Notes
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[1]
Pour une grammaire de la décentralisation, Laurent Davezies et Yves Morvan - Positions.
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[2]
Dans des termes qui en éclairent la portée (ou la limitent, pourrait-on soutenir…) : « Son (i.e. de la France) organisation est décentralisée. » (Cf. article premier).
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[3]
Passant de 10.4 % en 1986 à 14.3 % en 2018 d’après « regards sur la fiscalité locale 1986-2018 - Banque Postale ».
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[4]
Sous la double vigilance du juge (des comptes et de la légalité) et du citoyen.
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[5]
Loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale. Jusque-là, les collectivités se bornaient à voter un produit global, dont la répartition mécanique entre les assiettes des « quatre vieilles » relevait d’une science mystérieuse.
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[6]
Source rapport OFGL 2019.
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[7]
Source : Conseil des impôts 1989 - 10e rapport consacré à la fiscalité locale.
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[8]
Voir notre chronique de décembre 2017 sur le site d’Alternatives économiques, M Wolf, « Taxe d’habitation : la classe politique dans la nasse » : https://blogs.alternatives-economiques.fr/wolf/2017/12/21/taxe-d-habitation-la-classe-politique-dans-la-nasse.
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[9]
Voir notamment le rapport Guichard « Vivre Ensemble » de 1976 qui inspirera l’ensemble des réformes de la décentralisation et de l’intercommunalité.
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[10]
Le coût brut pour l’État est estimé à 23 Mds€ 2020 et 17 Mds€ nets des compensations.
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[11]
Dont la conséquence la plus visible aurait été néanmoins de prendre dans la poche des millions de contribuables concernés.
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[12]
Présidée par MM Bur et Richard suite à lettre de mission du 12 octobre 2017.
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[13]
Décision n°2017-758 DC du 28 décembre 2017.
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[14]
De préférence la contribution sociale généralisée : relire en ce sens le discours du 18 juillet 2017, lors de la conférence nationale des territoires.
-
[15]
Prendre l’année précédente comme fait générateur de l’attribution de quote-part de TVA plutôt que l’année en cours permet à l’État d’économiser une année de dynamique. Appliquer aux bases 2020 les taux votés en 2017 plutôt que ceux de 2019 permet de contrecarrer les effets d’aubaine, mais pas les phénomènes de passagers clandestins qui ont habilement joué sur une baisse des abattements.
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[16]
Communiqué du groupe de travail fiscalité de l’AFIGESE du 5 août 2019.
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[17]
D’après le rapport Bur/ Richard la part entreprise de la TFPB représente 41,2 % du produit de la taxe.
-
[18]
Effets « de levier / de massue » selon que l’on était en prélèvement ou en abondement.
-
[19]
Comme son nom l’indique, ce « coco » corrigera pour les communes le futur produit de TF en fonction du gain / de la perte de produit global par rapport au total TH + ancienne TF propre.
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[20]
Par contre, l’effet taux futur n’intervient pas dans le calcul du différentiel. C’est dire que pour les communes surcompensées, la hausse du produit sera plus que proportionnelle lorsque le conseil votera une augmentation de l’impôt (a contrario pour celles sous compensées).
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[21]
Le cabinet « Ressources consultants finances » a calculé qu’en prolongeant la tendance des 4 dernières années aux différents impôts concernés (TVA/FB), le coût global au bout de 10 années pourrait représenter un quart de l’enveloppe de DGF actuelle.
-
[22]
Alors que la VL des logements se caractérise par une grande inertie (car elle ne bouge chaque année que du coefficient forfaitaire d’actualisation fixé en loi de finances et de l’évolution physique de l’habitat qui est ordinairement lente), la valeur locative des locaux professionnels reflète les mutations du tissu économique qui est susceptible de varier localement de manière beaucoup plus brutale (à la hausse ou à la baisse). La légitimité d’un transfert de 3 Mds€ fondé sur la seule conservation de ces situations historiques et circonstancielles (le poids relatif des locaux d’activité en 2020, ainsi que le rapport à la même date entre les taux communaux et ceux du département) ne pourra que s’éroder dans le temps.
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[23]
Variation entre - 47 % et + 31 % d’après M. Klopfer, « Revue du gestionnaire public », août 2019.
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[24]
« Les ascenseurs de la Zup, contrôle populaire et autogestion municipale », M Wolf et J Osselin, Maspero 1979.
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[25]
Voir notre chronique de janvier 2019, M Wolf, « Taxe d’habitation : les enjeux de la décentralisation » : https://blogs.alternatives-economiques.fr/wolf/2018/01/10/taxe-d-habitation-les-enjeux-de-la-decentralisation
-
[26]
Rapport d’octobre 2016 sur les concours financiers de l’État et les disparités de dépenses du bloc communal.
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[27]
Voir R Epstein, « Gouverner à distance : quand l’État se retire des territoires », édition Esprit 2006.
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[28]
La critique qui suit n’enlève rien à la conviction que la maîtrise de la dépense publique inefficace comme de la dette excessive, dont on sait qu’elle ne peut monter jusqu’au ciel, est d’hygiène publique.
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[29]
Par exemple note d’analyse de « France Stratégie », n° 80, juillet 2019.
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[30]
La science de la gestion publique démontre que l’optimum est approché quand l’arbitrage permet d’adosser la désutilité du prélèvement à l’utilité collective de la dépense. Sur un autre ton, lire aussi : « Le modèle allemand : chiche, mais il faut tout prendre », P Laurent (secrétaire général de l’AMF), La Gazette, 13 janvier 2020.
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[31]
Voir en ce sens O Wolf, rubrique analyse Gazette des communes, 16 avril 2018.
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[32]
Extrait de R Dosière, M Wolf, « La commune, son budget ses comptes », réédition 1988.
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[33]
La difficulté de l’exercice consistant néanmoins à localiser l’assiette de la taxe (au niveau de la résidence et non de l’emploi) et à dépasser les conséquences techniques pour le circuit traditionnel des URSSAF.
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[34]
Une contribution locale sur le revenu global serait aujourd’hui aisée à mettre en œuvre. Il suffirait qu’elle soit proportionnelle (assise sur le revenu fiscal de référence - RFR) pour que l’imposition locale prenne mieux en compte la capacité contributive des habitants. Le vote du taux par l’assemblée délibérante valoriserait au maximum la responsabilité fiscale des élus, du fait de l’extrême sensibilité de tout ce qui touche à la taxation du revenu. Le recouvrement devrait être quasi contemporain de sa perception (par prélèvement périodique sur le compte du foyer à partir des données de la déclaration sociale nominative - DSN), perspective qui serait grandement facilitée par une simplification du PAS (prélèvement à la source appliqué depuis 2019) grâce à la généralisation d’un régime d’acomptes contemporains (voir en ce sens notre chronique de décembre 2018, M Wolf, « Prélèvement à la source : propositions pour réformer la réforme » : https://blogs.alternatives-economiques.fr/wolf/2018/12/31/prelevement-a-la-source-propositions-pour-reformer-la-reforme
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[35]
Les activités industrielles évaluées selon la méthode comptable ou soumises à la redevance spéciale ou disposant de leur propre circuit de valorisation des déchets font déjà l’objet d’un traitement disjoint.
La suppression de la taxe d’habitation s’inscrit dans la réduction progressive de l’autonomie fiscale des collectivités mais aura des effets inattendus sur de multiples aspects de la gestion financière locale. Il faudra donc poursuivre la transformation de la fiscalité locale, soit par l’achèvement de la reprise en mains des finances des collectivités par l’État, soit par une reconstruction de l’autonomie fiscale du bloc communal autour d’impôts territorialisés.
1Pour l’analyse qui suit, on conviendra de définir la décentralisation comme un mode de gestion publique où la responsabilité de répondre aux besoins est déléguée à une autorité élue par les citoyens concernés en vue d’une meilleure prise en compte de l’intérêt territorial. Longtemps source de conflit entre « l’ordre central » et « la société locale » [1], elle est désormais reconnue comme une évidence, au moins dans le discours, et peu s’aventurent à remettre le principe en cause au point qu’il a été inscrit dans la Constitution à l’occasion de la révision du 28 mars 2003 [2].
2Mais, dès qu’on applique le principe aux finances publiques, deux visions concurrentes s’opposent dans les esprits et dans la loi. La première privilégie une conception intégrée où au nom de sa responsabilité sur les grands équilibres macro-économiques, l’État ne laisse aux échelons décentralisés qu’une compétence de mise en œuvre, présentée comme l’expression du concept de subsidiarité. La seconde s’appuie sur l’autonomie fiscale, comme double levier de démocratie et d’efficacité.
3En dépit de cette hésitation, il n’en demeure pas moins qu’au fil des ans, de transferts de compétences en réponses aux nouveaux besoins locaux, la fiscalité locale a pris une importance croissante dans les prélèvements obligatoires [3] posant avec d’autant plus d’acuité la question du poids de l’impôt, et en corollaire celle de la capacité contributive des citoyens, ainsi que celle de sa répartition territoriale.
4En répondant à ces tensions par la suppression sèche de la taxe d’habitation, le Président de la République a pu donner le sentiment de faire vivre ses derniers moments au régime de libre administration tel qu’il avait été sacralisé par les actes I et II de la décentralisation [4]. Sauf que ce qui est perçu par d’aucuns comme une phase ultime de glaciation pourrait offrir paradoxalement une opportunité de reconstruire. Car sur ce champ sinon de ruines, en tous cas devenu illisible, il est permis d’imaginer des scénarii de rebond, conciliant responsabilité locale et adhésion réfléchie des citoyens aux disciplines partagées dont le pays a besoin.
1 – L’agonie du modèle de finances locales associé aux grandes lois de décentralisation
5On raconte volontiers qu’avec la réforme du 10 janvier 1980 [5], les assemblées locales avaient acquis une première grande liberté fiscale, celle de fixer des taux différenciés sur chaque taxe locale. Quarante années plus tard le panel d’impôt sur lequel les élus ont une capacité de modulation apparait singulièrement atrophié. Ainsi en 2018 les impôts à pouvoir de taux ne représentaient plus que 65,4 Mds€ soit 28 % des 232 Mds€ de recettes des collectivités [6] au lieu de plus de 40 % cinquante plus tôt [7], proportion encore ramenée à 18 % sans la taxe d’habitation (et désormais concentrée sur le seul bloc communal).
A – Même sous son apparence de big-bang, la suppression de la taxe d’habitation relève plus d’une évolution que d’une révolution
6En proposant durant la campagne présidentielle d’exonérer de taxe d’habitation quatre français sur cinq, le candidat Macron, au-delà du coup politique réussi [8], a entraîné un profond chamboulement dans l’équilibre et l’architecture du système fiscal local pensé à la fin des années 70 [9]. Faute d’assumer politiquement les transferts financiers massifs entre groupes d’intérêts qu’aurait immanquablement entraînés une réforme des valeurs locatives, et à défaut de corriger l’incapacité du dispositif à approcher la capacité contributive de chacun dès lors que la prise en compte du revenu restait aléatoire et marginale, l’extinction quasi complète est vite apparue comme la solution la plus expédiente. Pour 10 Mds€ de plus, le sacrifice de la recette au péril de la dette publique [10] aura ainsi prévalu sur l’alternative du remplace ment par un nouvel impôt mieux distribué [11] ou seulement fléché vers le 1/5e des plus hauts revenus non concernés initialement par la promesse de campagne.
7Une transformation fiscale d’ambition s’appuie généralement sur un diagnostic et une base documentaire étoffée, ainsi du rapport « Fouquet » relatif à la taxe professionnelle, préalable à la décision politique. Ici, l’originalité de la réforme réside avant tout en son caractère improvisé, même si l’exposé des motifs n’a pas manqué d’invoquer les vices de l’existant repérés de longue date. Cette impréparation initiale a pu, en grande partie, être corrigée par le rapport de la mission sur la refonte de la fiscalité locale [12] au prix de bricolages à répétition : définition des plafonds de revenus pour coller aux 80 % d’exonération annoncés, ajout d’un mécanisme de dégressivité pour lisser les effets de seuils, mécanismes anti-optimisation pour les collectivités locales. Sans spéculer sur une anticipation cynique, la suppression complète au bénéfice des contribuables les plus aisés a trouvé un prétexte idéal dans l’attendu de la décision du Conseil constitutionnel [13] se réservant de réexaminer « la façon dont sera traitée la situation des contribuables restant assujettis à la taxe » au regard du principe d’égalité devant la charge publique.
8L’idée initiale prêtée au Président de la République de compenser la suppression de la taxe d’habitation du bloc communal par une part d’impôt national [14] s’est articulée avec le scénario favori des associations d’élus (auquel s’est rangé le Comité des finances locales) pour privilégier à la sortie un redéploiement de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Au final, c’est l’option qu’a retenue le gouvernement dans la loi de finances pour 2020, reprenant ainsi l’hypothèse centrale de la mission sur la fiscalité locale, en l’occurrence le glissement de la taxe foncière départementale vers les communes et une compensation par une part de TVA pour les départements et les intercommunalités. Pour ce faire, il a fallu que l’État assume le léger différentiel et qu’il garantisse la tuyauterie sous forme d’un prélèvement sur le compte d’avance. Le rêve d’un dégrèvement permanent souhaité par les élus locaux n’aura pas survécu au risque pour l’État de devoir supporter, du fait de la désensibilisation totale entre bénéficiaire et payeurs, des effets cumulés de bases et de taux.
9Ce coup, que nul n’avait imaginé jusque-là, sur un tiers des prélèvements locaux sur les ménages - et une ressource emblématique entre toutes - s’inscrit pourtant dans la continuité d’une décomposition, apparemment inarrêtable, du modèle historique de financement des collectivités qui mérite d’être revisitée.
10Dans cette histoire confuse de la fiscalité directe locale, les quatre vieilles ont vécu une suite d’atteintes sous des formes et des degrés d’importance variable. Cela a pu être doux comme la réduction de base d’imposition appliquée à plusieurs reprises sur la taxe professionnelle : réduction d’une fraction (16 %) puis de la totalité de la part salaire en 1983 et 1999, abattement général de 16 % des bases en 1987 ou encore réduction de la fraction « recettes » en 2003. Cela a été souvent plus brutal avec une attrition pure et simple de l’assiette : ainsi la suppression des parts départementales et régionales de taxe foncière non bâtie à usage agricole en 1993 ou celle de la part régionale de la taxe d’habitation en 2001. Cela a pu être encore plus agressif avec la nationalisation du taux d’imposition lorsque la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises s’est substituée à une partie de la taxe professionnelle. Si ces mesures de réduction de produit ont été compensées aux collectivités, bien que généralement sous une forme figée (quand elles n’étaient pas considérées comme une variable d’ajustement des dotations), elles n’en ont pas moins constitué une atteinte définitive au pouvoir fiscal des conseils locaux.
11Le socle juridique constitutionnel est venu consacrer l’abandon des vieilles idées. Ainsi la loi organique du 29 juillet 2004, en disposant que pour la définition des ressources propres garanties par l’article 72-2 de la Constitution la loi détermine « par collectivité, le taux ou une part locale d’assiette », a retiré aux collectivités toute protection contre le basculement de leurs ressources vers des impôts nationaux sur lesquels les élus locaux n’ont par définition aucune marge de manœuvre. Puis, dans le même esprit, la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2009 a théorisé ce renversement de conception sur la responsabilité fiscale locale. En précisant « qu’il ne résulte ni de l’article 72-2 de la constitution, ni d’aucune disposition de nature constitutionnelle que les collectivités territoriales bénéficient d’une autonomie fiscale », le Conseil a en conscience effacé celle-ci au profit d’une autonomie financière qui n’est plus dès lors qu’une liberté de dépenser.
12Cependant, ces transformations empilées de la fiscalité locale n’ont pas encore complètement épuisé le processus. Par exemple, les récentes déclarations de certaines organisations patronales relayées par le gouvernement sur la fiscalité dite « de production » laissent à penser que la contribution foncière des entreprises pourrait être la prochaine cible désignée. Surtout, la suppression de la taxe d’habitation, aussi radicale qu’elle paraisse, est loin d’avoir diffusé l’ensemble de ses effets.
B – Les effets de bords de la réforme de l’impôt sur les ménages obligeront à y revenir très rapidement
13Chaque réforme d’ampleur génère immanquablement de puissants effets de réplique qui se dévoilent à l’usage, certains pouvant néanmoins être d’ores et déjà appréhendés.
14Au-delà des querelles de second ordre sur la compensation « à l’euro près » ou « la base datée » retenue pour le calcul des contreparties [15], une crainte se fait déjà jour quant à la capacité des collectivités privées de levier fiscal à faire face à un retournement de conjoncture. C’est le cas des départements qui voient leurs ressources de stock remplacées par des financements adossés sur des flux pro-cycliques, à l’instar de la taxe sur la valeur ajoutée ou des droits de mutations. Il a ainsi été simulé [16] qu’un évènement dépressif similaire à celui constaté en 2009 conduirait une majorité d’entre eux dans une impasse financière faute de filet de sécurité (la garantie accordée qu’ils disposeront d’un produit au moins égal à celui transféré à l’origine, n’ayant de portée qu’à court terme, avant que le glissement monétaire de longue durée n’ait pris le dessus). De même les territoires fragiles économiquement seront plus sensibles aux effets des fermetures d’entreprises sur leur recette de taxe foncière [17], en particulier quand ils sont héritiers d’une richesse industrielle ancienne. Par construction, l’effet d’amortissement aux chocs s’amenuise à mesure que les ressources fiscales perdent en diversité.
15Lors de la réforme de la taxe professionnelle, les écarts (nets de la dotation de compensation) entre ressources supprimées et recettes de remplacement avaient été réglés par le truchement d’un fonds de garantie intra collectivité aux montants cristallisés générateur de beaucoup de dommages collatéraux [18]. Pour échapper à ce reproche, le gouvernement a imaginé cette fois-ci un dispositif original : un « coefficient correcteur » [19] sera appliqué directement aux nouvelles ressources, ce qui garantit une dynamique du nouveau produit fiscal quasi équivalente à celle du périmètre de l’ancien panier fiscal [20]. Si, du fait de l’intermédiation du compte d’avance, cette innovation présente l’avantage politique de rendre invisible le prélèvement, la question de l’acceptabilité se posera immanquablement lorsque les contribuables des communes surcompensées, majoritairement rurales, s’apercevront concrètement qu’une part de leurs cotisations n’alimente pas leurs budgets locaux mais est reversée aux communes sous compensées plutôt urbaines.
16Figé sans limite de durée, ce ratio de redistribution équilibré à l’échelle nationale peut par ailleurs être analysé comme un mécanisme d’assurance, pervers au cas d’espèce comme une loterie entre deux hypothèses dont nul ne sait à ce stade de quel côté le sort tombera. Première hypothèse, le total pondéré des bases des communes surcompensées progresse plus vite que celui des sous compensées, auquel cas le Trésor économisera sur sa participation au compte d’avance : imagine-t-on l’accueil du gouvernement au congrès des maires ? Seconde hypothèse, un peu plus probable parce que les territoires métropolitains tendent à dominer dans les communes sous-compensées, les bases de celles-ci progressent globalement plus fortement et l’État devra remettre au pot d’exercice en exercice : le jeu pourrait vite devenir insupportable pour Bercy, et l’histoire a montré comment ça se termine alors [21].
17L’encart ci-dessous illustre les enjeux aléatoires du « coco », qui tiennent pour beaucoup au choix malencontreux qui a été fait de ne pas extourner la part professionnelle de la TF dans un dispositif destiné à compenser une imposition, la TH, assise exclusivement sur la valeur locative des locaux d’habitation [22].
L’instabilité du dispositif de compensation par le « Coco »
- les bases de TF des logements progressent uniformément de 1 % par an ;
- les bases professionnelles de TF représentent 50 % du total dans les communes sous-compensées, et progressent de 2 % par an ;
- elles n’en représentent que 40 % dans les communes sur-compensées (pour un gain annuel de 0,5 %),
En M d’euros | Par an | 2020 | 2025 | ||
---|---|---|---|---|---|
Compensation | TF pro : | 50 % | 2,0 % | 1 645 | 1 817 |
3 291 | TF hab : | 50 % | 1,0 % | 1 645 | 1 729 |
1,5 % | 3 291 | 3 546 | |||
Reversement | TF pro : | 40 % | 0,5 % | - 1 175 | - 1 205 |
- 2 937 | TFn hab : | 60 % | 1,0 % | - 1 762 | - 1 852 |
0,8 % | - 2 937 | - 3 057 | |||
Charge du Trésor | 6,7 % | - 353 | - 489 |
18La suppression de la taxe d’habitation impactera indirectement d’autres politiques publiques. Ainsi celle de la péréquation sera, comme cela avait été le cas lors de la réforme de la taxe professionnelle, fortement perturbée par la modification de l’indicateur de mesure de la richesse théorique des collectivités qu’est le potentiel financier, pivot de nombreuses dotations. Pour les départements, la substitution d’une composante de type effort fiscal (bases TFB x taux historique = fraction de TVA) à une composante de type potentiel (bases TFB x taux moyen national) pourrait être particulièrement violente [23]. Pour les communes, l’impact dépendra du rapport relatif entre le taux de taxe foncière départemental récupéré et celui de taxe d’habitation perdu. À défaut de mesures correctives spécifiques, il sera par conséquent difficile de justifier que les dotations de péréquation évoluent à la hausse ou à la baisse alors que les recettes budgétaires réelles resteront par construction identiques. Injustice supplémentaire, les allocations compensatrices versées par l’État, plus fortes dans les territoires où les personnes de condition modestes sont nombreuses, seront compensées sur la base du taux de taxe d’habitation de l’année 1991 et pas celui de l’année de référence de la réforme, figeant ainsi ces inégalités.
19Les politiques du logement subiront de la même manière un contrecoup difficilement évaluable à ce stade. La nouvelle liaison des taux entre la taxe foncière et la TH des résidences secondaires affaiblira la capacité des élus, notamment en zones tendues, à peser efficacement sur le marché immobilier. L’incitation à construire du logement social, notamment dans les quartiers en politique de la ville où les bailleurs bénéficient d’un abatte ment de tout ou partie de l’assiette de taxe foncière (les communes n’étant, il est vrai, déjà plus compensées aujourd’hui qu’à hauteur de 40 %), s’effondrera dès lors que ces dernières ne disposeront plus d’autres ressources pour financer les charges liées à ces nouveaux habitants.
20Surtout cette réforme présente un risque majeur à moyen terme sur le consentement à l’impôt en reportant le financement marginal de la gestion de proximité sur les seuls propriétaires. Tocqueville plaidait que la décentralisation n’avait pas seulement une valeur libérale, mais portait aussi une vertu civique en ce qu’elle entretient les occasions pour le peuple de s’intéresser aux affaires publiques. On a pu écrire que l’arbitrage le plus déterminant pour que les citoyens prennent en main les affaires de leur collectivité est « celui qui tranche entre le poids des impôts supplémentaires supportable et le volume indispensable des réalisations nouvelles [24] ». La proximité, corollaire de la démocratie locale, est synonyme aussi d’un contact plus direct et quotidien entre élus et électeurs. La pression de l’impôt sur les décideurs locaux est donc beaucoup plus forte qu’au niveau central où elle est médiatisée au travers de la représentation nationale, des groupes d’intérêt et du filtre de l’administration. Dans le même sens, la théorie professe que c’est par cette « douleur » de la taxation, prix équilibrant l’offre politique et la demande collective, que l’on responsabilise le mieux le couple élu/électeur. Dès lors que cette force de rappel disparait, et qu’une grande partie de la population est désensibilisée à la contribution commune fondée sur l’article 13 de notre Déclaration des droits, les élus locaux auront encore moins d’états d’âme à céder à la surenchère permanente de besoins par définition illimités. Pourrait alors très rapidement venir une crise de la dernière contribution de proximité, qu’il faudra, comme l’histoire fiscale locale l’a enseigné, désamorcer par un nouveau cycle d’allégements d’abord financés par l’État, puis compensés de plus en plus incomplètement avant de disparaitre définitivement.
21Pour ces raisons, notre intuition est que la suppression de la taxe d’habitation marque le point de départ d’une transformation encore plus structurelle du financement local décentralisé plutôt qu’un point d’arrivée stabilisant le système au moins pour quelques années. Si bien que sous le poids des contradictions et des externalités, le gouvernement n’aura d’autre choix que de remettre l’ouvrage sur le métier, ouvrant la voie à deux scenarii d’esprit et de consistance diamétralement opposés.
2 – Deux voies de reconstruction semblent envisageables sur le capharnaüm qu’est devenu le financement des collectivités
22En reprenant le présupposé que le niveau de dépense locale, tant en fonctionnement courant qu’en investissement, ne peut être laissé à la seule logique exponentielle des besoins ressentis, deux modèles de régulation peuvent revendiquer la suite de l’histoire. Le premier met en avant les exigences de soutenabilité et de cohérence inspirées par une conception intégrée des finances publiques, tandis que le second modèle tend à exprimer une conception plus ambitieuse de la décentralisation où l’autonomie de gestion n’est pas seulement financière, mais comporte une capacité de décision fiscale aussi encadrée soit-elle dans le respect de normes nationales.
A – Une logique fruste de délégation de la dépense est dans l’air du temps
23Il ne serait pas incongru d’interpréter la suppression de la taxe d’habitation comme une étape supplémentaire - et assurément décisive - d’un long processus de reprise en main par le ministère des finances. Dans cette vision de la gouvernance financière, l’action publique décentralisée est comprise comme un levier parmi d’autres d’une politique économique nationale qui ne supporte pas la dispersion des initiatives face aux enjeux internationaux et aux engagements européens [25]. Si l’on accepte la démonstration de la Cour des comptes quant aux déterminants de la dépense locale [26], en l’occurrence la prépondérance des variables de ressources, on comprend volontiers cette obstination à supprimer toute autonomie fiscale, démonstration encore renforcée par la corrélation entre baisse forcée des dotations et modération des dépenses des collectivités sur le précédent quinquennat.
24Plusieurs autres signaux convergents accréditent une telle lecture.
25Considérée comme la source de tous les maux, la clause générale de compétence, qui donne à la collectivité une capacité d’intervention presqu’universelle sans qu’il soit nécessaire que la loi procède à une énumération de ses attributions, a été supprimée pour les régions et départements par la loi NOTRe. Si on a pu mettre en exergue les gaspillages et inefficacités induits par le doublonnage de l’action publique dans certains champs d’intervention (notamment économique), cette clause, basée sur la notion d’intérêt public local, reste une source utile d’innovation et d’adaptabilité qui aide à répondre aux besoins émergents. En spécialisant la dépense à l’instar des établissements publics, les collectivités s’assimilent de plus en plus à de simples opérateurs publics chargés de mettre en œuvre au niveau territorial des politiques décidées nationalement : ainsi des politiques sociales des départements ou encore de la formation professionnelle pour les régions. Il n’est pas certain dans ce contexte que le droit à la différenciation (pour certaines compétences et normes) proposé dans le projet de loi constitutionnelle permette effectivement de « répondre aux besoins d’innovation et de liberté des collectivités », ni qu’il constituera « un nouvel approfondissement de la décentralisation », comme le clament les rapporteurs du groupe de travail constitué à cet effet.
26L’ancienne tutelle préfectorale a été remplacée par des mécanismes de régulation basés sur la coopération et le marchandage. Le développement d’outils de gouvernement à distance [27] constitue un mode détourné pour peser/orienter les décisions des collectivités, voire mettre en concurrence les territoires. Les contractualisations, appels à projets, ou autres cofinancements permettent à l’État de garder l’initiative dans des champs qu’il ne maîtrise plus totalement mais également de piloter des pans entiers de la dépense locale, ces ressources devenant essentielles dès lors que l’arbitrage décentralisé du prélèvement a disparu. À titre d’exemple, la perception de la dotation politique de la ville, recette de péréquation des communes, est conditionnée par la signature d’une convention avec le représentant de l’État qui va bien au-delà du respect des objectifs du contrat de ville dès lors qu’elle intègre par circulaire des enjeux de politique nationale comme le plan pauvreté ou la politique éducative, à l’appréciation prétorienne (quand elle n’est pas « politicienne ») des préfectures.
27Le paroxysme de cette reprise en main s’illustre presque caricaturalement par la fixation d’un objectif d’évolution de la dépense locale (Odedel) [28]. Alors que le Parlement ou la Cour des comptes plaident une amélioration de la performance de gestion au travers la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes locaux, la conjonction des deux logiques d’encadrement budgétaire et de sincérité financière suscite des interrogations quant à son efficacité à long terme. En effet, il n’est pas rare de constater que les approches punitives, en l’espèce réduire les dotations ou les investissements en cas de dérapage de la dépense ou de la dette au-delà d’une norme, peuvent produire des phénomènes pervers avec des résultats inverses à ceux recherchés. On peut parier que la qualité comptable s’en ressentira immanquablement, faussant d’autant le calcul du risque et encourageant des comptes Potemkine, potentielles bombes à retardement budgétaires. Le désastre des emprunts toxiques nous rappelle que le respect des normes formelles peut cacher les pires sottises sous l’empire de la nécessité électorale et du jeu des experts fous.
28Sans doute, la configuration verticale défendue par Bercy, convaincu que c’est pure folie de laisser s’échapper le monopole de fixer la hauteur des impôts, est-elle dominante en Europe (ainsi au Royaume-Uni, ou en Allemagne). En l’état, les études comparatives [29] montrent que, globalement, la France se caractérise par une plus faible décentralisation des dépenses publiques (20 % contre 31 %) en moyenne, essentiellement du fait de moindres transferts en matière d’éducation et de santé. Néanmoins la part des recettes fiscales y est un peu plus forte et les collectivités françaises conservent une plus grande capacité de modulation du taux et de l’assiette. Lors de son discours au congrès des maires 2019, le Président de la République a fustigé le « fétichisme français pour l’autonomie fiscale » et clairement affiché sa préférence « Je regarde les grands pays décentralisés autour de nous […] Ils ont une chambre qui discute chaque année des ressources affectées aux collectivités, clairement à chaque niveau. Peut-être faut-il en arriver à ça ». À notre sens, le vice congénital d’une telle conception de la décentralisation est d’encourager l’irresponsabilité politique et citoyenne, ne laissant derrière elle que la surenchère des « gens » et des élus coalisés contre la surdité d’en haut (les élites ou l’Europe…) face au « vrai besoin ». Qui peut imaginer qu’il sorte de ce risque populiste une rationalité des arbitrages [30] ?
29D’où il suit qu’à contre-pied, on trouvera bien meilleure réponse à la nécessaire régulation des dépenses décentralisées en revenant au contribuable « qui en veut pour son argent ». Sauf qu’au point où nous sommes rendus, le réalisme invite à centrer cette revendication civique sur le bloc communal tant l’affaire semble malheureusement entendue pour les départements et les régions.
B – Il est permis de construire un scénario alternatif d’autonomie fiscale comme double levier de démocratie et d’efficacité
30Plutôt que de poser une rustine pour tenter de faire survivre quelques années supplémentaires un financement local à bout de souffle, la suppression de la taxe d’habitation fournit une occasion inattendue de repenser l’architecture du système [31] en remettant le contribuable local au centre du dispositif. Cet enjeu majeur de démocratie locale offre aussi l’opportunité d’une modernisation administrative en redonnant du sens à l’impôt local sous réserve que l’autonomie plus robuste qui serait accordée aux élus locaux vienne en contrepartie d’une responsabilité renforcée : « dans la cité, pour dire quelle est la bonne hauteur de la fiscalité ou la meilleure pondération entre les multiples objectifs de la gestion municipale, il n’y a pas de vérité managériale, mais le dialogue entre les administrés et les élus [32] ».
31Une fiscalité locale moderne et acceptée devrait reposer sur trois principes directeurs. i/ L’assiette doit être pertinente : l’impôt local étant aussi la contrepartie du service public, il doit être à la fois citoyen et adossé aux réalités tant économiques que territoriales. Pour cette raison, une meilleure économie de l’impôt local doit chercher à réduire la logique indiciaire du système pour intégrer davantage une dimension comptable moderne (valeur ajoutée, valeur vénale ou revenu tiré d’un actif, revenu global). ii/ L’impôt doit être universel et équitable : personne ne peut être totalement exonéré de l’effort commun, mais celui-ci doit être aussi fonction de la capacité contributive de chacun. Si la pure fonction de redistribution trouve difficilement sa place au niveau local, la contribution locale ne saurait non plus prendre le caractère d’une simple redevance pour services rendus, incompatible avec la nature même du service public qu’elle a vocation à financer. Dès lors, l’existence d’une cotisation ménage minimale équilibrée par une meilleure prise en compte du revenu doit permettre de surmonter les phénomènes de passagers clandestins et de biais dans les choix électoraux. iii/ L’impôt doit être lisible par sa spécialisation réelle pour que chacun sache qui paye quoi. Cet aspect avait été plutôt amélioré avec la réforme fiscale de 2009 et, paradoxalement, pourrait l’être aussi grâce à la redescente de la taxe foncière départementale sur les communes. La confiance des citoyens envers leurs élus passe par la connaissance de la manière dont chaque euro de contribution est utilisé. Cette clarté facilite les comparaisons entre collectivités et peut contribuer significativement à la modération lors du vote des taux.
32Il est communément admis que la reconstruction d’un impôt citoyen ne pourra se faire en créant une nouvelle taxation. Loin de la proposition caricaturale de « poll tax » mise en avant par le rapport Bur/Richard, il aurait pourtant été possible de s’appuyer en 2020 sur le dernier tiers de dégrèvement et les 10 Mds de cotisations des 20 % des ménages les plus riches ; mais l’annonce présidentielle de la suppression complète de la TH a politiquement tué cette hypothèse. Dans le même esprit, un transfert d’une part de contribution sociale généralisée (ou de la contribution au remboursement de la dette sociale dont l’assiette revenu est plus large et dont l’extinction est programmée en 2024) assortie d’un taux local modulable et encadré aurait pu répondre partiellement à cet objectif pour les département [33] en lieu et place d’une quote-part de TVA.
33Une alternative, pour le bloc communal, pourrait être de s’appuyer sur la taxe finale sur la consommation d’électricité (TFCE) qui constitue l’archétype du bon impôt prélevé sur les ménages. Il est localisable et représente donc une base objective du fait d’habiter. Il est écologique car, du fait de sa relative élasticité-prix, la consommation d’énergie réduit lorsque le tarif augmente. Il repose surtout sur une assiette large et des taux faibles tout en procurant un rendement non négligeable (plus de 1,5 Mds€). Sa principale limite pour constituer un réel impôt citoyen provient de son absence de caractère redistributif, qui pourrait se corriger en introduisant par ailleurs une composante liée au revenu sans que cela nécessite une révolution législative ou informatique [34].
34Le principal enjeu réside avant tout à l’étage où il y a le moins de fiscalité ménage, c’est-à-dire celui de l’intercommunalité. La théorie économique, en l’occurrence celle du fédéralisme fiscal, démontre que les choix de prélèvement obligatoire ou de production du bien public local par une collectivité ont des conséquences sur les autres collectivités. Celles-ci peuvent être horizontales, ainsi de la concurrence par l’impôt qui est exacerbée par un morcellement accru de la carte administrative et la mobilité des bases, ou verticales en cas de superposition des contributions quand la décision d’un niveau de gouvernance affecte les recettes d’un autre niveau. L’intercommunalité apparait dès lors comme l’échelon administratif le plus pertinent pour internaliser ces externalités. Pour donner sens au principe « pas de taxation sans représentation », son renforcement sur le terrain fiscal passe assurément par une évolution accentuée du mode de scrutin vers le suffrage universel direct. D’un point de vue technique, l’antique taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) qui pèse pour 7 Mds€ pourrait glisser, à l’initiative locale, vers cet autre impôt citoyen intercommunal. Il conviendrait pour ce faire, d’une part, de séparer la participation des redevables professionnels [35] et, d’autre part, de revenir sur l’affectation de la recette au financement exclusif de la compétence déchets ménagers, ce qui n’est qu’un trivial sujet de tuyauterie.
35Complémentaire ou alternative, une seconde voie existe du côté de la taxe foncière des communes. Avec la suppression de la taxe d’habitation, celle-ci devient l’impôt ménage le plus important en termes de ressources fiscales modulables. L’impôt foncier taxe les ménages pour 60 % et les entreprises pour 40 %. Il serait raisonnable de séparer la détermination de la taxe foncière professionnelle du vote portant sur celle des ménages car elles n’ont pas le même objet de démocratie fiscale. Afin d’éviter qu’une augmentation pèse sur une seule catégorie de contribuables, une solution de liaison des taux serait aisée à concevoir. Ce schéma ouvrirait à terme une double possibilité :
- que cette TF ménage redevienne à l’avenir, une fois les valeurs locatives rénovées, le support d’un authentique impôt communal politiquement responsable. On pourrait commencer très vite par proposer une information vers l’occupant du montant que paye son propriétaire bailleur afin que le locataire ne soit pas hors-jeu, sans exclure par la suite une redistribution de tout ou partie des futures augmentations en lien avec la reconfiguration de la TEOM esquissée plus haut. Sauf pour l’assemblée délibérante à juger que les mécanismes du marché locatif suffisent à assurer une bonne répercussion de la dépense locale vers les bénéficiaires réels de la vie communale ;
- que la TF entreprise soit éclatée selon la méthode d’évaluation (entre assiette indiciaire et assiette comptable, laquelle par exemple n’existe pas en Allemagne), évoluant ensuite de manière différenciée afin de rééquilibrer la taxation des services par rapport à celle de l’industrie dans un contexte de compétition sur les impôts de production.
36Cette proposition, impliquerait une adaptation des flux entre communes et intercommunalités par le mécanisme des attributions de compensation et le solde des dotations. Elle permettrait de sortir par le haut de l’impasse du coefficient correcteur dénoncée supra.
Conclusion
37La capacité à assurer à tous les citoyens le socle de service public auquel ils ont droit ne peut être garantie que si le financement fiscal est adossé sur une part de dotations d’État, qui remplit parallèlement une fonction d’équité puisqu’elle compense les écarts spontanés de potentiel financier entre territoires et assure une meilleure proportion entre consommations publiques et pression fiscale. Une réforme fiscale locale d’ampleur ne peut être menée indépendamment d’un profond reformatage de la péréquation, en premier lieu au travers d’une mobilisation des ressources dédiées de manière purement conservatoire à la compensation de la suppression de la TH, une fois passé le délai du deuil pour les communes. C’est bien dans le couplage de ces deux enjeux qu’un nouvel acte de la décentralisation trouvera à la fois modernité et prise sur le réel.
Notes
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[1]
Pour une grammaire de la décentralisation, Laurent Davezies et Yves Morvan - Positions.
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[2]
Dans des termes qui en éclairent la portée (ou la limitent, pourrait-on soutenir…) : « Son (i.e. de la France) organisation est décentralisée. » (Cf. article premier).
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[3]
Passant de 10.4 % en 1986 à 14.3 % en 2018 d’après « regards sur la fiscalité locale 1986-2018 - Banque Postale ».
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[4]
Sous la double vigilance du juge (des comptes et de la légalité) et du citoyen.
-
[5]
Loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale. Jusque-là, les collectivités se bornaient à voter un produit global, dont la répartition mécanique entre les assiettes des « quatre vieilles » relevait d’une science mystérieuse.
-
[6]
Source rapport OFGL 2019.
-
[7]
Source : Conseil des impôts 1989 - 10e rapport consacré à la fiscalité locale.
-
[8]
Voir notre chronique de décembre 2017 sur le site d’Alternatives économiques, M Wolf, « Taxe d’habitation : la classe politique dans la nasse » : https://blogs.alternatives-economiques.fr/wolf/2017/12/21/taxe-d-habitation-la-classe-politique-dans-la-nasse.
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[9]
Voir notamment le rapport Guichard « Vivre Ensemble » de 1976 qui inspirera l’ensemble des réformes de la décentralisation et de l’intercommunalité.
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[10]
Le coût brut pour l’État est estimé à 23 Mds€ 2020 et 17 Mds€ nets des compensations.
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[11]
Dont la conséquence la plus visible aurait été néanmoins de prendre dans la poche des millions de contribuables concernés.
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[12]
Présidée par MM Bur et Richard suite à lettre de mission du 12 octobre 2017.
-
[13]
Décision n°2017-758 DC du 28 décembre 2017.
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[14]
De préférence la contribution sociale généralisée : relire en ce sens le discours du 18 juillet 2017, lors de la conférence nationale des territoires.
-
[15]
Prendre l’année précédente comme fait générateur de l’attribution de quote-part de TVA plutôt que l’année en cours permet à l’État d’économiser une année de dynamique. Appliquer aux bases 2020 les taux votés en 2017 plutôt que ceux de 2019 permet de contrecarrer les effets d’aubaine, mais pas les phénomènes de passagers clandestins qui ont habilement joué sur une baisse des abattements.
-
[16]
Communiqué du groupe de travail fiscalité de l’AFIGESE du 5 août 2019.
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[17]
D’après le rapport Bur/ Richard la part entreprise de la TFPB représente 41,2 % du produit de la taxe.
-
[18]
Effets « de levier / de massue » selon que l’on était en prélèvement ou en abondement.
-
[19]
Comme son nom l’indique, ce « coco » corrigera pour les communes le futur produit de TF en fonction du gain / de la perte de produit global par rapport au total TH + ancienne TF propre.
-
[20]
Par contre, l’effet taux futur n’intervient pas dans le calcul du différentiel. C’est dire que pour les communes surcompensées, la hausse du produit sera plus que proportionnelle lorsque le conseil votera une augmentation de l’impôt (a contrario pour celles sous compensées).
-
[21]
Le cabinet « Ressources consultants finances » a calculé qu’en prolongeant la tendance des 4 dernières années aux différents impôts concernés (TVA/FB), le coût global au bout de 10 années pourrait représenter un quart de l’enveloppe de DGF actuelle.
-
[22]
Alors que la VL des logements se caractérise par une grande inertie (car elle ne bouge chaque année que du coefficient forfaitaire d’actualisation fixé en loi de finances et de l’évolution physique de l’habitat qui est ordinairement lente), la valeur locative des locaux professionnels reflète les mutations du tissu économique qui est susceptible de varier localement de manière beaucoup plus brutale (à la hausse ou à la baisse). La légitimité d’un transfert de 3 Mds€ fondé sur la seule conservation de ces situations historiques et circonstancielles (le poids relatif des locaux d’activité en 2020, ainsi que le rapport à la même date entre les taux communaux et ceux du département) ne pourra que s’éroder dans le temps.
-
[23]
Variation entre - 47 % et + 31 % d’après M. Klopfer, « Revue du gestionnaire public », août 2019.
-
[24]
« Les ascenseurs de la Zup, contrôle populaire et autogestion municipale », M Wolf et J Osselin, Maspero 1979.
-
[25]
Voir notre chronique de janvier 2019, M Wolf, « Taxe d’habitation : les enjeux de la décentralisation » : https://blogs.alternatives-economiques.fr/wolf/2018/01/10/taxe-d-habitation-les-enjeux-de-la-decentralisation
-
[26]
Rapport d’octobre 2016 sur les concours financiers de l’État et les disparités de dépenses du bloc communal.
-
[27]
Voir R Epstein, « Gouverner à distance : quand l’État se retire des territoires », édition Esprit 2006.
-
[28]
La critique qui suit n’enlève rien à la conviction que la maîtrise de la dépense publique inefficace comme de la dette excessive, dont on sait qu’elle ne peut monter jusqu’au ciel, est d’hygiène publique.
-
[29]
Par exemple note d’analyse de « France Stratégie », n° 80, juillet 2019.
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[30]
La science de la gestion publique démontre que l’optimum est approché quand l’arbitrage permet d’adosser la désutilité du prélèvement à l’utilité collective de la dépense. Sur un autre ton, lire aussi : « Le modèle allemand : chiche, mais il faut tout prendre », P Laurent (secrétaire général de l’AMF), La Gazette, 13 janvier 2020.
-
[31]
Voir en ce sens O Wolf, rubrique analyse Gazette des communes, 16 avril 2018.
-
[32]
Extrait de R Dosière, M Wolf, « La commune, son budget ses comptes », réédition 1988.
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[33]
La difficulté de l’exercice consistant néanmoins à localiser l’assiette de la taxe (au niveau de la résidence et non de l’emploi) et à dépasser les conséquences techniques pour le circuit traditionnel des URSSAF.
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[34]
Une contribution locale sur le revenu global serait aujourd’hui aisée à mettre en œuvre. Il suffirait qu’elle soit proportionnelle (assise sur le revenu fiscal de référence - RFR) pour que l’imposition locale prenne mieux en compte la capacité contributive des habitants. Le vote du taux par l’assemblée délibérante valoriserait au maximum la responsabilité fiscale des élus, du fait de l’extrême sensibilité de tout ce qui touche à la taxation du revenu. Le recouvrement devrait être quasi contemporain de sa perception (par prélèvement périodique sur le compte du foyer à partir des données de la déclaration sociale nominative - DSN), perspective qui serait grandement facilitée par une simplification du PAS (prélèvement à la source appliqué depuis 2019) grâce à la généralisation d’un régime d’acomptes contemporains (voir en ce sens notre chronique de décembre 2018, M Wolf, « Prélèvement à la source : propositions pour réformer la réforme » : https://blogs.alternatives-economiques.fr/wolf/2018/12/31/prelevement-a-la-source-propositions-pour-reformer-la-reforme
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[35]
Les activités industrielles évaluées selon la méthode comptable ou soumises à la redevance spéciale ou disposant de leur propre circuit de valorisation des déchets font déjà l’objet d’un traitement disjoint.