Notes
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[1]
Mes remerciements à ces partenaires : Reims Métropole, Revue Gestion et Finances Publiques, Casden, Société Française de Finances Publiques, CRDT, Faculté de droit de Reims. Publication des actes : M. Leroy (dir.), L’autonomie financière des collectivités territoriales, Paris, Economica, Coll. Finances Publiques, 2017.
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[2]
A. Hastings-Marchadier, B. Faure (dir.), La décentralisation à la française, Paris, L.G.D.J., 2015.
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[3]
M. Leroy, G. Orsoni (dir.), Le financement des politiques publiques, Bruxelles, Bruylant, Coll. Finances Publiques/Public Finance, 2014.
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[4]
Loi du 22 décembre 2010 ; Loi MAPTAM du 27 janvier 2014 ; Nouvelle carte des Régions entrée en vigueur au 1er janvier 2016 ; Loi NOTRe du 16 janvier 2015 qui révise les compétences des Régions, renforçant en particulier leur rôle d’aménagement et de développement du territoire…
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[5]
Loi organique sur la programmation des finances publiques du 17 décembre 2012 intégrant le TSCG du 2 mars 2012 et instaurant le Haut Conseil des Finances Publiques ; RGPP (Présidence N. Sarkozy) ; MAP (Présidence F. Hollande) ; Loi de programmation 2012-2017 du 31 décembre 2012 et les suivantes. La loi de finances pour 2016 a prévu une baisse des dépenses de l’État de 1,3 Md€ par rapport à la loi de programmation…
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[6]
Ainsi un délai de 2 ans a été accordé le 10 mars 2015 par la Commission européenne qui demande que le déficit public français soit réduit à 4 % en 2015, 3,4 % en 2016 et 2,8 % en 2017. De même, dans le cadre du semestre européen, la Commission a considéré (communiqué du 16 novembre 2016) que « pour la France, les projets de plan budgétaire sont jugés globalement conformes aux exigences à respecter pour 2017 dans le cadre du pacte (…) même si (…) la correction ne serait pas durable en 2018 sur la base de politiques inchangées ».
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[7]
Cf. le numéro spécial de Gestion et Finances Publiques, sous la direction de A. Baudu et M. Lascombe, n° 1, janvier-février 2015.
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[8]
F. Garnier, « Des libertés et des finances : une autonomie fiscale en question (XIIIe-XVIIIe s.), in M. Leroy (dir.), L’autonomie…, op. cit., 2017, p. 43-62. E. de Crouy-Chanel, « L’autonomie financière des collectivités territoriales à l’époque contemporaine », in M. Leroy, ibid., 2017, p. 63-74.
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[9]
G. Orsoni, « L’autonomie des procédures budgétaires en question », in M. Leroy, ibid., 2017, p. 127-139.
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[10]
D. Lamarque, « Le contrôle des finances locales : facteur de contrainte ou appui à l’autonomie locale », in M. Leroy, ibid., 2017, p. 141-146.
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[11]
11 ratios obligatoires (art. R 2313-1 du CGCT) : cf. statistiques de la DGCL et de l’Observatoire des Finances Locales.
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[12]
Le Premier ministre E. Valls a promis le 29 septembre 2016 aux Régions, lors du Congrès des Régions à Reims, une part de la TVA en remplacement de la DGF, ce qui reste à pérenniser après les élections présidentielles…
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[13]
Pour une analyse économique des investissements, cf. J. M. Monnier, « L’investissement public local et la recentralisation de la sphère financière locale », in M. Leroy, op.cit., 2017, p. 267-280.
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[14]
Redevances pour l’occupation privative du domaine public ; location de biens (déclassés du domaine public vers le domaine privé de la collectivité) ; patrimoine immatériel ; aliénation des éléments (qui n’appartiennent plus au domaine public) inutiles ou trop coûteux : cf. X. Cabannes, « Gestion du domaine des collectivités territoriales et ressources locales », in M. Leroy, ibid., 2017, p. 237-247.
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[15]
M. Le Clainche, « Le pouvoir sur les recettes : l’emprunt local », in M. Leroy, ibid., 2017, p. 203-214.
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[16]
M. Leroy, « L’évasion fiscale, une transgression de quelles normes ? », Revue internationale et européenne de droit fiscal, 2016, 4, p. 516-528.
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[17]
Droit et Gestion des Collectivités Territoriales, « L’enjeu de la dépense locale », Sous la direction de R. Hertzog, Paris, Éditions Le Moniteur, 2011.
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[18]
V. Dussart, « Les contraintes juridiques sur la dépense locale », in M. Leroy, op. cit., 2017, p. 251-266.
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[19]
Par exemple, pour les communes, 32 dépenses prévus par l’art. L. 2321-2 du CGCT.
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[20]
Taxe locale qui relayait pour les villes l’octroi sur la circulation des marchandises en vigueur jusqu’à la guerre.
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[21]
Cf. aussi : A. Hastings-Marchadier, « Les mécanismes de péréquation financière horizontale au regard de la jurisprudence constitutionnelle et administrative », Revue française de finances publiques, n° 126, mai 2014, p. 131-150.
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[22]
Ch. Pires Beaune et J. Germain, Pour une dotation globale de fonctionnement équitable et transparente : Osons la réforme, Rapport au Premier ministre du 15 juillet 2015.
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[23]
Ainsi, en 2015, pour chaque niveau de collectivité, on trouve à la base 2 parts, l’une forfaitaire et l’autre de péréquation. Mais, par exemple, la part péréquation de la DGF des communes et des EPCI, constituée par la dotation d’aménagement comprend 4 fractions : dotation d’intercommunalité, de dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), dotation de solidarité rurale (DSR), dotation nationale de péréquation (DNP). En 2016 (loi de finances du 29 décembre 2015), la dotation forfaitaire des communes est calculée à partir de « retraitements » de la dotation forfaitaire notifiée en 2015, tenant compte aussi de la variation de la population entre 2015 et 2016, de l’écrêtement pour financer la péréquation et de la Contribution au redressement des finances publiques… Les départements, outre la part forfaitaire, bénéficient de la dotation de compensation, la dotation de péréquation urbaine (DPU), la dotation de fonctionnement minimale (DFM). Les Régions reçoivent quant à elles une dotation forfaitaire et une dotation de péréquation…
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[24]
Modifications de la DGF en 1980, 1985, 1988, 1993, 2004, 2005 etc. La réforme de l’architecture de la DGF, initialement prévue, mais finalement annulée, dans le Projet de loi de finances pour 2017 a été repoussée.
-
[25]
Cf. l’approche de M. Bouvier, par exemple, « L’autonomie financière locale a-t-elle un avenir ? », in J. M. Monnier (dir.), Finances publiques, Paris, La documentation française, 2015, p. 201-208.
-
[26]
Cf. pour la période précédant la décentralisation de 1982, M. Crozier, J. C Thoenig, « La régulation des systèmes organisés complexes. Le cas du système de décision politico-administratif local », Revue française de sociologie, 1975, 16 (1), p. 3-32. P. Grémion, Le pouvoir périphérique : bureaucrates et notables dans le système politique français, Paris, Seuil, 1976. J. P. Worms, « Le préfet et ses notables », Sociologie du travail, juillet-septembre 1966, p. 249-275.
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[27]
Sur le concept de programme, I. Lakatos, Histoire et méthodologie des sciences : programme de recherche et reconstruction rationnelle, Paris, PUF, 1994, à rapprocher de l’épistémologie du paradigme de T. Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1983.
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[28]
Enquête de juillet 2012 à avril 2014 avec 53 entretiens : 6 dans les régions, 12 dans les départements, 27 dans les communes, 6 dans les intercommunalités, 2 dans les CCAS, soit 60 personnes pour un total de 93 heures et 38 minutes d’échanges (moyenne 1h 46 mn par entretien), réparties en 40 responsables de services financiers et 20 responsables d’autres services. Les étudiants des masters du CRDT ont réalisé sous ma direction des entretiens pour des petites collectivités.
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[29]
Cf. M. Leroy, « Enquête sur la culture de la dépense locale face à la crise », Bulletin Juridique des Collectivités Locales, novembre 2015, n° 11, p. 757-765.
Bien que garantie par la Constitution et la Charte européenne de l’autonomie locale, l’autonomie financière des collectivités territoriales est limitée. Les contributions, issues du colloque tenu à Reims les 26 et 27 mai 2016, présentent les différentes dimensions de l’autonomie, la question du pouvoir fiscal, l’incidence des dotations de l’État et des compensations des transferts de compétence et, enfin, le point de vue d’un praticien sur les dernières évolutions. L’étude du pouvoir financier des collectivités conduit aussi à poser le problème de sa légitimité, d’un double point de vue démocratique et gestionnaire.
1La problématique classique de l’autonomie financière des collectivités territoriales fait l’objet d’un débat renouvelé pour au moins trois raisons qui justifient la publication de ce dossier issu du colloque international organisé à l’Université de Reims les 26 et 27 mai 2016 [1]. Premièrement, la crise internationale pousse à la réforme structurelle du mille-feuille territorial à la française, critiqué pour sa complexité [2] et son coût, même s’il est aussi au cœur du financement des services, des politiques et de l’investissement publics [3]. Deuxièmement, les réformes liées à l’acte 3 de la décentralisation redessinent le contenu de l’action publique locale [4], ce qui montre que la stabilisation des compétences des administrations locales et de leur financement n’est toujours pas assurée. Troisièmement, l’engagement de la France à respecter le référentiel européen de la maîtrise des comptes publics [5], en dépit des délais obtenus à plusieurs reprises [6], implique directement les finances locales. Dans le cadre de ce « gouvernement » européen par la rigueur, diverses mesures ont ainsi progressivement été mises en œuvre jusqu’à l’instauration de la règle d’or de l’équilibre structurel [7] prévue par le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) du 2 mars 2012.
2Ainsi, le plan d’économies de 21 milliards d’euros (Md€) décidé en septembre 2014 par le gouvernement prévoyait une baisse des dotations aux collectivités territoriales à hauteur de 3,67 Md€. Pour la période 2015-2017, l’objectif est de réaliser une baisse des dépenses publiques de 50 Md€, dont 10,7 Md€ pour la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée par l’État au secteur local. Ainsi le Projet de loi de finances pour 2017 a prévu une baisse de la DGF de 2,67 Md€ en 2017. Un Objectif d’Évolution de la Dépense Publique Locale (ODEDEL), pour l’instant non contraignant, a été instauré par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 avec une limitation, à périmètre constant, de la progression des dépenses locales à 0,3 % en 2015, 1,8 % en 2016 et 1,9 % en 2017…
3Ces mesures emblématiques, même si elles sont tempérées par d’autres comme la hausse de certaines dotations ou l’instauration d’un fonds d’aide à l’investissement, heurtent de plein fouet la culture traditionnelle de la dépense qui caractérise notre système local. Elles questionnent l’autonomie financière locale, dans le cadre aussi de ce qui peut apparaître, par certains aspects, comme une recentralisation de la décision locale…
4En France, selon les termes de l’article 1 de la Constitution issu de la réforme de 2003, l’organisation de la République est décentralisée. L’autonomie financière est une composante essentielle de la libre administration des collectivités territoriales françaises posée par la Constitution (art. 34, art. 72-3). L’autonomie financière des collectivités locales fait l’objet d’une garantie constitutionnelle issue de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, qui prévoit plusieurs principes (art. 72-2) : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
5Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine.
6Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre.
7Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.
8La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ».
9La loi organique du 29 juillet 2004 (art. 1114-2 du CGCT) a précisé la portée de ces principes en définissant des ratios de ressources propres par catégorie de collectivités, en référence à la situation de 2003 : 60,80 % pour les communes, 58,60 % pour les départements et 41,70 % pour les Régions. Il convient aussi de se référer à la Charte de l’autonomie locale adoptée en 1985 par le Conseil de l’Europe, mais ratifiée par la France seulement en 2006, qui établit une liste de principes :
10Art 9-1 : Droit à des ressources propres suffisantes dont elles disposent librement dans l’exercice de leurs compétences.
11Art 9-2 : Ressources financière proportionnées à leurs compétences.
12Art 9-3 : Une partie des ressources financières sous la forme de redevances et impôts locaux avec un pouvoir de fixation du taux dans la limite de la loi.
13Art. 9-4 : Diversification suffisante et évolutive des ressources locales en fonction des coûts de l’exercice de leurs compétences.
14Art 9-5 : Péréquation financière pour corriger les inégalités de ressources et de charges (en préservant la liberté de choix locaux).
15Art 9-6 : Consultation des collectivités locales sur l’attribution de leurs ressources.
16Art 9-7 : Dotations (« Subventions ») globales (« dans la mesure du possible ») et non pas spécifiques.
17Art 9-8 : Accès au marché national des capitaux pour le financement des investissements.
18En réalité, la portée de l’ensemble de ces dispositions fait l’objet de limites, ce qui montre bien que la question de l’autonomie financière n’est pas réglée. L’injonction à la rigueur budgétaire, concrétisée comme on l’a dit par la baisse des dotations et l’encadrement, pour l’instant encore souple, de la hausse des dépenses locales, suppose de réfléchir à la conception et au contenu de l’autonomie financière.
19Ainsi, la question de l’autonomie financière ne peut être séparée des relations entre l’État et les collectivités locales. À l’instar de la décentralisation, dont elle constitue l’un des fondements, l’autonomie financière fait l’objet d’avancées et de reculs, selon les périodes. Historiquement, en France, les collectivités locales ont longtemps été considérées, malgré certaines « libertés » accordées aux villes, comme des mineures à protéger par la tutelle de l’État [8]. Dans les années 1970, déjà une situation de crise, les arguments politiques et économiques se sont conjugués pour promouvoir les politiques de décentralisation à travers le monde : au-delà de l’argument classique des contre-pouvoirs, l’idée est que la décision en se rapprochant du citoyen réalise la démocratie de proximité, tout en répondant de manière efficiente aux besoins des citoyens. De véritables politiques locales ont ainsi été mises en œuvre, dans le cas français depuis l’acte 1 de la décentralisation de 1982… Depuis 2008, avec la crise internationale qui s’est diffusée aux finances de nombreux pays, le laxisme des dépenses locales apparaît (pour certains) facilité par l’autonomie financière qui doit composer avec la participation des collectivités locales à l’effort national de redressement des comptes.
20Même si elle met en jeu la légitimité politique des institutions locales, l’autonomie est à considérer par rapport au pouvoir sur les recettes, sur les dépenses et donc sur le solde budgétaire.
21Le budget local est d’abord un processus de décision politique que la procédure juridique encadre par des contraintes, avec notamment la règle de l’équilibre [9]. La procédure budgétaire peut aussi favoriser l’autonomie locale dans sa dimension démocratique face à la crise de défiance qui touche aussi les institutions locales. En matière de contrôle, si la pression s’est renforcée sur les autorités locales, notamment par l’instauration mentionnée de l’ODEDEL, il apparaît aussi que les institutions de contrôle (Cour des comptes, CRC) participent aussi à la protection de l’autonomie financière [10].
22L’autonomie de gestion renvoie à la marge de manœuvre des autorités locales. De ce point de vue, le volume des budgets locaux, soit 252 Md€ de dépenses en 2013, constitue une puissance d’intervention qui est aussi favorisée par l’armée des agents de la fonction publique territoriale, même si les dépenses de personnel alimentent la rigidité financière. La liberté de choix est mesurée par les ratios obligatoires [11] tirés notamment des statistiques collectées par la DGCL et l’observatoire des finances locales. L’élément central est constitué par la capacité d’autofinancement (épargne brute) qui permet de financer des investissements. Au niveau agrégé, la situation se dégrade pour tous les niveaux de collectivités, particulièrement pour les Régions [12]. Toutefois, la situation financière varie selon les échelons et selon les collectivités en fonction du tissu fiscal de chaque collectivité, de l’environnement économique et social, des mécanismes de péréquation et du développement local en lien avec l’investissement public [13]. Sous certaines conditions juridiques et gestionnaires, des marges de manœuvres, négligées par les petites communes notamment, existent en matière de gestion du domaine [14].
23Acteurs majeurs du développement économique, les collectivités territoriales et les groupements de communes assurent 68 % des investissements publics en 2014, 57 % si l’on inclut les dépenses de recherche et développement. Les dépenses d’investissement en 2014 s’élèvent à 54,3 Md€ de l’ensemble des collectivités territoriales et intercommunalités, 37,4 Md€ pour le bloc communal, 11,9 Md€ pour les départements et 9 Md€ pour les Régions. En 2014, les ressources propres des collectivités locales et des groupements de communes (épargne brute et recettes investissement hors emprunt) financent 89 % de leurs investissements. L’épargne brute (excédent de fonctionnement) couvre 50 % des investissements d’ensemble. Le bloc communal assure 62 % des investissements publics en 2014.
24La dette reste maîtrisée [15], même si certaines collectivités sont soumises au risque des emprunts structurés qui se révèlent parfois toxiques. En 2013 le secteur local détient 9,4 % de la dette publique. Le besoin de financement est en hausse pour les APUL (9,2 Md€ en 2013, soit 0,4 % du PIB, contre 3,7 Md€ en 2012).
25La hausse à long terme de la fiscalité locale n’a pas été interrompue par la crise (tableau 1), au risque d’un rejet par les électeurs-contribuables, même si la fiscalité sur les ménages préserve une partie d’entre eux (dégrèvements en matière de TH notamment). La soutenabilité sociale de la fiscalité locale devient un problème dans le contexte du sentiment d’injustice fiscale [16].
La hausse des produits des 4 IDL (en Md€)*
La hausse des produits des 4 IDL (en Md€)*
* : 50,88 Md€ d’impôts ménages + 25,05 Md€ impôts économiques (la TP a été remplacée par le CET, contribution économique territoriale)26La hausse des dépenses met en cause le pouvoir local de dépenser [17]. Les Apul ont réalisé en 2013 20,9 % de la dépense publique, ce qui resterait raisonnable si la progression des dépenses locales était stabilisée, ce qui n’est pas le cas comme le montre le tableau 2.
La hausse des dépenses locales (en Md€)*
La hausse des dépenses locales (en Md€)*
* : 50,88 Md€ d’impôts ménages + 25,05 Md€ impôts économiques (la TP a été remplacée par le CET, contribution économique territoriale)27La hausse des dépenses locales est particulièrement sensible en matière de personnel. Les trois fonctions publiques comprennent environ 5,3 millions (M) agents, dont 1,95 M en 2013 pour la fonction publique territoriale (emploi principal, tous statuts confondus). La hausse annuelle moyenne des effectifs entre 2002 et 2012 est de 2,8 %, alors que les effectifs de l’État ont baissé sur cette période de 1,1 % et que ceux de la fonction publique hospitalière ont augmenté de 1,6 %. En 2013, la hausse de la fonction publique locale s’est poursuivie (source DGCL). C’est surtout le bloc communal qui concentre les emplois publics, soit environ 1,4 M en 2013. Les dépenses locales de personnel en 2013 représentent 52,1 % des dépenses réelles de fonctionnement (ratio 7 obligatoire) des communes, de 19,7 % à 30,1 % pour les groupements (selon le type), 20,5 % pour les départements, 17,4 % pour les Régions. Les rémunérations versées sont passées de 46,6 Md€ en 2002 à 74,8 Md€ en 2013. Le poids des dépenses de personnel, qui sont des dépenses rigides, limite la marge de manœuvre, notamment pour la capacité d’autofinancement des équipements. Mais il s’agit aussi d’une politique locale volontariste qui traduit historiquement la volonté d’assurer les compétences reçues, de gérer les services publics et de mettre en œuvre de véritables politiques dans le cadre de la décentralisation. Se pose ainsi la question politique d’une réduction massive de la fonction publique (voire de la fin du statut), une réforme inscrite dans les programmes des candidats de droite à la prochaine élection présidentielle…
28Le pouvoir sur les dépenses participe à la réflexion sur l’autonomie financière locale. Les contraintes juridiques sur la dépense locale sont importantes [18]. Des dépenses sont exclues directement par la loi (exemple des subventions aux cultes), les dépenses étrangères à l’intérêt local sont interdites et la liste des dépenses obligatoires est importante [19].
1 – Présentation du dossier spécial
29Ce dossier spécial présente cinq contributions relatives aux enjeux généraux et au pouvoir sur les recettes.
30La contribution du Professeur Eric Oliva analyse les dimensions politique, économique et juridique du concept délicat d’autonomie et évalue sa portée à partir de la distinction entre autonomie formelle et autonomie réelle. La question est celle du degré d’autonomie puisque, dans le cas d’un pays unitaire comme la France, la souveraineté n’est pas reconnue aux collectivités territoriales qui ne disposent pas de « la compétence des compétences ». Politiquement, l’autonomie relève de l’organisation et de la division du pouvoir, et donc de la place du contre-pouvoir local issu des élections mais aussi de facteurs « politiciens » qui, pour reprendre un exemple de l’auteur, a pu conduire à des défauts dans le contrôle des emprunts toxiques. Économiquement, la capacité d’autofinancement des investissements locaux (autonomie de gestion) constitue un enjeu crucial. Les effets de la fiscalité locale sur l’attractivité pour les entreprises sont aussi à prendre en compte, comme dans le cas de la « recentralisation » opérée par la mise en œuvre de la contribution économique territoriale qui limite la concurrence fiscale (taux effectifs nationaux). L’auteur rappelle aussi que le recours à l’emprunt local a une incidence sur le calcul du déficit public au sens des traités de Maastricht/ Amsterdam. Une partie substantielle de l’article est consacrée à la dimension juridique de l’autonomie financière, avec des références à la théorie du droit. Eric Oliva reconnaît une certaine autonomie fiscale de valeur législative aux collectivités locales, tout en soulignant que la libre administration, qui n’est pas le libre gouvernement, se concrétise plutôt comme une liberté de gestion.
31Ainsi, le pouvoir fiscal local apparaît juridiquement limité en France, comme le souligne le Professeur Ludovic Ayrault dans son article. L’article 34 de la Constitution réserve au législateur la compétence pour la création, l’assiette et les modalités de recouvrement des impôts locaux. Le pouvoir sur les taux reste encadré par la loi. La réforme constitutionnelle de 2003, qui paradoxalement visait à renforcer et à garantir l’autonomie de ressources des collectivités territoriales établit un lien entre les recettes fiscales et les autres ressources propres. Si bien que la garantie de l’autonomie fiscale n’est finalement pas assurée. Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 2009 a donc conclu que les collectivités territoriales ne bénéficiaient pas d’une autonomie fiscale. Ludovic Ayrault montre que cette décision est logique au regard des normes constitutionnelles : l’autonomie fiscale existe dans la limite de la loi, sachant que la Charte européenne de l’autonomie locale (cf. avant) est de ce point de vue (fiscal) limitée. On sait en particulier que l’exigence d’une localisation de la base d’imposition n’a pas empêché l’instauration d’un taux national d’imposition pour la Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Sous quelques réserves, l’autonomie fiscale (en tant que compétence) pourrait juridiquement être remise en cause et pose la question de la nécessité de maintenir l’autonomie fiscale : comme l’argument des moyens financiers, basés sur la fiscalité locale, ne joue pas vraiment, il reste l’idée d’un fondement fiscal du rôle politique de la décentralisation, un argument plutôt fragile, selon notre auteur, en l’absence de reconnaissance juridique du pouvoir fiscal local.
32Après la question de l’autonomie fiscale, l’article de la Professeure Antoinette Hastings-Marchadier est consacré aux dotations de l’État qui sont déterminantes pour l’équilibre des budgets locaux. L’analyse portée par les collectivités territoriales de l’absence de problème de gestion des finances locales, soumises juridiquement à la règle de l’équilibre, fait abstraction du poids des subventions de l’État. De même, la lecture par la dépendance aux dotations, et donc à l’État, déplorant la perte d’autonomie financière apparaît insuffisante. Sans pour autant négliger la question de l’autonomie des ressources propres, il convient, comme l’écrit Antoinette Hastings-Marchadier de pondérer l’opposition entre dotations et autonomie financière formelle. Les dotations sont aussi les moyens d’une autonomie pour les collectivités locales dont le tissu fiscal est économiquement faible et qui ont des charges importantes, notamment des dépenses sociales. De ce point de vue, la montée en puissance de la part péréquatrice de la DGF, qui a une dimension d’aménagement du territoire, constitue aussi un progrès vers l’autonomie de gestion des administrations locales les plus pauvres. Mais l’histoire de la DGF a longtemps privilégié la part garantie de recettes, les acteurs du système local défendant largement cette position. L’explication historique est que la DGF (version 1979) a une origine fiscale, remplaçant, dans le contexte de la montée de la TVA qui était de moins en moins compatible avec cette fiscalité ancienne, le versement représentatif de la taxe sur les salaires (VRTS) qui a succédé à la taxe sur les salaires (TS), elle-même visant à remplacer la taxe locale d’après-guerre, dont le rendement était important [20]… La marche vers la péréquation en a été ralentie, d’autant que les acteurs bénéficiaires de l’ancien système résistaient.
33En tout cas, comme l’expose notre spécialiste [21], le régime des dotations donne des espaces de liberté non négligeables aux élus locaux qui répondent ainsi à des enjeux de développement économique et de démocratie : intervention du Comité des finances locales (art. L1613-3 du CGCT) où leurs intérêts sont représentés, globalisation des dotations, dotations automatiques (FCTVA), incitation financière par la DGF qui a largement profité aux groupements de communes, etc. Il ne faut surtout pas oublier l’autonomie donnée par les dotations dans le financement des dépenses. Fixée chaque année par la loi de finances (art. L1613-1 du CGCT), la DGF, même si elle est en baisse (2,67 Md€ en 2017), s’élève à 36,6 Md€ en 2015, soit presque 70 % des concours de l’État et 20 % en moyenne des recettes de fonctionnement des collectivités locales. Par comparaison, la fiscalité transférée (notamment à la suite de la suppression de la TP) représente 32,59 Md€ en 2015. Outre leur montant, il faut donc examiner leurs modalités politiques et juridiques d’attribution.
34Toutefois, les divers objectifs fixés aux dotations de l’État sont difficiles à concilier. L’architecture financière de la DGF est complexe [22] avec son empilement de dotations pour les communes, les EPCI, les départements et les Régions, dotations qui se divisent en plusieurs fractions, selon plusieurs critères d’attribution, sans compter les effets des futures réformes annoncées [23], La DGF est en mutation constante [24], souvent avec des objectifs récurrents comme la simplification du dispositif… Ajoutons, que la fonction péréquatrice de la DGF, sans être négligeable, repose sur des critères qui restent imparfaits et nécessitent une réflexion globale sur la péréquation financière.
35Les réactions politiques au gel des dotations en 2011 puis à la baisse de la DGF à partir de 2014, – baisse qui n’a pas été considérée comme une atteinte à l’autonomie financière locale par le Conseil constitutionnel (décision du 29 décembre 2014) –, montre bien, a contrario, que ces concours financiers de l’État structurent largement l’autonomie de gestion du secteur local.
36L’article du Professeur Jean-Luc Albert étudie la question de la compensation des transferts de compétences qui ressort de l’article 72-2 de la Constitution, donc de l’État vers les collectivités territoriales, mais aussi celle, encore méconnue, des transferts entre collectivités territoriales, qui relèvent d’une dimension législative. Le choix de privilégier le coût historique des transferts (de la gestion) des compétences s’avère insuffisant en matière notamment de dépenses sociales. La compensation des transferts de compétences de l’État repose pour l’essentiel sur des transferts de fiscalité, le reste provenant notamment du fonds de compensation de la fiscalité transférée et de la Dotation générale de décentralisation (DGD). Ainsi, outre cette évaluation, l’article analyse les mécanismes juridiques et les instruments financiers de compensation en caractérisant, à côté du régime balisé des transferts de compétences de l’État, le modèle financier propre au secteur local. Ces transferts de compétences entre collectivités locales sont compensés par une dotation de compensation ou une fiscalité spécifique, qui paraît plus adaptée.
37Le dossier spécial est clôturé par un article du Président du Conseil d’orientations stratégiques de l’AFIGESE, Eric Portal, qui, même s’il n’avait pas participé au colloque de Reims, a été ajouté afin d’apporter le point de vue d’un praticien et d’un responsable de l’association des directeurs financiers. Selon l’auteur, « un plafonnement indicatif des budgets locaux français, tel que défini par l’ODEDEL ou par une hypothétique loi de financement, basé sur la pédagogie et non sur la contrainte, ne devrait avoir des effets qu’à long terme ». En revanche, la contrainte par la limitation des dotations qui touche aux recettes est d’une efficacité à court terme, illustrée par la baisse de l’investissement local constatée en 2014 et 2015.
2 – Quelle légitimité politique de la décision financière locale ?
38Au-delà des pouvoirs financiers locaux sur les recettes et les dépenses, l’autonomie locale soulève des questions de légitimité politique. Même si certains élus locaux le contestent, les finances locales participent à un système financier plus large qui inclut déjà les finances de l’État et les finances sociales, mais aussi une dimension européenne et mondiale [25]. On a vu ainsi, par exemple, que les engagements européens de la France ont conduit à demander aux collectivités territoriales une participation à l’effort de redressement qui peut d’ailleurs, comme le suggère la Cour des comptes, être réparti selon une péréquation de la rigueur. Un autre exemple de la dimension systémique globale des budgets est donné par la faillite de Dexia, un effet de la crise de la globalisation financière qui a ébranlé les comptes locaux et avait créé un risque de credit crunch… Le système financier local n’est pas détachable de l’ensemble des finances publiques.
39Dans cette conception, le système financier est vu comme un ensemble d’éléments interdépendants (de facteurs). Or, le système se construit aussi par le jeu de ses acteurs à la base du système socio-administratif local [26] dont les particularités orientent la décision financière. Le cumul des mandats, qui sera limité à partir de juillet 2017, a assuré jusqu’ici une coordination des acteurs du mille-feuille territorial pour maintenir une certaine cohérence de l’action publique. Mais c’est au prix de la complexité et d’une gestion financière au coût souvent élevé. La focalisation exagérée sur les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales relègue au second plan la légitimité de la décentralisation des compétences qui repose sur la satisfaction des besoins des citoyens dans le cadre d’une démocratie de proximité.
40Ainsi, la problématique du pouvoir doit être reliée à celle de sa légitimité. L’autonomie financière comme pouvoir démocratique renvoie aux conditions et aux moyens de la démocratie locale, mais aussi à la capacité à financer des services publics et des politiques. Dans sa première composante, le programme, au sens épistémologique [27] et politique, est celui de la démocratie représentative de proximité, contre-pouvoir aux risques de la centralisation, notamment dans la tradition tocquevilienne de critique de la tyrannie de la majorité, de l’égalitarisme destructeur de la liberté. Le mandat électif est censé conférer ici aux collectivités territoriales leur légitimité politique, mais se heurte à la crise de confiance des citoyens (encadré ci-dessous).
41Dans sa seconde composante, la légitimité gestionnaire, qui part de la notion juridique d’intérêt local, est devenu un référentiel de la « performance » d’une action publique soumise à un contrôle direct des habitants de la Cité. L’imputabilité gestionnaire, qui suppose un examen de l’efficacité et de l’efficience du financement des programmes locaux à des fins de responsabilité politique, passe par l’information, le contrôle, l’évaluation… Cette figure de pouvoir et de légitimité n’est pas aussi solide que le laissait espérer la généralisation des démarches de performance : la question du coût mobilise peu les citoyens, la gestion locale n’est pas exempte de clientélisme déguisé (socialisme local) et ouvre la voie à des modèles d’oligarchie sociale ou de technocratie plus ou moins éclairée.
42L’autonomie financière est alors à (re)penser comme source de démocratie réelle, en recherchant une légitimité politique inspirée de la tradition de la souveraineté du peuple, au sens de Rousseau, ou plus récemment dans la voie d’Habermas de la démocratie de débat public. La légitimité gestionnaire devient alors un objectif de second rang, subordonné à la qualité démocratique de la décision financière : implication des élus, statut de l’opposition, rôle des citoyens par exemple à travers les budgets participatifs…
43Qu’en est-il aujourd’hui ? Un premier élément de réponse concerne l’approbation du « gouvernement européen de la rigueur », au-delà du TSCG, avec la question de la participation des finances locales à la maîtrise des finances publiques : Quel choix et quelles conséquences politiques par rapport au rythme et au contenu de l’équilibre du système des finances publiques ? Le rejet du politique en France et la montée de l’extrême-droite en Europe montrent l’urgence de cette question de légitimité de la rigueur, qui touche désormais les finances locales. Cette repolitisation démocratique des décisions de rigueur est nécessaire, même si la légitimité gestionnaire prétend imposer l’idée que la restauration de marges de manœuvre détermine l’exercice des choix.
44Une enquête que nous avons menée [28] sur la décision financière locale face au référentiel de la rigueur met notamment en évidence [29] deux résultats : d’une part, la culture traditionnelle de la dépense locale ; d’autre part, la variété des processus de décision financière, sans que l’on puisse isoler un type propre à une catégorie de collectivités, sauf, dans une certaine mesure, dans le cas des groupements de communes où des similitudes existent…
45De manière idéal-typique, au sens de Max Weber, on distingue ainsi quatre modèles de décision financière : le modèle élitaire ou oligarchique où la décision est confisquée par l’exécutif ; le modèle de l’expertise ou de technocratisation de la décision ; le modèle démocratique effectif, qui est plus rarement mis en œuvre ; le modèle systémique ou d’équilibre politico-administratif de la décision financière. Cette typologie confirme empiriquement les deux formes de légitimité que nous avons présentées, mais montre aussi que la composante gestionnaire est privilégiée au détriment de la participation démocratique (étendue).
La crise de confiance envers les collectivités territoriales
Élections régionales : 2015 (décembre) 41,59 % au second tour ; 2010 (mars) : 49,5 %
Élections départementales : 2015 (mars) 50,02 % au second tour ; 2011 : 55,29 %
Élections municipales 2014 : 39 % second tour ; 2008 : 34,8 %
La critique de la décentralisation
Sondage IFOP, publié par Acteurs publics, avril 2013 : 71 % jugent que la décentralisation se traduit par des surcoûts engendrant une augmentation des impôts locaux. La première priorité (40 %) de la réforme de la décentralisation est d’imposer aux collectivités territoriales des règles comptables et financières plus strictes est de permettre des économies. 38 % approuvent l’idée de « Rapprocher la décision au plus près de la réalité des territoires », mais la lisibilité des compétences, le renforcement des services publics locaux, la capacité financière d’investissement et les pouvoirs des élus locaux n’apparaissent pas comme des priorités mobilisatrices.
63 % en faveur de la compétence de l’État en matière d’emploi, 71 % pour la sécurité, 60 % pour la dépendance, 57 % pour la formation professionnelle.
Sondage Odoxa Les Échos : 80 % pensent que les communes « font trop de dépenses inutiles », 55 % qu’elles peuvent faire face à la baisse des dotations.
Le faible attachement aux institutions locales
Sondage IFOP, publié par Acteurs publics, juin 2014 : 24 % personnellement attachés à leur Région, 17 % à leur département, 11 % à leur communauté de communes ou d’agglomération et 48 % à leur commune.
Sondage BVA, publié par Le Parisien du 24 octobre 2015 : 43 % ne sont pas satisfaits du redécoupage de la France en 13 grandes Régions…
46La légitimité gestionnaire par la performance est une condition de l’autonomie financière. L’investissement local ressort de cette légitimation où le maire, le président du Conseil départemental ou régional se font entrepreneurs… Il s’agit de répondre à des besoins en équipements ou en services, de résoudre des questions sociales au niveau local, d’assurer une territorialisation efficace d’enjeux généraux (chômage, développement…) en les inscrivant sur l’agenda de la collectivité. Ce processus d’institutionnalisation du problème public a une composante juridique (l’intérêt local) mais aussi sociologique et politique. Par rapport aux besoins, il faut souligner les progrès accomplis en matière de prospective, de planification financière par objectifs, d’élaboration de schémas territoriaux, encore renforcés par la loi NOTRe pour les Régions, etc. La qualité de la « planification » locale reste néanmoins à renforcer au niveau de la programmation des crédits afin d’éviter des phénomènes de « régulation » financière, au sens d’une négociation tournée vers des marchandages où l’objectif stratégique de l’action territorialisée, des politiques locales, se distend.
47Face à la crise et pour répondre aux injonctions à la maîtrise des dépenses venant de l’État, relayées par la baisse des dotations et l’instauration de l’ODEDEL, les décideurs locaux ont cherché, comme le montre l’enquête, à adapter leur gestion (faute de place, les verbatim ne sont pas cités). Le changement rencontre des difficultés de plusieurs ordres : nécessité de contenir les impôts locaux touchés par le « ras-le-bol fiscal » ; poids des dépenses rigides, notamment pour l’action sociale des départements ou en matière de personnel (un piège de l’autonomie initiale de gestion) ; résistance des services, chaque direction se sentant propriétaire de ses crédits ; dépenses politiquement difficiles à diminuer, comme dans le cas des lycées ou des collèges, – où certains de nos interlocuteurs reconnaissent que l’offre n’est pas rationalisée, mais ne peuvent agir –, ou, dans certains cas pour les subventions versées aux communes…
48Une prise de conscience, largement impulsée par les directeurs financiers, a entraîné des changements dans la gestion des finances locales françaises. La gestion des dépenses de fonctionnement est devenue plus prudente, afin de tenter de maintenir un autofinancement suffisant des investissements. Des services sont externalisés ; des ajustements opérés, notamment dans la politique de subventions, dans la mise en œuvre des programmes pluriannuels d’investissement (PPI), par la mutualisation des moyens… Parfois, de véritables efforts de modernisation de l’action locale ont été initiés, par exemple par le passage en mode Lolf, ou par des revues budgétaires des politiques locales, afin de mieux définir les objectifs des dépenses et mesurer leur efficience et leur impact…
49Les territoires institutionnels et de gestion des problèmes sociaux et économiques ne coïncident pas toujours. Il convient donc de partir du problème public, soit de la manière qu’une ou plusieurs autorités publiques peuvent traiter au mieux un problème, ce qui éclaire aussi la répartition des compétences…
50Mais l’action gestionnaire, y compris par des investissements stratégiquement bien définis, ne suffit pas, en l’absence de légitimité démocratique. L’autonomie de gestion ne doit pas autoriser une autonomie par rapport aux citoyens. Par-delà la discussion philosophique de la démocratie, l’idée est que les choix budgétaires doivent répondre aux besoins des citoyens locaux, mais aussi refléter leurs choix, ce qui invite à déterminer démocratiquement les priorités, surtout quand la marge de manœuvre est plus étroite. D’où, l’importance de la transparence et de la qualité participative du processus de décision et de responsabilité. De ce point de vue, la fixation de dépenses obligatoires (et interdites), qui constitue une atteinte juridique au pouvoir dépensier, s’analyse aussi, dans son principe, comme une formalisation du rôle politique des collectivités territoriales dans le financement de l’action locale : le critère des politiques propres, non obligatoires, n’épuise pas la question de l’autonomie. Il faut aussi relever que le contrôle de gestion, comme l’évaluation, restent encore sous-utilisés. Surtout, les consultations démocratiques réalisées par les élections locales suffisent de moins en moins à remotiver les citoyens, dont le désintérêt pour la politique affecte aussi les institutions locales. Une véritable démocratie locale impliquant le citoyen dans les choix financiers reste encore à inventer…
51Dans cette perspective, l’autonomie financière peut se définir comme le pouvoir financier de faire face aux problèmes publics locaux et/ou aux problèmes généraux ayant une dimension territoriale, en légitimant des choix gestionnaires performants et démocratiquement approuvés.
Mots-clés éditeurs : finances locales, autonomie financière, dotations-péréquation
Mise en ligne 30/04/2019
https://doi.org/10.3166/gfp.2017.00023Notes
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[1]
Mes remerciements à ces partenaires : Reims Métropole, Revue Gestion et Finances Publiques, Casden, Société Française de Finances Publiques, CRDT, Faculté de droit de Reims. Publication des actes : M. Leroy (dir.), L’autonomie financière des collectivités territoriales, Paris, Economica, Coll. Finances Publiques, 2017.
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[2]
A. Hastings-Marchadier, B. Faure (dir.), La décentralisation à la française, Paris, L.G.D.J., 2015.
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[3]
M. Leroy, G. Orsoni (dir.), Le financement des politiques publiques, Bruxelles, Bruylant, Coll. Finances Publiques/Public Finance, 2014.
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[4]
Loi du 22 décembre 2010 ; Loi MAPTAM du 27 janvier 2014 ; Nouvelle carte des Régions entrée en vigueur au 1er janvier 2016 ; Loi NOTRe du 16 janvier 2015 qui révise les compétences des Régions, renforçant en particulier leur rôle d’aménagement et de développement du territoire…
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[5]
Loi organique sur la programmation des finances publiques du 17 décembre 2012 intégrant le TSCG du 2 mars 2012 et instaurant le Haut Conseil des Finances Publiques ; RGPP (Présidence N. Sarkozy) ; MAP (Présidence F. Hollande) ; Loi de programmation 2012-2017 du 31 décembre 2012 et les suivantes. La loi de finances pour 2016 a prévu une baisse des dépenses de l’État de 1,3 Md€ par rapport à la loi de programmation…
-
[6]
Ainsi un délai de 2 ans a été accordé le 10 mars 2015 par la Commission européenne qui demande que le déficit public français soit réduit à 4 % en 2015, 3,4 % en 2016 et 2,8 % en 2017. De même, dans le cadre du semestre européen, la Commission a considéré (communiqué du 16 novembre 2016) que « pour la France, les projets de plan budgétaire sont jugés globalement conformes aux exigences à respecter pour 2017 dans le cadre du pacte (…) même si (…) la correction ne serait pas durable en 2018 sur la base de politiques inchangées ».
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[7]
Cf. le numéro spécial de Gestion et Finances Publiques, sous la direction de A. Baudu et M. Lascombe, n° 1, janvier-février 2015.
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[8]
F. Garnier, « Des libertés et des finances : une autonomie fiscale en question (XIIIe-XVIIIe s.), in M. Leroy (dir.), L’autonomie…, op. cit., 2017, p. 43-62. E. de Crouy-Chanel, « L’autonomie financière des collectivités territoriales à l’époque contemporaine », in M. Leroy, ibid., 2017, p. 63-74.
-
[9]
G. Orsoni, « L’autonomie des procédures budgétaires en question », in M. Leroy, ibid., 2017, p. 127-139.
-
[10]
D. Lamarque, « Le contrôle des finances locales : facteur de contrainte ou appui à l’autonomie locale », in M. Leroy, ibid., 2017, p. 141-146.
-
[11]
11 ratios obligatoires (art. R 2313-1 du CGCT) : cf. statistiques de la DGCL et de l’Observatoire des Finances Locales.
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[12]
Le Premier ministre E. Valls a promis le 29 septembre 2016 aux Régions, lors du Congrès des Régions à Reims, une part de la TVA en remplacement de la DGF, ce qui reste à pérenniser après les élections présidentielles…
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[13]
Pour une analyse économique des investissements, cf. J. M. Monnier, « L’investissement public local et la recentralisation de la sphère financière locale », in M. Leroy, op.cit., 2017, p. 267-280.
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[14]
Redevances pour l’occupation privative du domaine public ; location de biens (déclassés du domaine public vers le domaine privé de la collectivité) ; patrimoine immatériel ; aliénation des éléments (qui n’appartiennent plus au domaine public) inutiles ou trop coûteux : cf. X. Cabannes, « Gestion du domaine des collectivités territoriales et ressources locales », in M. Leroy, ibid., 2017, p. 237-247.
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[15]
M. Le Clainche, « Le pouvoir sur les recettes : l’emprunt local », in M. Leroy, ibid., 2017, p. 203-214.
-
[16]
M. Leroy, « L’évasion fiscale, une transgression de quelles normes ? », Revue internationale et européenne de droit fiscal, 2016, 4, p. 516-528.
-
[17]
Droit et Gestion des Collectivités Territoriales, « L’enjeu de la dépense locale », Sous la direction de R. Hertzog, Paris, Éditions Le Moniteur, 2011.
-
[18]
V. Dussart, « Les contraintes juridiques sur la dépense locale », in M. Leroy, op. cit., 2017, p. 251-266.
-
[19]
Par exemple, pour les communes, 32 dépenses prévus par l’art. L. 2321-2 du CGCT.
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[20]
Taxe locale qui relayait pour les villes l’octroi sur la circulation des marchandises en vigueur jusqu’à la guerre.
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[21]
Cf. aussi : A. Hastings-Marchadier, « Les mécanismes de péréquation financière horizontale au regard de la jurisprudence constitutionnelle et administrative », Revue française de finances publiques, n° 126, mai 2014, p. 131-150.
-
[22]
Ch. Pires Beaune et J. Germain, Pour une dotation globale de fonctionnement équitable et transparente : Osons la réforme, Rapport au Premier ministre du 15 juillet 2015.
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[23]
Ainsi, en 2015, pour chaque niveau de collectivité, on trouve à la base 2 parts, l’une forfaitaire et l’autre de péréquation. Mais, par exemple, la part péréquation de la DGF des communes et des EPCI, constituée par la dotation d’aménagement comprend 4 fractions : dotation d’intercommunalité, de dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), dotation de solidarité rurale (DSR), dotation nationale de péréquation (DNP). En 2016 (loi de finances du 29 décembre 2015), la dotation forfaitaire des communes est calculée à partir de « retraitements » de la dotation forfaitaire notifiée en 2015, tenant compte aussi de la variation de la population entre 2015 et 2016, de l’écrêtement pour financer la péréquation et de la Contribution au redressement des finances publiques… Les départements, outre la part forfaitaire, bénéficient de la dotation de compensation, la dotation de péréquation urbaine (DPU), la dotation de fonctionnement minimale (DFM). Les Régions reçoivent quant à elles une dotation forfaitaire et une dotation de péréquation…
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[24]
Modifications de la DGF en 1980, 1985, 1988, 1993, 2004, 2005 etc. La réforme de l’architecture de la DGF, initialement prévue, mais finalement annulée, dans le Projet de loi de finances pour 2017 a été repoussée.
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[25]
Cf. l’approche de M. Bouvier, par exemple, « L’autonomie financière locale a-t-elle un avenir ? », in J. M. Monnier (dir.), Finances publiques, Paris, La documentation française, 2015, p. 201-208.
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[26]
Cf. pour la période précédant la décentralisation de 1982, M. Crozier, J. C Thoenig, « La régulation des systèmes organisés complexes. Le cas du système de décision politico-administratif local », Revue française de sociologie, 1975, 16 (1), p. 3-32. P. Grémion, Le pouvoir périphérique : bureaucrates et notables dans le système politique français, Paris, Seuil, 1976. J. P. Worms, « Le préfet et ses notables », Sociologie du travail, juillet-septembre 1966, p. 249-275.
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[27]
Sur le concept de programme, I. Lakatos, Histoire et méthodologie des sciences : programme de recherche et reconstruction rationnelle, Paris, PUF, 1994, à rapprocher de l’épistémologie du paradigme de T. Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1983.
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[28]
Enquête de juillet 2012 à avril 2014 avec 53 entretiens : 6 dans les régions, 12 dans les départements, 27 dans les communes, 6 dans les intercommunalités, 2 dans les CCAS, soit 60 personnes pour un total de 93 heures et 38 minutes d’échanges (moyenne 1h 46 mn par entretien), réparties en 40 responsables de services financiers et 20 responsables d’autres services. Les étudiants des masters du CRDT ont réalisé sous ma direction des entretiens pour des petites collectivités.
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[29]
Cf. M. Leroy, « Enquête sur la culture de la dépense locale face à la crise », Bulletin Juridique des Collectivités Locales, novembre 2015, n° 11, p. 757-765.