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Article de revue

Articuler approche relationnelle et approche spatiale des réseaux : application au cas des pôles de compétitivité

Pages 471 à 492

Notes

  • [*]
    Auteur correspondant : antoine.grandclement@univ-lr.fr
  • [1]
    L’échelle internationale est volontairement laissée de côté, les partenaires internationaux constituant moins de 3 % des participations aux projets des pôles. On rencontre sans doute ici une des lacunes de cette politique, d’ailleurs peu évoquée dans la littérature.
  • [2]
    La méthode dite des m-cores consiste à ne retenir que les liens dont l’intensité est supérieure à un seuil donné
  • [3]
    La méthode des factions postule qu’un sous-groupe « idéal » est celui dont tous les membres sont reliés entre eux et entretiennent un minimum de relations avec l’extérieur (Hanneman, Riddle, 2005)
  • [4]
    La même analyse appliquée aux 20 nœuds les plus centraux a donné des résultats convergents
  • [5]
    Cet algorithme procède par itérations successives à partir d’une disposition aléatoire en rapprochant sur la figure les nœuds qui sont proches dans le réseau (la distance géodésique étant minimale), tandis que les nœuds qui ne sont pas reliés se « repoussent » (Hanneman et Riddle 2005)
  • [6]

Introduction

1 Selon C. Raffestin, « les sciences sociales sont aujourd’hui marquées par la pensée réticulaire et territoriale » (Raffestin, 1996, p. 6). La diffusion de la figure du réseau s’appuie toutefois moins sur la définition spatiale adoptée par les géographes (Lévy, 2006) que sur une lecture théorique et métaphorique du réseau comme système de relations entre des réalités non strictement spatiales, à l’image de réseaux d’entreprises. Cette entrée par les réseaux d’acteurs envisagés comme « knowledge factories » et « knowledge boosters » (Laperche et al., 2010, p. 12) a entraîné des progrès importants dans la compréhension empirique des processus de production et de circulation de connaissances (Steiner, Ploder, 2008) dans et hors des clusters. Elle a accompagné et nourri d’importants renouvellements méthodologiques – avec les méthodes d’analyse des réseaux sociaux – mais aussi théoriques – autour des travaux de l’École de la Proximité et de l’evolutionary economic geography. En permettant de dépasser les traditionnels débats sur la délimitation spatiale des clusters (Hamdouch, 2010), cette approche relationnelle a ouvert la porte à une analyse dynamique des collaborations recherche-industrie et de leur organisation spatiale (Boschma, Frenken, 2010). Elle a permis de montrer que « l’innovation prend aujourd’hui d’autres formes d’organisation que les clusters concurrentiels et géocentrés traditionnellement mis en avant [et que] ces formes sont à la fois plus complexes, plus ouvertes (spatialement et au niveau relationnel), plus évolutives (dans le temps et dans l’espace) et plus imbriquées (au plan organisationnel) les unes dans les autres » (Depret, Hamdouch, 2009a, p. 24).

2 L’approche relationnelle n’a toutefois pas permis de dépasser une approche un peu binaire (local/global) du fonctionnement des réseaux et a pu conduire à placer au second plan la dimension spatiale. En combinant l’entrée par les acteurs et par les clusters, elle tend en effet à réduire la géographie des réseaux à une opposition entre relations de proximité et relations à distance. L’inscription spatiale des réseaux à échelle fine (à l’intérieur des clusters) et celle des relations à distance (entre les acteurs de différents clusters) sont alors souvent passées sous silence.

3 Cet article souhaite donc enrichir l’approche relationnelle des clusters par une appréhension plus fine de la dimension spatiale. En combinant approche spatiale et approche relationnelle des réseaux d’innovation, il s’agit de dépasser l’écueil d’une approche binaire global/local qui ne permet pas de saisir le rôle des échelles intermédiaires. Dans cet objectif, il est nécessaire de passer par un « travail de cartographie spatio-temporelle plus précise des clusters et réseaux d’innovation dans différents secteurs High-Tech » (Depret, Hamdouch, 2009a, p. 44).

4 La politique des pôles de compétitivité, qui renouvelle les traditionnels clusters policies par l’attention qu’elle porte aux réseaux, offre un cas d’étude intéressant. Elle montre en effet comment l’approche relationnelle a influencé les politiques d’innovation. S’ils empruntent au modèle des clusters en rassemblant les acteurs du triptyque industrie-recherche-formation, les pôles sont incités à s’insérer dans des réseaux régionaux, nationaux, voire internationaux (Plunket, Torre, 2009). Les réseaux des pôles ont déjà fait l’objet de travaux de multiples disciplines, de l’économie aux sciences de gestion (Fen-Chong, 2009 ; Verlaque, 2010). Leur dimension spatiale est en revanche plus rarement évoquée (Barabel et al., 2009 ; Chabault, 2009 ; Ferru, 2010). Cette recherche propose une analyse diachronique et comparative des réseaux de 7 pôles de compétitivité de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, inscrits dans des champs sectoriels différents mais ancrés dans une même région.

5 La première partie présente la contribution de l’approche relationnelle, mais aussi les limites de son approche de la dimension spatiale des réseaux. La deuxième partie décrit les apports respectifs de la cartographie des réseaux des pôles à différentes échelles et de l’approche relationnelle des réseaux d’acteurs. La troisième partie montre comment l’application des méthodes d’analyse des réseaux sociaux aux réseaux d’acteurs localisés permet de dépasser la lecture local/global des réseaux des pôles.

1 – Approche spatiale et approche relationnelle : enjeux théoriques et politiques

1.1 – L’approche relationnelle et ses apports

6 L’approche relationnelle a considérablement renouvelé les travaux sur la géographie des clusters et les processus d’innovation, en permettant de dépasser les questionnements sur les économies d’agglomération (Audretsch, Feldman, 1996). L’affirmation du caractère collectif et interactif de l’innovation a concentré l’analyse sur les acteurs et leurs réseaux de relations, mettant en lumière l’encastrement social des dynamiques économiques et des processus d’innovation (Grossetti, Bes, 2002). B. Pecqueur définit ainsi le territoire comme « une entité socio-économique construite, qui engendre des processus de création de ressources, en vue de résoudre des problèmes productifs inédits » (Pecqueur, 2000, p. 15). L’approche par les réseaux d’acteurs a ainsi permis de décrire et d’expliquer le caractère sélectif et hétérogène des circulations de connaissances au sein des clusters et des milieux innovateurs (Beccatini, 1991 ; Giuliani, 2007 ; Maillat et al., 2006), faisant des stratégies relationnelles des firmes et des acteurs scientifiques un facteur clé de leur compréhension. Les travaux de l’École de la Proximité ont fourni le cadre théorique de ce renouvellement en distinguant proximité spatiale et proximité organisée (Bouba-Olga, Grossetti, 2008).

7 Prolongeant ces travaux avec une perspective diachronique, la géographie évolutionniste (Boschma, Frenken, 2006) a aussi renouvelé la compréhension du cycle de vie des clusters (Braunerhjelm et Feldman 2006), En mettant en relation dans une perspective systémique les stratégies des acteurs et les évolutions de la structure des réseaux (Boschma, Frenken, 2010), elle a montré les mécanismes théoriques de « la coévolution des clusters, du secteur dont ils relèvent, des capacités des entreprises de ce secteur et des réseaux de connaissances dont ils sont membres » (Ter Wal et Boschma, 2011, nous traduisons). Cette lecture évolutionniste a contribué à inscrire le modèle des clusters dans le temps mais aussi dans l’espace, en cherchant à saisir les dynamiques des réseaux d’innovation dans et hors des clusters (Bathelt, Malmberg et Maskell 2004). A. Ter Wal et R. Boschma (ibid.) ont notamment montré comment la structure et la géographie des réseaux d’innovation évoluent lors des différentes étapes du cycle des technologies (émergence, croissance, maturité). Si les relations de proximité dominent lors des phases d’émergence, expliquant la formation des clusters, leur poids tend à diminuer avec le temps. Comme l’a prouvé A. Ter Wal à partir des clusters allemands des biotechnologies, lorsque les technologies sont plus matures, la concurrence conduit les entreprises à chercher de nouvelles sources de connaissances et ainsi à nouer des relations à plus grande distance, (Ter Wal, 2009).

8 Cette recherche de connaissances participe à insérer les clusters dans des réseaux nationaux et internationaux (les « channels and conduits » décrits par Owen-Smith et Powell, 2004). L’approche évolutionniste a ainsi permis de dépasser la vision trop souvent insulaire et autarcique des clusters (Depret, Hamdouch, 2009a). Cette perspective multi-scalaire et systémique (Crevoisier, Jeannerat, 2009) est au cœur des travaux les plus récents sur les dynamiques des réseaux (Cassi, Plunket, 2015) et sur les processus de coévolution des différentes formes de proximité (Balland, Boschma, Frenken, 2015). La place de l’espace dans ces approches relationnelles mérite toutefois d’être interrogée.

1.2 – La place de l’espace dans l’approche relationnelle

9 Dans l’approche relationnelle, la place croissante du réseau n’est pas liée au concept géographique de réseau mais bien davantage à son « usage non géographique comme métaphore spatiale » (Lévy, 2006, p. 795), comme ensemble de relations entre des points qui peuvent être de natures variées. Cette focalisation des économistes sur les réseaux d’acteurs conduit par exemple à conceptualiser les entreprises comme « des réseaux dans des réseaux » (Dicken, Malmberg, 2001, p. 346, nous traduisons). À l’inverse, et malgré la transposition dans le champ de la géographie économique des outils d’analyse des réseaux sociaux (Offner, Pumain, 1996 ; Ter Wal, Boschma, 2009), les travaux de géographes sur les réseaux de villes dans le champ de l’innovation (Comin, 2009), font encore peu de place aux réseaux d’acteurs.

10 Les apports des travaux sur les réseaux sociaux à l’étude de la dimension spatiale du réseau reposent autant sur les outils permettant de le représenter et de l’analyser que sur leur cadre théorique original. Ils permettent en effet de penser l’inscription des acteurs dans les réseaux en articulant des niveaux d’échelle non strictement spatiaux, sans pour autant évacuer la dimension géographique des réseaux. Le grand intérêt de ces outils est en effet d’articuler les notions clés que sont « le temps, l’espace géographique et l’espace social » (Rothenberg et al., 1995, p. 274).

11 Les méthodes d’analyse des réseaux sociaux ont été appliquées à la plupart des objets de la géographie économique, des clusters aux systèmes régionaux d’innovation, en passant par les économies d’agglomération et les externalités de connaissance (Ter Wal, Boschma, 2009). Elles ont notamment permis de préciser les déterminants de la formation de nouveaux liens entre les acteurs, qu’il s’agisse du poids des différentes formes de proximité (Broekel, 2015), de logiques d’homophilie (Cassi, Plunket, 2015) ou de la domination exercés par des acteurs clés (Gould, Fernandez, 1989). Les méthodes d’analyse des réseaux sociaux permettent surtout de combiner cette analyse à l’échelle des acteurs avec une analyse à l’échelle d’un cluster ou à l’échelle globale d’un réseau. C’est ce qu’illustrent les travaux de J. Vicente et al. sur les réseaux de européens de coopération dans le domaine de la navigation par satellite. L’utilisation des réseaux sociaux permet de mettre en relation (i) les stratégies individuelles des entreprises et des laboratoires dans la formation de nouveaux liens, (ii) la structure des réseaux au sein de clusters comme celui de Toulouse et enfin (iii) la structure des liens entre ces clusters à l’échelle européenne (Vicente, Balland et Brossard 2008). Elle conduit à affirmer avec ces auteurs que « l’espace compte dans les interactions de connaissance et l’innovation » (ibid., nous traduisons).

12 Le traitement de l’espace dans ces approches relationnelles est toutefois à l’origine de débats théoriques (Fache, 2009). La distinction opérée par l’École de la Proximité entre proximité spatiale et proximité organisée, conduit souvent à une lecture partielle de l’inscription spatiale des réseaux et du jeu des échelles. Le réseau étant supposé relever de la proximité organisée, il est souvent associé à une échelle globale. L’inscription des clusters dans des réseaux de relations à distance nécessaires à la pérennité des processus d’innovation fait consensus (Bathelt et al., 2004) mais mène à ne distinguer que les relations internes et les relations externes aux clusters (Vicente, Balland et Brossard 2008). L’approche relationnelle des clusters et l’analyse par les proximités tendent donc d’une part à ignorer l’inscription spatiale des relations internes aux clusters et d’autre part à simplifier les jeux d’échelles par une approche binaire local/global. L’échelle régionale notamment, est souvent ignorée. Il est pourtant indispensable d’inscrire pleinement les relations à distance dans l’espace, pour saisir ce que P. Dicken et A. Malmberg qualifient de « spaces of network relations » (cité dans Depret, Hamdouch, 2009, p. 40) et comprendre « l’inscription [des entreprises] dans des systèmes qui les mettent en relation avec d’autres entreprises et institutions et de la façon dont ces systèmes sont à leur tour territorialisés » (Dicken, Malmberg, 2001, p. 359, nous traduisons).

1.3 – Le réseau, outil politique ambigu

13 Les questions que soulève la figure du réseau se posent aussi dans la sphère politique. Par un mouvement de percolation, le concept de réseau a en effet pris une place croissante dans la rhétorique des politiques d’innovation et d’aménagement du territoire (DATAR, 2004). Or, si le modèle du réseau apparaît comme une réponse séduisante aux défis extérieurs auxquels les territoires sont confrontés et à leurs ressources parfois limitées, il ne les résout qu’en apparence.

14 La politique des pôles de compétitivité est particulièrement révélatrice de ce processus. Le débat jamais réellement tranché entre une approche territoriale et une approche réticulaire et, par la suite, la labellisation de 71 pôles extrêmement divers, ont donné naissance à la formule byzantine de territoire-réseau. La définition des pôles évoque la mise en réseau d’entreprises et de laboratoires de recherche « sur un territoire donné » mais le cadre réglementaire souple de cette politique ne fixe aucune limite spatiale aux partenariats recherche-industrie, à l’exception du zonage R&D dont la vocation est plutôt incitative (Grandclement, 2012). Ce flou relatif tient aussi aux inflexions opérées par rapport au modèle initial lors de la mise en œuvre des pôles. Le terme de territoire-réseau est probablement autant un des composants de la construction théorique qui a précédé la mise en œuvre concrète de la politique qu’une relecture a posteriori des formes auxquelles elle a donné naissance. On retrouve à nouveau dans ce champ politique un silence relatif quant à l’articulation entre proximité spatiale et relation à distance et entre réseaux d’acteurs et mise en réseau des territoires.

15 La place faite aux réseaux révèle en fait les points de tension de cette politique. Le premier tient à la volonté d’introduire un changement d’échelle par rapport aux politiques précédentes. Afin de satisfaire à l’objectif de compétitivité, l’échelle régionale a été affirmée comme nouvel étalon des pôles à créer. Il était pourtant inconcevable de faire émerger des pôles à cette échelle régionale créés ex-nihilo : l’objectif de compétitivité imposait au contraire de s’appuyer sur l’existant. L’enjeu a donc souvent consisté à faire grossir les pôles qui n’atteignaient pas déjà la taille requise. De nombreux pôles se sont structurés selon une logique agrégative, c’est-à-dire par addition de territoires et de réseaux d’acteurs localisés (Grandclement, 2010). Le second point de tension tient à l’articulation des niveaux d’échelles dans la mesure où les pôles doivent tout à la fois s’appuyer sur des relations de proximité entre les acteurs et s’insérer dans des réseaux à l’échelle régionale et nationale pour développer de nouvelles synergies et accroître la compétitivité des territoires et leur rayonnement international.

16 À un autre niveau d’analyse, c’est l’impact de cette politique sur les dynamiques spatiales des réseaux qui pose question, notamment quand elles font une large place à l’initiative des acteurs locaux et régionaux, comme c’est le cas des pôles. Dans la mesure où la plupart des pôles rassemblent différents clusters et/ou champs sectoriels, il convient aussi d’observer dans quelle mesure cette politique est parvenue à faire émerger des relations transcendant les limites géographiques et sectorielles des réseaux qui préexistaient.

2 – L’organisation spatiale des réseaux des pôles de compétitivité

2.1 – Quelles données pour quels réseaux ?

17 La politique des pôles de compétitivité a pour grand intérêt d’offrir un corpus de données relationnelles relativement accessibles et comparables, même s’il n’est pas exempt de défis méthodologiques (Grandclement, 2012). Elle permet notamment d’éviter les écueils liés à d’autres sources telles que les codépôts de brevets (localisation des inventeurs, réalités des coopérations, tendance de certains secteurs à déposer plus ou moins de brevets) (Breschi, Lissoni, Montobbio, 2005).

18 Une base de données a ainsi été constituée rassemblant les projets de recherche collaborative labellisés par 7 pôles de la région PACA entre 2006 et 2011 et leurs participants localisés par commune, soit 900 projets de recherche et près de 1 800 entreprises et laboratoires de recherche (tableau 1). En représentant chaque projet par un graphe complet entre ces membres (clique) et en agrégeant les projets, on dispose ainsi pour chaque pôle d’une matrice symétrique valuée. À partir de ce corpus, il est alors possible de représenter les réseaux nés de la politique des pôles et d’observer leurs évolutions dans le temps, soit sous la forme de réseaux d’acteurs, soit sous la forme de cartes, puisqu’on dispose de la localisation de chaque établissement et laboratoire impliqué.

Tableau 1

Les pôles de l’échantillon

Tableau 1
Pôles Secteurs / thématiques Statut Nœuds Liens Capénergies Énergies non émettrices de gaz à effet de serre Pôle national 432 1 861 Eurobiomed Biotechnologies - santé Pôle national 193 420 Optitec Photonique Pôle national 229 974 Pégase Aéronautique Pôle national 238 1 985 Pôle Mer Énergie - TIC - transports Pôle à vocation mondiale 490 3 031 Pôle Risques Risques Pôle national 236 1 423 SCS Microélectronique / TIC Pôle mondial 699 4 733

Les pôles de l’échantillon

19 Les réseaux ont été cartographiés à l’échelle nationale avec une maille régionale et à l’échelle régionale avec une maille communale [1]. On a choisi pour des raisons de lisibilité de ne faire figurer que le nombre de porteurs de projet (sous forme de cercles proportionnels) et d’indiquer par des liens les relations entre le porteur et chaque membre du projet considéré. Les relations de proximité se trouvent donc masquées à la fois par la maille choisie et par les contraintes de représentation et la densité des liens. Ces cartes ne figurent ni les relations intradépartementales à l’échelle nationale ni les relations intracommunales à l’échelle régionale. Ces choix graphiques témoignent de la difficulté que représentent de manière classique les cartes de réseaux mais aussi de l’imbrication des différents niveaux d’échelle.

20 La possibilité d’observer l’évolution de ces réseaux dans le temps grâce aux générations successives de projets se heurte quant à elle aux variations conjoncturelles liées au fonctionnement des appels à projets, d’autant plus marquantes que le nombre d’acteurs impliqués à chaque génération est modeste dans certains pôles. Pour lisser les variations liées au turn-over des acteurs et aux contraintes de fonctionnement des guichets, on utilise des fenêtres mobiles de trois années. Cette méthode tend à atténuer les évolutions mais garantit la pertinence des résultats. On a conservé un pas de temps annuel pour le pôle SCS qui s’appuie sur un volume annuel de projets plus élevé.

2.2 – Une dynamique commune d’ouverture spatiale des réseaux

21 Outre le rayonnement national des réseaux, ces cartes (figures 1a et 1b) montrent une dynamique d’élargissement et de densification sensible à toutes les échelles. Ce processus diffère par son intensité et son rythme, ainsi que par la situation au début de la période mais dessine une trajectoire commune à tous les pôles. À l’échelle nationale, on observe à la fois le renforcement des relations structurantes visibles dès le début de la période et l’apparition de nouvelles relations, souvent avec des régions plus éloignées. Le poids des relations préférentielles, avec l’Ile-de-France et Rhône-Alpes révèle la géographie scientifique et industrielle française. Des relations significatives apparaissent aux côtés de ces axes majeurs et se détachent progressivement du tissu dense de relations moins suivies. On peut citer les liens avec la Bretagne et le Nord-Pas-de-Calais dans le cas du pôle SCS (figure 1a) et les liens avec la Bretagne, le Languedoc et Midi-Pyrénées dans le cas du pôle Mer. La même logique est sensible dans le cas des porteurs de projet, initialement très concentrés en PACA. Au fur et à mesure des générations successives de projets, la part des projets portés hors de PACA augmente, dans un premier temps au profit des grandes régions industrielles et scientifiques puis de manière plus diffuse sur l’ensemble du territoire et ce pour tous les pôles. Les réseaux des pôles restent sans surprise polarisés par la région PACA mais on observe néanmoins une densification et un maillage progressif à l’échelle nationale. Le nombre de régions concernées augmente, même si les liens restent parfois modestes. C’est aussi le développement de liens extérieurs à PACA qui marque : les dernières générations de projets notamment présentent des liens qui ne passent pas par la région PACA. Ce phénomène est évidemment concomitant de la diffusion des porteurs de projets mais témoigne d’une nette ouverture, au-delà des limites régionales.

Figure 1a

Les réseaux du pôle SCS à l’échelle nationale

Figure 1a

Les réseaux du pôle SCS à l’échelle nationale

Figure 1b

Les réseaux du pôle SCS à l’échelle régionale

Figure 1b

Les réseaux du pôle SCS à l’échelle régionale

22 Les mêmes processus peuvent être observés à l’échelle régionale, quoiqu’avec une intensité moindre. L’élargissement puis la densification des réseaux sont flagrants dans le cas du pôle SCS (figure 1b). Les deux pôles de Sophia-Antipolis et de Marseille-Aix-Rousset dominent les réseaux régionaux à l’origine avant qu’émergent des pôles secondaires autour de Montpellier, d’Avignon ou de Toulon. Le poids des pôles traditionnels de la microélectronique dans le pays d’Aix-en-Provence et des TIC à Sophia-Antipolis (Dang, Longhi, 2009) et son évolution sont aussi révélateurs des équilibres internes aux pôles. Ces recompositions régionales des réseaux doivent alors être mises en relation avec les dynamiques observées à l’échelle nationale, même si la cartographie masque ce lien. L’augmentation des liens avec l’extérieur passe en effet principalement par l’intermédiaire de Sophia-Antipolis tandis que les liens avec Rhône-Alpes présents en début de période étaient principalement le fait des acteurs des Bouches-du-Rhône (c’est notamment visible en adoptant une maille départementale).

23 Cette ouverture et cette densification peuvent être interprétées de deux manières. On peut y lire le succès de l’incitation de l’État à nouer de nouvelles relations de recherche. Elles sont aussi très certainement liées à une forme d’épuisement des projets locaux qui imposent de recourir à des partenariats extérieurs dans la recherche de nouvelles idées et de nouvelles compétences. L’élargissement géographique est aussi un élargissement thématique, conduisant à dépasser les spécialisations et les liens privilégiés traditionnels.

2.3 – Des dynamiques spatiales aux réseaux d’acteurs

24 Cette cartographie des réseaux offre une lecture assez fine de la distribution géographique des acteurs et des dynamiques spatiales des réseaux. Elle masque en revanche les relations de proximité et se heurte à l’imbrication des niveaux d’échelle puisque les projets collaboratifs associent souvent des relations de proximité (au sein d’un cluster par exemple) et des relations à plus grande distance. L’agrégation des liens et le regroupement des acteurs au sein des maillages administratifs masquent de même la structure des réseaux d’acteurs. Pour saisir pleinement les dynamiques des réseaux des pôles, il faut ainsi s’intéresser aux réseaux des acteurs, ce que permettent les données relationnelles dont on dispose et l’utilisation des méthodes d’analyse des réseaux sociaux. Dans ce réseau, les nœuds sont les entreprises et laboratoires et les liens les coparticipations dans des projets de recherche.

25 La représentation des réseaux d’acteurs permet de s’abstraire, au moins temporairement, de la localisation géographique des acteurs. Il ne s’agit pas là d’abandonner tout questionnement géographique puisque ce détour permet au contraire d’expliquer les dynamiques spatiales des réseaux décrites plus haut et de saisir avec plus de finesse l’organisation spatiale des réseaux de projets de recherche collaborative. En ne retenant que les relations suivies dans le temps (méthode des m-cores [2]), on peut par exemple identifier des sous-groupes d’acteurs (méthode des factions [3]), comme le montre la figure 2 pour les pôles Mer et SCS.

Figure 2

Le réseau d’acteurs du pôle SCS : logiques spatiales et types d’acteurs

Figure 2

Le réseau d’acteurs du pôle SCS : logiques spatiales et types d’acteurs

26 Dans le cas du pôle SCS, on observe une concordance marquante entre les frontières des quatre factions et la localisation représentée par la couleur des nœuds, mais aussi l’existence de facteurs supplémentaires. Les acteurs des Bouches-du-Rhône se partagent entre deux factions. La première rassemble les grands groupes de la microélectronique (tels que ST Microelectronics et Gemalto) et des laboratoires de recherche de grandes écoles ou d’organismes nationaux (CEA, Telecom Paris Tech). La seconde est composée de PME des secteurs de la microélectronique et des applications mobiles et sans contact, et de laboratoires de l’université locale (IM2NP, IUSTI). On observe de la même manière deux groupes à dominante sophipolitaine. L’un, autour de l’école d’ingénieur Eurecom spécialisée dans les télécoms, rassemble des entreprises spécialisées dans les logiciels et le traitement des données et est caractérisé par une relative ouverture géographique. L’autre est composé d’entreprises de la microélectronique et des télécoms autour de Thales Alenia Space et d’Orange Labs mais aussi de l’INRIA et témoigne des liens privilégiés des acteurs sophipolitains avec Rhône-Alpes et l’Ile-de-France. Cet exemple montre l’intérêt de l’approche par les réseaux sociaux dans un questionnement géographique et incite également à prolonger l’analyse en mettant en relation dynamiques spatiales et dynamiques structurales.

27 La phase de mise en place des pôles et les premières générations de PRC, sont caractérisées par la présence d’un cœur formé par des liens assez denses entre les acteurs clés de ces pôles, souvent les membres fondateurs. Le passage à un fonctionnement « de croisière » des pôles se traduit à la fois par une permanence de ces relations et par l’ouverture des réseaux à de nouveaux acteurs. On peut rendre compte de ce dernier mouvement en faisant la liste des acteurs qui occupent une position centrale dans les réseaux des pôles. On utilise pour ce faire l’indice de centralité par les vecteurs propres ou eingenvector centrality qui est le plus adapté pour des réseaux valués (pour une discussion des indices de centralité, voir Borgatti, Everett, 2006). Comme le montre la figure 3, la part des acteurs régionaux dans le cœur du réseau (les 50 nœuds les plus centraux [4]) diminue pour tous les pôles, même si on observe des variations d’intensité.

Figure 3

Les recompositions accélérées des réseaux des pôles : nouveaux acteurs et nouveaux territoires

Figure 3

Les recompositions accélérées des réseaux des pôles : nouveaux acteurs et nouveaux territoires

28 L’analyse des réseaux d’acteurs permet en outre d’identifier de nouveaux équilibres entre les acteurs (figure 3). Dans les pôles issus de réseaux principalement industriels, on observe la progression des acteurs académiques en position centrale tandis que dans les pôles nés de réseaux scientifiques, ce sont les industriels qui apparaissent. Le pôle Optitec est par exemple né des réseaux scientifiques marseillais dans l’optique photonique, réunis au sein de l’association POPSUD. La création du pôle a constitué une opportunité pour intégrer à ces collaborations des partenaires industriels, notamment aixois et marseillais. À l’inverse, les industriels de la microélectronique, dominants lors de la création du pôle SCS reculent au profit des acteurs académiques.

29 Ces observations empiriques retrouvent dans le cas des pôles les modèles centre-périphérie et les dynamiques d’ouverture mises en lumière dans les travaux sur l’évolution des réseaux d’innovation dans le temps (entre autres, Dousset, Gay, 2005 ; Ter Wal, 2008). De la même manière, le rôle de gatekeepers industriels ou académiques dans l’élargissement des réseaux a bien été montré (Rychen, Zimermann, 2008). Il faut cela dit noter l’extrême rapidité de ces évolutions qui se déroulent sur 6 années et sont de plus lissées par l’utilisation de fenêtres mobiles. L’impact de la politique des pôles semble donc réel. Plus que cette approche classique des réseaux d’acteurs, ce sont toutefois les réseaux de lieux qui sont au cœur de cet article.

3 – Spatialiser l’approche des réseaux d’acteurs

3.1 – Les limites des cartes de flux

30 Les sections précédentes ont montré les apports respectifs de la cartographie des réseaux et de l’utilisation des méthodes d’analyse des réseaux sociaux. En croisant ces deux approches, on peut tracer des réseaux qui relient des villes et passer « du niveau microgéographique » des acteurs « au niveau macrogéographique » des réseaux de villes (Comin, 2009, p. 173), tout en palliant les lacunes de la cartographie classique (Maisonobe, 2013).

31 Alors que les cartes de flux mettent au cœur du processus les nœuds (en l’occurrence les lieux), les graphes de type réseaux sociaux privilégient l’entrée par les liens. Contrairement à ce que leur nom laisse penser, les premières posent comme contrainte première la localisation géographique des lieux (leur position dans un référentiel spatial), tandis que les seconds positionnent les nœuds en fonction des liens et de l’intensité des relations dont ils témoignent. L’approche cartographique renseigne sur la distance physique entre les lieux mais elle est de ce fait tributaire de la distribution spatiale des lieux étudiés et donc des jeux d’échelles cartographiques. Très concrètement, il est difficile de représenter un réseau associant deux lieux très proches et un troisième très éloigné. Les graphes de type réseaux sociaux, en s’affranchissant de la distance physique, échappent à ce problème.

32 Le choix d’un corpus de 7 pôles inscrits dans une même région montre bien l’acuité de ces questionnements. À l’échelle régionale et malgré quelques spécificités, les réseaux des pôles se construisent tous autour des mêmes lieux structurants que sont les territoires métropolitains ou à échelle plus fine les clusters et technopôles. La géographie des réseaux procède ainsi en grande partie de la géographie des systèmes productifs régionaux. Dans le cas de la région PACA, on observe d’un pôle à l’autre la place des métropoles marseillaises et niçoises et à échelle plus fine, du technopôle de l’environnement de l’Arbois à Aix, du technopôle de Sophia-Antipolis ou du cluster microélectronique de Rousset-Gémenos. D’un pôle à l’autre, ce ne sont donc pas les acteurs et les territoires dans lesquelles ils sont implantés qui varient le plus mais bel et bien leur place plus ou moins centrale dans les réseaux. Or, la cartographie peine à rendre compte de cette centralité, puisqu’elle reste tributaire de la localisation géographique. De la même manière, les relations intra-métropolitaines et les relations à échelle régionale ne peuvent être représentées sur la même carte. Il semble ainsi intéressant d’appliquer les méthodes de représentation des réseaux sociaux non plus au réseau des acteurs mais aux liens entre les lieux qui en découlent.

33 La figure 4 présente les réseaux issus de l’agrégation des membres des projets et de leurs relations selon une maille communale. On obtient ainsi un réseau valué similaire au réseau des acteurs mais dont les nœuds sont des communes et les liens le nombre de relations entre les acteurs localisés dans les communes concernées. Comme pour les réseaux d’acteurs, on utilise l’algorithme de Fruchterman-Reingold [5] pour la disposition des nœuds sur la figure, ce qui permet de privilégier la structure du réseau sur la distribution spatiale des communes concernées et donc de mettre en avant les liens plutôt que les nœuds. Afin d’isoler les relations les plus structurantes, on applique la méthode des m-cores. Ce type de représentation reste toutefois tributaire des mailles administratives qui ne sont pas toujours pertinentes et ont un impact significatif sur la forme des réseaux (Maisonobe, 2013). On pourrait agréger les acteurs selon d’autres découpages (agglomérations, technopôles…) mais ce type de procédure est extrêmement lourd et réclame des données fines. Dans notre cas, la maille communale, si elle n’est pas optimale semble suffisamment fine pour observer l’ancrage régional des pôles.

3.2 – Les pôles de PACA : des réseaux différents sur un même territoire

34 Ces graphes présentent des similarités évidentes avec les cartes de liens, mais en représentant les liens sur une même figure, quelle que soit la distance entre les lieux, ils donnent une toute autre image de la structure des réseaux. Les relations de proximité sont mises en valeur, de même que les communes les plus centrales et la forme de leurs sous-réseaux. On peut alors distinguer de manière synthétique deux schémas dominants parmi les 7 pôles étudiés.

35 Un premier type rassemble des réseaux bipolaires symétriques, dans lesquels deux nœuds se détachent au sein d’un noyau de relations plus ou moins dense. Chacun d’eux polarise un ensemble de nœuds rejetés en position périphérique. C’est le cas des pôles Risques, autour de Marseille et Aix-en-Provence, et Eurobiomed, autour de Montpellier et Marseille. Si le cœur du réseau du pôle Risques est un peu plus dense, on distingue dans les deux cas des effets de proximité limités et une concentration dans les grandes villes qui traduit la part des acteurs académiques dans ces deux pôles.

36 Le pôle Capénergies peut être inclus dans cette catégorie même si son réseau est dominé par trois nœuds, Marseille, Aix-en-Provence et Saint-Paul-les-Durance (siège d’Iter et du CEA). Si les communes de la partie est de la région sont tout aussi peu présentes, la densité des liens au sein du noyau du réseau et des liens extrarégionaux plus nombreux le distinguent des deux pôles précédents.

37 Les quatre autres pôles présentent eux aussi une structure bipolaire mais, outre la densité très supérieure de leurs réseaux, on distingue nettement des sous-réseaux que dominent les nœuds principaux. Dans le cas du pôle SCS, les acteurs de la commune de Valbonne (Sophia-Antipolis) dominent un réseau rayonnant principalement composé d’entreprises et laboratoires de communes extrarégionales et qui ne comptent pas de porteurs de projets. À l’Ouest, si les acteurs marseillais se détachent par le nombre de projets portés, le réseau est beaucoup plus maillé et multipolaire. Les logiques infra-métropolitaines notamment sont particulièrement visibles à travers la place d’Aix-en-Provence et des acteurs des communes du cluster microélectronique de Rousset-Gémenos et de ses communes voisines. Les relations entre Est et Ouest sont denses mais elles sont pour partie relayées par des territoires extrarégionaux qui rappellent le rôle des acteurs franciliens, rhônalpins et bretons. Les caractéristiques des territoires et des réseaux qui préexistaient aux pôles jouent un rôle évident. On retrouve par exemple dans ce cas du pôle SCS les réseaux industriels de la microélectronique provençale et les réseaux scientifiques des grandes écoles de Sophia-Antipolis davantage ouverts sur l’extérieur et notamment sur l’Ile-de-France (Dang, Longhi, 2009).

38 Cette structure se répète de manière très similaire dans les autres pôles de ce groupe, même si les logiques sous-jacentes diffèrent. Le réseau de Pégase oppose nettement un sous-ensemble dense et maillé – principalement constitué par les acteurs des communes des Bouches-du-Rhône, cœur de l’aéronautique régionale – et un sous-réseau polarisé par Toulouse et qui intègre pour une bonne part des entreprises des communes du Sud-Ouest liées au système territorial de l’aéronautique toulousaine. La figure montre de manière flagrante le rôle de tête de réseau joué par les acteurs toulousains qui font le lien entre ces réseaux régionaux et celui de l’aéronautique provençale.

39 Le pôle Optitec présente un négatif quasi exact du réseau de SCS puisque c’est cette fois les acteurs marseillais qui organisent de manière rayonnante les relations avec l’extérieur tandis que les entreprises des communes de la couronne métropolitaine forment un réseau plus maillé avec Sophia-Antipolis. L’originalité de la concentration de l’optique-photonique dans le cœur de l’agglomération marseillaise peut être interprétée comme la conséquence de la jeunesse de cette filière et de ses liens avec le monde académique. Au sein du pôle Mer enfin, le réseau s’organise autour d’un noyau dense constitué notamment par les entreprises et laboratoires situés à Marseille et Sophia-Antipolis et d’un second pôle autour de Toulon qui domine, lui, un réseau rayonnant. Il apparaît même que les anciens chantiers navals et leur tissu de PME issues de la crise et de la reconversion de ces territoires penchent vers Marseille autant sinon plus que vers Toulon. La position de Toulon est très liée à l’Ifremer et à DCNS, c’est-à-dire à l’héritage de l’arsenal, ce qui semble rejaillir dans ses réseaux. Le tissu marseillais d’entreprises du domaine maritime issu des recompositions du système productif portuaire à partir des années 1960 (Garnier, Zimmermann, 2006) semble inséré dans des réseaux plus denses et bénéficie également du relais des laboratoires de l’université d’Aix-Marseille.

3.3 – Discussion : l’imbrication des échelles et un jeu de combinatoires

40 Ces résultats confirment à un premier niveau les apports des travaux récents sur les dynamiques spatiales des réseaux d’innovation et le rôle clé de certains acteurs, à l’interface de réseaux locaux et régionaux et de réseaux nationaux. Il convient toutefois de souligner l’importance et la rapidité de l’ouverture des réseaux des pôles de compétitivité, et ce à différentes échelles, que confirme la comparaison de 7 pôles d’envergure différente. L’ouverture des réseaux à de nouveaux acteurs à l’échelle nationale est en effet concomitante d’une ouverture similaire à l’échelle régionale. On identifie clairement des logiques héritées des réseaux préexistants : le pôle SCS s’appuie par exemple sur les réseaux biens structurés de la microélectronique en PACA. La politique des pôles a toutefois contribué à remanier en profondeur ces derniers à différentes échelles (en y intégrant de nouveaux laboratoires et entreprises à l’échelle locale et en créant des liens entre des réseaux déjà existants à l’échelle régionale).

41 Cet article montre donc la nécessité d’introduire des temporalités politiques dans le modèle du cycle de vie des clusters (Ter Wal, Boschma, 2011). En effet, lors du lancement des pôles, les réseaux d’innovation étaient inégalement structurés et associaient des clusters inégalement matures (à l’image du contraste entre le cluster émergent de l’optique-photonique à Marseille et celui plus mature des TIC à Sophia-Antipolis). Malgré cela, sous l’effet de la politique nationale, tous les pôles connaissent une même dynamique accélérée d’ouverture. Ces résultats demanderaient bien sûr à être validés dans le cas d’autres pôles. Si la région PACA abrite des pôles très différents qui peuvent sembler représentatifs de la diversité des 71 pôles français, elle est aussi une des seules régions à posséder autant de pôles, ce qui peut peser sur les dynamiques régionales des réseaux.

42 Ces résultats montrent enfin l’intérêt de croiser approche spatiale et approche relationnelle pour saisir les dynamiques spatiales des réseaux à différentes échelles. En appliquant les méthodes d’analyse des réseaux sociaux aux réseaux d’acteurs spatialisés, on pallie à la fois les lacunes de la cartographie qui masque la structure des réseaux et celles de l’approche par les acteurs qui conduit à une lecture local/global réductrice. En effet, contrairement aux cartes, les réseaux des figures 4a et 4b permettent de comparer la structure des réseaux spatialisés. On constate notamment que d’un pôle à l’autre, les acteurs de mêmes territoires clés (clusters et technopôles) sont représentés mais que leur place dans les réseaux peut varier significativement. La structure des réseaux diffère aussi sensiblement d’un pôle à l’autre : le cas des acteurs sophipolitains qui tantôt polarisent fortement le réseau, tantôt s’insèrent dans un réseau maillé, est un exemple marquant. On retrouve ainsi la typologie des clusters proposée par A. Markusen qui distinguait des districts de type italien, des districts rayonnants marqués par la présence de grands groupes et des districts à ancrage public dominés par des entreprises ou organismes de recherche publics (Markusen, 1996). Cette classification correspond parfaitement aux formes observées dans les réseaux des pôles, à ceci près qu’A. Markusen analysait des réseaux d’acteurs à l’intérieur des clusters, sans prendre en compte la dimension spatiale. Le tableau 2 propose quant à lui une typologie des réseaux des pôles qui ajoute à ce type de classification une description plus précise des dynamiques spatiales. Elle suppose de dépasser les frontières des clusters et les frontières sectorielles, ce que permet la combinaison des approches spatiales et relationnelles.

Figure 4a

Une représentation par les réseaux sociaux des réseaux de lieux (1)

Figure 4a

Une représentation par les réseaux sociaux des réseaux de lieux (1)

Figure 4b

Une représentation par les réseaux sociaux des réseaux de lieux (2)

Figure 4b

Une représentation par les réseaux sociaux des réseaux de lieux (2)

Tableau 2

Approche relationnelle et approche spatiale : typologie de l’organisation spatiale des pôles

Tableau 2
Pôle Structure du réseau d’acteurs Acteurs clés Organisation spatiale du réseau Lieux et territoires principaux Ouverture extra-régionale Dynamiques Cap-énergies Fragmenté Membres fondateurs (CEA, EDF), Hélion Maillé et centré sur les BdR Cadarache Rayonnement national et DOM - Eurobiomed Fragmenté Académiques et PME. Peu de grands groupes (Sanofi, Virbac) Rayonnant autour de Marseille et Montpellier Marseille et Montpellier Position périphérique dans les réseaux nationaux (IdF et Sud-ouest) Recentrage sur PACA Optitec Maillé PME innovantes (SESO, Light Technologies), Institut Fresnel Polarisé par Marseille Technopôle de Château-Gombert et campus marseillais Liens forts avec l’IdF Montée en puissance des industriels Pégase Maillé Eurocopter et ses réseaux industriels Maillé dans les BdR et rayonnant autour de Toulouse Marignane Polarisation par les grands groupes aéronautiques d’IdF, Aquitaine et Midi-Pyrénées Renforcement des acteurs de PACA Mer Centre-périphérie DCNS et IFREMER. Tissu de PME varoises et marseillaises Maillé autour de Marseille, rayonnant autour de Toulon Marseille-Toulon-Nice Rayonnement national, liens avec le littoral atlantique Montée des industriels, recul du Var Risques Maillé Place des académiques (CEREGE) et faiblesse du tissu industriel (Thales Alenia) Multipolaire. Aix-Marseille Technopôle de l’environnement d’Aix-en-Provence Position périphérique dans les réseaux nationaux Recul des acteurs régionaux SCS Centre-périphérie Grands groupes (ST Micro, Orange Labs) et organismes de recherche (INRIA, Eurecom) Technopôle de Sophia-Antipolis, cluster microélectronique de Rousset-Gémenos Maillé dans les BdR et rayonnant autour de Sophia Rayonnement national : liens privilégiés avec Rhône-Alpes et IdF Montée des PME, ouverture nationale par l’intermédiaire des acteurs académiques

Approche relationnelle et approche spatiale : typologie de l’organisation spatiale des pôles

Conclusion

43 Cette recherche s’intéresse à un cas original de réseaux de coopération science-industrie issus d’une politique nationale. Elle permet de confirmer les résultats de la littérature sur les dynamiques spatiales et temporelles des réseaux d’innovation mais en montrant que ces dynamiques peuvent être accélérées par une politique nationale. Elle a également montré les apports des réseaux sociaux à l’analyse de réseaux d’acteurs spatialisés, en palliant les limites de la cartographie.

44 D’un point de vue méthodologique et théorique, la combinaison de l’approche spatiale et de l’approche relationnelle offre de nouvelles pistes de recherche, notamment autour de la problématique des systèmes régionaux d’innovation (Doloreux, Parto, 2005 ; De Propris, Hamdouch, 2013). Bien que ce ne soit pas son but principal, la politique des pôles a contribué à faire émerger ou renforcer en PACA des réseaux régionaux entre les clusters existants mais aussi entre les entreprises et laboratoires de champs sectoriels différents. La structure de ces liens transversaux et leurs retombées en matière d’innovation demanderaient ainsi à être évaluées, non plus pôle par pôle, mais à l’échelle de la région PACA. En outre, si les projets des pôles sont une source de données particulièrement riche, il reste à confronter les réseaux issus de cette politique aux réseaux de collaborations qui se déroulent hors du cadre des pôles, pour lesquelles les données sont souvent peu accessibles. L’originalité de la politique des pôles, qui conduit à mettre en réseau différents clusters et technopôles, pose la question de la transposition de ces résultats à d’autres clusters policies.

45 Le défi est de fait également politique. Si les réseaux occupent une place croissante dans les politiques d’innovation et d’aménagement, il semble que les outils permettant aux acteurs publics, de l’État aux collectivités, d’identifier, d’accompagner et d’évaluer les réseaux d’innovation sont encore en grande partie à créer. On peut ainsi s’étonner que ni les différentes opérations d’évaluation des pôles (CM International), ni le suivi effectué par l’État [6] n’aient intégré de données de nature relationnelle. De ce point de vue la combinaison de la cartographie et des méthodes d’analyse des réseaux d’acteurs offre des pistes aux collectivités qui apparaissent souvent démunies lorsqu’il s’agit d’accompagner (et notamment de financer) des réseaux dont l’envergure spatiale dépasse leur périmètre de compétence et dont l’inscription territoriale leur échappe. La territorialisation des réseaux et leurs évolutions constituent ainsi un enjeu scientifique autant que politique.

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Notes

  • [*]
    Auteur correspondant : antoine.grandclement@univ-lr.fr
  • [1]
    L’échelle internationale est volontairement laissée de côté, les partenaires internationaux constituant moins de 3 % des participations aux projets des pôles. On rencontre sans doute ici une des lacunes de cette politique, d’ailleurs peu évoquée dans la littérature.
  • [2]
    La méthode dite des m-cores consiste à ne retenir que les liens dont l’intensité est supérieure à un seuil donné
  • [3]
    La méthode des factions postule qu’un sous-groupe « idéal » est celui dont tous les membres sont reliés entre eux et entretiennent un minimum de relations avec l’extérieur (Hanneman, Riddle, 2005)
  • [4]
    La même analyse appliquée aux 20 nœuds les plus centraux a donné des résultats convergents
  • [5]
    Cet algorithme procède par itérations successives à partir d’une disposition aléatoire en rapprochant sur la figure les nœuds qui sont proches dans le réseau (la distance géodésique étant minimale), tandis que les nœuds qui ne sont pas reliés se « repoussent » (Hanneman et Riddle 2005)
  • [6]
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