L’ouvrage de Hans Esselborn n’est pas une histoire de la science-fiction allemande. Ce serait doublement vain, d’une part parce que la science-fiction comporte de multiples sous-genres, fantasy, cyberpunk, space-opera etc., et d’autre part parce qu’elle ne saurait être détachée, ni du terreau, ni des interférences voire des hybridations avec les productions du même type d’autres aires linguistiques et culturelles. L’étude d’Esselborn se focalise sur la littérature, essentiellement sur le roman, et suit un fil directeur, le concept d’« esthétique du futur ». C’est dans cette perspective qu’il en replace l’émergence et l’évolution entre futurologie et utopie, entre mise en scène du progrès et crainte du déclin, dans des univers étrangers ou parallèles où évoluent des êtres dont l’altérité nous divertit et nous questionne.
Pour tenter d’en cerner les contours, Esselborn analyse diverses tentatives de définition et s’appuie notamment sur Darko Suvin dont il retient les notions désormais classiques de « cognitive estrangement » et de « novum ». La synthèse qu’il en dégage fonde sa propre démarche :
La science-fiction est le déploiement narratif d’une pensée du possible, d’une manière cohérente et méthodique qui exige et permet une explication rationnelle. En partant d’un moment nouveau marquant, généralement installé dans le futur, d’un « novum » fait de technique, de science et de société, on construit des mondes alternatifs, des sociétés futures et des êtres étrangers qui se distinguent fondamentalement de l’environnement empirique de l’auteur, tout en y renvoyant implicitement…