en charge plus spécifiquement le suivi et la coordination du programme biologique militaire. Il est composé, entre autres de représentants du CIAS, du CASDN, de l’ARMET, du Service de santé des armées (section Bactériologie), du CEB, et du Service vétérinaire des armées [47]). À compter de cette date, le sous-groupe se réunira de manière indépendante et rendra compte régulièrement à la CIEECB de l’état de ses activités. La première réunion du SGTEB se tient le 29 novembre 1959 [48]. Le programme militaire biologique continue donc de fonctionner à un niveau toutefois proche de l’étiage et avec des ambitions limitées qui consistent à poursuivre et entretenir les acquis obtenus depuis le début de la décennie. Ces travaux portent essentiellement sur les domaines suivants [49] :

— Études sur les agents biologiques.
Des résultats positifs sont obtenus dans les domaines suivants : application de la méthode de lyophilisation pour la conservation et le stockage de virus, bactéries et toxines ; dans la pollution de terrains par poussières ou aérosols souillés par agents biologiques (toxine botulinique en particulier) ; étude de l’écologie des virus par l’observation du comportement de deux virus à caractère opposé : l’un fragile l’autre très résistant afin d’en examiner les variantes par passage en caisson d’exposition de paramètres différents ; augmentation ou création de pouvoir pathogène de certaines bactéries vis-à-vis d’espèces peu ou pas réceptives par passage sur animaux irradiés ; entérotoxine staphylococcique, transmissible par les aliments et préfigurant un incapacitant.
— Détection d’alerte biologique.
La mise au point de la détection d’alerte a été attribuée à la division microbiologie du Centre de recherches du Service de santé des armées (CRSSA) à Lyon qui a validé le principe de la détection d’alerte par prélèvement d’air soumis à la spectrographie en infra-rouge et a procédé à la mise au point d’un prototype. Le LMRV a élaboré une méthode de détection de la toxine botulinique dans l’eau par méthode ultra-sensible et poursuit ses travaux sur l’identification des germes par la méthode des anticorps fluorescents.

32En 1962, l’organisation fonctionnelle et administrative du programme biologique militaire français est caractérisée par une certaine dispersion des responsabilités. Tout d’abord, les responsabilités d’étude et de conduite des programmes biologiques sont confiées à des services très différents (Délégation ministérielle à l’armement (DMA) [50], Service biologique et vétérinaire des armées (SBVA) relevant de l’EMA [51], Groupement armes chimiques de la STA relevant de l’EMAT, la Direction centrale du Service de santé des armées (DCSSA)). Un organisme coordinateur, le Commandement interarmées des armes spéciales, pilote l’ensemble des activités mais ne dispose d’aucun levier direct sur les moyens (personnels et crédits), de sorte qu’il ne constitue de fait qu’une structure de centralisation de l’information permettant aux responsables de faire un point périodique de l’état d’avancement des programmes. Les restrictions budgétaires ainsi que l’éclatement qui caractérise les structures françaises de recherche biologique militaire, sont à l’origine des difficultés rencontrées par les organismes techniques pour parvenir à une définition précise des buts à atteindre : types de matériels, importance des programmes, délais de réalisation, moyens industriels à mettre en œuvre [52].

3. 1962-1964, DÉCISION FUGACE DE CONSTITUER UN ARSENAL BIOLOGIQUE À BASE D’AGENTS INCAPACITANTS

33Au début de l’année 1960, à la suite de la visite en France du général Stubbs, chef de l’USA Chemical Corps, les acteurs français du programme militaire biologique prennent conscience de l’importance que « les Américains attachent à la guerre biologique. Ils considèrent son emploi comme à peu près certain dans le cas d’un conflit éventuel, et sont [...] prêts à fabriquer rapidement les agents biologiques nécessaires » [53]. Quelques mois plus tard, le vétérinaire général Guillot expose les conclusions de sa mission aux États-Unis à la SGTEB lors de sa réunion du mois de novembre 1961 [54]. Il souligne l’importance attachée par le commandement américain aux agressifs biologiques. Les laboratoires de Fort Detrick, qu’il a pu visiter, ont à l’étude près de 160 micro-organismes parmi lesquels la tularémie, le bacillus anthracis, le botulisme, l’entérotoxine staphylococcique, diverses rickettsioses et viroses. Il relève également l’intérêt porté aux agents biologiques en tant qu’incapacitants ainsi que les études sur les maladies transmises par les moustiques et les tiques. Les moyens déployés par les États-Unis dans le domaine de la guerre biologique sont jugés très impressionnants. À la suite de cet exposé, le SGTEB décide d’alerter le commandement sur le retard important des armées dans le domaine biologique. Jusqu’à la fin des années 1960, de telles missions se dérouleront de manière régulière et avec des conclusions similaires, le constat de retard et de carence patent qui caractérise le programme français en comparaison avec celui des États-Unis [55].

34La décision officieuse de relancer un vigoureux programme militaire biologique date vraisemblablement de la fin de l’année 1961 comme le laissent penser les propos du président du CIEECB tenus lors de la réunion du 23 janvier 1962 : « Pour la première fois a été admise la nécessité de la riposte : tout concept statique (de type ligne Maginot) basé sur la protection seule, conduit en effet à des catastrophes. » [56] Les informations recueillies aux États-Unis sur les activités militaires biologiques ont fortement contribué à relancer l’intérêt porté aux armes biologiques par les autorités militaires et politiques françaises. De fait, lors de la réunion du 16 mai 1963 de la CIEECB, le général Thiry admettait que « dès 1961, à la suite de plusieurs missions menées aux États-Unis, il était apparu aux autorités que les armes chimiques et biologiques ne revêtaient pas en France l’importance qu’elles méritaient » [57].

35En février 1962, le général, commandant interarmées des armes spéciales, propose un plan de développement des études, des recherches et des fabrications. Le 9 mars 1962, Michel Debré, Premier ministre du gouvernement, fait part à Pierre Messmer, ministre des Armées, d’une décision gouvernementale de principe favorable à la relance du programme militaire biologique. Il faut néanmoins attendre le 29 janvier 1963 pour que le conseil de Défense prenne position sur cette question. Une directive du délégué ministériel pour l’armement [58] en date du 12 avril 1963, s’appuyant sur les décisions prises à ce conseil de Défense demande au CIAS « de faire le point de ce qui a été réalisé au point de vue de la guerre chimique et biologique, et de réunir les éléments nécessaires pour permettre l’élaboration d’un plan d’armement chimique et biologique » [59]. Pour la première fois depuis la fin de la Première Guerre mondiale, la France envisage donc la possibilité de se doter d’un arsenal biologique militaire opérationnel et de ne plus limiter ses activités à la recherche et au développement.

36Le CEB, conformément aux instructions du délégué ministériel pour l’armement, adresse à la CIEECB un compte rendu des activités passées dans le domaine de l’agression biologique et décrit les acquis dans ce domaine :

« Nous avons procédé à des études de production, de conservation et de dispersion d’agents biologiques. Pour ce qui concerne la production, nous avons étudié la préparation au stade du laboratoire du bacillus anthracis brute, de la toxine botulique brute ainsi que purifiée et lyophilisée. Pour les aspects liés à la conservation, des travaux ont été menés pour les agents ci-dessus en fonction de divers facteurs (température, aération, pH et mode de conditionnement avec par exemple un an de recul pour la toxine botulique lyophilisée). Enfin, nous avons étudié la dispersion des bactéries en général par gaz de poudre refroidis, par projectiles de mortiers de 120 mm, par mines antipersonnel, par projectile autopropulsé, par explosion en général, l’étude concernant la dispersion des toxines par aérosol et la possibilité de contamination par terrains et poussières est encore en cours. » [60]

37Lors de sa réunion du 16 mai 1963, le président de la CIEECB, reprenant les consignes des directives ministérielles, pose les bases d’un plan de développement chimique et biologique pour les années à venir en distinguant deux périodes, l’une à court terme s’étendant sur les années 1963-1964, l’autre à long terme sur les années 1965-1969. Il souligne toutefois qu’il importe qu’une doctrine de guerre mettant ces armes en jeu soit définie avant de mettre en œuvre un quelconque plan d’armement biologique. Le président déclare ensuite qu’à son avis, il faut dans un premier temps doter le pays d’un matériel assurant la protection et comprenant des armes offensives, destinées à mener une guerre tactique sur le champ de bataille européen. Seule une utilisation tactique des armes biologiques est donc envisagée. L’objectif est donc que les laboratoires doivent en priorité chercher à mettre au point des incapacitants biologiques. Il est également décidé de préparer au plus vite un plan budgétaire de renforcement des moyens qui devra être soumis au ministre. Notons que pour l’année 1962, les crédits dévolus au programme biologique militaire s’élèvent à 5 millions de francs et 5,7 millions pour 1963 (soit environ 6,8 ME d’aujourd’hui).

38En juin 1963, la CIEECB reçoit de nouvelles directives du conseil de Défense. Ces instructions prescrivent un développement des études biologiques vers la réalisation d’un armement à base d’incapacitants et non d’agents létaux. Le président du SGTEB écrit donc à tous les chefs d’organismes de recherche et d’expérimentation collaborant aux missions du SGTEB qu’il leur appartient désormais

« d’envisager pour 1964 une extension de leurs études, conforme à cette orientation, et d’y participer dans le cadre de leurs attributions et de leurs moyens. Étant bien entendu que les travaux sur l’alerte, la détection, la protection, la décontamination, seront poursuivis conformément au programme déjà défini, il conviendrait à notre avis de développer les nouvelles études selon le plan suivant :
— Réalisation et maintenance de prototypes d’agressif biologique.
— Sélection et entretien des souches.
— Familiarisation à la manipulation de ces agressifs (étude écologique) à leur conservation, à leur production.
— Choix du vecteur et mode de dispersion adéquats à leur utilisation militaire.
— Expérimentation » [61].

39Conformément aux directives du conseil de Défense, la CIEECB préconise « d’axer en priorité les recherches sur les agents biologiques incapacitants plutôt que sur les agents létaux » [62]. Le vétérinaire général Guillot note qu’aux États-Unis la dispersion par voie aérienne de l’entérotoxine staphylococcique est actuellement au point et il suggère d’explorer cette voie ainsi que celle de la tularémie ou la dengue. Les travaux prennent dès lors en compte les nouvelles directives du programme biologique militaire. Le laboratoire vétérinaire de Maisons-Alfort poursuit ses travaux sur deux incapacitants biologiques, d’une part l’entérotoxine staphylococcique dispersée par aérosols (afin d’en maîtriser la conservation sur plusieurs mois en vue d’un usage militaire), et d’autre part, Brucella abortus après passage sur animaux irradiés. Le centre d’études du Bouchet, bien que l’intérêt porte désormais sur les agents incapacitants, poursuit ses travaux sur la conservation du bacillus anthracis. Le CEB entend reprendre des travaux théoriques, abandonnés depuis 1958, sur les munitions biologiques d’artillerie et des réservoirs d’avion avec buse d’aérosolisation et de bombelettes au cours de l’année 1964, afin d’être en mesure d’effectuer les premiers tests réels l’année suivante [63].

40La réunion de janvier 1964 du SGTEB est largement consacrée à la question de la réalisation de l’armement biologique. Le SGTEB veut privilégier une dispersion des agents biologiques sous forme de produits secs plutôt que liquides car il est plus aisé de conserver les agents sous cette forme. Au cours des débats, le médecin-chef Colobert note que les États-Unis sont obligés de refaire leurs stocks d’agents liquides tous les ans, ce qui est particulièrement onéreux [64]. Le SGTEB s’entend également au cours de cette session sur la définition de la notion d’agent biologique incapacitant : « Ce type d’agent ne doit pas dans des conditions normales d’emploi provoquer une mortalité supérieure à 1 % ni créer de lésions permanentes en plus de posséder les qualités requises pour un agent militaire (caractère pathogène, production facile, résistance à l’environnement de dissémination). » [65] Outre l’entérotoxine staphylococcique et brucella abortus, d’autres incapacitants potentiels sont étudiés au cours de l’année 1964 par le LMRV et plus particulièrement erysipelothrix insidiosa, listeria monocytogenes, bacillus cereus, shigella flexneri, salmonella typhimirium, salmonella enterica) puis, en 1966, quelques virus susceptibles d’être utilisés comme incapacitants (adénovirus type 1, 3 et 5, un entérovirus coxsackie A21 et un myxovirus grippal APR8) [66]. En conclusion le SGTEB décide que les études concernant l’entérotoxine et les incapacitants seront poursuivies par le LMRV. Le laboratoire de microbiologie du CRSSA sera chargé de l’étude des accidents dus à l’anatoxine diphtérique et à la tuberculine dans le cadre des accidents dus à la vaccination de masse.

41L’étude des vecteurs et de la dispersion avec des similis sera menée sur le plan théorique en 1964 par le CEB. À cet effet, le CEB affecte l’ensemble des moyens techniques financés dans le cadre du programme chimique militaire aux études biologiques. C’est ainsi qu’il est demandé au service de dispersion, qui dispose des appareillages nécessaires et des chambres à gaz de diverses capacités (15-30 m3) dont est équipé le Centre, d’entreprendre des études sur les générateurs d’aérosols. Pour ce qui concerne les systèmes d’armes pour la dispersion des agents biologiques, il est également décidé de reprendre le travail commun entre les services de dispersion et de bactériologie, collaboration qui avait abouti avant 1958 à l’élaboration de différentes armes biologiques. De fait, pour ce qui concerne le choix des vecteurs, les techniciens du CEB pensent que pour les bactéries et les toxines le problème peut se résoudre sans difficultés excessives car des études ont été faites ou sont en cours au CEB. En revanche, les virus et les rickettsies nécessitent un arthropode vecteur et il faut aménager un élevage. L’expérimentation doit d’abord s’effectuer en caisson puis à l’extérieur (il faudra donc trouver et aménager un terrain pour l’étude des agents réels et prévoir des moyens de décontamination) [67].

42Les travaux menés par les différents services en charge des études biologiques au cours de la période 1962-1965 portent sur les domaines suivants.

• Centre d’études du Bouchet à Vert-Le-Petit :
— Contamination par terrains et aérosols : essais d’intoxication par aérosols de toxine botulique sommairement purifié (100 % des souris exposées sont mortes dans les douze heures), détermination de la dose minima active en fonction du terrain (animaux) et des différentes formes de l’agent (toxine brute, purifiée, lyophilisée) sur animaux sains ou subintoxiqués.
— Lyophilisation : cette technique a permis de multiplier la toxicité de la toxine ; résultat très encourageant, conservation de la vitalité et de la virulence.
— Études d’armement : production d’aérosols microbiens ; production d’agents incapacitants (endotoxines : extraction et concentration ; l’agent choisi est provisoirement l’endotoxine de salmonella paratyphi, production d’aérosols microbiens (étude d’un aérosolisateur à gros débit : l’appareil est constitué par une buse où arrive la suspension microbienne entourée par un manchon d’où provient l’air comprimé. Les deux veines (liquide et gazeuse) sont réglables de sorte qu’il est possible de faire varier le débit de l’appareil et la granulométrie de l’aérosol) ; étude du comportement des aérosols bactériologiques en caisson avec Serratia marcescens ; étude sur l’influence de différents facteurs sur des solutions microbiennes (humidité, âge, etc.).
— Détection : étude d’appareils à prélèvement d’air.
— Protection : étude de la fiabilité des masques respiratoires.
• Laboratoire du centre de recherche du service de santé des armées de Lyon :
— Détection d’alerte : expérimentation du prototype d’appareil de détection (appareil à prélèvement d’air et détection des bactéries par spectrophotographie infra-rouge), mise en place d’un poste permanent de surveillance bactériologique de l’air ; identification rapide des bactéries (méthode basée sur les réactions enzymatiques d’une suspension bactérienne en présence d’une substance métabolique concentrée et d’un indicateur de pH) ; procédé taxonomique permettant l’interprétation des résultats obtenus par les méthodes précédentes.
• Service biologique et vétérinaire des armées (Maisons-Alfort et Tarbes).
— Études d’armement : conditions d’utilisation des agents biologiques (toujours avec les agents biologiques bacillus anthracis et toxine botulique), création de virulence chez des souches bactériennes à l’égard d’espèces animales réfractaires en vue de l’utilisation de ces souches comme agents biologiques ; augmentation ou création de pouvoir pathogène ou toxigène de certaines bactéries par passages sur animaux de laboratoire irradiés par rayons X puis sur animaux neufs ; conditions d’utilisation des agressifs biologiques ; écologie des virus et recherche de moyens susceptibles d’assurer une survivance au-delà de la normale des agents ; détermination des conditions de diffusion ou de dispersion des agents biologiques ; production de souches pathogènes d’agents biologiques par passages sur animaux irradiés, étude d’une entérotoxine staphylococcique comme incapacitant biologique et d’une toxine botulique, cultures de virus sur cultures cellulaires ; infection d’animaux par aérosols microbiens.
— Protection : détection d’une teneur anormale du milieu extérieur en agents microbiens ; identification spécifique des agents, étude de la protection contre une agression par agents viraux ; diagnostic expérimental de certaines affections sur animaux de laboratoire irradiés par rayons X ; expérimentation sur l’animal de laboratoire en vue de l’application de la vaccination collective par aérosols, étude du pouvoir d’arrêt des cartouches de masque CF51/53.
— Détection : détection d’agents biologiques par immunofluorescence, étude de l’infection de la vaccination par aérosol ; identification des agents pathogènes par la méthode des anticorps fluorescents.

43Cette période au cours de laquelle fut décidé de constituer un arsenal biologique militaire opérationnel ne dura que quelques mois. Dans une lettre en date du 21 août 1964, le général Lavaud, délégué ministériel pour l’Armement informe le chef d’état-major des armées que

« la réalisation de systèmes opérationnels bactériologiques et chimiques a été placée par le conseil de Défense sur la proposition conjointe des chefs d’états-majors des trois armées en priorité seconde, derrière d’autres programmes jugés plus essentiels, et cependant non encore entrepris à ce jour par manque de ressources. Le conseil de Défense a décidé en conséquence, dans le domaine biologique et chimique, de mettre l’accent sur la recherche de progrès scientifiques et techniques nouveaux, préalablement à la généralisation des doctrines d’emploi et à la réalisation des moyens correspondants. Les seules réalisations de caractère opérationnel du domaine biologique prévues au plan à long terme concernent les moyens de protection. Il s’agit d’opérations de portée limitée inséparables des travaux menés d’autre part sur les agressifs » [68].

44Ces décisions qui trouvent leur source dans des considérations essentiellement financières [69] marquent le terme de la fugace volonté française de se doter d’un arsenal biologique militaire. Cette courte période est néanmoins particulièrement intéressante dans la mesure où elle est en rupture nette avec la politique française en matière d’armes biologiques depuis 1922, date des premières activités militaires françaises dans ce domaine. Toutefois, cette décision trouve vraisemblablement son origine dans le constat effectué par les responsables français de l’avance des États-Unis dans le domaine des armes biologiques mais également dans des considérations liées au regain de tension internationale qui caractérisa le début des années 1960 suite à la seconde crise de Berlin en 1961 et à la crise des missiles à Cuba en 1962.

4. 1964-1972. LA LONGUE AGONIE DU PROGRAMME MILITAIRE BIOLOGIQUE FRANÇAIS

45Le programme biologique militaire français entre dès lors dans une période de déshérence aggravée par une instabilité organisationnelle chronique. Cet abandon instaure, lors de certaines périodes, un flou administratif et hiérarchique qui laisse les organismes de recherches livrés à eux-mêmes, sans instructions claires sur la direction à donner aux travaux. Cette situation illustre le complet désintéressement des autorités politiques et militaires à l’endroit des armes biologiques auxquelles on accordera désormais une priorité relative très loin derrière les armes nucléaires et les armes chimiques. Cette politique de déshérence se manifeste également par une déflation budgétaire importante des crédits consacrés aux armes biologiques. À partir du milieu de la décennie, la France abandonne progressivement le volet offensif de son programme et ne conserve que des activités strictement défensives. Cette inflexion allait être officialisée en 1972, dans la foulée de la signature du traité de Washington, non ratifié formellement par la France avant 1984 en raison de l’absence, dans le texte, de régime de vérification. Mais les principes furent repris à leur compte par les autorités françaises et strictement appliquées au terme d’une loi nationale adoptée en 1972 et imposant des dispositions analogues aux obligations stipulées par la Convention.

46Au mois de juin 1964, la dissolution du CIAS [70] entraîne la disparition de la CIEECB et une nouvelle réorganisation administrative des autorités de tutelle du programme biologique. Toutefois, cela n’affecte pas les activités du sous-groupe biologie qui, après s’être vu offrir une nouvelle existence administrative en janvier 1965 [71], poursuit ses travaux désormais sous l’égide de la Délégation ministérielle pour l’armement. Cette dernière fixe les programmes d’études et de recherches en liaison avec la section « Armes spéciales » de l’état-major des armées. La DMA reprend ainsi les attributions de l’ex-CIAS [72]. Les missions du sous-groupe restent inchangées, « assurer l’information réciproque des différents organismes qui participent à des niveaux divers et dans des hiérarchies différentes à l’exécution des programmes de manière à en faciliter la coordination au niveau de l’exécution, de formuler toute proposition susceptible de modifier l’orientation des programmes ou d’en améliorer les conditions de réalisation » [73].

47Dans un deuxième temps, le délégué ministériel pour l’armement, qui est devenu, de fait, l’autorité hiérarchique du programme militaire biologique, initie une réflexion sur la future organisation, à la lumière des objectifs assignés à ce programme. Cette réflexion prend la forme d’une note rédigée au cours de l’année 1965 à l’attention de Pierre Messmer, ministre des Armées, et intitulée « organisation des activités biologique et chimique » [74]. La note relève que « le programme biologique n’a jamais bénéficié au cours de ces dernières années d’une priorité suffisante pour créer dans les états-majors un intérêt marqué. Dans ces conditions, les organismes techniques ont éprouvé les plus grandes difficultés pour parvenir à une définition précise des buts à atteindre » [75]. La DMA propose donc de constituer en son sein un organisme de la conduite de l’ensemble du programme biologique, afin d’y regrouper l’ensemble des activités biologiques et d’établir des liaisons avec les états-majors permettant de définir les programmes. Dans le même temps, une décision du conseil de Défense du 25 juin 1965 décide que sera « désignée par le ministre des Armées une personnalité responsable de l’ensemble des activités relatives à l’armement bactériologique et chimique et la protection contre ses effets. Cette personnalité coordonnera les travaux présentement répartis entre les états-majors, le Service de santé des armées, la Direction des poudres, la Direction des recherches et moyens d’essais et les collaborateurs occasionnels » [76]. La proposition de la DMA est enfin entérinée par une décision du général Ailleret en date 20 juillet 1967 [77] qui conduit à centraliser à la Direction technique des armements terrestres (DTAT) la responsabilité des études et des réalisations dans les domaines biologique et chimique précédemment dévolue à la Direction des poudres et au SBVA. En conséquence, il est également décidé d’instituer un Comité interarmées NBC (CINBC) qui aura sous sa dépendance deux groupes de travail : un groupe de travail « Armement et riposte biologique et chimique » (en charge d’établir un projet de doctrine d’emploi, de proposer un concept d’emploi d’où découlera un besoin en équipement et enfin de fixer en conséquence une orientation des programmes de recherches, d’études et de réalisation) et groupe de travail « Défense NBC » qui sera en charge des aspects défensifs. Le CINBC se réunit pour la première fois en janvier 1968.

48Bien que le sous-groupe poursuive ses activités pendant cette période, une grande incertitude règne sur le devenir du programme, qui semble abandonné à lui-même sans directives claires. Lors de la réunion du 20 décembre 1966 du sous-groupe biologie, son président déplore que « les seules directives reçues en ce domaine depuis trois ans restent toujours celles émanant de l’ex-Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et biologiques » [78]. Le président précise que seules sont parvenues au groupe de travail ces directives interprétant les décisions du conseil de Défense et se montre très désireux d’avoir des précisions supplémentaires, en particulier quant aux dispositions modifiant les directives antérieurement reçues. On constate, à partir de la fin de l’année 1966, et sans qu’il soit possible d’identifier précisément la trace dans les archives du Service historique de l’armée de terre d’une décision formelle du ministre ou de conseil de Défense, un abandon progressif du volet offensif du programme biologique militaire. À compter du début 1967, les minutes des réunions du groupe de travail armement et riposte biologique et chimique ne traitent plus que des questions chimiques et la directive ministérielle fixant les axes de recherches prioritaires pour l’année 1967 entérine la priorité donnée aux agressifs chimiques et seulement en seconde urgence à la détection biologique. On constate à partir de cette date que le traditionnel volet « agression » des comptes rendus des travaux du Centre d’études du Bouchet disparaît brutalement des minutes de la dernière réunion du SGTEB [79]. Il apparaît donc que la France renonce de facto au volet offensif de son programme biologique militaire à la fin de l’année 1966. Il est probable que cette situation ne résulte pas d’une décision formelle née d’une prise de position officielle (qui ne viendra qu’en 1972) mais plutôt d’un désintérêt politique et budgétaire implicite et à une décision de privilégier l’arme nucléaire.

49Parmi les groupes de travail institués en 1967, seul le groupe « Défense NBC » se réunira à intervalles irréguliers entre 1969 et 1972. En revanche, et en l’absence de directives claires, et malgré des demandes répétées, le groupe « Armement et riposte biologique et chimique » n’aura qu’une existence virtuelle et n’aura jamais l’occasion de se réunir physiquement. De fait lors de sa première réunion du CINBC en janvier 1968, « les instructions au groupe de travail “armement de riposte B et C” ne furent pas établies si bien que ce dernier ne dispose pas de mandat et ne peut travailler » [80]. Pour tenter de sortir de cette impasse, l’état-major de l’armée de terre avait pourtant demandé, en février 1969, qu’un concept soit défini et que le groupe de travail interarmées « armement de riposte B et C » soit réuni à cet effet. Illustrant le peu d’intérêt pour ces sujets, aucune suite ne fut donnée à ces demandes confirmant de facto l’abandon du volet offensif du programme biologique militaire français.

50Le 6 février 1969, soit plus de quinze mois après la dernière réunion de feu la SGTEB, le groupe « Défense NBC » se réunit pour la première fois. La majorité des membres qui le composent, sont issus du Service de santé des armées. En préambule de ses travaux, son président confirme que « la prédominance est désormais accordée à la protection dans le domaine biologique » [81]. Bien que certaines activités résiduelles à caractère offensif perdurent au sein du CEB [82], les travaux portent désormais essentiellement sur les aspects défensifs et plus particulièrement sur le domaine de la détection (application des anticorps fluorescents à la détection d’alerte avec des anticorps peu spécifiques) et la décontamination (essais du triéthylène-glycol, oxyde d’éthylène, B-propiolactone et hexoilrésorcinol) [83]. À cette date, le CEB stoppe toute fabrication de toxine botulinique et il est mis un terme aux études de dispersion, à l’exception des activités ayant trait à la détection opérationnelle. Pour ces besoins spécifiques, le CRSSA se focalise donc sur la production de similis de différentes bactéries (neisseriaceae, microcoques, entérobactéries pseudomonas, vibrions, actinomycètes et en particulier les corynébactéries) [84].

CONCLUSION

51À l’exception d’une période initiale volontariste entre 1948 et 1956 pendant laquelle, avec des moyens humains et financiers limités, la France relança un robuste programme de R&D militaire biologique, le programme militaire biologique français entre 1945 et 1972 est caractérisé par l’absence de dessein stratégique et un manque de continuité dans l’action. Ce désintérêt s’est traduit à la fois en termes budgétaire, organisationnel, militaire et politique. Globalement, l’attention portée par les autorités politiques et militaires aux armes biologiques fut limitée et caractérisée par des périodes de déshérence répétées, suivies de relances ponctuelles sans réelle portée. Dans les faits, et malgré une courte période entre 1962 et 1964, au cours de laquelle la décision de constituer un arsenal biologique fut prise sans toutefois être mise en œuvre, le programme français fut essentiellement un programme de R&D sans industrialisation des systèmes d’armes, dont l’étude théorique ne fut menée qu’entre 1948 et 1956. À ce titre, l’ampleur du programme français est sans commune mesure avec les programmes des États-Unis et de l’Union soviétique de l’époque mais est également très en retrait par rapport au programme britannique. Il n’en reste pas moins que les acquis du programme, s’ils doivent être qualifiés de modestes, ont été substantiels et ont permis de valider nombre de données théoriques fondamentales. En revanche, en ce qui concerne les applications opérationnelles, les acquis sont demeurés très limités particulièrement après 1956, date à partir de laquelle les essais réels ont été quasiment abandonnés. La décision de la France de se doter d’un arsenal nucléaire à la fin des années 1960, puis l’ampleur des dépenses budgétaires liées au programme nucléaire dans les années qui suivirent, sonnèrent le glas, en 1966, des ambitions françaises en matière d’armes biologiques au moins pour les aspects offensifs. La signature du traité de Washington en 1972 ne fit qu’entériner juridiquement une décision implicite dans les faits depuis six années déjà. Depuis cette date, la France a œuvré sans relâche en faveur du renforcement de cette Convention et de l’amélioration de son application.


Date de mise en ligne : 01/12/2008

https://doi.org/10.3917/gmcc.230.0099

Notes

  • [1]
    André Corvisier (sous la dir. de), Histoire militaire de la France, t. 4 : De 1940 à nos jours, Paris, PUF, « Quadrige », 1997.
  • [2]
    Qu’il me soit permis ici de remercier MM. Daniel Kiffer (DAS) et Camille Grand (cabinet du ministre de la Défense) pour leur aide précieuse. Sans leur bienveillance et leur soutien, cet article n’aurait probablement pu voir le jour.
  • [3]
    Cet article a été rédigé à partir des archives du Service historique de la Défense, section Terre, de Vincennes (ci-après SHAT).
  • [4]
    SHAT, note d’information du Bureau scientifique de l’armée au chef de l’état-major de l’armée (27 février 1947).
  • [5]
    Ibid.
  • [6]
    Ibid., fiche à l’attention du général chef de l’état-major de l’armée en date du 21 mars 1947 : Propositions au sujet d’un programme de recherche concernant la guerre bactériologique.
  • [7]
    Ibid., compte rendu de la réunion du 11 mars 1947. En l’absence de sources explicites, il n’est pas possible de déterminer si cette décision est le fait du gouvernement, ce qui semble toutefois probable, ni de dater précisément les circonstances et les motivations qui ont présidé à cette reprise des activités biologiques militaires françaises.
  • [8]
    Ibid., compte rendu de la réunion du 11 mars 1947, p. 3.
  • [9]
    Ibid., note de la Direction des poudres en date du 8 avril 1948. Sur le programme militaire biologique français entre 1919 et 1940, on pourra consulter : Olivier Lepick, « French activities related to biological warfare », dans Biological and Toxin Weapons Research, Development and Use From the Middle Ages to 1945 : A Critical Comparative Analysis, Oxford, Oxford University Press, SIPRI, 1999.
  • [10]
    SHAT, note de la Direction des poudres en date du 8 avril 1948.
  • [11]
    Ibid., note du colonel Krebs à Monsieur le général de Corps d’armée chef d’état-major général en date du 21 mars 1947.
  • [12]
    Ibid., note de la Direction des poudres en date du 8 avril 1948.
  • [13]
    Ibid., note de la section Armement et études de l’état-major pour le 2e bureau en date du 29 juillet 1947.
  • [14]
    Ibid., dossier sur la guerre biologique (renseignements étrangers).
  • [15]
    Ibid., rapport au général chef de l’état-major général de l’armée au sujet des recherches d’armes bactériologiques (18 août 1947).
  • [16]
    Ibid., « Orientations à donner aux recherches sur la guerre microbienne d’après les données actuellement acquises, 1953-1954 ».
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    Ibid., note de la Direction des poudres en date du 8 avril 1948.
  • [19]
    Ibid., 16 mars 1948, compte rendu des essais de contamination animale par aérosols microbiens en enceinte close à l’aide d’un germe pathogène pour l’intestin (STA).
  • [20]
    Olivier Lepick, « French activities related to biological warfare », Biological and Toxin Weapons Research, op. cit.
  • [21]
    SHAT, « Orientations à donner aux recherches sur la guerre microbienne d’après les données actuellement acquises, 1953-1954 », p.-v. du 19 février 1948.
  • [22]
    Ibid., « Orientations à donner aux recherches sur la guerre microbienne d’après les données actuellement acquises, 1953-1954 », p.-v. du 31 octobre 1950.
  • [23]
    Ibid., p.-v. du 1er novembre 1950.
  • [24]
    Ibid., p.-v. du 4 novembre 1950.
  • [25]
    Ibid.
  • [26]
    Ibid., « Orientations à donner aux recherches sur la guerre microbienne d’après les données actuellement acquises, 1953-1954 », octobre 1951.
  • [27]
    Ibid., p.-v. de mars 1953. Le médecin général Costedoat note à propos de ces essais, « aucun animal n’est mort de charbon et aucune enzootie ne s’est déclarée ».
  • [28]
    Ibid., « Orientations à donner... », citées, Essais des 25 et 27 février 1953.
  • [29]
    Ibid., p. 7.
  • [30]
    Ibid.
  • [31]
    Le commandement des Armes spéciales est créé au mois de novembre 1951. Dirigé par le général Ailleret, cet organisme a en charge les questions ayant trait aux armes chimiques, biologiques et nucléaires (ibid., décision en date du 20 novembre 1951 signée par le secrétaire d’État à la Guerre (Pierre de Chevigné), no 15486/EMA/IOS sur la création d’un commandement des Armes spéciales).
  • [32]
    Ibid., Plan d’ensemble de mise sur pied des unités des armes spéciales, 22 janvier 1952.
  • [33]
    Ibid., décision créant une Commission des études et expérimentations chimiques et bactériologiques de l’armée de terre en date du 26 août 1952 signé par le secrétaire d’État à la Guerre, Pierre de Chevigné, et le ministre de la Défense nationale, René Pleven.
  • [34]
    Ibid.
  • [35]
    Ibid., « Orientations à donner aux recherches sur la guerre microbienne d’après les données actuellement acquises, 1953-1954 ».
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Ibid., PV no 9 et 14/ASC/TS du 22 décembre 1955 et note no 6929 et 6930 EMA/ARMET/S du 10 avril 1956.
  • [39]
    On lira avec intérêt : Claude Carlier, « La genèse de l’armement atomique », Histoire militaire de la France, t. 4, op. cit., p. 349-356.
  • [40]
    SHAT, procès-verbal de la Commission des études et expérimentations chimiques et bactériologiques de l’armée de terre du 6 juillet 1959.
  • [41]
    Ibid., procès-verbal du 20 novembre 1957.
  • [42]
    Ibid.
  • [43]
    Ibid.
  • [44]
    Ibid., décision en date du 23 janvier 1958 signée par Jacques Chaban-Delmas (ministre de la Défense nationale et des Forces armées, cabinet du ministre no 001167/DN/CAB/ARM.
  • [45]
    Ibid., procès-verbal de la Commission des études et expérimentations chimiques et bactériologiques de l’armée de terre du 6 juillet 1959.
  • [46]
    Ibid., procès-verbal de la réunion du 25 avril 1960.
  • [47]
    Il est à noter que lors des réunions de CIEECB, les membres du Service de santé quittent la salle lorsque sont abordées les questions liées aux aspects offensifs.
  • [48]
    SHAT, procès-verbal de la Commission des études et expérimentations chimiques et bactériologiques de l’armée de terre du 25 avril 1960.
  • [49]
    Ibid., procès-verbal de la Commission interarmées du 27 février 1961.
  • [50]
    Au sein de la DMA, la Direction des recherches et des moyens d’essai (DRME) passe des contrats avec des laboratoires privés, la Direction des poudres dispose du Centre d’études du Bouchet qui assure la maîtrise des programmes d’études et de recherches dans le domaine de l’agression, de la détection et de la protection. Dans le domaine des fabrications, le CEB a la responsabilité de la fabrication des produits toxiques et du chargement des munitions.
  • [51]
    Le SBVA poursuit des recherches de microbiologie sous le double aspect de l’agression et de la protection. Il dispose à ce titre du Laboratoire militaire de recherches vétérinaires de Maisons-Alfort (18 personnes) et du Centre biologique d’expérimentation de Tarbes (26 personnes).
  • [52]
    SHAT, fiche no 011 à l’attention du ministre des Armées en date du 27 janvier 1966, Organisation des activités biologique et chimique.
  • [53]
    Ibid., procès-verbal de la réunion du sous-groupe de travail et d’études biologiques du 7 octobre 1960.
  • [54]
    Ibid., procès-verbal de la réunion de la Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et bactériologiques du 3 novembre 1961.
  • [55]
    Ibid., compte rendu de mission aux États-Unis dans le cadre de l’accord MWDDEA (Mutual Weapons Development Data Exchange Agreement), A-61 F-151 du 2 au 7 juin 1969. Section d’études de biologie et de chimie. Service de bactériologie.
  • [56]
    Ibid., procès-verbal de la réunion de la Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et bactériologiques du 23 janvier 1962 (CIEECB) sous la présidence du général de division aérienne Thiry.
  • [57]
    Ibid., procès-verbal de la réunion du 16 mai 1963.
  • [58]
    Ibid., décision ministérielle no 6234 DMA/ORG/TS.
  • [59]
    Ibid.
  • [60]
    Ibid., observations sur la directive pour le développement des études du SGTEB (BE no 1437/CIAS/2/S du 10 décembre 1963).
  • [61]
    Ibid., directive pour le développement des études du sous-groupe de travail et d’études biologiques, BE no 1437/CIAS/2/S du 10 décembre 1963.
  • [62]
    Ibid., procès-verbal de la réunion de la Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et bactériologiques du 23 janvier 1962 (CIEECB) sous la présidence du général de division aérienne Thiry.
  • [63]
    Ibid., ministère des Armées, commandement interarmées des armes spéciales, Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et biologiques (CIEECB). Procès-verbal des réunions du sous-groupe de travail et d’études biologiques (SGTEB) 1963-1966. Procès-verbal de la réunion du 14 janvier 1964 sous la présidence du vétérinaire colonel Courrèges.
  • [64]
    La présence d’une note non datée sur « les possibilités soviétiques dans le domaine de la guerre biologique » adjointe au procès-verbal de la réunion permet (ibid., ministère des Armées, commandement interarmées des armes spéciales, Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et biologiques (CIEECB). Procès-verbal des réunions du sous-groupe de travail et d’études biologiques (SGTEB) 1963-1966. Procès-verbal de la réunion du 14 janvier 1964 sous la présidence du vétérinaire colonel Courrèges), d’évaluer le degré de connaissance par les autorités françaises du programme militaire biologique soviétique : « Compte tenu des informations recueillies au cours des dernières années, il apparaît que les Soviétiques ont un programme complet de défense contre la guerre biologique. Rien n’a été prouvé de façon certaine pour ce qui concerne un programme offensif, de fortes présomptions existent et le Pr N. N. Jukov Verejnikov, membre de l’Académie de médecine, prix Staline 1950, paraît être le conseiller technique du gouvernement sur ces questions. »
  • [65]
    SHAT, ministère des Armées, commandement interarmées des armes spéciales, Commission interarmées des études et expérimentations chimiques et biologiques (CIEECB). Procès-verbal des réunions du sous-groupe de travail et d’études biologiques (SGTEB) 1963-1966. Procès-verbal de la réunion du 14 janvier 1964 sous la présidence du vétérinaire colonel Courrèges.
  • [66]
    Ibid., procès-verbal du SGTEB du 20 décembre 1966.
  • [67]
    Ibid., « Observations sur la directive pour le développement des études du SGTEB » (BE no 1437/CIAS/2/S du 10 décembre 1963).
  • [68]
    Ibid., lettre du général Lavaud (délégué ministériel pour l’Armement) au chef d’état-major des armées en date du 21 août 1964.
  • [69]
    Lors de la réunion du sous-groupe biologie du 20 décembre 1966, son président explique que « les réalisations primitivement envisagées quant à la construction d’un armement B et C n’ont pas été retenues par la suite pour des raisons financières » (ibid., procès-verbal du SGTEB du 20 décembre 1966).
  • [70]
    Ibid., procès-verbal du SGTEB en date du 2 juin 1964.
  • [71]
    Ibid., décision en date du 11 janvier 1965 du délégué ministériel pour l’Armement ayant pour objet la création de groupes de travail Biologie et Chimie.
  • [72]
    Ibid., procès-verbal du SGTEB en date du 18 décembre 1964.
  • [73]
    Ibid., décision en date du 11 janvier 1965, citée.
  • [74]
    Ibid., fiche no 011 à l’attention du ministre des Armées en date du 27 janvier 1966.
  • [75]
    Ibid.
  • [76]
    Ibid., fiche à l’attention du ministre des Armées en date du 29 mars 1966.
  • [77]
    Ibid., note du général d’armée Ailleret en date du 20 juillet 1967, no 437/EMA/PROG.4/C.D.
  • [78]
    Ibid., procès-verbal du SGTEB du 20 décembre 1966.
  • [79]
    Ibid.
  • [80]
    Ibid., fiche de l’état-major de l’armée de terre en date du 6 février 1970, « Objet : création d’une commission consultative permanente NBC » signée du général Cantarel, chef d’état-major de l’armée de terre.
  • [81]
    Ibid., procès-verbal de la première réunion du groupe de défense contre l’arme biologique en date 6 février 1969 sous la présidence du lieutenant colonel Fontanges.
  • [82]
    En 1969, la Section d’études de biologie et de chimie du Bouchet ne compte plus que trois officiers (dont un mi-temps, un scientifique et un vétérinaire du contingent, deux laborantines et cinq personnels subalternes).
  • [83]
    SHAT, procès-verbal de la première réunion du groupe de défense contre l’arme biologique en date du 6 février 1969.
  • [84]
    Ibid., procès-verbal de la réunion du groupe du 20 mars 1969.

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