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Article de revue

Pour une promotion des femmes dans le monde scientifique

Pages 23 à 35

Notes

  • [*]
    Responsable éditoriale de la revue Géoéconomie.
  • [1]
    Enquête de l’Observatoire des ingénieurs, IESF, 2012.
  • [2]
    PISA, 2012.
  • [3]
    B. Schapira, Mathématicienne, CNRS, 2010.
  • [4]
    C. Mollard, F. Soulié, « Rôle des enseignants dans la diffusion des stéréotypes de sexe », CNRS, 2012.
  • [5]
    F. Dumontier, D. Guillemot et D. Méda, « L’évolution des temps sociaux au travers des enquêtes ‘Emploi du temps’ », Économie et statistique, 2002.
  • [6]
    C. Haigneré « Nous devons briser le premier plafond de verre dont les femmes sont victimes », Huffington Post, 2015.

1Géoéconomie : Quel bilan faites-vous aujourd’hui de la place et du rôle des femmes dans le monde scientifique ?

2Claudie Haigneré : Nous ne sommes pas dans un équilibre satisfaisant. Les jeunes filles, lorsqu’elles terminent leurs études, représentent 47 % à 50 % des effectifs dans les filières scientifiques. Lorsqu’on se penche sur les filières scientifiques d’engagement (ou orientation) professionnel(le), ce chiffre passe à peine les 15 % dans les métiers IT (technologies de l’informatique), atteint les 26 % pour les carrières d’ingénieur et 30 % dans les métiers scientifiques [1].

3Si je prends du recul par rapport à ma propre génération, où l’on avait le sentiment de connaître une progression, certes lente, mais régulière ; il semblerait que, depuis cinq à dix ans, l’on ait atteint un « plateau ». La tendance spontanée à pouvoir aller vers davantage de mixité semble s’être affaissée, ce qui nous impose une vigilance et des actions positives pour éviter que ce « plateau » perdure et permette à la dynamique de s’accélérer.

4Nous sommes dans une société de la connaissance, une économie du savoir, qui nécessite la mobilisation de l’ensemble des talents pour progresser, c’est-à-dire les hommes et les femmes. En n’augmentant pas le nombre de femmes, on se prive en réalité d’une partie des talents qui nous permettraient d’être plus efficaces et créatifs dans cette économie du savoir.

5Géoéconomie : Aujourd’hui, les femmes continuent d’être minoritaires dans les carrières scientifiques. Quelles sont les raisons de ces inégalités selon vous ? D’après votre expérience de terrain mais aussi votre parcours de dirigeante, quelles solutions doivent-être mises en place pour une meilleure représentativité des femmes au sein du monde scientifique, et dans le monde du travail en général ?

6Claudie Haigneré : Je pense qu’il y a plusieurs raisons à ces inégalités. Je définis en général trois étapes du parcours d’une femme pour lesquelles il nous faut être vigilants et agir. Il y a tout d’abord la scolarité et la formation de la personnalité, qui amène à l’orientation professionnelle. Ensuite, la partie « parcours et carrière professionnelle », et enfin la partie « reconnaissance de l’expertise et du talent », fameux « plafond de verre » symbolisé par l’accès à des comités exécutifs, des postes à responsabilité, ou des instances de sélection. On observe tout au long de ces trois étapes que la place des femmes se réduit au fur et à mesure, passant de 40 % à la première étape à moins de 10 % lors de la dernière.

7Concernant la première phase, il y a plusieurs types de raisons qui font que la perception des filles et des garçons à l’égard de la science n’est pas identique (ou superposable).

8Tout d’abord les clichés et stéréotypes peuvent apparaître très tôt dans la sphère familiale, par le choix des cadeaux ou dans la façon de considérer les enfants différemment en fonction de leur genre (reconnaître les qualités de douceur et d’empathie pour les petites filles et celles d’audace et de témérité pour les petits garçons par exemple). Ces clichés sont ensuite largement véhiculés dans les magazines, à la télévision et dans les manuels scolaires. La manière dont une petite fille perçoit sa place et prend un rôle dans un même environnement sera donc différente de l’attitude du petit garçon par l’action du contexte d’éducation tant formel qu’informel.

9À titre d’exemple, lorsque j’étais présidente d’Universcience, nous avons fait effectuer par des chercheurs une étude sur nos expositions concernant cette problématique de genre.

10Alors que je pensais être attentive à ces sujets – et je le suis – avec un comité de direction tout à fait paritaire, et une attention redoublée sur les expositions, l’étude a souligné qu’il subsistait des stéréotypes de genre dans nos propres expositions. Les voix sachantes étaient des voix masculines tandis que les voix d’orientation étaient féminines. En outre, le nom, la fonction et le lieu de travail des hommes étaient systématiquement précisés tandis que les femmes restaient des anonymes dans les présentations. De façon involontaire, nous avions laissé ces clichés s’infiltrer. Il faut donc être vigilant, auto-critique et correcteur, avec ténacité.

11Le problème récurrent de la confiance en soi chez les jeunes filles et particulièrement dans le domaine scientifique est également un facteur important. Une étude PISA [2] a prouvé que le sentiment d’efficacité personnelle en science était moindre chez les filles que chez les garçons, à résultats égaux. Une étude du CNRS [3] a également montré qu’un exercice de mathématiques, s’il était présenté sous forme de jeu, était mieux réussi par les filles que par les garçons. Inversement, présenté comme un problème mathématique, il était moins bien réussi par les filles.

12Ce problème vient parfois des professeurs eux-mêmes, qui s’adressent dans les matières scientifiques plus souvent aux garçons qu’aux filles. Selon certaines études [4], sur une année scolaire, les filles ont en moyenne 30 % de sollicitations de moins que les jeunes garçons par le professeur de mathématiques.

13Ces stéréotypes sont donc profondément enracinés dans l’éducation, qu’elle soit formelle ou informelle.

14Le troisième élément qui ressort lorsqu’on interroge les jeunes filles sur leur représentation des métiers scientifiques, c’est la mauvaise connaissance qu’elles en ont. L’action possible pour remédier à ce problème serait que des jeunes femmes scientifiques, des jeunes femmes ingénieures (l’aspect générationnel est également important et il faut proposer des modèles de grandes sœurs ou de mères qui évoluent dans ce milieu) viennent parler de leur métier au sein des établissements scolaires. Ainsi, les représentations s’en trouveraient changées dans l’esprit des jeunes filles. On pense encore en effet souvent d’un chercheur qu’il est isolé dans son laboratoire, que les métiers scientifiques n’offrent pas la possibilité de lien social, ni de progrès concret dans la société. Les jeunes filles s’engagent ainsi souvent vers les métiers du social, du care, de la médecine, là où elles ont l’impression de jouer un véritable rôle de lien social, qu’elles ne pensent pas trouver dans les carrières scientifiques ou d’ingénieur, alors que ces métiers sont des métiers de passion, en équipe, ouverts à l’international. On comprend mieux l’importance de ce rôle de modèle quand on sait que 80 % des ingénieurs ont déjà un ingénieur dans leur famille proche, ce qui prouve qu’une mauvaise connaissance de ces métiers dissuade de s’y engager. Il faut donc essayer de changer l’image qu’a la filière scientifique en allant à la rencontre des jeunes filles pour leur présenter ces métiers et en ce qui concerne les sciences de l’ingénieur, il faut davantage les introduire dans les curriculae scolaires.

15Concernant la partie « carrière professionnelle », on peut évoquer le fameux phénomène du « tuyau percé » (leaky pipe). Alors même que 25 ou 30 % de femmes entrent dans la filière scientifique, on observe en effet qu’au fur et à mesure du temps, les femmes quittent ces carrières, d’où l’image du tuyau percé.

16Pourquoi y a-t-il une « fuite » à cette étape du processus ? Nous ne sommes certainement pas assez en mesure de donner l’occasion aux femmes de trouver un équilibre harmonieux entre vie professionnelle et vie privée au sein de l’entreprise ou de l’organisme public. Il faudrait plus de flexibilité dans l’organisation du temps de travail pour une meilleure adaptation au temps familial. Il faut également garder à l’esprit que 80 % des tâches domestiques sont, à notre époque encore, effectuées par les femmes [5].

17Enfin, les femmes sont souvent moins « revendicatrices » sur les conditions salariales, le salaire d’embauche ou le salaire de progression au sein de leur carrière : cela est tout à fait intériorisé, la différence salariale étant ressentie comme quelque chose de normal. Là encore, c’est un problème de confiance en soi et en sa propre représentation. Il faut bousculer cette étonnante intériorisation de ces différences propres aux femmes.

18Concernant le troisième aspect, le plafond de verre, la reconnaissance du talent et de l’expertise : même si environ 25 à 30 % de femmes choisissent une carrière scientifique, lorsqu’on arrive dans les cercles de décision et exécutifs, elles ne sont que très peu nombreuses.

19Cet aspect-là doit se travailler durant toute la carrière professionnelle, c’est ce que font déjà plusieurs entreprises avec des pools de femmes talentueuses à « potentiel » qu’on accompagne, qu’on mentore, qui prennent part à des réseaux (pas seulement féminins d’ailleurs) pour échanger des bonnes pratiques autant que des adresses et des opportunités. Avoir une diversité parmi les candidats est une chose, avoir une diversité représentative dans les instances de sélection en est une autre.

20Géoéconomie : Selon vous, « la mixité des approches est une force face aux grandes problématiques de ce monde, une chance et une nécessité pour les sciences[6] ». Quelles nouvelles perspectives ouvre la promotion de plus de femmes au sein du monde scientifique ?

21Claudie Haigneré : Dans cette économie du savoir et de la connaissance, il faut être créatif, innovant, apporter du progrès par la recherche scientifique et les développements technologiques. Pour cela, il faut un maximum de talents et donc se tourner vers le pool dans lequel on n’a pas encore puisé aujourd’hui, celui des femmes.

22Il est très important d’encourager les femmes à s’engager dans ces filières porteuses d’opportunités d’emploi. Cette disparité prive d’un potentiel de créativité et d’innovation, elle peut installer un cercle vicieux ou même provoquer des biais dommageables. Dans certains domaines, les chiffres sont très faibles et même assez dramatiques quand on regarde, par exemple, le nombre de femmes travaillant dans le secteur des nouvelles technologies de l’information (NTIC), les codeurs, les développeurs… Elles sont seulement 15 % dans les métiers de ce type. L’usage que nous allons faire de la révolution numérique actuelle s’adresse à une société mixte. Or toutes les applications que nous utilisons et allons de plus en plus utiliser dans notre quotidien sont conçues et écrites par une majorité d’hommes, ce qui, je pense, continue de véhiculer des expériences, des usages plus spécifiquement masculins que féminins. Ces sujets du numérique sont d’autant plus importants qu’ils vont impacter notre quotidien dans notre travail, dans notre relation à l’autre, dans notre façon d’élaborer des connaissances et de les partager… il faut donc y être très attentif.

23Dans le monde de la recherche, la contrepartie négative d’une parité mal respectée est que les travaux de recherche scientifique sont parfois biaisés. Ils se concentrent sur une vision masculine du monde non représentative de notre société.

24Pour prendre un autre exemple, dans certains domaines médicaux, l’influence marche dans les deux sens. Prenons l’exemple de l’ostéoporose : on a toujours considéré que cette maladie était liée à un problème de déficit hormonal au moment de la ménopause. On s’est donc intéressé à l’ostéoporose des femmes, mais aucunement à celle des hommes, alors qu’il existe une pathologie. Dans le domaine cardio-vasculaire, c’est l’inverse : on a toujours considéré que les hommes faisaient des infarctus du myocarde et pas les femmes, alors qu’on se rend compte aujourd’hui que ces dernières sont considérablement touchées. Il y a donc des biais dans la manière d’orienter et d’analyser les recherches du fait de cette disparité.

25Si on puise dans tous les talents, on aura ainsi une chance d’être plus efficace, plus innovant ; mais c’est également une manière d’éviter les biais et d’ainsi effectuer des recherches à plus fort impact et mieux adaptées aux véritables enjeux de notre société.

26Géoéconomie : Lors de votre expérience d’astronaute et de femme de sciences, avez-vous ressenti, d’une manière positive comme négative, une différence due à votre position de femme ?

27Claudie Haigneré : J’ai plutôt vécu comme un atout le fait d’être une femme. Une fois légitimée par l’expertise démontrée (à égalité de compétences), ma contribution au travail de l’équipe était appréciée grâce à la diversité des solutions que je pouvais apporter à la résolution d’un problème. C’est l’idéal auquel il faut tendre, qu’effectivement la diversité soit un enrichissement. Quand je parle de diversité je ne parle pas d’ailleurs seulement de la diversité de genre mais plus largement de la diversité culturelle et professionnelle qui permet une multiplicité des approches et une plus grande efficacité. J’ai pu le constater notamment lorsque j’étais astronaute où j’ai pu m’enrichir des différentes nationalités et différents métiers avec lesquels je travaillais pour ces missions multi-disciplinaires.

28Même lorsque j’ai évolué dans le cercle politique en tant que ministre déléguée à la Recherche puis aux Affaires européennes, j’ai été en quelque sorte protégée par cette « aura » que m’avait conférée la réalisation réussie de missions spatiales, rêve inspirant pour beaucoup de celles et ceux que j’ai croisé(e)s. J’ai donc été certainement moins la cible de comportements machistes.

29Le seul moment où j’ai pu ressentir ma différence en tant que femme, c’est peut-être lorsque j’ai expérimenté le phénomène de la rareté au sein d’un groupe de décision. Cet élément particulier a évolué aujourd’hui, grâce à certaines lois (notamment la loi Copé-Zimmermann, N.D.RL) qui ont imposé des quotas dans les conseils d’administration ou la fonction publique. La situation que j’ai moi-même connue (au début des années 2000) et dont j’ai souffert à l’époque n’est plus tout à fait la même. J’ai en effet eu la chance de prendre part assez vite à des conseils d’administration, des instances de sélection, des comités exécutifs, des lieux de décision… et j’étais souvent la seule femme dans une assemblée masculine. Aujourd’hui, avec un quota imposé de 40 % dans les conseils d’administration, on arrive progressivement à la présence de plus de femmes. Il est beaucoup plus facile de s’exprimer et de participer lorsqu’on ne représente pas une minorité. Le poids de la rareté est en effet parfois un frein : c’est un regard différent posé sur vous, dubitatif, suspicieux, c’est éventuellement la femme alibi… qui nous freine dans nos prises de position et de parole et qui accroît le poids de la responsabilité endossée. Même si je les espère transitoires, la discrimination positive et l’imposition de quotas ont permis de s’affranchir de ce poids de la rareté. Mon expérience personnelle me permet de comparer les atmosphères de ces cercles de décision et de me féliciter de l’ouverture et de la diversité de réflexion et de paroles que la présence des femmes a apporté.

30Et c’est ainsi d’ailleurs qu’augmenter le nombre de voix expertes féminines sur les médias classiques (le CSA y veille) et nouveaux médias (contributrices sur Wikipedia ou blogs) permettra une imprégnation culturelle plus impactante.

31Géoéconomie : Aujourd’hui, et avec le recul de votre expérience de ministre, quelles vous semblent être les priorités politiques pour assurer aux femmes une égalité des chances et plus particulièrement un meilleur accès aux métiers scientifiques ?

32Claudie Haigneré : Je crois qu’il faut vraiment instaurer une vigilance aux clichés et stéréotypes pendant la période où la jeune fille se construit. La législation, par l’imposition de quotas par exemple, est également un levier important à saisir, s’il est mis en place à compétences égales. Il faut également que les femmes soient présentes et engagées dans les écoles pour présenter ces métiers qui sont mal connus. Les femmes sont parfois une partie de leur propre problème, elles sont une grande partie de la solution et elles doivent s’y engager.

33La fondation L’Oréal, avec le programme Women for Science auquel je prends part depuis maintenant plusieurs années, reconnaît tous les ans les grandes femmes scientifiques des cinq continents. Elle récompense aussi des lauréates nationales ou régionales qui sont au niveau du doctorat ou post-doctorat, et organise le programme Girls for Science : les jeunes filles lauréates sont ainsi formées et coachées pour aller s’adresser à des lycéennes. Elles ont ainsi touché environ 10 à 20 000 jeunes filles. Ces lauréates, reconnues pour leur thèse de doctorat de très grande qualité, parlent avec enthousiasme et passion de leur univers professionnel et peuvent ainsi transmettre et partager leur vision de la science et leur épanouissement dans ces métiers. La fondation C.Génial et de nombreuses associations de terrain (Femmes et Science, Femmes et Ingénieures…) s’attachent aussi à faire pénétrer les ingénieurs dans les écoles et les classes dans les entreprises.

34Cette mobilisation par le partage et la diffusion de la connaissance de ces métiers me paraît donc indispensable.

35Dans le parcours professionnel, je pense que les études comme celles de McKinsey (2010 et 2015) ou du Peterson Institute for International Economics (février 2016) qui montrent notamment que la diversité de genre est un facteur de meilleure performance de l’entreprise, encouragent les chefs d’entreprise à développer la parité. Plusieurs entreprises mettent ainsi en place aujourd’hui des mentorats, des coachings, des réseaux, et sont vigilantes à faire émerger ce pool de talents. Les études quantifiées permettent de faire prendre conscience, et ce même au niveau exécutif de l’entreprise, de la nécessité de tenir compte de la parité pour une meilleure efficacité. Quand les chefs d’entreprise en font une priorité stratégique, les résultats voient le jour.

36Je pense qu’il y a également une certaine disparité entre les efforts réalisés dans les entreprises privées et ceux qui sont concrets dans la fonction publique : il y a encore trop peu d’actions en ce sens dans le domaine de la fonction publique ou dans les universités, sur lesquels ces études ont peut-être moins d’impact. Le problème des biais au sein du monde scientifique que nous avons évoqués est à ce niveau-là peut-être plus convaincant. Les missions parité des organismes de recherche et des universités s’attaquent avec détermination à ces aspects. Et je voudrais saluer l’Académie des sciences qui a été récemment très proactive sur ce sujet avec de très belles élections de grands talents féminins. Ce sujet me tient à cœur également au sein de l’Académie des technologies dont je fais partie.

37Géoéconomie : Comment être féministe lorsque l’on évolue dans des cercles assez masculins tels que le monde scientifique, les cercles de pouvoir, et aujourd’hui au sein de l’Agence spatiale européenne ? Êtes-vous féministe au quotidien ?

38Claudie Haigneré : Je ne sais pas ce que veut vraiment dire être féministe. En tout cas, je réponds toujours positivement dès qu’il s’agit de s’engager pour la promotion et la parité des femmes dans la science et la mise en valeur des femmes dans la société. J’essaie d’être à l’écoute des jeunes filles et dans la mesure de mes moyens de leur rendre la passion plus vivace et la réussite moins difficile.

39Je pense que lors de grands évènements concernant ce sujet, il est important de s’adresser aux hommes également. Les femmes qui s’adressent uniquement aux femmes, ce n’est pas suffisant. Il faut que chacun, homme comme femme, ait conscience de l’importance de ce message et du bénéfice mutuel de cette égalité, que ce soit dans la vie professionnelle tout autant que pour les avancées harmonieuses dans la vie quotidienne.

40Je suis, si l’on peut dire, une féministe qui montre que l’on peut être pleinement femme, que l’on peut être pleinement satisfaite et reconnue dans son métier, qu’il faut saisir les opportunités, avoir de l’audace et apprendre de ses échecs pour continuer à avancer.

41Je ne crois pas aux super women et je pense que nous, femmes, n’avons rien à apporter en empruntant les codes masculins.

42Ce n’est pas évident de faire avancer les choses suffisamment vite et de faire une place aux femmes dans la société à la hauteur de ce qu’elles peuvent lui apporter, cela va lentement, mais c’est un travail quotidien que je m’efforce de réaliser à mon échelle, avec conviction et pugnacité.

43À un niveau plus international que nous n’avons pas évoqué, je pense qu’il est important de prendre la parole pour promouvoir l’éducation des femmes à travers le monde et dénoncer les injustices et les violences faites aux femmes. Il faut qu’il y ait des voix féminines et masculines qui s’élèvent sur l’accès à l’éducation des jeunes filles dans les pays en développement. L’accès pour toutes à l’éducation est un facteur majeur de l’émancipation des femmes, de leur libre arbitre et une garantie de transmission familiale à ses propres enfants. Et plus particulièrement la curiosité, l’expérimentation, le raisonnement propre à la démarche scientifique sont les meilleurs garants de l’esprit critique et de l’exercice de la liberté.

44Géoéconomie : Un mot pour conclure ?

45Claudie Haigneré : Une chose à dire aux jeunes filles en particulier : ne laissez pas les autres décider de ce qu’il vous est possible de faire. C’est à nous, femmes, de découvrir nos possibles et nos limites. Nous ne devons pas attendre que les autres le fassent pour nous, il ne faut pas se laisser imposer des chemins par d’autres. C’est une forme de féminisme mobilisateur de ne pas simplement accuser les autres de mettre des barrières, mais d’essayer soi-même, avec audace et confiance de pousser la porte et de prendre des initiatives. Et de se dire chaque fois, si l’envie d’oser sa voie est là : pourquoi pas moi !


Date de mise en ligne : 18/07/2016

https://doi.org/10.3917/geoec.080.0023

Notes

  • [*]
    Responsable éditoriale de la revue Géoéconomie.
  • [1]
    Enquête de l’Observatoire des ingénieurs, IESF, 2012.
  • [2]
    PISA, 2012.
  • [3]
    B. Schapira, Mathématicienne, CNRS, 2010.
  • [4]
    C. Mollard, F. Soulié, « Rôle des enseignants dans la diffusion des stéréotypes de sexe », CNRS, 2012.
  • [5]
    F. Dumontier, D. Guillemot et D. Méda, « L’évolution des temps sociaux au travers des enquêtes ‘Emploi du temps’ », Économie et statistique, 2002.
  • [6]
    C. Haigneré « Nous devons briser le premier plafond de verre dont les femmes sont victimes », Huffington Post, 2015.

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