Couverture de GFP_1804

Article de revue

Chronique de jurisprudence financière

« Novembre 2017 - Avril 2018 »

Pages 145 à 163

Notes

  • [1]
    La Revue du Trésor 2002. 218 ; RFD adm. 2001. 474.
  • [2]
    Chronique de M. Pierre Collin, maître des requêtes au Conseil d’Etat : “Etendue et limites des pouvoirs de contrôle des comptables publics (revue administrative, juillet-août 2001, n°  322, p. 363)
  • [3]
    Rec. C. Comptes 2001. 135 ; La Revue du Trésor 2002. 219 ; RFD adm. 2001. 1116.
Des commentaires à chaud : La chronique de jurisprudence de la Cour des comptes publiée ci-dessous porte exceptionnellement sur une période de 7 mois, de novembre 2017 à mai 2018 inclus. La prochaine chronique sera publiée dans le n° 6-2018 de novembre-décembre et portera sur les décisions rendues entre juin et octobre 2018. Ainsi l’année prochaine, les chroniques de jurisprudence de la Cour des comptes dans les numéros de mars-avril, de juillet-août et de novembre-décembre porteront sur les décisions rendues au cours du quadrimestre précédent sans décalage. Par exemple, le numéro de mars -avril comportera la chronique de la période de novembre 2018 à février 2019. La rédaction remercie vivement les professeurs Damarey et Vandendriessche de leur fidélité et de ce rattrapage chronologique qui nous permet de suivre au plus près l’actualité jurisprudentielle de la Cour des comptes.

Gestion patente

Agents contractuels

1Aucun principe n’interdit de faire bénéficier un agent non titulaire d’un régime indemnitaire prévu pour des titulaires ; ainsi, lorsque le versement d’une prime n’est pas imposé par un texte, l’administration conserve la faculté de faire bénéficier un agent contractuel des mêmes avantages indemnitaires que ceux des fonctionnaires ; la circonstance que le régime applicable à certaines catégories d’agents contractuels soit défini par des textes de caractère réglementaire ne fait pas obstacle à ce que, dans le silence de ces textes, certains éléments de la situation de ces agents soient fixés par les stipulations de leurs contrats. Dans ce cas, il appartient aux organes compétents des établissements de définir le régime de ces personnels et de préciser, en tant que de besoin, dans les contrats, leur situation [C. comptes, 7 déc. 2017, Université de technologie de Troyes, n° 2017-3655].

Agents placés en délégation

2La délégation est une position administrative d’activité spécifique au corps des enseignants-chercheurs. Comme le prévoit l’art. 11 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984, l’enseignant-chercheur délégué demeure rémunéré par son établissement d’origine, et continue à percevoir la même rémunération et à bénéficier de l’ensemble des droits attachés à sa position d’activité. Selon la Cour, l’arrêté de placement en délégation ne constitue pas une pièce justificative requise. Le Parquet avait toutefois relevé que, par analogie avec la nomenclature des pièces justificatives de l’Etat, la pièce à obtenir par le comptable en cas de nouvelle situation administrative est l’arrêté portant modification de la situation administrative de l’agent entraînant la modification de sa rémunération avec la date d’effet de l’acte ou l’arrêté d’affectation en cas de changement d’affectation sans changement de comptable assignataire comptable de la rémunération. En revanche, pour la Cour, seule la convention conclue entre les deux établissements concernés est susceptible de constituer une pièce justificative requise pour la prise en charge par le comptable des titres de recettes émis le cas échéant par l’établissement d’origine en cas de compensation financière demandée à l’établissement d’accueil ; c’est d’ailleurs la position prise par l’arrêté du ministre des finances et des comptes publics du 13 avril 2016 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses des organismes soumis au titre III du décret du 7 novembre 2012, qui indique que, pour la prise en charge des personnels mis à disposition, la pièce « à produire dès le premier paiement » est la « convention de mise à disposition ». [C. comptes, 7 déc. 2017, Université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM), n° 2017-3656].

Annulations d’ordres de recettes

3En cas d’annulation ou de réduction d’un titre de recettes, le comptable est tenu d’en exercer le contrôle de la régularité et en particulier de vérifier que le motif de l’annulation correspond bien à la rectification d’une erreur matérielle commise lors de la liquidation de la créance ; s’agissant du mandat en cause, la seule pièce dont la comptable disposait est la décision du bureau qui n’était pas motivée  ; cette pièce ne lui permettait donc pas de s’assurer de la régularité de l’annulation ; la circonstance, à la supposer établie, que des indications de la directrice de la chambre auraient permis à la comptable de comprendre la motivation de la décision du bureau ne la dispensait pas d’exiger les pièces justificatives correspondantes [C. comptes, 13 déc. 2017, Chambre départementale d’agriculture du Puy-de-Dôme, n° 2017-4020].

4Aux termes de la rubrique 142 de l’annexe I de l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales, doit être joint à l’appui de tout mandat d’annulation de recettes un « état précisant, pour chaque titre, l’erreur commise » ; l’article 10 de la promesse de vente, joint au mandat litigieux, ne permettait pas de s’assurer que les conditions qui prévoyaient contractuellement une éventuelle exonération de paiement de l’indemnité d’immobilisation étaient réunies et d’en déduire que le titre aurait été émis par erreur ; en effet, au moment du paiement, le comptable ne disposait d’aucune pièce qui aurait formellement établi que la société bénéficiaire de la promesse de vente avait effectivement renoncé à celle-ci, ni d’aucun document qui aurait démontré que les conditions contractuelles d’exonération du paiement de l’indemnité d’immobilisation étaient incontestablement remplies [C. comptes, 14 déc. 2017, Commune de Morcenx, n° 2017-3763].

5Si la comptable indique à juste titre que l’ordre de recettes initial était mal liquidé, l’annulation du titre n’était non seulement appuyée d’aucune justification, mais en outre erronée puisqu’elle n’aurait dû concerner partiellement que le montant relatif à la CPAM corrigé des intérêts dus ; ainsi l’annulation n’aurait pas dû être prise en charge par la comptable, pour défaut de justification et inexactitude de la liquidation ; si la comptable n’a pas compétence pour émettre les titres, l’article 19 1° du décret 2012-1246 du 7 novembre 2012, l’obligeait, dans la limite des éléments dont elle disposait, à demander à l’ordonnateur la mise en recouvrement des sommes dues par la victime et la CPAM. Ainsi, en acceptant la prise en charge du titre, puis son annulation et en s’abstenant de demander à l’ordonnateur l’émission de nouveaux titres, alors qu’elle ne pouvait ignorer la créance de l’ONIAM, la comptable a manqué à ses obligations de contrôle en matière de recettes et a engagé sa responsabilité [C. comptes, 5 janv. 2018, Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), n° 2017-3987].

6Il résulte des dispositions de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales que « l’introduction d’un recours tendant à l’annulation d’un titre de recettes émis par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire de ce titre ; en cas d’annulation de celui-ci par le tribunal administratif, cette force exécutoire est rétablie en cas d’annulation du jugement par le juge d’appel ou de cassation ; dans cette hypothèse, le comptable public peut poursuivre le recouvrement de la créance en cause sur le fondement du titre exécutoire initial » [CE, 26 mars 2018, Service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault, n° 401476].

7La réglementation prévoit l’obligation de produire certaines pièces justificatives en matière d’annulation ou de réduction de recettes ; en application de l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales, l’annexe I, rubrique 142 de ce code dispose que doit être joint à l’appui de la dépense un « état précisant, pour chaque titre, l’erreur commise » ; n’était joint au mandat qu’un courrier signé par le conseiller municipal délégataire de la compétence sur le budget de l’eau, notifiant au directeur du foyer départemental pour enfants « Le Chemin » une décision expresse d’annulation de la dette de l’établissement ; ce courrier ne saurait s’analyser comme un état précisant l’erreur commise sur les deux factures d’eau anciennes annulées et il n’explicite ni la nature ni la cause du contentieux évoqué ; en conséquence, la comptable ne disposait pas, au moment du paiement, de la pièce requise par la nomenclature susceptible de justifier l’annulation des factures en cause et leur imputation au compte 673 [C. comptes, 22 févr. 2018, Commune de Saint-Egrève (Isère), n° 2018-0369].

Avantages en nature

8Les agents ayant la fonction d’ATSEM du restaurant scolaire de la commune ont bénéficié de la fourniture gratuite de repas. L’octroi de cet avantage en nature n’a pas fait l’objet d’une délibération du Conseil municipal ; les repas gratuits étaient valorisés sur une ligne « avantages en nature » figurant sur le bulletin de paie des agents dans une colonne « gains », cette valorisation étant contrebalancée par une somme du même montant imputée dans la colonne « retenues ». Le comptable soutenait que lorsqu’un avantage en nature est délivré par une collectivité à partir de biens acquis ou produits par elle, il n’y a pas paiement au sens des art. 18, 19 et 20 GBCP. Selon le Procureur général près la Cour des comptes, la rubrique 212 de la nomenclature des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales, sur laquelle s’appuie le jugement de la CRC, concerne « les remboursements opérés au titre des avantages en nature », alors qu’au cas d’espèce, aucun remboursement n’a été opéré ; il en conclut que cette rubrique n’est pas applicable aux mandats en cause ; il ajoute que la ligne « avantages en nature » portée sur les bulletins de paye qui correspond à la valorisation des repas pris à titre gratuit par les agents concernés, n’a donné lieu ni à mandatement, ni à paiement effectif ; il en conclut que l’agent comptable ne peut se voir reprocher d’avoir à tort ouvert sa caisse pour un avantage en nature qui, si son octroi manque de base juridique, ne correspond pas à une dépense irrégulière au titre des mandats en cause. La Cour ne va pas suivre cette position en considérant que s’il n’y a pas eu en l’espèce de décaissement se traduisant par un manquant en deniers, l’avantage en nature consenti aux agents ATSEM, valorisé conformément à la réglementation, a bien constitué une charge pour le budget de la commune ; le remboursement intégral par la commune du coût valorisé des repas pris par les ATSEM et retenu sur leur rémunération, inscrit sur leur bulletin de salaire et contribuant au même titre que les autres « gains » (primes fixe et variable IEMP et IAT) et « retenues » (Solidarité, CSG, Garantie maintien de salaires…) au calcul du montant final de la rémunération à servir à chaque agent de la commune doit donc s’analyser comme un paiement effectif à la charge de la commune ; la dépense ainsi réglée mensuellement au titre des avantages en nature, nécessitait pour être régulière d’être appuyée, selon les règles fixées par la nomenclature pour les premiers paiements et les paiements ultérieurs, des pièces justificatives requises. Or, la nomenclature prévoit à ce titre la production d’une part d’une délibération précisant la liste des emplois concernés, la nature des avantages et leurs conditions d’attribution et d’autre part, d’une décision de l’autorité détentrice du pouvoir exécutif précisant le nom des bénéficiaires, pièces faisant défaut en l’espèce. La Cour ajoute que le comptable n’est pas fondé à soutenir que les règles relatives à la production des pièces justificatives exigibles pour les avantages en nature ne s’appliqueraient que lorsque le remboursement serait matérialisé par un paiement ; ayant à servir la rémunération de l’ensemble des agents de la commune, le comptable disposait en l’espèce, à l’appui des mandats en cause, des états de salaires et avantages accessoires revenant à chacun des bénéficiaires ; contrairement à ce qu’il avance, il lui était possible et il lui appartenait même, au vu des états de salaires joints à l’appui du versement des rémunérations, d’en suspendre le paiement à raison de l’absence des pièces justificatives à l’appui des avantages servis aux agents ATSEM. La Cour engage ainsi la responsabilité du comptable et indique que la volonté de la commune de procéder à ces remboursements n’étant pas établie, en l’absence de délibération spécifique instituant ces avantages, c’est à juste titre que le jugement de première instance a décidé qu’il y avait préjudice financier pour la commune [C. comptes, 16 nov. 2017, Commune de Beaupréau, n° 2017-3536]. V. déjà CRC Pays-de-la-Loire, 23 juill. 2015, Commune de Guémené-Penfao, GFP 2016-3 p. 144, chron. J.L. Girardi et P. Rocca).

Circonstances atténuantes ou exonératoires de responsabilité

9Une décision de dégrèvement, par laquelle la redevable a été déchargée de sa créance par le service des impôts des entreprises, n’est pas de nature à dégager la responsabilité personnelle et pécuniaire de la comptable dès lors qu’elle a été motivée non par le défaut de bien-fondé de ladite créance, mais par le défaut de diligences de la comptable [C. comptes, 29 nov. 2017, Direction départementale des finances publiques (DDFIP) de Seine-et-Marne - Pôle de recouvrement spécialisé (PRS) de Seine-et-Marne, n° 2017-3706].

10Si la comptable fait valoir qu’elle n’a pas été informée par les services d’assiette de l’existence d’une créance de TVA dont elle n’aurait eu connaissance qu’après l’expiration du délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, une telle circonstance n’est pas opposable au juge des comptes, en ce qu’elle relève d’un défaut d’organisation interne de l’administration ou d’une absence d’interrogation du service d’assiette par le comptable (Voir notamment C. comptes, 5 févr. 2014, n° 68842, DDFIP des Bouches du Rhône, service des impôts des entreprises de Marseille. C. Comptes, 20 juin 2017, n° S2017-1856, DSF de Paris centre (SIE Paris 9è Est). [Concl. Parquet sur C. comptes, 29 nov. 2017, Direction départementale des finances publiques (DDFIP) de Seine-et-Marne - Pôle de recouvrement spécialisé (PRS) de Seine-et-Marne, n° 2017-3706].

11Le comptable indique à la Cour des comptes « qu’il n’a jamais été formé préalablement à sa prise de poste, qu’il a donc occupé ces fonctions sans avoir pu acquérir les compétences nécessaires et qu’il incombait à son employeur, selon un arrêt de la Cour de cassation du 5 juin 2013, d’assurer son adaptation à son poste de travail et de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi » ; sans s’attarder sur la question de l’applicabilité de cette jurisprudence à un comptable public, la Cour considère qu’un tel argument ne pourrait être invoqué qu’au soutien d’une demande de remise gracieuse. [C. comptes, 22 févr. 2018, Centre culturel et de coopération linguistique (CCCL) d’Amman (Jordanie), n° 2018-0372].

Comptable

12Le versement de fonds à un tiers censé agir comme mandataire du comptable sans convention de mandat confiant à ce tiers la charge d’effectuer des paiements pour le compte du comptable, constitue un manquement aux obligations de contrôle de la validité de la créance [C. comptes, 15 déc. 2017, Groupement d’intérêt public formation continue et insertion professionnelle (GIP-FCIP) de l’académie de la Réunion, n° 2017-4035].

13Le comptable peut-il s’exonérer de sa responsabilité en invoquant une instruction émanant du Procureur général près la Cour des Comptes ? En l’espèce, par note aux procureurs financiers près les chambres régionales et territoriales des comptes du 5 novembre 2014, le Procureur général près la Cour des comptes aurait prôné une analyse qualitative d’ensemble des opérations en recettes des postes comptables en jugement au terme de laquelle s’il apparaîtrait que les diligences exercées par le comptable présentent un caractère globalement satisfaisant, sa responsabilité pourra être mise en cause ponctuellement, en cas d’anomalie grave pour des créances d’un montant significatif pour laquelle l’inaction appellerait une sanction ; au cas contraire, la même note invitait le ministère public à mettre en jeu la responsabilité des comptables plus largement tout en veillant à une approche sélective des restes à recouvrer, en se concentrant sur les situations les plus critiquables et sur les cas où l’inaction du comptable aurait causé un préjudice. La Cour écarte logiquement ce moyen de défense en considérant que les recommandations du Procureur général près la Cour des comptes sont adressées aux membres du ministère public en vue d’orienter leur action, et n’ont ni pour objet ni pour effet de restreindre les pouvoirs que le juge des comptes tient de la loi pour rétablir l’ordre public financier lorsque celui-ci a été méconnu, dès lors que le juge a été saisi par le ministère public de charges pesant sur la gestion des comptables relevant de sa compétence [C. comptes, 21 déc. 2017, Direction départementale des finances publiques (DDFIP) de Vendée, n° 2017-4085].

Comptables principal/Comptables secondaires

14Dans son arrêt du 24 févr. 2017 (M. Lefebvre, n° 376384, cette revue 2017-4 p. 136), le Conseil d’Etat avait cassé pour erreur de droit l’arrêt de la Cour du 16 janv. 2017 (n° 68526) qui avait engagé la responsabilité du comptable (principal) de l’Établissement français du Sang en raison de détournements de fonds publics commis par une salariée de l’établissement de Bretagne-Est, doté d’un comptable public secondaire. L’arrêt ci-dessous, rendu sur renvoi, va permettre à la Cour de clarifier la répartition des responsabilités entre comptable principal et comptables secondaires des établissements publics administratifs, sans toutefois clore totalement le débat comme en témoigne sa divergence finale avec le Parquet.

15La Cour rappelle qu’il appartient au juge des comptes de juger les comptes des comptables publics ; tout comptable public assumant la direction d’un poste comptable, qu’il soit principal ou secondaire, est responsable des opérations qu’il accomplit ainsi, le cas échéant, que de celles accomplies, sous son autorité, par d’autres comptables publics ou des régisseurs. S’agissant des opérations des comptables publics secondaires, c’est-à-dire de ceux dont la comptabilité est centralisée dans les comptes d’un comptable public principal, la responsabilité du comptable public principal ne peut être engagée que dans la limite des contrôles qu’il est tenu d’exercer, en vertu des textes qui définissent l’organisation des postes comptables concernés. Le juge des comptes doit ainsi examiner si la responsabilité du comptable principal doit être mise en jeu, soit au titre des opérations du poste comptable qu’il dirige, de celle des comptables publics qui sont placés sous son autorité ou de celles des régisseurs, soit au titre des opérations du comptable public secondaire dont il centralise la comptabilité dans la mesure où celles-ci sont soumises à son contrôle.

16En l’espèce, l’établissement régional de l’EFS de Bretagne-Est, dans lequel les détournements de fonds ont été commis, était doté d’un comptable secondaire. Ces comptables régionaux, auxquels incombaient les obligations de contrôle prévues par l’art. 60 de la loi du 23 février 1963, assuraient la direction de postes comptables distincts de celui du comptable principal, nonobstant l’absence de personnalité juridique des établissements régionaux et l’unicité du compte financier de l’EFS. L’instruction codificatrice M9-1 précise : « les agents secondaires des établissements publics nationaux sont soumis à l’ensemble des obligations incombant aux comptables publics. Ils sont des agents comptables à part entière (…) Le principe est qu’ils ont une compétence générale, tant en dépenses qu’en recettes dans l’exécution d’une enveloppe budgétaire, voire budget annexe, ainsi que dans la tenue de la comptabilité qui leur permet de suivre toutes les classes de compte ». Comme l’indique le parquet, « il doit s’en déduire que le comptable principal ne peut être considéré comme dirigeant le poste comptable d’un établissement doté d’un comptable secondaire ».

17Ainsi, quoique centralisées par le comptable principal, les opérations des comptables secondaires n’étaient pas assignées sur sa propre caisse. Il résulte expressément de la décision du Conseil d’État, revêtue de l’autorité de la chose jugée, que les comptables secondaires de l’EFS n’étaient pas en position de subordination vis-à-vis du comptable principal. Ce dernier ne peut donc davantage répondre des opérations litigieuses au motif qu’elles auraient été effectuées sous son autorité. L’article 15 du décret du 2 juillet 1964 qui confie au comptable principal la capacité de signer le certificat de libération de comptables secondaires, n’explicite pas les contrôles qui seraient à effectuer à cet effet. L’instruction codificatrice M9–1 précise que « pour les opérations effectuées par les agents comptables secondaires et centralisées par l’agent comptable principal, ce dernier n’est responsable que de la concordance des écritures avec les données et les pièces justificatives qui lui ont été transmises par les agents comptables secondaires ». Cette instruction se limite en pratique à confier aux comptables principaux des établissements publics administratifs le soin de définir dans une circulaire interne les circuits de liaison avec les comptables secondaires les mieux adaptés à chaque établissement, en vue notamment d’assurer, dans le cadre de la centralisation, la concordance des écritures avec les données et les justifications ; en toute hypothèse, cette instruction ne prévoit pas les cas où, comme en l’espèce, les comptables secondaires ne sont pas subordonnés au comptable centralisateur. Aucun autre texte de portée générale ne précise les contrôles qui seraient à effectuer par les comptables principaux des établissements publics administratifs sur les opérations mêmes des comptables secondaires, lorsque ceux-ci ne sont pas placés sous leur autorité. Ainsi, en l’absence des dispositions réglementaires nécessaires, le comptable principal ne peut davantage répondre devant le juge des comptes des opérations litigieuses à raison d’un défaut de leur contrôle. La Cour renonce ainsi à engager la responsabilité du comptable principal. Pourtant, le parquet avait considéré que « faute de normes supérieures, le comptable principal était tenu par le dispositif de contrôle qu’il a lui-même mis en place, fût-il de niveau infra réglementaire (…) Or en l’espèce, faute de circulaire du comptable principal, faute aussi d’un audit diligenté sur pièce et sur place au sein de l’établissement de Rennes, le contrôle auquel le comptable principal s’était lui-même astreint et auquel il était dès lors tenu, s’est avéré défaillant, n’ayant pas été à même de déceler les malversations » [C. comptes, 3 janvier 2018, Établissement français du sang (EFS), n° 2017-4160]. V. aussi [C. comptes, 8 mars 2018, Contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) placé auprès des ministères économiques et financiers (MINEFI), n° 2018-0513].

Conservation des fonds et valeurs

18Les sommes imputées au compte 7641 avaient la nature d’intérêts de placements financiers, et non celle de produits de cessions d’immobilisations financières ; de ce fait, à l’appui desdites recettes l’agent comptable n’avait pas à exiger les pièces justificatives relatives aux produits de cessions d’immobilisations, notamment les décisions autorisant lesdites cessions ; par suite, le comptable n’a pas manqué à ses obligations réglementaires en la matière. Comme le précisait le Parquet, « Les valeurs mobilières prises en compte dans le réquisitoire n’étaient pas, des participations financières, qui confèrent à leur détenteur une influence voire un contrôle au sein de l’entité concernée, mais des valeurs mobilières de placement qui étaient comptabilisées en compte de trésorerie et non en immobilisations financières par ce qu’immédiatement convertibles en numéraire (…) Les titres de recettes visée par le réquisitoire portent sur des valeurs mobilières de placement qui n’exigeaient pas d’autorisation du conseil d’administration pour leur cession mais les décisions du directeur général » [C. comptes, 8 mars 2018, Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV), n° 2018-0365].

Contrôle de “légalité”

19Il n’appartient pas au comptable de se substituer à l’ordonnateur pour interpréter une convention de délégation de service public afin de déterminer quelles conditions tarifaires devraient s’appliquer, compte tenu des stipulations initiales du contrat, du niveau des investissements réalisés par le délégataire ou de la durée sur laquelle ils devaient être amortis ; s’il avait procédé à ces vérifications, le comptable aurait réalisé un contrôle de légalité, lequel ne lui incombe pas [C. comptes, 14 déc. 2017, Syndicat mixte du développement durable de l’Est Var pour traitement et la valorisation des déchets ménagers (SMIDDEV), n° 2017-3761].

20Il est de jurisprudence constante que le rôle du comptable ne peut s’assimiler à l’exercice d’un contrôle de légalité, ce que réaffirme la Cour dans la présente espèce, avec toutefois une nuance intéressante :”Attendu que si le comptable n’est pas juge de la légalité, le contrôle qu’il est tenu d’opérer sur les dépenses peut le conduire à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l’origine de la créance afin de s’assurer de la correcte imputation de la dépense et de vérifier que les pièces produites sont cohérentes au regard de la catégorie de dépense” [C. comptes, 20 déc. 2017, Chambre d’agriculture de la Réunion, n° 2017-4077]. On se souvient que, dans son arrêt du 8 décembre 2000, Mme Kammerer [1], le Conseil d’Etat, juge de cassation, a déjà rappelé que, sans avoir à exercer de contrôle de légalité, les comptables devaient, en cas de doute, interpréter les délibérations s’imposant à eux comme étant a priori conformes à la réglementation. Ainsi que l’a souligné la doctrine dans ses commentaires [2], le rapprochement de deux arrêts du Conseil (Mme Kammerer du 8 décembre 2000 et Morel du 21 mars 2001 [3]) montre que le comptable est invité à ne pas se limiter à une vérification purement formelle des justifications produites : “le comptable public ne se voit pas investi de la difficile mission de contrôler la légalité des décisions administratives qui lui sont produites comme justificatifs de la dépense. Il doit seulement, lorsque plusieurs lectures d’un texte sont possibles, privilégier celle de ces lectures qui permet au texte de respecter le droit auquel il est subordonné”.

21Les arrêtés portant délégation de signature à certains vice-présidents du syndicat mixte disposent que le vice-président concerné est « chargé de suivre les affaires relevant de la compétence de la commission » qu’il préside ; un second article de ces mêmes arrêtés précise que le vice-président « reçoit délégation de signature pour tous les documents consécutifs à un examen, un avis, une décision, du bureau ou du comité syndical dans les domaines de la commission dont il a la charge » ; il résulte de cette rédaction que les signataires des bordereaux étaient expressément habilités à signer les pièces administratives relevant du champ de compétence de la commission qu’ils présidaient ; en revanche, ils ne pouvaient pas être considérés comme ayant été explicitement habilités à signer les pièces financières et comptables ; en outre, les arrêtés ne pouvaient avoir eu pour effet de confier aux vice-présidents une délégation illimitée dans le périmètre d’intervention de leur commission, sous peine d’irrégularité [C. comptes, 25 janv. 2018, Syndicat mixte départemental de traitement des déchets ménagers de l’Aisne ‘Valor’Aisne’, n° 2018-0042].

22La responsabilité du comptable était recherchée pour avoir accepté le paiement de la rémunération du directeur général sur la base d’une délibération du conseil d’administration de l’établissement prévoyant de déléguer aux ministres concernés la fixation de cette rémunération ; nonobstant l’interrogation sur la légalité de cette délégation, il n’appartenait pas au comptable de se faire juge de cette délibération et les paiements litigieux ne sont pas susceptibles d’entraîner la mise en jeu de sa responsabilité [C. comptes, 22 févr. 2018, Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJP), n° 2018-0371].

23En application des dispositions du décret du 27 juillet 2005, la publication au Journal Officiel des arrêtés déléguant la signature des ministres est une condition nécessaire pour que des agents de catégorie B et C soient habilités à signer des pièces comptables ; la vérification qu’une telle publication a eu lieu fait partie du contrôle de la qualité de l’ordonnateur et de la certification du service fait ; dès lors que la validation du service fait a été réalisée par un agent dont la délégation de signature n’était pas encore publiée, le comptable voit sa responsabilité engagée [C. comptes, 8 mars 2018, Contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) placé auprès des ministères économiques et financiers (MINEFI), n° 2018-0513].

Contrôle sélectif de la dépense

24L’appréciation portée sur le respect des règles du contrôle sélectif de la dépense est indissociable de l’exercice par le juge de son office et constitue ainsi un élément de la décision juridictionnelle ; dans ces conditions, les dispositions du jugement relatives au respect du contrôle sélectif de la dépense doivent être intégrées au dispositif de la décision [C. comptes, 22 fév. 2018, Communauté d’agglomération de Toulon Provence Méditerranée (Var), n° 2018-0380].

25Le comptable a produit un plan de contrôle sélectif de la dépense validé par le directeur départemental des finances publiques ; le manquement du comptable constaté par la chambre régionale se fonde sur quatre bulletins de paie mentionnant chacun une indemnité d’exercice des missions de préfecture ; le plan de contrôle sélectif de la dépense ne prévoyait pas de contrôle exhaustif des IEMP ; c’est donc à tort que le juge de premier ressort a considéré qu’aucun élément probant ne permettait de s’assurer du respect du contrôle sélectif de la dépense [C. comptes, 22 mars 2018, Commune de Morzine, n° 2018-0496].

Dépassement de crédit

26La disponibilité des crédits s’apprécie au niveau du chapitre ; s’agissant des établissements ou organismes de diffusion culturelle dépendant du ministère des affaires étrangères, le chapitre budgétaire correspond au compte divisionnaire à trois chiffres de la nomenclature comptable M 9-7. Les dépenses payées en dépassement des crédits ouverts par l’autorité budgétaire compétente sur le compte 614 sont dépourvues de fondement budgétaire ; dès lors, elles ont nécessairement causé un préjudice au Centre culturel français Charles Baudelaire de Rose-Hill [C. comptes, 16 nov. 2017, Centre culturel français (CCF) Charles Baudelaire de Rose-Hill à Port-Louis (Maurice), n° 2017-3373].

Diligences

27En présence d’une plainte pénale déposée par la direction des services fiscaux à l’encontre d’un redevable pour fraude fiscale, la responsabilité du comptable peut-elle être engagée en raison du défaut de prise d’actes conservatoires ? Selon le Parquet, la circonstance que l’intéressé ait été ultérieurement relaxé du chef de fraude fiscale n’efface pas le défaut initial de diligences complètes constitué par l’absence de mesures conservatoires ; le ministère public considérait qu’au moment où il a eu connaissance de la plainte, le comptable ne pouvait préjuger de son issue et constate l’existence d’un manquement, toutefois sans préjudice au regard du jugement de relaxe. La Cour va prendre une position contraire : dès lors que le tribunal correctionnel a relaxé le gérant des chefs de la poursuite, il est établi, par décision ayant force de chose jugée, que ce dernier n’était pas redevable d’impôts fraudés ; aucune somme n’ayant à être recouvrée sur le gérant à ce titre, la responsabilité du comptable ne peut être engagée pour défaut de diligences en vue de la recouvrer ou d’en garantir le recouvrement. La Cour en conclut que nonobstant le fait que les créances sur la société concernée n’aient pas été recouvrées, nonobstant l’incapacité du comptable à justifier, documents à l’appui, que la situation patrimoniale du gérant rendait par avance vaine toute diligence, et nonobstant l’absence des mesures conservatoires prévues par l’article 67 de la loi du 9 juillet 1991, qu’il eût été prudent de prendre à un moment où le comptable ignorait quelle issue serait donnée à la plainte de la directrice des services fiscaux, il convient de dire n’y avoir lieu à charge aux motifs poursuivis dans le réquisitoire [C. comptes, 29 nov. 2017, Direction départementale des finances publiques (DDFIP) de la Corrèze - Service des impôts des entreprises (SIE) de Tulle, n° 2017-3537].

28S’agissant des créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture de la procédure, l’article L. 622-24 du code de commerce dispose qu’elles doivent être déclarées, alors même qu’elles ne sont pas établies par un titre, sur la base d’une évaluation ; le comptable était donc dans l’obligation de déclarer la créance du GIP afin de procéder aux diligences que lui impose sa charge en matière de recouvrement [C. comptes, 5 janv. 2018, Groupement d’intérêt public formation continue et insertion professionnelle (GIP FC-IP) de l’académie de Versailles (Yvelines), n° 2017-4124].

29La qualité d’établissement public de Pôle emploi n’interdisait aucunement de recourir à des mesures légales de recouvrement, telles qu’un recours auprès du ministre de tutelle de l’organisme public créancier, comme le prévoient les dispositions de l’instruction M-9-5 applicables au recouvrement des créances à l’encontre des personnes morales de droit public [C. comptes, 5 janv. 2018, Groupement d’intérêt public formation continue et insertion professionnelle (GIP FC-IP) de l’académie de Versailles (Yvelines), n° 2017-4124].

30Pour sa défense, le comptable a tenté d’opposer les règles applicables à la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable aux modalités de fonctionnement des applications informatiques, en l’espèce le logiciel HELIOS ; il estimait en effet que le concept de diligences adéquates, complètes et rapides ne serait pas transposable à une application informatique régie par un langage binaire qui induit que les diligences sont soit exécutées soit non exécutées. La Cour allait rejeter logiquement l’argument en considérant que de simples copies d’écran ou bordereaux de situation qui retracent l’historique des diligences accomplies dans l’application HELIOS ne sont pas de nature à justifier si des actes susceptibles d’interrompre la prescription ont été pris puisqu’ils ne garantissent en rien leur notification effective au redevable ; les spécificités techniques de l’application ne sauraient dispenser le comptable d’accomplir des diligences adéquates, complètes et rapides en vue du recouvrement des recettes [C. comptes, 25 janv. 2018, Commune de Denain (Nord), n° 2017-4175]. V. déjà C. comptes, 16 avril 2015, Commune de Fleury-les-Aubrais, Rec. C. comptes 52.

31Un comptable public peut-il s’exonérer de sa responsabilité tirée d’un défaut de recouvrement de titres de recettes en invoquant l’irrégularité de ceux-ci ? Sans répondre explicitement à la question posée, la Cour considère toutefois que la présentation des titres de recettes émis par l’ordonnateur d’un établissement public local doit notamment respecter les textes législatifs et réglementaires relatifs à la comptabilité publique ; en outre des circulaires administratives peuvent interpréter le droit applicable à l’attention des comptables publics ; en l’espèce les titres émis étaient cohérents avec les prescriptions de l’instruction codificatrice n° 5-050-M0 du 13 décembre 2005 de la direction générale de la comptabilité publique, alors en vigueur [C. comptes, 22 mars 2018, Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Les jardins argentés d’Annoeullin, n° 2018-0506].

Fiscalité transférée

32La Cour apporte des éclaircissements sur le traitement comptable de la fiscalité transférée qui correspond aux produits des impôts attribués par l’État aux collectivités territoriales pour compenser des transferts de compétences ou des atténuations de recettes ; ces transferts sont prévus, évalués ou autorisés chaque année dans la loi de finances et se matérialisent par un prélèvement sur les recettes de l’État, une dotation budgétaire ou une affectation de recettes au profit des collectivités territoriales ; la taxe spéciale sur les conventions d’assurance relève de cette dernière catégorie.

33Ni le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, ni le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ne prévoient, de façon générale ou spécifique, les modalités d’exécution des versements de fiscalité transférée par affectation de recettes ; dès lors, s’agissant de l’exercice par l’administration d’une compétence liée par les clés fixées en lois de finances, le comptable a pu, en l’espèce, valablement s’appuyer, pour effectuer les versements des parts de taxe spéciale sur les conventions d’assurance, sur des instructions spécifiques du ministre chargé des finances et du budget.

34Les dispositions spécifiques auxquelles il convenait de se référer, s’agissant de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances, étaient celles décrites dans les instructions codificatrices de la direction générale de la comptabilité publique n° 06-028-P-R du 12 avril 2006 et l’annexe de l’instruction n° 06-059-M0-R3 du 13 décembre 2006, et non celles de l’instruction codificatrice n° 94-123 AR du 23 décembre 1994, dont l’objet est de préciser les modalités de versement des avances de fiscalité directe locale dans le cadre du compte d’avances créé à ce titre (programme 833), et qui ne concerne pas les versements aux départements de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances ; ces dispositions spécifiques donnaient instruction au comptable de procéder au versement au seul vu des indications données par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel, sans prévoir ni ordre de payer ni autre pièce justificative à l’appui ; il n’est pas allégué que ces dispositions auraient été méconnues par le comptable [C. comptes, 21 déc. 2017, Direction départementale des finances publiques (DDFIP) de Vendée, n° 2017-4085].

Frais de déplacement

35Le comptable peut-il s’estimer autorisé à ne pas exiger d’ordre de mission s’agissant de déplacements effectués par l’ordonnateur de l’établissement ? La Cour répond évidemment par la négative en considérant que l’établissement des ordres de mission du directeur général n’était pas juridiquement impossible, ces pièces pouvant être signées par une personne ayant reçu délégation à cet effet ou agissant par empêchement du directeur général [C. comptes, 8 mars 2018, Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV), n° 2018-0365].

Imputation

36Des dépenses réalisées pour le compte de tiers doivent être imputées sur un compte de transfert ou d’intervention et non sur un compte de charges de prestations de service ; l’agent comptable a ainsi manqué à ses obligations de contrôle de la correcte imputation des dépenses. Le compte d’imputation ne disposant d’aucun crédit, l’agent comptable a également manqué à son obligation de contrôle de la disponibilité des crédits ; il a ainsi permis le paiement de dépenses qui n’avaient pas été autorisées et causé un préjudice financier à l’établissement [C. comptes, 16 nov. 2017, Institut français de Corée du Sud (arrêté conservatoire de débet), n° 2017-3561].

37En acceptant d’imputer un paiement relevant de crédits limitatifs sur un compte relevant d’une enveloppe de crédits évaluatifs, le comptable a manqué à son obligation de contrôler l’exacte imputation des dépenses. En revanche, une dépense de fonctionnement hors personnel qui a été imputée sur un compte erroné, mais relevant de la même enveloppe votée, dotée de surcroît de crédits évaluatifs, ne révèle aucun manquement du comptable à l’obligation de contrôler l’exacte imputation de la dépense [C. comptes, 8 mars 2018, Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV), n° 2018-0365].

Manquant en monnaie ou en valeurs

38Les comptables publics sont responsables de la préservation des actifs financiers des personnes publiques dont il tiennent les comptes ; il leur appartient à ce titre, sauf à voir leur responsabilité engagée, de comptabiliser fidèlement les droits et de conserver les pièces qui les justifient ; la justification des soldes résulte de leur confrontation avec la situation détaillée des créances prises en charge qui doit être jointe au compte, et des pièces attestant des droits de l’Etat sur les tiers ; le défaut de justification d’un compte de créances est réputé constituer un manquant en monnaie ou en valeurs [C. comptes, 29 nov. 2017, Direction départementale des finances publiques (DDFIP) de l’Eure-et-Loir, n° 2017-3535].

Opérations pour ordre

39En prenant en charge des mandats pour ordre enregistrant des pertes de change, le comptable n’a pas ouvert sa caisse ; en conséquence ces écritures n’ayant qu’une incidence budgétaire, ne sauraient, même si le montant prévisionnel estimatif des crédits était insuffisant, être considérés comme des paiements, au sens de la comptabilité publique ; il n’y a pas lieu, dans ces conditions, à retenir un manquement à ce titre à la charge du comptable [C. comptes, 22 févr. 2018, Centre culturel et de coopération linguistique (CCCL) d’Amman (Jordanie), n° 2018-0372].

Paiement sans ordonnancement préalable

40La Cour a rendu un arrêt très pédagogique sur les obligations du comptable en matière de paiement sans ordonnancement préalable au vu des dispositions du décret GBCP. Aux termes de l’art. 18 du GBCP (art. 11 du RGCP), dans le poste comptable qu’il dirige, le comptable public est seul chargé (…) 7° « du paiement des dépenses, soit sur ordre émanant des ordonnateurs, soit au vu des titres présentés par les créanciers, soit de leur propre initiative » ; le paiement sans ordre de l’ordonnateur est ainsi admis, ce que confirme l’art. 32 du GBCP aux termes duquel, « par dérogation à l’art. 11, certaines dépenses peuvent, eu égard à leur nature ou à leur montant, selon les besoins propres à chaque catégorie de personnes morales, être payées sans ordonnancement ou avec ordonnancement sans que celui-ci soit préalable au paiement. Le ministre chargé du budget arrête la liste de ces dépenses ». L’art. 171 du RGCP disposait que « l’agent comptable peut payer sans ordonnancement préalable et sous réserve que les crédits soient disponibles au budget certaines catégories de dépenses déterminées par le ministre des finances » ; si, aux termes de l’art. 19 du GBCP (art. 12 du RGCP), s’agissant des ordres de payer, le comptable est tenu d’exercer notamment : « a) le contrôle de la qualité de l’ordonnateur », cette obligation peut être exercée tant sur les ordonnancements préalables que sur les mandats de régularisation postérieurs à la dépense [C. comptes, 15 déc. 2017, Groupement d’intérêt public formation continue et insertion professionnelle (GIP-FCIP) de l’académie de la Réunion, n° 2017-4035].

Pièces justificatives

41On lira avec intérêt l’arrêt ici mentionné, tant les défaillances en matière de pièces justificatives, pour classiques qu’elles soient dans la jurisprudence du juge des comptes, témoignent tout à la fois de la désorganisation des services financiers et comptables de l’établissement en cause et de la nécessité d’une collaboration active et loyale entre ordonnateur et comptable [C. comptes, 5 janv. 2018, Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), n° 2017-3987].

Clarté et précision des pièces

42Le certificat administratif établi par le directeur de l’Institut français, postérieurement aux paiements litigieux, et visant à régulariser tous les mandats objet de la seconde injonction du directeur spécialisé pour les finances publiques à l’étranger, atteste que « l’ensemble des denrées et boissons acquises par l’établissement a été utilisé pour les caterings offerts aux artistes se produisant à l’IFH et pour les cocktails organisés à l’occasion des expositions présentées » ; cette attestation est rédigée en termes trop généraux pour pouvoir tenir lieu, pour chacune des réceptions en cause, de l’attestation de l’organisateur de la réception, visée du directeur de l’établissement et indiquant l’objet de la réception, prévue par l’instruction M.9-7 ; par suite, cette pièce n’est, en tout état de cause, pas de nature à apporter les justifications qu’exige l’instruction codificatrice commune [C. comptes, 25 janv. 2018, Institut français en Haïti (IFH) à Port-au-Prince - Arrêté conservatoire de débet, n° 2017-4179].

Pièces nécessaires

43La rubrique 0432 « autres paiement par carte d’achat » de la liste des pièces justificatives des dépenses du secteur local prévoit la production de « relevés d’opérations par carte d’achat détaillant la créance à payer à l’émetteur » ; en outre, selon l’article 7 du décret n° 2004-1144 du 26 octobre 2004 relatif à l’exécution des marchés publics par carte d’achat repris dans l’instruction n° 05-025-M0-M9 du 21 avril 2005 relative à l’exécution des marchés par carte d’achat : « pour chaque créance née d’une exécution par carte d’achat porté par l’émetteur sur le relevé d’opérations, l’accepteur ou l’entité publique précise (…) la nature de la dépense ou, pour les marchés écrits et exécutés par carte d’achat (…) le décompte des sommes dues : nature des fournitures ou services, prix et le cas échéant quantité » ; en l’espèce, les mandats visés par le réquisitoire étaient appuyés uniquement des relevés d’opérations fournis par la Caisse d’Epargne, sans qu’il soit possible pour l’agent comptable de déterminer l’objet des dépenses et par voie de conséquence, leur imputation comptable ; en l’état des pièces justificatives jointes aux mandats, le comptable ne pouvait s’assurer de l’objet et de la validité des créances ; dès lors, le paiement des mandats, qui revêtait un caractère indu, a causé un préjudice financier à la commune [C. comptes, 25 janv. 2018, Commune de Carqueiranne (Var), n° 2018-0031].

44S’agissant des paiements par carte d’achat de dépenses de frais de déplacement temporaires sans que soient fournis les ordres de mission et états de frais prévus par l’instruction codificatrice du 22 août 2011, la Cour relève que le règlement de dépenses par carte d’achat sur marchés publics a été autorisé par le décret du 26 octobre 2004 ; or, ni la nomenclature du 22 août 2011 ni l’instruction du 21 avril 2005 ne prévoient d’autres pièces à l’appui des paiements que les relevés d’opérations bancaires assortis, en cas de présentation non conforme au décret de 2004, de factures ou mémoires et, s’agissant du premier paiement, la copie du marché exécuté par carte d’achat ; l’obtention de ces pièces n’était en l’espèce pas nécessaire à l’exercice des contrôles du comptable [C. comptes, 8 mars 2018, Contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) placé auprès des ministères économiques et financiers (MINEFI), n° 2018-0513].

45Dès lors que la production d’une pièce est exigée par la réglementation interne à l’établissement, son défaut entraînera la mise en jeu de la responsabilité du comptable, nonobstant le respect des dispositions de la nomenclature applicable. En l’espèce, l’achat d’une carte d’abonnement ferroviaire était conditionné par la démonstration de l’intérêt économique de l’opération, celui-ci étant fonction du nombre de voyages permettant l’amortissement de l’abonnement ; dès lors, le document d’analyse économique, une fois validé par le directeur compétent, établissait l’intérêt pour l’établissement d’acquérir une carte nominative d’abonnement ferroviaire ; il constituait ainsi une pièce substantielle sans laquelle la dépense se trouvait dépourvue de bien-fondé [C. comptes, 8 mars 2018, Agence nationale pour les chèques- vacances (ANCV), n° 2018-0365].

Présence des pièces à la date du paiement

46La compétence de l’ordonnateur doit être établie, et donc contrôlée par le comptable, à la date à laquelle est censée, au vu des pièces produites, avoir été prise la décision en cause ; le paiement de la dépense en cause est ainsi irrégulier nonobstant le fait que la prise en charge de ladite dépense soit intervenue postérieurement, à une date à laquelle une délégation de signature, dûment établie, était devenue effective [C. comptes, 25 janv. 2018, Syndicat mixte départemental de traitement des déchets ménagers de l’Aisne ‘Valor’Aisne’, n° 2018-0042].

Préjudice financier

47L’appréciation de l’existence ou de l’absence du préjudice financier exige, dans certains cas, du juge des comptes, une analyse très subtile ; ainsi, la Cour constate que la régularisation des charges a été payée sans justificatif permettant au comptable de s’assurer de l’exactitude des calculs de liquidation ; cette somme était donc indue, et le manquement constaté a causé un préjudice à l’établissement. En revanche, les sommes versées au titre de loyers correspondent bien à une occupation effective des locaux, décidée par les autorités du CROUS, même en l’absence de reconduction formelle du bail ; ainsi, le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier à l’établissement public [C. comptes, 1er févr. 2018, Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Créteil, n° 2018-0290].

Absence de préjudice financier « par nature »

48Certaines opérations ne peuvent, par nature, avoir causé de préjudice financier  ; en l’espèce, c’est le cas de la régularisation d’un décaissement par prélève- ment préalable d’annuités d’emprunts et, donc, une dépense obligatoire, elle-même accompagnée des pièces justificatives requises ; même solution s’agissant d’un rattachement de charges qui a donné lieu à une opération de contre-passation sur l’exercice 2012 et qui n’a, par conséquent, pas donné lieu à décaissement [C. comptes, 25 janv. 2018, Syndicat mixte départemental de traitement des déchets ménagers de l’Aisne ‘Valor’Aisne’, n° 2018-0042].

49Un manquement est établi dès lors que le comptable verse une nouvelle bonification indiciaire (NBI) sans disposer de la décision individuelle de l’ordonnateur fixant le nombre de points attribués ; ce manquement n’est pas constitutif d’un préjudice financier dès lors que l’agent est de droit bénéficiaire de la NBI et que son arrêté de nomination, ouvrant nécessairement droit à la NBI à un taux déterminé, suffisait pour vérifier l’exacte liquidation de l’indemnité ; à l’inverse, le caractère obligatoire de l’attribution de la NBI n’établit pas à lui seul la validité de la créance et l’octroi de la NBI représente une dépense indue dès lors que le comptable n’est pas en mesure de vérifier que le nombre de points attribués à chacun des bénéficiaires correspond aux conditions fixées par les dispositions réglementaires [C. comptes, 14 déc. 2017, Centre hospitalier de Saint-Geoire-en-Valdaine, n° 2017-3799].

Annulation d’ordres de recettes

50Est constitutive d’un préjudice financier une perte de recette causée par une réduction ou annulation de titre qui n’est pas fondée sur l’inexistence ou l’inexactitude de la créance, sauf lorsque l’autorité investie du pouvoir de remettre les dettes régulièrement constituées en faveur de l’organisme public s’est expressément prononcée, antérieurement au paiement, sur le principe d’une remise de cette dette ; en l’absence d’une décision explicite de l’assemblée délibérante d’annuler le titre à l’encontre de la société bénéficiaire de la promesse de vente, la seule délibération budgétaire du conseil municipal qui avait inscrit des crédits individualisés destinés à supporter l’annulation de ce titre, ne permet pas d’écarter le fait que le manquement constaté ait entraîné un préjudice financier pour la commune [C. comptes, 14 déc. 2017, Commune de Morcenx, n° 2017-3763].

Application des stipulations contractuelles

51Constitue un manquement du comptable le paiement du solde à verser au titre d’une subvention en l’absence d’un rapport intermédiaire prévu par la convention, et qui devait être produit préalablement à la mise en paiement du solde ; s’agissant du préjudice financier, la Cour note que la conformité de l’utilisation des fonds non seulement aux statuts de l’association mais aussi à la répartition entre les différentes activités était clairement exigée par la convention pour que soit attribué le solde de la subvention ; cette conformité n’a pas été démontrée en dépit des démarches effectuées a posteriori par les comptables ; en conséquence, les paiements n’étaient pas dus et le manquement constaté a causé un préjudice pour l’établissement [C. comptes, 7 déc. 2017, Institut supérieur de mécanique de Paris, n° 2017-3234].

Constatation du manquement et détermination du préjudice

52Il va de soi que l’existence d’un préjudice financier au détriment de l’organisme public est subordonnée à la constatation d’un manquement du comptable public ; s’agissant du double paiement d’une dépense, la Cour censure une Chambre régionale qui avait fixé une somme non rémissible en raison du manquement révélé au moment du paiement ; en effet, la Cour constate que ce double paiement a été régularisé avant même le jugement de la Chambre régionale et en déduit, par une interprétation assez constructive et sur conclusions contraires du ministère public, l’absence de manquement [C. comptes, 22 févr. 2018, Centre communal d’action sociale (CCAS) de Souillac, n° 2018-0318].

Dépassement de crédit

53Par principe, les paiements intervenus au-delà de l’autorisation budgétaire causent un préjudice financier puisque le principe même de la dépense n’a pas été approuvé. Toutefois, en dépit du retard de son intervention, la décision budgétaire modificative n° 1 doit être considérée comme manifestant la volonté de l’autorité budgétaire d’ouvrir les crédits nécessaires à la couverture de l’ensemble des paiements effectués en dépassement de crédit [C. comptes, 22 févr. 2018, Centre culturel et de coopération linguistique (CCCL) d’Amman (Jordanie), n° 2018-0372].

54Si les dépenses payées en dépassement des crédits ouverts par l’autorité budgétaire sont de nature à causer un préjudice financier à l’établissement, il y a lieu de prendre en compte l’intervention de la décision modificative n° 3 approuvée moins d’un mois après le paiement des mandats ; le compte a donc fait l’objet d’une validation par l’autorité délibérante qui a abondé ce compte des crédits nécessaires pour permettre de couvrir les paiements en cause ; ainsi, à la date à laquelle le juge des comptes statue, le manquement de la comptable doit être regardé comme n’ayant pas causé préjudice [C. comptes, 19 avril 2018, Arrêté conservatoire de débet - Institut français du Rwanda, n° 2018-0934].

Dépenses indues

55Engage la responsabilité du comptable le paiement d’intérêts à un établissement bancaire pour situation débitrice sur le compte courant liés à l’émission de virements en l’absence de la provision nécessaire ; l’indemnisation payée par la chambre d’agriculture constitue un appauvrissement financier de l’établissement, causé par le manquement du comptable ; le paiement des intérêts à la banque correspond ainsi à un préjudice financier [C. comptes, 13 déc. 2017, Chambre départementale d’agriculture du Puy-de-Dôme, n° 2017-4020].

Dépenses sans ordonnancement préalable

56S’agissant de dépenses sans ordonnancement préalable effectuées en méconnaissance des obligations fixées par les textes, il convient de tenir compte des mandats de régularisation postérieurs aux paiements pour apprécier l’existence d’un préjudice éventuel. La Cour relève que les prestations payées ont bien été effectuées ; elle en déduit qu’il ne ressort pas de l’espèce qu’un préjudice ait été causé à l’organisme en cause [C. comptes, 15 déc. 2017, Groupement d’intérêt public formation continue et insertion professionnelle (GIP-FCIP) de l’académie de la Réunion, n° 2017-4035].

Détermination de la volonté de l’organisme public en cause

57L’ordre de payer les factures litigieuses émanait d’une vice-présidente de l’Université qui n’avait pas reçu délégation pour le faire ; en procédant au paiement en l’absence d’un ordre de payer signé par un ordonnateur habilité, les comptables ont commis un manquement ; le paiement de dépenses effectué en l’absence d’un ordre de payer signé par un ordonnateur habilité est constitutif d’un préjudice financier quand la volonté expresse de l’ordonnateur compétent d’engager la dépense n’a pas été attestée [C. comptes, 7 déc. 2017, Université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM), n° 2017-3656].

58Dans la mesure où des avenants à une convention de délégation de service public signés antérieurement aux paiements ont été produits au juge des comptes, le défaut de contrôle de la production des justifications lors du paiement n’est pas de nature à causer un préjudice financier à l’organisme concerné [C. comptes, 14 déc. 2017, Syndicat mixte du développement durable de l’Est Var pour traitement et la valorisation des déchets ménagers (SMIDDEV), n° 2017-3761].

59La production d’une pièce justificative qui faisait défaut au moment du paiement ne peut exonérer le comptable de sa responsabilité mais doit être prise en considération dans l’appréciation du préjudice financier qui résulte de ce manquement [C. comptes, 6 déc. 2017, Commune du Cannet, n° 2017-3950].

60S’agissant du paiement d’astreintes à des agents municipaux, les textes exigent une délibération du Conseil municipal déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à des astreintes, les modalités d’organisation des astreintes, ainsi que la liste des emplois. En l’espèce, le comptable produisait bien une délibération mais dont la Chambre régionale avait estimé qu’elle était imprécise et incomplète, révélant ainsi l’existence d’un manquement ; la Chambre avait toutefois estimé que cette délibération suffisait à révéler la volonté de la commune et avait conclu à l’absence de préjudice financier. La Cour va annuler ce jugement en considérant que contrairement à ce que la comptable prétend, ces imprécisions ne permettent pas d’affirmer que les conditions dans lesquelles les quatre agents ont effectué leurs astreintes correspondent à une quelconque volonté de la commune ; en effet, faute d’une délibération complète et précise, la volonté de l’assemblée délibérante, seule compétente pour décider d’attribuer les indemnités, ne saurait être présumée [C. comptes, 25 janv. 2018, Commune de Grimaud (Var), n° 2017-4176].

61La gravité du manquement du comptable (en l’espèce, défaut de vérification de la qualité de l’auteur de l’acte) conduit le juge des comptes à constater l’existence d’un préjudice financier malgré des éléments attestant de la volonté de l’ordonnateur. Ainsi, la réalité du service fait et la volonté expresse et préalable de l’ordonnateur d’ordonnancer la dépense ne peuvent être considérées comme établies en ce qui concerne le paiement de marchés publics car, nonobstant la signature des marchés, avenants et acceptations de sous-traitance par l’ordonnateur du syndicat mixte, les bordereaux valant certification du service fait ont été signés par une personne non habilitée et aucun document ne fait ressortir la volonté de l’ordonnateur d’ordonnancer la dépense, une fois le marché exécuté [C. comptes, 25 janv. 2018, Syndicat mixte départemental de traitement des déchets ménagers de l’Aisne ‘Valor’Aisne’, n° 2018-0042].

62Les simples mentions sur la facture, par le prestataire, du nom d’un fonctionnaire et du numéro et de la date d’un bon de commande ne peuvent, à elles seules, attester de l’intention de l’ordonnateur compétent d’engager la dépense ; l’engagement, acte par lequel une personne morale crée ou constate à son encontre une obligation de laquelle il résultera une dépense, est distinct de la liquidation et de l’ordonnancement ; dès lors, la certification du service fait, qui vaut en l’espèce ordre de payer, même effectuée par une personne habilitée à cet effet, ne peut davantage manifester l’intention de contracter de la part de la personne régulièrement habilitée à engager la dépense ; la dépense doit donc être considérée comme indue ; dans ces conditions, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à l’Etat [C. comptes, 1er févr. 2018, Direction des finances publiques de Saint-Pierre-et-Miquelon, n° 2018-0037].

63La délibération par laquelle le conseil municipal a donné un avis favorable à la demande de remise gracieuse de la comptable est sans effet sur l’appréciation par la Cour de l’existence d’un préjudice s’agissant de l’annulation irrégulière d’un titre de recettes ; dès lors ce moyen est inopérant [C. comptes, 22 févr. 2018, Commune de Saint-Egrève (Isère), n° 2018-0369].

64Le président du conseil d’administration était présent aux séances du conseil d’administration, dont les membres avaient été nécessairement convoqués ; sa convocation et sa présence auxdites séances ouvraient pour lui le droit au remboursement de ses frais de déplacement ; de la sorte, le remboursement des frais de déplacement et d’hébergement étant dû, le manquement du comptable à son obligation de contrôler la validité de la créance en exigeant les pièces justificatives nécessaires à ce contrôle n’a pas causé un préjudice financier à l’établissement [C. comptes, 8 mars 2018, Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV), n° 2018-0365].

65Si le fondement juridique de l’octroi de la prime est le contrat de travail, la décision d’accorder une prime aurait dû être précédée de la signature d’un nouvel avenant prévoyant cet octroi ; ce nouvel avenant aurait été signé pour la partie employeur par le directeur du centre hospitalier comme l’a été la décision d’attribution de la prime ; il est patent que la volonté de l’ordonnateur matérialisée dans la décision individuelle était, sans ambiguïté, d’accorder cette prime ; cette dépense, bien qu’irrégulière n’en était ainsi pas moins due ; en conséquence, le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice au centre hospitalier. Pourtant, le parquet général, dans ses conclusions, avait considéré « qu’il est de jurisprudence constante qu’en matière de rémunérations la dépense est regardée comme indue lorsque les primes et indemnités en cause ont été versées sans texte législatif ou réglementaire ou, s’agissant de personnels contractuels, en l’absence de contrat (…) la décision d’attribution signée du directeur ne pouvait constituer un fondement juridique valable du versement de cette prime, en l’absence de base contractuelle [C. comptes, 22 mars 2018, Centre hospitalier de Cannes (Alpes-Maritimes), n° 2018-0495].

Erreur d’imputation

66Si l’erreur d’imputation n’est pas contestée, et aurait pu conduire à ce qu’une dépense d’investissement imputée par erreur sur un compte retraçant des dépenses de fonctionnement ne permette pas la bonne comptabilisation du bien à l’actif de l’établissement, le retrait de fait du bien de l’actif physique et son remboursement rapide ont limité dans le temps les conséquences éventuellement préjudiciables de cette écriture sur l’actif tant matériel que financier de l’établissement ; il n’est donc résulté de ce manquement formel aucun préjudice financier pour l’établissement [C. comptes, 1er févr. 2018, Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Créteil, n° 2018-0290].

Frais de déplacement

67Le manquement est constitué dès lors qu’il n’est pas démontré que l’agent comptable ne disposait ni d’un ordre de mission permanent au profit du directeur ni d’états de frais signés par le missionnaire. Toutefois, les paiements n’étaient pas indus dès lors que les pièces justificatives jointes au dossier attestent la réalité des frais occasionnés par les déplacements du directeur de l’Université ; nonobstant l’irrespect des règles de forme en vigueur au sein de l’Université concernant les demandes de dépassement de plafond, ces demandes ont été réalisées dans les cas qui le nécessitaient [C. comptes, 7 déc. 2017, Université de technologie de Troyes, n° 2017-3655].

68En cas de fusion d’établissements publics, la nouvelle entité doit prendre un certain nombre de délibérations afin d’assurer la régularité de son fonctionnement, sauf exceptions prévues par des dispositions législatives ou réglementaires pouvant dans certains cas, autoriser le maintien temporaire de délibérations antérieures à la fusion ; tel n’était pas le cas en l’espèce s’agissant de la fixation du taux des indemnités kilométriques applicable aux élus d’une chambre d’agriculture, alors même que le comptable affirmait que les deux établissements fusionnés avaient adopté une délibération fixant le même taux de remboursement antérieurement à la fusion (mais le comptable n’avait pas produit lesdites délibérations). La Cour en déduit l’existence d’un manquement avec préjudice financier. La solution est relativement sévère dans son principe même, tant on sait que les opérations de fusion sont complexes et nécessitent la prise d’un très grand nombre d’actes ; en l’espèce, on ne voit pas pour quelle raison l’assemblée délibérante de l’établissement fusionné aurait pris une position différente des assemblées des deux établissements fusionnés. En outre, la Cour a considéré que la dépense était indue à défaut de délibération exécutoire alors même qu’il ne pouvait être question de ne plus rembourser les frais de déplacement des élus. Certes, la solution retenue a le mérite de la simplicité ; mais la détermination du quantum du préjudice financier n’aurait-elle pas alors exigé que la Cour le fixe à la différence entre le taux appliqué et un éventuel taux plancher ? [C. comptes, 19 déc. 2017, Chambre d’agriculture de région Alsace, n° 2017-4074].

Lien de causalité

69S’il est indéniable que le manquant est né de l’absence de reversement par le régisseur dans la caisse du comptable de la totalité des recettes de stationnement du compte de la régie ouvert à la Caisse des dépôts, il appartenait au comptable d’effectuer les diligences appropriées auprès de l’ordonnateur pour obtenir la mise en jeu de la responsabilité du régisseur, à l’origine du manquant dans les comptes et responsable de nombreux errements dans le fonctionnement de la régie d’avances et de recettes ; le comptable ne fait valoir aucun argument de nature à démontrer l’inutilité de telles diligences alors que, pour imputer le préjudice subi par la régie PARCUB au manquement constaté, le jugement de première instance entrepris estimait qu’elles pouvaient permettre, dès lors que le recouvrement des recettes en cause n’était pas impossible, de pallier l’insuffisance des disponibilités du compte géré par le régisseur par la mise en jeu de la responsabilité propre de ce dernier ; le comptable n’apporte à cet égard aucun élément de preuve sur l’impossibilité de recouvrer la recette, ni sur la situation du régisseur ; dès lors que l’absence de saisine de l’ordonnateur par le comptable public pour obtenir l’apurement du titre, puis, en cas d’inaction de ce dernier, de son autorité hiérarchique pour l’émission d’un arrêté de débet, a compromis toute possibilité de recouvrement des créances en cause de PARCUB et causé en conséquence un préjudice financier à la régie. Comme l’indique le parquet, « la circonstance que le manquant soit né, au départ, de l’absence de reversement, par le régisseur, des recettes de stationnement du compte bancaire détenu par la régie auprès de la Caisse des dépôts à la caisse du comptable, n’enlève rien au fait que le comptable aurait pu et dû, par des diligences appropriées, solliciter la mise en jeu de la responsabilité du régisseur, d’abord auprès de l’ordonnateur, puis, en cas d’inaction de ce dernier, auprès de sa hiérarchie et poursuivre le recouvrement de la créance pour prévenir le préjudice d’un manquant pour l’établissement public. » [C. comptes, 22 févr. 2018, Régie communautaire d’exploitation de parcs de stationnement - PARCUB, n° 2018-0322].

70S’agissant du paiement de mandats correspondant au remboursement au directeur général des services de frais de déplacement entre sa résidence administrative et sa résidence personnelle, la chambre régionale avait constaté l’existence d’un préjudice financier au détriment de la commune mais avait considéré qu’il ne pouvait être imputable au manquement de la comptable, étant prise en considération son action réitérée pour alerter l’ordonnateur sur l’irrégularité de ces remboursements. Le procureur général considère que la chambre régionale aurait dû conclure que « le manquement de la comptable avait causé un préjudice à la commune puisque, si la comptable avait suspendu les paiements, comme elle aurait dû le faire aux yeux de la chambre, la commune n’aurait pas subi le préjudice que la chambre constate et qu’elle impute à ces paiements ». Lorsque le juge des comptes relève que le paiement irrégulier de dépenses a entraîné un préjudice financier pour un organisme public, ce préjudice ne peut résulter en principe que du manquement commis par le comptable qui a effectué lesdits paiements ; en l’espèce, en ne suspendant pas les paiements alors qu’elle était tenue de le faire, la comptable est à l’origine du préjudice financier constaté [C. comptes, 16 avril 2018, Commune de Vitrolles, n° 2018-0784].

Marchés publics

71Les dépenses, bien que supérieures au seuil prévu par l’art. 11 du code des marchés publics alors applicable, ont été payées en l’absence de tout contrat écrit et en n’exigeant pas de l’ordonnateur la production d’un certificat administratif conformément à l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales, rubrique 4 « marchés publics », sous- rubrique 423 « prestations fixées par contrat » ; en effet, les mandats n’étaient accompagnés que de simples factures ; dépourvu de fondement juridique, le paiement des mandats en cause revêt un caractère indu et a causé un préjudice financier pour la commune [C. comptes, 25 janv. 2018, Commune de Carqueiranne (Var), n° 2018-0031].

Recettes

72Absence de préjudice financier dès lors qu’il résulte du compte du mandataire chargé de la liquidation du débiteur que l’actif brut disponible n’aurait pas permis d’apurer, même partiellement, les créances en cause [C. comptes, 29 nov. 2017, Direction départementale des finances publiques (DDFIP) de Seine-et-Marne - service des impôts des entreprises (SIE) de Coulommiers, n° 2017-3676].

73Pour écarter l’existence d’un préjudice financier, le comptable avance, concernant le premier groupe de créances en cause, un faisceau d’indices permettant selon lui d’estimer qu’il ne pouvait exister de restes à recouvrer ; que, concernant le second groupe de créances, il invoque les incohérences engendrées par la succession des systèmes d’information, pour lesquelles il avait émis une réserve ; toutefois, le comptable ne présente aucun élément probant à l’appui de ses arguments ; les moyens avancés par le comptable ne permettent donc pas de démontrer l’absence de préjudice ou le fait que le préjudice ne peut être regardé comme imputable à son manquement ; aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que le même dommage serait advenu si le comptable concerné avait parfaitement exécuté les diligences de recouvrement lui incombant [C. comptes, 14 déc. 2017, Hôpital local de Marines, n° 2017-3762].

74S’il n’existe pas de préjudice financier imputable au manquement du comptable lorsque la preuve est rapportée que la recette en cause était effectivement irrécouvrable, la Cour semble avoir franchi une étape supplémentaire en retenant la même position alors qu’il existait”un doute sérieux sur leur caractère encore recouvrable” ; ce doute sérieux a suffi à écarter l’existence du préjudice financier [C. comptes, 20 déc. 2017, École supérieure d’ingénieurs et de techniciens pour l’agriculture (ESITPA), n° 2017-4076].

75La procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société s’est achevée par un jugement de clôture pour insuffisance d’actif ; les documents de reddition des comptes produits par la comptable mise en cause permettent de constater que les créanciers chirographaires n’ont pas pu être désintéressés, même partiellement ; toutefois, aucun élément du dossier n’atteste que l’entreprise n’aurait pas été en mesure de s’acquitter de sa dette, au moins partiellement, avant la liquidation de l’entreprise ; la Cour constate ainsi l’existence d’un préjudice financier [C. comptes, 25 janv. 2018, Communauté de communes de Montmerle Trois-Rivières (Ain), n° 2017-4180].

Rémunérations

76Dans ses conclusions, le Procureur général fait valoir que le paiement d’une prime indue est de nature à faire supporter à l’établissement une charge patrimoniale indue, constitutive en tant que telle, d’un préjudice financier pour l’organisme ; ce préjudice serait constitué même si en l’espèce la rémunération totale versée à l’intéressée n’avait pas excédé le montant prévu par l’acte d’engagement de la dépense. La Cour considère toutefois que si l’agent comptable s’était tenu strictement aux instructions des ministres chargés des comptes publics, la rémunération versée à l’intéressée n’aurait en l’espèce pas été inférieure, pendant la période en cause, à celle qui a effectivement été versée ; par suite, le manquement du comptable n’a donc pas causé de préjudice financier. On constate ainsi que la Cour retient ici une conception exclusivement matérielle du préjudice : celui-ci n’existe pas dès lors qu’en tout état de cause, une dépense d’un montant au moins équivalent aurait dû intervenir [C. comptes, 15 déc. 2017, Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), n° 2017-4032]. Cette position peut surprendre au regard de la jurisprudence qui constate que le versement de rémunérations en méconnaissance des textes législatifs ou réglementaires ou en l’absence de dispositions contractuelles ad hoc, constitue un préjudice financier ; l’existence d’un service fait par les bénéficiaires des rémunérations irrégulièrement payées n’est pas suffisante pour écarter ledit préjudice financier ; en l’espèce, les fiches d’engagement endossées par les bénéficiaires constituent certes des justifications contractuelles, mais ne suffisent pas à justifier la dépense en l’absence des autres justifications requises par la nomenclature [C. comptes, 15 déc. 2017, Groupement d’intérêt public formation continue et insertion professionnelle (GIP-FCIP) de l’académie de la Réunion, n° 2017-4035].

Service fait

77L’existence d’un service effectivement rendu ne fait disparaître ni le manquement du comptable ni, le cas échéant, le préjudice financier subi par l’organisme public ; ainsi en l’espèce, alors même que le comptable indique que les paiements litigieux correspondaient à des honoraires pour des consultations d’avocat ayant effectivement eu lieu, l’absence d’ordre de payer et de certification de service fait révèle que ces dépenses n’étaient pas dues et qu’il en résulte ainsi un préjudice financier. La même solution est retenue s’agissant du paiement de frais de déplacement en l’absence d’ordre de mission ou de prestations issues d’une convention en l’absence de l’avenant de prolongation pourtant prévu à l’article 2 de la convention [C. comptes, 13 déc. 2017, Chambre départementale d’agriculture du Puy-de-Dôme, n° 2017-4020].

Prescription

78Si en, application de l’article L. 114-1 du code des assurances, toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance, la Cour constate que le redevable n’a pas contesté le titre émis à l’encontre d’une société d’assurance et de son assuré, en vue du remboursement des dommages subis par un véhicule militaire à l’occasion d’un accident de la circulation, au motif que la créance de l’État aurait été, à supposer ce point établi, atteinte par une prescription d’assiette ; il revenait donc au comptable d’en poursuivre le recouvrement dès lors que le délai ouvert au comptable pour recouvrer une recette non fiscale de l’État, une fois le titre pris en charge, est celui de droit commun fixé par l’article 2224 du code civil, soit trente ans, puis cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ; ainsi il y a lieu d’écarter l’argument tenant au fait que la créance aurait été prescrite en application de l’article L.114-1 du code des assurances [C. comptes, 29 nov. 2017, Direction départementale des finances publiques (DDFIP) des Yvelines, n° 2017-3565].

79Eu égard aux caractéristiques du débiteur, la préservation et le recouvrement de la créance nécessitaient des diligences rapides ; en l’espèce, bien que la créance litigieuse n’ait pas été atteinte par la prescription, son recouvrement n’en était pas moins gravement compromis du fait de l’inaction du comptable jusqu’à la date à laquelle il a quitté ses fonctions ; il y a donc lieu de le tenir pour responsable de la perte de la créance et d’engager sa responsabilité [C. comptes, 29 nov. 2017, Direction départementale des finances publiques (DDFIP) des Yvelines, n° 2017-3565].

80Dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l’article 2244 du code civil prévoyait qu’un commandement, signifié à celui qu’on voulait empêcher de prescrire, interrompait la prescription ; dans sa rédaction issue de ladite loi du 17 juin 2008, ledit article prévoyait que le délai de prescription était interrompu par un acte d’exécution forcée, cette nouvelle rédaction emportant pour conséquence qu’un commandement n’interrompait plus, désormais, le délai de prescription ; cette conséquence a été privée d’effet, en ce qui concerne les commandements dans les procédures de recouvrement des créances fiscales, par la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificatives pour 2009, dont l’article 18, en modifiant l’article 259 du livre des procédures fiscales susvisé, a explicitement prévu que le commandement interrompait la prescription de l’action en recouvrement [C. comptes, 21 déc. 2017, Direction départementale des finances publiques (DDFIP) de l’Aude, n° 2017-3942].

Primes, indemnités, rémunérations accessoires

81Le paiement d’indemnités de fonction à des élus est conditionné par l’exercice effectif de ces fonctions ; l’arrêté de délégation desdites fonctions est un acte indispensable pour prouver cet exercice effectif ; en ce qui concerne les paiements de l’espèce, l’arrêté de délégation de fonction constitue le fondement juridique nécessaire nonobstant l’existence de délibérations du conseil syndical décidant l’affectation de telles indemnités aux vice-présidents qui en ont bénéficié et en en fixant le taux. Les déclarations de l’ordonnateur et du comptable sur la réalité de l’exercice par les vice-présidents de leur fonction, au surplus, non appuyées d’éléments probants, ne sauraient suppléer l’absence de ces arrêtés [C. comptes, 25 janv. 2018, Syndicat intercommunal de rivière Calavon-Coulon (SIRCC), n° 2017-4177]. V. aussi s’agissant d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) [C. comptes, 25 janv. 2018, Centre de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) de l’Isère, n° 2017-4178]. S’agissant d’un service départemental d’incendie et de secours, la Cour apporte une utile précision : la nomenclature des pièces justificatives des dépenses du secteur local établie par l’annexe I de l’article D.1617-19 du CGCT contient une rubrique 311 “Indemnité de fonction d’un élu local” ; s’agissant d’un premier paiement sont exigées deux pièces principales : « 1. Délibération fixant les conditions d’octroi de l’indemnité et son montant » et « 2. Le cas échéant, arrêté de délégation de fonction » ; le préambule de cette liste précise que les termes « le cas échéant » sont utilisés lorsque « La production de la pièce justificative est subordonnée à la réalisation de conditions particulières prévues par la réglementation » ; si un arrêté de délégation n’est pas nécessaire pour l’exécutif de la collectivité ou de l’établissement concerné, il l’est pour les élus qui doivent bénéficier de délégation de fonctions, dès lors que la perception des indemnités est liée à l’exercice effectif desdites fonctions ; en aucun cas ces termes ne peuvent être interprétés comme rendant optionnelle la production de la pièce citée [C. comptes, 19 avril 2018, Service départemental d’incendie et de secours de la Drôme (SDIS26), n° 2018-0919].

82On lira avec intérêt l’arrêt ci-dessous mentionné qui constitue un florilège d’irrégularités en matière de versement de primes et indemnités diverses, notamment la prime pour participation à la gestion des contrats de recherche, la prime pour la participation à la gestion des actions de formation continue ou le paiement d’une prime de charges administratives alors que l’attributaire bénéficiait d’un logement pour nécessité absolue de service ; ces irrégularités sont malheureusement trop fréquentes au sein des universités ; gageons toutefois que l’actuelle ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, présidente de l’Université de Nice au moment des faits, aura à cœur de veiller à une utile clarification [C. comptes, 1er févr. 2018, Université de Nice, n° 2018-0218].

83Conformément à la rubrique 210224 de l’annexe I à l’article D. 1617-19 du CGCT, le paiement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) doit être appuyé d’une « délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires » ; à l’appui des paiements litigieux, le comptable disposait d’une délibération du conseil municipal ne définissant pas une liste des emplois dont les missions impliquaient la réalisation effective d’heures supplémentaires, mais prévoyant seulement que ces indemnités pourront être attribuées aux « agents titulaires, stagiaires et non titulaires à temps complet, temps non complet et à temps partiel de catégorie C et de catégorie B, relevant des cadres d’emplois administratifs (adjoint administratif, rédacteur), techniques (adjoint technique et agent de maîtrise) et ASEM » ; cette délibération précisait ensuite, non pas au regard de l’emploi occupé mais au regard du grade et de l’indice, les agents de chaque cadre d’emplois mentionné qui avaient vocation à bénéficier d’IHTS ; en application des dispositions de l’article 12 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, le grade est distinct de l’emploi et la délibération produite ne répondait ainsi pas aux exigences de la nomenclature [C. comptes, 22 mars 2018, Commune de Vue (Loire-Atlantique), n° 2018-0499]. V. aussi [C. comptes, 19 avril 2018, Commune de Miribel, n° 2018-0906]. [C. comptes, 19 avril 2018, Communauté de communes du pays de Valois, n° 2018-0925].

84La comptable considérait que, dès lors qu’existait un accord, accepté par la chambre, entre l’employeur et son salarié, pour que le salarié perçût des indemnités forfaitaires représentatives de temps passé (IFRTP) et que l’employeur ne demandât pas le remboursement du salaire, les comptables n’avaient qu’à appliquer ce contrat, sans qu’ils eussent à vérifier si les salariés étaient ou non en congé. Toutefois, la Cour indique que le code rural et de la pêche maritime, en ce qui concerne les élus salariés, n’offre qu’une alternative : le remboursement aux employeurs des rémunérations versées lorsque le salarié accomplit ses activités d’élu pendant les heures de travail ou le paiement au salarié d’IFRTP pour les activités accomplies en dehors du temps de travail ; la détermination de cette circonstance d’une activité en dehors des heures de travail est donc nécessaire pour constituer le salarié élu créancier de la chambre ; l’existence d’une convention entre le salarié et son employeur n’est donc pas de nature à déroger à ces dispositions du code rural et de la pêche maritime [C. comptes, 10 avril 2018, Chambre départementale d’agriculture de l’Eure-et-Loir, n° 2018-0916].

Régies d’avances et de recettes

85Selon les termes de l’arrêté du 28 mai 1993 modifié, relatif au taux de l’indemnité de responsabilité susceptible d’être allouée aux régisseurs d’avances et aux régisseurs de recettes relevant des organismes publics et au montant du cautionnement imposé à ces agents, le montant de ce dernier et, corrélativement, de l’indemnité de responsabilité du régisseur, s’établit sur la base du montant moyen des recettes encaissées mensuellement ; engage sa responsabilité le comptable qui a payé ladite indemnité sur la base du montant moyen des recettes encaissées annuellement [C. comptes, 20 déc. 2017, Grand port maritime de la Rochelle (GPMLR), n° 2017-4078].

86La nomination d’un régisseur dans un établissement public local d’enseignement relève de la compétence du chef d’établissement, avec l’agrément de l’agent comptable ; une telle nomination affecte la détermination des personnes susceptibles d’être déclarées personnellement et pécuniairement responsables d’opérations relevant de la comptabilité publique ; dès lors, cette nomination ne saurait résulter d’une simple décision implicite du chef de l’établissement concerné, mais doit nécessairement être formalisée par une décision explicite, soumise à l’agrément de l’agent comptable. Par suite, c’est sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier que la Cour des comptes a jugé que, faute d’une décision explicite du chef d’établissement agréée par le comptable, l’intéressé n’avait pas été nommé régisseur de recettes et d’avances [CE, 6 déc. 2017, Gestion de fait du collège William-henri Classen à Ailly-sur-Noye (Somme), n° 402474].

Tenue de la comptabilité

87Une écriture de rattachement comptable annulée ultérieurement ne saurait, même si elle a été effectuée sans que le comptable ait été en possession des justificatifs prévus par la réglementation, être considérée comme un paiement au sens de la comptabilité publique ; le comptable qui effectue cette écriture ne procède à aucun paiement irrégulier ni ne crée aucun manquant en deniers [C. comptes, 15 déc. 2017, Groupement d’intérêt public formation continue et insertion professionnelle (GIP-FCIP) de l’académie de la Réunion, n° 2017-4035].

88Dès lors que les écarts relevés en comptabilité ne traduisent aucun manquant en deniers ou en valeurs mais résultent d’un écart entre l’ancienne application comptable utilisée jusqu’à l’exercice 2011 (CGL) et la nouvelle (Chorus), il n’y a pas lieu d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable [C. comptes, 21 déc. 2017, Direction départementale des finances publiques (DDFIP) du Vaucluse, n° 2017-4006].

Titres de recette

89Le caractère exécutoire d’un titre de perception est suspendu par l’opposition à l’exécution présentée par le débiteur ; toutefois, cette opposition a été implicitement rejetée dans les six mois de sa présentation, par application de l’article 8 du décret du 29 décembre 1992 susvisé, alors en vigueur (art. 118 GBCP) ; faute pour le débiteur d’avoir saisi la juridiction compétente dans le délai de deux mois à compter de ce rejet, le titre de perception a recouvré son caractère exécutoire [C. comptes, 29 nov. 2017, Direction départementale des finances publiques (DDFIP) des Yvelines, n° 2017-3565].

90Selon l’instruction budgétaire et comptable M14, le mandat d’annulation, qu’elle qualifie de « mandat rectificatif », « vaut ordre de reversement et peut être rendu exécutoire dans les mêmes conditions qu’un titre de recette » ; dès lors, le bordereau de mandats à annuler et le mandat d’annulation suffisent pour ouvrir les voies de recouvrement, y compris contentieuses ; aucun manquement ne saurait donc en l’espèce être reproché à la comptable mise en cause, au motif qu’elle n’aurait pas demandé à l’ordonnateur l’émission d’un titre de recette [C. comptes, 25 janv. 2018, Communauté de communes de Montmerle Trois-Rivières (Ain), n° 2017-4180].

91Les titres émis en fin d’exercice en vue de la régularisation des produits à recevoir le sont à titre conservatoire et ne matérialisent pas des créances certaines, liquides et exigibles et ne sont pas accompagnées des pièces justificatives prévues par la réglementation en vigueur ; le comptable ne peut ainsi assurer aucune vérification de la validité de la créance ni entreprendre aucune diligence en vue de leur recouvrement jusqu’à l’émission d’un ordre de recouvrement ou d’un nouveau titre après procédure d’extourne, accompagné l’un comme l’autre des pièces justificatives ; la responsabilité des comptables ne peut donc être recherchée sur le fondement d’une absence de diligences en vue du recouvrement des titres en cause [C. comptes, 10 avril 2018, Agence de services et de paiement (ASP), n° 2018-0860].

Visa du contrôleur financier

92L’art. 5-1 de l’arrêté du 8 février 2008 relatif aux modalités d’exercice du contrôle financier sur l’Institut national de police scientifique précise que : « sont soumis au visa du contrôleur, selon des seuils et des modalités qu’il fixe après consultation de l’établissement : (…) les contrats, conventions, marchés ou commandes ; (…) » ; entrent dans le champ de cette exigence les bons de commande émis dans le cadre d’un marché à bons de commande alors même que ce marché aurait été lui-même soumis à visa du contrôleur financier en application des mêmes dispositions, dès lors que rien ne permet d’exclure ces bons de la catégorie générique des commandes même s’ils ne sont pas explicitement visés [C. comptes, 19 avril 2018, Institut national de police scientifique (INPS), n° 2018-0961].

Procédure

Amende pour retard

93En application des articles 212 à 214 et 232 du décret du 7 novembre 2012, les comptes établis par l’agent comptable, certifiés par l’ordonnateur, et arrêtés par l’organe délibérant doivent être adressés à la Cour avant l’expiration du troisième mois suivant la clôture de l’exercice. Malgré de nombreuses relances du Procureur général, le délai d’un mois accordé à la suite de la demande adressée par le comptable, la nouvelle relance et la mise en demeure, les comptes des exercices 2013 et 2014 n’ont pas été produits au jour de l’audience publique. Certes, l’absence d’un logiciel comptable avait contraint le comptable de suivre les dépenses sur un tableur Excel ; en outre, le directeur départemental des finances publiques considère que le comptable ne disposait pas des compétences nécessaires pour assurer les fonctions d’agent comptable ; enfin, les fonctions d’agent comptable étaient assurées en adjonction de service. Aucun de ces arguments ne peut exonérer le comptable du respect du délai de reddition des comptes ; la Cour en tient toutefois compte dans la détermination du quantum de l’amende, fixant celle-ci à 10 € par mois de retard (au lieu des 60 € autorisés par les textes) [C. comptes, 5 janv. 2018, Groupement de coopération sanitaire (GCS) des Hautes-Alpes, n° 2017-3938].

Anonymisation

94Il ne résulte d’aucune disposition du code des juridictions financières que les jugements notifiés devraient être expurgés de leurs mentions nominatives ; au demeurant, s’il en allait ainsi, la lisibilité et la bonne compréhension des jugements par les personnes auxquelles ils sont notifiés s’en trouveraient gravement compromises ; à supposer établie la réalité d’une publication du jugement comportant des mentions nominatives, cette circonstance postérieure au prononcé dudit jugement serait dépourvue d’effet sur la régularité de celui-ci ; le moyen serait de surcroît inopérant [C. comptes, 22 fév. 2018, Communauté d’agglomération de Toulon Provence Méditerranée (Var), n° 2018-0380].

Arrêté conservatoire de débet

95Un arrêté conservatoire de débet ne peut retenir à l’encontre du comptable des charges qui, d’une part, ne découlaient pas de l’injonction du bordereau d’injonction que mentionnait pourtant la décision dite « provisoire de charges » et qui, d’autre part, n’avaient pas été clairement énoncées dans l’injonction sans les lui faire connaître et l’inviter à apporter des explications ou justifications suivant la procédure applicable à l’apurement administratif. Il suit de là que la mise en cause de la responsabilité du comptable a méconnu le principe du contradictoire [C. comptes, 19 avril 2018, Centre culturel français de Brazzaville (Congo), n° 2018-0976].

Communication des documents

96La lettre de notification du réquisitoire comportait la désignation du rapporteur chargé de l’instruction, invitait les comptables mis en cause à « adresser au magistrat chargé de l’instruction [leurs] observations écrites… » et indiquait expressément que le dossier des pièces à l’appui était consultable par eux au greffe contentieux, conformément aux dispositions des art. L. 142-1-2 et R. 142-5 CJF dans leur version alors applicable ; le rapport d’examen juridictionnel, antérieur au réquisitoire dont la notification constitue le point de départ de la procédure contentieuse, faisait partie des pièces versées au dossier auquel les comptables concernés avaient accès ; au surplus, ledit rapport leur a été adressé sur leur demande par courriel ; les comptables en cause ont bien répondu aux questions qui leur étaient posées par le magistrat chargé de l’instruction. Par suite, l’absence de communication initiale du rapport d’examen juridictionnel n’est donc pas de nature à vicier la procédure [C. comptes, 10 avril 2018, Chambre départementale d’agriculture de l’Eure-et-Loir, n° 2018-0916].

Contradictoire

97L’art. R 142-7 du code des juridictions financières dispose que « les parties à l’instance sont informées du dépôt… des conclusions du ministère public ainsi que de la possibilité de consulter ces pièces » ; en l’espèce, la Cour estime que le principe du contradictoire n’a pas été violé alors même que les conclusions du parquet ont été remises à la comptable lors de l’audience publique. L’arrêt témoigne toutefois d’un certain embarras de la Cour qui prend soin de préciser que”les conclusions du parquet sont conformes aux propositions du rapporteur pour les trois dernières charges, que le rapport a été déposé le 22 juin 2017, que pour la première charge, lors de l’audience publique, le rapporteur et l’avocat général ont été invités à exposer à nouveau leurs arguments respectifs et opposés et que la comptable a pu faire valoir son point de vue”. La présente espèce fait ainsi écho à l’arrêt du 31 juill. 2017 (TPG puis DRFIP de la Guadeloupe, n° 2017-2487) dans lequel la Cour avait invoqué des arguments de fait pour considérer, de façon lapidaire, que le comptable n’avait pas manqué de temps, constatant qu’il avait produit deux mémoires en réponse aux conclusions du ministère public et concevant l’audience publique comme pouvant “purger” les défauts du rapport d’instruction. Le respect du principe du contradictoire ne peut s’accommoder de ce genre d’approximations et de considérations de pur fait ; en tout état de cause, le comptable mis en cause doit pouvoir disposer du temps suffisant pour préparer sa défense. S’agissant des conclusions du parquet, ne serait-il pas opportun pour la Cour de s’inspirer de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui fait obligation au Rapporteur public, sur demande des parties, de communiquer, dans un délai raisonnable avant l’audience, le sens de ses conclusions ? [C. comptes, 7 déc. 2017, Université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM), n° 2017-3656].

98La Cour a considéré que n’existait aucune violation du principe du contradictoire tiré du droit à un procès équitable au sens de l’art. 6-1 Conv. EDH alors que le comptable n’avait reçu communication des conclusions du ministère public que la veille du jour de l’audience. La Cour relève en effet qu’en application de l’article R 242-5 CJF dans la version en vigueur lors du prononcé du jugement de première instance, les parties auxquelles le réquisitoire a été notifié doivent être informées du dépôt des conclusions du ministère public avant l’audience publique de jugement, sans toutefois qu’un délai soit explicitement fixé par le texte réglementaire ; la Cour note que le comptable a assisté et a pu s’exprimer lors de l’audience publique et qu’il a confirmé lors de celle-ci qu’il n’avait pas formulé de demande de report de l’audience devant le premier juge [C. comptes, 22 fév. 2018, Régie communautaire d’exploitation de parcs de stationnement - PARCUB, n° 2018-0322].

99Il résulterait des visas de l’arrêt attaqué qu’un magistrat de la Cour des comptes aurait pris la parole après les parties ; toutefois, la mention, après les indications relatives au déroulement de l’audience publique, de l’audition de ce magistrat avait trait, non pas au déroulement de l’audience publique, mais à celui du délibéré, au cours duquel cette magistrate est intervenue en qualité de réviseur, conformément aux dispositions du II de l’art. R. 142-9 CJF (désormais R 142-13 CJF). Dès lors, le moyen tiré de ce que l’arrêt attaqué aurait été rendu au terme d’une procédure irrégulière doit être écarté [CE, 6 déc. 2017, Gestion de fait du collège William-henri Classen à Ailly-sur-Noye (Somme), n° 402474].

Débet administratif, débet juridictionnel

100Les dispositions de la loi du 23 février 1963 donnent compétence tant au ministre dont relève le comptable qu’au ministre chargé du budget et au juge des comptes pour mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire d’un comptable public ; la circonstance qu’une décision administrative de mise en débet d’un comptable public est intervenue en raison d’un manquement du comptable à ses obligations ne saurait faire obstacle à ce que le juge des comptes se prononce sur l’existence du même manquement et mette en jeu, le cas échéant, la responsabilité du comptable (…) alors même que le ministre chargé du budget aurait déjà accordé une remise gracieuse à l’intéressé dans le cadre de la procédure de débet administratif (…) Il revient au juge des comptes, avant de mettre le comptable en débet, de prendre en compte la remise gracieuse accordé par le ministre. Il lui incombe ainsi de déduire de la somme susceptible d’être mise à la charge du comptable la somme dont le ministre lui a déjà accordé la remise gracieuse ; il doit ensuite déduire de la somme restant à la charge du comptable celle que ce dernier a déjà versé en conséquence de sa mise en débet administratif [C. comptes, 16 avril 2018, DRFIP des Pays de la Loire et du département de Loire-Atlantique - Service des impôts des entreprises de Pornic, n° 2018-0785]. La Cour des comptes procède ainsi à une application stricte de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 19 mai 2017, TPG de Mayotte, n° 389741 ; GFP 2017-6 p. 145). On peut toutefois regretter que la Cour ait choisi, contrairement à la position du Parquet, de considérer qu’aucune charge ne subsistait à l’encontre de la comptable, motif pris de la remise gracieuse accordée par le ministre et de la constatation du versement du laissé à charge par la comptable. Il eut mieux valu, comme le proposaient tant le rapporteur que le ministère public, prononcer un débet pour l’intégralité de la somme non recouvrée et constater son apurement.

Impartialité

101Le principe d’impartialité applicable à toutes les juridictions administratives fait obstacle à ce que le rapporteur d’une chambre régionale des comptes participe au jugement des comptes d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public dont il a eu à connaître pour avoir effectué, au titre des mêmes exercices, l’examen juridictionnel des comptes de cet organisme ; en l’espèce, la participation du magistrat ayant effectué le contrôle juridictionnel des comptes de la communauté de communes au délibéré de la formation de jugement ayant statué sur une présomption de charge entache d’irrégularité la composition de cette formation ; dès lors, sans qu’il soit besoin de discuter les autres moyens, le jugement de la chambre régionale des comptes doit être annulé [C. comptes, 22 fév. 2018, Communauté de communes de Balbigny (Loire), n° 2018-0381].

Instruction du compte

102La collectivité requérante soutient qu’au cours de la procédure d’appel, le greffe de la chambre régionale des comptes lui a imposé un délai de quinze jours pour produire son mémoire en réplique alors que les dispositions de l’article R. 242-26 CJF fixent à cet égard un délai d’un mois ; cette méconnaissance aurait nécessairement eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, en privant la requérante du délai normalement imparti pour préparer ce mémoire. Dans ses conclusions, le Procureur général estimait que la collectivité requérante était fondée à considérer que la procédure ainsi suivie n’avait pas permis de respecter ses droits ; il invitait en conséquence la Cour à surseoir à statuer afin de compléter la réponse apportée dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt avant dire droit.

103La Cour va pourtant rejeter l’argument : s’il y a lieu de constater que le greffe de la chambre régionale des comptes a fait une application erronée des dispositions de l’article R. 242-26 CJF, il ne résulte pas du dossier que la collectivité requérante ait fait valoir son droit à bénéficier d’un délai d’un mois pour présenter son mémoire en réplique, ni qu’elle ait, dans la suite de la procédure, manifesté son intention de compléter un mémoire qu’un délai raccourci ne lui aurait pas permis d’établir dans les meilleures conditions ; lors de l’audience publique, l’avocat de l’appelant a confirmé que, si la collectivité entendait dénoncer ce vice de procédure, elle n’avait nullement matière à compléter le contenu du mémoire alors déposé. Cette position de la Cour des comptes a de quoi étonner dans la mesure où les dispositions du CJF sont claires et que rien n’y indique qu’il appartient au requérant de solliciter le bénéfice du délai d’un mois qu’elles instituent [C. comptes, 22 fév. 2018, Communauté d’agglomération de Toulon Provence Méditerranée (Var), n° 2018-0380].

Pré-jugement

104Le rapport d’observations définitives, publié par la Chambre régionale en juillet 2016, consacre sa partie 5 à une analyse approfondie des difficultés de fonctionnement de la régie d’avances et de recettes de PARCUB ; il évoque à cette occasion l’existence du titre n° 2010-93 émis en septembre 2010 et son non-recouvrement partiel ainsi que les différentes analyses effectuées de 2009 à 2012 pour tenter de comprendre l’origine de cette situation ; ce rapport adressé à l’ordonnateur de la régie communautaire PARCUB ne comporte aucune mention du rôle ni des obligations professionnelles du comptable public ou d’éventuelles conséquences de l’absence d’apurement du titre de recettes sur sa responsabilité personnelle et pécuniaire ; l’impartialité de la procédure juridictionnelle menée en première instance ne peut donc être mise en cause [C. comptes, 22 fév. 2018, Régie communautaire d’exploitation de parcs de stationnement - PARCUB, n° 2018-0322]. V. déjà C. comptes, 4 juill. 2013, Communauté de communes de l’Ile Napoléon, n° 67225 ; GFP 2014-7 p. 168.

105La Cour rappelle ainsi avec fermeté que les deux contrôles (contrôle de la gestion et contrôle juridictionnel des comptes), conduits de manière concomitante, demeurent distincts dans leur nature et leur objet et peuvent conduire à engager la responsabilité de l’ordonnateur devant la cour de discipline budgétaire et financière, s’il est justiciable de cette juridiction, ou celle du comptable devant la chambre régionale des comptes, sur des fondements juridiques différents [C. comptes, 22 fév. 2018, Communauté d’agglomération de Toulon Provence Méditerranée (Var), n° 2018-0380].

Motivation des jugements et arrêts

106Si, dans la motivation de son jugement, une Chambre régionale identifie un manquement ayant causé un préjudice pour certains mandats et non pour d’autres, elle ne tire pas les conséquences de cette analyse dans le dispositif du jugement qui n’identifie qu’un seul manquement, commettant ainsi une erreur de droit. “Quand bien même la chambre aurait décidé de ne pas infliger de somme non rémissible au comptable, le dispositif aurait dû conclure sur le manquement sans préjudice avant de statuer sur l’infliction éventuelle d’une somme” [Concl. Parquet sur C. comptes, 16 nov. 2017, Commune de Langres, n° 2017-3377].

107Un jugement qui omet de discuter, fût-ce succinctement, une proposition du rapporteur, les conclusions du ministère public ou les observations des autres parties, est entaché d’irrégularité. En l’espèce, constatant, comme le ministère public, qu’aucune preuve des actes interruptifs de la prescription et de leur réception par les destinataires n’a été apportée, la chambre diffère dans sa décision en ce qu’elle estime que le début de preuve et les circonstances particulières avancés par le comptable sont suffisants pour l’exonérer de sa responsabilité ; par conséquent, le jugement ne peut être considéré comme insuffisamment motivé au regard des conclusions du ministère public [C. comptes, 14 déc. 2017, Hôpital local de Marines, n° 2017-3762].

108Un jugement qui omet de discuter, fût-ce succinctement, une observation présentée par l’une des parties, est entaché d’irrégularité ; dans le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes se borne à reproduire les arguments avancés par les comptables pour justifier l’absence de préjudice financier avant, sans analyse et discussion de ces arguments, de déclarer qu’il y a lieu de mettre à la charge des comptables une somme non rémissible « en l’absence de préjudice financier » ; en tout état de cause, la simple référence aux arguments des comptables est, en l’espèce, insuffisante pour caractériser l’absence ou l’existence d’un préjudice financier : la motivation du jugement est donc insuffisante [C. comptes, 25 janv. 2018, Syndicat mixte départemental de traitement des déchets ménagers de l’Aisne « Valor’Aisne », n° 2018-0042].

109Pour constituer un comptable débiteur d’un organisme public, le juge des comptes doit établir l’existence d’un lien de causalité entre le manquement éventuel reproché au comptable et le préjudice subi par l’organisme ; en application du 2e alinéa du VI de l’art. 60 de la loi du 23 févr. 1963, dès lors que la CRC a considéré que le manquement du comptable n’avait pas causé de préjudice financier à la commune, elle ne pouvait pas constituer le débiteur de cette commune mais aurait dû, le cas échéant, mettre à la charge du comptable une somme non rémissible [C. comptes, 22 mars 2018, Commune de Morzine, n° 2018-0496].

Moyen soulevé d’office

110Il ressort des termes mêmes de l’arrêt n° S 2016-2434 du 21 juil. 2016 de la Cour des comptes que celle-ci, pour écarter le moyen tiré de l’irrégularité du jugement de la chambre régionale des comptes au motif qu’elle aurait soulevé d’office l’existence de la force majeure, a jugé que, en application de ces dispositions, il appartient au juge de se prononcer sur l’existence de circonstances constitutives de la force majeure au regard de l’ensemble des éléments portés à sa connaissance ; en se prononçant ainsi, elle n’a pas jugé qu’il appartenait au juge des comptes de soulever d’office un moyen tiré de l’existence d’un cas de force majeure mais s’est bornée à définir, sans erreur de droit, l’office du juge des comptes en la matière [CE, 21 févr. 2018, Commune de Rauville-la-Bigot (Manche), n° 404892].

Note en délibéré

111Aucune disposition du CJF, notamment dans ses articles R. 142-6 à R. 142-14, ne prévoit la communication d’observations ou de pièces nouvelles par les parties à l’issue des débats de l’audience publique et de la mise en délibéré de l’affaire ; au surplus, les notes présentées par les comptables introduisent un moyen nouveau n’ayant pas été soumis à la contradiction auprès des autres parties à l’instance ; ainsi ces documents produits, postérieurement à l’audience publique et à la clôture des débats, sont irrecevables [C. comptes, 10 avril 2018, Chambre départementale d’agriculture de l’Eure-et-Loir, n° 2018-0916].

Principe d’égalité des armes

112Un comptable conteste la recevabilité de la requête du ministère public, en arguant que le procureur financier aurait eu connaissance du jugement dès sa lecture lors de l’audience publique à laquelle il assistait et que ce serait donc à compter de cette date que devrait être compté le délai d’appel et non à la date à laquelle le jugement a été notifié au procureur financier ; le requérant considère également que le procureur aurait, de ce fait, disposé d’un délai plus long que la comptable pour former son appel ce qui, selon elle, violerait l’art. 6-1 Conv. EDH.

113La Cour indique que, même si l’article R. 242-11 CJF alors en vigueur ne prévoyait pas expressément la notification des jugements au ministère public, il résultait de l’article R. 242-10 qu’il était une partie et de l’article R. 242-16 qu’il pouvait interjeter appel d’un jugement ; l’art. R. 242-18 prévoyait que l’appel soit formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; il en résultait que le jugement devait nécessairement être notifié au procureur financier, faute de quoi sa faculté de faire appel n’aurait été enfermée dans aucun délai ; pour le procureur financier comme pour les autres parties, le délai d’appel court à compter de la notification qui lui est faite du jugement ; aucun élément du dossier ne permet d’étayer les affirmations de la comptable relatives à une connaissance préalable du jugement dont aurait bénéficié le procureur financier et qu’il n’est donc pas établi que ce dernier aurait disposé d’un délai supérieur aux autres parties pour préparer sa requête [C. comptes, 25 janv. 2018, Communauté de communes de Montmerle Trois-Rivières (Ain), n° 2017-4180].

Régime de responsabilité applicable

114Le premier acte de mise en jeu de la responsabilité des agents comptables des centres culturels français à l’étranger, dont les comptes sont apurés par le directeur spécialisé des finances publiques pour l’étranger, est la notification du bordereau d’injonctions par ce dernier ; par suite, les charges qui résultent des injonctions notifiées après le 1er juillet 2012 dans l’arrêté conservatoire de débet sont à juger selon les dispositions de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi du 28 décembre 2011 [C. comptes, 16 nov. 2017, Centre culturel français (CCF) Charles Baudelaire de Rose-Hill à Port-Louis (Maurice), n° 2017-3373. C. comptes, 16 nov. 2017, Institut français de Serbie, n° 2017-3534].

Réquisitoire du ministère public

115La Cour, saisie de présomptions de charges regroupant plusieurs opérations litigieuses a fréquemment jugé que plusieurs manquements de l’agent comptable peuvent être relevés au titre d’une même présomption de charge (à titre d’exemples on pourra retenir, parmi les nombreuses espèces, C. comptes, 4 mai 2016, Établissement public d’aménagement Orly Rungis Seine Amont, GFP 2016-6 p. 154 ; C. comptes, 22 juin 2017, Institut Français de Chine ; C. comptes, 26 mai 2016, DRFIP de Rhône-Alpes, charge n° 16, GFP 2016-6 p. 155). La présentation des réquisitoires par charges a pour but de faciliter l’identification des différents faits et griefs de nature à engager la responsabilité du comptable. Les regroupements peuvent certes être réalisés par opérations similaires constitutives - de l’appréciation du ministère public - d’un même manquement, mais aussi par comptable, par catégorie de dépense, ou encore par exercice. De la même façon, la notion de charge n’interdit en rien à la Cour de considérer que des faits présentés au sein de deux charges différentes sont constitutifs d’un même type de manquement (C. comptes, 24 juillet 2013, Agence de la Biomédecine ; C. comptes, 16 octobre 2015, Autorité de régulation des activités ferroviaires, GFP 2016-2 p. 139 ; C. comptes, 4 mai 2016, Établissement public d’aménagement Orly Rungis Seine Amont, précité). Ce n’est donc pas sur une présomption de charge considérée comme un tout que le juge doit se prononcer mais bien sur tous les faits (paiements, écritures comptables, …) qui lui sont présentés et sont susceptibles d’être constitutifs de manquements de nature à engager la responsabilité de l’agent comptable, indépendamment du choix de présentation retenu par le ministère public [Concl. Parquet sur C. comptes, 16 nov. 2017, Commune de Langres, n° 2017-3377].

116La comptable n’a pas été en mesure de prouver, grâce aux diligences qu’elle aurait dû accomplir, l’insolvabilité du débiteur ou l’impossibilité de recouvrer la créance, seuls motifs valables pour procéder à une admission en non-valeur ; elle aurait dû solliciter l’annulation ou la réduction des titres de recette en cause. Cependant la Cour n’a été saisie, par l’effet du réquisitoire introductif de l’instance, que de « l’insuffisance des diligences en vue du recouvrement » et non des modalités d’exécution de la procédure d’admission en non-valeur ; en conséquence la responsabilité de la comptable n’a pas lieu d’être engagée de ce chef [C. comptes, 19 déc. 2017, Chambre départementale d’agriculture de la Creuse, n° 2017-4075].

Réserves du comptable entrant

117S’agissant d’une somme modique dont le créancier est une personne physique, le recouvrement de la créance était définitivement compromis à la date de prise de fonctions du comptable ; malgré l’absence de réserves formulées par celui-ci sur la gestion de son prédécesseur, il convient de le décharger de toute responsabilité en ce qui concerne l’absence de recouvrement de ce titre de recettes. Comme l’indiquait le parquet, la Cour a déjà jugé que, même en l’absence de réserves formulées par le comptable entrant sur la gestion de son prédécesseur, il convenait de dégager la responsabilité du nouveau comptable en cas d’action de recouvrement définitivement compromise à son entrée en fonction (C. comptes, 24 avril 1992, Receveur des impôts du Finistère, Rec. 37 ; Rev. Trésor 1993. 298. C. comptes, 12 déc. 2011, Trésorier des créances spéciales du Trésor, Rev. Trésor 2013. 75). [C. comptes, 22 mars 2018, Commune de Morzine, n° 2018-0496].

118Les opérations de reprise de l’ex-Paierie générale du Trésor (PGT) collectivement par les différents contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) ont été d’une particulière complexité ; le CBCM du MINEFI soutenait qu’il n’avait ni la possibilité de s’opposer au transfert des opérations, ni le moyen de rejeter les opérations non justifiées sur un comptable qui n’existait plus ; selon lui, les comptables successeurs n’avaient pas la faculté d’émettre des réserves concernant des créances anciennes et inconnues. La Cour considère que les opérations prises en charge sans réserve par un comptable relèvent de sa responsabilité ; il ne peut être dérogé à cette règle au motif de l’ampleur de l’opération comptable d’éclatement des responsabilités de la Paierie générale du Trésor (PGT), de la Recette générale des finances (RGF) et de l’Agence comptable centrale du Trésor (ACCT) entre les CBCM et le comptable centralisateur des comptes de l’État ; il est constant que le CBCM n’a pas émis de réserve à cet égard sur la gestion de son prédécesseur, alors qu’il en avait la faculté [C. comptes, 8 mars 2018, Contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) placé auprès des ministères économiques et financiers (MINEFI), n° 2018-0513].

Gestion de fait

Gestion de fait

119L’arrêt [C. comptes, 16 nov. 2017, Association La Ruche du 4 - Gestion de fait présumée des deniers de la ville de Paris, n° 2017-3657] fait l’objet d’un commentaire spécifique.

Amende pour gestion de fait

120Aux termes de l’art. L131-11 CJF, les comptables de fait peuvent, dans le cas où ils n’ont pas fait l’objet pour les mêmes opérations des poursuites prévues à l’article 433-12 du code pénal, être condamnés à l’amende par la Cour des comptes en raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public. Le montant de l’amende tient compte de l’importance et de la durée de la détention ou du maniement des deniers, des circonstances dans lesquelles l’immixtion dans les fonctions de comptable public s’est produite, ainsi que du comportement et de la situation matérielle du comptable de fait. Son montant ne pourra dépasser le total des sommes indûment détenues ou maniées. Divers facteurs peuvent servir de base au calcul du montant de l’amende. Il peut s’agir tout d’abord de circonstances de fait telle que l’importance des sommes maniées (C. comptes 24 oct. 1991, Francou et comité d’action sociale. C. comptes, 25 mars 2004, Cne de Levallois-Perret, Rec. C. comptes 15, Rev. Trésor 2005. 179 et nos obs. ; 8 mars 2012, Musée national du sport, n° 63131, Gestion et fin. publ. 2014, n° 7/8 p. 168), de la durée de la gestion irrégulière, des conditions dans lesquelles l’immixtion s’est produite, de la situation personnelle ou de l’attitude générale du comptable de fait. En l’espèce, la Cour relève que si le gestionnaire de fait n’a pas participé à la gestion quotidienne du groupement de coopération sanitaire en cause, il a autorisé l’administrateur provisoire à ouvrir un compte bancaire alors qu’il ne pouvait ignorer que les comptes devaient être tenus par un comptable public ; un autre des comptables de fait était parfaitement informé de l’irrégularité des opérations et n’avait rien fait pour y mettre un terme. Enfin, la Cour note que les opérations irrégulières se sont poursuivies après notification du réquisitoire à fin de déclaration de gestion de fait [C. comptes, 18 avril 2018, Gestion de fait des deniers du Groupement de coopération sanitaire (GCS) des urgences de la Côte Fleurie, n° 2018-0859].

Déclenchement de la procédure de gestion de fait

121On sait que, depuis la réforme de 2008, la juridiction financière ne peut plus s’autosaisir d’une gestion de fait ; cette possibilité était en effet, à l’évidence, contraire au principe d’impartialité. Ainsi, les articles L 242-1-III et R 212-19-IV CJF alors applicables donnent une compétence exclusive au ministère public près une chambre régionale des comptes pour requérir l’ouverture d’une procédure de gestion de fait des deniers d’un organisme relevant du champ de compétences de cette chambre. Cette prohibition de l’auto-saisine, protectrice des justiciables, peut toutefois, comme en l’espèce, avoir des effets pervers lorsqu’un comptable patent excipe, devant le juge des comptes, de son irresponsabilité motif pris de l’existence, selon lui, d’une gestion de fait. Dès lors que la Cour constate qu’aucun réquisitoire n’a été pris en ce sens s’agissant des deniers de l’établissement public Régie communautaire des parcs de stationnement- PARCUB pour la période considérée, seule la responsabilité propre du comptable public de cet établissement a été mise en cause devant la chambre régionale par le réquisitoire susvisé, pour ne pas avoir effectué des diligences suffisantes pour recouvrer le titre de recettes en cause. Le monopole, confié par la loi au ministère public, fait ainsi obstacle à tout déclenchement de la procédure de gestion de fait à l’initiative du comptable public dont les comptes sont en jugement [C. comptes, 22 févr. 2018, Régie communautaire d’exploitation de parcs de stationnement - PARCUB, n° 2018-0322].

Reconnaissance d’utilité publique

122Si dans le cas d’une gestion patente, l’ouverture des crédits est préalable aux opérations de dépenses, il n’en est pas de même, et pour cause, dans le cas d’une gestion de fait. Il conviendra donc que cette ouverture soit faite a posteriori (CE, 21 oct. 1983, Simler, Lebon 420) par l’autorité budgétaire compétente à titre de régularisation. C’est l’objet de la reconnaissance d’utilité publique des dépenses qui ratifie ainsi des dépenses qui n’ont pas été imputées sur des crédits budgétaires préalables en ouvrant ceux-ci rétroactivement. Toutefois, dans certaines hypothèses, la reconnaissance n’est pas utile pour que la Cour puisse passer à l’examen du compte. C’est le cas lorsque le compte ne contient que des recettes et qu’il n’y a donc de la part du comptable de fait que détention ou détournement de fonds ou de valeurs (C. comptes 16 avr. 1970, Agache, et école départementale d’agriculture de Wagnonville, Rec. C. comptes 53 ; 28 févr. 1980 Roger, et Cne de Reims, Rec. C. comptes 206). C’est encore le cas lorsque les dépenses ont un caractère obligatoire (C. comptes 27 sept. 1967, Gonin, rédacteur à la faculté des lettres de Paris, Rec. C. comptes 81), lorsqu’elles conditionnent la perception des recettes (C. comptes 16 déc. 1980, Thouvenin, et Cne de Longuyon, Rec. C. comptes 193 ; 10 déc. 2001, Association française d’études en population (AFEP) – ORSTOM, Rev. Trésor 2002. 716 et nos obs.) ou lorsqu’elles sont en corrélation étroite avec elles (C. comptes 1er mars 1990, Pellenc, Rev. Trésor 1991 317). La présente espèce constitue un cas inédit, la Cour ayant à tirer les conséquences de l’impossibilité d’obtenir la reconnaissance d’utilité publique : « en l’absence d’assemblée délibérante et à défaut, d’une part, de dispositions de la convention constitutive désignant une personne publique susceptible de venir aux droits du groupement de coopération sanitaire ou, d’autre part, de dispositions législatives ou réglementaires organisant la dévolution par défaut des biens, droits et obligations d’un groupement de coopération sanitaire dissous, la déclaration d’utilité publique des dépenses qu’il avait été enjoint aux comptables de fait de produire constitue une formalité impossible » [C. comptes, 18 avril 2018, Gestion de fait des deniers du Groupement de coopération sanitaire (GCS) des urgences de la Côte Fleurie, n° 2018-0859].

CDBF

123Lors de l’audience solennelle de la Cour des comptes du 22 janvier 2018, le Président de la République avait partagé la volonté « d’ouvrir une réflexion sur la responsabilité des ordonnateurs et l’évolution de la Cour de discipline budgétaire et financière. Sur ce point (…) il n’y a pas d’action publique efficace s’il y a une dilution de la responsabilité. Et nous avons, ces dernières décennies, conduit, collectivement, à l’évolution de notre système en créant une forme d’irresponsabilité relative du quotidien, pour finir tous et toutes dans une forme de responsabilité pénale intenable, pour chacun ».

124Le rapport d’activité 2017 de la CDBF, publié le 17 janv. 2018, donne incontestablement raison au président de la République tant le bilan quantitatif reste maigre. « Pour l’année 2017, les déférés se sont élevés à 20, soit un nombre supérieur à la moyenne constatée pendant la période 2008-2017 (15,7 déférés). La CDBF a rendu cinq arrêts en 2017, chiffre qui se situe dans la moyenne des dix dernières années (5,8 arrêts par an). L’évolution à la hausse des activités liées à l’instruction s’est encore amplifiée avec un nombre de rapports déposés et un nombre d’auditions de personnes mises en cause et de témoins sensiblement supérieurs à cette moyenne (respectivement 24 par rapport à 10,8 et 108 par rapport à 54). Le nombre de classements a été de 12 en 2017 (8 en 2016 et 12 en 2015). 25 % pour les classements intervenus au début de la procédure, après l’enregistrement du déféré, et 36,8 % après le dépôt du rapport d’instruction. Globalement, en flux, et à partir des données 2017, sur 100 affaires nouvelles, 47 seront in fine renvoyées devant la CDBF. La durée totale d’une affaire va de 747 jours à 1780 jours, soit une moyenne en 2017 de 1 131 jours (37,2 mois), au-dessus de la cible de l’indicateur fixé à 36 mois ». Même si les rédacteurs du rapport privilégient une vision positive de l’activité de la CDBF, on ne peut que constater que leur optimisme est, pour le moins, exagéré.

125Reste que l’activité d’une juridiction ne se mesure pas seulement, et heureusement, à un bilan quantitatif. La jurisprudence rendue par la Cour au cours de la période sous revue, n’allait pas permettre de nuancer l’appréciation mitigée de l’activité de la Cour tant celle-ci valorise les « circonstances » pour atténuer, voire faire disparaître l’éventuelle sanction des irrégularités commises.

Avantage injustifié à autrui

126Si la conclusion répétée de marchés publics en l’absence de toute mise en concurrence et de publicité préalable peut être constitutive d’un avantage injustifié octroyé à cette société, l’infraction sanctionnée par l’art. L. 313-6 CJF suppose également l’existence d’un préjudice subi par la personne publique ; l’existence d’un tel préjudice n’est en l’espèce pas irréfutablement établie, de sorte que l’infraction n’est pas constituée [CDBF, 3 mai 2018, Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG), n° 220-783]. V. déjà CDBF, 11 oct. 2013, Maison de retraite intercom. de Champcevrais, n° 191 ; AJDA 2013. 2547, chron. Michaut et Sitbon.

Circonstances atténuantes/aggravantes

127La Cour de discipline budgétaire apparaît (trop souvent) comme une juridiction bien compréhensive au regard des irrégularités qu’elle constate et qu’elle est en principe appelée à sanctionner.

128Ainsi, dans l’affaire « ONEMA », si elle constate que la prise de décisions financières par une personne incompétente motif pris du défaut de publication des délégations de signature constitue l’infraction prévue à l’art. L. 313-4 CJF, ajoutant que, s’agissant de la secrétaire générale, elle ne pouvait, eu égard à ses fonctions, ignorer le nécessité de publier les délégations de signature, elle retient toutefois des circonstances atténuantes : au moment de la création de l’ONEMA, seules les délégations de signature qui concernaient l’administration centrale faisaient l’objet d’une publication au bulletin officiel ; le Conseil supérieur de la pêche ne procédait pas à de telles publications. La Secrétaire générale sera ainsi condamnée à une amende de 500 euros.

129La CDBF considère encore qu’il « n’apparaît pas qu’en l’espèce, des dispositions législatives et réglementaires faisaient obstacle à ce que, dans l’exercice des compétences qu’il tient des statuts de l’établissement, le conseil d’administration fixe les conditions de la rémunération des intervenants extérieurs apportant des contributions scientifiques » ; or, ces vacations avaient été versées pour la réalisation de travaux scientifiques sans rattachement à des formations, en contradiction par conséquent avec l’art. 10 du décret du 12 juin 1956 portant fixation du système général de rétribution des agents de l’État ou des personnels non fonctionnaires assurant à titre d’occupation accessoire soit une tâche d’enseignement, soit le fonctionnement de jurys d’examens ou de concours.

130La Cour considère enfin que l’ONEMA a été créé dans des conditions délicates, marquées notamment par une insuffisance des moyens disponibles, en particulier dans les services administratifs et financiers de l’établissement ; sa création s’est accompagnée de difficultés administratives et d’un climat social tendu, liés en partie à la succession de l’ONEMA dans les droits, obligations et pratiques du Conseil supérieur de la pêche. Elle ajoute que les premières années de son fonctionnement ont été marquées par l’urgence dans laquelle l’établissement a dû se mettre en place et agir sans disposer toujours de directives claires de son ministère de tutelle. Elle relève enfin que les manquements relevés sur certains marchés sont de nature formelle [CDBF, 15 déc. 2017, Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), n° 217-730-II].

131Dans le cadre de la procédure de licenciement de la secrétaire générale de l’établissement public en cause, le directeur général avait conclu avec elle un « protocole transactionnel » prévoyant le versement de plus de 155.000 € d’indemnités ; la CDBF constate que le conseil d’administration de l’ANRU n’avait pas délégué au directeur général le pouvoir de transiger ; il en résulte que le « protocole d’accord transactionnel » aurait dû être approuvé par le conseil d’administration, ce qui constitue l’infraction visée à l’art. L. 313-4 CJF. En outre, au-delà même de ce protocole, le directeur général avait accepté la prise en charge d’un écart substantiel entre le droit à la formation non utilisé par l’intéressée au moment de son licenciement (soit 48 h représentant 439,20 €) et la prise en charge de 160 heures de formation pour un montant de 9 100 €. Cet écart était tel qu’il avait entraîné une suspension de paiement par le comptable public et une réquisition par l’ordonnateur. La Cour considère toutefois qu’alors même que cette prise en charge n’a pas été mentionnée de manière explicite dans le protocole transactionnel, la prise en charge par l’Agence des dépenses de formation de la secrétaire générale licenciée “faisait partie des engagements pris par le directeur général à son égard lors de la négociation des conditions de son départ ; qu’un tel engagement n’excédait pas, par son ampleur, la marge de négociation dont dispose un employeur public dans une telle situation ; que le directeur général s’était également engagé vis-à-vis de l’établissement de formation A… à s’acquitter du règlement d’une partie des frais pédagogiques de ladite formation ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances atténuantes de responsabilité” [CDBF, 6 avril 2018, Agence nationale pour la rénovation Urbaine, n° 219-793].

132Constituent des circonstances atténuantes de responsabilité le fait que l’ONAC-VG était pressé d’agir par sa tutelle pour régler, dans l’urgence, l’afflux des demandes algériennes de cartes de combattant ; ni l’agent comptable de l’établissement, ni le contrôleur budgétaire n’ont, à aucun moment, alerté le directeur général sur les conditions de passation et d’exécution des marchés [CDBF, 3 mai 2018, Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG), n° 220-783].

CDBF et Cour des comptes

133La CDBF avait à se prononcer sur le versement d’indemnités dites de « mobilité » en application d’un décret du 21 déc. 2001 qui en réservait explicitement le bénéfice aux agents affectés dans les brigades mobiles d’intervention ; les responsables de l’établissement public en cause ont cru pouvoir interpréter les dispositions – claires pourtant – dudit décret pour verser l’indemnité à des agents qui ne remplissaient pas cette condition. Faisant preuve d’une interprétation très « construc-tive », la Cour considère qu’ « eu égard, d’une part, à la possibilité d’interpréter les dispositions du décret du 21 décembre 2001 comme permettant, du fait de la disparition des services dénommés « brigades mobiles d’intervention » consécutive à la création de l’ONEMA, l’attribution des indemnités aux agents effectuant, en raison de leurs fonctions, des déplacements fréquents, d’autre part à la validation écrite de cette interprétation par l’autorité de tutelle, quoique tardive, les éléments constitutifs des infractions prévues aux art. L. 313-4 et L. 313-6 ne sont pas réunis » [CDBF, 15 déc. 2017, Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), n° 217-730-II].

134On notera avec intérêt que la Cour des comptes a rendu un arrêt sur la même affaire tout en ne concernant pas les mêmes justiciables. La Cour des comptes note ainsi que “dans son arrêt « ONEMA » du 15 décembre 2017, la CDBF évoque la possibilité d’interpréter les dispositions précitées du décret du 21 décembre 2001 comme permettant, du fait de la disparition des services dénommés « brigades mobiles d’intervention » consécutive à la création de l’ONEMA, l’attribution des indemnités aux agents effectuant, en raison de leurs fonctions, des déplacements fréquents, alors que la Cour des comptes avait jugé que l’article 6 de ce décret disposait que la prime de mobilité est attribuée aux agents techniques de l’environnement et aux techniciens de l’environnement « lorsqu’ils sont affectés dans les brigades mobiles d’intervention » et qu’aucune possibilité d’assimilation ou d’équivalence à cette affectation n’était ouverte par le décret ; que, cependant, la CDBF ajoute à cette lecture la mention d’une lettre de validation de l’autorité de tutelle qui peut, en application de l’article L.313-9 du code des juridictions financières, exonérer les fonctionnaires qu’elle jugeait eu égard au régime particulier de responsabilité qu’elle applique ; que ce raisonnement n’est pas applicable aux comptables publics”. La Cour en conclut logiquement que “dans le cas présent, ni les décisions du directeur général de l’ONEMA, ni les lettres du ministre ne permettent de déroger aux dispositions de l’article 6 du décret de 2001 et d’attribuer la prime de mobilité à des agents qui ne sont pas affectés en BMI ; qu’il en résulte que ces agents ne remplissaient pas la condition mise par le décret à l’attribution de cette prime, base nécessaire de sa liquidation” [C. comptes, 10 avril 2018, Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), n° 2018-0986].

135La CDBF va encore faire preuve d’une certaine clémence dans l’affaire de la SIFPA, société d’économie mixte locale de l’Archipel de Saint-Pierre et Miquelon ayant pour objectif de réactiver l’exploitation d’une usine de transformation des produits de la pêche de Saint-Pierre- et-Miquelon après la mise en liquidation judiciaire du précédent exploitant. La Cour constate que la première tâche assignée à la SIFPA était de prendre les dispositions nécessaires pour régulariser l’occupation du domaine public ; si cette opération supposait un travail lourd incombant aux services de l’État, il ne résulte pas de l’instruction que la société d’économie mixte se trouvait dans l’impossibilité de conclure avec l’exploitant un bail commercial relatif à l’utilisation des actifs industriels apportés par la SIFPA ; il revenait en particulier au président-directeur général de la SIFPA depuis sa création, de veiller à ne pas laisser l’exploitant utiliser sans aucun titre ces actifs industriels mis à sa disposition. Il ne ressort toutefois pas du dossier, qu’en l’espèce, eu égard à la situation financière de l’exploitant, dégradée dès le début de l’exploitation, le fait qu’aucun loyer n’ait été versé à la SIFPA soit principalement imputable à l’absence de contrat ; dès lors l’infraction prévue à l’art. L. 313-6 n’est pas caractérisée [CDBF, 22 févr. 2018, Société d’investissements de la filière pêche de l’archipel (SIFPA) de Saint-Pierre-et-Miquelon, n° 218-749].

Personnes justiciables de la CDBF

136On sait que la CDBF n’a en principe pas juridiction sur les élus locaux, exception faite de l’application des dispositions de l’art. L. 312-2 et du dernier alinéa de l’art. L. 312-1 lorsque les fonctions exercées ne sont pas l’accessoire obligé de la fonction principale ; à cet égard, la CDBF a déjà jugé que la présidence du conseil d’administration d’une société d’économie mixte ne constitue pas l’accessoire obligé du mandat d’adjoint au maire de l’intéressé qui restait donc justiciable de la Cour (CDBF, 23 févr. 1994, SEMA ; JO 1er nov. 1994, p. 15583 ; Rev. Trésor 1995. 680. V. déjà CDBF, 19 juill. 1974, De Grailly et a., SEM de La Villette, JONC 4 févr. 1978, p. 943 ; Rec. CDBF tome I. 103 ; GAJF, 4e éd., no 56). En l’espèce, ce n’est pas en sa qualité de président du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon que l’intimé a exercé les fonctions de président-directeur général de la SIFPA, ni que ces fonctions puissent être regardées comme l’accessoire obligé de sa fonction principale [CDBF, 22 févr. 2018, Société d’investissements de la filière pêche de l’archipel (SIFPA) de Saint-Pierre-et-Miquelon, n° 218-749].

137L’assemblée générale de la SIFPA a autorisé la cession de 32 % des parts détenues par la société D…, à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon pour un montant de 1 865 000 € ; l’évaluation, réalisée par le cabinet d’expertise comptable des deux sociétés concernées, l’a été sur des bases manifestement erronées, a eu pour conséquence une surévaluation de 922 850 € des actifs rachetés par la collectivité. Mais la CDBF constate que cette cession est intervenue au seul bénéfice de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, à qui il appartenait de prendre toute disposition pour préserver au mieux ses intérêts ; que si des reproches peuvent être fait à ce sujet à l’intimé, c’est en sa qualité de président du conseil territorial de la collectivité et non en sa qualité de président-directeur général de la SIFPA [même arrêt].

Subventions

138Il incombe à l’autorité qui attribue une subvention de s’assurer que son utilisation correspond bien à son objet et d’en vérifier les conditions de mise en œuvre. En l’espèce, le préfet de Saint-Pierre-et- Miquelon a attribué une subvention de 1,76 M€ au conseil territorial pour la mise aux normes d’une usine de transformation de produits de la pêche et la modernisation de l’outil de production ; cette subvention devait être versée en fonction des conditions d’avancement des travaux de rénovation de l’usine, justifiées par la présentation à la préfecture des preuves de réalisation du projet sous forme d’attestations de paiement certifiées conformes par le trésorier-payeur général. S’agissant des travaux, la SIFPA n’a exercé aucun contrôle propre, s’en remettant au suivi de l’État au titre des installations classées ; un rapport d’expertise a montré ultérieurement que les travaux et investissements réalisés ne correspondaient pas à l’objet initial ; bien plus, certains paiements sont intervenus au vu de factures permettant d’attester de la passation de commandes mais non de la réalité de l’arrivée à Saint-Pierre-et-Miquelon et de la mise en place de ces matériels, compte tenu des délais d’acheminement ; il est apparu, postérieurement à ces paiements, que dans un certain nombre de cas, les factures produites par l’exploitant étaient fausses, les matériels non effectivement commandés ou mis en place.

139La CDBF relève qu’en application du décret n° 99-1060 du 16 déc. 1999 relatif aux subventions de l’État pour des projets d’investissement, « L’autorité qui attribue la subvention effectue un suivi régulier de la réalisation du projet et s’assure de la conformité de ses caractéristiques par rapport à la décision attributive. » et que « Cette autorité met en place un dispositif d’évaluation des projets réalisés. ». Elle estime que la bonne application de ces dispositions impliquait de vérifier, au-delà de la régularité formelle des documents présentés pour paiement de la subvention, la réalité des opérations correspondant à ces documents, notamment la disponibilité effective des matériels achetés ; les préfets, qui doivent être regardés comme l’autorité attributive de la subvention au sens du décret du 16 déc. 1999, n’ont pas respecté leurs obligations ; leur responsabilité de ce chef doit dès lors être mise en cause au titre de l’infraction aux règles d’exécution des dépenses et de la constatation d’un avantage injustifié à autrui. Les préfets de la collectivité territoriale étaient parfaitement informés de l’importance du dossier concernant l’activité « pêche » pour Saint-Pierre-et-Miquelon ; cela aurait dû justifier une vigilance accrue sur ce dossier sensible ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances aggravantes de leur responsabilité [CDBF, 22 févr. 2018, Société d’investissements de la filière pêche de l’archipel (SIFPA) de Saint-Pierre-et-Miquelon, n° 218-749]. V. déjà s’agissant de l’attribution de subventions importantes à des associations sans obtenir ni réclamer de comptes et sans s’assurer que les recettes et les dépenses étaient bien décrites dans la comptabilité des bénéficiaires (CDBF, 4 déc. 1979, Crespin, JONC 29 juill. 1980, p. 6836 ; Rec. CDBF tome I. 175).

Notes

  • [1]
    La Revue du Trésor 2002. 218 ; RFD adm. 2001. 474.
  • [2]
    Chronique de M. Pierre Collin, maître des requêtes au Conseil d’Etat : “Etendue et limites des pouvoirs de contrôle des comptables publics (revue administrative, juillet-août 2001, n°  322, p. 363)
  • [3]
    Rec. C. Comptes 2001. 135 ; La Revue du Trésor 2002. 219 ; RFD adm. 2001. 1116.
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