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Article de revue

Regard sur l’histoire du contrôle des comptes de l’Union européenne

Pages 118 à 125

Notes

  • [1]
    Règlement financier CEE et CEEA du 15 novembre 1960 – les dispositions sont restées identiques avec le règlement financier du 30 juillet 1968 intervenant à la suite du traité de fusion du 8 avril 1965.
  • [2]
    Art. 25.
  • [3]
    En particulier le règlement portant modalités d’exécution de certaines dispositions du règlement financier du 25 avril 1973, JOCE n ° L 170 du 1er juillet 1975.
  • [4]
    Règlement financier 2018 article 118.
  • [5]
    Art. 206 CEE et 180 CEEA. En 1958, la question s’est posée de la création de 2 commissions de contrôle ou d’une commission unique. Cette dernière proposition l’a emporté sous l’influence des membres allemands, néerlandais, belges, luxembourgeois et français du COREPER.
  • [6]
    Traité relatif à la modification de certaines dispositions budgétaires, JOCE n° L 2 du 2 janvier 1971, p. 1
  • [7]
    JOCE n° L 94 du 8 avril 1970, p. 19.
  • [8]
    Cf en particulier Parlement, Pour une Cour des Comptes européenne : recueil de documents, secrétariat général, direction générale de la recherche et de la documentation, septembre 1973.
  • [9]
    Traité signé le 22 juillet à Bruxelles et entré en vigueur le 1er juin 1977. (Traité portant modification de certaines dispositions financières des traités instituant les Communautés européennes, JOCE n° L 359 du 31 décembre 1977).
  • [10]
    CJCE, 4 févr. 1982, aff. 828/79, R. Adam c/ Comm. CE : Rec. CJCE 1982, p. 269, concl. Capotorti. – CJCE, 4 févr. 1982, aff. 1253/79, D. Battaglia c/ Comm. CE : Rec. CJCE 1982, p. 297, concl. Capotorti.
  • [11]
    Art. 286 TFUE.
  • [12]
    L’ancien article 206 CEE indiquait que la Cour était composée de neuf membres.
  • [13]
    Art. 285 TFUE.
  • [14]
    Sur cette question cf. G. Desmoulin, La Cour des comptes et les États : qui contrôle qui ? - Indépendance de la Cour des comptes européenne et souveraineté des États membres, RMCUE n° 461, septembre 2005, pp. 515-523 et La Cour de justice de l’Union européenne conforte la légitimité de la Cour des comptes européenne, Note de jurisprudence sous CJUE 15 novembre 2011 aff. C-539/09 Commission européenne contre République fédérale d’Allemagne, Revue des affaires européennes, Bruylant, n°4, 2011, pp. 823-831.
  • [15]
    Art. 206 CEE, 180 CEEA et 78 quinto CECA.
  • [16]
    Cf. sur ce point G. Isaac, La rénovation des institutions financières des Communautés européennes depuis 1970, in RTDE, 1977, p. 737.
  • [17]
    Art. 248, § 1.
  • [18]
    Art. 13 § 2 TUE.
  • [19]
    Art. 285 TFUE.
  • [20]
    Règlement financier 2018, art. 118.
  • [21]
    Règlement financier, du 21 décembre 1977, applicable au budget général des Communautés européennes, modifié en dernier lieu le 9 avril 2001.
  • [22]
    Règlement financier n° 1605/2002, 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, JOCE n° L 248, 16 sept. 2002, art. 86.
  • [23]
    Règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif aux règles financières applicables au budget de l’Union JOUE n° L 298 du 26 oct. 2012, art. 99.
  • [24]
    Règlement financier de 2018, art. 118.
  • [25]
    Art. 206 bis CEE à l’issue du traité de 1975. Ces dispositions sont toujours en vigueur (art. 287 TFUE).
  • [26]
    Art. 90.
  • [27]
    Art. 319 § 1 TFUE.
  • [28]
    Art. 287 § 1 TFUE.
  • [29]
    Art. 265 TFUE.
  • [30]
    Art. 263 TFUE.
  • [31]
    La censure est instituée par l’article 234 TFUE.

Le système de contrôle des comptes de l’Union européenne s’est constitué progressivement et son histoire n’est sans doute pas achevée. Aujourd’hui, si l’indépendance des auditeurs internes et de la Cour des comptes de l’Union est assurée, les sanctions juridictionnelles ou politiques des contrôles demeurent largement hypothétiques.

1Construite avant tout sur des règles communes, l’Europe communautaire s’est également distinguée par des dispositifs financiers originaux. Si les mécanismes de dépense sont plutôt classiques, les ressources restent atypiques. Aux prélèvements sur les industries du charbon et de l’acier des débuts ont succédé les contributions des États membres puis des ressources propres. Toutefois, l’histoire budgétaire européenne a été jalonnée par des conflits, des tensions et parfois des blocages qui furent pourtant, et à chaque fois, surmontés.

2Présents dès l’origine de la construction européenne, les systèmes de contrôle ont été tantôt à l’origine des tensions budgétaires tantôt la résultante des conflits financiers au sein de l’Europe communautaire. Comme au plan interne, le contrôle apparaît indissociable de l’évolution institutionnelle et politique. En effet, le contrôle des finances publiques a tout d’abord pour vocation de protéger les institutions publiques puisque ces dernières agissent au moyen de ressources provenant de prélèvements obligatoires ; ce processus ne peut être consenti par les citoyens que si le fonctionnement des institutions est irréprochable ce qui implique la transparence et la sincérité des comptes. Dans le même temps, il s’agit de protéger les institutions publiques vis-à-vis de l’extérieur car leur action financière ne doit pas être détournée ou dégradée au risque d’altérer leur légitimité politique. Au-delà de cet objectif que l’on pourrait qualifier d’objectif politique, le système de contrôle européen poursuit également un objectif juridique et financier : le contrôle de la légalité, de la régularité et de la « bonne gestion financière ».

3Le processus historique et théorique de construction des systèmes de contrôle financier public est transposable à l’histoire du contrôle financier de l’Union européenne. Cela se vérifie en particulier pour le contrôle interne, incarné par l’actuel « audit interne », mais également avec le contrôle externe de l’Union européenne assuré et assumé par la Cour des comptes européenne. Ainsi, toutes les étapes relatives à la construction des dispositifs de contrôle financier qui se sont succédés poursuivaient deux objectifs majeurs. Tout d’abord, faire en sorte que le contrôle acquière sa pleine légitimité en garantissant son indépendance vis-à-vis des pouvoirs décisionnels. Ensuite, son action doit être effective et amener de véritables transformations de l’action publique lorsque cette dernière présente des imperfections. Ainsi, les transformations du contrôle doivent à la fois renforcer continuellement son indépendance et améliorer la protection des deniers publics européens.

1 – Renforcer l’indépendance du contrôle

4L’indépendance des entités responsables du contrôle des comptes est indispensable pour assurer la crédibilité et la pérennité de ce dernier. Elle conditionne également son efficacité. En conséquence le contrôle doit être à la fois indépendant des structures institutionnelles européennes et des autorités nationales.

A – L’indépendance vis-à-vis des structures institutionnelles européennes

5L’indépendance du système de contrôle au sein des structures institutionnelles européennes implique l’édification d’un contrôle interne pleinement intégré aux institutions mais aussi et en même temps l’affirmation de l’indépendance institutionnelle du contrôle externe

1 – Un contrôle interne pleinement intégré aux institutions

6Le contrôle interne constitue un contrôle réalisé par l’administration sur ses propres services et qui s’effectue généralement durant le processus d’exécution, ce qui implique des interventions a priori ou en cours d’exécution (in itinere). La question de l’indépendance ne se pose pas dans les mêmes termes selon qu’il s’agisse du contrôle interne ou du contrôle externe. L’indépendance du contrôle interne est « fonctionnelle » car le contrôle vise en priorité à assurer le respect de la légalité et de la régularité ; au plan européen, il s’agit avant tout de respecter les dispositions du règlement financier et de ses éventuelles modalités d’application. Le contrôle de régularité, vise à faire respecter les règles internes instituées, par exemple, pour mettre en œuvre le processus de décision le plus pertinent. En conséquence, alors que l’exigence d’indépendance appliquée au contrôle interne est une condition de bon fonctionnement et de son efficacité, l’indépendance est un véritable principe, un critère déterminant pour l’affirmation du contrôle externe.

7Au plan européen, le contrôle interne originel était une transposition partielle du système français avec l’institution du contrôleur financier. À l’origine, les traités ne mentionnaient pas l’existence d’un contrôleur financier mais les règlements financiers adoptés précisaient que chaque institution nommait un agent chargé du contrôle de l’engagement et de l’ordonnancement des dépenses [1] et que les règles du statut administratif applicable à ses agents étaient « fixées de manière à garantir l’indépendance de leurs fonctions » [2]. Par la suite, leur indépendance fut confortée par les dispositions statutaires successives [3]. Ils jouissaient ainsi d’une complète indépendance et ne pouvaient recevoir aucune instruction ni se voir opposer aucune limite pour l’exercice de leurs fonctions.

8Le contrôleur financier européen était amené à délivrer des visas préalables sur les opérations de recettes et de dépenses. En apparence, ce système offrait toutes les garanties de sécurité financière or, dans la réalité, il n’en fut rien. Au début de l’année 1999, la chute de la Commission « Santer » liée à des irrégularités financières touchant plusieurs domaines de dépenses a constitué un véritable révélateur des limites de ce système axé sur le contrôle a priori et très fortement intégré à la hiérarchie des institutions contrôlées.

9Afin de ne pas reproduire les erreurs du passé, la « Commission Prodi » a complètement transformé le paradigme du contrôle interne. Ainsi, en 2002, le choix a été fait d’une organisation plus proche des systèmes anglo-saxons avec la mise en œuvre d’une responsabilisation des ordonnateurs désormais moins contrôlés a priori mais contraints de justifier leur décision auprès d’un service d’audit interne composé d’un auditeur interne désigné par chaque institution et dont l’indépendance a été garantie par les règlements financiers successifs. Ainsi, est-il amené à formuler « des avis indépendants portant sur la qualité des systèmes de gestion et de contrôle » [4]. En outre, les règles financières précisent que chaque institution prévoit des règles particulières applicables à l’auditeur interne de manière à garantir « l’indépendance totale de la fonction » et de façon redondante, le règlement financier de 2018 précise que « l’auditeur interne jouit d’une complète indépendance dans la conduite des audits » (art. 120). Ces dispositions montrent bien que la question de l’indépendance de l’audit interne reste d’actualité ; à cet égard le règlement de 2018 prévoit que chaque institution de l’Union met en place un comité de suivi d’audit interne chargé notamment de veiller à l’indépendance de l’auditeur interne (art. 123).

2 – L’affirmation de l’indépendance institutionnelle du contrôle externe

10Depuis 1977, le contrôle externe des comptes de l’Union européenne est dévolu à la Cour des Comptes européenne mais le processus qui a abouti à son indépendance institutionnelle a été relativement long. Dans un premier temps, la CECA fut dotée d’un commissaire aux comptes chargé du contrôle des finances de la Communauté, désigné par le « Conseil spécial de ministre » pour un mandat de 3 ans renouvelable. Certes, le traité précisait qu’il exerçait ses fonctions « en toute indépendance » et qu’il ne devait exercer une quelconque fonction dans les services de la Communauté mais, en la réalité, ses possibilités d’action étaient relativement réduites.

11Dans un second temps, le système de contrôle externe a évolué avec les traités CEE et CEEA : « les comptes de la totalité des recettes et des dépenses de chaque budget (étant) examinés par une Commission de contrôle » [5] transposition des organes de contrôle des organisations internationales. L’indépendance de ses membres était clairement affirmée : elle était « formée de commissaires aux comptes offrant toute garantie d’indépendance et présidée par l’un d’eux ». En revanche, le Conseil restait au cœur du dispositif : il décidait du nombre de commissaires, nommait ces derniers ainsi que le président pour une durée de 5 ans. Parallèlement, le statut de la Commission de contrôle interdisait aux commissaires d’occuper d’autres fonctions dans le cadre des Communautés. Toutefois, la poursuite d’activités extérieures n’était paradoxalement pas interdite en conséquence, les commissaires n’exerçaient leurs fonctions de contrôleur qu’à temps partiel.

12La Commission de contrôle des Communautés a été confortée avec le traité dit de « fusion des exécutifs » de 1965 et elle fut progressivement renforcée en particulier à partir des dispositions des règlements financiers successifs. Cet ensemble constituait un point de départ idéal pour aller plus avant dans le contrôle externe des comptes des Communautés car toutes les caractéristiques du contrôle externe, voire d’une Cour des comptes, étaient déjà présentes : la garantie d’une instance indépendante, collégiale et dotée de véritables pouvoirs d’investigation.

13Le point de bascule intervient avec le premier traité budgétaire du 22 avril 1970 [6] et surtout la première décision ressources propres du 21 avril 1970 [7]. En effet, le traité de 1970 a permis à l’Assemblée d’obtenir de nouvelles compétences dans le domaine budgétaire et a consacré l’autonomie financière des Communautés au moyens de ressources propres ce qui impliquait logiquement de nouvelles compétences au profit du Parlement européen. À partir de ce moment, le Parlement européen n’a plus cessé de revendiquer et de proposer des améliorations relatives au système de contrôle [8]. Très rapidement, en 1975, cette très forte volonté politique s’est traduite par l’adoption d’un nouveau traité budgétaire [9] afin de renforcer les pouvoirs budgétaires du Parlement européen et d’aboutir à la création de la Cour des comptes.

14Cependant, la Cour des Comptes issue du traité de 1975 avait un positionnement institutionnel atypique. Si, pour la Cour de justice, elle n’était en aucun cas une institution communautaire [10], la doctrine de l’époque a pu la qualifier « d’organe auxiliaire » ou la situer à un niveau analogue de celui du Comité économique et social ou encore la considérer comme une « quasi institution ». Au-delà de la question du statut juridique, les dispositions des traités consacraient toutefois clairement son indépendance vis-à-vis des institutions en affirmant que les membres « devaient offrir toutes garanties d’indépendance » obligation qui figure toujours dans les traités en vigueur [11].

15Enfin, avec le traité de Maastricht, la Cour des Comptes quitte son statut sui generis pour devenir une véritable institution communautaire puis une institution de l’Union. Cela lui a permis d’accroître sa légitimité mais aussi d’accéder à la Cour de justice en particulier par la voie du recours en carence. Désormais, son indépendance institutionnelle ne fait plus de doute. Toutefois, même si elle en a les caractéristiques essentielles en raison du statut de ses membres ou de son organisation interne, la Cour des Comptes n’est pas une institution juridictionnelle et son indépendance réelle ou supposée vis-à-vis des états suscite encore des questions.

B – L’indépendance vis-à-vis des États

16La question de l’indépendance du contrôle interne vis-à-vis des États est secondaire car il est pleinement intégré au fonctionnement administratif des institutions européennes. En revanche, la problématique est toute autre pour l’institution supérieure de contrôle qui doit affirmer son indépendance vis-à-vis des États et à l’occasion des processus de contrôle.

1 – Des membres de l’institution supérieure de contrôle qui procèdent des États

17Dès l’origine, avec la Commission de contrôle, les membres de l’institution supérieure de contrôle procédaient des autorités nationales en raison d’une nomination par le Conseil. Un tel schéma institutionnel était critiquable et l’évolution institutionnelle des Communautés puis de l’Union européenne aurait dû permettre de rompre les liens entre le contrôle externe et les États mais la situation n’a pas véritablement évolué depuis la création de l’Institution.

18Le traité de Bruxelles de 1975 n’instituait pas formellement un membre par État mais fixait un nombre de membres pour l’institution correspondant au nombre d’États membres au moment de l’adoption des traités [12]. En conséquence, il évoluait au gré des élargissements successifs. L’adoption du traité de Nice a permis de clarifier la situation en précisant que la Cour des Comptes est composée d’un ressortissant de chaque État membre [13]. Or cela est contestable pour une institution qui doit contrôler les finances de l’Union en toute indépendance d’autant que l’on a pu faire le constat d’une répartition des domaines de contrôle voir des contenus des travaux de la Cour visant à préserver un équilibre entre États.

19La procédure de nomination des membres reste également maîtrisée par les États membres en dépit des demandes répétées du Parlement européen qui doit seulement rendre un avis relatif aux propositions de nomination. Le Conseil reste donc prépondérant dans la procédure de nomination seules les modalités ont évolué puisqu’à l’origine le Conseil devait statuer à l’unanimité. Avec le traité de Nice la majorité qualifiée était requise tandis que le traité en vigueur prévoit simplement une nomination par le Conseil qui « adopte la liste des membres établie conformément aux propositions faites par chaque État membre » à la majorité simple.

2 – Des processus de contrôle indépendants mais fondés sur les compétences nationales

20Les organes de contrôle se caractérisent également par l’asymétrie considérable susceptible d’exister entre une mission de contrôle des comptes quasiment universelle et les moyens dédiés qui restent relativement modestes. En conséquence, les contrôles exhaustifs sont inenvisageables ce qui amène les institutions de contrôle à mettre en œuvre des techniques de contrôle plus efficaces et rationnelles…mais qui les rendent dépendantes de l’action des dispositifs contrôlés.

21Le dispositif de contrôle externe antérieur à la Cour des comptes européenne avait montré des faiblesses opérationnelles, aussi la Cour des Comptes européenne a très vite décidé de rationaliser et de moderniser les méthodes de contrôle. Il s’agissait de partir du principe qu’il était inutile de procéder à nouveau à des contrôles déjà réalisés ou effectués. En conséquence, la première démarche du contrôleur et de s’assurer de l’existence de système de contrôle préexistants. Dans un premier temps, la Cour procède à ce qui peut être assimilé à un contrôle des contrôleurs. Si cette vérification initiale fait apparaître des faiblesses ou des insuffisances, la Cour procède directement à un contrôle de vérification. L’indépendance de l’institution supérieure de contrôle n’est pas remise en question mais, de fait, elle reste largement dépendante des endo-contrôles existants.

22Par ailleurs, et dans le souci de préserver la souveraineté des États membres, la Cour a toujours souhaité mener des contrôles au sein des États en lien avec les institutions supérieures de contrôle nationales [14]. Du reste, il s’agit d’une obligation forte des traités depuis l’origine puisque ces derniers précisent que « le contrôle dans les États membres s’effectue en liaison avec les institutions de contrôle nationales ou, si celles-ci ne disposent pas des compétences nécessaires, avec les services nationaux compétents ». Par ailleurs, « ces institutions ou services font connaître à la Cour des comptes s’ils entendent participer au contrôle ». Cette collaboration a pu se concrétiser par l’institution d’un « Comité de contact » entre la Cour des comptes et les institutions supérieures de contrôle nationales. Toutefois, les relations restent parfois difficiles ce qui a d’ailleurs conduit à l’ajout d’une disposition déclarative à l’occasion de l’adoption du traité d’Amsterdam précisément relative à cette collaboration avec les États membres. Depuis, l’article 287 TFUE prévoit que « la Cour des comptes et les institutions de contrôle nationales des États membres pratiquent une coopération empreinte de confiance et respectueuse de leur indépendance ».

23L’indépendance du système de contrôle est donc un préalable indispensable à l’effectivité du contrôle mais cette dernière serait inopérante sans la mise en œuvre d’un dispositif permettant véritablement de protéger les deniers publics européens.

2 – Protéger les deniers publics européens

24La protection des deniers publics européens peut se manifester par une action effective des systèmes de contrôle qui auront in fine une influence sur les conditions de l’exécution budgétaire. Par ailleurs, si des dysfonctionnements graves sont constatés, des sanctions doivent pouvoir être prononcées à l’égard des gestionnaires.

A – Protéger par l’action

25Une action effective des systèmes de contrôle implique la garantie d’un droit au contrôle au profit des contrôleurs mais aussi une large diffusion des travaux.

1 – La garantie d’un droit au contrôle pour les contrôleurs

26Le droit au contrôle se traduit à la fois par un pouvoir de contrôle sur « pièces et sur place » mais aussi par un domaine de contrôle des dépenses de l’Union extrêmement large aux plans financier et géographique, l’Europe étant amenée à intervenir non seulement à l’intérieur de ses frontières mais aussi en dehors lors, par exemple, des actions de coopération.

27Sur ce point, les textes en vigueur ont toujours affirmé un périmètre d’action très vaste. Ainsi, pour la Commission de contrôle, les traités prévoyaient que « la vérification, qui (avait) lieu sur pièces et sur place, (avait) pour objet de constater la légalité et la régularité des recettes et des dépenses et de s’assurer de la bonne gestion financière » [15]. Ce pouvoir d’investigation se combinait avec un devoir d’information de la Commission qui incombait au Conseil et à la Commission de contrôle et qui portait en particulier sur les mouvements de crédits ou la transmission des pièces justificatives. Un pouvoir similaire était dévolu au contrôleur financier précurseur de l’audit interne actuel.

28Toutefois, malgré ces dispositions, des carences dans le contrôle externe ont été rapidement dénoncées par la Commission de contrôle elle-même mais aussi par l’Assemblée [16] critiquant des textes insuffisants et des modalités de contrôle inadaptées avec, en particulier, l’impossibilité de mener un contrôle sur place, au sein des États membres, alors que l’essentiel des dépenses était dévolu à des organismes nationaux. Cela a conduit le Parlement européen à s’interroger sur la pérennité d’un contrôle externe dont les insuffisances rejaillissaient sur la procédure de décharge puisqu’il n’était pas en mesure de voter cette dernière en toute connaissance de cause.

29Le droit au contrôle n’a pas été remis en question lors des évolutions postérieures, il a même été renforcé avec l’avènement de la Cour des Comptes européenne dans une formulation qui a cependant subi quelques évolutions. Le traité de 1975 prévoyait que « la Cour des Comptes (examinait) les comptes de la totalité des recettes et dépenses de la Communauté » [17] par ailleurs les dispositions institutionnelles des traités antérieures au traité de Maastricht suggéraient une limite aux compétences de la Cour en précisant que « le contrôle des comptes (était) assuré par une Cour des comptes qui (agissait) dans les limites des attributions qui lui (étaient) conférées. Cette formulation a été abandonnée avec le Traité de Maastricht ; devenue institution, la Cour est entrée dans le cadre général défini par le traité sur l’Union européenne qui spécifie que « chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci » [18]. Le traité sur le fonctionnement de l’Union précise simplement que « la Cour des comptes assure le contrôle des comptes de l’Union » [19].

30Afin de procéder au contrôle externe dans des conditions satisfaisantes, la Cour doit nécessairement s’appuyer sur un dispositif de contrôle interne susceptible, lui aussi, de mener des audits performants. Sur ce point, le droit au contrôle consacré au profit du contrôleur financier a été confirmé au profit de l’Audit interne. Ainsi, l’auditeur interne peut contrôler « l’ensemble des activités et des services de l’institution de l’Union concernée » ; il dispose aussi d’un accès complet et illimité à toute information requise pour l’exercice de ses tâches et au besoin sur place, y compris dans les États membres et dans les pays tiers » [20].

2 – L’assurance d’une large diffusion des résultats du contrôle

31Le contrôle est consolidé et pérennisé par son expression car l’effectivité du contrôle dépend essentiellement de la restitution et de la diffusion des résultats afin de ne pas commettre à nouveau les erreurs du passé et d’améliorer la gestion pour l’avenir. Sur ce point, l’évolution européenne a été constante dans la voie d’une diffusion et d’une utilisation accrue des résultats des contrôles et des audits.

32Certes, le décalage existe toujours quant à l’expression du contrôle entre le contrôle interne, plutôt limité aux institutions contrôlées et le contrôle externe pour lequel le droit prévoit des processus beaucoup plus formalisés. Ainsi, les textes régissant le contrôle interne originel ne comportaient aucune modalité de diffusion des résultats du contrôle. A contrario, dès la mise en place de l’audit interne [21], il a été prévu que l’Auditeur interne devait faire un rapport annuel à son institution en indiquant le nombre et la nature des audits effectués, les recommandations auxquelles ils ont donné lieu, ainsi que les suites apportées à ces dernières. Par la suite, le processus a été davantage formalisé afin que les constatations issues de l’audit interne soient véritablement intégrées au processus budgétaire.

33Ainsi, le règlement financier de 2002 [22], a institué l’obligation, pour chaque institution, de transmettre chaque année à l’autorité de décharge une synthèse de l’audit interne réalisé. Le règlement financier de 2012 a rendu le rapport annuel de l’Auditeur interne ainsi que le rapport de l’institution accessible au public « lorsque l’auditeur interne a validé les mesures prises en vue de leur mise en œuvre » [23]. Enfin, dans sa version en vigueur, le règlement financier [24] fait peser une nouvelle obligation sur la Commission européenne. Dans le cadre de la procédure de décharge, cette dernière doit « transmettre sur demande son rapport d’audit interne annuel dans le respect des exigences de confidentialité ».

34Logiquement, la communication des travaux réalisés dans le cadre du contrôle externe est davantage formalisée et consacrée par le droit primaire. Si le dispositif relatif aux travaux de la Commission de contrôle était plutôt modeste, les conditions de diffusion des travaux du contrôle externe ont été complètement transformées avec la création de la Cour des comptes. La Cour des Comptes établit un rapport annuel après la clôture de chaque exercice mais il est largement diffusé en étant à la fois « transmis aux institutions de la Communauté » et publié au Journal officiel accompagné des réponses des institutions aux observations de la Cour ; il constitue également un document clef de la procédure de décharge. Par ailleurs, le traité précise que la Cour des Comptes « peut présenter à tout moment ses observations sur des questions particulières » [25], dispositions qui lui permettront de développer son action au moyen de rapports spéciaux conséquents.

35Les conditions de diffusion des travaux du contrôle externe sont restées quasiment inchangées à l’exception de deux modifications opérées par le traité de Maastricht. Ce dernier a consacré les rapports spéciaux de la Cour des Comptes en lieu et place des « observations sur des questions particulières » (clarification déjà opérée par le règlement financier de 1977) [26] et ces derniers ont été intégrés à la procédure de décharge [27]. Il a aussi créé une nouvelle obligation pour la Cour : l’obligation de fournir au Parlement européen et au Conseil une Déclaration d’assurance relative à la fiabilité des comptes [28]. Avec un tel document, la Cour des Comptes dû présenter une véritable opinion sur l’exécution budgétaire. Au fil du temps, cette procédure a subi quelques modifications. Depuis le rapport annuel relatif à l’exercice 1996, la Déclaration d’assurance est désormais intégrée à ce dernier, processus consacré par le traité d’Amsterdam. Enfin, en vertu du traité de Nice, la Déclaration d’assurance peut être complétée par des appréciations spécifiques pour chaque domaine majeur de l’activité de l’Union européenne consacrant ainsi une pratique adoptée par la Cour dès l’exercice 1998.

36Désormais, les résultats du contrôle sont largement diffusés et la transparence des travaux a été consolidée par l’accès à ces derniers au moyen des technologies de l’information et de la communication. Toutefois, quel que soit leur contenu, les travaux n’impliquent pas nécessairement une sanction lorsque des dysfonctionnements ou des irrégularités sont détectés. Pourtant, l’éventuelle sanction est indissociable d’un contrôle effectif.

B – Protéger par la sanction

37Tous les juristes le soulignent, le droit n’est rien si sa violation ne débouche pas potentiellement sur la correction ou la sanction. Il s’agit sans doute ici du maillon faible du contrôle des comptes de l’Union européenne. En effet, la sanction juridictionnelle reste en partie hypothétique tandis que les sanctions publique et politique sont rares et de faible portée.

1 – Le caractère hypothétique de la sanction juridictionnelle

38L’indépendance des contrôleurs a toujours été assurée par la possibilité de recours auprès de la Cour de justice. Toutefois, l’accès aux procédures juridictionnelles susceptibles d’aboutir à une sanction prononcée par le juge est extrêmement limité. En effet, en cas de mauvaise utilisation des fonds européens des procédures peuvent être diligentées au plan national. Au niveau européen, la défense des intérêts financiers de l’Union relève en priorité de la Commission européenne. Ainsi, les contrôles révèlent les dysfonctionnements, mais ne les sanctionnent pas.

39En réalité, le système de contrôle de l’Union européenne n’a jamais eu pour vocation de sanctionner le gestionnaire public car la priorité a toujours été donnée au conseil, à l’accompagnement voir à la dénonciation mais pas à la sanction. Si les contrôles mettent au jour de graves dysfonctionnements voire des irrégularités, les éventuelles sanctions juridictionnelles n’auront qu’un caractère indirect. En effet, si les irrégularités sont constatées au sein des processus nationaux, le juge compétent sera alors le juge national qui est le premier juge européen. Dans l’hypothèse où les dysfonctionnements se produisent au sein des institutions européennes ou mettent en cause l’attitude des États, les procédures seront alors diligentées par la Commission européenne en tant que gardienne des traités.

40Si la sanction n’est pas au cœur de l’action du contrôle interne, la situation est quelque peu différente pour la Cour des Comptes car sa transformation en institution avec le traité de Maastricht lui permet d’accéder directement à la Cour de justice avec la procédure du recours en carence qui peut être exercée par « les États membres et les autres institutions » [29]. Même si cette possibilité est restée jusqu’à ce jour une hypothèse, la Cour des Comptes peut faire constater par la Cour de justice l’inertie illégale des autres institutions de l’Union. Enfin, depuis une modification opérée par le traité d’Amsterdam, la Cour des comptes peut être à l’origine d’un recours en annulation puisque la Cour de justice est en mesure de se prononcer sur les recours éventuellement formés par elle-même et « qui tendent à la sauvegarde de ses prérogatives » [30].

2 – L’éventualité d’une sanction publique et politique

41Alors que le contrôle interne n’est pas véritablement concerné par la problématique de la sanction publique et politique en raison d’une diffusion des recommandations limitée au périmètre des institutions contrôlées, la situation est complètement différente pour le contrôle externe dont l’une des vocations essentielles est de formuler une opinion sur la qualité de la gestion. D’ailleurs, l’accès aux résultats des contrôles menés par la Cour est largement ouvert au profit des citoyens européens qui sont ainsi en mesure ainsi de se faire une opinion sur les conditions de la gestion des deniers publics européens. Toutefois, l’impact médiatique des travaux reste modeste en raison de la méthode de contrôle qui privilégie l’analyse des systèmes au caractère technique affirmé.

42Progressivement cependant, l’ensemble du système de contrôle financier européen a irrigué le contrôle politique a posteriori via la décision de décharge dévolue au Parlement européen depuis le traité budgétaire du 2 juillet 1975. Cet acte majeur qui clôt le cycle budgétaire est fondé sur les résultats des contrôles qui basculent alors dans le domaine politique.

43Dans le même sens, une gestion défaillante peut-être sanctionnée par le vote d’une motion de censure à l’égard de la Commission [31]. Certes, cette dernière procédure est difficile à mettre en œuvre pour des motifs budgétaires ou financiers car elle entraîne la démission de la Commission alors que cette dernière n’est que partiellement responsable des éventuels dysfonctionnements qui peuvent être relevés à l’occasion des processus de contrôle. Toutefois, la situation s’est présentée, au début de l’année 1999, lorsque l’action de la Commission a été mise en cause à propos de la gestion de plusieurs programmes européens comme cela a pu être souligné supra. Si la motion de censure a été déposée, elle n’a pas obtenu la majorité requise mais la Commission fut amenée à démissionner après la publication d’un rapport rédigé par un Comité d’experts indépendants qui s’était appuyé sur des dysfonctionnements préalablement décelés par les organes de contrôle de l’Union européenne. Cet événement à la fois politique et financier a entraîné en particulier la réforme du contrôle interne des finances de l’UE consacrée par le règlement financier de 2002.

Conclusion

44Déjà ancienne, l’histoire des contrôles financiers européens n’est pas achevée. Indéniablement, au fil des traités et des règlements financiers successifs, les dispositifs de contrôle ont gagné en effectivité et en maturité. Toutefois, les attentes restent très fortes car l’assurance d’une bonne gestion des deniers publics européens constitue une garantie pour l’avenir et la pérennité de l’Europe. Logiquement, les institutions décisionnelles européennes et nationales sollicitent beaucoup les contrôleurs et les auditeurs tout en leur octroyant des moyens toujours limités.

45Un constat s’impose : l’information financière est désormais largement disponible mais elle souffre encore de quelques défauts majeurs car les critiques formulées sont souvent cantonnées au domaine de la technique financière et budgétaire. Pourtant l’Europe se construit à partir de politiques qu’il convient désormais d’évaluer régulièrement et objectivement car cela est une condition essentielle à l’avènement d’une véritable démocratie financière européenne.


Date de mise en ligne : 14/01/2020.

https://doi.org/10.3166/gfp.2019.6.016

Notes

  • [1]
    Règlement financier CEE et CEEA du 15 novembre 1960 – les dispositions sont restées identiques avec le règlement financier du 30 juillet 1968 intervenant à la suite du traité de fusion du 8 avril 1965.
  • [2]
    Art. 25.
  • [3]
    En particulier le règlement portant modalités d’exécution de certaines dispositions du règlement financier du 25 avril 1973, JOCE n ° L 170 du 1er juillet 1975.
  • [4]
    Règlement financier 2018 article 118.
  • [5]
    Art. 206 CEE et 180 CEEA. En 1958, la question s’est posée de la création de 2 commissions de contrôle ou d’une commission unique. Cette dernière proposition l’a emporté sous l’influence des membres allemands, néerlandais, belges, luxembourgeois et français du COREPER.
  • [6]
    Traité relatif à la modification de certaines dispositions budgétaires, JOCE n° L 2 du 2 janvier 1971, p. 1
  • [7]
    JOCE n° L 94 du 8 avril 1970, p. 19.
  • [8]
    Cf en particulier Parlement, Pour une Cour des Comptes européenne : recueil de documents, secrétariat général, direction générale de la recherche et de la documentation, septembre 1973.
  • [9]
    Traité signé le 22 juillet à Bruxelles et entré en vigueur le 1er juin 1977. (Traité portant modification de certaines dispositions financières des traités instituant les Communautés européennes, JOCE n° L 359 du 31 décembre 1977).
  • [10]
    CJCE, 4 févr. 1982, aff. 828/79, R. Adam c/ Comm. CE : Rec. CJCE 1982, p. 269, concl. Capotorti. – CJCE, 4 févr. 1982, aff. 1253/79, D. Battaglia c/ Comm. CE : Rec. CJCE 1982, p. 297, concl. Capotorti.
  • [11]
    Art. 286 TFUE.
  • [12]
    L’ancien article 206 CEE indiquait que la Cour était composée de neuf membres.
  • [13]
    Art. 285 TFUE.
  • [14]
    Sur cette question cf. G. Desmoulin, La Cour des comptes et les États : qui contrôle qui ? - Indépendance de la Cour des comptes européenne et souveraineté des États membres, RMCUE n° 461, septembre 2005, pp. 515-523 et La Cour de justice de l’Union européenne conforte la légitimité de la Cour des comptes européenne, Note de jurisprudence sous CJUE 15 novembre 2011 aff. C-539/09 Commission européenne contre République fédérale d’Allemagne, Revue des affaires européennes, Bruylant, n°4, 2011, pp. 823-831.
  • [15]
    Art. 206 CEE, 180 CEEA et 78 quinto CECA.
  • [16]
    Cf. sur ce point G. Isaac, La rénovation des institutions financières des Communautés européennes depuis 1970, in RTDE, 1977, p. 737.
  • [17]
    Art. 248, § 1.
  • [18]
    Art. 13 § 2 TUE.
  • [19]
    Art. 285 TFUE.
  • [20]
    Règlement financier 2018, art. 118.
  • [21]
    Règlement financier, du 21 décembre 1977, applicable au budget général des Communautés européennes, modifié en dernier lieu le 9 avril 2001.
  • [22]
    Règlement financier n° 1605/2002, 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, JOCE n° L 248, 16 sept. 2002, art. 86.
  • [23]
    Règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif aux règles financières applicables au budget de l’Union JOUE n° L 298 du 26 oct. 2012, art. 99.
  • [24]
    Règlement financier de 2018, art. 118.
  • [25]
    Art. 206 bis CEE à l’issue du traité de 1975. Ces dispositions sont toujours en vigueur (art. 287 TFUE).
  • [26]
    Art. 90.
  • [27]
    Art. 319 § 1 TFUE.
  • [28]
    Art. 287 § 1 TFUE.
  • [29]
    Art. 265 TFUE.
  • [30]
    Art. 263 TFUE.
  • [31]
    La censure est instituée par l’article 234 TFUE.
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