Couverture de GES_201

Article de revue

Les « Ateneus de Fabricació » barcelonais et les « Laboratorios ciudadanos » madrilènes. Une nouvelle approche de l’innovation urbaine ?

Pages 113 à 141

Notes

  • [1]
    Par innovation nous faisons référence au processus collectif de création de valeur, qui consiste en la traduction et la valorisation d’idées et de connaissances existantes en objet, concept, produit, service ou connaissance nouvelle (Gurteen, 1998). Notre conception de l’innovation n’est donc pas restreinte au marché ou aux secteurs technologiques. L’innovation peut être scientifique, technique/technologique, sociale, urbaine, environnementale, etc.
  • [2]
    L’intégration des innovations techniques dans la fabrique des villes n’est pas un phénomène nouveau. Sans remonter à l’époque Antique et à l’origine des villes, on peut évoquer les projets urbains des architectes-urbanistes du début du XXe siècle. La Ville Contemporaine de Le Corbusier (1922), Broadacre City de Frank Lloyd Wright (1931), Manhattan 1950 de Raymond Hood (1929) ou encore la Cité Idéale de Tony Garnier, mettent en scène les dernières avancées technologiques : intégration des nouveaux matériaux de construction (acier, béton armé), immenses gratte-ciel monolithiques, obsession du transport rapide (ascenseur, train métropolitain, automobiles), perspectives aériennes.
  • [3]
    En Europe, on pense notamment au projet 22@Barcelona à Barcelone, aux quartiers de la création et de l’innovation à Nantes et Lausanne, au campus de l’innovation Giant / Presqu’île à Grenoble. Sur le continent américain on évoquera le projet Mission Bay à San Francisco, les districts et quartiers de l’innovation à Boston et Montréal et les districts technologiques et du design de Buenos Aires.
  • [4]
    « Démocratie réelle maintenant ! » ; « Ils ne nous représentent pas ! ».
  • [5]
    D’autres lieux moins connus sont également considérés comme des Laboratorios ciudadanos. Sans prétendre à l’exhaustivité, évoquons Olavide Sobrevive, Virgen de Begoña (VDB), Autobarrios San Cristobal, Espacio Vecinal Montamarta, Albergue de San Fermín, Centro Social Seco, Espacio Vecinal Arganzuela, Federación Regional de Asociaciones de Vecinos de Madrid (FRAVM), CSOA La Morada, Instituto Do It Yourself, El Eko (Espacio Sociocultural Liberado y Autogestionado), etc.
  • [6]
    Précisons que Madrid a connu depuis 2008 la création de plus de 200 espaces de coworking. Cependant la grande majorité de ces coworking spaces ne sont pas considérés comme des Laboratorios ciuadanos.
  • [7]
    La ville de Madrid a concédé à l’association « Esta es una plaza » une « Autorisation d’occupation à caractère gratuit et provisoire » d’une partie de l’espace vacant. Cette cession d’une durée maximum de cinq ans fonctionne tant que la municipalité ne réclame pas l’usage de l’espace vacant.
  • [8]
    Fédération régionale des associations de voisins de Madrid. Par la suite, la FRAVM a délégué la gestion de l’espace à l’association de voisins du centre – La Latina, la AVECLA (Asociación de Vecinos de Centro-La Latina). Les habitants du quartier ont depuis créé une nouvelle entité juridique, l’association culturelle du Campo de la Cebada (Asociación Cultural Campo de Cebada).
  • [9]
    Le Campo de la Cebada est à l’origine de la création de nouveaux mobiliers urbains. Les plans de ces mobiliers sont diffusés sous forme de fichiers open source. C’est le cas par exemple des bancs appelés « seat commons », qui ont été dupliqués dans les villes de Huesca (Espagne), Istambul, et Lind (Autriche).
  • [10]
    Pour Cohendet, Grandadam et Simon (2011) le middleground, composé de communautés et de collectifs créatifs, permet de faire le lien entre les deux niveaux créatifs d’un territoire, l’underground et l’upperground. Il assure ainsi « l’enrichissement de la créativité des organisations par la créativité artistique informelle. Ce processus d’échanges permanents bâti sur des relations formelles et informelles amène la ville à devenir de plus en plus créative ».
  • [11]
    “Autorización de ocupación con carácter gratuito y provisional” (Esta es una Plaza). “Autorización de uso temporal y gratuito” (Campo de la Cebada). “Convenio de colaboración para la realización de actividades culturales” (La Tabacalera). Au sein de ces conventions, un ensemble de règles sont énoncées : durée d’occupation des espaces (entre 2 et 5 ans en moyenne) ; les collectifs et associations responsables et accréditées pour percevoir des subventions, contracter une assurance de responsabilité civile ou déposer des projets ; les activités autorisées ou interdites ; les horaires d’ouverture ; les instances compétentes pour délibérer et valider la programmation des lieux ; etc.
  • [12]
    La Vanguardia, « CiU y ERC piden a Colau que aclare el modelo de ciudad inteligente de Barcelona », 13/09/2016, Barcelone.
  • [13]
    Si le développement du kit Smart Citizen s’est effectué en open source, avec un logiciel téléchargeable gratuitement, le hardware, lui, est payant. La municipalité d’Amsterdam a ainsi récemment fait l’acquisition d’une centaine de capteurs, ce qui a permis de financer une partie du projet.
  • [14]
    C’est le travail que conduit actuellement la municipalité de Madrid, avec à sa tête Manuela Carmena (Podemos) et un ensemble de collectifs madrilènes (Esta es una Plaza, el Club de Debates urbanos, etc.).

Introduction

1Dès les années 1960, des chercheurs s’interrogent sur la place des villes dans les processus de création et de diffusion d’innovations. Pour Jacques Le Goff, les villes ont historiquement joué un rôle « d’agent de civilisation » (Le Goff, 1977). Ce dernier place au XIIe siècle le début de la période où progressivement les villes supplantent les monastères dans leur rôle de diffuseurs de connaissances, qu’elles soient littéraires, techniques, musicales ou religieuses. D’autres historiens étudient l’émergence progressive au sein des villes, non seulement de nouveaux produits et de nouvelles technologies, mais aussi de nouvelles professions et catégories sociales, ainsi que l’invention de nouveaux styles de vie (Bairoch, 1985). Du côté des économistes, Jean Rémy analyse les villes comme « des incubateurs de produits nouveaux » (Rémy, 1966). Pred et Higgs calculent le rapport entre le nombre de brevets déposés et le taux d’urbanisation ; ils confirment ainsi le phénomène de concentration urbaine de l’innovation (Pred, 1966 ; Higgs, 1971). Au-delà de ces analyses spécifiques, cinq grandes explications peuvent être retenues pour comprendre les liens qui unissent les villes aux innovations :

  • La taille des villes. « Plus une ville est grande, plus important est le nombre d’innovations par habitant et plus rapide est le processus d’adoption des nouveautés » (Bairoch, 1985).
  • Les contacts et les proximités. Dans la mesure où l’innovation est souvent analysée comme trouvant son origine dans la rencontre, le dialogue et l’échange, la ville en tant que lieu qui « maximise l’interaction sociale » (Claval, 1982), apparaît comme une véritable « fabrique d’informations nouvelles » (Perroux, 1967).
  • La diversité. Dès les années 60, Jane Jacobs observe que la diversité socioculturelle et économique des villes est un facteur d’innovation. Pour Jacobs, l’innovation naît du frottement à l’altérité, d’associations inédites et de rencontres imprévues (Jacobs, 1961).
  • Les externalités propres à la dynamique métropolitaine : une concentration d’infrastructures et d’équipements, un niveau élevé de capital humain (Lucas, 1988), l’accès à des services et des fonctions supérieures de commandement et de contrôle.
  • La concurrence et les contacts entre villes qui les incitent à s’adapter au changement en innovant.

2Il faut ensuite attendre les années 1990 pour qu’apparaissent de nouvelles analyses des liens entre villes et innovations [1]. Elles identifient et préconisent un ensemble de facteurs propices à la production d’innovations urbaines, que ces innovations se fassent dans la ville ou portent sur la ville elle-même. Ces thèses s’inscrivent dans des champs disciplinaires différents, à la croisée de l’économie de l’innovation, de la géographie, de la sociologie et de l’économie urbaine. Trois conceptions de l’innovation urbaine en ressortent.

3La première est celle de la ville créative (Vivant, 2009) ou de la Creative City (Landry, 1995). Cette approche socioéconomique repose sur une analyse visant à déterminer « les éléments d’un environnement urbain susceptible d’attirer (…) un groupe de personnes censées, par leur présence et surtout leur occupation professionnelle, constituer un facteur prépondérant de la dynamique de croissance économique urbaine » (Darchen et Tremblay, 2008). C’est ici l’approche de Charles Landry ou de Richard Florida (Florida, 2002). Ces auteurs identifient les facteurs d’attractivité de la classe créative, composée autant d’artistes, informaticiens, que de bohémiens et scientifiques. Et c’est la formule des « Trois T » de « Talent, Technologie et Tolérance », qui selon Richard Florida, serait la clé pour attirer cette classe ouverte, tolérante et essentielle à la production d’innovations et au développement économique des villes. Cette approche socioéconomique est complétée par l’analyse du fonctionnement de quartiers d’artistes à Soho (New York), Montreuil, Hoxton ou Shoreditch à Londres. Des chercheurs étudient les processus de production artistiques et les phénomènes de gentrification à l’œuvre au sein de ces quartiers (Vivant, 2009 ; Ambrosino, 2009). Enfin, la vision socioéconomique de l’innovation urbaine est centrée sur la filière des industries créatives (publicité, architecture, design, mode, marché de l’art, cinéma, multimédia, numérique, jeu vidéo, etc.) et l’étude de son rôle stratégique dans le développement des économies urbaines.

4Une deuxième conception de l’innovation urbaine est essentiellement technologique. C’est celle de la Smart City ou de la ville intelligente (Caragliu et al., 2009 ; Nam and Pardo, 2011 ; Schaffers et al., (2011). Elle repose sur le constat de l’accélération d’innovations technologiques potentiellement transférables au fonctionnement et à la fabrique des villes [2]. Si le modèle de la Smart City souffre d’un certain flou conceptuel (Picon, 2013), quelques grandes caractéristiques peuvent néanmoins être identifiées. La ville intelligente est d’abord la ville des opérateurs privés et des grands équipementiers comme Cisco, IBM, Thales, Siemens, Schneider Electric, Toshiba, ou encore Fuji-Xerox. Elle désigne généralement une ville dont la conception, le fonctionnement et les services reposent sur les technologies de l’information et de la communication (TIC). Ces technologies numériques investissent des domaines comme la mobilité (mesure et régulation des flux de déplacement, parkings intelligents à détection de présence), la sécurité, la consommation énergétique des bâtiments (Smart Grids, domotique), l’environnement, la participation citoyenne, la culture (valorisation numérique du patrimoine) ou les systèmes de collecte des déchets (bennes dotées de capteurs pour optimiser le ramassage des ordures). La Smart City repose également sur le déploiement de capteurs à grande échelle. Elle produit, collecte et analyse une quantité considérable d’informations et de données, censées optimiser la gestion et le fonctionnement des villes (Viévard, 2014). Certains opérateurs et collectivités vont jusqu’à planifier de véritables quartiers-laboratoires ou villes vitrines des nouvelles technologies, à l’image des projets Masdar (Abou Dhabi, Émirats Arabes Unis), New Songdo City (Corée du Sud), ou Plan IT Valley (une ville nouvelle du nord Portugal, où seront installés plus d’une centaine de millions de capteurs).

5La troisième conception de l’innovation urbaine peut être qualifiée de territoriale et spatialisée. L’innovation est ici conçue selon un processus de concentration d’équipements, de fonctions, d’aménités urbaines et d’acteurs multiples (entreprises, organismes de recherche et de formation, équipements culturels, utilisateurs des innovations), dans un territoire urbain en particulier. Cette troisième approche est fortement influencée par les cadres théoriques de la Creative et de la Smart City. Mais elle s’inspire aussi de l’économie territoriale et des notions de milieux innovateurs (Crevoisier et Camagni, 2000), de clusters (Porter, 1998) de districts culturels (Scott, 2005), ou encore de clusty, pour cluser in the city (Gaschet et Lacour, 2007). Selon ces théories, l’existence de liens de proximité entre firmes et travailleurs cognitifs sur un espace géographique donné, est censée favoriser une dynamique relationnelle propice à la créativité, l’échange de connaissances tacites et l’innovation. Dans les années 2000, ces différentes thèses ont largement influencé le développement des quartiers de l’innovation, de la création ou encore des districts technologiques [3]. Ces grands projets urbains ont notamment été analysés à travers la notion de Systèmes Urbains Cognitifs (Besson, 2014). Ces Systèmes Urbains Cognitifs (SUC) sont développés au cœur des villes dans des quartiers de plusieurs centaines d’hectares, suite à des politiques publiques de revitalisation socio-économique et urbaine. Ils concentrent un ensemble de fonctions et aménités urbaines, technologiques, culturelles et sociales, non seulement pour attirer des talents et des activités innovantes, mais également pour jouer un rôle actif dans les processus d’innovation. Avec pour ambition d’ériger ces quartiers en véritables laboratoires d’expérimentation et de diffusion des innovations technologiques dans la ville.

6Ces différentes conceptions de l’innovation urbaine font aujourd’hui face à un ensemble de critiques. Des auteurs déconstruisent la vision techno-centrée des Smart cities, qui appauvrit considérablement le champ des possibles et le spectre des innovations (Guallart, 2012 ; Sassen, 2014). Ils font part de leur scepticisme quant à l’apport des technologies dans l’amélioration du bien-être des habitants, et vont jusqu’à souligner les menaces faites aux libertés individuelles (Viévard. 2014 ; Picon 2013). D’autres chercheurs analysent les phénomènes de gentrification observables au sein des quartiers de la création ou de l’innovation (Langlois et Pawlak, 2010 ; Vivant, 2009). Le développement des Systèmes Urbains Cognitifs a souvent pour effet d’attirer des classes sociales aisées, et d’inciter au départ des résidents exclus par l’augmentation du coût de la vie. Sur le volet socio-économique, les activités et les emplois induits par la dynamique des SUC laissent à la marge un tissu économique traditionnel, ainsi que des populations plus faiblement qualifiées (Besson, 2014). La Creative et la Smart City connaissent en réalité des difficultés à induire un développement socio-économique et urbain intégré. Selon Guy Saez, le modèle de la ville créative renvoie « les groupes qui ne font pas partie de la creative class (soit 80 % de la population selon les comptes estimatifs de R. Florida) à vivre dans une autre ville » (Saez, 2009). La notion de classe créative est elle-même critiquée au regard de son caractère particulièrement flou et hétérogène (Roy-Valex, 2006, Markusen, 2006). Elle apparaît davantage comme « l’horizon d’une sociabilité rêvée faite de flexibilité, de mobilité, d’imagination, de singularité, d’implication personnelle, d’anticonformisme que de jeux réels situés » (Saez, 2009). Elsa Vivant souligne quant à elle le paradoxe des stratégies de planification de la ville créative, qui révèlent « la méconnaissance des ressorts de la sérendipité, condition d’expression de la créativité » (Vivant, 2009). Et Christine Liefoogue d’ajouter : « il ne suffit pas de planifier la mixité fonctionnelle et sociale pour qu’émerge un milieu créatif, et les opérations d’urbanisme créent souvent, en matière de ville créative, des coquilles vides » (Liefooghe, 2009).

7Face à un urbanisme conçu par et pour la creative class, de nombreux protagonistes tentent de repenser les contours de l’innovation urbaine. Elsa Vivant invite les urbanistes à créer les conditions de la sérendipité urbaine (Vivant, 2009). Sarah Cunningham encourage les responsables des villes créatives à s’intéresser davantage aux enfants, et propose que l’art et la créativité en général soient diffusés au sein des écoles primaires (Cunningham, 2013). Des responsables de collectifs comme la 27e région ou Bruit de frigo défendent l’idée de co-production de la ville créative, en immersion dans l’espace public et avec les citadins. Ils rejoignent en cela des collectifs d’architectes comme Bellastock, les Saprophytes, Basurama, Cochenko, les Collectif Fil ou Etc, qui expérimentent de nouveaux modes de production du projet urbain. Ces architectes privilégient des interventions in situ, permettant de co-produire les projets avec les habitants (Macaire, 2012). D’autres auteurs et professionnels, font référence à la littérature des « espaces interstitiels », des « tiers espaces » ou des « tiers lieux » (Roussillon, 1996 ; Oldenburg, 1989 ; Vanier, 2000), pour défendre une plus grande flexibilité de l’outils de planification. Ils défendent un urbanisme « tactique » ou « temporaire » et la nécessité de penser les processus d’innovation urbaine à travers des politiques de gestion et d’animation temporaire d’espaces vacants (Andrés, 2011 ; Pradel, 2011 ; Orduña-Giró, Jacquot, 2014). En s’appuyant sur des projets comme Stalled Spaces à Glasgow, Vacant lot à Londres ou plus récemment Les Grands Voisins à Paris, ces auteurs montrent que le contenu des projets élaborés dans un espace-temps restreint, peut jeter les bases de politiques urbaines innovantes.

8À travers ces différentes approches, on observe l’émergence d’une conception organisationnelle de l’innovation urbaine. Il s’agit moins de planifier des quartiers dédiés à l’innovation urbaine, que d’innover dans des politiques urbaines à même d’accompagner des dynamiques ascendantes : outils numériques collaboratifs, méthodes de coproduction et de design urbain, plateformes d’appels à projet, politiques de gestion temporaire d’espaces vacants, etc. Cette nouvelle approche, qui confie en partie aux usagers le rôle de producteurs d’innovations urbaines, se retrouve tout particulièrement en Espagne. Sur fond de crise économique persistante, de protestations citoyennes issues du mouvement des indignés Indignados à Madrid, et d’ascension du parti politique Podemos (« nous pouvons »), on observe un développement continu de « Laboratorios ciudadanos » et « d’Ateneus de Fabricació ». Ces Laboratoires citoyens et ces Athénées de fabrication tentent de réinventer au cœur de Madrid et de Barcelone, les contours de l’innovation urbaine. Tout en s’appuyant sur les outils numériques, ces initiatives ne cèdent pas au déterminisme technologique des Smart Cities, qui attribuent aux techniques un ensemble d’effets socioéconomiques vertueux (Picon, 2013). Face aux logiques de concentration et de planification des quartiers créatifs et innovants, les Laboratoires citoyens défendent le caractère endogène, informel et inattendu de leur développement. Ils ne reposent pas sur des politiques d’attractivité exogène d’une « classe créative », mais tentent de s’encastrer dans le tissu socioéconomique et culturel des quartiers qui les ont vus naître. Pour mieux comprendre la portée théorique et empirique de cette nouvelle génération de Systèmes Urbains Cognitifs, nous proposons une première analyse des Athénées de fabrication barcelonais et des Laboratoires citoyens madrilènes. L’enjeu : extraire de ces expériences espagnoles des enseignements utiles à la refonte de nos politiques d’innovation urbaine, tout en analysant les limites de ces modèles émergents.

1 – La Fab City de Barcelone. La fabrique des « smart citizens »

9Axée sur la compétitivité et l’attractivité internationale, la stratégie urbaine et économique de Barcelone inaugure aujourd’hui une période de ré-encastrement social et territorial, en lien avec le projet Fab City et la création de Fab labs dans les différents quartiers de la capitale catalane.

1.1 – La mutation du modèle barcelonais de ville créative : de 22@ à Fab City

10Dès la fin des années 1990, Barcelone s’interroge sur les mécanismes permettant la transformation d’une ville industrielle en une ville créative et adaptée aux exigences de la nouvelle économie. Comment créer un milieu attractif vis-à-vis des activités innovantes ? Quels sont les ingrédients à même de produire une atmosphère urbaine créative ? Ces questionnements vont inciter à l’écriture d’un plan métropolitain avant-gardiste car fondé sur une vision intégrée du développement économique et urbain. L’enjeu : attirer les activités cognitives à forte valeur ajoutée, en lien avec les industries créatives, les technologies de l’information et de la communication (TIC) ou les biotechnologies. Afin de légitimer ce positionnement, Barcelone invoque une longue tradition dans les domaines de l’imprimerie, de la publicité, de l’architecture ou du design, et survalorise un héritage culturel issu de personnalités comme Gaudi, Picasso, Joan Miró ou Salvador Dali.

11Rapidement, les débats sur la nouvelle identité de Barcelone se concentrent sur la requalification de Poblenou. Anciennement qualifié de Manchester Catalane, ce quartier industriel devient avec le projet 22@ le symbole de la mutation de Barcelone en une ville de la connaissance. Grâce à ses aménités et sa densité urbaine, 22@ doit permettre d’attirer les « activités @ » du secteur des TIC, du design, des biotechnologies, des médias, de l’énergie, etc. Le projet est ambitieux : il prévoit la création de plus de 100 000 emplois, la construction de 3 millions de m2 d’activités tertiaires et de 400 000 m2 d’équipements collectifs. Force est de constater que 22@ est en passe d’atteindre ces objectifs. Malgré la crise économique que connaît l’Espagne, le projet n’a cessé d’attirer entreprises, universités et centres de recherche technologiques. En l’espace de dix ans, 22@ a capté pas moins de 1 500 entreprises, se traduisant par un total d’environ 45 000 emplois. La ville a mené à bien la rénovation de 65 % des espaces industriels de Poblenou. Le quartier compte aujourd’hui plus de 5 000 logements, et environ 100 000 m2 d’équipements publics avec la construction récente de l’université Pompeu Fabra, du Media Complex, de Can Jaumandreu, du Media TIC Building (Serret Álamo, 2011 ; López, Romaní, Sagarra, Piqué, 2011). L’atteinte de ces objectifs a fait de 22@ un modèle pour de nombreuses smart cities (villes intelligentes). Une ville-modèle récompensée chaque année par l’accueil de l’un des plus important forum au monde sur les villes intelligentes : The Smart City Expo World Congress.

Figure 1

Le modèle barcelonais

Figure 1

Le modèle barcelonais

(Barcelona Digital, 22@Barcelona, Flickr, Creative Commons)

12Si la capacité d’attraction des activités innovantes de Poblenou a été unanimement reconnue, un certain nombre d’auteurs émettent néanmoins quelques réserves et déconstruisent le paravent esthétique de ce quartier créatif. À l’instar d’Horacio Capel et Antònia Casellas qui soulignent les difficultés du modèle à s’ancrer dans les problématiques locales, et à assurer une planification fondée sur une vision partagée de l’aire métropolitaine (Capel, 2005 ; Casellas, 2006). D’autres critiquent le caractère élitiste des emplois offerts par 22@, qui s’adressent principalement à des cadres, ingénieurs et designers de haut niveau et souvent à des candidats venus d’ailleurs. Selon Montse Charle, l’une des responsables de 22@, les trois-quarts des emplois induits par le projet sont directement liés aux activités 22@ (Charle, 2011). Quant aux programmes de formation et de diffusion des innovations au tissu socio-économique local (22@CreaTalent, Barcelona Centro de Diseño, etc.), ils ne disposent pas de la masse critique suffisante pour impacter significativement l’économie traditionnelle barcelonaise (Besson, 2012). Sans compter qu’une part importante des start up issues des incubateurs de 22@, a tendance à être rachetée par de grands groupes étrangers : rachat en 2010 de Gigle Networks par Broadcom Corporation ; rachat en 2012 de Lipotec par la société américaine Lubrizol, etc. Ce mécanisme fragilise l’ancrage territorial des activités innovantes et relativise la performance des investissements publics consentis pour soutenir le projet 22@. D’autres auteurs soulignent les difficultés du modèle à penser conjointement les problématiques d’innovation et de créativité. De 2000 à 2010, alors que Barcelone vend son image de ville créative, la logique foncière de 22@ engendre la fermeture de plus de 200 ateliers d’artistes (Ballester, 2014). En réalité, Poblenou apparaît moins comme un lieu de créativité qu’un terrain de jeu de plusieurs centaines d’hectares, destiné à des industriels soucieux de tester en grandeur réelle leurs innovations technologiques. Suez Environnement, Schneider Electric, Cisco, Indra ou encore Microsoft transforment progressivement le quartier en un laboratoire, en grandeur réelle, d’évaluation de technologies en phase de pré-commercialisation. Des capteurs de détection de présence sont installés sur des lampadaires, des places de parking ou sur des containers pour optimiser la collecte des déchets. Poblenou sert de test aux smart grids, au système d’irrigation « intelligent » des parcs publics, aux véhicules électriques ou aux nouvelles solutions de contrôle des nuisances (bruit, pollution, trafic, etc.). Or, ce modèle techno-centré de la ville créative n’a pas permis de résoudre des problématiques urbaines complexes, où les dimensions sociales, culturelles et politiques interagissent en permanence avec les questions techniques.

13Cette mise à disposition des espaces de Poblenou et cette « désurbanisation » de la ville (Sassen, 2014 ; Viévard, 2014) ont généré une série de contestations cristallisées dans le collectif Salvem Can Ricart. Ce mouvement, dont l’objectif initial était de sauvegarder un patrimoine majeur de l’industrie catalane (Can Ricart), comprend aujourd’hui autant d’habitants dénonçant les phénomènes de gentrification, d’intellectuels critiquant les méfaits de la nouvelle économie et de la ville technicisée, que d’artistes expulsés de leurs ateliers.

14Au-delà des critiques adressées au projet 22@, la crise économique va jouer un rôle dans la transformation du modèle barcelonais de ville créative. Face aux difficultés croissantes de la puissance publique à répondre aux problèmes de logement, de santé ou d’éducation, les Barcelonais s’organisent pour imaginer collectivement des politiques alternatives. Récemment, une étude a recensé environ 700 pratiques d’innovation sociale en Catalogne, depuis la crise économique de 2008 (Blanco, Cruz, 2014). Des collectifs d’habitants ont développé de nouveaux modes de gestion de l’environnement, de l’énergie, de l’économie ou de la consommation. La municipalité a elle-même redéfini sa politique de gestion des espaces publics. La ville a récemment entrepris la mise en œuvre du Plan Buits (Buits signifiant vides en Catalan). Ce programme a concédé à des associations sélectionnées au préalable par des appels à projet, la gestion temporaire de 19 espaces publics vacants (Orduña-Giró, Jacquot, 2014). Ainsi, des projets éducatifs, sportifs, culturels ou d’agriculture urbaine, ont-ils émergé dans les espaces en creux de la ville. Cette politique d’empowerment des habitants dans la gestion temporaire d’espaces publics, ainsi que la confiance dans leur capacité à imaginer des solutions innovantes, ont constitué les prémisses de la réorientation du modèle barcelonais de ville créative.

1.2 – Les Ateneus de Fabricació: « Infraestructurar la ciudad » (Corsín, 2014)

15Mais ce sont les réflexions entre l’adjoint à l’habitat de Barcelone, Antoni Vives et les directeurs de l’Institute for Advanced Architecture of Catalonia (IAAC) et du Fab Lab de Barcelone (Vicente Guallart et Thomas Díez), qui vont définitivement sceller les nouveaux principes du modèle barcelonais. Leurs discussions sont particulièrement critiques vis-à-vis de l’approche technologiste des smart cities. Pour le directeur du Fab Lab de Barcelone, Thomas Díez, la Smart city s’apparente davantage à « une stratégie marketing destinée à vendre de nouveaux produits technologiques aux villes » (Díez, 2013). Et il s’interroge: « où sont les citoyens dans ce vaste écosystème d’affaires et ces stratégies financières de planification des nouvelles infrastructures urbaines ? » (Ibid). Dans son ouvrage La ciudad autosuficiente, l’architecte en chef de la ville Barcelone, Vicente Guallart, prolonge les propos de Thomas Díez. Il nous explique que « les outils numériques n’ont de sens que s’ils permettent aux citoyens d’avoir un plus grand pouvoir sur leurs vies, et une plus grande capacité d’action en tant qu’acteur collectif » (Guallart, 2012).

16Dès lors, ces derniers vont tenter de dépasser l’approche des smart cities, pour penser les conditions d’épanouissement des smart citizens, autrement dit des citoyens intelligents. Leurs débats s’organisent autour des questions suivantes : Comment assurer une réappropriation collective des technologies, pour en faire des outils au service de la ré-industrialisation et du développement social et écologique des villes (Diez, 2012) ? Comment les innovations technologiques peuvent-elles permettre de changer de modèle de ville, et de passer du modèle traditionnel PITO (« product in, trash out »), au modèle DIDO (« data in, data out »), où les déchets seraient pensés comme des ressources pour le fonctionnement des villes ?

17Ces questionnements vont donner naissance au projet Fab City, présenté en 2011 lors de la conférence internationale des Fab Labs à Lima (Pérou). Le projet souhaite réinventer les modes de production et de consommation urbaine, à l’aune des techniques de fabrication digitale. Les machines numériques des Fab Labs (imprimantes 3D, découpeuses laser, découpeuses vinyle, fraiseuses numériques), présentent l’intérêt d’être facilement appropriables par les citadins. De sorte que, ces derniers peuvent, et sous la supervision d’un Fab manager, agir et transformer directement leur environnent urbain. Des modèles 3D publiés en open source sur le réseau des Fab Labs facilitent la conception des projets. Les plans et les concepts peuvent être reproduits, modifiés et adaptés aux différents quartiers, qu’ils soient situés à Singapour, Barcelone ou Buenos Aires. Les Fab Labs bénéficient également d’une capacité auto-réplicante. Chaque machine peut fabriquer les pièces de jonction qui serviront à en construire une semblable.

18Les protagonistes du projet Fab City se sont appuyés sur ce potentiel des Fab Labs, pour imaginer la création d’une quinzaine de « micro-usines de proximité » installées dans chaque quartier de Barcelone. Ces usines, autogérées par les habitants, seront capables d’assurer la production et le recyclage de biens et de services, en fonction des besoins des quartiers. Les machines, les matériaux et les ressources humaines des Fab Labs seront adaptés aux enjeux culturels, environnementaux et socio-économiques locaux. Pour Thomas Díez, la Fab City sera composée d’un ensemble de « laboratoires de fabrication numérique reliés entre eux pour échanger des connaissances et résoudre des problèmes d’éclairage public, d’environnement, d’alimentation, de production énergétique (…), de transport » (Diez, 2013). Cette description de la Fab City peut paraître quelque peu futuriste. Mais le projet ne part pas de rien et connaît quelques précédents avec la construction de la Fab Lab House. Développée en 2010 par la IAAC et le Fab Lab de Barcelone, cette maison écologique à énergie solaire a été primée au Solar Decathlon, une compétition universitaire internationale. Ce logement auto-suffisant a été fabriqué entièrement en bois grâce à une grande fraiseuse numérique. Depuis la Fab Lab House est devenue une icône de l’éco-construction et des possibilités offertes par les techniques de fabrication digitale.

19La Fab City a d’ores et déjà créé plusieurs Fab Labs, rebaptisés en catalan les Ateneus de Fabricació. Ces Athénées de fabrication s’inscrivent dans une tradition catalane ancienne d’athénées, au sein desquels se formaient les personnes non scolarisées (Pisani, 2015). Aujourd’hui, les Athénées s’appuient sur les machines à commande numérique des Fab labs, afin que les citoyens, les associations locales, les universités et les entreprises co-produisent des innovations sociales, à même d’améliorer la gestion et le fonctionnement des quartiers de Barcelone (Gascó Hernández, 2015). Un autre programme développé par les Athénées consiste à former les enseignants, les étudiants et les familles en général, aux pratiques de la fabrication digitale et au principe éducatif du « make to learn » (apprendre en faisant). Un dernier objectif affiché est de créer un réseau d’athénées, « afin de faire émerger des communautés interconnectées, qui encourageraient l’entreprenariat et le goût pour l’innovation » (Gouret, 2015).

20Il existe actuellement quatre Athénées publics à Barcelone. Le premier a été construit en 2005 avant l’avènement du projet. Situé dans le quartier de Poblenou, il est l’un des plus anciens et des mieux équipés au monde. Le second a été créé au Nord-Ouest de la ville, dans le quartier riche de Les Corts. Cet Athénée est installé dans l’ancienne filature « Benet i Campabadal ». Il comprend une grande bibliothèque et s’est spécialisé sur la thématique de l’inclusion sociale. Un troisième Fab Lab a été développé en banlieue, dans le quartier défavorisé de Nou Barris. Il s’est spécialisé sur la thématique de l’emploi. Un dernier Athénée, la Fàbrica del Sol, est en cours de développement dans le centre ancien de Barcelone (la Ciutat Vella). Il occupe deux étages de l’école d’éducation spéciale Sant Joan de la Creu, spécialisé sur la thématique du développement durable. Au-delà de la création des Ateneus de Fabricació, la Fab City a indirectement stimulé l’émergence de nouveaux Fab Labs à Barcelone. Evoquons le Green Fab Lab de Can Valldaura thématisé sur l’efficience énergétique et la régénération urbaine, le Citilab Cornellà, positionné sur l’innovation sociale, le Fab Café « tout public » au cœur de Barcelone ou l’ouverture récente du Fab Lab de l’association Hangar, spécialisé dans le domaine des arts visuels. Ainsi avons-nous recensé pas moins d’une cinquantaine de Fab labs à Barcelone. En nous inspirant de la typologie conçue par la Fondation Internet Nouvelle Génération (Fing, 2014), nous avons identifié 23 Fab Labs « d’entreprises », ouverts au sein de PME, de grands groupes et de centres technologiques comme Ascamm Centre Tecnològic, Hoffmann Innovation Ibérica ou Hewlett-Packard. 15 Fab Labs « institutionnels » poursuivent une mission de service public, à l’image des Ateneus de Fabricació ou du Green Fab Lab de Can Valldaura. 6 Fab Labs « tout public » sensibilisent les Barcelonais aux techniques de fabrication digitale et 4 Fab Labs « professionnels » sont destinés aux artisans, artistes et autres créateurs de start up. Ces Fab Labs se sont développés de manière relativement diffuse sur l’aire métropolitaine barcelonaise, avec deux polarisations sur les quartiers des Corts et de Poblenou.

Figure 2

Localisation des Fab Labs dans l’aire métropolitaine barcelonaise

Figure 2

Localisation des Fab Labs dans l’aire métropolitaine barcelonaise

(source : Raphaël Besson, 2015)

21La Fab City est en train de préfigurer un autre outil essentiel à son développement, le kit Smart Citizen. Ce kit développé par la IAAC et le Fab Lab de Barcelone, se compose d’un capteur et d’un système électronique open source, monté sur une carte Arduino. Il permet à chaque citoyen l’ayant en sa possession de renseigner une carte collaborative en ligne sur l’état d’une ville : pollution, monoxyde de carbone, humidité, température, trafic, son, température, lumière, ondes, etc. Progressivement, le projet Smart Citizen développe un réseau de capteurs dans les logements, les espaces publics de Barcelone et d’autres villes à travers le monde. La plateforme en ligne et la création des premiers kits ont bénéficié de financements participatifs à hauteur de 20 000 € sur gotteo.org et d’environ 70 000 dollars sur la plateforme Kickstarter.

22Les outils de prototypage et de capacitation citoyenne de la Fab City ouvrent de nouvelles perspectives pour le développement des villes créatives. Or, force est de constater qu’en Espagne, la création d’Athénées de fabrication ne constitue pas une expérience isolée. Il existe aussi à Madrid, un développement important de Laboratorios ciudadanos, qui à bien des égards s’apparentent aux Ateneus barcelonais.

2 – Les laboratoires citoyens madrilènes. La fabrique des « communs urbains »

23Urbanisme « tactique », « émergent », « participatif », « collaboratif », « temporaire » ou encore « précaire », les expressions ne manquent pas pour qualifier les transformations urbaines que connaît Madrid depuis quelques années. Cette frénésie sémantique est symptomatique d’une situation de mutation majeure, dont les expressions conceptuelles et empiriques restent à préciser.

24Au cours de la dernière décennie, Madrid a en effet connu une croissance économique et démographique exceptionnelle. L’économie s’est largement tertiarisée, grâce à l’implantation de sièges sociaux de grandes entreprises espagnoles (Telefónica, Repsol, Iberia) et d’activités spécialisées dans les secteurs financiers, des services et des télécommunications. La capitale espagnole compte aujourd’hui plus de 3 millions d’habitants intramuros et une aire urbaine de près de 6,5 millions d’habitants (Observatorio Metropolitano, 2009). Elle se positionne comme la quatrième place financière européenne, et possède un aéroport, des centres de congrès et d’exposition de dimension internationale. Cette réussite économique s’est opérée en appliquant des politiques urbaines standardisées, à travers la construction de grands quartiers d’affaires, de gigantesques centres commerciaux et de loisirs, et de nouvelles infrastructures de transport comme la M30. L’enjeu : attirer les sièges sociaux de grandes entreprises, les cadres supérieurs, les « classes créatives » (Florida, 2002) ou « visiteuses ».

25Ce modèle de croissance semble aujourd’hui en crise. D’abord parce que le développement économique de Madrid s’est réalisé au prix d’un accroissement des inégalités sociales et d’un processus de privatisation des « communs » : santé, éducation, espaces publics, environnement, eau, etc. (Observatorio Metropolitano, 2009). Ensuite, parce que la crise économique a exacerbé les inégalités et révélé l’hypertrophie du secteur financier dans les choix stratégiques de planification de la ville.

26Dans ce contexte, on comprend mieux l’origine du mouvement des Indignés à Madrid, souvent qualifié de « mouvement du 15 mai » (15-M). Les Indignados n’ont eu de cesse de dénoncer les inégalités sociales et la déconnexion croissante entre les élites politiques et administratives, et la société civile. Des slogans comme « Democracia real ya ! » ou « No nos representan ! » [4], ont trouvé un écho au-delà de La Puerta del Sol, dans les assemblées populaires des quartiers périphériques de la capitale espagnole. Ces assemblées ont progressivement initié les madrilènes aux prises de décision collégiales (Nez, 2012), à des modes d’organisation fondés sur l’autogestion, et plus largement à une réflexion sur les « communs urbains » (Festa, 2016). Elles ont stimulé l’invention de dispositifs juridiques et de formes d’institutions sociales en mesure de préserver des ressources urbaines. En cela, Madrid a renoué avec une tradition du mouvement citoyen, tel que la ville l’avait pratiqué dans les années 1970 (Castells, 2008).

27Et c’est dans ce contexte politique singulier qu’ont émergé en l’espace de quelques années une vingtaine de Laboratorios ciudadanos. Ces lieux d’innovation citoyenne se sont développés dans les espaces vacants de Madrid et n’ont pas fait l’objet d’une stratégie de planification de la ville. Ils sont davantage issus de l’élan spontané de citoyens ordinaires et de collectifs souvent très qualifiés, œuvrant dans les domaines de l’économie collaborative, du numérique, de l’écologie urbaine ou de l’urbanisme social. Ces Laboratorios ciudadanos constituent aujourd’hui les supports d’expérimentation de nouveaux modes de gestion et de fonctionnement de la ville. Leurs cadres de réflexion et leurs modes d’action se structurent autour de la thématique des « communs », et d’un ensemble de travaux de recherche, comme ceux du prix Nobel d’économie Elinor Ostrom (Ostrom, 1990).

2.1 – L’origine des Laboratorios ciudadanos. La présence de collectifs d’architectes-urbanistes et d’Institutions culturelles d’avant-garde

28Si la crise économique a indéniablement joué un rôle d’accélérateur dans l’émergence des Laboratorios ciudadanos, il existait d’ores et déjà à Madrid un terreau intellectuel favorable à leur développement.

29D’abord grâce à la présence de collectifs d’architectes-urbanistes qui ont initié et théorisé de nouvelles manières de faire et de penser la ville. On pense ici à des agences d’avant-garde comme Ecosistema Urbano, Basurama, Todo por la Praxis, Paisaje Transversal ou, plus récemment, les jeunes architectes d’Improvistos. Ces collectifs ont jeté les bases d’un nouvel urbanisme fondé sur des modes de gestion collaborative des villes, la participation citoyenne et l’intégration systématique des dimensions artistiques et culturelles. Cet urbanisme « de código abierto » (Tato, Vallejo, 2012) s’est aussi largement appuyé sur le développement d’outils numériques, à même de stimuler l’expression citoyenne et la co-production des projets : plateformes numériques contributives, maquettes urbaines interactives, kits de collecte et de visualisation de données urbaines, etc.

30Le prototypage, l’expérimentation, l’économie et l’écologie des moyens sont des dimensions tout aussi essentielles dans la démarche de ces collectifs. On pense notamment aux projets architecturaux de Basurama, qui se développent depuis 2001 à partir des savoir-faire des habitants et du réemploi de matériaux de construction et de déchets urbains (sacs plastiques, pneumatiques, cartons). Evoquons également les projets de Todo por la Praxis (TXP) de construction de mobiliers urbains mobiles avec les citadins. Pour ce collectif, l’enjeu des villes de demain réside moins dans l’édification d’infrastructures majeures, que dans la mise en œuvre de processus de fabrication ouverts et aptes à créer du lien social et des communautés. D’autres praticiens, éditeurs et chercheurs, ont joué un rôle important dans la conceptualisation et la diffusion des Laboratorios ciudadanos. On pense à des auteurs comme Domenico di Siena, Alberto Corsín Jiménez, Adolfo Estalella, Manu Fernández, ainsi qu’à divers collectifs : El Observatorio Metropolitano de Madrid, La Fundación de los Comunes, El Club de Debates Urbanos, Traficantes de Sueños, la Universidad Nómada, etc. Ce nouvel urbanisme madrilène a d’ailleurs été récemment consacré par un article publié dans la revue sociologique Papers (Revista Papers, 2014).

31La Municipalité de Madrid n’a pas été totalement étrangère à cet ensemble de réflexions et d’expérimentations urbaines. La ville a notamment contribué à créer une nouvelle génération d’Institutions culturelles qui, chacune à leur manière, ont influencé le développement des Laboratorios ciudadanos. C’est le cas par exemple du Medialab Prado, de Matadero, de la Casa Encendida, de Conde Duque, de CentroCentro, de Paisaje Tetuán ou encore d’Intermediae. Ces Institutions se sont moins intéressées à l’exposition d’œuvres majeures, qu’à la question de la production d’un art collaboratif et ouvert aux sciences, aux technologies numériques et aux habitants des quartiers de Madrid. Ainsi, l’ancien abattoir de Madrid, Matadero, a-t-il été transformé en un espace pluridisciplinaire dédié à l’expérimentation et à la production artistique, sociale et urbaine. Le Medialab Prado, implanté dans le quartier des Lettres, a quant à lui été développé comme un Laboratoire citoyen de recherche et d’expérimentation des outils numériques. Parmi les thématiques explorées par le Medialab, la question urbaine occupe une place privilégiée, avec l’organisation régulière d’appels à projet, de workshops et conférences dans les champs de l’agriculture urbaine, de la data visualisation, des communs urbains, du patrimoine ou de l’affichage en ville. Si bien que le Medialab Prado est en train de devenir un véritable Think Tank dans la réflexion sur le développement des Laboratorios Ciudadanos. Un travail de conceptualisation que l’Institution partage désormais avec le Secrétariat général ibéro-américain (SEGIB), dans le cadre du programme « Ciudadanía 2.0 » (« citoyenneté 2.0 »).

2.2 – Typologie et description des Laboratorios Ciudadanos

32Au-delà des expérimentations de ces collectifs d’avant-garde, Madrid a connu en quelques années un développement ascendant de Laboratorios ciudadanos, qui ont émergé dans les espaces en creux de la ville. La crise économique a laissé en jachère une quantité importante d’espaces publics, dont la vocation originelle était d’accueillir de grands équipements et centres commerciaux. Les citoyens se sont progressivement réapproprié ces espaces vacants pour en faire des supports d’expérimentation de nouveaux modes de fabrique de la ville, fondés sur le collaboratif, la participation citoyenne et la co-production des espaces et des services publics.

33Une vingtaine de Laboratorios ciudadanos ont ainsi émergé à l’image de La Tabacalera, Esta es une plaza, Patio Maravillas, El Campo de la Cebada, etc.[5]. On citera également le réseau des jardins communautaires (La Red de huertos urbanos), ainsi qu’un certain nombre d’espaces de coworking impliqués dans la vie urbaine et sociale comme Utopic_US, Impact Hub Madrid, Garaje Madrid, La Industrial ou Puesto En Construcción (PEC) [6].

Figure 3

Typologie et localisation des Laboratorios ciudadanos dans Madrid

Figure 3

Typologie et localisation des Laboratorios ciudadanos dans Madrid

(source : Raphaël Besson, 2015)

34Chaque Laboratoire citoyen tend à se spécialiser dans un domaine particulier comme l’agriculture et l’écologie urbaine, l’intégration sociale et culturelle, l’art collaboratif ou l’économie numérique. Bien évidemment, ces domaines ne sont pas étanches et il n’est pas rare de voir des Laboratorios ciudadanos hybrider ces différents champs de compétence.

35Les Laboratoires citoyens spécialisés dans l’art collaboratif poursuivent des objectifs similaires à ceux décrits dans le projet Matadero. D’autres Laboratorios œuvrent à la création de jardins communautaires et auto-gérés par des « citoyens-jardiniers ». Le jardin le plus connu se nomme « Esta es una Plaza » (« Ceci est une place »). Il a été créé par un groupe d’étudiants, de jeunes professionnels et d’habitants, sur un terrain abandonné depuis une trentaine d’années dans le quartier de Lavapiés. Après avoir obtenu de la municipalité la gestion temporaire de cet espace [7], le groupe (structuré en association) a promu un modèle d’autogestion, permettant à chaque citoyen de contribuer librement au fonctionnement du lieu, tout en bénéficiant en retour des infrastructures et des activités socio-culturelles. Ainsi, l’association a-t-elle mis en place sur son blog un protocole, permettant à n’importe quelle personne ou collectif de proposer une activité ou de bénéficier de l’usage de l’espace.

36Un troisième domaine d’intervention des Laboratoires citoyens concerne l’économie numérique et les espaces de travail collaboratifs. Entrent dans cette catégorie le Medialab Prado, l’Instituto Do It Yourself, la Casa Encendida et de nombreux espaces de coworking comme Utopic_US, Impact Hub Madrid, Puesto En Construcción (PEC), La Industrial ou encore Garaje Madrid.

37Enfin, de nombreux Laboratoires citoyens agissent dans le champ de l’intégration sociale et culturelle. C’est le cas du Campo de la Cebada, de La Tabacalera, de Olavide Sobrevive, du Patio Maravillas, de l’Espacio Vecinal Arganzuela ou encore du Centro social Seco. L’exemple de la Tabacalera concerne une ancienne fabrique de tabac située dans le quartier de Lavapiés et gérée depuis 2003 par le Ministère de l’Education, de la Culture et des Sports. En 2007, l’Etat propriétaire de cet ensemble immobilier de plus de 25 000 m2, imagine la création d’un « Centre National des Arts Visuels » (CNAV) ». Mais le coût élevé des travaux et la crise économique auront raison du projet. Face à ce bâtiment vacant, les associations culturelles du quartier vont engager des négociations avec le Ministère afin de bénéficier de la gestion temporaire d’une partie du bâtiment. Un accord est rapidement signé avec l’association « Tabacalera de Lavapiés », qui obtient alors la responsabilité de la programmation sociale et culturelle du lieu et de son autogestion. L’association est également chargée d’assurer l’entretien et la sécurité des espaces et des installations. Quant aux dépenses de fonctionnement du lieu, elles sont à la charge du Ministère, qui pourra récupérer l’usage du bâtiment une fois que les travaux du « Centre National des Arts Visuels » auront débuté. Depuis son ouverture officielle au public en 2010, la Tabacalera connaît un certain succès. Elle a co-produit un nombre important de projets culturels avec les collectifs et les habitants du quartier de Lavapiés. C’est le cas d’expositions comme « Fábulas problemáticas » ou « Inventa Lavapiés » qui ont attiré plusieurs dizaines de milliers de visiteurs. La Tabacalera compte aujourd’hui toute une série d’espaces comme des centres de conférence, salles d’exposition, ateliers d’artistes, jardins partagés, lieux de répétition, de restauration, de marché, ainsi que des ateliers de fabrication fonctionnant sur le modèle des Fab labs. Les murs de La Tabacalera servent également de support à l’expression artistique, puisqu’ils sont régulièrement peints par des artistes venus du monde entier.

38Un autre Laboratoire citoyen réputé est le Campo de la Cebada. Il est situé au centre de Madrid, près de la Plaza Mayor, sur un espace de plus de 5 000 m2. Ce lieu accueillait auparavant une piscine municipale, qui a été démolie en 2009 pour être remplacée par un grand complexe commercial. Mais la crise économique a laissé la place à un gigantesque terrain vague, réapproprié par les habitants en septembre 2010, lors des « nuits blanches » madrilènes. À cette occasion, le collectif EXYZT proposa le projet « Isla Ciudad », visant la construction d’une piscine éphémère, entièrement conçue en bois. Cette première expérience permet à des collectifs d’artistes et d’habitants de prendre conscience de l’intérêt de se réapproprier cet espace afin d’en inventer de nouveaux usages. En février 2011, la mairie de Madrid accepte de céder temporairement l’usage du lieu à des associations du quartier, organisées au sein du collectif « la FRAVM » (Federación Regional de Asociaciones de Vecinos de Madrid[8]). L’espace est définitivement ouvert aux habitants lors de la fête de San Isidro le 15 mai 2011.

Figure 4

Le Campo de La Cebada. Un centre de créativité au cœur de Madrid et autogéré par les habitants du quartier de La Latina

Figure 4

Le Campo de La Cebada. Un centre de créativité au cœur de Madrid et autogéré par les habitants du quartier de La Latina

(source : Raphaël Besson)

39Depuis, le Campo de la Cebada a connu un développement important de projets, que ce soit dans des domaines sociaux (systèmes d’échange de services), artistiques (street art, ateliers de photographie, de poésie, de théâtre), sportifs (aménagement de terrains de basket et de jeux) ou culturels, avec l’organisation de festivals de musique, de conférences et de cinéma en plein air. Le Campo de la Cebada sert également de support à l’aménagement de jardins collectifs et de mobiliers urbains co-construits. L’ensemble des bancs, des gradins ou des paniers de basket ont été fabriqués grâce à l’intervention de collectifs d’architectes-designers (Basurama et Zuloark), d’étudiants, d’habitants et d’ingénieurs. Ces derniers ont utilisé les outils et licences libres de Fab Labs madrilènes pour construire des mobiliers modulables, entièrement réalisés à partir de matériaux recyclés [9]. Une coupole géodésique a été fabriquée grâce à la collecte de plus de 6 000 € sur la plateforme de financement participatif Goteo.org. Précisons que les activités du Campo de La Cebada sont auto-gérées lors de rencontres régulières, qui réunissent l’ensemble des collectifs du quartier (habitants, commerçants, associations, etc.).

3 – Repenser les politiques d’innovation urbaine à la lumière des expériences barcelonaises et madrilènes

40Cette description des Laboratorios ciudadanos madrilènes et des Ateneus de Fabricació barcelonais interroge très directement nos politiques d’innovation urbaine. D’abord, parce que ces espaces constituent des lieux d’expérimentation et d’investigation de ce qu’il est coutume d’appeler les « communs urbains » (Ostrom, 1990 ; Lecoq, 2012 ; Dardot, Laval, 2014 ; Quesada López, 2015 ; Festa, 2016). Ces Laboratoires urbains tentent d’assurer un égal accès des habitants à la ville, à ses espaces publics, ses services, ses ressources, ses activités sociales, culturelles ou sportives. Par ailleurs, ces espaces se développent de manière diffuse, ascendante et défendent un droit à « infrastructurer » la ville par le bas (Corsín 2014). Une ville où les habitants et les usagers puissent agir sur la production de services et de données urbaines, ainsi que sur la fabrique des espaces publics eux-mêmes. Une ville ouverte et expérimentale, une ville qui « s’éprouve plus qu’elle ne se prouve » (Ambrosino, Gwiazdzinski, 2013). Enfin ces initiatives tentent de dépasser le modèle technologiste diffusionniste des Smart cities, en proposant un modèle d’innovation urbaine davantage interactionniste.

3.1 – Les apports des expériences barcelonaises et madrilènes dans la redéfinition des politiques d’innovation urbaine

3.1.1 – Le dépassement des modèles de planification de l’innovation urbaine. Les enjeux du « middleground » et d’un « urbanisme temporaire »

41Les modèles d’innovation urbaine des années 2000 ont tendance à planifier la créativité urbaine dans des quartiers de quelques centaines d’hectares. Avec l’ambition d’ériger des architectures totémiques et spectaculaires, en mesure d’une part, d’attirer et d’organiser les proximités entre les travailleurs créatifs ; et d’autre part, de mettre en scène des productions souvent immatérielles. L’enveloppe des bâtiments devient alors la vitrine des innovations et des nouvelles technologies, à l’image du Media Tic Building de 22@Barcelona. À l’inverse de ce modèle planificateur, les Ateneus de Fabricació de Barcelone et les Laboratorios ciudadanos de Madrid se créent de manière diffuse à l’échelle des villes, et non plus de façon polarisée sur des sites de quelques centaines d’hectares. Ils se développent selon une logique réticulaire et davantage ascendante. Cette dynamique contraire à la perspective top-down des Systèmes Urbains Cognitifs de première génération laisse une place au hasard et au développement souvent non planifié d’espaces créatifs en ville.

42Ces espaces s’affirment moins comme des lieux totems que des plateformes de connexion entre des acteurs de compétences et de professionnalités diverses. Ces hubs relationnels jouent un rôle fondamental dans l’accompagnement de projets ascendants, l’animation et la pérennisation d’expérimentations urbaines. Il s’agit de « faire avec », plutôt que de « penser à la place de » collectifs d’ores et déjà présents et organisés. Ces Laboratoires urbains ne sont donc pas conçus, ni gérés au sein de cénacles fermés réunissant quelques élus ou experts. Leur mode d’innovation et de fonctionnement se structure autour du modèle de la quadruple hélice, dont l’objectif est de réunir autant de chercheurs, citoyens, entrepreneurs, que de responsables d’administrations locales (Hafkesbrink & Schroll, 2011). L’un des premiers objectifs du Campo de la Cebada, était « que n’importe quel individu (habitant, commerçant, expert, technicien de la ville), se sente concerné et impliqué par le fonctionnement du lieu ». Selon l’urbaniste Manuel Pascual, du collectif Zuloark, il s’agissait « d’éviter de construire un ghetto de personnes idéologiquement proches, partageant une vision du monde homogène ». Pour l’urbaniste Domenico Di Siena, les Laboratorios ciudadanos sont en réalité des « lieux de forte inclusion sociale. Ils ne sont ni des lieux institutionnels, ni des espaces de contre-culture, altermondialistes, figés dans des concepts « puristes » et par conséquent excluants. Ils ont progressivement abandonné leur caractère underground, pour permettre une participation citoyenne la plus large possible » (entretien, mars 2015). Une partie de la société civile s’est ainsi appropriée ces espaces pour en faire des outils au service des « problèmes concrets, des défis, des demandes et des aspirations qui se manifestent dans les différents quartiers de la ville » (Mangada, 2015).

43Dans ce processus, le rôle des collectifs des Laboratoires citoyens et des Athénées de fabrication est fondamental. Les membres de ces espaces appartiennent à des mondes sociaux très différents et leur socialisation ne va pas de soi. Ils regroupent des individus producteurs de matériaux créatifs et des structures en capacité de les valoriser, des acteurs périphériques, peu organisés ainsi que des institutions structurées et situées au cœur de l’écosystème d’innovation. Pour assurer ce maillage et l’échange entre ces acteurs hétérogènes, les Laboratoires citoyens assurent une fonction essentielle de « middleground » (Cohendet et al, 2011) [10]. Ils permettent la socialisation entre « l’underground » des habitants, usagers et des sphères culturelles et artistiques et « l’uppergound » des administrations, firmes, laboratoires de recherche et centres de transfert technologique. Les Athénées et les Laboratoires citoyens constituent par conséquent une catégorie singulière de Tiers Lieux. Ils proposent des espaces hybrides, et créent les conditions de « proximité temporaires » entre des univers sociaux très différents (Suire, 2015).

44À cet égard, les Laboratoires citoyens de Madrid bénéficient d’un avantage différenciatif. À la différence des Ateneus de fabricació, qui se localisent pour une durée indéterminée dans des équipements appartenant à la ville, les Laboratoires citoyens se déploient de manière temporaire dans des espaces publics vacants. Or ce cadre temporel contraint constitue un atout dans la production d’espaces d’intermédiation et la création de « proximités temporaires ». Il favorise l’apparition d’usages et des pratiques éphémères et non planifiées, qui jouent un rôle dans la construction de politiques urbaines innovantes. Cette politique de gestion temporaire d’espaces publics vacants, permet à la ville de Madrid, d’expérimenter de nouveaux outils d’urbanisme et d’introduire une plus grande flexibilité dans son système de planification. Elle s’intègre dans une stratégie de construction d’une ville plus résiliente, et le développement d’espaces publics plus adaptables aux usages et aux aléas d’une crise économique encore persistante. La ville de Madrid vient d’ailleurs de reconnaître officiellement les pratiques collaboratives du Campo de La Cebada. Le futur projet urbain du Mercado de la Cebabda, réduira considérablement les espaces dédiés aux zones commerciales, pour intégrer de nouveaux espaces liés au sport, à la culture et aux associations et collectifs du Campo de la Cebada (Belver, 2015). Les Laboratorios ciudadanos se différencient par conséquent des squats madrilènes illégaux étudiés par le chercheur Thomas Aguilera (Aguilera, 2015). Chaque laboratoire citoyen bénéficie d’une reconnaissance juridique, grâce à la signature d’une convention de gestion et d’animation temporaire entre les collectifs et la puissance publique (ville, agglomération, Etat) [11].

3.1.2 – Du droit à la ville au droit à l’infrastructure des villes

45Les projets issus des Laboratorios ciudadanos et des Ateneus de Fabricació peuvent avoir une dimension artistique, éducative, architecturale, sociale, technique ou culturelle ; dans tous les cas, ils possèdent une composante expérimentale essentielle et font appel à la diversité des savoirs, qu’ils soient experts ou profanes. Ces Laboratoires portent un enjeu essentiel de co-production des projets, avec comme objectif d’imaginer des solutions davantage collectives, créatives et ingénieuses. Cette co-production va jusqu’à intéresser la fabrique des espaces publics et des infrastructures urbaines.

46De ce point de vue, les expériences barcelonaises et madrilènes font écho à la notion de droit à la ville d’Henry Lefèbvre. Cette notion revendiquait pour des groupes sociaux marginalisés, un droit à l’égal accès aux ressources et aux services urbains. Elle manifestait plus largement la reconnaissance d’une forme supérieure des droits : « droit à la liberté, à l’individualisation dans la socialisation, à l’habitat et à l’habiter. Le droit à l’œuvre (à l’activité participante) et le droit à l’appropriation (bien distinct du droit à la propriété) » (Lefèbvre, 1968). Dans sa dimension politique, le droit à la ville poursuivait l’objectif de co-production du développement urbain par l’ensemble des groupes sociaux composant la Cité. Or les Ateneus de Fabricació et les Laboratorios ciudadanos, tout en s’inspirant de ce droit, sont en train de le réinterpréter. Les nouvelles techniques de fabrication digitale incitent les protagonistes de ces projets à revendiquer un droit à l’infrastructure et à « infrastructurer la ville ». Nous reprenons ici la formule de l’anthropologue Alberto Corsín, « El derecho a infraestructurar la ciudad » (Corsín, 2014). Ce droit en émergence ne se limite pas à défendre un égal accès aux ressources, aux espaces de la ville, ou à une plus grande participation des habitants ; il concerne l’infrastructure même des villes, le « hardware urbain » (Harvey, 2013). Il s’agit de co-produire, au-delà de la vie sociale, éducative ou culturelle, l’espace public des villes, les mobiliers et autres infrastructures urbaines. Au sein des Laboratoires citoyens et des Athénées de fabrication, on retrouve la même volonté de réhabiliter la figure du « bricoleur » ou du « bidouilleur », propre à la sphère des hackers et des artistes numériques. L’enjeu est de diffuser dans l’espace urbain « une logique qui puise ses origines dans celui de la micro-informatique libre : à travers la recherche de formes collaboratives de fabrication, il s’agit de mettre en commun le « code source » des objets, de donner accès aux modalités de leur conception et de leur production » (Ambrosino, Guillon, 2016). Ce droit à l’infrastructure, s’inscrit dans « l’âge du faire », du « make ». Ainsi pour Jordi Reyes, responsable de l’Athénée de Les Corts, « le Fab Lab doit permettre aux citoyens de prendre conscience qu’ils peuvent agir directement sur leur ville (…). L’utilisation des outils de prototypage rapide, doit aussi faciliter l’expression des capacités créatives de chacun ».

47Cette revendication d’un droit à « infraestructurar la ciudad », concerne également l’infrastructure immatérielle des villes. Ce droit est étroitement lié au mouvement d’ouverture des données publiques. L’open data place au cœur de la réflexion urbaine la question de la captation et de la diffusion des données sociales, démographiques, économiques, ou encore environnementales. Mais, à la différence des smart cities où la production de données reste largement centralisée par quelques opérateurs urbains, la Fab City et son kit Smart Citizen, permettent aux citadins de produire eux-mêmes la connaissance et les données sur la ville. Ainsi, les citoyens ne sont pas seulement captés par les grands acteurs du numérique ; ils ne sont pas simplement réduits à des consommateurs passifs des données, ou des « béta-testeurs » de nouveaux services urbains. Ils deviennent eux-mêmes capteurs de leur environnement, ils jouent un rôle proactif. Les connexions des logements privés deviennent les supports de la construction d’un outil d’intérêt général. On mesure ici toute la portée de ce dispositif de vigilance collective et d’analyse par le bas de l’état d’une ville.

Figure 5

La Fab Lab House de Barcelone. Une icône de l’éco-construction et des possibilités offertes par les techniques de fabrication digitale

Figure 5

La Fab Lab House de Barcelone. Une icône de l’éco-construction et des possibilités offertes par les techniques de fabrication digitale

(source : Flickr, CC)

3.1.3 – D’un modèle diffusionniste à un modèle interactionniste de l’innovation urbaine

48Les Laboratorios ciudadanos et les Athénées de fabrication tentent de dépasser l’approche technologiste diffusionniste des smart cities, pour défendre un modèle davantage interactionniste. Cette approche est soutenue par la maire de Barcelone, qui souhaite « sortir du modèle des smart cities ». Pour Ada Colau, « la ville intelligente doit moins s’appuyer sur la diffusion généralisée de capteurs, que sur l’intelligence collective de ses habitants. Elle doit constituer une opportunité de faire se rejoindre la technologie et la capacité de décision des gens sur leurs conditions de vie » [12]. Les Laboratoires citoyens ne s’érigent donc pas contre les technologies, notamment numériques, mais cherchent davantage à les détourner, à les encastrer socialement, afin d’en faire des outils au service de la ville. Ainsi les réseaux sociaux du web permettent-ils de mobiliser en un temps record des milliers de personnes au cœur de Madrid. Les plateformes numériques collaboratives jouent un rôle essentiel dans l’auto-gestion, la mise en réseau et la visibilité des Laboratorios ciudadanos (partage d’outils, de méthodes, de projets, d’expériences, de bonnes pratiques). Les plateformes de crowdfunding, à l’image de goteo.org, financent en partie les projets de mobiliers et d’infrastructures urbaines, comme le dôme géodésique du Campo de la Cebada. Les techniques de fabrication digitale des Fab Labs, permettent aux habitants d’agir sur leur espace public, ou d’imaginer de nouveaux habitats écologiques, à l’instar de la Fab Lab House de Barcelone.

49Les Ateneus de Fabricació et les Laboratorios ciudadanos s’appuient largement sur une culture numérique et sur des formes d’apprentissage collaboratif issues des réseaux internet. Ces initiatives cherchent à « urbaniser les technologies » (Sassen, 2014), en créant des espaces où les approches technologiques et sociétales de l’innovation puissent se confronter et s’enrichir mutuellement.

3.2 – Analyses critiques du modèle des Ateneus de fabricació et des Laboratorios ciudadanos

3.2.1 – Un encastrement social et économique limité

50Malgré leur volonté affichée de se développer sur le modèle de la « quadruple hélice », les Athénées et les Laboratoires citoyens doivent encore conforter leurs liens avec les populations locales. Cela s’observe tout particulièrement dans le cas des Ateneus de Fabricació. Pour Tomás Diez, « s’il existe à Barcelone un véritable écosystème autour de la fabrication numérique, les rapports entre les communautés de makers et le tissu social des quartiers sont encore insuffisants ». Lors de la création de l’Athénée de fabrication Ciutat Meridiana, les habitants du quartier défavorisé de Nou Barris, se sont opposés au projet. Ces derniers qui subissaient la crise économique de plein fouet, militaient pour l’ouverture d’une banque alimentaire solidaire. Le Fab Lab était essentiellement « perçu comme un espace réservé aux makers, et à une élite maîtrisant les nouveaux outils du numérique » (Gascó Hernández, 2015). Après de nombreux débats publics et discussions, le Fab lab Ciutat Meridiana a finalement ouvert. Il s’est spécialisé sur les questions d’emploi et d’insertion, et s’ancre progressivement dans le quartier de Nou Barris. Mais il connaît toujours des difficultés à structurer une communauté de citoyens impliqués dans le projet.

51Les Laboratoires citoyens et les Athénées de fabrication connaissent également des difficultés à intégrer les entreprises et les universités dans leur fonctionnement. Certes il existe des « proximités temporaires », des situations et des projets où se fabriquent et s’assemblent des connaissances et expertises hétérogènes. Mais ces initiatives évoluent encore largement en parallèle des systèmes économiques et d’innovation en place (clusters, technopoles, laboratoires de recherche). Or, selon l’économiste Raphaël Suire, l’encastrement des Tiers Lieux dans les écosystèmes territoriaux détermine fortement leurs performances et leurs capacités d’innovation (Suire, 2015). Cet encastrement territorial conditionne également la pérennité de leurs modèles économiques.

3.2.2 – Un modèle économique incertain

52Les Laboratoires citoyens permettent de répondre à des situations socioéconomiques graves et de compenser des carences de dotation, de financements publics et d’espaces publics. Néanmoins la pérennité du modèle économique des laboratoires madrilènes et barcelonais interroge. Dans le cas des Athénées de fabrication, le modèle économique dépend encore largement de fonds d’amorçage publics. Seul le Fab Lab de Poblenou s’autonomise progressivement grâce aux revenus issus des programmes éducatifs, des adhésions, des locations d’espaces, de machines et de la commercialisation de produits et services. Le Fab Lab a notamment bénéficié de revenus issus de la commercialisation de la Fab Lab House et du kit Smart Citizen[13]. Le modèle économique des Laboratoires citoyens est assez différent de celui des Athénées de fabrication, puisque seul le Campo de la Cebada a bénéficié de subventions publiques. La ville de Madrid ayant subventionné à hauteur de 40 000 € le projet lors de son lancement. Hormis cette exception, le modèle de fonctionnement des Laboratoires citoyens repose essentiellement sur le don, la coopération, l’action en réseau et la participation d’associations et de collectifs (Colectivo cultural C4C, La Colemna que dice, Los Cantamañanas, Zuloark, Basurama). Ponctuellement, les financements participatifs issus de la plateforme goteo.org permettent de financer des projets (mobiliers urbains du Campo de La Cebada, kits Smart Citizens). D’autres sources de revenus peuvent émaner d’appels à projets européens ou de prix, comme par exemple « Ars Electronica » remporté par le Campo de la Cebada (avec un gain associé de 10 000 €).

53Face à la précarité du modèle économique des Athénées de fabrication et des Laboratoires citoyens, de nombreux collectifs souhaitent bénéficier plus largement de subventions publiques. Pour justifier leur demande, ils invoquent les externalités produites par les Laboratoires citoyens : revalorisation « low-cost » d’espaces publics dégradés, accès à une offre culturelle et de loisir, accès à la formation, initiation d’un dialogue renouvelé citoyens-administrations-entreprises-recherche, production d’innovations et de connaissances, revalorisation foncière et urbaine des lieux, etc. Si l’argument semble légitime, il est cependant particulièrement difficile d’identifier les externalités produites. Sur quelles bases d’indicateurs mesurer les externalités, qu’elles soient sociales, économiques, culturelles, environnementales, ou liées ou des externalités de connaissance ? En réalité, les Laboratoires citoyens et les Athénées de fabrication ne sont pas dotés de grilles d’analyse suffisantes, pour leur permettre de mesurer des impacts directs, indirects et induits sur le territoire et le tissu socioéconomique local. Leurs critères d’évaluation sont insuffisamment précis, pour peser sur les décisions et les choix de financement public.

54Le second dilemme du modèle économique des Laboratoires citoyens est davantage théorique. Il concerne le statut des biens et des services produits au sein de ces espaces. Les caractéristiques de ces biens (indivisibilité, non-rivalité, non excluabilité) les rendent semblables aux « biens communs » et par conséquent irréductibles au statut de marchandise (Boutang, 2008). Le caractère collaboratif des connaissances, des logiciels et des services produits au sein des Athénées de fabrication et des Laboratoires citoyens rend particulièrement difficile la participation financière aux projets (sous forme de royalties par exemple). Et l’édification de règles de propriété intellectuelle contraignantes aurait pour conséquence d’amoindrir les dynamiques collaboratives, essentielles au fonctionnement des laboratoires citoyens.

3.2.3 – Un « urbanisme précaire »

55Le modèle des Athénées et des Laboratoires citoyens est encore loin de représenter « une réalité économique au service du progrès social » (Tomás Diez). Ces Laboratoires n’ont pas la capacité technique et financière suffisante pour déployer leurs prototypes à l’échelle des villes et répondre à des enjeux urbains de plus grande ampleur (Gascó Hernández, 2015). On pense notamment aux capteurs du programme Smart citizen. En 2014, seulement 600 capteurs avaient été déployés à travers les villes européennes (Balestrini, Diez, Marshall, 2014). De plus, le développement de ces capteurs pose de nombreux problèmes techniques et s’effectue, pour l’essentiel, au sein de la communauté des innovateurs et des makers (Ibid). Dans les faits, les Laboratoires citoyens et les Athénées de fabrication s’inscrivent davantage dans un « urbanisme tactique » voire « précaire » (Revista Papers, 2014 ; Aguirre Such, 2015 ; Marrades, 2014). Cet urbanisme se déploie dans les espaces en creux de la ville, pour identifier des solutions à des problèmes hyper locaux. L’initiative des Ateneus et des Laboratorios ne saurait donc exaucer les vœux de Tomás Diez (Diez, 2012), de Chris Anderson (Anderson, 2012) ou du fondateur des Fab Labs, Neil Gershenfeld : une relocalisation des fonctions de production au cœur des centres urbains, au service des besoins et des grands enjeux des villes de demain.

Conclusion

56L’analyse des Laboratorios ciudadanos et des Ateneus de Fabricació ouvre de réelles perspectives pour penser de nouvelles politiques d’innovation urbaine. Néanmoins, un certain nombre de questionnements persiste, d’abord relatifs à la pérennité de ces expériences madrilènes et barcelonaises. Cette pérennité est fortement conditionnée par un contexte de crise économique et le positionnement d’acteurs décisionnaires (État et collectivités territoriales). Les Athénées de fabrication et les Laboratoires citoyens sont encore à la recherche de leur modèle économique et de leur positionnement dans les écosystèmes territoriaux. Ensuite sur la capacité de ces Laboratoires à changer d’échelle et à faire ville. Dans la majorité des cas, les Laboratorios s’inscrivent dans la perspective d’un « micro urbanisme tactique » (Aguirre Such, 2015). Or un projet de ville ne peut naître de l’addition d’expériences isolées, précaires et souvent éphémères (Marrades, 2014). D’où l’enjeu de la mise en réseau de ces initiatives dans le cadre d’une stratégie urbaine de grande échelle et de long terme (Mangada, 2015).

57Une autre interrogation concerne le rôle et la place des Institutions publiques dans l’accompagnement des Laboratorios ciudadanos. Une politique urbaine est-elle possible, sinon souhaitable sans prendre le risque d’institutionnaliser ces initiatives et de nuire à leur caractère ascendant, auto-géré et inclusif ? Sur le premier point, il semble qu’une politique urbaine soit possible, à condition cependant de réinventer les modes traditionnels d’intervention des collectivités. Désormais, il s’agit moins de planifier des espaces et des équipements dédiés à la créativité urbaine, que d’accompagner ces dynamiques ascendantes, à travers le développement de plateformes de mise en réseau, de politiques de gestion temporaire des espaces vacants ou le lancement d’appels à projet ouverts. Cette approche demande également une montée en compétence des collectivités sur les modes de gouvernance, sur les méthodes d’animation et de co-production des projets et sur les questions juridiques et financières (Gascó Hernández, 2015). Elle implique de rompre avec les logiques de silos, au profit d’une mise en réseau des services et d’un regard systémique sur les problématiques et les ressources urbaines. Les questions d’innovation urbaine ne pourront être traitées indépendamment de la mise en œuvre de politiques d’innovation internes aux collectivités [14]. Cette réflexion semble d’autant plus nécessaire, qu’en l’absence de politiques urbaines adaptées aux spécificités des Laboratorios ciudadanos, il existe le risque de leur instrumentalisation par les collectivités afin de se décharger de certains coûts. Les intérêts seraient potentiellement nombreux : faire prendre en charge par les Laboratorios une partie des missions et services traditionnellement assurés par les Institutions publiques ; revaloriser des espaces et des ensembles immobiliers vacants ou résoudre des problèmes socioéconomiques sans avoir à investir dans leur résolution.

58Enfin, les Ateneus et les Laboratorios souffrent d’un manque d’homogénéité. Pour Tomás Diez, la « mise en œuvre d’une gouvernance globale entre les Athénées de fabrication est un exercice particulièrement difficile. Chaque collectif a sa propre vision du fonctionnement, des usages et du rôle social, économique ou politique des Athénées de fabrication ». Les expériences madrilènes et barcelonaises diffèrent de par leur taille, leurs caractéristiques spatiales, leurs modèles économiques et de fonctionnement et la typologie des acteurs en présence. Mais c’est aussi sur des positionnements politiques que ces initiatives s’opposent. Elles oscillent au fond entre une posture alternative et militante (« changer le monde ») et une volonté de transformer progressivement les Institutions et les politiques urbaines en place.

59Les Laboratorios ciudadanos et les Ateneus de Fabricació n’échappent pas à un certain nombre de questions, et notamment sur le caractère quelque peu utopique de leur mode d’organisation, fondé sur l’autogestion et la participation généralisée. Mais ils n’en constituent pas moins des expériences prometteuses pour repenser les politiques urbaines à l’heure de l’économie collaborative et d’une culture numérique généralisée. Très progressivement, les Laboratorios dépassent les cercles de chercheurs, d’expérimentateurs, d’artistes ou de citoyens actifs. Ils induisent un changement dans la mentalité des habitants, des élus et des techniciens de la ville, « qui prennent conscience des intérêts socio-culturels et économiques à intégrer les citoyens dans le fonctionnement et la fabrique de la ville » (Entretien de Belinda Tato, Directrice d’Ecosistema Urbano, avril 2015).

Bibliographie

Bibliographie

    • Aguilera T., 2015. Gouverner les illégalismes urbains : les politiques publiques face aux squats et aux bidonvilles dans les régions de Paris et de Madrid. Thèse de doctorat en Science politique.
    • Aguirre Such J., 2015. ¿Cómo podemos institucionalizar las prácticas emergentes? Blog Paisage Transversal.
    • Ambrosino C.et Guillon V., 2016. Penser la métropole à l’âge du faire : création numérique, éthique hacker et scène culturelle. L’Observatoire 47, 31-36.
    • Ambrosino C., 2009. Créateurs de ville. Genèse et transformation d’un quartier artistique de Londres. Thèse de Doctorat, Université Pierre Mendès-France, Laboratoire PACTE.
    • Ambrosino C. et Gwiazdzinski L., 2013. Les culture(s) de la technopole. Médiations, circulation des savoirs scientifiques et société de la connaissance, Les ressorts territoriaux de l’économie de la connaissance. Le cas grenoblois, Rapport remis au PUCA en juillet 2013.
    • Anderson C., 2012. Makers. La nouvelle révolution industrielle. Pearson, Paris.
    • Andres L., 2011. Les usages temporaires des friches urbaines, enjeux pour l’aménagement. Métropolitiques, 11 mai 2011. URL : http://www.metropolitiques.eu/Les-usages-temporaires-des-friches.html.
    • Bairoch P., 1985, De Jéricho à Mexico. Villes et économie dans l’histoire. Éditions Gallimard, Paris.
    • Balestrini M., Diez T. and Marshall P., 2014. Beyond Boundaries: the Home as City Infrastructure for Smart Citizens In UbiComp, Proceedings of the 2014 ACM International Joint Conference on Pervasive and Ubiquitous Computing: Adjunct Publication, UbiComp, New York, 987-990.
    • Ballester P., 2014. Quartier d’artistes versus cluster numérique. Entre conflit foncier et production d’un nouvel espace créatif : le 22@ de Poblenou à Barcelone. Territoire en mouvement [En ligne], 17-18.
    • Belver M., 2015. La plaza de la Cebada no tendrá finalmente un centro comercial. El mundo.
    • Besson R., 2012. Les Systèmes Urbains Cognitifs. Des supports privilégiés de production et de diffusion des innovations ? Etudes de cas de 22@Barcelona Barcelone, GIANT/Presqu’île (Grenoble), Distrito tecnológico et Distrito de diseño (Buenos Aires). Thèse de Doctorat en Sciences du territoire, Université de Grenoble.
    • Besson R., 2014, Capitalisme cognitif et modèles urbains en mutation. L’hypothèse des Systèmes Urbains Cognitifs. Territoire en movement 23-24, 102-114.
    • Blanco I. and Cruz H., 2014. Crisis, Urban Segregation and Social Innovation in Catalonia. ECPR General Conference Glasgow, Panel P232: Alternative forms of Resilience in Times of Crisis.
    • Boutang Y-M, 2008. Le Capitalisme Cognitif : La Nouvelle Grande Transformation. Éditions Amsterdam, Paris.
    • Capel H., 2005. El modelo Barcelona : un examen crítico. Ediciones del Serbal, Barcelone.
    • Caragliu A., Del Bo C. and Nijkamp P., 2009. Smart Cities in Europe, Serie Research Memoranda 0048, University Amsterdam, Faculty of Economics, Business Administration and Econometrics.
    • Casellas A., 2006. Las limitaciones del “modelo Barcelona”, una lectura desde Urban Regime Analysis. Documents d’Anàlisi Geogràfica 48, 6181.
    • Castells M., 2008. Productores de ciudad. El movimiento ciudadano de Madrid, Memoria ciudadana y movimiento vecinal. Madrid 1968 2008. Madrid: La Catarata.
    • Charle M., 2011. Modelo 22@barcelona: una Ciudad ordenada por clusters, Revista Econòmica 11 de Catalunya. Barcelona : Ajuntament de Barcelona.
    • Claval P., 1982. La Logique des Villes. Essai d’Urbanologie. Litec, Paris.
    • Cohendet P., Grandadam D. and Simon L., 2011. Rethinking Urban Creativity: Lessons from Barcelona and Montreal. City, culture and society 2, 151-158.
    • Corsín Jimenez A., 2014. The Right to Infrastructure: a Prototype for open-Source Urbanism. Environment and Planning D: Society and Space 32 (2), 342-362.
    • Crevoisier O. et Camagni R., 2000. Les milieux urbains : innovation, systèmes de production et ancrage. IRER-EDES, Neuchâtel.
    • Cunningham S., 2013. The Mute Child in the Creative City. Arts in Education Roundtable, New York.
    • Diaz M., Dino N., Ferme N. et Raspall, T., 2010. Proyectos de Renovación Urbana en la Zona Sur de la Ciudad de Buenos Aires. ¿Hacia una transformación de los usos del suelo urbano? El caso del Distrito Tecnológico de Parque Patricios. VI Jornadas de Sociología de la UNLP, Buenos Aires.
    • Darchen S. et Tremblay D-G., 2008. Les milieux innovateurs et la classe créative : revue des écrits et analyse de leur application en milieu urbain. Chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir, Montréal.
    • Dardot P. et Laval C., 2014. Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle. La Découverte, Paris.
    • Diez T., 2012. Personal Fabrication: Fab Labs as Platforms for Citizen-Based Innovation, from Microcontrollers to Cities. Nexus Network Journal 14 (3), 457-468.
    • Díez T., 2013. The Fab City: Hard and Soft Tools for Smart Citizens’ Production of the City, Accountability Technologies: Tools for Asking Hard Questions. Dietmar Offenhuber, Vienne.
    • Festa D., 2016. Les communs urbains. L’invention du commun. Tracés #16, 233-256.
    • Florida R., 2002. The Rise of the Creative Class: And How It’s Transforming Work, Leisure, Community and Everyday Life. Basic Books, New York.
    • Gaschet F. et Lacour C., 2007. Les Systèmes Productifs Urbains : des Clusters aux Clusties. Revue d’Économie Régionale & Urbaine 4, 561-810.
    • Gascó Hernández M., 2015. Ateneos de fabricación. Co-creación e innovación social en la ciudad inteligente, XX Congreso Internacional del CLAD sobre la reforma del Estado y de la Administración pública, Lima (Perou).
    • Gouret M., 2015. Barcelone, ville en mutation recherche modèle. SoftPlace, La FING.
    • Guallart V., La Ciudad autosuficiente. Hablar en la sociedad de la información. RBA Libros, Barcelona.
    • Hafkesbrink J. and Schroll M., 2011. Innovation 3.0: Embedding into Community Knowledge - Collaborative Organizational Learning beyond Open Innovation. Journal of Innovation Economics 7, 55-92.
    • Harvey D., 2013. Ciudades Rebeldes. Akal, Madrid.
    • Higgs R., 1971. American Inventiveness, 1870-1920. Journal of political Economy 79, 661-667.
    • Jacobs J., 1961. The Death and Life of Great American Cities. Random House, New York.
    • Landry C. and Bianchini F., 1995. The Creative City. Demos, London.
    • Langlois G. et Pawlak E., 2010. 22@Barcelona : Une expérience à réinventer pour le Quartier de l’Innovation de Montréal. HEC Montréal, London.
    • Le Goff J., 1977. Pour un autre Moyen-Âge. Gallimard, Paris.
    • Lefèbvre H., 1968. Le Droit à la ville. Éd. du Seuil, Paris.
    • Liefooghe C. 2009. La ville créative : utopie urbaine ou modèle économique ? Revue de l’Observatoire des politiques culturelles 36.
    • Lopez A., Romani A., Sagarra R. et Picqué J-P., 2011. 22@Barcelona: exportando el Modelo, Revista Econòmica 11 de Catalunya. Ajuntament de Barcelona, Barcelona.
    • Lucas R-E., 1988. On the Mechanics of Economic Development. Journal of Monetary Economics 22 (1), 3-42.
    • Macaire E., 2012. L’architecture à l’épreuve de nouvelles pratiques. Recompositions professionnelles et démocratisation culturelle. Thèse de doctorat.
    • Mangada E., 2015. La Ciudad emergente, Nuevatribuna.es.
    • Marrades R., 2014. Urbanismo precario. No lo llaméis urbanisme emergente, llamadlo urbanismo precario, eldiario.es.
    • Nam T. and Pardo T. A., 2011. Conceptualizing Smart City with Dimensions of Technology, People, and Institutions. 12th Annual International Digital Government Research Conference: Digital Government Innovation in Challenging Times. ACM, New York.
    • Nez H., 2012. Délibérer au sein d’un mouvement social. Ethnographie des assemblées des Indignés à Madrid. Participations - Revue de sciences sociales sur la démocratie et la citoyenneté 4, 79-102.
    • Observatorio Metropolitano, 2009. Manifiesto por Madrid. Critica y crisis del modelo metropolitano. Traficante de sueños, Madrid.
    • Oldenburg R., 1989. The Great Good Place: Cafes, Coffee Shops, Community Centers, Beauty Parlors, General Stores, Bars, Hangouts, and How They Get You Through the Day. Paragon House, New York.
    • Orduña-Giró P. et Jacquot, S., 2014. La production participative d’espaces publics temporaires en temps de crise. Le projet Pla Buits à Barcelone. Métropolitiques.eu.
    • Ostrom E., 1990. Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action. Cambridge University Press, London.
    • Perroux F., 1967. Note sur la ville considérée comme pôle de développement et comme foyer du progrès. Tiers-Monde 8, (32), 1147-1158.
    • Picon A., 2013. Smart Cities : Théorie et critique d’un idéal auto-réalisateur. Éditions B2, Paris.
    • Pisani F., 2015. Barcelone veut réinventer la participation citoyenne. Le Monde, 13 novembre 2015.
    • Porter M-E., 1998. On Competition. Harvard Business Review Books, Harvard.
    • Quesada López F., 2015. Comunidad- Común. Comuna. Ediciones Asimétricas, Madrid.
    • Pradel B., 2011. L’urbanisme temporaire : signifier les « espaces-enjeux » pour réédifier la ville In Bonny Y. et al., Espaces de vie, espaces enjeux, entre investissements ordinaires et mobilisations politiques, Presses Universitaire de Rennes, Rennes.
    • Pred A., 1966. The Spatial Dynamics of US Urban-Industrial Growth, 1800-1914. The MIT Press, Cambridge.
    • Rémy J., 1966. La ville : phénomène économique. Les Éditions Ouvrières, Bruxelles.
    • Revista Papers, 2014. Discursos emergents per a un nou urbanisme 57.
    • Roussillon R., 1996. Espaces et pratiques institutionnels : le débarras et l’interstice in R. Kaës et coll., L’Institution et les institutions, Dunod, Paris.
    • Roy-Valex M., 2006. La classe créative et la compétitivité urbaine. Culture et économie ou l’envers et l’endroit d’une théorie In Diane-Gabrielle Tremblay et Rémy Tremblay, La compétitivité urbaine à l’ère de la nouvelle économie. Enjeux et défis, Presses de l’Université du Québec, Québec.
    • Saez G., 2009. Une (ir)résistible dérive des continents. Recomposition des politiques culturelles ou marketing urbain ? Revue de l’Observatoire des politiques culturelles 36.
    • Sassen S., 2014. Talking back to your Intelligent City. McKinsey on Society.
    • Schaffers H., Komninos N., Pallot M., Trousse B., Nilsson M. et Oliveira A., 2011. Smart Cities and the Future Internet: Towards Cooperation Frameworks for Open Innovation, Future Internet Assembly, LNCS 6656.
    • Scott A-J., 2005. Entrepreneurship, Innovation and Industrial Development: Geography and the Creative Field Revisited. Small Business Economics 26 (1), 1-24.
    • Serret Alamo D., 2011. Estudio de la competitividad de clústeres: El caso del clúster TIC del 22@. Universitat Politècnica de Catalunya (UPC), Barcelone.
    • Suire R., 2015, La performance des lieux de co-création de connaissances : le cas des FabLab. CREM, UMR CNRS 6211, University of Rennes 1, France, WP 2015-14.
    • Tato B. y Vallejo J., 2012. Urbanismo de código abierto para una ciudadanía aumentada. Elisava TdD.
    • Vanier M., 2000. Qu’est-ce que le tiers espace ? Territorialités complexes et construction politique. Revue de géographie alpine 89 (1), 105-113.
    • Viévard L., 2014. La ville intelligente : modèles et finalités. Grand Lyon : FRV 100.
    • Vivant E., 2009. Qu’est-ce que la ville créative. PUF, Paris.
  • Entretiens

    • Tomás Diez, Directeur du Fab Lab de Barcelone (juillet 2014).
    • Domenico Di Siena, fondateur de l’agence Urbano Humano et de l’association CivicWise (mars 2015).
    • Guillem Camprodon, chercheur et expert numérique au Fab Lab de Barcelone (juillet 2014).
    • Belinda Tato, directrice d’Ecosistema Urbano (avril 2015).
    • Jon Aguirre Such, co-fondateur de Paisaje Transversal (août 2015).
    • Marcos García, directeur du Media Lab Prado (mars 2015).
    • Manuel Pascual, collectif Zuloark (mai 2016).
    • Mariejo Obelleiro, Esta es una plaza (mai 2017).

Mots-clés éditeurs : systèmes urbains cognitifs, innovation urbaine, fab city, laboratoires citoyens

Date de mise en ligne : 29/01/2018.

https://doi.org/10.3166/ges.20.2017.0031

Notes

  • [1]
    Par innovation nous faisons référence au processus collectif de création de valeur, qui consiste en la traduction et la valorisation d’idées et de connaissances existantes en objet, concept, produit, service ou connaissance nouvelle (Gurteen, 1998). Notre conception de l’innovation n’est donc pas restreinte au marché ou aux secteurs technologiques. L’innovation peut être scientifique, technique/technologique, sociale, urbaine, environnementale, etc.
  • [2]
    L’intégration des innovations techniques dans la fabrique des villes n’est pas un phénomène nouveau. Sans remonter à l’époque Antique et à l’origine des villes, on peut évoquer les projets urbains des architectes-urbanistes du début du XXe siècle. La Ville Contemporaine de Le Corbusier (1922), Broadacre City de Frank Lloyd Wright (1931), Manhattan 1950 de Raymond Hood (1929) ou encore la Cité Idéale de Tony Garnier, mettent en scène les dernières avancées technologiques : intégration des nouveaux matériaux de construction (acier, béton armé), immenses gratte-ciel monolithiques, obsession du transport rapide (ascenseur, train métropolitain, automobiles), perspectives aériennes.
  • [3]
    En Europe, on pense notamment au projet 22@Barcelona à Barcelone, aux quartiers de la création et de l’innovation à Nantes et Lausanne, au campus de l’innovation Giant / Presqu’île à Grenoble. Sur le continent américain on évoquera le projet Mission Bay à San Francisco, les districts et quartiers de l’innovation à Boston et Montréal et les districts technologiques et du design de Buenos Aires.
  • [4]
    « Démocratie réelle maintenant ! » ; « Ils ne nous représentent pas ! ».
  • [5]
    D’autres lieux moins connus sont également considérés comme des Laboratorios ciudadanos. Sans prétendre à l’exhaustivité, évoquons Olavide Sobrevive, Virgen de Begoña (VDB), Autobarrios San Cristobal, Espacio Vecinal Montamarta, Albergue de San Fermín, Centro Social Seco, Espacio Vecinal Arganzuela, Federación Regional de Asociaciones de Vecinos de Madrid (FRAVM), CSOA La Morada, Instituto Do It Yourself, El Eko (Espacio Sociocultural Liberado y Autogestionado), etc.
  • [6]
    Précisons que Madrid a connu depuis 2008 la création de plus de 200 espaces de coworking. Cependant la grande majorité de ces coworking spaces ne sont pas considérés comme des Laboratorios ciuadanos.
  • [7]
    La ville de Madrid a concédé à l’association « Esta es una plaza » une « Autorisation d’occupation à caractère gratuit et provisoire » d’une partie de l’espace vacant. Cette cession d’une durée maximum de cinq ans fonctionne tant que la municipalité ne réclame pas l’usage de l’espace vacant.
  • [8]
    Fédération régionale des associations de voisins de Madrid. Par la suite, la FRAVM a délégué la gestion de l’espace à l’association de voisins du centre – La Latina, la AVECLA (Asociación de Vecinos de Centro-La Latina). Les habitants du quartier ont depuis créé une nouvelle entité juridique, l’association culturelle du Campo de la Cebada (Asociación Cultural Campo de Cebada).
  • [9]
    Le Campo de la Cebada est à l’origine de la création de nouveaux mobiliers urbains. Les plans de ces mobiliers sont diffusés sous forme de fichiers open source. C’est le cas par exemple des bancs appelés « seat commons », qui ont été dupliqués dans les villes de Huesca (Espagne), Istambul, et Lind (Autriche).
  • [10]
    Pour Cohendet, Grandadam et Simon (2011) le middleground, composé de communautés et de collectifs créatifs, permet de faire le lien entre les deux niveaux créatifs d’un territoire, l’underground et l’upperground. Il assure ainsi « l’enrichissement de la créativité des organisations par la créativité artistique informelle. Ce processus d’échanges permanents bâti sur des relations formelles et informelles amène la ville à devenir de plus en plus créative ».
  • [11]
    “Autorización de ocupación con carácter gratuito y provisional” (Esta es una Plaza). “Autorización de uso temporal y gratuito” (Campo de la Cebada). “Convenio de colaboración para la realización de actividades culturales” (La Tabacalera). Au sein de ces conventions, un ensemble de règles sont énoncées : durée d’occupation des espaces (entre 2 et 5 ans en moyenne) ; les collectifs et associations responsables et accréditées pour percevoir des subventions, contracter une assurance de responsabilité civile ou déposer des projets ; les activités autorisées ou interdites ; les horaires d’ouverture ; les instances compétentes pour délibérer et valider la programmation des lieux ; etc.
  • [12]
    La Vanguardia, « CiU y ERC piden a Colau que aclare el modelo de ciudad inteligente de Barcelona », 13/09/2016, Barcelone.
  • [13]
    Si le développement du kit Smart Citizen s’est effectué en open source, avec un logiciel téléchargeable gratuitement, le hardware, lui, est payant. La municipalité d’Amsterdam a ainsi récemment fait l’acquisition d’une centaine de capteurs, ce qui a permis de financer une partie du projet.
  • [14]
    C’est le travail que conduit actuellement la municipalité de Madrid, avec à sa tête Manuela Carmena (Podemos) et un ensemble de collectifs madrilènes (Esta es una Plaza, el Club de Debates urbanos, etc.).
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.172

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions