Gestalt 2006/1 no 30

Couverture de GEST_030

Article de revue

Accueillir la souffrance

Échange avec Jean-Marie Delacroix

Pages 11 à 22

Notes

  • [1]
    Congrès du CEGT (Collège Européen de Gestalt Thérapie), 20-22 janvier 06, Bordeaux, La psychothérapie comme esthétique.

1Vincent Béjà : Jean Marie, j’ai souhaité t’interviewer à plusieurs titres sur le thème de la souffrance : tu as une expérience de thérapie au sein d’autres cultures, tu t’intéresses à d’autres voies pour aborder cette souffrance et enfin tu as une expérience personnelle du fait de ta rencontre avec la maladie. Je sais qu’il n’est peut-être plus nécessaire de te présenter au public de la revue mais pourrais-tu nous dire, en quelques mots, qui tu es et en quoi la souffrance te concerne ?

2Jean Marie Delacroix : Ce qui me vient en t’écoutant c’est mon expérience de thérapeute anthropologue en Afrique au cours de laquelle j’ai été amené à me poser la question de la frontière thérapie/anthropologie. Il m’a été donné de rencontrer le désarroi de ces Africains pris entre la culture du village et la culture européenne. Cela m’a ramené à ma propre histoire et m’a permis de prendre conscience de certains points encore insuffisamment reconnus pour pouvoir m’en dégager. Cela m’a amené à réaliser mon propre désarroi, celui de l’enfant du village, qui vient du monde paysan, face à la ville et à la culture universitaire. Je trouvais des similitudes entre mon histoire et la leur, leur souffrance et la mienne : la souffrance de la perte des racines.

3Ma curiosité de thérapeute anthropologue m’a aussi amené au Mexique et au Pérou, puis à recevoir une initiation, on peut le dire comme ça. Initiation à certaines pratiques thérapeutiques traditionnelles, notamment celles qui se font à partir d’états modifiés de conscience.

4J’ai pu ainsi me rendre compte à quel point la souffrance en lien avec les blessures de notre passé lointain est inscrite dans notre corps et jusque dans nos cellules. Ce qui, d’ailleurs, m’a questionné – et me questionne toujours – sur « qu’est-ce qui est thérapeutique ? », jusqu’à quel(s) fond(s) l’être humain doit-il être touché pour en sortir, ou pour diminuer l’impact de ses blessures. Concrètement, faudrait-il, par exemple, travailler sur les mémoires cellulaires ? Pourrions-nous envisager un travail d’awareness qui aille jusque là ? Personnellement aujourd’hui je le pense.

5V. B. : Ce que tu dis me conduit à la question suivante : « Est-ce que la thérapie peut vraiment quelque chose sur la souffrance ?»

6J. M. D. : Je pense que ce n’est pas la thérapie qui peut quelque chose sur la souffrance, c’est l’être humain souffrant, avec son désir de changement. La thérapie est un moyen pour accompagner le patient dans la mobilisation de ses énergies pour qu’il devienne actif dans la prise en charge de sa propre souffrance. C’est une redynamisation du désir de vivre.

7V. B. : Mais y-a-t-il une cessation possible de la souffrance, selon toi ?

8J. M. D. : Si je me fais mal au doigt, par exemple, j’ai une douleur physique que l’on va soigner, qui va cicatriser et je ne souffrirai plus. Mais peut-on le dire d’une blessure liée à notre histoire ? Pour certaines personnes, le fait même d’exister est une souffrance.

9Je peux émettre l’hypothèse, que, dans le processus thérapeutique, parler à un autre, le thérapeute et revivre éventuellement des bouts de cette souffrance en sa présence, ça l’atténue. Partager la souffrance avec un autre contribue à l’atténuer. Je pense que ce partage travaille sur l’acceptation de la souffrance, acceptation de ce qui fait mal. C’est accompagner la reconnaissance de ce qui a été. Je pense à ce qui se passe actuellement avec l’un de mes patients : « Oui, quand j’avais cinq ans mes parents m’ont abandonné », « Oui, quand j’avais douze ans, ma mère à nouveau est repartie ».

10Reconnaître que c’est arrivé, que ça fait mal. C’est là que je situe une partie de mon travail : accompagner l’autre pour qu’il sorte du déni, pour qu’il puisse reconnaître ce qui a été et ce qui est; reconnaître pour pouvoir passer à autre chose.

11Et peut-être que ça travaille sur la souffrance parce que ça permettrait d’être davantage en paix avec son histoire. Être en paix avec son histoire permettrait de relativiser la souffrance. C’est tout un processus qui travaille sur la reconnaissance, l’acceptation de ce qui a été – « cela fait partie de moi » - et aussi sur le pardon. Pardonner à ceux qui nous ont fait souffrir, à la vie qui a été aussi horrible avec nous.

12V. B. : C’est une conversion du cœur dont tu parles.

13J. M. D. : Oui, c’est juste. Pour travailler sur la souffrance il faut travailler sur le cœur, transformer le « j’en ai gros sur le cœur » en énergie de réconciliation et de pardon.

14Quand j’évoque le pardon, c’est pardonner aux autres mais aussi àsoi-même, se pardonner d’être ce qu’on est, d’avoir été ce qu’on a été... et d’être encore dans nos systèmes répétitifs.

15Je n’avais pas imaginé te parler de ça mais c’est en lien avec mon histoire médicale. Elle m’a amené à un chamboulement global qui m’a mis dans des moments de souffrance forte, des mouvements de souffrance de l’être profond. Souffrance de l’être d’avoir été dévié de sa trajectoire et souffrance de le voir en pleine conscience; une souffrance existentielle ou métaphysique si tu veux, venant d’une erreur d’orientation de vie; une erreur de sens, dans tous les sens du terme. Et c’est là où ça fait mal.

16Alors travailler sur la souffrance consisterait à travailler sur la ré-orientation, travailler à retrouver l’Orient, comme dirait Annick de Souzenelle. L’orient intérieur et à l’extérieur de nous : travailler à retrouver l’orientation à donner à notre rapport au monde et à nos systèmes de contact.

17V. B. : Jusque là nous avons parlé de la douleur comme étant localisée, située dans la personne, dans l’organisme...

18J. M. D. : Pour moi la souffrance est toujours en relation avec l’environnement. Si l’on prend le mot « stress », toutes nos tensions, douleurs, souffrances sont en lien avec un stress qui, lui-même, est toujours en rapport avec l’environnement ou provient de lui.

19Un moment je me suis dit que toutes nos blessures psychiques étaient en lien avec des blessures d’amour. Dans le fond on pourrait voir la souffrance comme l’expression d’une perturbation dans notre lien avec les autres, dans le rapport au monde. Et je pourrais dire aussi que c’est un signal d’alarme que notre organisme nous envoie pour nous signifier qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas ou mal dans le système de contact qui est co-construit avec l’autre.

20Donc, dans cette logique, ça ne sert à rien de travailler sur la souffrance; c’est sur le système de relation qu’il faut travailler.

21Si on prend l’exemple du mal de dent, je peux prendre de l’aspirine; ça va me soulager mais cela ne change pas la carie... Et si l’on va plus loin, soigner la carie n’améliore pas le rapport que j’ai avec la nourriture et avec l’environnement et qui – peut-être – est à l’origine de la carie.

22V. B. : Mais, pour rester dans ta métaphore, quand il s’agit d’une blessure précoce, c’est l’os lui-même qui est atteint...

23J. M. D. : Il faut alors travailler à la fois sur l’os et sur les systèmes qui l’ont détruit. C’est intéressant car je crois que quelque-fois nous avons à travailler avec le choc que la personne a reçu de l’environnement. Je pense à ces personnes qui sont gravement traumatisées par un accident d’avion par exemple ou par autre chose. On sait bien qu’elles s’en sortiront mieux et plus vite si elles peuvent parler rapidement de leur désarroi et de leur choc. Il y a un lieu qu’il faut aller voir, le lieu de la relation que l’individu entretient vis-à-vis de lui-même.

24V. B. : Si nous parlons encore de blessures précoces, ce que tu dis signifie l’intérêt d’aller dans des zones dites de régression.

25J. M. D. : Oui, mais comment y aller ? Avec des techniques supposées travailler sur la régression ? Ou bien va-t-on créer un contexte permettant à la régression d’émerger spontanément ? Dans ma compréhension et ma pratique de la Gestalt, je constate que la régression vient d’elle-même, sans être provoquée par une « technique » particulière. Et le contexte groupal en particulier peut permettre à des régressions d’arriver spontanément. C’est cela qui me semble intéressant.

26V. B. : Tu poses là la question de la posture du thérapeute et du paradigme au sein duquel il effectue ses interventions. Nous y reviendrons mais – et cela me semble lié – j’ai envie de t’interroger sur les variations possibles du rapport à la souffrance d’une société à l’autre.

27J. M. D. : Le rapport à la souffrance est effectivement différent d’une société à l’autre. Par exemple au Mexique ou en Afrique, quand il y a un coup dur, le social est beaucoup plus soutenant : la famille proche, la famille élargie, le quartier se mobilisent autour de rites collectifs et on va ensuite manger et boire ensemble.

28Quand une famille doit faire face à une dépense médicale importante, c’est toute la famille élargie qui va donner quelque chose. Il m’a semblé qu’il y avait, plus que chez nous, le support par la chaleur humaine, la solidarité et la générosité.

29V.B. : Est-ce qu’on peut – en tant que thérapeute – soutenir ou stimuler le système de soutien du patient ?

30J. M. D. : On peut utiliser l’écoute chaleureuse, l’empathie, l’enveloppement empathique. C’est ce que nous pouvons proposer en tant que thérapeutes : un enveloppement chaleureux. Non pas pour colmater la souffrance mais pour qu’elle puisse être accueillie et traversée et qu’on puisse arriver ailleurs, au soulagement, à la réconciliation.

31V. B. : Mais est-ce suffisant au regard de ce que font ces autres sociétés ?

32J. M. D. :Faire en sorte de pouvoir vivre avec la souffrance sans qu’elle soit trop active, cela nous renverrait-il à l’intériorisation du lien, de l’enveloppement, de l’étayage de la communauté quand elle est soutenante ?

33Je pense que, de toutes façons, la souffrance est l’un des constituants de l’être humain. On ne peut pas y échapper. Ce matin, en écoutant l’un des intervenants de ce congrès (1), j’ai réagi au mot « deuil ». Quand on arrive à un certain âge on se rend compte que la vie est une succession de deuils. Le processus thérapeutique aussi. Deuils de nos fonctionnements névrotiques et des bénéfices secondaires qu’ils nous apportent. Qu’on soit seul ou avec du soutien, on est toujours seul face au risque de mort; c’est seul que nous devons affronter les coups durs que la vie nous envoie.

34À partir de là, ce qui fait qu’on peut intégrer la souffrance dans notre histoire, c’est la démarche qui consiste à se rendre disponible pour se mettre dans un état de paix intérieure avec ces évènements qui nous font souffrir.

35Ce travail ne peut se faire que dans l’après-coup de l’évènement, avec ce qu’on a pu intérioriser des liens constructeurs, de l’estime de soi, de sa capacité à faire confiance à la vie et à donner un sens à ce qui nous arrive. Je pense qu’à cet endroit il est nécessaire de sortir des considérations psychologiques pour entrer dans quelque chose de l’ordre du spirituel.

36V.B. : En même temps il est essentiel qu’il y ait une reconnaissance, un accueil de cette souffrance par un Autre.

37J. M. D. :Oui. Qu’il y ait un partage. Il me semble qu’il est important de pouvoir dire à un autre le désespoir dans lequel nous pouvons être, la souffrance, la peur de mourir...

38V. B. : Nous utilisons en ce moment un vocabulaire : Pardon, Sens de la Vie, Cœur, Spirituel, etc... qui ne fait pas partie du langage de la théorie gestaltiste !

39J. M. D. : Oui. Je pense que nous avons à introduire ces thèmes et ces préoccupations dans la psychothérapie gestaltiste. J’aimerais écrire un livre qui traiterait explicitement de ces thèmes qui sont souvent rejetés car non crédibles ou évoquant le religieux. Pourtant la souffrance, qui est l’un des thèmes importants de toutes les formes de psychothérapie, nous amène à poser la question du lien entre Psychologique, Métaphysique, Spiritualité et à parler du clivage entre ces disciplines.

40V.B. : Mais à utiliser plus intensément ce vocabulaire et à mettre plus en avant ces thèmes, ne risque-t-on pas de s’éloigner de notre noyau théorique et, en quelque sorte, de dissoudre la Gestalt ?

41J. M. D. : Mais est-ce que la Gestalt à elle seule est à même de traiter de la souffrance ? Par contre, parlons du thérapeute. Je pense que l’accueil de la souffrance – et tout ce processus que nous venons de nommer – est en lien avec la qualité de la relation thérapeutique. Et la qualité de la relation thérapeutique est en lien avec la personne du thérapeute, son ouverture, son expérience de vie, son rapport personnel et intime avec la souffrance, sa capacité à entendre les dimensions autres que la dimension psychologique classique et que la dimension basique de la théorie du Self.

42Pour moi, ça va au delà. Un thérapeute qui soit à la fois bien enraciné, ici et maintenant, et qui en même temps soit – au sens propre – dans le transcendant, c’est-à-dire ouvert à ce qui est « au delà de... »; un au-delà de ce qui apparaît « ici et maintenant » et qui pourtant s’y enracine.

43V. B. : Je te suis bien mais en même temps ne risquons-nous pas de glisser dans la nébuleuse des thérapies dites transpersonnelles qui manquent parfois de cet enracinement dont tu parles ?

44J. M. D. : Peut-être, mais est-ce que la Gestalt de par son corpus théorique et de par sa préoccupation à élargir le champ de la conscience ne pourrait pas nous amener à mettre en forme tout ce qui est au delà du psychologique au sens habituel ? Je suis mal à l’aise. Tu as utilisé le mot de transpersonnel; ça laisserait sous-entendre que les thérapeutes qui font du transpersonnel ne seraient pas suffisamment enracinés pour accompagner des patients avec ces thèmes-là. Je ne suis pas d’accord. C’est comme si nous présentions la Gestalt comme étant supérieure !... Je pense surtout qu’elle gagnerait à être cohérente avec sa propre théorie et à rechercher des ajustements créateurs avec ce qui n’est pas elle et que, pourtant, elle contient en germe.

45V.B. : Je pense, comme toi, que la qualité du thérapeute est l’élément fondamental. Mais je cherche à éclairer avec toi ce qui – dans notre théorie et dans notre posture – pourrait nous rendre efficaces pour aborder la souffrance ainsi que, peut-être, ce qui pourrait nous entraver. Tout à l’heure, à propos de la régression, tu as suggéré l’importance, pour toi, du contexte – ainsi que du groupe – pour qu’émerge un mouvement spontané d’ajustement. Pourrais-tu développer ces aspects de ta pratique ?

46J. M. D. :Je vais te répondre. Mais auparavant je crois que nous devrions distinguer deux types de souffrance. Je pense à celle qui est en lien avec les évènements de la vie tels que les deuils, les maladies, les accidents, l’ensemble des évènements vitaux. Et puis il y a un autre type de souffrance dans lequel nous sommes pris, en lien avec les systèmes relationnels qui nous font souffrir et dont nous n’arrivons pas à nous défaire.

47En ce qui concerne les problèmes que j’appellerai existentiels (deuils, maladies...) il n’y a pas grand chose d’autre à faire que de proposer un lieu d’expression avec un accompagnement chaleureux, respectant la juste distance. Sur ces souffrances on pourrait reprendre l’idée gestaltiste de la question de l’assimilation. L’idée c’est de donner au patient un espace d’expression qui lui permette d’assimiler le choc. Cela peut prendre beaucoup de temps et être un long cheminement.

48V. B. : Un accompagnement dans lequel il n’y a pas grand chose d’autre à faire que d’être là...

49J.M. D. :Oui, respectueusement, silencieusement parfois. Quant aux autres patients, à mesure qu’ils prennent conscience de leurs systèmes névrotiques, ils conscientisent davantage la souffrance de fond qui s’y rapporte. C’est la souffrance de l’organisme vivant en état de déséquilibre qui fait qu’il n’y a pas ou peu de possibilité d’ajustement créateur. Dans ce cas là, le travail du thérapeute consiste à accompagner le patient pour qu’il interroge aussi le rapport qu’il entretient avec sa souffrance.

50V. B. : Que veux-tu dire par là ?

51J. M. D. : Eh bien par exemple qu’il se pose la question de la complaisance... En tire-t-il des bénéfices secondaires et lesquels ?

52V. B. : Je comprends ce que tu dis, bien que je trouve l’expression de « bénéfice secondaire » – issue de la psychanalyse – assez cynique et, au fond, malheureuse. Mais, concrètement, comment vas-tu t’y prendre pour permettre à cette souffrance relationnelle d’émerger ?

53J. M. D. : Je suis très attentif à l’affect qui circule. En groupe en particulier. Je suis attentif à cet affect qui relie les individus les uns aux autres, cet affect qui a une fonction de reliance des membres du groupe. C’est être attentif au « ça » des individus et au « ça » de la situation. L’attitude du thérapeute consiste à observer et à nommer ce qui se passe tout en laissant la place pour que ce qui est là puisse continuer à apparaître. Pour qu’émerge cette souffrance névrotique dont nous parlons. La souffrance par exemple en lien avec les secrets de famille, avec ce que l’on perçoit comme honteux dans notre histoire et dans l’histoire familiale, avec ce qu’on n’ose pas dire, toute cette souffrance sous-tendue par le couplage introjection-rétroflexion, par la difficulté à aller dans le sens de son désir...

54V. B. : Tu dis donc que ton travail consiste à chercher à créer les conditions d’émergence de la souffrance névrotique...

55J. M. D. : Oui, c’est une partie de mon travail : créer les conditions de déploiement du self. C’est ainsi qu’en groupe, au moins dans les premiers temps de l’histoire du groupe, je suis attentif à ce que se constitue une enveloppe groupale de protection qui permette l’émergence de ce qui est souffrant dans la personne. Trois éléments se précisent là pour moi à propos des groupes :

  • Le groupe dans sa fonction d’enveloppe.
  • La force agissante du self – son « pouvoir » selon PHG.
  • La présence soutenante qu’apporte le thérapeute à l’expérience en train de se dérouler, qu’il s’agisse de régression, de remémoration, de reviviscence de ressentis émotionnels...

56V. B. : À propos de ce qui se passe en groupe, tu parles de la force du self. Parles-tu du self des individus du groupe ou d’un self du groupe ?

57J. M. D. :Pour moi, dans la théorie du self de Perls et Goodman, cela n’a pas de sens de parler du self des individus. Le self est à la frontière et cela suppose d’être au moins deux. Et c’est d’ailleurs cela qui pourrait nous amener à la notion de self groupal, notion à propos de laquelle il y aurait un immense travail de réflexion et sur laquelle je me suis un peu penché et que semble vouloir explorer aujourd’hui l’Institut de Gestalt de New York.

58V. B. : C’est une question passionnante et qui serait un autre débat que le nôtre aujourd’hui. Mais, pour aller vers la fin de notre entretien, revenons – si tu veux bien – au thérapeute...

59J. M. D. : On pourrait dire que tout cela nous ramène effectivement au rapport que le thérapeute entretient avec sa propre souffrance. Il doit en effet faire la part entre ce qui est de sa propre souffrance, ce qui est de la souffrance du patient et puis, éventuellement, ce qui est de la rencontre de leurs deux souffrances.

60V. B. : Il s’agit, si je te comprend bien, de ne pas confondre les souffrances. La souffrance du thérapeute ne doit pas envahir le client. Mais la souffrance du thérapeute entre en jeu dans la relation. C’est d’ailleurs ce qui, en quelque sorte, le « creuse » et lui permet d’accueillir l’autre.

61J. M. D. : Oui, c’est ce qui lui donne la sensibilité. C’est ce qui permet que quelque chose de l’histoire du patient entre en résonance avec quelque chose de l’histoire du thérapeute. Et cela peut devenir le « creuset », le lieu où ça travaille sur la transformation. V. B. : Et c’est ce qui permet, au fond, la rencontre.

62J. M. D. : Ça entre en résonance à des niveaux et des endroits plus ou moins similaires et, si le thérapeute est assez à l’aise avec cette souffrance, la rencontre peut s’effectuer. À partir de ce point de résonance, c’est ainsi que se constitue ce que j’appelle la troisième histoire, l’histoire de la relation thérapeute-patient qui se fonde sur la rencontre d’éléments venant de l’histoire de l’un et de l’autre.

63En discutant avec toi je m’aperçois à quel point ce thème est difficile !…

64V. B. : Oui. Nous sommes loin d’une discussion conceptuelle à laquelle le regard « objectivant » de PHG nous a familiarisés. Nous sommes en plein dans la matière des affects et de notre humanité. Peut-être pourrions-nous nous arrêter là ?

65J. M. D. : Oui. Je te remercie.

66V. B. : Moi aussi !...

figure im1


Date de mise en ligne : 01/07/2006

https://doi.org/10.3917/gest.030.0011

Notes

  • [1]
    Congrès du CEGT (Collège Européen de Gestalt Thérapie), 20-22 janvier 06, Bordeaux, La psychothérapie comme esthétique.

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