Tracfin reçoit et traite un nombre croissant de déclarations de soupçon (68 661 en 2017, soit +10 % par rapport à 2016) et contribue à lutter contre les fraudes complexes.
1Créé par décret le 9 mai 1990 [1], Tracfin participe à la protection de l’économie nationale et à la lutte contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
2D’abord dédié à la seule lutte contre le blanchiment de capitaux issus principalement des trafics et le financement du terrorisme, Tracfin a vu son champ de compétence s’élargir à la lutte contre les fraudes aux finances publiques (fraude fiscale en 2009 et fraude sociale en 2012).
3Tracfin est ainsi devenu l’un des acteurs privilégiés de la détection de la fraude fiscale grave à partir de l’analyse des données financières.
4Tracfin est à la fois une « cellule de renseignement financier » (CRF) au sens international des structures spécialisées dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme mais également, depuis 2008, un service de renseignement au sens des services spécialisés dans le recueil et l’analyse du renseignement. En conséquence, Tracfin est devenu l’un des nouveaux acteurs spécialisé de recherche, d’analyse et de partage du renseignement fiscal.
1 – Lutte contre la fraude fiscale : une activité en constante augmentation
5La transposition en droit français de la 3e directive anti-blanchiment (30 janvier 2009) a étendu le champ de la déclaration de soupçon à « toutes les opérations portant sur des sommes dont ils [les professionnels assujettis] savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’un délit puni d’une peine privative de liberté supérieure à un an ». En France, cette définition conduit à inclure dans le dispositif la quasi-totalité du champ délictuel, et notamment la fraude fiscale. Depuis cette date, Tracfin est autorisé à communiquer des informations à différentes autorités non judicaires, parmi lesquelles la DGFIP au titre de la lutte contre la fraude fiscale.
6Dès lors, une collaboration active illustrée par de nombreux échanges entre Tracfin et la DGFiP s’est instaurée, marquée par 3 temps forts :
- la création en 2012, au sein de Tracfin, d’une division spécialisée dans l’enrichissement et la détection de la fraude fiscale et sociale ;
- la signature d’un protocole d’échanges entre Tracfin et la DGFiP en 2013 aux fins de faciliter la transmission du renseignement fiscal ;
- l’arrivée, au sein du Service, d’un agent de liaison DGFIP le 1er septembre 2016.
La progression constante du flux de déclarations de soupçon
7Le volume des déclarations de soupçon faisant expressément mention de fraude fiscale est en constante augmentation, accompagnant en cela la hausse importante et ininterrompue du nombre total de déclarations de soupçon reçues par le Service (68 661 déclarations de soupçon reçues en 2017, soit +10 % en 1 an et + 59 % en 2 ans).
8Entre 2009 et 2017, la proportion de déclarations de soupçon visant de manière plus ou moins directe la fraude fiscale s’est régulièrement accrue pour atteindre aujourd’hui un volume évalué au moins à 30 %. En 2017, plus de 20 000 déclarations font état d’un soupçon principal relatif à la question fiscale lors de la lecture des éléments déclaratifs. Toutefois, dans de nombreux cas, plusieurs soupçons peuvent être combinés au sein d’une même déclaration de soupçon.
9Les enjeux financiers sont cependant hétérogènes et de nombreuses déclarations, liées notamment à la manipulation d’espèces, sont de faible enjeu financier.
10Cette hausse significative a eu un impact organisationnel fort sur le Service. Le développement de l’activité de transmission de notes de renseignement à destination de l’administration fiscale a entraîné la création, en septembre 2012, d’une division spécialement dédiée à l’activité d’investigation en matière fiscale et sociale.
Une coopération renforcée avec la DGFiP
11Le nombre de notes de renseignement externalisées vers la DGFiP s’accroît régulièrement depuis 2009, et plus particulièrement depuis l’année 2012.
12Ainsi, 625 notes ont été transmises à la DGFiP en 2017, chiffre en progression de 79 % par rapport à 2016 (350 notes). Le total des enjeux financiers décrits dans ces notes s’élèvent à plus de 600 M€. Il s’agit des flux suspects décrits par Tracfin et susceptibles de constituer une assiette fiscale éludée.
13L’évolution est illustrée par le diagramme ci-dessous, le nombre de notes de renseignement transmises par Tracfin à la DGFiP a plus que triplé en 6 ans :
Évolution annuelle des notes fiscales vers la DGFiP
Évolution annuelle des notes fiscales vers la DGFiP
14• L’année 2016 a constitué un palier dans la progression du nombre de notes, ceci pour deux raisons principales :
- la présence en portefeuille de nombreux dossiers dont la composante internationale a nécessité des investigations plus longues et plus poussées. Il s’agit notamment des dossiers venant de CRF étrangères qui coopèrent efficacement en matière fiscale (Jersey, Guernesey, Singapour, Belgique, Ile Maurice).
- le traitement de plusieurs dossiers complexes portant sur l’utilisation de produits financiers de type PEA, comptes titres ou encore stock-options.
L’officier de liaison de la DGFiP
Issu de la sphère du contrôle fiscal, il a contribué à consolider les liens établis, entre Tracfin et la DGFiP. Son action opérationnelle s’est traduite par la mise en place d’un circuit complémentaire de transmission accélérée des informations recueillies dans les déclarations de soupçon dit « notes Flash » qui ciblent des dossiers de fraude fiscale plus simple et de moindre enjeu financier. L’objectif est de mobiliser très rapidement du renseignement fiscal en vue d’une diffusion quasi-immédiate lorsque la consolidation du soupçon ne nécessite pas d’investigation complémentaire autre que la consultation des bases fiscales.
248 notes « Flash »ont ainsi été adressées à la DGFIP entre mai (lancement de ce nouveau process) et décembre 2017.
15• L’année 2017 a constitué la première mise en œuvre d’un nouveau dispositif de « Flash Fiscal »
16La DGFiP sera en capacité de communiquer les premiers éléments chiffrés sur l’exploitation de ces informations par les services de contrôle en cours d’année 2018.
Les suites des contrôles fiscaux diligentés par la DGFiP suite aux transmissions de Tracfin
17Une situation annuelle est établie par la DGFIP sur l’exploitation des notes Tracfin. Les chiffres présentés ci-après concernent la situation arrêtée au 31 décembre 2017.
18Les éléments communiqués indiquent que 1 850 propositions de vérifications fiscales ont été initiées à partir des notes Tracfin envoyées à la DGFIP depuis 2010.
19Sur la période 2013-2017, 992 contrôles ont été réalisés et le montant moyen de droits rappelés par dossier s’élevait à 196 682 €. Ce niveau traduit l’impact des dossiers Tracfin sur les contrôles à forts enjeux menés par la DGFiP.
20Les contrôles irriguent tout le territoire national et concernent les différents échelons territoriaux de contrôle fiscal (Directions nationales, inter-régionales et départementales).
21A noter également, l’action pénale avec près de 90 plaintes pour fraude fiscale déposées par la DGFiP à partir de notes Tracfin produites sur la période 2009-2017 et plus de 50 procédures soumises à la Brigade National de Répression de la Délinquance Financière (BNRDF) qui associe au sein du ministère de l’intérieur des officiers de police judiciaire et des officiers fiscaux judiciaires.
Le travail en lien avec le STDR et les avoirs détenus à l’étranger
22Le sujet des avoirs financiers détenus à l’étranger par des résidents français est très présent dans les informations dont Tracfin est destinataire. Certaines de ces informations sont liées aux procédures de régularisation mises en place par la DGFiP en application de la circulaire Cazeneuve du 21 juin 2013.
23Dans ce cadre, Tracfin est amené à interroger périodiquement le Service de Traitement des Déclarations Rectificatives (STDR, service aujourd’hui fermé) via un droit de communication adressé au Service du contrôle fiscal.
24Ainsi, en 2017, 103 demandes d’information vers le STDR ont été formulées via 7 droits de communication (115 demandes en 2016, 106 en 2015 et 123 en 2014).
25Les enjeux financiers liés à ces demandes se sont élevés à la somme de 116 M€ en 2017. Ce chiffre s’établissait à 130 M€ en 2016, 107 M€ en 2015 et 136 M€ en 2014.
26Après analyse, les dossiers inconnus du STDR donnent lieu à la transmission d’information vers la DGFiP, en coopération étroite avec les homologues étrangers de Tracfin susceptibles d’apporter des éléments déterminants et contribuant ainsi à l’identification précise des avoirs financiers détenus hors du territoire national.
La participation de Tracfin à la « TASK FORCE TVA »
Tracfin participe aux travaux de cette cellule qui regroupe également des agents des impôts, des douanes, des ministères de l’intérieur et de la justice. Les alertes émises par la DGFiP à l’occasion de la mise au jour de réseaux frauduleux sont communiquées à Tracfin dans le but, d’une part de recoupement avec d’éventuelles déclarations de soupçons, et d’autre part afin d’améliorer la phase de détection d’autres tentatives frauduleuses menées par les mêmes acteurs.
Les typologies rencontrées
27Les déclarations de soupçon fiscales visent une grande variété de sujets. Il faut noter que la fraude fiscale est souvent mentionnée par les déclarants dans les motifs de la déclaration de soupçon mais qu’elle est fréquemment associée à d’autres phénomènes décrits dans le soupçon (abus de biens sociaux, abus de faiblesse, escroquerie, trafic divers, fraude sociale, travail dissimulé…).
28Les dossiers externalisés ciblent aussi bien des personnes morales que des personnes physiques et tous les impôts sont concernés. On constate un nombre conséquent de dossiers traitant de problématiques patrimoniales. Les typologies fréquemment rencontrées sont :
29Typologies impliquant des personnes morales :
30• Montages financiers avec présence de fonds ou entités situés dans des Etats ou territoires à fiscalité privilégiée.
31• Soupçons de carrousel de TVA ou de participation à des circuits visant à obtenir indûment des remboursements de crédits de TVA.
32• Organisation d’insolvabilité, en lien avec une procédure de contrôle fiscal ou une défaillance d’entreprise en cours (RJ/LJ notamment).
33• Défaillance déclarative en matière d’IS et/ou TVA accompagnée d’une activité bancaire constituant du chiffre d’affaires non déclaré. Cette typologie est souvent couplée au soupçon de rémunération de main d’œuvre non déclarée à l’URSSAF.
34• Activité bancaire manifestement incohérente : crédits constitués uniquement de remboursements de crédits de TVA, forte manipulation d’espèces ou flux internationaux non justifiés par l’activité économique de la société.
35• Détention d’avoirs financiers ou mouvements de fonds via des sociétés de type société civile immobilière, non cohérents avec l’objet social officiel ou l’activité économique de ces structures.
36• Détection d’anomalies dans le circuit de facturation (règlements non conformes aux factures émises, soupçons de fausse facturation), charges non engagées dans l’intérêt de l’entreprise, appréhension injustifiée de sommes par les gérants et/ou associés de sociétés.
37Typologies impliquant des personnes physiques :
38• Soupçon d’exercice d’une activité professionnelle non déclarée en complément d’une activité salariée ou d’une situation de perception de minima sociaux. Ces dossiers portent sur des enjeux financiers très hétérogènes et peuvent faire l’objet d’une transmission parallèle vers l’organisme de protection sociale concerné.
39• Opérations financières visant à bénéficier indûment d’un dispositif d’exonération fiscale tel que des plus-values non éligibles logées dans un PEA ou encore l’application non légitime d’un dispositif d’exonération de plus-values dans le cadre d’un départ à la retraite. On peut aussi mentionner l’application abusive ou frauduleuse du régime de défiscalisation DOM-COM « Girardin ».
40• Transferts financiers entre personnes physiques (parfois personnes morales) sous couvert d’un prêt parfois non justifié et consenti à des conditions financières très favorables (absence d’intérêts, date de remboursement non compatible avec l’âge du prêteur, somme prêtée disproportionnée avec les moyens financiers de l’emprunteur…). Ces opérations ont souvent pour but de masquer des donations.
41• Problématiques patrimoniales diverses parfois en lien avec la manipulation de forte sommes en espèces (minoration d’ISF, donation occulte, succession…). Ces informations représentent de manière récurrente une part importante des informations à connotation fiscale reçues par Tracfin.
42• Transferts, rapatriements ou détention par des résidents français d’avoirs financiers provenant de pays frontaliers ou pays à fiscalité privilégiée (Suisse, Luxembourg, Belgique, Espagne, Jersey, Guernesey, Singapour, Hong-Kong, Panama, Île Maurice, Île de Man, Gibraltar…).
43• Soupçons liés à des flux ayant pour origine des trusts ou fiducies, souvent au bénéfice de personnes d’origine étrangère qui résident en France.
44• Soupçons d’exercice d’activité occulte ou de dissimulation partielle d’activité ou de chiffre d’affaires, parfois avec utilisation de comptes de tiers. On peut mentionner dans ce cadre la présence récurrente d’activités d’achat/revente de véhicules acquis dans des pays limitrophes (Allemagne, Belgique, Espagne).
45• Flux incohérents liés à une opération immobilière avec parfois le soupçon d’une minoration de valeur vénale des biens ou encore le versement d’un dessous de table.
2 – L’action de tracfin en matière de lutte contre la fraude sociale depuis 2012
46Depuis le 21 décembre 2011 [2], Tracfin est autorisé à communiquer des renseignements aux organismes de protection sociale chargés de la gestion d’un régime obligatoire de la Sécurité sociale, les caisses assurant le service des congés payés et Pôle emploi : « Le service peut transmettre aux organismes mentionnés à l’article (L. 114-12) du code de la sécurité sociale des informations en relation avec les faits mentionnés au I de l’article (L. 561-15) du présent code, qu’ils peuvent utiliser pour l’exercice de leurs missions. » article (L. 561-31) du CMF.
47Dans le prolongement de cette évolution législative, et sous l’égide de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF), un protocole a été signé le 1er mars 2012 entre Tracfin et les organismes de protection sociale :
48– Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale (ACOSS)
49– Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS)
50– Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse des Travailleurs Salariés (CNAVTS)
51– Caisse Centrale de Mutualité Sociale Agricole (CCMSA)
52– Caisse Nationale des Allocations Familiales (CNAF)
53– Pôle Emploi
54– Régime Social des Indépendants (RSI)
55Ce protocole précise notamment les modalités d’échanges et de traitement des informations contenant une problématique de fraude sociale que Tracfin peut détenir, ceci dans les conditions prévues aux articles L561-27 et L561-31 du CMF.
Les catégories de déclarations de soupçon
56Tracfin est destinataire d’un grand nombre de déclarations de soupçon traitant directement de problématiques touchant à la fraude sociale ou ayant des implications plus ou moins importantes dans ce domaine. On peut répartir ces informations entre deux grandes catégories :
- fraude aux cotisations sociales : il s’agit essentiellement de l’emploi de travailleurs non déclarés, dont la rémunération est versée en dehors de tout cadre officiel et légal. Cette masse salariale échappe ainsi totalement ou partiellement (déclaration d’une partie seulement de la rémunération payée) à l’assujettissement aux cotisations sociales. Il en est de même pour les travailleurs indépendants relevant du RSI ou de la MSA, qui ne déclarent officiellement qu’une partie de leur activité professionnelle ;
- fraude aux prestations sociales : il s’agit de personnes percevant indûment ou de manière abusive des prestations sociales (indemnités chômage, RSA, AAH, APL, etc.) auxquelles elles n’ont pas, ou plus, droit. Ceci du fait de revenus perçus provenant de l’exercice d’une activité non déclarée ou encore du non respect d’une condition spécifique attachée à la perception de la prestation sociale, par exemple la condition de résidence en France. Cette fraude peut parfois s’appuyer sur la production de faux documents permettant l’ouverture de droits sociaux.
57Enfin, doit être mentionné la réception de déclarations de soupçon visant des fraudes impliquant des professionnels de santé dont l’activité financière ou les conditions d’exercice peuvent alerter les déclarants.
58Si les enjeux financiers sont hétérogènes, les dossiers présentant des caractéristiques plus complexes, des flux financiers élevés ou qui mettent à jour des réseaux criminels organisés, sont traités prioritairement sous l’angle d’une transmission à l’autorité judiciaire par Tracfin dans le cadre de ses investigations.
Les notes de renseignement produites par Tracfin
59L’activité de Tracfin en matière de fraude sociale est en constante augmentation depuis 2013, tel qu’illustré par le diagramme ci-après.
Évolution du nombre de notes sociales
Évolution du nombre de notes sociales
60223 notes ont été transmises aux organismes de protection sociale en 2017, soit une augmentation de 35 % par rapport à l’année 2016 (165 notes en 2016, 109 notes en 2015, 83 notes en 2014, 80 notes en 2013).
612017 est donc marquée par une nouvelle progression du nombre de notes sociales transmises après la forte augmentation réalisée en 2016 (+51%). Le volume des notes en matière de lutte contre les fraudes sociales a plus que doublé en 2 ans.
62Les montants en jeu s’élèvent à 202 M € en 2017 (139 M€ en 2016, 69 M€ en 2015, 36 M€ en 2014, 29 M€ en 2013) soit un montant de près de 500 M€ en 5 ans. La moyenne par dossier s’est à nouveau accrue en 2017 pour atteindre 904 K€ (+ 7 %). Ces sommes reflètent les flux suspectés par Tracfin sur une période de temps limité et ne préjugent pas des montants qui seront réellement rappelés par les organismes au terme de leurs procédures de contrôle respectives.
63L’ACOSS reste, comme les années précédentes, le premier destinataire de notes en matière de fraude sociale avec près de 75 % des notes produites (82 % en 2016 et 78 % en 2015). Ce niveau traduit la part importante de l’activité su Service en matière de lutte contre le travail illégal et la valeur du partenariat étroit mis en place en 2016, avec la présence dans le Service d’un officier de liaison issu de l’URSSAF Ile-de-France.
Part relative des dossiers travail illégal
Part relative des dossiers travail illégal
64Concernant les autres organismes, il faut signaler la hausse marquée de l’activité avec la CNAF (26 notes en 2017 contre 6 en 2016 ; voir ci-après point III) ainsi que la progression constante de l’activité vers Pôle Emploi.
Les principales typologies rencontrées
65En 2017, les typologies de fraudes sociales ayant donné lieu à transmission d’une note de renseignement ont porté principalement sur :
- la fraude aux cotisations sociales (177 dossiers) : la majorité des dossiers concernent des soupçons de travail dissimulé et d’emploi de main d’œuvre non déclarée. Un petit nombre de dossiers concerne la minoration de l’assiette des cotisations sociales par dissimulation d’une partie plus ou moins importante de l’activité professionnelle ;
- la fraude aux prestations sociales (46 dossiers) : activité non déclarée effectuée de manière régulière parallèlement à la perception d’allocation chômage, fraude au RSA ou autre allocation soumise à condition de ressources ; fraude à la résidence en France (RSA, AF, allocation chômage) ; fraudes en réseau au détriment de la CNAF et soupçons de fraude quant aux conditions de versement d’allocations ; suspicion de détournement dans un schéma de comptes collecteurs de pensions et fraudes individuelles ; fraudes des professionnels de santé dont l’activité est apparue anormale et soupçon de fraude individuelle (invalidité, IJM).
Les résultats des contrôles menés par les organismes de protection sociale
66S’agissant des suites données par les organismes destinataires aux notes transmises, un bilan chiffré est établi deux fois par an sous l’égide de la Délégation Nationale à la Lutte contre la Fraude (DNLF) qui centralise les résultats obtenus. Les résultats actualisés au 31 décembre 2017 figureront dans le rapport d’activité 2017 (publié en 2018) de Tracfin.
Les actions de l’officier de liaison URSSAF
Cette action se traduit par la gestion des actes d’investigation en apportant des réponses aux droits de communication émis par Tracfin. Ces demandes portent par exemple sur la situation déclarative d’une entreprise vis-à-vis de l’URSSAF dont elle dépend ou encore sur l’existence d’une procédure de contrôle dont elle aurait fait l’objet.
L’officier de liaison social a accès aux notes de renseignements adressées à l’ACOSS. Dans ce cadre, une réflexion est menée afin d’améliorer, pour plus d’efficience, la pertinence de ces notes en l’enrichissant par exemple de certains compléments d’informations utiles aux enquêteurs des URSSAF. Il vérifie ainsi la cohérence de l’information transmise en vue d’une meilleure exploitation de celle-ci.
Une expérimentation est actuellement menée dans le domaine de la lutte contre le travail illégal. Afin d’assurer une plus grande réactivité face aux sociétés éphémères qui recourent au travail illégal, Tracfin et l’ACOSS travaillent ensemble afin de diligenter des enquêtes directement sur les chantiers. Un circuit, présentant l’intérêt d’une action rapide et efficace en matière de lutte contre le travail illégal, a été récemment mis en place. Une mobilisation du canal des CODAF en format restreint et opérationnel est expertisée.
L’officier de liaison social dispense des formations aux agents du Service en ce qui concerne la fraude sociale. Il apporte son expertise à l’élaboration de projets d’études d’intérêt commun nécessitant à la fois une connaissance de la législation et des pratiques de gestion, de contrôle et de recouvrement en matière sociale
67Les modalités de traitement des dossiers de fraude sociale prennent en compte les contraintes spécifiques liées à cette matière. Ainsi une grande réactivité est nécessaire, particulièrement dans le domaine du travail illégal, où les services de contrôle sont confrontés au caractère éphémère des sociétés impliquées. De ce fait, le délai d’instruction des dossiers est le plus court possible et la note de renseignement est externalisée dès l’obtention des éléments suffisants pour caractériser le recours au travail dissimulé par la société visée. Il appartient ensuite à l’organisme destinataire de mettre en œuvre les moyens adéquats pour exploiter au mieux les renseignements fournis par Tracfin.
68Il est également important pour les enquêteurs de Tracfin de connaître les pouvoirs et les procédures de contrôle des services partenaires, ceci afin d’adapter au mieux ses propres investigations et la collecte des pièces complémentaires à la déclaration de soupçon initiale. Ces éléments peuvent se révéler utiles au contrôle qui sera réalisé ultérieurement.
3 – Le cas particulier des fraudes envers la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)
692017 est marquée par une hausse importante des notes de renseignement à destination de la CNAF : 26 notes envoyées contre 6 en 2016 et 7 en 2015.
70Cette augmentation s’explique principalement par deux phénomènes rencontrés cette année : le traitement de dossiers visant des fraudes de grande ampleur organisées en réseau et la montée en puissance de la fraude à la résidence en France.
La fraude organisée en réseau
71Plusieurs dossiers présentent une typologie semblable de fraude organisée. Cette fraude vise à transférer massivement à l’étranger des sommes issues d’allocations perçues en France par de multiples bénéficiaires.
72Le réseau s’organise en « couches successives » :
- le 1er niveau comprend des personnes allocataires de la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) locale, mais dont les prestations sont versées sur des comptes bancaires de tierces personnes appartenant au 2e groupe ;
- le 2e groupe est constitué des personnes dont les comptes bancaires sont crédités par des virements de la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) locale pour le compte des personnes du 1er groupe. On remarque que ces personnes du 2e groupe sont souvent logées pour la plupart aux mêmes adresses.
73À titre d’exemple, l’examen des relevés de comptes bancaires de personnes appartenant au 2e groupe qui perçoivent les versements de la CAF a permis de confirmer le caractère atypique des opérations. On constate en effet plusieurs virements crédités chaque mois avec des libellés suggérant qu’ils sont destinés à plusieurs allocataires différents.
74Les sommes versées par la CAF, principalement au tire du RSA mais également au titre d’allocations logement, sont ensuite systématiquement débitées au moyen de :
- virements à destination de quelques comptes bancaires ouverts en France (3e groupe) ;
- retraits d’espèces opérés en France ou à l’étranger.
754 notes de renseignement émises par Tracfin à ce titre en 2017 visaient 225 allocataires différents et portaient sur des enjeux identifiés de plus de 670 000 € (périodes examinées de 6 à 12 mois).
76Le schéma ci-dessous illustre ce phénomène frauduleux :
La fraude à la résidence en France
77Tracfin est saisi de nombreux dossiers présentant une typologie de fraude liée à la résidence effective en France des allocataires de diverses prestations sociales.
78Au cours de l’année 2017, 9 notes de renseignement traitaient de cette typologie de fraude. Ces notes visaient au total 26 allocataires différents (RSA et/ou allocations familiales) et portaient sur des enjeux identifiés de 176 000 € (périodes examinées de 6 à 12 mois).
79Le schéma de fraude est le suivant : d’un côté des prestations sociales sont créditées mensuellement par la CAF départementale concernée sur les comptes bancaires ouverts en France appartenant aux allocataires. Dans le même temps, l’examen de ces comptes bancaires indique que les bénéficiaires ne respectent pas ou plus les conditions de résidence propre au versement de ces prestations.
80En effet, on relève des opérations (achats par carte bancaire et/ou retraits d’espèces) répétées sur toute la période examinée. Ces opérations sont réalisées uniquement à l’étranger et, dans la plupart des cas, aucune autre opération n’est relevée au débit des comptes bancaires.
81Par ailleurs, aucune démarche n’a été effectuée spontanément par l’allocataire vis à vis de la CAF versante pour l’informer de cette situation.
82Ainsi, au regard des séjours prolongés et parfois répétés à l’étranger des personnes visées, il semble que les conditions de résidence stable et effective en France, fixées par les articles R262-4-2 et R262-5 du code de l’action sociale et des familles, ne soient pas respectées.
83À titre d’exemple, pour le RSA, le séjour hors de France ne doit pas dépasser 3 mois par année civile ou de date à date. Si un séjour de plus de 3 mois est réalisé à l’étranger, le RSA n’est versé qu’au titre des seuls mois de complète présence en France.
84Toutes les informations communiquées par Tracfin indiquent que les personnes citées résident hors de France plus de 3 mois par an, ceci concomitamment à la perception en France de prestations sociales.
Mots-clés éditeurs : lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, lutte contre la fraude, fiscalité, tracfin
Mise en ligne 14/04/2019
https://doi.org/10.3166/gfp.2018.00039