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Article de revue

Le contrôle des recettes du budget européen du point de vue de la lutte contre la fraude

Pages 126 à 130

Notes

  • [1]
    Les opinions exprimées par l’auteur le sont à titre personnel et n’engagent pas l’institution à laquelle il appartient.
  • [2]
    Règlement (UE, Euratom) n° 883/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 septembre 2013 relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), JO L 248, 18.9.2013, p. 1-22. Ce règlement est actuellement en cours de révision.
  • [3]
    Le rapport PIF pour l’année 2017 est disponible à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/anti-fraud/sites/antifraud/files/pif_report_2017_fr.pdf
  • [4]
    Les autres ressources propres traditionnelles, à savoir les cotisations dans le secteur du sucre, se sont élevées à 0,1 milliard d’euros en 2017.
  • [5]
    Le rapport d’activités de l’OLAF pour 2017 est disponible à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/anti-fraud/sites/antifraud/files/olaf_report_2017_fr.pdf.
  • [6]
    Règlement (CE) n° 515/97 du Conseil relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole, modifié en dernier lieu par le règlement (UE) 2015/1525 du Parlement Européen et du Conseil du 9 septembre 2015, JO L 243, 18.9.2015, p. 1-12.
  • [7]
    Règlement (Euratom, CE) n° 2185/96 du Conseil du 11 novembre 1996 relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités, JO L 292, 15.11.1996, p. 2-5.
  • [8]
    Il s’agit principalement du Système d’information douanier (SID) sur les cas de fraude douanière, du Fichier d’identification des dossiers d’enquêtes (FIDE) sur les enquêtes en cours dans les États membres, de la base de données sur les mouvements de conteneurs (CSM), et de la base de données sur les importations, exportations et opérations de transit (IET).
  • [9]
    Règlement (UE) n° 250/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 établissant un programme pour la promotion d’actions dans le domaine de la protection des intérêts financiers de l’Union européenne (programme « Hercule III ») et abrogeant la décision n° 804/2004/CE, JO L 84, 20.3.2014, p. 6-13.
  • [10]
    Le programme AFIS est fondé sur le règlement (CE) n° 515/97 et soutient les activités opérationnelles relatives à l’assistance administrative mutuelle entre les autorités douanières des États membres.
  • [11]
    Décision-cadre 2002/465/ JAI du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d’enquête, OJ L 162, 20.6.2002, p. 1-3.
  • [12]
    Sur cette base des arrangements ont été ainsi conclus avec les administrations douanières de l’Australie, du Belarus, de la Chine, de la Moldavie, de l’Ukraine et de Taïwan.
  • [13]
    Par exemple, la douane française a annoncé le recrutement supplémentaire de 700 agents entre 2018 et 2020.
  • [14]
    Rapport spécial n° 19/2017 : Procédures d’importation : les intérêts financiers de l’UE pâtissent d’insuffisances au niveau du cadre juridique et d’une mise en œuvre inefficace.
  • [15]
    Règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen, JO L 283, 31.10.2017, p. 1-71.

L’office européen de lutte anti-fraudes (OLAF) joue un rôle essentiel pour rechercher les fraudes au détriment du budget européen. Il effectue des enquêtes et soutient l’action des douanes des États-membres. Il s’adapte à l’arrivée du Parquet financier européen.

1La question du contrôle du budget européen est souvent abordée sous l’angle du contrôle politique par le Parlement européen ou sous l’angle du contrôle financier par la Cour des comptes européenne. Cette question est rarement traitée du point de vue de la lutte contre la fraude, notamment à travers l’action de l’Office européen de lutte antifraude, l’OLAF. C’est ce que cette présentation se propose de faire en particulier en ce qui concerne les recettes du budget de l’Union européenne.

1 – Le cadre juridique de la lutte contre la fraude au budget européen

2La lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union est régie par l’article 325 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Cette lutte relève de la responsabilité de l’Union et des États membres. Elle est réalisée par des mesures qui doivent être dissuasives et offrir une protection effective des intérêts financiers de l’Union.

3Les États membres doivent, d’une part, prendre les mêmes mesures pour combattre la fraude au budget européen que celles qu’ils prennent pour combattre la fraude à leur budget national. C’est l’application du principe du traitement national. Ils doivent, d’autre part, coordonner leur action visant à protéger le budget de l’Union contre la fraude. Cette coordination se fait entre les autorités nationales compétentes dans le cadre d’une collaboration étroite et régulière avec la Commission.

4Au niveau de l’Union, le Parlement européen (PE) et le Conseil arrêtent les mesures nécessaires dans les domaines de la prévention et de la lutte contre la fraude en vue d’offrir une protection effective et équivalente dans les États membres ainsi que dans les institutions, organes et organismes de l’Union. C’est sur cette base qu’a été adopté le règlement 883/2013 relatif aux enquêtes de l’OLAF [2]. La Commission, en coopération avec les États membres, adresse chaque année au PE et au Conseil un rapport sur les mesures prises pour lutter contre la fraude. Ce rapport avec ses annexes (connu également sous le nom de rapport PIF) fournit chaque année par secteur un aperçu du respect par les États membres de leurs obligations en vertu de la législation applicable, ainsi que des observations de la Commission sur leurs performances [3].

5Dans ce contexte, l’OLAF joue un rôle particulier dans le contrôle du budget de l’Union : c’est le seul service habilité au niveau européen à mener des enquêtes administratives sur des cas de fraude au détriment du budget européen. En matière de recettes, l’action de l’OLAF porte essentiellement sur la protection des ressources propres traditionnelles, principalement les droits de douanes, qui représentaient en 2017 environ 15 % des recettes de l’Union, soit 20,4 milliards d’euros [4].

6En tant que ressources propres, les droits de douane sont perçus par les États membres pour le compte de l’Union européenne. Ceux-ci versent 80 % du montant total au budget de l’Union et retiennent les 20 % restants à titre de frais de perception.

2 – Rôle et moyens de l’OLAF

7La mission de l’OLAF est de détecter les cas de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, de réaliser des enquêtes sur ces cas et de faire cesser ces agissements. Les pouvoirs de l’OLAF sont définis par le règlement 883/2013 précité. L’OLAF peut tout d’abord enquêter sur des cas concernant toutes les dépenses à la charge de l’Union, telles que celles qui relèvent des fonds structurels, des fonds concernant la politique agricole et le développement rural, les dépenses directes et l’aide extérieure. Ensuite, l’OLAF peut effectuer des enquêtes en ce qui concerne certaines recettes de l’Union, principalement les droits de douane. Enfin, l’Office est compétent pour enquêter sur tous soupçons de faits graves commis par les membres des institutions et organes de l’Union. En pratique, l’OLAF concentre son action sur la résolution de cas de fraude où l’incidence financière est la plus élevée et sur les enquêtes complexes pour lesquelles son approche transeuropéenne constitue une valeur ajoutée dans la lutte contre la fraude.

8S’agissant de son statut, l’OLAF fait partie de la Commission européenne et est, à ce titre, placé sous la responsabilité du commissaire chargé du budget. Cependant, dans l’exécution de son mandat d’enquête, l’OLAF agit en toute indépendance et est soumis au contrôle d’un comité de surveillance composé de cinq experts externes indépendants. Enfin, son directeur général est soumis à des règles particulières : il est nommé par la Commission après consultation du PE et du Conseil pour sept ans non renouvelables. Il ne peut ni solliciter ni recevoir des instructions et peut même poursuivre la Commission devant la Cour de justice de l’Union européenne, par exemple si son indépendance est mise en danger par une décision de la Commission.

9Les enquêtes de l’OLAF se déroulent selon le schéma suivant. L’OLAF procède tout d’abord à une évaluation des informations reçues afin de déterminer s’il existe des motifs suffisants pour ouvrir une enquête. Si la réponse est positive, une enquête administrative est alors ouverte et effectuée par les agents de l’Office, le cas échéant en collaboration avec les autorités nationales compétentes, en vue de rechercher des éléments de preuve, à charge et à décharge. L’OLAF peut aussi apporter une aide aux enquêtes antifraude des autorités nationales. En 2017, l’OLAF a ainsi ouvert au total 215 enquêtes et clôturé 197 enquêtes. Rappelons ici que l’OLAF ne peut conduire que des enquêtes administratives et n’a pas le pouvoir de conduire des enquêtes pénales.

10A l’issue de son enquête, l’OLAF établit un rapport qui comporte notamment les faits constatés, le cas échéant une évaluation du préjudice financier et les conclusions de l’enquête, y compris les recommandations du directeur général de l’OLAF sur les suites qu’il convient de donner à l’affaire. L’OLAF n’a, en effet, pas de pouvoir direct de sanction. Les recommandations d’action à mener par les autorités concernées de l’Union ou des États membres peuvent être de nature financière, judiciaire, disciplinaire ou administrative. En 2017, l’OLAF a ainsi adressé 309 recommandations aux autorités compétentes de l’Union et des États membres et demandé le recouvrement global de 3,1 milliards d’euros à restituer au budget de l’Union, dont 2,7 milliards concernaient des recettes. Ce chiffre élevé est dû à la clôture par l’OLAF de cas importants de minoration de valeur au cours de l’année. Si l’OLAF n’a pas de pouvoir de sanction direct, il effectue néanmoins un suivi des mesures prises par les autorités concernées à travers son rapport annuel d’activités [5], qui est différent du rapport PIF précité, afin d’évaluer l’impact de son action dans la lutte contre la fraude et de mieux adapter l’aide à apporter aux autorités nationales.

11Enfin l’OLAF dispose d’un certain nombre de moyens pour lui permettre de mener à bien sa mission. Sur le plan juridique, l’OLAF peut agir sur le fondement de plusieurs règlements européens : le règlement 883/2013 préalablement cité, le règlement 515/97 sur l’assistance mutuelle en matière douanière [6], et le règlement 2185/96 sur les contrôles et vérifications sur place [7]. L’OLAF dispose également de moyens logistiques et techniques, notamment à travers le système d’information antifraude (AFIS) qui est une plateforme permettant l’échange sécurisé d’informations et donnant accès à diverses applications [8]. Concernant les moyens humains, l’OLAF reste un office de taille modeste. Il compte moins de 500 agents, répartis dans diverses unités qui sont regroupées dans quatre directions. En matière de recettes, l’OLAF compte deux unités d’enquêtes, une unité de soutien et d’analyse, et une unité politique. Enfin, l’OLAF peut s’appuyer sur les programmes Hercule [9] et AFIS [10] qui lui permettent de mener des activités de soutien opérationnel et d’assistance technique, y compris la fourniture d’équipements, la mise en œuvre d’actions de formation et l’organisation d’ateliers, séminaires et autres évènements.

3 – Activités opérationnelles de l’OLAF en matière de recettes

12L’OLAF exerce un certain nombre d’activités opérationnelles pour lutter contre la fraude en matière de recettes. Tout d’abord, comme souligné plus haut, l’OLAF peut mener des enquêtes administratives. Fin 2017, sur les 362 enquêtes administratives de l’OLAF en cours, 51 enquêtes portaient sur les recettes (44 dans le secteur de la douane et du commerce, et 7 dans le secteur du tabac et de la contrefaçon). Ces enquêtes peuvent être effectuées à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union. A l’intérieur de l’Union, les enquêtes consistent alors en des contrôles et vérifications dans les locaux des opérateurs économiques en vue notamment de collecter des données sous tout format, de rassembler des preuves et d’auditionner les personnes concernées. En second lieu, il peut s’agir de missions d’enquête dans les pays tiers. Ce sont des missions communautaires de coopération et d’enquête administratives dans des pays tiers qui sont coordonnées par l’OLAF en coopération étroite avec les États membres dans le cadre d’accords d’assistance administrative mutuelle en matière douanière conclus entre l’Union et des pays tiers.

13A l’heure actuelle, de tels accords ont été conclus avec plus de 80 pays dans le monde, y compris avec les principaux partenaires commerciaux de l’Union, tels que les États-Unis, la Chine et le Japon.

14Il convient à ce propos de préciser que les rapports établis par l’OLAF, que ce soient les rapports d’enquêtes dans l’Union ou les rapports de mission communautaire dans les pays tiers, constituent des éléments de preuve admissibles dans les procédures administratives et judiciaires, y compris pénales, des États membres, au même titre et dans les mêmes conditions que les rapports établis par les enquêteurs nationaux.

15L’OLAF exerce ensuite des activités de coordination et de soutien. En plus des enquêtes relatives à des cas de fraude aux recettes, l’OLAF coordonne ou apporte son soutien à des opérations douanières conjointes à grande échelle réunissant des partenaires opérationnels nationaux, européens et internationaux. Ces opérations consistent en des actions ciblées de contrôle, d’une durée limitée, visant à lutter contre la contrebande de marchandises sensibles et la fraude dans certaines zones ou sur certaines routes commerciales à risque. Ainsi, en 2017, l’OLAF a coordonné ou soutenu onze opérations douanières conjointes dans des secteurs aussi divers que les pièces détachées d’automobiles, la contrebande de tabac acheminé par transport routier, les mouvements d’argent liquide ou la minoration de valeur. Par ailleurs, l’OLAF coordonne l’action des États membres en matière de lutte contre la fraude douanière lorsque celle-ci présente une dimension européenne. Enfin, l’OLAF apporte un soutien aux autorités judiciaires et aux autorités chargées de faire respecter la loi. A cet égard, les agents de l’OLAF peuvent être désignés comme experts dans les équipes communes d’enquêtes [11], experts dans le cadre d’enquêtes judiciaires leur permettant de participer à certaines actions, ou encore experts-témoins devant les tribunaux.

16Pour être pleinement efficace compte tenu de la nature transnationale de la fraude douanière, l’OLAF coopère avec des acteurs extérieurs à l’Union. Il coopère notamment avec les autorités douanières des pays tiers à travers les accords d’assistance administrative mutuelle en matière douanière précités ou les arrangements administratifs conclus par l’OLAF en vertu de l’article 14 du règlement 883/2013 [12]. L’Office coopère également avec des organisations européennes (comme par exemple Europol, Eurojust, Frontex ou l’Office de la propriété intellectuelle de l’Union) et internationales (par exemple l’Organisation mondiale des douanes), et avec le secteur privé (par exemple en matière de lutte contre la contrefaçon).

4 – Les différents types de fraude aux recettes

17En matière de recettes, les cas de fraude douanière susceptibles de faire l’objet d’enquêtes de la part de l’OLAF sont de différents types. Il y a tout d’abord la fausse déclaration d’origine qui consiste à dissimuler le pays d’origine des marchandises importées afin d’éluder les droits de douane et éventuellement les droits antidumping. A titre d’exemple, on peut citer le cas des panneaux solaires chinois faussement déclarés d’origine taïwanaise. En 2017, l’OLAF a clôturé 7 enquêtes dans ce secteur avec des recommandations financières adressées aux États membres concernés pour un total de 228 millions d’euros. Il y a ensuite la minoration de valeur qui est un mécanisme par lequel les droits de douane et la TVA sont éludés en déclarant une valeur en douane faussement sous-évaluée pour les produits importés. On peut ici citer le cas mis au jour par l’OLAF des chaussures et des produits textiles chinois considérablement sous-évalués lors de leur importation au Royaume-Uni portant sur une fraude aux droits de douane de près de 1,9 milliard d’euros sur une période de trois ans, et impliquant des groupes criminels organisés internationaux. Il y a enfin la fausse déclaration d’espèce qui consiste à faire une déclaration erronée de la classification de la marchandise dans la nomenclature combinée pour payer moins de droits et taxes.

18En dehors de ces cas de fraude douanière classique, il existe d’autres types de fraude comme la fraude au transit. On peut mentionner les cas révélés par l’OLAF dans son rapport d’activités 2017 concernant les procédures de transit contournées non seulement par l’utilisation abusive du régime douanier 42, permettant aux opérateurs d’échapper au paiement de la TVA dans le pays de destination sur les marchandises importées, mais aussi par le piratage à distance des systèmes informatiques nationaux de transit et les pots-de-vin offerts aux agents des douanes. On peut enfin mentionner la contrebande qui est une importation ou exportation sans aucune déclaration aux douanes et qui a été constaté dans les secteurs des biens de consommation à circulation rapide (tels que les aliments emballés, les boissons, les produits de toilette ou les médicaments en vente libre), des cigarettes et des pesticides. Ces différents cas de fraude sont détaillés dans le rapport d’activités 2017 de l’OLAF.

5 – Les défis à relever en matière de fraude aux recettes

19Les douanes sont aujourd’hui confrontées à une équation difficile à résoudre. Elles ont de plus en plus de déclarations en douane à traiter, en raison de l’accroissement du commerce mondial, mais en même temps elles doivent se plier à la nécessité de traiter les opérations commerciales avec toujours plus de rapidité et de manière dématérialisée. Leur travail est devenu beaucoup plus compliqué, en raison même de la complexité des circuits commerciaux, dans un contexte général de réduction de personnel même si, dans la perspective du Brexit, le recrutement de douaniers supplémentaires a été annoncé [13].

20Afin de ne pas entraver le commerce légitime, les contrôles sont donc principalement réalisés sur la base d’une analyse de risque préalable permettant aux douanes d’identifier des envois suspects sur la base de critères préétablis. Cependant, les douanes ne disposent pas nécessairement de toutes les informations dont elles ont besoin pour effectuer une analyse de risque efficace. En plus, l’insuffisante harmonisation et coordination des contrôles douaniers dans l’Union permet aux fraudeurs de tirer avantage de cette situation et de repérer les points d’entrée dans l’Union où les contrôles sont les moins stricts. Les réseaux criminels organisés ciblent ainsi ces maillons faibles pour faire entrer frauduleusement des marchandises dans l’Union. Cette situation a été dénoncée notamment dans un rapport récent de la Cour des comptes européenne [14].

21Un autre défi est lié au développement du commerce électronique qui est un marché en plein essor représentant une préoccupation constante pour les douanes en termes de risques financiers (droits de douane et TVA) compte tenu notamment du nombre croissant d’envois de faible valeur importés en franchise de droits et taxes dans l’Union. L’un des problèmes à cet égard est que la plupart de ces envois ne sont actuellement pas soumis à une déclaration en douane, ce qui limite les possibilités d’une analyse de risque appropriée pour orienter les contrôles qui, de ce fait, sont essentiellement effectués de manière aléatoire.

22Enfin, les enquêtes menées par l’OLAF en matière de minoration de valeur ont permis de mettre en lumière deux faits importants. Tout d’abord, toute lacune dans la réglementation ou la capacité opérationnelle, par exemple la facilité avec laquelle les procédures douanières peuvent être contournées, est exploitée par les fraudeurs qui sont aujourd’hui bien organisés et disposent de moyens conséquents. Ensuite, il apparaît que la fraude à la quantité, par opposition à la fraude à la qualité, est une activité rentable. Les délinquants ne cherchent plus nécessairement à frauder sur des marchandises très chères. L’évasion des droits et taxes sur des produits bon marché (par exemple des produits textiles) est tout aussi profitable, voire plus, lorsqu’elle porte sur de très grandes quantités. Cette situation appelle à un meilleur ciblage et à une meilleure coordination des contrôles et des enquêtes au niveau européen entre les douanes des États membres et avec l’OLAF.

Conclusion – Perspectives

23La lutte contre la fraude en matière de recettes va connaître des changements importants dans les années qui viennent. L’idée que les douanes des États membres doivent agir comme une seule et même entité et avoir une action plus harmonisée et coordonnée en matière de contrôles au niveau de l’Union fait son chemin. Une telle approche est cruciale pour garantir des règles du jeu équitables à l’intérieur de l’Union douanière et éviter que les fraudeurs ne choisissent les bureaux de douane d’importation où les contrôles sont les moins exigeants. Dans ce contexte, l’OLAF pourrait avoir un rôle important à jouer.

24Le recours aux outils informatiques pour l’analyse des données à des fins de lutte contre la fraude devrait se poursuivre et s’intensifier, accélérant ainsi la mutation des douanes vers des administrations modernes et tournées de plus en plus vers les nouvelles technologies. Afin d’améliorer l’analyse des risques financiers et de mieux cibler les contrôles il est impératif que les douanes des États membres et l’OLAF puissent avoir accès à certaines informations concernant les mouvements de marchandises, notamment dans le cadre du commerce électronique. En outre, la coopération internationale pour lutter contre la fraude, notamment à travers la conclusion de nouveaux accords bilatéraux d’assistance administrative mutuelle ou la révision d’accords existants (par exemple avec la Chine) devrait être améliorée et renforcée.

25Enfin l’arrivée du Parquet financier européen [15] comme nouvel acteur dans la lutte contre la fraude va nécessairement entraîner une certaine redistribution des tâches parmi les autres acteurs impliqués dans cette lutte comme l’OLAF. La valeur ajoutée du futur parquet financier européen est double : en premier lieu, le Parquet européen sera compétent pour lutter contre la grande criminalité transfrontière portant atteinte au budget de l’Union, y compris les cas graves de fraude transfrontière à la TVA, et pourra mener des enquêtes pénales, ce que l’OLAF ne peut pas faire. En second lieu, le Parquet européen, qui sera composé d’un procureur par pays membre et de procureurs européens délégués au sein de chaque pays avec à sa tête un chef du Parquet européen assisté de deux adjoints, pourra exercer des poursuites pénales directement devant les juridictions nationales, ce que l’OLAF n’est pas non plus habilité à faire. Il convient de noter toutefois que le Parquet européen ne sera opérationnel que dans les États membres qui ont décidé d’y participer.

26L’architecture du nouveau dispositif de lutte contre la fraude confère au Parquet européen et à l’OLAF des rôles complémentaires. Le Parquet européen sera compétent pour les enquêtes pénales tandis que l’OLAF continuera de mener des enquêtes administratives dans tous les pays membres sur les irrégularités et les fraudes portant préjudice aux intérêts financiers de l’Union. Dans ce contexte, l’OLAF consultera le Parquet européen et travaillera en étroite coordination avec lui. Cette répartition des compétences devrait permettre d’assurer la protection la plus large et la plus efficace possible du budget de l’Union.

27La révision du règlement 883/2013 dont l’objectif est de tenir compte de la création du Parquet européen, de renforcer l’efficacité de la fonction d’enquête de l’OLAF, et de clarifier et simplifier certaines dispositions du règlement, est un élément central de ce nouveau dispositif. La proposition de la Commission est toujours en discussion au sein du Conseil et du PE. De plus, l’évaluation (en cours) des mécanismes d’assistance administrative mutuelle pour lutter contre la fraude douanière mis en place par le règlement 515/97 précité a notamment pour objectif d’identifier d’éventuelles faiblesses et lacunes à corriger. En fonction du résultat de cette évaluation et de l’étude d’impact qui pourrait suivre, la Commission pourrait faire des propositions législatives pour modifier le règlement actuel mais pas avant 2020.

28Comme on vient de le voir, le paysage institutionnel et juridique dans le domaine de la lutte contre la fraude portant atteinte au budget européen va connaître des changements importants dans les années qui viennent. Ces changements devraient contribuer à rendre cette lutte mieux coordonnée et plus efficace. Dans ce contexte, l’OLAF continuera à jouer un rôle majeur dans la lutte contre la fraude au détriment du budget européen, notamment la fraude en matière de recettes.


Date de mise en ligne : 14/01/2020

https://doi.org/10.3166/gfp.2019.6.017

Notes

  • [1]
    Les opinions exprimées par l’auteur le sont à titre personnel et n’engagent pas l’institution à laquelle il appartient.
  • [2]
    Règlement (UE, Euratom) n° 883/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 septembre 2013 relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), JO L 248, 18.9.2013, p. 1-22. Ce règlement est actuellement en cours de révision.
  • [3]
    Le rapport PIF pour l’année 2017 est disponible à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/anti-fraud/sites/antifraud/files/pif_report_2017_fr.pdf
  • [4]
    Les autres ressources propres traditionnelles, à savoir les cotisations dans le secteur du sucre, se sont élevées à 0,1 milliard d’euros en 2017.
  • [5]
    Le rapport d’activités de l’OLAF pour 2017 est disponible à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/anti-fraud/sites/antifraud/files/olaf_report_2017_fr.pdf.
  • [6]
    Règlement (CE) n° 515/97 du Conseil relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole, modifié en dernier lieu par le règlement (UE) 2015/1525 du Parlement Européen et du Conseil du 9 septembre 2015, JO L 243, 18.9.2015, p. 1-12.
  • [7]
    Règlement (Euratom, CE) n° 2185/96 du Conseil du 11 novembre 1996 relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités, JO L 292, 15.11.1996, p. 2-5.
  • [8]
    Il s’agit principalement du Système d’information douanier (SID) sur les cas de fraude douanière, du Fichier d’identification des dossiers d’enquêtes (FIDE) sur les enquêtes en cours dans les États membres, de la base de données sur les mouvements de conteneurs (CSM), et de la base de données sur les importations, exportations et opérations de transit (IET).
  • [9]
    Règlement (UE) n° 250/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 établissant un programme pour la promotion d’actions dans le domaine de la protection des intérêts financiers de l’Union européenne (programme « Hercule III ») et abrogeant la décision n° 804/2004/CE, JO L 84, 20.3.2014, p. 6-13.
  • [10]
    Le programme AFIS est fondé sur le règlement (CE) n° 515/97 et soutient les activités opérationnelles relatives à l’assistance administrative mutuelle entre les autorités douanières des États membres.
  • [11]
    Décision-cadre 2002/465/ JAI du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d’enquête, OJ L 162, 20.6.2002, p. 1-3.
  • [12]
    Sur cette base des arrangements ont été ainsi conclus avec les administrations douanières de l’Australie, du Belarus, de la Chine, de la Moldavie, de l’Ukraine et de Taïwan.
  • [13]
    Par exemple, la douane française a annoncé le recrutement supplémentaire de 700 agents entre 2018 et 2020.
  • [14]
    Rapport spécial n° 19/2017 : Procédures d’importation : les intérêts financiers de l’UE pâtissent d’insuffisances au niveau du cadre juridique et d’une mise en œuvre inefficace.
  • [15]
    Règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen, JO L 283, 31.10.2017, p. 1-71.

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