Notes
-
[1]
Article 2 de la Convention adoptée par l’assemblée générale des Nations unies le 13 décembre 2006, entrée en vigueur le 3 mai 2008 et ratifiée par l’Union européenne le 5 janvier 2011.
-
[2]
Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, JORF n° 36 du 12 février 2005, p.2353.
-
[3]
Exposé des motifs, Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, JORF n° 36 du 12 février 2005, p.2353.
-
[4]
Ibidem.
-
[5]
Article 2 de cette loi qui institue l’article L.114 du Code de l’action sociale et des familles.
-
[6]
Article L.111-7 du Code de la construction et de l’habitation.
-
[7]
Décret n° 2006-555 du 17 mai 2006 relatif à l’accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d’habitation et modifiant le code de la construction et de l’habitation, JORF n° 115 du 18 mai 2006, p.7308.
-
[8]
Dessolin-Baumann (S.) et Cottin (M.). « Accéder aux normes », Documentaliste-Sciences de l’Information, vol. 51, n° 4, 2014, p. 40.
-
[9]
« il incombe à l’architecte chargé d’une opération de construction ou de réhabilitation de se renseigner sur la destination de l’immeuble au regard des normes d’accessibilité aux personnes handicapées », Cour de cassation, 3e civ., 12 octobre 2017, n° 16-23.982, PBI SCI Eugénie et Edmond c/ Société Architecture Concept et Partners et autres, Boubli (B.), RDI, 2018, p. 30.
-
[10]
CE, 5e et 6e chambres réunies, 22 février 2018, n° 397360 et 397361.
- [11]
-
[12]
Guide ISO/CEI, 2, 2004 ; cité également par Dessolin-Baumann et Cottin (2014), cf. note 8.
-
[13]
Arrêté du 20 avril 2017 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public lors de leur construction et des installations ouvertes au public lors de leur aménagement, JORF n°0098 du 26 avril 2017.
-
[14]
Compte rendu du Conseil des ministres du 25 septembre 2014.
-
[15]
Ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, JORF n°0224 du 27 septembre 2014, p.15732.
-
[16]
Loi n° 2014-789 du 10 juillet 2014 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, JORF n°0159 du 11 juillet 2014, p.11494.
-
[17]
Loi n° 2015-988 du 5 août 2015 ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l’accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap, JORF n°0180 du 6 août 2015, p.13482.
-
[18]
Article L.111-7-5 du Code de la construction et de l’habitation.
-
[19]
Commission communale pour l’accessibilité, 3e Rapport d’activité de la commission communale pour l’accessibilité, Ville de Lyon, Années 2014-2016, p.10.
-
[20]
Décret n° 2017-431 du 28 mars 2017 relatif au registre public d’accessibilité et modifiant diverses dispositions relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public, JORF n°0076 du 30 mars 2017.
- [21]
-
[22]
Compte rendu du Conseil des ministres du 25 septembre 2014.
-
[23]
Sénat, Question écrite n° 14955, de Mme Brigitte Micouleau, Financement de la mise en accessibilité des établissements communaux et intercommunaux, JO Sénat, 19 février 2015, p.346.
-
[24]
Réponse du ministère du Logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, publiée dans le JO Sénat du 10/09/2015, p.2142.
-
[25]
Arrêté du 29 avril 2015 relatif au référentiel général d’accessibilité pour les administrations, JORF n°0102 du 2 mai 2015, p.7562.
-
[26]
Arrêté du 14 mars 2014 modifiant l’arrêté du 1er août 2006 fixant les dispositions prises pour l’application des articles R. 111-18 à R. 111-18-7 du code de la construction et de l’habitation relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction, JORF n° 0064 du 16 mars 2014, p.5369.
-
[27]
Conseil national d’évaluation des normes, Rapport d’activité, 2015, p.26.
-
[28]
Communiqué de presse, Caisse des dépôts, 26 juin 2014.
-
[29]
Décret n° 2016-578 du 11 mai 2016 relatif aux contrôles et aux sanctions applicables aux agendas d’accessibilité programmée pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public, JORF n° 0111 du 13 mai 2016.
Les normes d’accessibilité au patrimoine sont des normes techniques aux conséquences financières importantes pour les collectivités ou propriétaires d’établissements recevant du public. Le cadre juridique ne cesse de se renforcer tandis que leurs moyens financiers demeurent insuffisants. Tendre vers une accessibilité généralisée est un objectif louable qui apparaît cependant financièrement hors d’atteinte.
1La convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées rejette toute discrimination fondée sur le handicap, c’est-à-dire « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, […] de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres. La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable » [1].
2En France, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 [2] a pour objectif de créer « une obligation nationale de solidarité à leur égard » [3]. En vertu du principe de non-discrimination, la nouvelle législation doit ainsi organiser « de manière systématique l’accès des personnes handicapées au droit commun, qu’elle adapte celui-ci ou le complète par des dispositifs spécifiques afin de garantir, en toutes circonstances, une réelle égalité d’accès aux soins, au logement, à l’école, à la formation, à l’emploi, à la cité et de reconnaître ainsi la pleine citoyenneté des personnes handicapées » [4]. Le principe d’accessibilité généralisée permet dès lors une participation effective des personnes handicapées à la vie sociale en rendant leur cadre de vie plus accessible, et ceci quelle que soit la nature du handicap. Rappelons à cet égard que constitue un handicap, au sens de la présente loi, « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant » [5].
3Des normes visant à permettre l’accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public lors de leur construction ou de leur création sont mises en place afin de rendre tout nouvel aménagement accessible. Réhabiliter le bâti ancien permet de rendre ces établissements plus accessibles, et favorise une meilleure mixité d’usage. Ces normes visent à élargir l’accessibilité du patrimoine à tous, « et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique » [6]. Il convient cependant de relever que le Code de la construction et de l’habitation, dans sa section concernant les personnes handicapées ou à mobilité réduite, ne mentionne pas la notion de patrimoine au sein de l’article L.111-7 relatif à l’accessibilité. Le décret n° 2006-555 du 17 mai 2006 [7] est venu inscrire dans le code de la construction et de l’habitation ce qui est désormais entendu par « accessible » puisque l’article R*111-19-2 dispose alors qu’« est considéré comme accessible aux personnes handicapées tout bâtiment ou aménagement permettant, dans des conditions normales de fonctionnement, à des personnes handicapées, avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d’accéder aux locaux et équipements, d’utiliser les équipements, de se repérer, de communiquer et de bénéficier des prestations en vue desquelles cet établissement ou cette installation a été conçu. Les conditions d’accès des personnes handicapées doivent être les mêmes que celles des personnes valides ou, à défaut, présenter une qualité d’usage équivalente ». Le patrimoine est dès lors entendu comme tout bâtiment ou aménagement. Les normes d’accessibilité au patrimoine n’ont donc pas vocation à concerner l’ensemble du patrimoine tel que défini par l’article L1 du Code du patrimoine où il s’entend « de l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique », ainsi que des éléments du patrimoine culturel immatériel.
4Ces normes viennent modifier le paysage mobilier et immobilier des collectivités en rendant leurs bâtiments accessibles à tous. Néanmoins, quelles sont les incidences financières de ces changements ? Élargir l’accessibilité du patrimoine aux personnes en situation de handicap constitue un bouleversement majeur pour les collectivités territoriales car non seulement elles doivent respecter un cadre juridique de plus en plus contraignant (I), mais elles disposent à cet effet de moyens financiers insuffisants (II).
1 – Un cadre juridique de plus en plus contraignant
5Le cadre juridique imposé aux acteurs locaux en matière d’accessibilité au patrimoine a eu pour conséquence première une multiplication des normes (A) mais cela a également permis de mettre en exergue le caractère prioritaire de l’accessibilité au patrimoine (B).
A – Une multiplication préalable des normes
6Les normes représentent « une vision consensuelle des métiers et de leurs activités, souvent fondées sur les bonnes pratiques, parfois sur l’innovation. Elles fournissent une description technique de processus mesurables en terme qualitatif et une terminologie professionnelle » [8]. Cette normalisation est ainsi une contrainte pour le professionnel. Tel est notamment le cas de l’architecte qui doit s’informer de la destination de l’immeuble au regard des normes d’accessibilité aux handicapés [9], bien que le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation sur les normes techniques d’accessibilité des logements aux personnes handicapées [10].
7Ces normes techniques sont issues de la réglementation nationale, mais elles sont parfois complétées par des normes dites volontaires, établies par l’Association française de normalisation (AFNOR). Une norme volontaire est « un cadre de référence qui vise à fournir des lignes directrices, des prescriptions techniques ou qualitatives pour des produits, services ou pratiques au service de l’intérêt général. Elle est le fruit d’une co-production consensuelle entre les professionnels et les utilisateurs qui se sont engagés dans son élaboration. Toute organisation peut ou non s’y référer » [11]. Pour l’Organisation internationale de standardisation, une norme est un « un document, établi par consensus et approuvé par un organisme reconnu, qui fournit, pour des usages communs et répétés, des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques, pour des activités ou leurs résultats, garantissant un niveau d’ordre optimal dans un contexte donné » [12]. La norme devient ainsi un outil de gouvernance dont l’usage reste bien souvent volontaire. Tel est le cas des normes techniques venant à l’appui des normes réglementaires et législatives intervenant en matière d’accessibilité au patrimoine. Rappelons d’ailleurs que l’AFNOR définit l’accessibilité comme la possibilité d’accéder et d’utiliser les différents services à la disposition de tous, sans avoir besoin de recourir à une aide particulière. En matière d’accessibilité, il existe plusieurs normes volontaires comme la norme NF S32-002 qui concerne les dispositifs répétiteurs de feux de circulation à l’usage des personnes aveugles ou malvoyantes et son amendement NF S32-002/A1 concernant les feux sonores installés sur les voies ferrées, voies de tramway et bus à haut niveau de service. Cette norme s’applique aussi bien sur la voirie que dans les espaces publics et aux abords des établissements recevant du public (ERP). Nous pouvons également citer la norme NF EN 81-70 concernant l’« accessibilité aux ascenseurs pour toutes les personnes y compris les personnes avec handicap ». Les normes volontaires doivent cependant satisfaire les exigences des normes réglementaires. Cette présomption de conformité est d’ailleurs rappelée dans l’arrêté du 20 avril 2017 [13] qui précise dans son article 2 que « les spécifications de la norme NF P 98-352 : 2015 sont réputées satisfaire à ces exigences » en matière de bande de guidage. Dans la mesure où cet arrêté définit les règles techniques d’accessibilité aux personnes handicapées applicables aux établissements recevant du public lors de leur construction et aux installations ouvertes au public lors de leur aménagement, il n’est pas surprenant de voir une dizaine de références aux normes volontaires en son sein.
8Les normes d’accessibilité au patrimoine, qu’elles soient réglementaires ou volontaires, traduisent néanmoins le caractère désormais prioritaire de l’accessibilité. Afin qu’elles soient mieux respectées, le législateur a essayé de les simplifier.
B – Le caractère prioritaire de l’accessibilité
9L’obligation d’accessibilité est une déclinaison du principe d’une accessibilité généralisée depuis la loi du 11 février 2005. Ce principe a vocation à concerner autant les transports, que la voirie, les espaces publics, les trottoirs ou les établissements recevant du public (ERP). Cette dernière catégorie d’établissements est fortement réglementée. Une entreprise non ouverte au public, mais seulement au personnel, n’est pas un ERP. Ces établissements sont classés en cinq catégories qui sont énumérées à l’article R.123-19 du Code de la construction et de l’habitation. Le classement est effectué d’après l’effectif du public et du personnel. La loi fondatrice de 2005 imposait à l’ensemble des ERP d’être accessibles au 1er janvier 2015, et fixait également d’importants objectifs à réaliser. Néanmoins, face « au constat que l’échéance du 1er janvier 2015 ne pourrait être tenue du fait du retard accumulé depuis 2005 » [14], l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 [15], prise sur le fondement de la loi du 10 juillet 2014 [16] et ratifiée par la loi n° 2015-988 du 5 août 2015 [17], vise à garantir l’application de l’obligation d’accessibilité inscrite dans la loi du 11 février 2005. Elle vient ainsi simplifier et expliciter les normes d’accessibilité. Elle sécurise également le cadre juridique de mise en accessibilité en créant l’« Agenda d’accessibilité programmée » (Ad’AP), ce qui permet également de prolonger au-delà de 2015 le délai permettant d’effectuer les travaux de mise en accessibilité des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public ainsi que des services de transport public de voyageurs. Cet agenda est un document de programmation pluriannuelle qui « comporte une analyse des actions nécessaires pour que l’établissement réponde à ces exigences et prévoit le programme et le calendrier des travaux ainsi que les financements correspondants » [18]. Ce document engage ainsi la collectivité ou le gestionnaire d’établissement qui le signe à réaliser les travaux dans un délai d’un à trois ans. La durée maximale est de trois ans pour 80 % des établissements. Des dérogations sont possibles pour les établissements recevant du public de 1re à 4e catégorie, les patrimoines comprenant plusieurs établissements, et les établissements recevant du public qui sont en difficulté financière avérée. À titre d’exemple, l’Ad’AP de la Ville de Lyon concerne plus de 700 ERP et installations ouvertes au public. Adopté par la délibération n° 2015/1487 du Conseil municipal du 28 septembre 2015, sa mise en œuvre est programmée sur une durée de 9 ans, séquencée en trois périodes de trois ans, avec un financement représentant 38,570 millions d’euros [19]. Cette simplification normative souhaitée par l’ordonnance de 2014 demeure néanmoins quelque peu symbolique puisqu’elle se traduit par des contraintes supplémentaires prenant leur source dans de nouvelles normes à respecter.
10De nouveaux documents et contraintes sont instaurés afin de permettre une meilleure accessibilité. L’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 n’a pas pour objet de cibler uniquement le bâti puisqu’elle permet aux services de transports publics d’élaborer un schéma directeur d’accessibilité. Ce dernier peut s’étendre sur trois ans pour les services de transport urbain, six ans pour le transport interurbain et neuf ans pour le transport ferroviaire. Cette logique se poursuit encore à l’heure actuelle avec l’adoption d’un registre public d’accessibilité. Instauré par le décret du 28 mars 2017 [20], il est mis à la disposition du public à compter du 22 octobre 2017. Les établissements recevant du public, neufs ou situés dans un cadre bâti existant, sont tenus de mettre à disposition du public un registre public d’accessibilité qui mentionne les dispositions prises pour permettre à tous, notamment aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap, de bénéficier des prestations en vue desquelles l’établissement a été conçu.
11De plus, dans les communes de 5 000 habitants et plus, une commission communale pour l’accessibilité aux personnes handicapées (CCAPH) doit être créée en vertu de l’article L.2143-3 du Code général des collectivités territoriales. Composée des représentants de la commune, d’associations ou organismes représentant les personnes handicapées pour tous les types de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique, d’associations ou organismes représentant les personnes âgées, de représentants des acteurs économiques ainsi que de représentants d’autres usagers de la ville, elle dresse « le constat de l’état d’accessibilité du cadre bâti existant, de la voirie, des espaces publics et des transports » et « établit un rapport annuel présenté en conseil municipal et fait toutes propositions utiles de nature à améliorer la mise en accessibilité de l’existant ». Cette commission peut également se retrouver au niveau intercommunal. Le caractère intercommunal est obligatoire pour les EPCI compétents en matière de transports ou d’aména- gement de l’espace, dès lors qu’ils regroupent 5 000 habitants et plus. Conformément à cet article, la commission communale ou intercommunale doit tenir à jour, par voie électronique, « la liste des établissements recevant du public situés sur le territoire communal ou intercommunal qui ont élaboré un agenda d’accessibilité programmée et la liste des établissements accessibles aux personnes handicapées et aux personnes âgées ».
12Si la mise en conformité des ERP engendre des coûts conséquents pour les collectivités, l’obligation de remettre de manière annuelle un rapport sur l’état de la mise en accessibilité de l’existant oblige indirectement les collectivités à procéder progressivement aux efforts nécessaires. Néanmoins le financement des rénovations du bâti ancien afin de le rendre accessible reste difficile.
2 – Un financement épineux
13Les collectivités et ERP ont une diversité de moyens financiers qui leur sont accessibles. Néanmoins malgré la diversité, ces moyens demeurent insuffisants (A). Ils s’exposent dès lors à des sanctions financières importantes (B).
A – Des moyens divers mais insuffisants
14Dans la logique de l’accessibilité, a été créé le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) par l’article 36 de la loi du 11 février 2005.
15Ce fonds vise à accompagner les employeurs publics et relève au quotidien le défi de l’égalité dans les domaines de l’emploi et de l’accessibilité, et recouvre « les contributions financières versées par les employeurs publics soumis à l’obligation d’emploi des personnes en situation de handicap » qui permettent au Fonds de « mettre en œuvre une politique incitative (aides, conventions, financements accessibilité, partenariats) favorisant l’insertion professionnelle, le maintien dans l’emploi et la formation des personnes en situation de handicap dans les trois fonctions publiques » [21]. L’accessibilité constitue un des quatre leviers d’intervention du fonds et un programme à part entière.
16Néanmoins depuis une séance du Comité national du FIPHFP du 23 mai 2017, le FIPHFP n’intervient plus à compter du 1er janvier 2018 en matière d’accessibilité bâtimentaire, sauf concernant l’accessibilité des écoles du service public et des salles de concours des Centres de gestion.
17Les élus locaux ont parfois recouru à ce fonds afin de rendre accessibles des locaux professionnels à leurs agents handicapés et de réaliser les travaux et aménagements nécessaires. L’article 36 de la loi du 11 février 2005 prévoit d’ailleurs que « les employeurs mentionnés à l’article L. 323-2 peuvent s’acquitter de l’obligation d’emploi instituée par cet article, en versant au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique une contribution annuelle pour chacun des bénéficiaires de la présente section qu’ils auraient dû employer ».
Plaquette institutionnelle du FIPHFP, juillet 2017, (consultée le 31/07/2018)
Plaquette institutionnelle du FIPHFP, juillet 2017, (consultée le 31/07/2018)
18L’ordonnance n° 2014-1490 met en place un fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle afin de participer « au financement d’actions de mise en accessibilité, de recherche et de développement en matière d’accessibilité universelle » [22]. Ce fonds est régi par l’article L. 111-7-12 du Code de la construction et de l’habitat. Les ressources de ce fonds proviennent des sanctions pécuniaires que nous évoquerons ultérieurement.
19D’autres acteurs interviennent également. Tel est le cas du Comité national Coordination Action Handicap. Association reconnue d’utilité publique, elle a pour objectif d’accompagner les porteurs de projets du secteur handicap dans l’objectif d’améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées et favoriser le vivre ensemble. Via ses membres, elle est amenée à financer des projets destinés à améliorer le quotidien des personnes handicapées, et participe au financement de projets améliorant l’accueil et l’accompagnement des personnes en situation de handicap : habitat, emploi, formation, intégration scolaire, vie sociale, aide aux aidants, santé, accès à la citoyenneté, soutien à la vie autonome, etc. Néanmoins le comité précise toutefois que le CCAH ne finance pas « la mise en accessibilité du cadre bâti et des transports ou les projets portés à titre individuel ». Les aides financières mises à disposition des collectivités ou des ERP sont donc non seulement peu nombreuses mais aussi limitées. Les collectivités s’exposent dès lors à des risques accrus de sanctions financières.
20Par ailleurs comme l’affirme la sénatrice Brigitte Micouleau, l’ampleur des travaux ainsi que leur coût représentent un frein important pour une très grande majorité des collectivités et ceci quelle que soit leur taille [23].
21Lors d’une question posée au ministère du Logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, cette sénatrice met en exergue cette insuffisance financière. La Ville de Toulouse estime en 2015 que les travaux nécessaires à la mise en accessibilité des bâtiments municipaux s’élèvent à 100 millions d’euros, et le ministère du Logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité met en évidence l’augmentation de la dotation d’équipement des territoires ruraux de 200 millions d’euros [24]. Augmentation symbolique si l’on considère que la moitié de cette somme permettrait à la seule ville de Toulouse de se rendre accessible. Il convient cependant de rappeler que cette dotation n’a pas vocation à financer spécifiquement les travaux de mise aux normes pour le handicap, et qu’elle n’a pas non plus vocation à concerner directement la ville de Toulouse puisque cette dernière n’est pas en territoire rural. La réponse du Ministère apparaît donc quelque peu biaisée. Elle met toutefois en avant la possibilité de percevoir des aides et des subventions du FIPHFP mais comme énoncé précédemment, depuis 2017 elles sont désormais limitées uniquement à l’accessibilité bâtimentaire des écoles du service public et des salles de concours des Centres de gestion. La problématique demeure donc toujours d’actualité.
22D’autant plus qu’en 2015, le conseil national d’évaluation des normes affirme que le coût des normes techniques s’est élevé à 45,8 millions d’euros pour les collectivités ; les deux textes les plus coûteux étant l’arrêté relatif au référentiel général d’accessibilité pour les administrations [25] (20 M€) ainsi que l’arrêté du 14 mars 2014 modifiant l’arrêté du 1er août 2006 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles [26] (12,9 M€) [27].
23Malgré l’existence du Fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle et la possibilité de souscrire des prêts à taux bonifié auprès de la Caisse des dépôts et consignations et de Bpifrance [28], ces mesures s’avèrent toutefois insuffisantes pour les collectivités. D’autant plus que ces collectivités s’exposent à des sanctions financières importantes lorsqu’elles ne respectent pas le cadre juridique qui leur est imposé.
B – Une absence de moyens sanctionnée financièrement
24Il est toutefois intéressant de relever que les sanctions financières imposées pour défaut d’exécution d’Ad’AP viennent alimenter le Fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle, et financer des actions de recherche et développement dans l’accessibilité universelle ainsi que des actions de mise en accessibilité d’ERP dont la situation financière est dégradée et insuffisante pour assurer sa mise en accessibilité.
25Ces sanctions financières sont prévues par le décret du 11 mai 2016 [29] à l’encontre des établissements non accessibles ou non engagés dans une démarche d’Ad’AP. Ce décret définit les procédures applicables, notamment la procédure de constat de carence qui peut amener à sanctionner les manquements aux engagements pris par le signataire dans l’agenda. Les sanctions font suite à deux étapes préalables consistant à l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception adressé à la personne responsable, priée de justifier dans un délai d’un mois, du respect des obligations. À défaut, cela engagera la seconde étape, c’est-à-dire l’envoi d’une mise en demeure lui demandant de fournir des justificatifs probants sans plus aucune possibilité de déposer un Ad’AP. À défaut de justificatif, la sanction pécuniaire sera appliquée, entre 1 500 € et 5 000 € selon la taille de l’établissement.
26Une procédure a également été mise en place lors d’un constat de carence de la part de du gestionnaire ou propriétaire d’ERP ou d’installation ouverte au public, notamment lorsque l’Ad’AP accordé lors d’un passage en sous-commission n’a pas été respecté. Elle devra fournir tous les justificatifs dans un délai de 3 mois. Cette procédure de carence est prévue par l’article L.111-7-11 du Code de la construction et de l’habitat. Elle est plus importante financièrement puisqu’elle peut entraîner des actions en justice ainsi que l’exigence de constitution d’une provision comptable pouvant correspondre au montant des travaux non réalisés, ainsi que des amendes comprises entre 5 et 20 % du montant des travaux restant à réaliser. De plus, la non-conformité à l’obligation d’accessibilité est passible d’une amende de 45 000 € en vertu de l’article L.152-4 du même code. Ces sanctions, de par leur impact financier, ne doivent donc pas être négligées puisqu’elles peuvent venir aggraver une situation financière déjà délicate pour les collectivités.
Notes
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[1]
Article 2 de la Convention adoptée par l’assemblée générale des Nations unies le 13 décembre 2006, entrée en vigueur le 3 mai 2008 et ratifiée par l’Union européenne le 5 janvier 2011.
-
[2]
Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, JORF n° 36 du 12 février 2005, p.2353.
-
[3]
Exposé des motifs, Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, JORF n° 36 du 12 février 2005, p.2353.
-
[4]
Ibidem.
-
[5]
Article 2 de cette loi qui institue l’article L.114 du Code de l’action sociale et des familles.
-
[6]
Article L.111-7 du Code de la construction et de l’habitation.
-
[7]
Décret n° 2006-555 du 17 mai 2006 relatif à l’accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d’habitation et modifiant le code de la construction et de l’habitation, JORF n° 115 du 18 mai 2006, p.7308.
-
[8]
Dessolin-Baumann (S.) et Cottin (M.). « Accéder aux normes », Documentaliste-Sciences de l’Information, vol. 51, n° 4, 2014, p. 40.
-
[9]
« il incombe à l’architecte chargé d’une opération de construction ou de réhabilitation de se renseigner sur la destination de l’immeuble au regard des normes d’accessibilité aux personnes handicapées », Cour de cassation, 3e civ., 12 octobre 2017, n° 16-23.982, PBI SCI Eugénie et Edmond c/ Société Architecture Concept et Partners et autres, Boubli (B.), RDI, 2018, p. 30.
-
[10]
CE, 5e et 6e chambres réunies, 22 février 2018, n° 397360 et 397361.
- [11]
-
[12]
Guide ISO/CEI, 2, 2004 ; cité également par Dessolin-Baumann et Cottin (2014), cf. note 8.
-
[13]
Arrêté du 20 avril 2017 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public lors de leur construction et des installations ouvertes au public lors de leur aménagement, JORF n°0098 du 26 avril 2017.
-
[14]
Compte rendu du Conseil des ministres du 25 septembre 2014.
-
[15]
Ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, JORF n°0224 du 27 septembre 2014, p.15732.
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[16]
Loi n° 2014-789 du 10 juillet 2014 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, JORF n°0159 du 11 juillet 2014, p.11494.
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[17]
Loi n° 2015-988 du 5 août 2015 ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l’accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap, JORF n°0180 du 6 août 2015, p.13482.
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[18]
Article L.111-7-5 du Code de la construction et de l’habitation.
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[19]
Commission communale pour l’accessibilité, 3e Rapport d’activité de la commission communale pour l’accessibilité, Ville de Lyon, Années 2014-2016, p.10.
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[20]
Décret n° 2017-431 du 28 mars 2017 relatif au registre public d’accessibilité et modifiant diverses dispositions relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public, JORF n°0076 du 30 mars 2017.
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[22]
Compte rendu du Conseil des ministres du 25 septembre 2014.
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[23]
Sénat, Question écrite n° 14955, de Mme Brigitte Micouleau, Financement de la mise en accessibilité des établissements communaux et intercommunaux, JO Sénat, 19 février 2015, p.346.
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[24]
Réponse du ministère du Logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, publiée dans le JO Sénat du 10/09/2015, p.2142.
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[25]
Arrêté du 29 avril 2015 relatif au référentiel général d’accessibilité pour les administrations, JORF n°0102 du 2 mai 2015, p.7562.
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[26]
Arrêté du 14 mars 2014 modifiant l’arrêté du 1er août 2006 fixant les dispositions prises pour l’application des articles R. 111-18 à R. 111-18-7 du code de la construction et de l’habitation relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction, JORF n° 0064 du 16 mars 2014, p.5369.
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[27]
Conseil national d’évaluation des normes, Rapport d’activité, 2015, p.26.
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[28]
Communiqué de presse, Caisse des dépôts, 26 juin 2014.
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[29]
Décret n° 2016-578 du 11 mai 2016 relatif aux contrôles et aux sanctions applicables aux agendas d’accessibilité programmée pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public, JORF n° 0111 du 13 mai 2016.