Couverture de GFP_2006

Article de revue

France Relance : un enjeu déterminant de gouvernance et de pilotage

Pages 11 à 20

Notes

  • [1]
    Cour des comptes, rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2011.
  • [2]
    A. Barilari (2010).
  • [3]
    Cour des comptes, juillet 2010, La mise en œuvre du plan de relance de l’économie française.
  • [4]
    Cour des comptes, juillet 2010, La mise en œuvre du plan de relance de l’économie française.
  • [5]
    Exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2021 et article 55 du même projet portant création du PIA 4.
  • [6]
    Il s’agit de la cotisation foncière des entrperises (CFE), de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe foncière sur les proriétés bâties (TFPB).
  • [7]
    Le coût de la mesure se serait ainsi élevé à 10 Md€ dans le premier cas et 30 Md€ dans le second, et non 20 Md€.
  • [8]
    Le déficit public est ici exprimé en comptabilité nationale. Ce choix comptable est indispensable au regard de la diversité des acteurs publics chargés de leur mise en œuvre (État, opérateurs, administrations de sécurité sociale, collectivités locales).
  • [9]
    Projet de loi de finances pour 2021 : « La France devrait bénéficier d’une enveloppe d’environ 40 Md€ pour financer une partie des mesures de son plan de relance national. Cette enveloppe est toutefois susceptible d’évoluer en fonction de l’évolution réelle du PIB français en 2021 et 2021 relativement à celui des autres États membres ».
  • [10]
    Projet de loi de finances pour 2021.
  • [11]
    Avis n° HCFP-2020-5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021.
  • [12]
    Programme 348 – Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants.
  • [13]
    Cour des comptes, note d’exécution budgétaire sur la mission Action et transformation publiques.
  • [14]
    Cour des comptes, juillet 2010, La mise en œuvre du plan de relance de l’économie française.
  • [15]
    Avis n° HCFP-2020-5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021.
  • [16]
    À vocation temporaire et placé hors de la norme de dépenses pilotables de l’État.
  • [17]
    Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

La crise sanitaire et ses répercussions économiques ont conduit le Gouvernement à présenter en septembre 2020 un plan de relance d’un montant de 100 Md€ qui se distingue du précédent plan de relance de 2009-2010 par son ampleur et sa durée. Des incertitudes demeurent quant à son incidence financière et à son calendrier. En raison de son ambition et de sa portée transversale, la mise en œuvre du programme constitue un défi administratif sans équivalent au cours de ces dernières décennies.

1Dans le contexte de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 et de ses répercussions économiques inédites depuis la Seconde Guerre mondiale, le Gouvernement a dévoilé le 3 septembre 2020 un plan de relance d’un montant de 100 Md€. La mise en œuvre de ce programme, dénommé France Relance, a débuté dès l’été 2020 dans le prolongement des mesures d’urgence et de soutien décidées au cours du printemps.

2Des programmes de relance budgétaire ont également été annoncés parmi les partenaires européens de la France, comme l’Allemagne (Konjunkturpaket de 130 Md€ annoncé en juin) ou l’Italie (209 Md€ dans le Recovery plan annoncé en septembre). Ils devraient par ailleurs s’articuler avec les moyens financiers alloués par l’Union européenne dans le cadre du programme Next Generation EU décidé en juillet 2020 (750 Md€).

3Plusieurs présentations du plan France Relance peuvent être retenues : thématique, en répartissant les moyens financiers selon des ensembles de politiques publiques ; calendaire, en précisant les délais prévisionnels de consommation des crédits ; organique, en ventilant les mesures selon les administrations qui les mettent en œuvre ; téléologique, en examinant les bénéficiaires des actions décidées (particuliers, entreprises, administrations).

4Le débat public s’est principalement porté sur l’aspect thématique du plan de relance, en mettant en avant les enveloppes allouées à l’écologie (30 Md€), à la compétitivité (34 Md€) et à la cohésion (36 Md€). Le présent article examine France Relance selon les autres points de vue et par le prisme des finances publiques. Il propose ainsi, après un rappel historique du plan de relance de l’économie de 2009, une analyse de l’incidence de France Relance sur le solde public, de son caractère pluriannuel ainsi que de sa portée transversale, qui rendront nécessairement délicat son pilotage d’ensemble.

En 2009 et 2010, un plan de relance de 35 Md€ à cinétique rapide

5Alors que l’économie mondiale enregistrait la crise la plus profonde depuis l’après-guerre, un plan de relance économique de 26 Md€ était annoncé par le président de la République en décembre 2008. Les lois de finances rectificative de décembre 2008 et de finances initiale pour 2009 constituaient les premiers véhicules de ce plan, progressivement renforcé au cours de l’année 2009. À cet égard, la Cour des comptes avait estimé mi-2011 [1] pour le plan de relance de 2009 que les mesures s’étaient révélées plus coûteuses qu’estimé courant 2009 (35,3 Md€ au lieu de 32,5 Md€), pour un impact sur le solde public concentré en 2009 (d’environ 1 point de PIB), puis limité en 2010 (0,3 point) et presque nul en 2011 (0,1 point).

6Le plan de relance mis en œuvre en 2009 et 2010 reposait de manière équitable sur le levier budgétaire et celui de la baisse des prélèvements obligatoires [2]. Au plan budgétaire, une mission spécifique (« Plan de relance de l’économie ») avait été instituée par la première loi de finances rectificative pour 2009, afin de sanctuariser les crédits en contournant la norme de dépense de l’État mais aussi de prévenir la pérennisation des crédits [3]. Au plan fiscal, des dispositifs de soutien à la trésorerie des entreprises, à leurs investissements et à la consommation des ménages ont été décidés.

7En matière de gouvernance, un ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance avait été placé auprès du Premier ministre. Si la mission « plan de relance de l’économie » lui était formellement rattachée, la responsabilité des programmes était confiée aux sous-directions de la direction du budget. Un ensemble de comités de pilotage thématiques avait par ailleurs été institué pour réunir le cabinet du ministre chargé du plan de relance, le responsable du programme et les ministères portant la politique publique concernée.

8In fine, l’impact positif du plan de relance sur le niveau d’activité, l’investissement public, la consommation ou encore l’emploi n’ont pas pu faire l’objet d’une estimation précise. Au regard notamment du caractère exceptionnel des crises économiques d’ampleur, la Cour des comptes avait ainsi conclu que « l’évaluation quantifiée de l’impact du plan de relance sur les grandes variables macro-économiques (PIB, prix, emploi…) est difficile » [4].

1 – France Relance, une incidence sur les finances publiques de l’ordre de la centaine de milliards d’euros

A – Des incertitudes entourant le montant total de 100,5 Md€ associé au plan de relance

9Le côut total associé au plan de relance, annoncé à 100 Md€ par le Gouvernement, demeure assorti d’incertitudes significatives. Le chiffrage des mesures n’est d’abord pas exhaustif. Parmi les 68 mesures répertoriées dans le tableau récapitulatif de France Relance, quatre n’ont pas fait l’objet d’un chiffrage début septembre 2020 (« démonstrateurs villes durables », « modernisation des technologies agricoles », « R&D dans la filière nucléaire » et « soutien aux industries culturelles et créatives »). Le plan de relance renvoie effectivement, pour chacune d’entre elles, à un financement dans le cadre du quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA 4), dont l’enveloppe totale devrait s’élever à 20 Md€, au sein de laquelle 11 Md€ devraient être alloués au plan de relance [5].

10L’estimation de l’enveloppe financière repose par ailleurs sur un ensemble de conventions de calcul. Nécessaires, ces conventions influencent néanmoins très significativement le montant total du plan de relance tel que présenté par le Gouvernement. Ainsi, la baisse des impôts dits de production portant sur les entreprises [6] a été évaluée à 20 Md€, une estimation correspondant au cumul sur deux années du coût de la baisse de ces prélèvements obligatoires (10 Md€ en 2021 et 10 Md€ en 2022). Si une autre durée avait été retenue, un an ou trois ans par exemple, l’enveloppe globale attribuée à France Relance aurait donc pu être inférieure ou supérieure d’environ 10 % [7]. Similairement, la mesure « développer l’hydrogène vert » est abondée de 2 Md€ par le plan de relance d’ici 2023, mais l’investissement global qui est prévu dans le cadre de cette stratégie est d’ores et déjà évalué à 7,2 Md€ d’ici à 2030.

11Enfin, le départ entre les mesures propres au plan de relance et les dispositifs pérennes concourant à une politique publique n’est pas aisé. Certaines mesures sont effectivement susceptibles d’être pérennisées en cours d’exécution du plan de relance, si bien que les enveloppes initialement allouées pourraient in fine connaître une augmentation. À titre d’exemples, les dispositifs de « rénovation énergétique des logements privés » (2 Md€) et de « soutien à la demande en véhicules propres du plan automobile » (1,9 Md€) pourraient être maintenus au-delà de l’échéance de la fin 2022 prévue par le plan de relance.

12Au total, les incertitudes sur le coût associé au plan de relance sont susceptibles de jouer à la hausse comme à la baisse, selon les conventions de calcul retenues. L’enveloppe de 100 Md€ constitue donc un ordre de grandeur davantage qu’un montant définitif.

B – Une incidence incertaine sur le solde public, qui pourrait être inférieure à 50 Md€

13L’enveloppe globale de 100 Md€ annoncée par le Gouvernement ne devrait pas se traduire par un creusement du déficit public [8] de même ampleur. L’incidence de la relance budgétaire sur le solde public devrait effectivement être limitée à la fois par les transferts attendus de l’Union européenne et par la nature des actions présentées.

14En premier lieu, l’incidence sur le solde public du plan français de relance de l’activité devrait être pour partie compensée par les transferts financiers en provenance de l’Union européenne dans le cadre du plan Next Generation EU. Selon les annonces du Gouvernement [9], la France pourrait bénéficier d’une enveloppe financière de 40 Md€, qui viendrait diminuer d’autant l’impact du plan de relance sur le déficit public français. Pour autant, ni le montant exact ni les modalités précises de prise en charge par l’Union européenne du plan de relance français n’ont à ce jour été décidés.

15En second lieu, certaines mesures portées par France Relance devraient être d’une incidence faible voire presque nulle sur le solde public exprimé en comptabilité nationale. C’est notamment le cas pour les mesures visant à octroyer des prêts ou des garanties de prêts à des particuliers ou des entreprises, qui ne dégradent a priori pas le bilan patrimonial des administrations publiques. Ainsi, l’enveloppe de 2,5 Md€ prévue dans le cadre du « plan climat » confié à Bpifrance serait d’une incidence très faible sur le solde public puisqu’il respose essentiellement sur des « prêts verts » ou des « prêts économies d’énergie » aux entreprises ainsi que des interventions en fonds propres. Au total, les documents annexés au PLF pour 2021 estiment que les mesures sans incidence sur le solde s’élèveront à 14,9 Md€.

16En troisième lieu, le redéploiement de certains moyens, notamment de crédits budgétaires de l’État, pourrait contribuer au financement du plan de relance. Au regard de l’enveloppe globale de France Relance, cette démarche ne peut être que limitée dans son ampleur. La diversité des actions sectorielles, qui relèvent de nombreux périmètres ministériels, ouvre néanmoins la voie à des transferts ou virements de crédits d’un programme budgétaire à un autre. S’il est impossible à ce stade d’en évaluer avec précision le montant, nous pouvons estimer à titre forfaitaire que le reploiement de moyens diminuera l’impact de France Relance sur le solde public d’environ 1 Md€ en 2021.

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Impact attendu du plan de relance sur le solde public (en Md€)

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Impact attendu du plan de relance sur le solde public (en Md€)

Le référentiel retenu est la comptabilité nationale.
Source : calculs de l’auteur, à partir des documents annexés au PLF pour 2021.

17Au total, l’impact du plan de relance sur le solde public s’établirait à 44,6 Md€ (environ 1,9 points de PIB), soit moins de la moitié de l’enveloppe financière globale affichée par France Relance. Pour rappel, l’impact total du plan de relance de 2009 sur le déficit a été estimé à 1,5 point de PIB environ (cf. supra).

18Le montant de 44,6 Md€, établi sur la base des informations fournies par le Gouvernement, demeure néanmoins entouré de fortes incertitudes. Celles-ci tiennent d’abord au chiffrage de chacune des mesures du plan de relance, mais aussi aux modalités de compensation financière du plan par l’Union européenne. En effet, déduire l’enveloppe de transferts européens de 40 Md€ de l’incidence sur le solde public du plan de relance suppose que la France ne rembourse pas par la suite un montant équivalent (ou supérieur) dans le cadre du financement global de Next Generation EU.

2 – Un plan très majoritairement financé par l’État et bénéficiant à des publics diversifiés

A – Un plan France Relance financé à 86 % par l’État

19Le financement du plan de relance devrait être particulièrement concentré sur l’État, qui porterait au total 86 Md€ des dépenses prévues dans le cadre de France Relance. Cette enveloppe serait répartie en 64 Md€ de crédits budgétaires (notamment via la mission « Plan de relance »), 20 Md€ de baisses de prélèvements obligatoires et 2 Md€ de garanties [10].

20Dans une moindre mesure, les administrations de sécurité sociale porteraient près d’un dizième du coût du plan de relance (9 Md€). Celles-ci financeront en particulier le « plan massif d’investissement en santé », décidé dans le cadre du Ségur de la santé signé le 13 juillet 2020, qui doit bénéficier aux secteurs sanitaire et médico-social ainsi qu’au numérique en santé (6 Md€). Par ailleurs, l’Unédic devrait contribuer au financement de l’activité partielle longue durée à hauteur de plus de 2 Md€, tandis que la Caisse nationale des allocations familiales financerait la majoration de l’allocation de rentrée scolaire pour 0,6 Md€.

21Une part résiduelle de France Relance serait enfin portée par la Caisse des dépôts et consignations (3 Md€, via la Banque des territoires) et Bpifrance (plus de 2 Md€), deux établissements au statut particulier.

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Financement du plan France Relance

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Financement du plan France Relance

Source : projet de loi de finances pour 2021.

22En tenant compte des mesures de compensation, la participation financière des administrations publiques locales à France Relance devrait être très limitée. La baisse des impôts de production prévue dans le cadre du plan de relance (de l’ordre de 10 Md€ par an) diminuera les recettes locales. L’État a néanmoins annoncé la compensation totale de cette baisse en transférant notamment une fraction supplémentaire de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Les collectivités locales pourront cependant agir de leur propre chef pour accompagner les mesures prises dans le cadre de France Relance.

B – Des bénéficiaires multiples du plan de relance

23Les destinataires directs de France Relance peuvent être usuellement répartis en trois catégories : les entreprises, les particuliers et les administrations publiques. Au sein de ces catégories, certaines mesures du programme ciblent des publics très précis, comme les pêcheurs et acquaculteurs (mesure « renforcer les filières de la pêche et de l’aquaculture pour une meilleure résilience et souveraineté de la France », 50 M€), les collégiens et lycéens (mesure « internats d’excellence », 50 M€) ou les collectivités d’outre-mer (mesure « soutien aux actions de développement local, notamment en outre-mer », 250 M€).

24Les entreprises représentent la principale catégorie bénéficiaire du plan de relance. En cohérence avec l’objectif de soutien de l’activité et de transition vers une économie « plus verte et durable », elles bénéficieraient ainsi, selon nos estimations, de près de la moitié des moyens financiers (environ 48 Md€). La baisse des impôts de production (20 Md€) constitue la première mesure – en termes de coût financier – au bénéfice des entreprises. Celles-ci sont en outre concernées par un ensemble d’autres mesures transversales ou de nature plus sectorielle : ferroviaire (4,7 Md€), aéronautique et automobile (4,5 Md€), culture (1,6 Md€), etc.

25Les administrations publiques seraient destinataires d’environ un cinquième des moyens alloués à France Relance (environ 21 Md€). Ceux-ci devraient principalement être alloués à des investissements dans la santé (6 Md€), la recherche (2,6 Md€) et le numérique (1,5 Md€). Le plan de relance inclut par ailleurs un soutien de l’État aux collectivités territoriales, via des garanties de recettes et un soutien à l’investissement local, pour un montant estimé par le Gouvernement à 5,2 Md€.

26Les particuliers ne seraient, selon nos estimations, les bénéficiaires directs de seulement un dizième des moyens du plan de relance (10 Md€ environ), par le biais des mesures de majoration de l’allocation de rentrée scolaire ou d’abondement des comptes personnels de formation par exemple. Néanomins, les particuliers devraient bénéficier indirectement d’une partie importante des fonds orientés vers les entreprises. À titre d’illustration, si les primes à l’embauche de jeunes et de travailleurs handicapés seront versées par l’État aux entreprises, le dispositif devrait bénéficier à ces publics cibles, dont l’entrée sur le marché du travail devrait être facilitée.

27Enfin, un ensemble de mesures présente un caractère transversal, bénéficiant à au moins deux grandes catégories de publics cibles (entreprises et particuliers, ou entreprises et administrations notamment). Nous estimons que ces dispositifs correspondent à un cinquième de l’envelope (de l’ordre de 20 Md€). Par exemple, le « plan de relance de la Banque des territoires » (2,5 Md€) tend à la fois à soutenir la construction de logements sociaux et à accompagner l’émergence de petits commerces par la création de foncières, tandis que le « fonds de soutien à l’émergence de projets de tourisme durable » (50 M€) vise tant des entreprises implantées sur le territoire que des structures proches des collectivités territoriales comme les sociétés d’économies mixtes.

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Répartition des moyens du plan de relance selon ses bénéficiaires directs

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Répartition des moyens du plan de relance selon ses bénéficiaires directs

Source : projet de loi de finances pour 2021.

28Cette répartition des moyens du plan de relance selon ses bénéficiaires directs, établie par l’auteur sur la base des informations contenues dans le document de présentation détaillée des 68 mesures de France Relance, pourra être opportunément affinée à partir des informations sur la mise en œuvre du plan qui seront progressivement communiquées par les administrations.

3 – Un plan de relance à portée pluriannuelle

A – Une mise en œuvre échelonnée et progressive

29Au regard de l’ampleur des moyens financiers alloués au plan de relance (ils représentent un montant équivalent à 30 % des crédits du budget général de l’État exécuté en 2019), ainsi que de la nature des mesures choisies (en particulier les investissements publics ou privés), la mise en œuvre de France Relance sera nécessairement échelonnée sur plusieurs années.

30À ce titre, le programme détaillé des mesures prévoit une exécution progressive du programme entre 2020 et 2025. Une partie des crédits associés à France Relance a été consommée dès l’été 2020, notamment dans le cadre du dispositif d’activité partielle de longue durée qui a pris le relais de la mesure d’urgence adoptée en mars 2020. L’exécution devrait aboutir en 2025 par l’achèvement du « plan massif d’investissement en santé » de 6 Md€, dont le coût devrait être réparti sur une période de trois à cinq ans.

31Après une première mise en œuvre en 2020 (7,9 Md€), le Gouvernement prévoit une montée en charge rapide du plan de relance en 2021 (44,2 Md€). Pour autant, près de la moitié des crédits devrait en réalité être mobilisée en 2022 ou au-delà (48,4 Md€) [11]. On retrouve d’ailleurs cette logique d’échelonnement dans l’abondement en PLF pour 2021 de la mission « Plan de relance », au sein de laquelle les autorisations d’engagement – qui ont une portée pluriannuelle – excèdent de 65 % les crédits de paiement alloués à la mission pour l’année 2021 (36,3 Md€ contre 22 Md€).

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Ventilation des mesures selon le calendrier prévisionnel d’achèvement des mesures

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Ventilation des mesures selon le calendrier prévisionnel d’achèvement des mesures

Source : Haut Conseil des finances publiques, avis n°2020-5.

32Enfin, le Gouvernement a déjà prévu le prolongement de certains dispositifs au-delà de leur horizon prévu dans le cadre du plan de relance. C’est le cas de la mesure « développer l’hydrogène vert », évoquée précédemment, mais aussi des dispositifs qui relèvent du PIA 4, comme en matière de recherche et de développement dans la filière nucléaire ou de projets relatifs aux villes durables.

B – Un risque de glissement du calendrier

33Au-delà de son ambition pluriannuelle, France Relance est susceptible de voir son délai de mise en œuvre s’allonger. À l’image de ceux décidés hors de ce programme exceptionnel, les projets d’investissements publics prévus dans le cadre du plan de relance risquent en particulier de prendre du retard sur le calendrier annoncé. Par exemple, le plan de relance prévoit dans le cadre de la mesure de « rénovation énergétique des bâtiments publics » (4 Md€) que l’ensemble des marchés publics seront notifiés avant le 31 décembre 2021. Toutefois, le programme budgétaire de rénovation bâtimentaire existant [12] connaît déjà des retards significatifs dans sa montée en charge [13] : il est donc vraisemblable que la mesure du plan de relance soit exécutée avec retard.

34À titre de comparaison, les crédits de la mission « Plan de relance » créée en 2008 ont été significativement sous-consommés en 2009. La Cour des comptes estimait ainsi en juillet 2010 [14] que l’exécution de ces dépenses s’élevait en 2009 à environ 67 %, les moyens non consommés étant transférés sur l’année 2010.

35Dans ce contexte, nous avons cherché à identifier, mesure par mesure, la probabilité que sa mise en œuvre excède l’horizon du 31 décembre 2022 en les classant en trois catégories : élevée, modérée et neutre. Dans l’ensemble, nous estimons qu’il existe un risque (élevé ou modéré) de mise en œuvre au-delà de 2022 pour la moitié des mesures portées par France Relance. Parmi ces 36 mesures, il convient de souligner qu’il est déjà prévu, pour six d’entre elles, une exécution entre 2023 et 2025.

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Répartition des mesures selon leur probabilité de mise en œuvre au-delà de 2022

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Répartition des mesures selon leur probabilité de mise en œuvre au-delà de 2022

Source : estimation de l’auteur, sur la base des documents de présentation du plan de relance.

36Cette estimation est bien sûr entourée de fortes incertitudes, qui tiennent aux informations limitées disponibles à la date d’élaboration du présent article. Néanmoins, l’hypothèse d’une montée en charge plus lente qu’annoncé est également soutenue par le Haut Conseil des finances publiques, qui a indiqué dans son avis sur le PLF pour 2021 que « la mise en œuvre des investissements prévus dans le cadre du plan de relance pourrait être plus lente qu’attendu, ce qui se traduirait par un report de dépenses sur 2022 et les années ultérieures » [15].

37Au total, le risque de glissement du calendrier de France Relance est susceptible d’en renforcer la portée pluriannuelle, que la pérennisation vraisemblable de certaines mesures (voir précédemment) ne fera également qu’accroître.

4 – Une mise en œuvre nécessairement complexe, rendant le pilotage du plan à la fois délicat et décisif

A – Une multiplicité de vecteurs juridiques, au contour et au séquencement encore imprécis

38La loi de finances pour 2021 a été présentée comme l’instrument juridique de référence pour la mise en œuvre financière du plan de relance. Le projet de texte déposé le 28 septembre 2020 à l’Assemblée nationale comporte d’ailleurs de longs développements sur France Relance, qui précèdent la traditionnelle présentation des équilibres financiers et des moyens alloués aux missions. Il prévoit en particulier la création d’une mission budgétaire dénommée « Plan de relance » [16], dotée de 22 Md€ de crédits de paiement, mais aussi la baisse pérenne des impôts de production (10 Md€). Parallèlement à la loi de finances pour 2021, des mesures sont inscrites en loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 afin de mettre en œuvre les actions relevant du périmètre de la protection sociale, en premier lieu l’investissement public dans la santé.

39Néanmoins, de nombreux vecteurs juridiques seront nécessaires pour concrétiser l’ambition de France Relance. Certains dispositifs ont déjà été adoptés dans le cadre de la 3e loi de finances rectificative pour 2020 [17], tels l’activité partielle de longue durée et le soutien aux collectivités locales (4,2 Md€). Cette loi a également permis un premier abondement en crédits pour des actions ayant vocation à être principalement exécutées en 2021, comme en matière de renforcement des fonds propres des entreprises (100 M€), de numérisation des entreprises (26 M€) ou de soutien à l’export (8 M€).

40Dans le prolongement de ce collectif, la 4e loi de finances rectificative attendue au Parlement à la fin de l’automne est susceptible de comporter quelques mesures liées au plan de relance. En effet, si la loi de finances rectificative de fin d’année porte usuellement peu de mesures nouvelles en dépenses ou en recettes et que la loi de finances pour 2021 a été identifiée comme le vecteur juridique principal de France relance, l’évolution de la situation économique et sociale pourrait conduire le Gouvernement à proposer des mesures complémentaires dans le 4e PLFR. Celui-ci est en particulier susceptible d’intensifier ou d’élargir certains dispositifs prévus dans le cadre du plan de relance, comme en matière d’activité partielle.

41Au-delà des années 2020 et 2021, l’exécution pluriannuelle du programme de relance appellera nécessairement une succession de vecteurs juridiques. En vertu du principe d’annualité des crédits budgétaires (articles 1 et 6 de la loi organique relative aux lois de finances de 2001), les crédits de paiement ne pourront être ouverts qu’au fil des ans jusqu’à l’exécution complète de France Relance. Si ce programme s’achève à l’horizon 2025, un ensemble de 10 lois de finances et de financement de la sécurité sociale (auxquelles s’ajouteraient les lois rectificatives) serait ainsi susceptible de mettre en œuvre ces mesures.

42À ce stade initial de l’exécution du plan, le contour de ces différents vecteurs juridiques est imprécis. Il est d’autant plus incertain que l’articulation entre le PIA 4 (20 Md€) et le plan de relance n’est pas encore totalement clarifiée. Le risque élevé de pérennisation de certaines mesures ne fait qu’accroître cette incertitude.

B – Une diversité d’acteurs responsables du plan et de parties prenantes à son exécution

43L’orientation à la fois sectorielle et transversale du plan de relance, son ampleur (68 mesures) et son calendrier échelonné conduisent à une multiplication des acteurs publics responsables de sa mise en œuvre. Aux côtés de l’État stricto sensu, qui porterait environ 86 % du financement du programme (cf. supra), un ensemble large d’acteurs publics sera chargé de réaliser le plan de relance au fil des ans : établissements publics, institutions à statut particulier (Caisse des dépôts, Bpifrance), administrations de sécurité sociale, collectivités locales. À titre d’illustration, si la mesure « stratégie de relance de la R&D – Agence nationale de la recherche (ANR) » doit être financée par l’État à hauteur de 400 M€, c’est bien cet établissement public qui sera responsable de financer la recherche fondamentale en prenant compte de la diversité des besoins disciplinaires.

44Au-delà des administrations formellement responsables de la mesure, l’exécution et le succès de France Relance reposeront sur de nombreuses parties prenantes. Des mesures les plus précises (« anticipations de commande dans le cadre du plan aéronautique », « verdissement des ports ») aux plus larges (« mise à niveau numérique des TPE, PME et ETI », « relocalisation : soutien aux projets industriels dans les territoires »), l’efficacité et l’efficience du plan reposeront sur l’engagement coordonné d’une chaîne très étendue d’acteurs incluant en particulier des entreprises du secteur privé et les collectivités locales.

45Dès lors, le pilotage de France Relance suppose d’effectuer un suivi approfondi et dans la durée des mesures, excédant donc la seule vérification du décaissement des moyens financiers associés à chacune des mesures. Un tel suivi est d’autant plus nécessaire lorsque les crédits budgétaires sont transférés d’un seul coup par l’État à l’un de ses opérateurs (comme l’ANR), qui exécutera ensuite la mesure pendant plusieurs années. Ce pilotage risque de s’inscrire dans le temps long : dans un rapport sur le programme d’investissements d’avenir (PIA), la Cour des comptes avait constaté fin 2015 que seuls 40 % des crédits du premier PIA, datant de 2010, avaient été décaissés. Il est vraisemblable que la conduite des projets d’investissement de France Relance suive un calendrier semblable.

46Décisif, le pilotage du plan de relance sera pourtant rendu délicat par le caractère horizontal que présentent de nombreuses mesures, qui relèvent à ce titre du champ de plusieurs administrations. La portée interministérielle des mesures telles que « aides à l’innovation, projets d’innovation des filières stratégiques » (1,95 Md€) ou l’ « aide au développement d’une offre de tourisme durable » (50 M€) est ainsi évidente. La conduite de France Relance sera en conséquence interministérielle, bien que cette démarche de coordination administrative soit rendue délicate par l’imposante diversité des mesures. Le caractère composite – et par certains égards hétéroclite – de l’ensemble des 68 mesures est effectivement pregnant. Pour couvrir des champs aussi vastes que l’immobilier public, la culture, la pêche, l’agriculture, le nucléaire, les internats d’excellence, le tourisme durable, les réseaux électriques ou encore la restauration universitaire, la gouvernance administrative du programme sera déterminante.

47À cet effet, une gouvernance spécifique a été annoncée au niveau politique, auprès du Premier ministre (conseil de suivi de la relance) comme du ministre de l’économie, des finances et de la relance (comité de pilotage). Au niveau administratif, les missions interministérielles de la direction du budget sont renforcées. Cette dernière est effectivement rendue responsable de l’ensemble des programmes de la mission « Plan de relance » (plus d’un tiers des moyens du plan de relance), poursuivant ainsi le choix fait en 2010. Dans une logique de déclinaison de France Relance sur les territoires, la nomination de sous-préfets chargés de mettre en œuvre la relance a par ailleurs été indiquée.

48Ce portage politique de haut niveau, accompagné d’une déclinaison administrative opérationnelle, apparaissent adaptés aux enjeux de pilotage du plan de relance. L’efficacité de la gouvernance reposera néanmoins sur sa stabilité dans la durée. Elle est pourtant affectée par le risque d’une érosion progressive de cette gouvernance, notamment à compter de mi-2022. À ce titre, le maintien, tout au long de l’exécution de France Relance, d’un engagement politique de haut niveau sera un critère déterminant du succès de la mise en œuvre du programme. Similairement, l’inclusion dans la durée de l’ensemble des parties prenantes au plan de relance, en particulier le secteur privé et les collectivités locales, sera essentielle à la portée du programme.

Conclusion

49Par son ampleur, sa portée pluriannuelle et son ambition transversale, le plan de relance représente un défi administratif. Les incertitudes qui demeurent au stade de lancement du programme, notamment relatives à son incidence financière et à son calendrier, devraient être rapidement levées. À cet égard, il importera d’examiner les dispositions de la loi de finances pour 2021, qui doit constituer le principal véhicule juridique de France Relance. Au-delà, il conviendra d’effectuer dès la fin de l’année 2021 un premier bilan de mise en œuvre, pour examiner les actions déjà exécutées et s’assurer de la qualité et de la pérennité de la gouvernance du plan de relance.

Bibliographie

  • A. BARILARI (2010), « Les instruments financiers et fiscaux dans le plan de relance en France », Revue française de finances publiques, avril 2010.
  • B. CIEUTAT (2010), « Quelques réflexions sur le plan de relance français », Revue française de finances publiques, avril 2010.
  • Cour des comptes, La mise en œuvre du plan de relance de l’économie française, communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, juillet 2010.
  • Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2011.
  • Cour des comptes, Le programme d’investissements d’avenir, décembre 2015.
  • Haut Conseil des finances publiques, Avis relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021, septembre 2020.

Date de mise en ligne : 04/01/2021

https://doi.org/10.3166/gfp.2020.6.002

Notes

  • [1]
    Cour des comptes, rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2011.
  • [2]
    A. Barilari (2010).
  • [3]
    Cour des comptes, juillet 2010, La mise en œuvre du plan de relance de l’économie française.
  • [4]
    Cour des comptes, juillet 2010, La mise en œuvre du plan de relance de l’économie française.
  • [5]
    Exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2021 et article 55 du même projet portant création du PIA 4.
  • [6]
    Il s’agit de la cotisation foncière des entrperises (CFE), de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe foncière sur les proriétés bâties (TFPB).
  • [7]
    Le coût de la mesure se serait ainsi élevé à 10 Md€ dans le premier cas et 30 Md€ dans le second, et non 20 Md€.
  • [8]
    Le déficit public est ici exprimé en comptabilité nationale. Ce choix comptable est indispensable au regard de la diversité des acteurs publics chargés de leur mise en œuvre (État, opérateurs, administrations de sécurité sociale, collectivités locales).
  • [9]
    Projet de loi de finances pour 2021 : « La France devrait bénéficier d’une enveloppe d’environ 40 Md€ pour financer une partie des mesures de son plan de relance national. Cette enveloppe est toutefois susceptible d’évoluer en fonction de l’évolution réelle du PIB français en 2021 et 2021 relativement à celui des autres États membres ».
  • [10]
    Projet de loi de finances pour 2021.
  • [11]
    Avis n° HCFP-2020-5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021.
  • [12]
    Programme 348 – Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants.
  • [13]
    Cour des comptes, note d’exécution budgétaire sur la mission Action et transformation publiques.
  • [14]
    Cour des comptes, juillet 2010, La mise en œuvre du plan de relance de l’économie française.
  • [15]
    Avis n° HCFP-2020-5 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021.
  • [16]
    À vocation temporaire et placé hors de la norme de dépenses pilotables de l’État.
  • [17]
    Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

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