Couverture de GES_194

Article de revue

Finance de marché et fonds d’investissement durables : la coupure au territoire

Pages 537 à 560

Notes

  • [*]
    Auteur correspondant : victoriya.salomon@unine.ch
  • [1]
    Les fonds durables ou les fonds d’investissement socialement responsable (ISR) font ici référence à des placements financiers qui visent à concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises qui contribuent au développement durable.
  • [2]
    De nombreuses institutions financières qui commercialisent des fonds ISR déclarent appliquer les Principes d’Investissement Responsable soutenus par les Nations Unies (http://www.unpri.org/about-pri/about-pri/).
  • [3]
    L’association Sustainable Finance Geneva fédère plus de 250 acteurs financiers privés et institutionnels en œuvrant pour la promotion de la finance « durable » en Suisse. En collaboration avec l’Université de Genève, elle oranise depuis 2014 Geneva Summit on Sustainable Finance, un grand évènement international réunissant des acteurs académiques et financiers.
  • [4]
    Traduit de l’anglais par les auteurs.
  • [5]
    Ces audits ont été menés dans le cadre d’une étude de cas en collaboration avec des intervenants en entreprises (sociologues du travail) (Bodet et Lamarche, 2012).
  • [6]
    La rationalité communicationnelle se caractérise par l’abandon de toute visée instrumentale et par la recherche de la compréhension et de l’accord avec l’autre. « Elle seule est garante d’une authentique communication (non biaisée) » (Postel et Rousseau, 2008 : 140).
  • [7]
    La rationalité stratégique mobilise le langage dans une finalité stratégique c’est-à-dire pour manipuler l’interlocuteur de manière à le faire exécuter certains actes qui nous paraissent souhaitables de notre point de vue (Ibid).
  • [8]
    Entre 2004 et 2011 les recherches suivantes ont été menées au sein de l’équipe de recherche : (1) Reconfiguration du système financier suisse : quelles articulations avec l’économie réelle et les régions ? (2011-2014) ; (2) Dynamique territoriales de l’innovation financière : le cas de la finance durable à Genève (2011-2012) ; (3) Privatisation du financement et la durabilité des infrastructures urbaines en Suisse (2007-2010) ; (4) Impact des caisses de pension suisses dans le financement et le contrôle de l’économie suisse (2004-2006).
  • [9]
    Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises (http://www.orse.org/)
  • [10]
    Eurosif est une association pan-européenne à but non lucratif dont la mission consiste à promouvoir l’Investissement socialement responsable sur les marchés financiers européens (http://www.eurosif.org/).
  • [11]
    L’exclusion ou negative screening reste toujours la pratique la plus répandue et continue de progresser rapidement (Eurosif, 2014).
  • [12]
    Facteurs ESG - environnementaux, sociaux et de gouvernance
  • [13]
    La stratégie de sélection par thématique fait essentiellement référence au secteur des énergies renouvelables ou des ressources naturelles.
  • [14]
    Parmi les indices les plus utilisés figurent Dow Jones Industrial Average, S&P 500 (USA), CAC 40 (France) ou SMI (Swiss Market Index).
  • [15]
    Par exemple, les investisseurs/gestionnaires de fonds durables sont invités à sélectionner parmi de multiples critères qui sont utilisés pour mesurer la performance sociale, environnementale et financière des entreprises évaluées. En règle générale, ces critères (ex. stratégie et management, produits et services, droits de l’homme, gouvernance, etc.) correspondent au contenu des rubriques des rapports d’activités et de développement durable standardisés des sociétés cotées de l’univers investissable.
  • [16]
    Par exemple, une banque peut imposer une contrainte de fournir un panier d’entreprises de façon à ce que dans chaque secteur il y ait au minimum 50 % de la capitalisation boursière du secteur (Entretien avec le directeur d’une agence de notation extra-financière).
  • [17]
    Ces petites agences militantes à l’image des ONG étaient d’inspiration religieuse et humaine. Leurs analyses éthiques étaient destinées prioritairement à des fonds de pension religieux.
  • [18]
    Parmi les actionnaires d’une grande agence internationale Vigeo, on trouve des grandes entreprises comme McDonald ; des investisseurs comme Amundi, BNP Paribas, Société générale, etc., ainsi que des syndicats (Mortier, 2013).
  • [19]
    Thomson Reuters, Morgan Stanley Capital International (MSCI), Bloomberg ou encore les trois géants de la notation financière : Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings (ORSE, 2012).
  • [20]
    Entretien avec le directeur d’une agence de notation durable située en Suisse romande.
  • [21]
    Par exemple, Eurosif, US SIF (Forum for Sustainable and Responsible Investment) ou SFG (Sustainable Finance Geneva).
  • [22]
    Geneva Forum for Sustainable Investment a été créé en 2008 et est organisé annuellement par l’association Sustainable Finance Geneva (http://www.sfgeneva.org/).
  • [23]
    High Net Worth Individuals (fr : Personnes très fortunées)
  • [24]
    Entretiens avec plusieurs conseillers en placement pour les caisses de pension.
  • [25]
    Ethos, Fondation suisse pour l’investissement responsable et l’actionnariat actif, regroupe actuellement 154 caisses de pension et propose, via la société Ethos services, plusieurs fonds de placement ISR (http://www.ethosfund.ch/f/fondation-ethos/default.asp).
  • [26]
    Organisme génétiquement modifié (OGM)
  • [27]
    Appliquer une stratégie ESG signifie inscrire les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la gestion.
  • [28]
    Le nombre de fonds de placement répliquant un indice ISR se limite à une vingtaine dans le monde en totalisant 1.2 milliards d’euros d’encours sous gestion, contre près de 2 170 milliards de dollars pour l’ensemble des fonds dans le monde (Novethic, 2014).
  • [29]
    Par exemple, quand Ryanair a fermé une partie des opérations françaises pour limiter le risque de grève, sa notation sociale a été améliorée.
  • [30]
    Par exemple, Mediapart en France.
  • [31]
    La Déclaration de Berne (DB) est une association suisse indépendante qui s’engage pour des relations justes et équitables entre la Suisse et les pays en développement (https://www.ladb.ch/)
  • [32]
    Les recommandations du Conseil Fédéral Suisse : http://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/30134.pdf
  • [33]
    Pour l’instant, les multinationales ne sont pas responsables juridiquement de ce que font leurs filiales et sous-traitants à l’étranger.

Introduction

1La finance de marché et le développement durable représentent deux phénomènes actuels majeurs. Ils sont amenés non seulement à coexister, mais également à s’articuler l’un à l’autre. Les fonds d’investissement socialement responsable (ISR) ou durables, dans lesquels figurent des entreprises qualifiées de « responsables » représentent des instruments importants de la finance de marché. Une abondante littérature nous éclaire sur les différentes modalités techniques de composition de ces fonds et les acteurs impliqués dans leur fonctionnement (Demaria, 2004 ; Capelle-Blancard et Giamporcaro-Saunière, 2006 ; Capelle-Blancard et Monjon, 2014 ; Capron et Quairel-Lanoizelée, 2007 ; Gollier, 2012 ; Crifo et Mottis, 2013). Il est notamment souligné que, d’un point de vue de la gestion financière, les fonds durables [1] ne se différencient guère des fonds de placement classiques.

2Cependant, les aspects territoriaux paraissent être négligés. Cela relève d’une importance cruciale puisque, pour tout un corpus de littérature, c’est justement par le territoire que le développement durable devient concret et identifiable (Theys, 2002, 2014 ; Laganier et al., 2002 ; Da Cunha, 2003 ; Zuindeau, 2000, 2005). La territorialisation apparaît comme la condition d’une approche forte de la durabilité puisqu’elle détermine le cadre de la gouvernance, c’est-à-dire le groupe des parties prenantes qui vont participer à la négociation et à la construction de solutions à la fois équitables et démocratiques en fonction de contextes différents d’un territoire à l’autre. Le développement durable n’est donc pas défini a priori, mais reflète le résultat d’un processus qualitatif et social réalisé en situation. Si les aspects territoriaux du développement durable sont abondamment documentés et déclinés pour que puissent se réaliser des actions à la fois équitables et adaptées au contexte local, le rôle du système financier est largement ignoré. À l’inverse, à l’exception d’un certain nombre de travaux sur les investissements immobiliers d’acteurs financiers (Boisnier, 2010) et sur la manière dont la finance se territorialise dans des projets urbains (Theurillat et Crevoisier, 2013), le développement durable reste peu abordé en géographie de la finance (Clark et Wojcik, 2007 ; Dupuy et Lavigne, 2009).

3Cet article s’inscrit en géographie de la finance et montre, à l’aide de diverses études de cas, comment l’industrie financière, en s’appropriant le concept de développement durable de manière particulière, a construit sa propre approche de la « valeur financière durable » dans le cadre des fonds ISR ou durables (Gabriel et Gabriel, 2004). Nous avançons la thèse que la réponse de l’industrie financière en matière de finance « durable » reste marquée par la prédominance des modèles opérationnels et des valeurs de la finance de marché en raison de la coupure au territoire qu’elle organise. Elle repose sur le postulat que les objectifs de développement durable sont objectivables et atteignables suivant la logique de la théorie du portefeuille (Markowitz, 1959) permettant à l’investisseur de faire un choix d’investissement rationnel basé sur les notions de risque et de rendement indépendamment des contextes des investissements. La construction de la « valeur durable » de l’industrie financière est basée, d’une part, sur la multiplication des critères d’évaluation de la durabilité des entreprises et la sophistication des modèles de calcul et, d’autre part, sur l’implication des acteurs de la finance pour une meilleure prise en compte du développement durable dans les placements financiers. Une fois la « valeur financière durable » rendue objectivable, abstraite et dé-contextualisée/dé-territorialisée, les acteurs financiers la transforment en y adossant des formes de validation sociale. Certains établissements développent à l’interne des départements d’analyse « durable » ; d’autres s’allient avec des personnalités (experts, leaders d’opinion), des organisations (agences de notation extra-financière et ONGs) ou des institutions (organisations internationales, comme l’ONU [2], ou nationales [3]) qui, par leur réputation ou leur position, légitiment la « valeur durable ». Or, si ces acteurs parviennent à animer le débat médiatique, scientifique et politique, ils restent largement sous l’influence de l’industrie financière et ne remettent pas en cause l’essence même des produits financiers, la coupure au territoire. L’absence de contextualisation territoriale empêche toute approche forte de la durabilité, fondée sur les actions concrètes par les acteurs locaux et une opérationnalisation sur un territoire donné. Finalement, c’est dans le cadre de l’absence de lien au territoire et à l’économie réelle que se créent et se renforcent des croyances partagées et des conventions mimétiques sur certains pays, économies ou sur la durabilité de certaines entreprises (Orléan, 2011).

4La première partie de l’article développe une approche territoriale des liens entre développement durable et finance de marché à travers le cas des fonds ISR. Le territoire s’avère essentiel puisqu’il définit le cercle des acteurs et les modalités d’opérationnalisation du développement durable. Cependant, si le développement durable est défini socialement et de façon processuelle selon les contextes territoriaux, c’est également et surtout le sens attribué aux actions qui est primordial. Dans les prolongements d’une approche conventionnaliste de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE), les entreprises ne peuvent elles-mêmes se déclarer (ir)responsables dans leur engagement à mettre en œuvre les principes du développement durable. Un contrôle social s’avère nécessaire. Or, la grandeur de « (ir)responsable » ne peut être objectivement mesurée faute d’exigences contraignantes et de critères communs, partagés et univoques. La responsabilité des entreprises est donc soumise à des évaluations ad hoc qui débouchent sur des rapports de développement durable à but « marketing » ciblés, selon les destinataires (consommateurs, sponsors et médias). La deuxième partie de l’article s’attache à décrypter comment l’industrie financière a construit la « valeur durable » des fonds ISR, en mettant en lumière les dispositifs sociotechniques mobilisés et les acteurs légitimants. Les limites de la validation de la « valeur durable » de la finance de marché font l’objet de la troisième partie. La conclusion met en exergue l’importance du territoire, exclu par convention du dispositif sociotechnique de la finance de marché. Sans le territoire, il est en effet difficile d’identifier et de débattre des liens entre les investisseurs/actionnaires responsables et les projets financés qui fassent sens en matière de responsabilité ou de durabilité.

1 – Le territoire comme condition d’une approche forte du développement durable

5Depuis le rapport Brundtland, le développement durable fait toujours débat en faisant face à une ambiguïté normative qui favorise la multiplication de concepts tels que l’économie verte, la transition durable, la décroissance, etc. (Theys, 2014). Le développement durable fait référence à des registres d’arguments très hétérogènes que l’on se place dans le cadre de visions forte, très forte ou faible de la durabilité, qui influencent considérablement les manières d’agir (Theys, 2002 ; Da Cunha, 2003 ; Vivien, 2005 ; Maréchal, 2005). Si la définition du développement durable n’est toujours pas stabilisée, c’est également parce que le système capitaliste dispose d’une capacité d’intégrer la critique et de se réadapter pour se perpétuer (Boltanski et Chiapello, 1999). En tant que construction sociale, le développement durable renvoie à la manière dont la société et les diverses organisations, y compris les chercheurs, débattent, s’opposent, s’approprient et répondent à une exigence sociale de « faire quelque chose » pour le futur de la planète (Zuindeau, 2000 ; Maréchal, 2005).

1.1 – La nécessité d’une approche territoriale des liens entre développement durable et finance

6De nombreux travaux en sciences du territoire (géographie, économie et sciences sociales) ont activement contribué à la clarification des conceptions autour du développement durable en insistant sur la dimension territoriale comme condition d’une approche forte de la durabilité (Zuindeau, 2000 ; Laganier et al., 2002 ; Zuindeau, 2005 ; Theys, 2002, 2014). Celle-ci se distingue de l’approche faible de la durabilité, inspirée de l’économie néoclassique de l’environnement, qui repose sur les axiomes de substituabilité des facteurs (capital artificiel et capital naturel) et de monétarisation de l’environnement (Harribey, 1998). Elle considère la société et l’environnement comme extérieurs à l’économie. Dans ce cadre, la solution privilégiée consiste à faire basculer les éléments environnementaux dans la sphère marchande en leur attribuant des droits de propriété ou d’usage, ceci dans le but d’assurer la croissance économique, de génération en génération, grâce au progrès technologique.

7La durabilité forte représente une vision antropocentrée où les hommes font partie intégrante des géosystèmes complexes basés sur des équilibres biogéochimiques (Passet, 1996 ; Da Cunha, 2003). Contrairement à la vision écocentrée (durabilité très forte ou écologie profonde) où la nature est considérée comme un sujet en soi qui peut faire valoir ses droits fondamentaux, les hommes sont en effet les seuls à porter la responsabilité de leurs propres finalités. La durabilité forte appréhende sur un pied d’égalité la complexité des relations que l’homme entretient avec son environnement. L’économie et la société se voient ainsi enchâssées dans l’environnement ; cependant ce double enchâssement n’est pas hiérarchique mais interactionniste (Boidin et Zuindeau, 2006 ; Da Cunha, 2003).

8La conception forte de la durabilité souligne l’importance d’une approche multidimensionnelle et interactionnelle pour agir et trouver des compromis durables. Pour les géographes, c’est bien par le territoire, un environnement à la fois réel et complexe, que les actions et les compromis deviennent identifiables. « Aujourd’hui, c’est essentiellement à l’échelle des territoires que les problèmes de développement durable sont perçus et c’est sans doute également là qu’ils peuvent trouver des solutions à la fois équitables et démocratiques » (Theys, 2002:3).

9La territorialisation apparaît dès lors comme la condition incontournable permettant aux acteurs de trouver des solutions en s’inscrivant dans une démarche particularisante en fonction des contextes (Crevoisier, 2010). C’est donc le territoire ou la territorialisation du développement durable qui permet la construction des normes de durabilité forte par l’opérationnalisation des objectifs et des projets concrets. C’est, par conséquent, le territoire qui détermine le cadre de la gouvernance, c’est-à-dire le groupe des parties prenantes qui vont participer à la négociation et à la construction de compromis de développement durable à partir d’enjeux qui sont différents d’un territoire à l’autre. Cela signifie que les parties prenantes impliquées dans les négociations sont interdépendantes et qu’elles sont amenées à travailler ensemble. Il s’ensuit une variété de formes de durabilité puisque les acteurs territoriaux doivent trouver des solutions de durabilité en fonction des enjeux locaux spécifiques. Ces derniers ne sont toutefois pas la simple déclinaison au niveau local des problèmes globaux, le développement durable n’étant pas fractal. La durabilité d’un territoire (ou durabilité interne) doit se réaliser en cohérence avec l’extérieur (le global) dans le cadre d’une équité territoriale (ou intra-générationnelle) consistant à ne pas reporter dans un ailleurs spatial et/ou temporel des problèmes sociaux ou environnementaux d’ici et maintenant (Zuindeau, 2005).

10Toutefois, la dimension territoriale ne résout pas tout et n’est pas sans ambiguïtés notamment en ce qui concerne les modalités de l’identification des enjeux, des actions et des bilans (a posteriori) de la durabilité. Il n’en demeure pas moins que c’est bien le contexte territorial qui rend le développement durable à la fois concret et identifiable, permettant de l’opérationnaliser et surtout d’en débattre. Ce sont les acteurs qui donnent un sens et qui rendent le développement durable objectivable à partir de composantes qui ne sont pas définies a priori, mais qui résultent du processus. En d’autres termes, l’approche territoriale de la durabilité forte met l’accent sur la proximité entre acteurs et connaissances situées – qualitatives et quantitatives –de façon à aborder le développement durable comme un tout, dans ses multiples dimensions, de manière concrète.

11La ville a été le lieu privilégié de la territorialisation du développement durable. On ne compte plus les recherches sur l’urbanisme durable et le développement urbain durable (DUD). Toutefois, le rôle du système financier et de la finance de marché reste ignoré. Cette dernière a fait l’objet d’une attention en géographie de la monnaie et de la finance (Clark et Wojcik, 2007 ; Dupuy et Lavigne, 2009). L’objectif est bien de mettre la géographie au cœur de la financiarisation de l’économie (Corpataux et al., 2017) de manière à appréhender « une emprise croissante d’acteurs, marchés, pratiques, calculs et justifications financiers à diverses échelles, débouchant sur une transformation structurelle de systèmes économiques, entreprises (y compris financières), États et ménages[4] » (Fernandez et Aalbers, 2016 : 2).

12Pour l’heure, le lien entre la finance de marché et le développement durable a été décrit dans le cadre de travaux sur les convergences entre marchés immobiliers et marchés financiers (Coakley, 1994), et sur les diverses formes de financiarisation de l’environnement urbain construit (Aalbers, 2009 ; Theurillat, 2011). Un certain nombre d’auteurs portent l’analyse sur les investissements « verts » de fonds immobiliers en France (Boisnier, 2010) ou en Amérique du Nord (Hagerman et al., 2007 ; Hebb et al., 2010). D’autres adoptent une approche territoriale des relations entre financiarisation et développement durable (Theurillat, 2011 ; Theurillat et Crevoisier, 2013) et montrent comment ces deux phénomènes contradictoires prennent forme en fonction des contextes territoriaux (Harribey, 2003 ; Theurillat, 2009). En Suisse, de grands projets urbains combinant des fonctions multiples (espace commercial et de loisirs, espace résidentiel et/ou de bureaux) sont devenus des placements privilégiés d’investisseurs institutionnels (caisses de pension, fonds immobiliers et sociétés d’investissement immobilières). Bien intégrés au réseau de transports collectifs, ces projets urbains permettent de répondre à un certain nombre d’enjeux liés à la ville compacte. Quand bien même des tensions existent entre les investisseurs (rendements basés sur les loyers et captage de la rente foncière), les Municipalités, les partis politiques et les attentes plus larges de la société civile, des arrangements sont indispensables à la réalisation des projets urbains. Dans certains cas, les négociations ont débouché sur la prise en charge par les investisseurs d’autres sous-projets – allant au-delà des normes légales en matière de construction – contribuant à la ville durable (panneaux solaires, toits végétalisés, réduction de la taille des parkings, accès public au site, etc.).

1.2 – L’ISR : une déclinaison du développement durable dans la finance de marché basée sur la légitimation sociale

13Si l’on considère le développement durable comme une construction sociale (Boltanski et Thévenot, 1991 ; Boltanski et Chiapello, 1999 ; Favereau et Lageza, 2002), il s’avère nécessaire d’explorer la manière dont les acteurs dans différents secteurs économiques s’organisent et mettent en place des dispositifs sociotechniques (Callon et al, 2000 ; Muniesa et Callon, 2009) afin de répondre à la demande sociétale de durabilité.

14La notion de responsabilité sociale et environnementale (RSE) traduit la réponse du monde des affaires face à l’exigence d’agir selon les principes du développement durable et de se montrer responsable (Gabriel et Gabriel, 2004). L’investissement socialement responsable (ISR) est une extension de la RSE pour l’industrie financière. L’ISR fait partie des innovations dont la valeur ajoutée économique réside alors dans le fait que les investisseurs sont prêts à payer un prix plus élevé pour un produit financier « durable » qui leur permettra de se sentir et de se montrer « responsable » et solidaire d’un avenir meilleur pour notre planète. En tant que convention partagée au sein du monde économique, la notion de « responsabilité » (Jonas, 1990 ; Ingham, 2011) renvoie aux différentes modalités de définitions/objectivations et de légitimation de la « valeur responsable ».

1.2.1 – La convention de responsabilité : impossible « objectivité » et nécessité d’une validation sociale de la « valeur responsable »

15Dans une perspective conventionnaliste, la formalisation de la RSE dans le monde des affaires fait référence à la construction d’un modèle d’évaluation partagé basé sur un ensemble de règles de comportement et destiné à réguler la coordination entre différentes parties prenantes (Gabriel et Gabriel, 2004). Plus concrètement, le recours au concept de développement durable sous forme de la RSE fut une réponse à l’essor de la contestation de certaines activités de grandes firmes de la part de la société civile (Ibid). Ceci était rendu possible grâce au phénomène de globalisation et d’interconnexion via les médias Internet, impliquant de nouveaux groupes d’acteurs précédemment extérieurs au marché et difficiles à identifier. En raison de l’absence d’un contrepouvoir institutionnel à l’échelle transnationale, les grandes entreprises multinationales cotées en Bourse ont été amenées à trouver une forme alternative de coordination ou de compromis entre leurs activités marchandes et industrielles et le milieu social dans lequel ces activités prennent forme (Ibid).

16Sous pression de l’opinion publique et des actionnaires « responsables », le concept du développement durable, suffisamment modulable, a trouvé une forme objectivée dans le monde des affaires par la mise en place d’un dispositif conventionnel servant à réconcilier deux logiques en conflit : la logique industrielle/marchande et la logique civique (Gabriel et Gabriel, 2004). La montée en généralité d’un tel « modèle économique durable » implique de réussir une épreuve de légitimité, à savoir la validation par la société civile de l’intégration des principes et des pratiques du développement durable par les grandes entreprises. Depuis la fin des années 90, la bonne foi des acteurs économiques et leur désir d’agir selon les préceptes de durabilité sont transmis à de multiples parties prenantes au moyen de rapports de développement durable (ou reporting) mettant en exergue l’engagement de l’entreprise sur la voie de la responsabilité sociale et environnementale.

17Cette convention de responsabilité fondée sur le compromis entre les besoins du monde des affaires et les revendications de la société civile a donc donné lieu à une forme particulière de RSE pratiquée par les grandes entreprises cotées et destinée à valider la valeur « durable » de nature purement financière. En effet, au moyen des rapports de développement durable, les grandes entreprises cherchent à construire une convention de qualité qui justifierait leurs activités en les qualifiant de responsables (Lamarche, 2009). La particularité de cette qualification réside dans son caractère auto-déclaratif, unilatéral, volontaire et juridiquement non opposable, ce qui signifie qu’elle n’est pas soumise à des examens ou audits externes susceptibles de l’invalider. Par conséquent, initialement créée en réponse à une critique sociale, cette forme de RSE relève d’un processus de construction de communication où l’information négative produite par l’entreprise sur ses propres activités n’existe tout simplement pas (Ibid). Des dénonciations ponctuelles de disfonctionnements pointés par des acteurs externes, tels qu’ONGs, sont réintégrées dans des rapports de développement durable sous formes de mesures adoptées et d’engagement à agir dans le futur. Le caractère partiel du compromis entre l’économique et le social a été mis en lumière par des audits externes [5] au sein de deux grandes entreprises en France, en révélant une déconnexion entre la réalité de la production et du travail en général et les engagements déclaratifs figurant dans les rapports de développement durable (Bodet et Lamarche, 2012).

18Par ailleurs, afin de définir la nature de l’activité éthique au cœur des démarches de RSE, Postel et Rousseau (2008) ont mobilisé l’approche des parties prenantes selon le type de rationalité pratiqué. L’hypothèse avancée par ces auteurs stipule qu’une véritable discussion éthique entre acteurs impliqués dans la mise en pratique de la RSE devrait nécessairement être guidée par la rationalité de type communicationnel [6], plutôt que par des objectifs d’ordre stratégiques [7]. L’élaboration d’une forme communicationnelle de rationalité est d’ailleurs soumise à trois conditions indispensables : (1) diversité des parties prenantes, (2) discussion entre partenaires égaux, et (3) temporalité longue, nécessaire pour élaborer des règles d’action commune pour des objectifs à long terme.

19La RSE n’émergeant pas spontanément, mais en réponse à la critique qui pourrait menacer la profitabilité des entreprises, ces dernières s’efforcent avant tout de « stabiliser leur environnement marchand en démarchandisant partiellement leurs relations avec les parties prenantes en les fidélisant autour des valeurs » (Postel et Rousseau, 2008 : 147). Les principales relations à fidéliser se concentrent autour de trois marchés : approvisionnement en matières premières, consommateurs finaux et approvisionnement en capitaux (actionnaires). En s’engageant dans la démarche de RSE, les entreprises cherchent à rassurer ces principales parties prenantes en les rassemblant autour des valeurs de développement durable, principalement au moyen des outils de communication tels que les reportings (Lamarche, 2009).

20En décryptant le caractère conventionnel de la RSE, les travaux du courant conventionnaliste ont mis en évidence les dynamiques de la construction d’un compromis entre le monde des entreprises, le monde de la finance et le monde de la société civile, nécessaire à la survie de la firme dans un marché globalisé (Gabriel et Gabriel, 2004 ; Lamarche, 2009 ; Postel et Rousseau, 2008). Or, d’un point de vue des conditions nécessaires à l’établissement d’une vraie discussion éthique entre les parties prenantes, ce compromis se révèle être partiel à cause du lien rompu entre les déclarations managériales et la réalité du travail productif. Plus encore, d’un point de vue de l’approche territoriale, ce compromis se retrouve vidé de sa substance en raison de la coupure construite avec le contexte territorial des activités réelles de l’entreprise.

21Dans la suite de cet article, il sera montré comment l’industrie financière a construit une convention de responsabilité particulière, et ceci en rupture avec le contexte territorial. La justification de la « valeur financière durable » se trouve au centre de la fabrication de produits d’investissement « durables » ou ISR. Dans son approche de l’évaluation de la durabilité, l’industrie financière a donc remplacé le lien au territoire par un dispositif sociotechnique de validation d’informations déclaratives issues du reporting de RSE des grandes firmes.

1.2.2 – Approche pragmatique de la finance « durable » par les fonds de placement ISR

22Dans cet article, la finance « durable » ou l’ISR, est entendue comme « une pratique financière qui consiste à investir non pas uniquement sur la base de critères financiers (rendement/risque), mais en intégrant dans son choix des préoccupations sociales, éthiques ou environnementales » (Capelle-Blancard et Giamporcaro-Saunière, 2006 :70). Sur le plan méthodologique, notre démarche s’appuie sur une approche concrète et pragmatique du développement durable dite « Actually existing sustainabilities » (Krueger et Agyeman, 2005 ; Theurillat et Crevoisier, 2013), c’est-à-dire sur les dispositifs concrets, développés par les acteurs qui se réclament de la durabilité.

23En l’occurrence, les pratiques des acteurs financiers ont pu être examinées dans le cadre de quatre projets de recherche menés ces dix dernières années [8]. Tout d’abord, différents angles d’approche ont été utilisés pour comprendre le fonctionnement de l’industrie financière contemporaine et ses impacts sur le développement régional et urbain. Ces recherches nous ont permis de développer une approche territoriale de la finance (Corpataux et al., 2017 ; Theurillat, 2011 ; Theurillat et Crevoisier, 2012). Ensuite, la compréhension et l’explication de la construction de la « valeur financière durable » ont été réalisées à partir d’études de cas centrées sur l’industrie des fonds ISR en Suisse occidentale. La « fabrication » de ces produits financiers spécifiques a été examinée sous l’angle de la question suivante : en quoi telle pratique ou tel dispositif sociotechnique renforce, ou au contraire affaiblit la « valeur durable » de ces produits financiers vis-à-vis des investisseurs et de la société ?

24Différentes sources d’information ont été mobilisées : entretiens avec des acteurs du secteur, participation à divers forums et tables rondes autour de la finance durable, étude de la documentation spécialisée (études publiées par Novethic, Eurosif, ORSE [9], Sustainaible Finance Geneva, etc.) et analyse du discours porté par des parties prenantes du côté de l’offre et de la demande. Au total, trente-sept entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des responsables des agences de notation extra-financière, des gestionnaires de fonds ISR des grandes banques, des conseillers en investissement responsable et des directeurs de caisses de pension suisses publiques et privées. Les données recueillies ont été analysées et recoupées selon une démarche réflexive de triangulation (Denzin, 1978).

2 – Fonds ISR : construction et validation de la « valeur financière durable »

25Cette partie décrit le processus de fabrication de produits d’investissement durables ou ISR. Les dispositifs techniques servant à construire la valeur « durable » de ces fonds, à savoir la constitution de l’univers d’investissement « durable » et des critères de durabilité sous-jacents, sont tout d’abord présentés. Ensuite, différents dispositifs sociaux visant à leur adjoindre une légitimité sociale sont mis en évidence (Fig. 1).

Figure 1

La construction de la valeur « durable » par l’industrie financière

Figure 1

La construction de la valeur « durable » par l’industrie financière

Source : élaboration propre

2.1 – Fonds ISR : constitution de l’univers d’investissement et des critères objectifs de durabilité

26La composition des fonds ISR relève des stratégies de sélection d’entreprises, généralement cotées, selon différentes méthodes d’évaluation de leur performance financière et extra-financière, c’est-à-dire, le comportement de l’entreprise vis-à-vis de son environnement économique, social et environnemental (ORSE, 2012). Selon Eurosif [10] (2014), on peut distinguer différentes approches ou « processus » de constitution de fonds ISR : exclusion [11], sélection « best-in-class », intégration des facteurs ESG [12] dans l’analyse financière, activisme actionnarial et investissement par thématiques [13]. Les méthodes de sélections mentionnées s’appuient sur deux stratégies principales : le « core ISR » et le « broad ISR » (Fig. 2). La première catégorie regroupe les approches les plus développées et sélectives alors que la seconde désigne des pratiques plus larges et moins restrictives. Le choix parmi ces deux catégories varie fortement d’un pays à l’autre. Ainsi, en Europe : l’Autriche, l’Allemagne, la Suisse et la Norvège pratiquent de manière presque exclusive le Core ISR, tandis que l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni et la Belgique utilisent des approches assimilables au Broad ISR (Eurosif, 2012).

Figure 2

Deux stratégies de constitution de fonds ISR

Figure 2

Deux stratégies de constitution de fonds ISR

Source : Élaboration propre, inspirée d’Eurosif (2012).

27Par ailleurs, l’approche indicielle est souvent appliquée lors de la composition de fonds ISR selon différentes thématiques (ex. cleantech) et différents espaces géographiques (Tableau 1). En parallèle avec des indices de référence traditionnels [14], un certain nombre d’indices ISR ont été récemment développés et servent de valeurs de référence. Les agences de notation extra-financière analysent principalement des grandes sociétés (« blues chips ») tout en couvrant un univers d’entreprises suffisamment large pour appliquer des indices ISR pertinents (Alberola et Giamporcaro-Saunière, 2006). Environ 160 indices ISR, majoritairement des indices d’actions, ont été recensés dans le monde en 2013 (Novethic, 2014). On y trouve notamment des indices globaux de sociétés considérées comme durables tel que le Dow Jones Sustainability Index de la bourse américaine, le Domini 400 Social Index (dérivé du S&P 500) ou l’indice Aspi Eurozone de l’agence française de notation Vigéo.

Tableau 1

Principales familles d’indices ISR dans le monde*

Tableau 1
FAMILLES D’INDICES CRÉATION ANALYSE ESG MÉTHODOLOGIE EXCLUSIONS Dow Jones Sustainability Indices 1999 RobecoSAM Best-in-Class FTSE4Good Index Series 2001 Eiris Analyse spécifique Armement, nucléaire, tabac Alcool, armement, armes à MSCI EGS Indices 2010 MSCI Best-in-Class feu, nucléaire, jeux de hasard, OGM, pornographie, tabac STOXX Global EGS Leaders Indices 2011 Sustainalitics Best-in-Class Entreprises ne respectant pas les principes du Global Compact* Indices Euronext Vigeo 2013 Vigeo Best-in-Class Entreprises controversées

Principales familles d’indices ISR dans le monde*

* Il s’agit de dix principes du Pacte mondial des Nations Unies tirés de diverses déclarations au sujet des droits de l’homme, du travail décent, de l’environnement et le développement et de la corruption (https://www.unglobalcompact.org/what-is-gc/mission/principles).
Source : adapté de Novethic (2014).

2.2 – Adjonction de dispositifs techno-scientifiques visant à valider la valeur « durable/responsable »

28La phase d’évaluation de la durabilité des entreprises occupe une place centrale dans le processus de sélection de titres qui vont constituer un futur fonds ISR. Le compromis conventionnel et partiel établi entre les acteurs financiers, les managers et les investisseurs/actionnaires « responsables » est soumis à l’épreuve de légitimité. En l’absence de dialogue égalitaire impliquant toutes les parties prenantes sur une longue durée (Postel et Rousseau, 2008), les acteurs financiers légitiment la valeur « durable » de leurs produits au moyen des preuves de « scientificité » de leur approche de l’évaluation des entreprises. Plus précisément, les acteurs-évaluateurs, à savoir les agences de notation extra-financière et les experts en durabilité au sein des banques qui commercialisent des fonds durables, présentent à leurs clients de nouvelles méthodes « scientifiques » d’évaluation, notamment en multipliant les critères d’analyse de façon à concilier la durabilité et la performance financière.

29Certaines agences de notation gèrent ainsi plus de 200 critères de durabilité. L’identification de ces critères, ainsi que leur organisation, leur hiérarchisation et leur pondération sont souvent justifiées par le recours à différentes études, notamment économétriques, qui cherchent à identifier de manière pragmatique des relations entre des caractéristiques qualifiant la durabilité des entreprises et leur rentabilité à plus ou moins long terme [15].

2.3 – Adjonction de dispositifs de validation sociale de la valeur « durable/responsable »

30Toutefois, la multiplication et la sophistication de ces dispositifs techniques d’évaluation extra-financière ne parviennent bien entendu pas à combler la partialité du compromis établi. C’est pourquoi une nécessaire validation sociale de produits financiers « durables » se performe au moyen de différents dispositifs sociotechniques.

31À l’interne des banques sont créées des sections d’évaluation durable qui travaillent en étroite collaboration avec les sections d’analyse des risques et des opportunités purement financières. Cette activité d’évaluation repose sur un double processus : la constitution de bases de données à partir de la collecte d’informations et le traitement de ces informations à travers une batterie de critères qui aboutit à l’élaboration d’une information synthétique appropriable par les investisseurs (Alberola et Giamporcaro-Saunière, 2006).

32Par ailleurs, les banques et les sociétés de gestion mandatent des agences de notation extra-financière qui sont chargées de sélectionner un panier d’entreprises cotées en fonction de la contrainte de rentabilité définie au préalable avec les investisseurs finaux [16]. Le plus souvent, le mandataire a la possibilité de choisir librement les critères de durabilité selon lesquels les analystes extra-financiers vont sélectionner les entreprises (Alberola et Giamporcaro-Saunière, 2006 ; Mortier, 2013).

33Aujourd’hui, on constate une grande diversité d’approches et de méthodes d’analyse extra-financière (ORSE, 2012). Les agences ont développé différents modèles d’évaluation avec des indicateurs très nombreux. Elles élaborent des bases de données et des matrices d’analyse capables de prendre en compte des centaines de critères et des milliers d’entreprises (Mortier, 2013). Elles proposent des approches sur-mesure avec des critères à choix. Cette flexibilité leur procure des avantages concurrentiels en permettant une meilleure adaptation aux diverses demandes spécifiques de leurs clients (ORSE, 2012).

34En tant que secteur économique particulier, le marché de la notation « durable » a suivi plusieurs étapes dans son évolution parallèlement à l’expansion du système financier. Alors que la première génération d’agences de notation extra-financière s’est développée en dehors du milieu financier dans les années 1990 [17], la deuxième génération a été récupérée par le secteur financier dès le début des années 2000 (Mortier, 2013). La décennie 2010 a été marquée par la concentration du secteur, ainsi que par l’essor généralisé de la RSE et du reporting durable. Les grandes firmes multinationales ont vite compris l’intérêt de la notation « durable » en y voyant la possibilité d’améliorer leur image. De plus en plus financiarisées, les grandes agences de notation sont devenues elles-mêmes des entreprises cotées avec un actionnariat représenté par divers acteurs de la finance [18]. À la fin des années 2000, émerge la troisième génération de ces agences, acteurs financiers à part entière, notamment suite au rapprochement entre des organismes d’analyse financière et extra-financière et de leurs méthodologies d’évaluation (ORSE, 2012). Portée initialement par diverses parties prenantes, ONG, syndicats et agences de notation durable, l’analyse ISR intègre pleinement le milieu financier dominant (Benchemam et Chambost, 2010). À l’instar des sociétés de courtage qui ont internalisé l’analyse ISR en tant que « service » supplémentaire pour élargir leur clientèle (Ibid.), des géants américains des services financiers [19] ont également investi ce domaine, en créant des filiales spécialisées dans le recueil et l’analyse de données extra-financières ou en rachetant des sociétés d’analyse durable existantes (Louche et Hebb, 2014 ; Mortier, 2013 ; ORSE, 2012). Actuellement, suite à l’effet de concentration, il ne resterait plus qu’une trentaine d’agences de notation « durable » dans le monde qui analysent entre 2000 et 3000 entreprises cotées à l’échelle mondiale (Mortier, 2013 ; ORSE, 2012).

35De ce fait, l’extension à l’international représente aujourd’hui une condition essentielle pour la survie des agences qui se sont développées localement et qui dominent souvent leurs marchés nationaux (Alberola et Giamporcaro-Saunière, 2006). Le statut d’agence internationale étant perçu comme un facteur incontournable de légitimité, la principale agence romande de notation durable s’est fixée comme objectif de devenir acteur international en pénétrant le marché européen, car selon son directeur « si on est perçu comme acteur uniquement local, on perd en réputation[20] ».

2.4 – S’adjoindre des tiers légitimant

36De nature conventionnelle, la validation de la « valeur financière durable » des fonds ISR par le monde civique implique l’élargissement du milieu « valuateur » (Livi et al., 2015) à des parties prenantes externes au milieu de la finance. Dans une visée de légitimation communicationnelle, les tiers légitimant chargés de la validation de la grandeur « responsable » des produits financiers, proviennent principalement du monde des médias et des leaders d’opinion. L’objectif étant de valider la légitimité du dispositif d’évaluation en général et non la responsabilité de telle ou telle entreprise, la validation par les acteurs territoriaux impliqués directement ou indirectement dans les activités des entreprises n’est pas considérée dans le cadre de l’épreuve de légitimité en vigueur.

37En participant à diverses manifestations autour de la finance « durable », ces acteurs tiers légitimant, tels que certaines ONG, certains médias, chercheurs universitaires ou représentants de milieux économiques et politiques (ex. partis écologiques) permettent, de par leur expertise ou leur position dans la société, de légitimer le « sérieux » de ce dispositif financier de prise en compte des questions environnementales et sociétales. Par ailleurs, diverses organisations actives dans le domaine de la finance « durable » [21] publient des rapports annuels qui rendent compte de la progression de l’ISR au sein du secteur financier global en mettant en avant l’expansion des approches ISR, ainsi que la croissance des montants d’actifs « durables » sous gestion.

38En Suisse, le milieu de la finance durable est largement concentré sur la ville de Genève où il est représenté par l’association Sustainable finance Geneva qui joue un rôle clé dans la coordination des relations entre les acteurs financiers d’une part, et les investisseurs/actionnaires « responsables » et le reste de la société, d’autre part. Créée dans l’objectif de promouvoir la place financière genevoise comme un lieu d’excellence en matière de finance « durable », cette association organise de nombreux événements publics, tels que forums, conférences, tables rondes, etc. Selon Livi et al. (2017), trois espaces structurent les relations entre acteurs au sein du milieu de la finance « durable » : espaces de l’offre, de partage et de la demande (Fig. 3). Tandis que l’espace de l’offre est constitué de l’ensemble des acteurs qui œuvrent pour la construction de produits financiers durables, l’espace de partage, articulé autour d’un forum annuel sur l’ISR [22] permet de présenter, de promouvoir et de légitimer ces produits auprès des investisseurs de l’espace de la demande, principalement les HNWI [23] et les caisses de pension locales.

Figure 3

Relations au sein du milieu de la finance durable

Figure 3

Relations au sein du milieu de la finance durable

Source : Livi et al. (2017). Traduit en français par les auteurs.

3 – Coupure au contexte territorial et problèmes de validation de la « valeur financière durable »

39Dans cette troisième partie nous avons identifié quelques problèmes de validation de la « valeur financière durable » engendrés, selon l’hypothèse principale de cet article, par la coupure entre l’investisseur/actionnaire « responsable » et le contexte réel dans lequel agissent les entreprises (Fig. 1).

3.1 – Coupure au contexte et impossibilité d’interpréter les informations et les critères

40L’industrie financière, telle qu’elle s’est développée sur la base de la théorie du portefeuille (Markowitz, 1959) au cours de ces vingt-cinq dernières années, repose sur l’idée que l’investisseur/actionnaire ne doit se préoccuper que du rendement et du risque financiers de ses investissements. Il ne devrait pas, et souvent ne peut pas se soucier de la manière dont les entreprises parviennent à remplir ces objectifs, ni de l’impact des activités de ses dernières sur le contexte réel dans lequel elles opèrent.

41Tout d’abord, cette approche de décontextualisation intervient au niveau des temporalités. Si la finance « durable » se caractérise par une promesse orientée vers le futur, les transactions financières s’opèrent au présent et en continu. Concrètement, la gestion financière de fonds ISR serait alors peu compatible avec les horizons de long terme du développement durable. Dans les faits, peu d’investisseurs acceptent une sous-performance de leurs placements et se disent prêts à sacrifier la rentabilité du fait de la prise en compte des objectifs de développement durable à long terme (Arjaliès, 2010). Bien que les acteurs de la finance « durable » partagent une profonde foi que ce type d’investissement est payant à long terme, comment un gestionnaire de fonds ISR pourrait-il justifier la présence d’une entreprise très bien notée en termes de durabilité, si cette dernière ne cesse d’avoir des contre-performances pendant des mois ? (Ibid.)

42Deuxièmement, la coupure au contexte intervient aussi au niveau de la substance de la valeur financière « durable », laquelle, pour être effective, doit être perçue et comprise par l’investisseur, institutionnel ou privé. C’est à lui qu’il appartient d’interpréter les données fournies sur les fonds ISR et, s’il le souhaite, de tracer son investissement jusqu’aux activités réelles de l’entreprise pour savoir si, comment et jusqu’à quel niveau son engagement d’investisseur/actionnaire « responsable » est traduit dans les faits.

43En réalité, mis à part le dispositif de validation de la durabilité par les analystes extra-financiers, les gestionnaires de fonds appliquent la méthode de gestion traditionnelle qui consiste à suivre l’évolution des indices de référence de marché et à agir en conséquence, c’est-à-dire désinvestir les entreprises qui sous-performent. Un fonds « durable » étant composé de plusieurs dizaines, voire centaines d’entreprises, selon les principes de diversification, il en résulte une impossibilité de se renseigner sur chaque situation particulière. Poussés à investir dans des pays aussi diversifiés que possible, les gestionnaires de fonds ISR multiplient des contextes nationaux et régionaux en augmentant les distances géographiques et culturelles, ce qui rend les interprétations encore plus hasardeuses.

3.2 – Les « blue chips » profitent de la gestion indicielle instituée

44Il est ressorti de notre enquête que l’application de diverses méthodes de sélection d’entreprises « durables » n’empêchait guère l’inclusion de « blue chips » ou de grandes firmes multinationales, pourtant sujettes à une critique sociale grandissante suite à de nombreuses dénonciations d’actions allant à l’encontre des objectifs de développement durable.

45Comme il a été mentionné plus haut, les investisseurs institutionnels représentent la clientèle privilégiée sur le marché de la finance « durable ». Or, les tensions entre l’exigence de rentabilité financière et l’appel à la responsabilité sociale et environnementale auxquelles font face la majorité des caisses de pension publiques et privées, expliquent en partie le fait que, ces dernières, ont de plus en plus tendance à remplir leurs portefeuilles d’actions de « blues chips » (en Suisse : Nestlé, Novartis, Roche, UBS,…) [24]. Une première explication à ce phénomène réside dans le modèle de gestion de fortune institutionnelle dominant qui repose sur la constitution de portefeuille à partir d’une stratégie indicielle (Rainelli-Le Montagner, 2003). Sous la pression du contrôle social et du risque de réputation, les responsables des caisses de pension veillent à ce que leurs résultats financiers ne dévient pas des principaux indices boursiers. Or, ces derniers sont principalement composés de grandes capitalisations ce qui implique la présence des mêmes titres dans un portefeuille « durable » ou « classique ». De par leur poids important en termes de valeur boursière, les grandes (et très grandes) entreprises ne peuvent donc être écartées des fonds « durables ». Par exemple, en Suisse, la société Ethos qui commercialise des fonds ISR pour les caisses de pension [25] a exclu de son univers d’investissement une seule d’entreprise cotée jugée non conforme aux principes du développement durable, à savoir la société Syngenta, spécialisée dans les OGM [26] et les engrais chimiques.

46Ce n’est donc pas surprenant que l’utilisation d’indices spécialement élaborés pour l’ISR, qui pourrait apparaître comme la réponse la plus simple pour appliquer une stratégie ESG [27] à une gestion indicielle, soit finalement peu répandue. Sur le marché français, seulement six fonds ISR, sur plus de 300, utilisent un indice ISR comme benchmark pour mesurer leurs performances financières. La grande majorité des gestionnaires de fonds ISR font recours à des benchmarks classiques (Novethic, 2014). Au niveau mondial, l’offre de véhicules d’investissement répliquant ces indices est également très restreinte [28]. En présence d’une préférence générale pour les « blue chips » et faute de définition commune des critères de durabilité, ce sont des indices tels que le MSCI World, le S&P500 ou le CAC40 qui sont utilisés en tant que référence, étant donné que l’ensemble des acteurs de ce marché les considèrent comme représentatifs (Ibid.).

3.3 – Des agences de notation sous influence du milieu financier

47Les agences de notation extra-financière occupent une place centrale dans le dispositif sociotechnique de validation de la « valeur financière durable » en collectant et analysant les informations et en élaborant des modèles de calcul et des matrices d’évaluation de durabilité des entreprises. En raison de leur expérience et de leur position externe aux banques, on pourrait penser qu’elles exercent une fonction de contrôle social en tant que partie prenante indépendante.

48Dans les faits, il apparaît que les relations marchandes entre les milieux financiers et les agences de notation remettent en question l’indépendance des analyses extra-financières, notamment en raison d’une forte concurrence entre agences au niveau mondial. Il est ressorti de nos entretiens que certaines de ces agences de notation seraient également mandatées par les grandes entreprises, sur le modèle des Credit Rating Agencies. Les analystes conseillent ainsi les entreprises en matière d’amélioration de leur note de durabilité en facilitant leur accès au marché de l’ISR. Sachant que l’essentiel des informations traitées par les agences de notation est livré par les entreprises elles-mêmes, les acteurs du marché disposent donc de la liberté de définir eux-mêmes le périmètre de leur responsabilité (Mortier, 2013 ; Pesqueux, 2011). Par manque d’études approfondies sur le terrain et d’audits indépendants, les informations mobilisées sont donc de nature auto-déclarative et influencées par les stratégies de communication (Demaria, 2004).

49En second lieu, il se trouve qu’à l’aube de la dernière génération d’agences de notation financiarisées, l’analyse extra-financière cherche clairement à s’inscrire dans « un processus de conquête des attributs de reconnaissance de l’analyse financière classique, en termes de raisonnements financiers, de recherche d’une traduction financière risques-opportunités qui oriente le contenu de l’analyse, d’orientation vers une articulation de l’ISR à la valorisation des titres » (Benchemam et Chambost, 2010 :15). Actuellement, les grandes agences de notation, dont la plus grande est MSCI, analysent les questions sociales et environnementales comme purs facteurs de risque et d’opportunité financiers. Par exemple, elles considèrent les réglementations sociales comme un risque financier (risque opérationnel lié aux grèves du personnel, à l’augmentation du coût de travail) [29].

3.4 – Des ONGs essentiellement stigmatisantes et dont la voix s’essouffle

50La validation sociale de la « valeur financière durable » ne peut résulter que du débat d’opinions partagées entre parties prenantes diversifiées et égalitaires (Postel et Rousseau, 2008). Ces opinions ne peuvent et ne doivent donc pas toujours être convergentes ce qui signifie qu’une entreprise, une activité ou encore un secteur peuvent être qualifiés de responsable/durable ou non. Lorsque ces acteurs sont dépendants, ou intéressés, c’est une logique de lobby et de pouvoir qui s’impose, généralement dénoncée comme telle. Il est donc nécessaire, dans ce débat, que des acteurs indépendants et critiques s’expriment aussi. La critique rend le débat possible, et seul ce dernier assure la validation sociale de la « valeur durable ».

51Dans le cas des fonds ISR, c’est le rôle qu’assument certaines ONGs critiques, voire militantes, ainsi que certains médias engagés [30], autrement dit les parties prenantes en dehors des relations marchandes. Généralement indépendants des milieux financiers, des ONGs et des journalistes engagés cherchent à agir sur l’opinion publique via les médias en dénonçant des comportements « irresponsables » d’une société ou en amplifiant une controverse découverte sur le terrain. Ces critiques peuvent avoir des effets sur la notoriété et donc la viabilité économique des entreprises, en créant, par exemple, un buzz médiatique négatif susceptible de provoquer la fuite des investisseurs et, par conséquent, une chute de l’action. Récemment, une ONG suisse, la Déclaration de Berne [31] a mené une grande campagne revendiquant un encadrement juridique des activités des grandes entreprises d’extraction de matières premières et de négoce basées dans le pays. Bien que la régulation effective de ces activités se fasse attendre [32], cette ONG a réussi à lancer le débat médiatique et politique autour des matières premières, notamment grâce à la publication d’un ouvrage intitulé « Swiss Trading SAla Suisse, le négoce et la malédiction des matières premières ».

52Ces mécanismes, qui permettraient de valider socialement la durabilité, rencontrent toutefois des limites importantes. Premièrement, ces critiques nécessitent d’être étayées par des enquêtes solides. Or, étant donné qu’il n’existe que peu d’audits indépendants, ces investigations sont difficiles et coûteuses à mener. Elles doivent notamment surmonter les barrières érigées par les entreprises et la complexité des organisations internes des groupes multinationaux ainsi que des relations qu’ils entretiennent avec leurs partenaires et leurs sous-traitants [33]. En deuxième lieu, il est nécessaire de récolter des informations là où se déroulent les faits incriminés. Ceci peut se révéler difficilement réalisable, notamment en raison de la diversité des législations en matière de protection de l’environnement, de conditions sociales, ainsi que de travail (salaire, sécurité, etc.).

3.5 – Absence de « hard law » et l’impossible légitimation par l’État

53Enfin, on constate que dans la construction de la « valeur financière durable », les États occupent une place marginale. Pourtant, dans les autres secteurs marqués par la question de la durabilité (énergie, alimentation, transports, etc.), ils jouent un puissant rôle légitimant non seulement par l’édiction de législations visant à mettre en œuvre ces valeurs, mais aussi par des politiques actives (Voss et al., 2009). Pourquoi n’en va-t-il pas de même dans la finance ?

54La libéralisation des activités financières induite par la vague néolibérale des années quatre-vingts a rendu les États largement impuissants face aux marchés financiers. C’est uniquement lors de crises importantes que certaines mesures peuvent être prises. Des réformes législatives ont été adoptées dans plusieurs pays afin d’améliorer la qualité et la transparence des informations communiquées par les entreprises (loi Sarbanes-Oxley aux États-Unis) ou pour l’inclusion des aspects sociaux et environnementaux dans leurs rapports (Loi NRE 116 en France ; La Companies Act en Grande Bretagne). En Suisse, le reporting social et environnemental reste volontaire avec 67 % des entreprises rendant publique cette information en 2007 (Ethos, 2007). Il résulte de cette difficulté à traduire les normes environnementales et sociales dans la législation que seules des opérations visant à mobiliser l’opinion publique au coup par coup sont possibles. Or, ces actions, en raison de leurs coûts financiers et organisationnels élevés ne s’inscrivent pas dans la durée. Elles ne peuvent donc pas agir de manière systématique comme un élément de validation, ou d’invalidation sociale de la « valeur financière durable ».

Conclusion

55La constitution de fonds d’investissement socialement responsable (ISR) traduit la réponse de l’industrie financière face à la convention de responsabilité sous laquelle se décline l’appropriation du développement durable par le monde des grandes entreprises. Toutefois, la construction de la « valeur financière durable » se heurte à des limites considérables, dues à la coupure au territoire et à une remontée unidirectionnelle des informations d’une part, et d’autre part, à la prédominance de la logique financière conventionnelle dans sa conception et sa gestion. La durabilité de la finance de marché repose sur le postulat d’une durabilité objectivée. Les activités des entreprises ne sont pas traitées dans leur individualité mais à travers des critères homogènes, ou considérés comme homogènes. Cette méthode repose sur l’idée de classe d’objets, qui renvoient à des projets dont les propriétés sont indépendantes des singularités.

56Cette manière de faire s’avère problématique dans la mesure où il n’est plus possible, une fois l’abstraction réalisée, de retourner « sur le terrain » et de se faire une idée concrète et contextualisée de la durabilité associée à cet investissement. En effet, lorsque l’on détient, par exemple, une action d’une grande société cotée en bourse, on n’a aucune possibilité de « tracer » le cheminement de son investissement et de se faire une idée des activités, des effets de ces activités dans leur pays d’implantation (Huguenin, 2012). Il en va de même pour les critères censés attester de la durabilité. Une fois que telle entreprise aura été qualifiée de « responsable », ou de plus responsable que telle autre, il n’est pas possible de se rendre compte de ce que cela signifie concrètement dans son contexte. Il existe donc un nombre important de « filtres », à savoir de dispositifs sociotechniques qui permettent, par l’abstraction et la décontextualisation, une remontée et une synthèse de l’information, mais qui empêchent toute « redescente » sur le terrain.

57Dans une perspective de sciences sociales, il s’agit avant tout de souligner que la grandeur de « responsable » ne peut pas être acquise en l’absence d’un processus de légitimation crédible, c’est-à-dire mené par des acteurs légitimes, incarnant ces valeurs, et débouchant tant sur des validations que sur des stigmatisations. Les effets de tel ou tel produit ou activité sur le futur de la planète ne peuvent en pratique jamais être démontrés car il n’existe pas de convention établie pour mesurer objectivement la durabilité (à l’exception notable des économies d’énergie). Toutefois, un entrepreneur ou une entreprise peuvent s’engager à faire quelque chose, et c’est cet engagement qui fera l’objet d’une (in)validation – et non les effets de son action sur le long terme.

58Dès lors, comment peut s’effectuer le contrôle social qui caractérise la valeur de « responsable » ? Dans le cas d’autres industries, les produits ou les activités font l’objet d’évaluations médiatisées. Par exemple, les automobiles sont évaluées en fonction de différents critères par les associations de consommateurs et par des ONGs porteuses des valeurs environnementales et sociales. Ce sont ces débats qui vont déboucher sur des évaluations culturelles et de possibles valorisations économiques. Ainsi, les consommateurs qui achèteront, par exemple, des automobiles à moteur hybride seront légitimement considérés comme « responsables », puisque ces véhicules sont régulièrement bien classés de ce point de vue.

59Pour les fonds de placement « durables » cependant, cette étape de validation par le débat médiatique ne se fait pas de manière satisfaisante en raison de cette impossibilité de redescendre sur le terrain et d’associer tel investissement à telle caractéristique de la responsabilité. Le contrôle social qui agit sur la légitimation de la composante responsable de l’investissement, est réalisé par des acteurs intéressés et directement liés aux milieux financiers. Bien entendu, occasionnellement, des ONGs, des journalistes ou d’autres acteurs de la société civile présents sur le terrain dénoncent certaines pratiques de certaines entreprises et ces informations peuvent alors être intégrées dans ces évaluations. Cependant, pour l’essentiel, l’évaluation de la responsabilité est fortement influencée par une collusion d’intérêts entre l’industrie des fonds de placement et les entreprises cotées. On en veut pour preuve que, contrairement à d’autres industries qui font régulièrement l’objet d’évaluations, et par conséquent, de hiérarchisation, dans les médias, les fonds de placement « durables » ne sont pour ainsi dire jamais stigmatisés. Dès lors, le doute peut s’instaurer : cette légitimation trop courte laisse la place à des dénonciations du secteur dans son ensemble et à l’idée d’exercice alibi, de green washing, etc. L’erreur de l’industrie financière est de croire qu’elle peut continuer à la fois de fonctionner de manière traditionnelle, sur la base d’une coupure au contexte, et être légitimement reconnue comme « responsable » tout en se soustrayant à la critique, ou en manipulant cette dernière.

60À l’inverse, une finance véritablement durable suppose de ne pas nier la dimension territoriale. C’est seulement en fonction des acteurs et du contexte que la « valeur financière durable » prend sens : c’est le sens de l’investissement qui doit être mis au centre, sens qui ne peut émerger qu’en s’intéressant à ce qui se passe au-delà des cours boursiers, derrière les écrans des opérateurs financiers, derrière les rapports de gestion des groupes cotés, derrière les cascades de sous-traitants. Un investissement socialement responsable repose ici sur la connaissance que l’investisseur (ou l’intermédiaire) a de l’entreprise, du suivi qu’il a de cette dernière, du dialogue direct, voire interpersonnel, avec elle. C’est une conception qui réside dans l’idée que la confiance et la proximité vont encourager la création de sens, à partir de l’objet de l’investissement (entreprise, projet…) et du contexte dans lequel il opère. Par exemple, un projet de microfinance fait beaucoup de sens au Pakistan, peu en Suisse. Il serait donc possible de se mettre d’accord conjointement sur des améliorations concrètes dans les pratiques de l’entreprise. Cette forme d’investissement responsable s’inscrit, par conséquent, dans le cadre d’une recherche d’une durabilité forte qui s’appréhende comme un tout, de façon multidimensionnelle, processuelle et subjective. Les diverses pratiques émergentes telles que « limpact finance », le « crowdfunding » ou l’activisme actionnarial représentent autant d’initiatives qui mobilisent la dimension contextuelle. Elles reposent en effet sur un traçage concret qui permet d’identifier une entreprise, d’examiner ses activités et d’estimer leur impact. De cette façon, elles tranchent singulièrement avec l’approche traditionnelle de la finance de marché et se rapprochent davantage d’une approche de durabilité forte.

Bibliographie

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Notes

  • [*]
    Auteur correspondant : victoriya.salomon@unine.ch
  • [1]
    Les fonds durables ou les fonds d’investissement socialement responsable (ISR) font ici référence à des placements financiers qui visent à concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises qui contribuent au développement durable.
  • [2]
    De nombreuses institutions financières qui commercialisent des fonds ISR déclarent appliquer les Principes d’Investissement Responsable soutenus par les Nations Unies (http://www.unpri.org/about-pri/about-pri/).
  • [3]
    L’association Sustainable Finance Geneva fédère plus de 250 acteurs financiers privés et institutionnels en œuvrant pour la promotion de la finance « durable » en Suisse. En collaboration avec l’Université de Genève, elle oranise depuis 2014 Geneva Summit on Sustainable Finance, un grand évènement international réunissant des acteurs académiques et financiers.
  • [4]
    Traduit de l’anglais par les auteurs.
  • [5]
    Ces audits ont été menés dans le cadre d’une étude de cas en collaboration avec des intervenants en entreprises (sociologues du travail) (Bodet et Lamarche, 2012).
  • [6]
    La rationalité communicationnelle se caractérise par l’abandon de toute visée instrumentale et par la recherche de la compréhension et de l’accord avec l’autre. « Elle seule est garante d’une authentique communication (non biaisée) » (Postel et Rousseau, 2008 : 140).
  • [7]
    La rationalité stratégique mobilise le langage dans une finalité stratégique c’est-à-dire pour manipuler l’interlocuteur de manière à le faire exécuter certains actes qui nous paraissent souhaitables de notre point de vue (Ibid).
  • [8]
    Entre 2004 et 2011 les recherches suivantes ont été menées au sein de l’équipe de recherche : (1) Reconfiguration du système financier suisse : quelles articulations avec l’économie réelle et les régions ? (2011-2014) ; (2) Dynamique territoriales de l’innovation financière : le cas de la finance durable à Genève (2011-2012) ; (3) Privatisation du financement et la durabilité des infrastructures urbaines en Suisse (2007-2010) ; (4) Impact des caisses de pension suisses dans le financement et le contrôle de l’économie suisse (2004-2006).
  • [9]
    Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises (http://www.orse.org/)
  • [10]
    Eurosif est une association pan-européenne à but non lucratif dont la mission consiste à promouvoir l’Investissement socialement responsable sur les marchés financiers européens (http://www.eurosif.org/).
  • [11]
    L’exclusion ou negative screening reste toujours la pratique la plus répandue et continue de progresser rapidement (Eurosif, 2014).
  • [12]
    Facteurs ESG - environnementaux, sociaux et de gouvernance
  • [13]
    La stratégie de sélection par thématique fait essentiellement référence au secteur des énergies renouvelables ou des ressources naturelles.
  • [14]
    Parmi les indices les plus utilisés figurent Dow Jones Industrial Average, S&P 500 (USA), CAC 40 (France) ou SMI (Swiss Market Index).
  • [15]
    Par exemple, les investisseurs/gestionnaires de fonds durables sont invités à sélectionner parmi de multiples critères qui sont utilisés pour mesurer la performance sociale, environnementale et financière des entreprises évaluées. En règle générale, ces critères (ex. stratégie et management, produits et services, droits de l’homme, gouvernance, etc.) correspondent au contenu des rubriques des rapports d’activités et de développement durable standardisés des sociétés cotées de l’univers investissable.
  • [16]
    Par exemple, une banque peut imposer une contrainte de fournir un panier d’entreprises de façon à ce que dans chaque secteur il y ait au minimum 50 % de la capitalisation boursière du secteur (Entretien avec le directeur d’une agence de notation extra-financière).
  • [17]
    Ces petites agences militantes à l’image des ONG étaient d’inspiration religieuse et humaine. Leurs analyses éthiques étaient destinées prioritairement à des fonds de pension religieux.
  • [18]
    Parmi les actionnaires d’une grande agence internationale Vigeo, on trouve des grandes entreprises comme McDonald ; des investisseurs comme Amundi, BNP Paribas, Société générale, etc., ainsi que des syndicats (Mortier, 2013).
  • [19]
    Thomson Reuters, Morgan Stanley Capital International (MSCI), Bloomberg ou encore les trois géants de la notation financière : Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings (ORSE, 2012).
  • [20]
    Entretien avec le directeur d’une agence de notation durable située en Suisse romande.
  • [21]
    Par exemple, Eurosif, US SIF (Forum for Sustainable and Responsible Investment) ou SFG (Sustainable Finance Geneva).
  • [22]
    Geneva Forum for Sustainable Investment a été créé en 2008 et est organisé annuellement par l’association Sustainable Finance Geneva (http://www.sfgeneva.org/).
  • [23]
    High Net Worth Individuals (fr : Personnes très fortunées)
  • [24]
    Entretiens avec plusieurs conseillers en placement pour les caisses de pension.
  • [25]
    Ethos, Fondation suisse pour l’investissement responsable et l’actionnariat actif, regroupe actuellement 154 caisses de pension et propose, via la société Ethos services, plusieurs fonds de placement ISR (http://www.ethosfund.ch/f/fondation-ethos/default.asp).
  • [26]
    Organisme génétiquement modifié (OGM)
  • [27]
    Appliquer une stratégie ESG signifie inscrire les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la gestion.
  • [28]
    Le nombre de fonds de placement répliquant un indice ISR se limite à une vingtaine dans le monde en totalisant 1.2 milliards d’euros d’encours sous gestion, contre près de 2 170 milliards de dollars pour l’ensemble des fonds dans le monde (Novethic, 2014).
  • [29]
    Par exemple, quand Ryanair a fermé une partie des opérations françaises pour limiter le risque de grève, sa notation sociale a été améliorée.
  • [30]
    Par exemple, Mediapart en France.
  • [31]
    La Déclaration de Berne (DB) est une association suisse indépendante qui s’engage pour des relations justes et équitables entre la Suisse et les pays en développement (https://www.ladb.ch/)
  • [32]
    Les recommandations du Conseil Fédéral Suisse : http://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/30134.pdf
  • [33]
    Pour l’instant, les multinationales ne sont pas responsables juridiquement de ce que font leurs filiales et sous-traitants à l’étranger.
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