Couverture de GES_211

Article de revue

Comprendre les processus de déclin urbain à Flint (Michigan) : une approche inductive de l’« urbanisme subalterne » ?

Pages 117 à 134

Notes

  • [1]
    Même si je partage l’intérêt de Roy pour les espaces urbains, certains spécialistes de la ruralité et des communautés paysannes pourraient contester cette affirmation. De plus, Roy ne justifie pas pourquoi elle considère les quartiers informels comme les emblèmes des mégapoles, en lieu et place des espaces « hyper-globaux » ou des espaces « urbains fragmentés » identifiés par Graham and Marvin (2001).
  • [2]
    Les travaux de Neil Smith (2008) sur le développement inégal peuvent expliquer pourquoi les quartiers informels existent dans les mégapoles du Sud malgré la croissance économique rapide. D’autre part, depuis longtemps Sassen (1996 ; 2005) constate que les villes globales constituent à la fois des espaces d’aliénation et de résistance.
  • [3]
    Il est important de noter que cet exemple n’est peut-être pas le meilleur exemple de « rejet indigène », même si la question dépasse le cadre de cet article. Une question se pose : pourquoi un titre de film a-t-il provoqué une telle réaction, alors que les menaces permanentes des promoteurs immobiliers et d’une classe politique prédatrice ne suscitent pas une telle mobilisation ? Étant donné l’absence de rejet des relations d’exploitation, le scandale généré par le titre de Slumdog Millionaire pourrait aussi être analysé comme un élement qui prouve que les habitants de Dharavi n’ont pas une forte conscience politique.
  • [4]
    Officiellement le Bureau des statistiques du travail indique que le taux de chômage à Flint était de 12,6 % en janvier 2011, mais ce chiffre correspond à une grande région comprenant les zones rurales environnantes. En juillet 2009 un reportage dans le Flint Journal indique que le taux de chômage de la ville pour le mois de mai 2009 était de 27,3 % (Burden, 2009).
  • [5]
    Ndt : Le « différentiel de rente » renvoie au concept de « rent gap » élaboré par Neil Smith pour étudier les processus de désinvestissement et réinvestissement dans l’espace urbain. Ce différentiel correspond à l’écart entre la valeur d’un bien ou d’un espace à un moment précis et sa valeur potentielle, écart dont le niveau explique l’intérêt ou non des acteurs de marché pour cet espace.
Nous remercions Seth Schindler et la revue International Journal of Urban and Regional Research de nous avoir autorisés à reproduire cet article. La traduction a été assurée par Isis Olivier puis harmonisée par Vincent Béal et Max Rousseau. Les références initiales du texte en anglais sont les suivantes :
Schindler, S. (2013), Understanding urban processes in Flint, Michigan : approaching ‘subaltern urbanism’ inductively. International Journal of Urban and Regional Research. Volume 38.3 May 2014 791–804. doi :10.1111/1468-2427.12082
© 2013 Urban Research Publications Limited. Published by John Wiley & Sons Ltd. 9600 Garsington Road, Oxford OX42DQ, UK and 350 Main St, Malden, MA 02148, USA

L’urbanisme subalterne

1Dans son article « Slumdog cities : Rethinking subaltern urbanism » (2011), Ananya Roy critique certains postulats conceptuels, espistémologiques et méthodologiques des études urbaines, et nous invite à dépasser les catégories existantes, qui limitent notre compréhension des villes des Suds. Elle espère « comprendre et transformer les façons dont les villes du Sud sont étudiées et représentées dans la recherche urbaine, mais aussi dans les discours courants » (ibid. : 224). Pour ce faire, elle introduit le concept d’« urbanisme subalterne », qui « cherche à théoriser les mégalopoles, leurs espaces subalternes et leurs classes subalternes… et présente des témoignages d’habitants percevant les quartiers informels comme des espaces d’habitation, de subsistance et de politiques » (ibid.).

2Roy conçoit la mégapole comme « un raccourci de la condition humaine au Sud » (ibid.). Elle présente les quartiers informels comme un archétype structurant l’imaginaire sur la mégapole des Suds, qui à l’opposé des aspirations de ces villes à devenir des « centres de commande et de contrôle de l’économie globale » (Sassen, 1991), serait en train de devenir leur emblème [1]. Roy (2011) suggère que ces quartiers informels constituent « l’itinéraire » principal de la mégapole, qui est de plus en plus appréhendée au travers de ses marges comme le montre le développement du « slum tourism » ou la manière dont les quartiers informels structurent les représentations médiatiques et cinématographiques. Roy constate qu’au-delà de la « pornographie de la pauvreté » et de l’horreur générée par la représentation des quartiers informels comme « spectacles », il existe également une certaine fascination, tant dans les discours populaires et universitaires, pour la capacité d’entreprise et d’auto-organisation déployée par les habitants de ces quartiers.

3En s’appuyant sur les travaux de Ranajit Guha et Partha Chatterjee, Roy trace l’évolution du sens du terme « subalterne », qui correspondait au départ à une simple référence aux classes populaires, mais qui cherche désormais à décrire des classes qui, bien que subordonnées, n’en ont pas moins une conscience politique et un pouvoir d’action découlant notamment de leurs pratiques sociales. Enfin, elle intègre le concept de « subalternité » proposé par Spivak, qui le situe au-delà des « limites de la reconnaissance archivistique et ethnographique » (Roy, 2011 : 224). Le quartier informel est considéré comme étant un espace urbain subalterne précisément parce que l’on ne dispose pas encore des outils épistémologiques et méthodologiques pour le comprendre. Cette situation pourrait expliquer pourquoi les représentations des quartiers informels oscillent entre la « pornographie de la pauvreté » et la fascination. L’urbanisme subalterne offre la possibilité de combler cette lacune en ouvrant de nouvelles perspectives pour comprendre les quartiers informels et leurs habitants. Alors que les travaux existants nous aident à comprendre comment et pourquoi les quartiers informels sont produits, ils ne permettent pas d’appréhender l’« habitus de l’informalité » (ibid. : 228). [2] Roy espère ainsi que le concept d’urbanisme subalterne permettra de dépasser ces limites analytiques et ainsi de revaloriser leurs habitants ainsi que leur capacité d’action politique. En ce qui concerne cette revalorisation, Roy précise (ibid. : 227) :

4

Je m’intéresse à ce changement : du subalterne qui marque les limites d’une identification purement documentaire, au subalterne comme vecteur de changement. Puisqu’on attribue une identité politique distincte au subalterne, cette caractéristique finit par être associée à des territoires distincts. Le quartier informel constitue l’un de ces territoires. C’est ainsi que l‘idée du subalterne a pénétré dans le champ des études urbaines, menant à la création de ce que je nomme l’urbanisme subalterne… qui est caractérisé par deux thèmes majeurs : l’économie entrepreneuriale et la capacité d’action politique.

5Comme cette citation l’indique clairement, le quartier informel constitue un type d’espace subalterne. Mais quand le concept est utilisé d’une manière déductive, il devient une métonymie du quartier informel. Roy s’intéresse aux caractéristiques entrepreneuriales et politiques de la subalternité. Elle propose ainsi un ensemble de quatre concepts qui ouvrent des voies nouvelles pour la reconnaissance et la compréhension des espaces subalternes : la périphérie, l’informalité urbaine, les zones d’exclusion et les zones grises. Je vais à présent rapidement présenter ces concepts.

6Roy rejette les approches topologiques des espaces périphériques, pour priviliger celle utilisée par Simone (2010 : 40), qui les considère comme des « espaces de l’entre-deux… jamais complètement intégrés ni dans la logique, ni dans les trajectoires de développement qui caractérisent un centre ». L’espace périphérique est relié aux centres – le plus souvent par les flux économiques et culturels, ainsi que par les mobilités des habitants – sans bénéficier des dynamiques de développement de ces centres. Ainsi la périphérie semble être dans un état de devenir permanent. Roy estime que cet état permet l’émergence de ce que Simone (ibid. : 62) nomme des « politiques de l’anticipation » qui peuvent « remettre en question les conditions du savoir » (Roy, 2011 : 232). Par conséquent des alternatives politiques ont la possibilité de germer dans l’espace périphérique, et d’en faire un lieu d’expérimentation politique.

7Dans ses travaux précédents, Roy définit le caractère informel comme « un état de dérégulation, un état où la propriété, l’utilisation et la destination du foncier ne peuvent pas être établies et cartographiées en fonction de la loi ou d’un ensemble de réglementations prescrites » (2009a : 80). Selon Roy, le caractère informel est « l’expression idiomatique de l’urbanisme » (ibid.) puisque les autorités définissent des frontières flexibles entre le formel et l’informel, susceptibles de favoriser de futurs développements, et de légitimer les développements passés. Au lieu de mettre en place progressivement un régime de propriété immobilière dans un espace jusque là organisé de manière informelle, les autorités ont tendance à imposer ce régime tout en « rayant » de la carte certains espaces urbains (Roy, 2003a). Selon Roy, l’informalité est un outil heuristique qui facilite la compréhension de l’espace urbain subalterne parce qu’il « sert à déconstruire la fondation même de la légitimité de l’État et de ses outils d’intervention : les cartes, les recensements, la propriété, le zonage et surtout la loi » (2011 : 233).

8Les deux derniers concepts mis en avant par Roy – les zones d’exclusion et les zones grises – sont étroitement liés à l’informalité urbaine. D’abord, Roy (2011) s’inspire du concept des « zones d’exclusion » utilisé par Aihwa Ong (2006 : 7). Ce concept va plus loin qu’une dichotomie entre le formel et l’informel et signale une multitude de zones que l’État peut imposer et qui constituent « des espaces de souveraineté graduée ou panachée, non contigus et différemment administrés ». Le pouvoir d’organiser ou de désorganiser l’espace reste la prérogative de l’État et « les zones de gouvernance néo-libérale coexistent et contrastent avec les zones d’exclusion du néo-libéralisme » (Roy, 2011 : 234). De la même manière, Roy reprend le concept d’Oren Yiftachel (2008) de « zone grise » qui s’oppose à l’ordre établi. Au lieu d’être tolérés comme une zone d’exclusion, ces espaces menacent l’ordre des espaces environnants, ce qui justifie leur éradication.

9En somme, Roy situe la subalternité dans les espaces informels des mégapoles du Sud et déplore l’absence de prise en compte de l’habitus de l’informalité, qui mérite une attention particulière. Dans la section suivante, je tente d’élargir le concept d’urbanisme subalterne en l’appliquant inductivement.

Situer l’urbanisme subalterne de manière inductive

10Le concept d’« urbanisme subalterne » est utile parce qu’il attire l’attention sur des espaces diffiles à appréhender pour les études urbaines contemporaines. Dans cet article, mon objectif n’est donc pas de critiquer ce concept, mais plutôt de l’élargir en montrant comment on peut, au travers d’une approche inductive, l’appliquer au-delà des mégapoles du Sud. Certes, au niveau quantitatif, il est évident que les espaces urbains subalternes sont plus répandus dans les villes des Suds. Pour autant, ils ne sont pas totalement abstents de celles du Nord.

11Selon Roy, le succès mondial du film Slumdog Millionaire a mis en lumière le caractère stéréotypé des représentations des quartiers informels, qui ont donné lieu à un « rejet indigène » farouche (ici, le rejet exprimé par les habitants de Dharavi, le bidonville de Mumbai, lieu de tournage de Slumdog Millionaire). Ce « rejet indigène » nous informe sur ce que le quartier informel n’est pas. S’il fournit un bel exemple de la conscience politique de ses habitants, il n’explique pas ce que signifie le fait d’être subalterne. [3] Roy situe le sens de la subalternité dans le quotidien, dans l’habitus de l’informalité, invitant ainsi les chercheurs à adopter une approche réflexive favorisant l’identification de nombreux espaces urbains dont le contenu et la forme sont difficilement déchiffrables. La signification et le sens de ces espaces dépassent en effet les outils théoriques et méthodologiques qu’ils ont élaborés pendant des années d’études et de recherche. Au lieu d’utiliser des critères objectifs quantifiables (par exemple le manque d’accès aux infrastructures urbaines ou au logement), l’espace urbain subalterne n’existe que parce qu’il est indéchiffrable.

12Si l’espace urbain subalterne est indéchiffrable en raison de sa différence avec les autres types d’espaces urbains, il est courant de l’identifier au moyen d’une approche déductive. Le quartier informel peut effectivement constituer une métonymie de la mégapole du Sud. Mais si on identifie l’espace urbain subalterne de manière déductive, ce dernier devient une métonymie du quartier informel. La formule suivante représente l’identification déductive de l’espace urbain subalterne :

  1. Les quartiers informels constituent l’espace urbain subalterne ;
  2. Les quartiers informels existent dans les mégapoles ;
  3. L’espace urbain subalterne existe dans les mégapoles.

13Ce raisonnement mène à la conclusion que les mégapoles sont les sites exclusifs de l’urbanisme subalterne. Je soutiens pour ma part que si l’espace urbain subalterne dépasse nos limites épistémologiques et méthodologiques, c’est précisément cette caractéristique qui devrait faire l’objet d’une analyse scientifique. L’espace urbain subalterne est souvent sélectionné « à distance » par les chercheurs. Or, si on prend au sérieux l’idée que sa principale composante est son caractère indéchiffrable, l’espace urbain subalterne ne peut être prédéfini comme constitué des quartiers informels des mégapoles des Suds. Ce qui suscite une question majeure : peut-on appréhender les quartiers de certaines villes du Nord et les pratiques de leurs habitants au travers de ce concept ?

14Les approches déductives de l’urbanisme subalterne font courir le risque de rendre exotiques les lieux et les gens du Sud, tout en banalisant la subalternité du Nord. Au lieu de contribuer au rétablissement du pouvoir d’action, l’urbanisme subalterne pourrait être une source de stigmatisation des mégapoles du Sud et de leurs habitants, à laquelle ils ne pourraient échapper. De surcroît, il peut prêter à une mauvaise interprétation, celle de la pauvreté urbaine « ordinaire » au Nord. Par exemple, The New York Times a récemment publié un article sur des habitants de Beijing, des migrants ruraux pour la plupart, vivant sous terre dans des abris antiaériens anciens (Wong, 2010). L’auteur mélange de manière prévisible le misérabilisme et la fascination pour décrire les conditions de vie de cette « tribu de souris » souterraine. Par exemple, alors qu’il affirme qu’« en traversant à pied, il est impossible de ne pas songer aux atrocités qui pourraient advenir sans que personne ne s’en rende compte », il note également que « les tunnels sont entretenus ». Les photographies qui accompagnent l’article montrent des personnes qui ont un emploi rémunéré, mais qui n’ont tout simplement pas les moyens de vivre ailleurs (ibid.). Comparez ce reportage à la citation suivante :

15

Ils constituent une communauté, leur propre société - presqu’une société parallèle à la nôtre. Ils font partie de nous, mais en même temps ils sont à l’écart de nous. Ce sont des gens dotés d’une culture fascinante, riches de leur propre société. Ils sont surprenants, complexes et contradictoires.

16Cette citation ne concerne pas la « tribu de souris » dans les entrailles de Beijing : il s’agit d’un article plus ancien du New York Times où une photographe raconte ses expériences avec des personnes vivant dans les espaces souterrains de New-York (Estrin, 2010). Il faut lire le reportage du New York Post qui aborde les habitants souterrains de New-York de la même manière que celui sur la « tribu de souris » de Beijing. Le reportage indique que « les sans-abri qui habitent ici-bas, on les appelle les hommes-taupes » et que leur « monde est constitué de la liqueur de malt, des espaces étroits, des voisins schizophrènes, de la faim et de l’alternance de chaleur et de froid » (Kaplan, 2009). L’article repose lui aussi sur un mélange entre misérabilisme et fascination. Le monde souterrain est décrit comme « dangereux », « hostile », mais aussi « curieusement paisible » (ibid.). Si l’on accepte le raisonnement selon lequel l’urbanisme subalterne ne saurait exister que dans les mégapoles du Sud, alors l’urbanisme souterrain à Beijing est un exemple parfait. En revanche, l’exemple de New-York en serait exclu et devrait nécessairement se situer dans le cadre des limites épistémologiques et méthodologiques des études urbaines. Par conséquent, dans le cas ci-dessus, les Chinois deviennent une « tribu de souris » exotique, dont les subjectivités et les espaces subalternes resteront énigmatiques à jamais, en comparaison des « hommes-taupes » de New-York qu’on pourrait en revanche catégoriser, par exemple en « alcoolique », « malade mental », « travailleur du sexe », « vétéran du Vietnam », « consommateur de drogues », etc.

17Une approche déductive est basée sur la classification a priori des quartiers informels comme relevant de l’espace urbain subalterne. Pour ma part, je propose au contraire d’identifier inductivement l’espace urbain en se laissant guider par « le contexte, dans l’orientation de leurs descriptions, mais aussi de leurs questions de recherche et de leur pratique méthodologique » (Mitchell, 2007 : 56). L’induction s’est avérée extrêmement pertinente dans la recherche ethnographique, dans laquelle les chercheurs interprètent les événements sur lesquels ils exercent peu de contrôle. Des phénomènes significatifs ou « anormaux » (ibid.) sont identifiés et redéfinis au fur et à mesure de la découverte de cas contradictoires (Katz, 2001 : 480). De la même manière, les chercheurs « ne devraient pas adhérer à une définition conventionnelle ou prédéterminée » (ibid. : 481) de l’urbanisme subalterne, mais au contraire l’identifier dans le cadre de leur recherche. Le raisonnement inductif ci-après pourrait servir à identifier l’espace urbain subalterne :

  1. L’espace urbain subalterne existe au-delà des limites épistémologiques et méthodologiques ;
  2. Les quartiers informels existent au-delà de ces limites ;
  3. Les quartiers informels sont des espaces urbains subalternes.

18Avec ce raisonnement, les quartiers informels des mégalopoles des Suds sont toujours considérés comme des espaces urbains subalternes. Mais il s’agit là d’une conclusion et non d’une première hypothèse. Par conséquent, les autres espaces ne sont pas exclus et peuvent être eux aussi qualifiés de subalternes. Les souterrains de Beijing et de New York pourraient de ce fait être considérés comme des espaces subalternes. Les quatre concepts mis en avant par Roy sont utiles pour déterminer si l’espace indéchiffrable est véritablement subalterne, ou non. Par ailleurs, une fois l’espace subalterne identifié, ces concepts permettent aux chercheurs de commencer à les comprendre. Par exemple, certains espaces urbains subalternes peuvent résulter de l’action d’un régime légal qui les conçoit comme des zones d’exclusion, alors que d’autres peuvent résulter de l’action de squatteurs qui les utilisent clandestinement, à l’insu des autorités.

19L’utilisation de cette approche inductive pour identifier l’espace urbain subalterne présente trois avantages. Premièrement, l’espace urbain subalterne ne se limite pas aux mégapoles des Suds et peut aussi être identifié au Nord. La deuxième proposition permet l’identification d’espaces urbains « partiellement subalternes », ce qui s’avère impossible avec une approche déductive. De ce fait, à l’instar de qualifications telles que « démocratique » ou de « protestataire », le subalterne doit être qualifié en termes de degré (voir Ragin, 2000). Certes, il existe des espaces qui ne peuvent être facilement classés comme étant subalternes ou non subalternes. AbdouMaliq Simone (2010 : 4) décrit par exemple la transformation quotidienne du quartier d’Oju-Elegb à Lagos, où le régime officiel qui gouverne l’utilisation de l’espace urbain pendant la journée laisse la place à un régime informel la nuit et à « la superposition d’activités discordantes [qui] semblent s’empiler les unes sur les autres ». Le quartier semble être à la fois subalterne et non subalterne en fonction de l’heure du jour. Dès lors, si on le classe comme étant l’un ou l’autre, on passe à côté de la dynamique spatio-temporelle de cette alternance de régimes. Enfin, troisièmement, comparée à l’approche déductive où les quartiers informels sont condamnés à la subalternité à jamais, une approche inductive permet à l’espace – pour le meilleur et pour le pire – de devenir « moins subalterne » s’il devient déchiffrable. Ce qui peut se produire de différentes manières : dans l’exemple de Simone, il se peut qu’au prix d’un effort considérable, les autorités puissent étendre le régime diurne à la nuit, et ainsi rendre cet espace lisible aux autorités, mais aussi aux universitaires. À l’inverse, la recherche universitaire pourrait rendre l’espace urbain subalterne lisible aux yeux des autorités qui lui sont hostiles. La cartographie participative, par exemple, peut fournir un outil aux groupes marginalisés qui revendiquent l’espace urbain. Elle peut également aider les urbanistes qui cherchent à imposer des régimes fonciers formels.

20Pour conclure, le concept d’« urbanisme subalterne » est utile parce qu’il met en lumière les vastes étendues d’espace indéchiffrables pour les études urbaines contemporaines. J’ai présenté l’approche inductive, qui permet également d’identifier l’espace urbain subalterne au Nord. Dans la section suivante, je vais montrer que Flint, dans le Michigan, constitue un tel espace.

L’urbanisme subalterne en Amérique du Nord : Flint, Michigan

21Je souhaite à présent prendre Flint, Michigan, comme exemple d’urbanisme subalterne. Le choix de Flint comme étude de cas pour identifier l’urbanisme subalterne aux États-Unis était fortuit, ce qui est cohérent avec une approche inductive. Mon objectif était de comprendre comment la crise financière avait affecté le marché immobilier dans une ville déjà ravagée par des décennies de désindustrialisation. Il s’agissait également de s’intéresser aux réponses du gouvernement municipal et des habitants face à cette situation de déclin urbain. J’ai découvert que les théories conventionnelles des études urbaines ne contribuaient guère à la compréhension des événements à Flint. Pendant l’été 2010, j’ai réalisé six entretiens auprès d’agents publics et de participants d’un programme de la banque foncière. Mes questions concernaient la manière dont les autorités municipales tentaient de gérer et d’inverser le déclin urbain. J’ai découvert que ces programmes ont engendré une économie politique foncière complexe basée sur le contrôle, et non sur la propriété. J’ai organisé une discussion avec un groupe témoin constitué de participants d’un programme municipal consacré aux terrains abandonnés. En tant qu’observateur participant, j’ai nettoyé une parcelle abandonnée en leur compagnie. Ce faisant, j’ai constaté que beaucoup de participants démontraient une capacité d’entreprise et d’ingéniosité comparable à celle des habitants des taudis du Sud. Par ailleurs, malgré le déclin urbain persistant, ils ont réussi à développer des stratégies de subsistance pragmatiques, fondées, au moins partiellement, sur la solidarité.

22À bien des égards, mes présupposés sur l’effondrement des communautés confrontées au déclin urbain étaient donc remis en cause, même si ce qui émergeait des ruines de l’héritage industriel de Flint demeurait incertain. En effet, Flint a connu la naissance de la production de masse et a longtemps constitué le noyau central d’une économie régionale, ensuite brisée au cours de la désindustrialisation rapide de ces trente dernières années. La ville connaît aujourd’hui un processus de déclin urbain extrême marqué par un abandon généralisé de l’espace urbain. Cet abandon est contrecarré par les politiques municipales et par les actions des habitants (dont beaucoup travaillaient dans l’industrie automobile auparavant), dont l’objectif est de reprendre le contrôle de l’utilisation du foncier. Flint apparaît dès lors comme une communauté vivante, avec une économie politique foncière dynamique. Pour autant, la ville reste difficile à classer comme symbole d’un effondrement, ou au contraire d’une renaissance urbaine. Dans ce contexte, l’urbanisme subalterne peut faciliter la compréhension de cette situation contradictoire. En partant des analyses de Davis (2004 : 24) qui voit les habitants des quartiers informels uniquement comme « des migrants déracinés et des travailleurs informels largement dépossédés de la force de travail monnayable », Roy explique que l’urbanisme subalterne « rehausse la figure de l’habitant du quartier informel comme un sujet historique » (2011 : 228). Une analyse similaire de la dépossession de la force de travail des ouvriers industriels en raison de la désindustrialisation peut s’appliquer à Flint, dont les habitants recherchent des débouchés nouveaux pour leur travail, et développent de nouvelles stratégies de subsistance. Dès lors, deux questions se posent : comment appliquer le concept de l’urbanisme subalterne à Flint ? Et l’usage de ce concept est-il capable de renforcer la capacité d’agir de ses habitants ?

23Flint constituait le cœur de la production automobile de General Motors dans la période d’après-Guerre. Dans les années 1980 et 1990, la plupart de ses activités ont été délocalisées, certaines dans les États du sud plus faiblement syndiqués, et d’autres à l’étranger. L’exode de General Motors et d’autres groupes automobiles a provoqué une crise économique locale qui a conduit l’État du Michigan à mettre la ville sous tutelle provisoire en 2002 en « prenant en charge » ses finances. Flint souffrait donc déjà de difficultés économiques lorsque la crise financière liée aux subprimes a commencé en 2008. Le chômage, déjà élevé, a augmenté jusqu’à 27 % au milieu de l’année 2009. [4] Tout en aggravant cette crise, les saisies et l’abandon généralisé, qui avaient frappé certains quartiers ouvriers de Flint depuis des années, se sont étendus aux quartiers plus aisés lors de l’effondrement du marché immobilier en 2008.

24En 1999, l’État du Michigan a adopté une loi permettant aux autorités des comtés de saisir les biens des propriétaires qui n’avaient pas payé les taxes foncières pendant trois années consécutives (Dewar, 2006). Selon le maire de Flint, Dayne Walling, cette loi n’a pas suscité beaucoup d’émoi parce qu’à l’époque, la désaffectation était perçue comme un problème qui ne touchait que Flint et Détroit. Afin de gérer les propriétés devenues des biens publics, la banque foncière, la Genesee County Land Bank, a été créée en 2004. Elle possède actuellement plus de 4 000 propriétés à Flint et sa mission est de « rendre de la valeur à la communauté par l’acquisition, le développement et la vente de propriétés vides ou abandonnées, en coopération avec les acteurs défendant la propriété foncière responsable » (Land Bank Website, 2011). Selon le maire M. Walling, la banque foncière ne diffère guère des banques classiques, dans la mesure où son objectif est d’augmenter la valeur de ses biens. Sa singularité dépend plutôt de ses méthodes qui cherchent « l’investissement ciblé venant de différents échelons de gouvernement… pour que les quartiers participent quand il s’agit de définir la planification et de coordonner la politique. Sans cet élément, la banque foncière est un propriétaire foncier comme une autre. Son intérêt est lié au fait qu’elle travaille avec différentes échelles gouvernementales et crée un programme de gestion du foncier » (entretien personnel, 5 août 2010). Les biens acquis par la banque foncière sont évalués et classés comme nécessitant la démolition immédiate, la revente immédiate, ou enfin une action intermédiaire (certains biens sont rénovés et revendus ensuite). Néanmoins, la fonction la plus originale de la banque foncière est de faciliter la réappropriation des terrains par les habitants de Flint.

25La banque foncière encourage les citoyens à « prendre le contrôle » du foncier en participant au programme « Adopte une parcelle » (Adopt-A-Lot) où les individus peuvent utiliser, en échange du paiement d’un loyer modéré (25 US$ par an), les biens de la banque foncière. Dans la plupart des cas, les gens cultivent un jardin, créent un parc ou simplement empêchent l’embroussaillement et la dégradation de l’espace. La ville fournit des ressources limitées aux gens pour ces projets, et de nombreuses organisations non gouvernementales donnent des conseils ou accordent des moyens. Les objectifs explicites du programme « Adopte une parcelle » sont de réduire le crime, d’augmenter les valeurs immobilières et d’embellir les quartiers (Adopt-A-Lot Program, 2011).

26La banque foncière encourage les habitants à utiliser les terrains vacants, tout en réduisant le parc immobilier. La réduction de l’offre de logements conjuguée à la stabilisation des quartiers est censée valoriser l’immobilier et attirer des investisseurs. En d’autres termes, cette stratégie cherche à créer un « différentiel de rente » [5] ou une différence significative entre la valeur d’usage et la valeur d’échange des propriétés. Afin d’attirer les investisseurs, la valeur d’échange de la propriété doit être inférieure à la valeur qui pourrait en être extraite en l’utilisant. En créant un dispositif qui permet aux habitants « d’adopter » des terrains vacants, la banque foncière génère de la valeur d’usage au niveau local. Mais il est plus difficile de voir comment ce système pourra également générer une valeur d’échange importante pour le capital. Puisque les terrains de Flint ne peuvent guère être moins chers, l’apparition d’un écart entre la valeur d’échange et la valeur d’usage semble peu probable. En revanche, il est fort probable qu’à Flint, les terrains pourront continuer à être utilisés en accès libre, mais rien n’indique que ceci attirera des capitaux. Par conséquent, le cas de Flint est unique : le foncier est de plus en plus découplé d’une valeur marchande, et un nombre important de travailleurs sont victimes du chômage structurel. Ces deux phénomènes peuvent être attribués à la relation que Flint entretient avec les circuits de capitaux et à sa transition rapide, d’un centre de production industrielle en un espace périphérique.

27Le concept d’espace périphérique de Roy fournit une bonne description de Flint, parce que cette ville reste liée au centre à travers les circuits de capitaux et que la planification y poursuit toujours des objectifs classiques – en l’occurrence, redynamiser le marché immobilier et attirer des capitaux. Pour autant, cette dernière logique ne se manifeste pas à Flint puisqu’il est peu probable que la chute des prix de l’immobilier s’inverse. Au lieu de manifester un état de devenir, Flint est dans un état de passé permanent. Les habitants comparent la désaffectation d’aujourd’hui avec l’âge d’or que la ville a connu. La nécessité oblige les habitants à pratiquer « l’art d’avoir une longueur d’avance, l’art d’être prêts à bouger » (Simone, 2010 : 62). Ils développent simultanément une perception nostalgique du statut de la ville comme centre de l’industrie automobile.

28La ville de Flint a été exclue de l’économie capitaliste, mais pas excommuniée pour autant, parce qu’il existe des liens formels qui jouent un rôle de médiation entre Flint et l’économie et la société capitaliste (l’assistance sociale, l’assurance-maladie, etc.). C’est pourquoi Flint devient un espace « entre deux » : même si la logique du centre s’applique, la réalité reste très différente. Il est frappant de voir à quel point la description de Kalyan Sanyal (2007) des espaces non-capitaux dans les pays postcoloniaux est pertinente pour Flint : il s’agit « de l’espace des exclus, des marginaux… il n’a aucun rôle dans la création des conditions économiques de la reproduction élargie du capital. La relation ici ne relève pas de l’extraction ou de l’appropriation, mais se définit en termes d’exclusion et de rejet » (ibid. : 63-64). En plus d’un marché immobilier quasi inexistant, le marché du travail est tout aussi apathique : la plupart des ouvriers au chômage ne peuvent tout simplement pas gagner un salaire en échange de leur travail. Environ un quart de la population active de Flint est au chômage (Burden, 2009) et 10 % travaillent dans le secteur public (Bureau of Labor Statistics, 2011).

29Vivant dans un état de passé sans perspectives réalistes de réintégration dans la production capitaliste, ni comme centre industriel ni comme centre de services post-industriels, beaucoup d’habitants de Flint sont dès lors obligés de s’engager dans la production non capitaliste. De nombreuses personnes qui cultivent des jardins sur des parcelles « adoptées » vendent le surplus sur les marchés locaux. Un habitant qui « adopte un terrain » et crée des parcs avec des jeunes semble motivé par le désir d’inverser le déclin de la ville : « Je crée des parcs… j’essaie de créer des trucs permanents – des parcs de poche… on choisit les zones où rien ne pourra se passer de toute façon, près des chemins de fer… j’essaie de le rendre utilisable » (entretien, le 7 août 2010). Il est important de noter que pour cet habitant, le travail non rémunéré sert aussi de moyen de reproduction sociale : « J’ai grandi sur une exploitation… je veux que les gamins connaissent la terre et ce que c’est ». Un autre habitant qui gère un important jardin communautaire fait également référence au passé, mais exprime clairement le fait d’agir par pure nécessité. « On va contrôler notre environnement. Avant il y avait des rats et des ordures… C’était un plan de survie… Je rétablis son état d’origine » (entretien, le 6 août 2010). Par « état d’origine », l’habitant évoque l’époque d’avant que Flint ne devienne un centre industriel. Plusieurs habitants travaillent bénévolement dans ce jardin en échange de produits, mais le temps de travail et les produits reçus ne sont pas comptabilisés précisément. Plutôt qu’un rapport strictement contractuel, il existe une entente commune : toute personne dans le besoin reçoit de la nourriture.

30Roy constate les ressemblances entre les travaux de Gibson-Graham et de De Soto, qui célèbrent le pouvoir d’action individuel. Gibson-Graham (2006) s’intéresse à la capacité des gens à s’engager dans des relations non capitalistes de production et d’échange, remettant ainsi en question la « totalité » du capitalisme. De Soto (1989) examine comment les individus agissent dans l’économie malgré les bureaucraties tentaculaires et souvent prédatrices. À Flint, on peut analyser le pouvoir d’action individuel de ceux qui « adoptent » des terrains vacants. Mais Flint apparaît également comme une zone d’exclusion par excellence. Une ville où le gouvernement détient beaucoup de terrains et encourage ses habitants à l’utiliser essentiellement gratuitement constitue sans aucun doute un cas rare aux États Unis. Selon Ong (2006), les zones d’exclusion sont créées par les groupes d’intérêts puissants dans le cadre d’une stratégie globale d’accumulation de capitaux. Mais la situation unique de Flint a été imposée de l’extérieur, puisque son intégration au sein de l’économie globale en tant que centre de production industrielle s’avère incompatible avec l’accumulation du capital du XXIe siècle. Ainsi, par pure nécessité, les habitants de Flint sont contraints d’adopter ce pouvoir d’action individuelle célébré par Gibson-Graham et De Soto.

31Cette nécessité a contraint les habitants de Flint à s’engager dans le même type d’entrepreneurialisme audacieux qu’on observe dans les quartiers informels du Sud. De nombreux habitants vendent les produits cultivés sur leurs parcelles « adoptées ». Une habitante m’a expliqué qu’elle espérait vendre des produits à valeur ajoutée, comme la salsa. Le gérant d’un important jardin communautaire envisage un projet de développement cohérent intégrant une éolienne pour produire de l’électricité, la transformation de piscines abandonnées pour la pisciculture, et même un fonds pour aider les jeunes du quartier souhaitant faire des études de médecine. Compte tenu de l’état des finances de Flint, il est probable que la plupart de ces projets ne seront jamais réalisés. Cependant, sa manière de présenter son plan en termes d’autosuffisance est significative : « C’est ce qu’on a, il faut qu’on fasse le mieux possible avec… beaucoup de gens attendent que quelqu’un les ramasse – mais on peut se ramasser nous-mêmes » (entretien, le 6 août 2010). La limite entre l’autosuffisance et le but lucratif est floue, parce que certaines de ces entreprises pourraient bien s’intégrer à l’économie capitaliste et générer des profits. Lui indique explicitement « Je ne suis pas socialiste » (ibid.). Avec cet aveu, l’interviewé reconnaît que le mode non capitaliste de production adopté dans son jardin constitue davantage une question de nécessité que de volonté.

32L’économie politique foncière devient un enjeu brûlant à Flint. Lors d’un entretien, un ami de l’interviewé s’est arrêté pour bavarder. Leur discussion concernait ceux qui cherchent à prendre le contrôle – et non la possession – de diverses propriétés dans la ville pour différents usages. Par exemple, l’interviewé a exprimé qu’un lot de parcelles constituerait un site idéal pour un marché de producteurs. Ensuite, il a évoqué des personnes et institutions qui soutiendraient ou contesteraient un tel projet : « Ils vont te combattre » (ibid.). Les deux hommes ont montré une parfaite compréhension de la manière dont laquelle leur participation au projet « adopte une parcelle » s’ancre dans une économie politique complexe, au sein de laquelle de nombreux acteurs cherchent à contrôler les terrains. Il est important de noter que leur discussion concernait le contrôle et non la possession du foncier, dont la fluidité n’est pas affectée par la réglementation de la banque foncière. L’interviewé a constaté que « la meilleure façon de contrôler le terrain, c’est de l’adopter » (ibid.). Mais à la fin de l’entretien, il a émis l’idée qu’un jour, il aurait peut-être la possibilité d’acheter le terrain qu’il a « adopté ». Je n’interprète pas ces propos comme contradictoires, mais ils démontrent la fluidité du contrôle du terrain et de l’économie politique foncière à Flint. Cette situation est étrangère aux urbanistes et difficile à classer parmi les régimes connus de la gestion du foncier.

33En référence à la généralisation du caractère informel de l’urbanisme, le site web de la banque foncière indique que le programme « Adopte une parcelle » « existait de manière informelle depuis les premières saisies de logements à Flint » (Adopt-A-Lot Program, 2011). Autrement dit, les habitants de Flint n’ont pas attendu la banque foncière pour utiliser les terrains vacants, cette dernière ayant juste légitimé cette pratique à travers un processus de « blanchiment ». Ceci est cohérent avec le concept de « zones grises » évoqué par Roy, dans lesquelles « la flexibilité du pouvoir souverain » est apparente, mais avec une différence importante : d’après Yiftachel (2009), l’État formalise l’appropriation des groupes d’intérêts puissants, alors que les groupes marginalisés qui existent dans la « zone grise » sont souvent expulsés ; à Flint en revanche, la banque foncière soutient presque tous les usages du foncier. Comme un salarié de la banque foncière l’explique, « enfin, c’est une question de terrain vacant, pas de propriétaire » (communication personnelle, entretien le 6 août 2010). De plus, puisque la banque foncière détient la compétence dans le comté, elle peut organiser des transferts de la valeur créée par les ventes de propriétés dans le comté vers la ville-centre. Lorsque des maisons sont saisies dans les villes avoisinantes où les marchés immobiliers sont plus stables, la banque foncière peut les revendre et investir les bénéfices dans des projets de développement et d’infrastructure à Flint. Beaucoup de villes américaines ont connu une fragilisation de leur centre par rapport aux banlieues, mais le programme « adopte une parcelle » renforce les centre-villes et indique une inversion de cette tendance à Flint. Dans la partie suivante, je présente les implications qui découlent de l’utilisation d’une approche inductive d’une part, et de l’identification de l’urbanisme subalterne au Nord, d’autre part.

Les implications d’une approche inductive de l’urbanisme subalterne

34L’objectif de la partie précédente était de montrer qu’une approche inductive permet d’identifier des espaces urbains subalternes dans les villes du Nord. Cette partie examine les trois principales implications de cette grille de lecture. D’abord, le concept d’urbanisme subalterne est de nature à favoriser le développement des comparaisons Nord-Sud. Ainsi, on peut identifier plusieurs points communs entre Flint et Dharavi, le quartier informel de Mumbai dont Roy (2011) s’est inspiré pour illustrer l’urbanisme subalterne. Par exemple : les relations que ces espaces entretiennent avec le centre, les politiques des autorités municipales ou encore les stratégies de subsistance et de résistance des habitants sont finalement assez proches à Flint et Dharavi. Deuxièmement, cette lecture pourrait permettre de rendre plurielle la catégorie des espaces urbains subalternes en forçant les chercheurs à identifier non pas un type de subalternité, mais plutôt des variétés d’urbanismes subalternes. Troisièmement, en développant des outils conceptuels qui permettent la comparaison des villes du Sud et du Nord, les connaissances produites dans le Sud pourraient circuler plus facilement vers le Nord. Enfin, plus généralement, comme il y a plus d’espaces urbains subalternes dans le Sud, cette lecture pourrait modifier le rapport de force Nord/Sud dans les études urbaines, où « la ville » du Nord sert encore de référence pour l’urbanisme du Sud.

35En premier lieu, appliquer inductivement le concept d’urbanisme subalterne favorise la mise en œuvre de comparaison entre les villes du Nord et celles du Sud. Jennifer Robinson (2011) constate que les études urbaines souffrent d’un manque général d’analyses comparées rigoureuses. En mobilisant l’urbanisme subalterne dans le Nord et le Sud, un problème bien perçu par Robinson apparaît très clairement : le fait que les conceptions traditionnelles de la ville et des espaces urbains sont profondément enracinées dans des croyances liées à la modernité et au développement. Par exemple, les gens vivant dans les sous-sols de Manhattan questionnent la capacité de la bureaucratie de New York (la ville autant que l’État) à exercer la souveraineté sur un territoire homogène et lisible. En revanche, le calme apparent de « normalité » et le degré d’organisation qui prévaut dans les tunnels sous Beijing nous obligent à nous demander si cette zone est vraiment aussi dangereuse et anarchique que les médias ne veulent bien le dire. Des recherches plus approfondies pourraient en effet mettre en lumière les institutions et les réseaux informels qui rendent cette zone vivable.

36Robinson (ibid.) montre également qu’il est possible d’obtenir des résultats intéressants en comparant les liens entre les différents types d’espaces. Puisque Dharavi comme Flint sont périphériques, on peut les comparer du point de vue de leurs rapports avec leurs centres respectifs. Alors que Flint se situe à une centaine de kilomètres de Détroit, Dharavi se trouve au cœur d’une métropole dense. Ainsi, il serait intéressant de déterminer en quoi la proximité avec une zone centrale urbaine influence l’urbanisme subalterne. En raison du développement actuel de la production informelle en Inde, les habitants de Dharavi travaillent dans des petits ateliers irriguant les filières formelles de produits de base (Sanyal et Bhattacharyya, 2010). En revanche, de nombreux habitants de Flint ne peuvent pas travailler contre rémunération : ils travaillent dans le secteur informel par nécessité. Le secteur informel de Flint est déconnecté des filières de produits de base et fonctionne comme une économie de subsistance. Ainsi, le travail informel existe dans les deux endroits, mais pour différentes raisons.

37Deuxièmement, en adoptant une approche inductive de l’urbanisme subalterne, le concept s’élargit pour inclure un éventail plus large de configurations urbaines. Des comparaisons pourraient ainsi donner lieu à l’identification d’une pluralité d’urbanismes subalternes. McFarlane (2010) suggère que la recherche urbaine est implicitement comparative. Toutefois, certaines villes jouissent d’une position privilégiée ; elles sont considérées comme des références sur la base desquelles d’autres villes sont comparées. Il indique que lorsque les comparaisons urbaines sont explicites, les similitudes et non les différences sont généralement mises en avant. Il est cependant probable qu’une comparaison des urbanismes subalternes révélerait que les quatre concepts utilisés par Roy sont bien applicables, mais que l’intensité des phénomènes et leurs intrications varient suivant les cas (ibid.). Ces variantes socio-spatiales des urbanismes subalternes – chacune influencée par la singularité et l’histoire des institutions locales – pourraient faciliter la comparaison entre des espaces qui semblent radicalement différents au premier abord. Ainsi le terme pourrait être suffisamment inclusif pour comprendre la Nouvelle-Orléans ravagée par l’ouragan Katrina (Harris, 2010), « l’hyper ghetto » du South Side à Chicago (Wacquant, 2008), les villes dépeuplées qui rétrécissent dans l’ex-Allemagne de l’est (Bernt, 2009) et les quartiers ouvriers délabrés des villes qui se désindustrialisent en Chine (Kwan Lee, 2007) et en Inde (Joshi, 2003).

38La comparaison de ces configurations hautement diversifiées indiquerait probablement que les facteurs d’émergence de l’espace urbain subalterne peuvent eux aussi différer. Mais, selon Robinson (2011), ces différences ne devraient pas nuire à la comparaison. En effet, la présence de multiples causalités ne fait que renforcer l’idée qu’il existe une grande diversité d’urbanismes subalternes, qui chacun mérite une attention particulière. Par exemple, Dharavi se situe au cœur de Mumbai, où le foncier est un bien précieux et où les habitants doivent lutter en permanence contre des phénomènes de gentrification ou de « blanchiment », qui les dépossèdent de l’espace urbain (Arputham et Patel, 2010 ; Boano et al., 2011). En revanche, le foncier à Flint est librement accessible en raison de l’absence quasi totale de la valeur d’échange qui lui est généralement associée. Malgré l’importance accordée par les habitants au contrôle du foncier, le gouvernement municipal prône l’application renforcée d’un régime de droits de propriété (comme l’indique le fait que la municipalité de Flint a institutionnalisé l’utilisation informelle du foncier au lieu d’adopter une approche de laisser-faire). La banque foncière reste l’autorité ultime puisqu’elle confère une légitimité à ceux qui utilisent le terrain vacant. En revanche, les autorités de Mumbai peinent à exercer leur contrôle sur le foncier de Dharavi. Les habitants du quartier sont menacés par des employés municipaux agressifs et par les promoteurs immobiliers qui cherchent à développer la zone avec des résidences fermées, des bureaux et des stades (Banerjee-Guha, 2010). Rien de tout cela à Flint, qui semble plus menacée par de nouvelles vagues de désinvestissement que par des processus de gentrification.

39Les habitants de Flint et de Dharavi vivent dans des espaces urbains subalternes très différents. Ils font face à des défis uniques et leurs moyens de subsistance font l’objet de menaces particulières. Cependant, ils proposent des réponses similaires : ils cherchent à contrôler l’espace urbain et s’engagent dans des « entreprises courageuses ». Autrement dit, même si la causalité et les conditions qui caractérisent leur subalternité diffèrent, les études comparées pourraient indiquer que les urbanismes subalternes, au Sud et au Nord, engendrent des réponses similaires de la part des habitants.

40Une recherche comparée des stratégies de subsistance des travailleurs déprolétarisés à Flint et des travailleurs du secteur informel à Dharavi pourrait dès lors améliorer notre compréhension des formes d’exploitation et de résistance. Une analyse de la vie quotidienne ou de l’habitus dans les espaces subalternes pourrait montrer comment les gens arrivent à s’approprier la ville et à se constituer leur propre place malgré l’absence ou l’hostilité des autorités municipales. Par exemple à Dharavi, les habitants parviennent à maintenir une présence malgré la pression accrue des gouvernements municipaux qui cherchent à rendre leurs activités illégales. À l’inverse, les habitants de Flint bénéficient de la légitimité de la banque foncière pour établir des stratégies de contrôle du foncier. Ces stratégies diffèrent en fonction du contexte institutionnel, mais l’objectif de sécuriser l’espace urbain et les usages qui en sont faits sont similaires.

41Troisièmement, utiliser le concept d’urbanisme subalterne pourrait contribuer à faciliter le transfert de connaissances du Sud vers le Nord. Même si je suis critique à l’égard des approches déductives, qui limitent l’urbanisme subalterne aux mégapoles du Sud, il est évident qu’il existe davantage d’espaces subalternes au Sud et que ces espaces constituent des sites majeurs de résistance (Harvey, 2008 ; Hardt et Negri, 2009) et d’innovations dans le domaine de l’urbanisme informel. D’une manière générale, les architectes et les consultants qui développent les connaissances relatives à la production de l’espace hyper-global sont basés au Nord. Cependant, il semblerait logique que les stratégies de résistance générées par les espaces urbains subalternes soient transmises du Sud au Nord. Un exemple récent, qui n’est pas tiré d’un espace urbain subalterne, montre déjà que les pratiques de résistance sont influencées par des transferts de connaissances du Sud au Nord : les manifestants engagés dans le mouvement d’occupation de Wall Street ont tiré des enseignements de l’occupation de la Place Tahrir (Keating, 2011 ; Occupy Wall Street, 2011). Faciliter le transfert des connaissances du Sud au Nord est d’autant plus essentiel que la ville de Flint n’est pas dans une situation isolée. De nombreuses villes dans la rustbelt américaine ont connu des transitions douloureuses vers ce que l’on appelle la « post-industrialisation », qui désormais semble être l’euphémisme de l’urbanisme subalterne. Le concept d’urbanisme subalterne pourrait donc être utile pour les habitants de ces villes, en aidant à penser des réponses créatives aux processus de déclin urbain, dans des contextes où ces villes sont exclues des circuits économiques plus larges.

42Enfin, il faut insister sur le fait qu’il est primordial de produire des connaissances transférables sur l’urbanisme au Sud pour influencer les pratiques sociales, mais aussi les recherches universitaires. Jusqu’à une période récente, la plupart des recherches urbaines sont restées ancrées dans une vision de la ville comprise à partir des expériences situées au Nord (McFarlane, 2010). Dans un exemple probant, la revue de géographie radicale Antipode (2010) a publié un numéro spécial sur les nouvelles spatialités de l’État. La section « Approches théoriques de la spatialité étatique » comprenait quatre articles dont les éléments empiriques reposent tous sur l’étude de l’Angleterre. Roy (2009b ; voir aussi Robinson 2002 ; 2011) a critiqué cette influence dominante du Nord et suggère de prendre la position inverse en postulant que les métropoles du Sud – comme Shanghai, Le Caire et Mexico pour n’en citer que quelques-unes – constituent des exemples avant-coureurs de l’urbanisme du XXIe siècle, au prisme desquels il faudrait comprendre l’ensemble des villes contemporaines (Roy, 2009b : 822). De nombreux chercheurs semblent être conscients des changements majeurs que cette évolution produit dans la recherche urbaine. Les programmes de recherche commencent à considérer l’importance de l’urbanisme du Sud. Toutefois son influence sur l’urbanisme du Nord reste faible. Prenons pour exemple le plaidoyer récent de Lees (2012 : 158) pour une étude comparée de la gentrification qui « ne définit pas la gentrification au Sud comme la simple reproduction de la périphérie (le Sud urbain) à l’image du centre supposé (Londres ou New-York) ». Même si j’adhère à cette argumentation, elle reste d’une certaine manière biaisée par l’endroit où le programme de recherche est élaboré ; c’est-à-dire le Nord, dans et pour lequel le concept de « gentrification » a été élaboré. J’estime que les chercheurs ne devraient pas simplement démontrer comment l’urbanisme au Sud se compare à « la ville » dans le Nord. Au contraire, les concepts émergeant du Sud devraient orienter les études urbaines comparées (voir l’exemple de Roy, 2003b).

43Watson (2009 : 2270) avance que beaucoup d’agglomérations urbaines du Sud se caractérisent par la présence de normes et de « rationalités concurrentes ». Cependant, il semblerait que l’on peut trouver des contre-rationalités similaires dans le Nord. En effet, Comaroff et Comaroff (2011 ; voir aussi Rehbein, 2010) indiquent qu’à bien des égards les événements intervenus dans le Sud ont commencé à présager des événements survenant dans le Nord : pour un habitant zoulou de Soweto sous l’apartheid, Johannesburg – « la ville » - était revanchiste bien avant que l’on parle de la « gentrification ». L’urbanisme subalterne est utile parce qu’on peut développer méticuleusement la notion au Sud, avant de l’appliquer avec prudence à des espaces spécifiques du Nord.

Conclusion

44Roy (2011 : 227) cite l’architecte hollandais Rem Koolhaas, qui en survolant Lagos avait été surpris de voir les « systèmes alternatifs, ingénieux » et « auto-organisés ». Il avait alors eu cette formule : « Lagos ne nous rattrape pas. Au contraire, c’est peut-être nous qui rattrapons Lagos ». Koolhaas semblait dire que l’urbanisme subalterne qu’il observait à Lagos pourrait bien constituer l’une des caractéristiques du paysage urbain du Nord un jour. S’il survolait Flint et contemplait la friche industrielle la plus importante des États-Unis y côtoyer jardins communautaires et abandon généralisé, il admettrait peut-être que l’heure est déjà venue.

45Roy plaide de manière convaincante pour que la recherche urbaine reconnaisse la pluralité des espaces urbains, ainsi que la difficulté de les saisir avec les outils épistémologiques et méthodologiques existants. Dans cet article, j’ai proposé que le concept d’urbanisme subalterne soit élargi considérablement, en étant appliqué inductivement. De cette manière, le concept s’avère utile pour étudier les transformations urbaines à l’échelle mondiale. Il peut faciliter la déconstruction de la division Nord-Sud, mais aussi la comparaison d’espaces urbains trop souvent considérés comme opposés. Cela permettra de mettre au jour un large éventail de formes urbaines hétérogènes - d’urbanismes subalternes - qui peuvent servir de vecteur d’un transfert des connaissances du Sud vers le Nord.

Remerciements

L’auteur souhaite remercier Mark Davidson, Yuko Aoyama, John Lauermann, Oona Morrow, Rory Horner, Jonathan Kennedy et Chris Moffat pour leurs commentaires sur les versions précédentes de cet article. Quatre évaluateurs d’IJURR ont aussi apporté des suggestions précieuses.

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  • Watson V., 2009. Seeing from the South : Refocusing Urban Planning on the Globe’s Central Urban Issues. Urban Studies 46 (11), 2259–75.
  • Wong E., 2010. The Air-Raid-Shelter Apartments under Beijing. The New York Times 22 April [WWW document]. URL http://www.nytimes.com/2011/04/24/magazine/mag-24YouAreHere-t.html (consulté le 9 octobre 2011).
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Mots-clés éditeurs : métropoles du XXI, siècle, Flint (États-Unis), urbanisme subalterne, e, Nord global, urbanisme comparé

Mise en ligne 20/09/2019

https://doi.org/10.3166/ges. 2019.0009

Notes

  • [1]
    Même si je partage l’intérêt de Roy pour les espaces urbains, certains spécialistes de la ruralité et des communautés paysannes pourraient contester cette affirmation. De plus, Roy ne justifie pas pourquoi elle considère les quartiers informels comme les emblèmes des mégapoles, en lieu et place des espaces « hyper-globaux » ou des espaces « urbains fragmentés » identifiés par Graham and Marvin (2001).
  • [2]
    Les travaux de Neil Smith (2008) sur le développement inégal peuvent expliquer pourquoi les quartiers informels existent dans les mégapoles du Sud malgré la croissance économique rapide. D’autre part, depuis longtemps Sassen (1996 ; 2005) constate que les villes globales constituent à la fois des espaces d’aliénation et de résistance.
  • [3]
    Il est important de noter que cet exemple n’est peut-être pas le meilleur exemple de « rejet indigène », même si la question dépasse le cadre de cet article. Une question se pose : pourquoi un titre de film a-t-il provoqué une telle réaction, alors que les menaces permanentes des promoteurs immobiliers et d’une classe politique prédatrice ne suscitent pas une telle mobilisation ? Étant donné l’absence de rejet des relations d’exploitation, le scandale généré par le titre de Slumdog Millionaire pourrait aussi être analysé comme un élement qui prouve que les habitants de Dharavi n’ont pas une forte conscience politique.
  • [4]
    Officiellement le Bureau des statistiques du travail indique que le taux de chômage à Flint était de 12,6 % en janvier 2011, mais ce chiffre correspond à une grande région comprenant les zones rurales environnantes. En juillet 2009 un reportage dans le Flint Journal indique que le taux de chômage de la ville pour le mois de mai 2009 était de 27,3 % (Burden, 2009).
  • [5]
    Ndt : Le « différentiel de rente » renvoie au concept de « rent gap » élaboré par Neil Smith pour étudier les processus de désinvestissement et réinvestissement dans l’espace urbain. Ce différentiel correspond à l’écart entre la valeur d’un bien ou d’un espace à un moment précis et sa valeur potentielle, écart dont le niveau explique l’intérêt ou non des acteurs de marché pour cet espace.
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