Couverture de GEOEC_065

Article de revue

Mourmansk, carrefour géostratégique

Pages 67 à 84

1Géoéconomie : Vous avez été nommée gouverneur de la région de Mourmansk en avril 2012. Quelle était, d’après vous, la situation dans la région à cette époque et quelles étaient les perspectives qui s’ouvraient à vous ?

2Marina Kovtun : Au moment de mon entrée en fonction la situation dans la région n’était pas simple. La plupart des indicateurs macroéconomiques d’alors plaçait notre région bien en dessous de la moyenne russe. Par conséquent, peu d’investissmetns dans l’économie et le social pouvait être réalisés dans la région faute de finances suffisantes.

3Évidemment il était impossible de redresser la situation en un tour de main et cela a pris et prendra encore du temps. Pour assurer le développement durable de la région il est nécessaire de travailler sans relâche et avec assiduité. Mon objectif en tant que gouverneur de la région est de rendre l’économie plus compétitive et plus attrayante aux yeux des investisseurs, de libérer le potentiel de croissance qui n’a pas été mis en valeur pendant les périodes précédentes, de favoriser l’innovation dans le domaine du développement économique, et d’investir sagement l’argent des budgets régionaux et municipaux.

4Tels sont donc, entre autres, les missions qui m’attendent en tant que gouverneur de Mourmansk. Sommes-nous capables de les réaliser ? Qui vivra, verra. Mais le développement futur de la région dépendra de leur réalisation.

5Géoéconomie : Du point de vue de l’Europe occidentale la région de Mourmansk est une région éloignée, coupée des grands réseaux commerciaux internationaux. Et même à l’intérieur de la Russie Mourmansk se trouve assez loin des autorités fédérales. Partagez-vous cette vision ? Et quelles sont, d’après vous, les conclusions que l’on peut en tirer ?

6Marina Kovtun : La région de Mourmansk est un nœud de transport important avec un port profond qui ne gèle pas en hiver et avec une grande flotte de bateaux commerciaux et de pêche, ainsi que de brise-glace nucléaires. Ces bateaux naviguent sur la voie maritime du Nord. La position géopolitique de la région, la possibilité de naviguer tout au long de l’année en ayant accès aux voies maritimes internationales, qui s’ajoutent aux innombrables richesses variées de son sous-sol, ont fait que notre région est devenue un grand centre industriel d’importance stratégique pour la Russie.

7La position préfrontalière de la région (nos voisins sont la Finlande et la Norvège), son potentiel d’exportation et l’infrastructure de transport existante contribuent au développement des échanges avec les pays étrangers. En 2012 les sociétés régionales développaient des échanges commerciaux avec 55 pays du monde, dont la Hollande, la Chine, la Norvège, la Finlande, la Belgique et le Brésil, qui sont nos partenaires principaux.

8Pour ce qui est de notre éloignement des autorités fédérales… À l’échelle de la Russie la région de Mourmansk n’est pas si éloignée que ça, et nous ne nous sommes jamais considérés comme une région périphérique marginale. Au contraire, nous avons de grands atouts par rapport à d’autres régions administratives russes, grâce surtout à notre position géopolitique et à l’infrastructure de transport.

9Géoéconomie : En Russie et ailleurs en parlant de Mourmansk on l’appelle souvent « Porte de l’Arctique ». À quoi rime ce qualificatif ? Quelle place Mourmansk se réserve-t-il dans la conquête de l’Arctique ? Quels changements sont prévus dans les installations portuaires ?

10Marina Kovtun : L’histoire de Mourmansk et des entreprises situées sur le territoire de la région est intimement liée à l’exploration et à la mise en valeur de l’Arctique et au développement de la voie maritime du Nord.

11Sur le territoire de la région il y a trois ports maritimes. Tous les trois jouent un rôle logistique important dans les ventes à l’exportation et dans le transport des marchandises via l’océan Arctique. Deux de ces ports – Kandalakcha et Vitino, se situent dans la partie sud de la péninsule de Kola, dans le golfe de Kandalakcha. Le premier s’occupe surtout du transport des marchandises générales et des matériaux en vrac (essentiellement du charbon). Alors que le port Vitino se spécialise dans le transport des produits pétroliers.

12Mais le port principal de notre région c’est Mourmansk. C’est ici que s’ouvre la voie maritime du Nord. Mourmansk compte parmi les 10 plus grands ports de Russie en termes de marchandises traitées. Qui plus est, Mourmansk est le plus grand port dans le bassin de l’océan Arctique. Le golfe de Kola qui ne gèle pas en hiver permet au port de Mourmansk de fonctionner tout au long de l’année. Mourmansk est aussi le port d’attache de l’incomparable flotte russe de brise-glace nucléaires, qui rendent praticable la voie maritime arctique. La plupart des marchandises transportées par cette voie sont expédiées à partir de Mourmansk.

13Ce port sert pour le transport des marchandises générales, des matériaux en vrac, des produits liquides et des containers, ainsi que du poisson frais et des produits de la mer. La quantité de marchandises traitées par le port de Mourmansk en 2012 s’élève à plus de 23 millions de tonne.

14Les installations portuaires de Mourmansk comptent 118 quais d’embarquement et de chargement/déchargement, dont la longueur totale atteint 14 000 mètres. En plus dans le golfe de Kola il y a 3 terminaux en mer, qui servent pour le transbordement du pétrole brut et des produits pétroliers.

15Les bateaux qui transportent les marchandises vers les régions arctiques bénéficient d’un service portuaire complet : ravitaillement en eau, en carburant, en lubrifiants et en produits alimentaires, réparation et travaux de radoub. Dans le port il y a toute une flotte de bateaux auxiliaires : remorqueurs, barges de soutage, bateaux de sauvetage, bateaux de plongeurs sous-marins, ainsi que les bateaux spécialisés destinés à neutraliser les conséquences des déversements de pétrole et les vedettes.

16Bien que le port de Mourmansk fonctionne de façon efficace, nous sommes conscients que pour renforcer sa position dans le système logistique international, il faut améliorer ses performances. Aussi, sommes-nous en train de réaliser le projet régional « Modernisation intégrale des infrastructures de transport de Mourmansk » qui est destiné à développer les installations portuaires et à augmenter la capacité du port maritime de Mourmansk. Ce projet comprend plusieurs éléments : construction d’un terminal de charbon et d’un terminal de pétrole sur la côte ouest du golfe de Kola, ainsi que la modernisation du terminal de charbon existant et la construction d’un terminal de containers sur la côte est. Le projet prévoit également le développement de l’infrastructure ferroviaire et l’amélioration du bassin du golfe de Kola.

17Ce projet est un projet de collaboration entre l’État et les sociétés privées. L’État prend à sa charge la construction des infrastructures auxiliaires générales, alors que les projets des installations sont financés par des investisseurs privés. Le financement des travaux qui doivent être réalisés par l’État entre 2013 et 2015 se fera dans le cadre du programme fédéral « Développement du système de transport en Russie en période de 2010 à 2015 ». Dans la période 2007-2010 on a fait une étude de faisabilité du projet « Modernisation intégrale des infrastructures de transport de Mourmansk » et approuvé le plan d’implantation des installations principales.

18À l’heure actuelle nous sommes en train de finaliser les études pour la construction des éléments de l’infrastructure ferroviaire, d’une base des bateaux auxiliaires et des réseaux des fluides, ainsi que pour l’approfondissement du golfe de Kola. Entre 2013 et 2020 il est prévu de construire les différents éléments constitutifs du nœud de transport de Mourmansk.

19La première tranche du terminal de charbon d’une capacité de 6 millions de tonnes par an avec une voie d’accès par chemin de fer sera mise en service en 2015. Ensuite, de 2015 à 2018 il est prévu de lancer les phases 2 et 3 de ce terminal qui doivent porter sa capacité annuelle à 18 millions de tonnes. La société privée Port maritime Lavna doit investir dans la construction du terminal de charbon 14,5 milliards de roubles.

20Mourmansk a aussi toutes les chances de devenir la plaque tournante du tourisme arctique en bateaux de croisière. Dès aujourd’hui les brise-glace nucléaires peuvent non seulement accompagner les bateaux qui traversent les eaux de l’océan Arctique, mais aussi transporter des touristes, qui cherchent à découvrir l’Arctique. En outre, les bateaux de croisière des compagnies étrangères passent régulièrement par le port de Mourmansk. Ainsi, en 2012 il a accueilli 15 bateaux de croisière.

21Il faut dire aussi que pour développer le transport maritime de passagers, le gouvernement de la région de Mourmansk, qui se prépare à la célébration du centième anniversaire de la ville de Mourmansk, a initié la réalisation du projet « Havre arctique ». Ce projet prévoit la modernisation de l’infrastructure portuaire, appartenant à l’État fédéral ainsi que la construction des nouvelles installations par des investisseurs privés. À ce jour, avec l’argent venant du budget fédéral, nous sommes en train de moderniser le quai des longs courriers, et nous préparons la documentation technique pour la modernisation de la gare maritime.

22Pour résumer, on peut dire que le port de Mourmansk est d’ores et déjà le leader de toute la région arctique tant pour la quantité des marchandises traitées que pour la diversité des services qu’il offre à ses clients. La réalisation des projets de développement des infrastructures du port maritime renforcera les positions de la région de Mourmansk dans le domaine des prestations de service accordées aux armateurs et aux passagers. Le gouvernement régional, dans les limites de sa compétence, a l’intention de continuer à mettre en œuvre les mesures visant à développer les infrastructures du port maritime de Mourmansk.

23Géoéconomie : Votre région et vous personnellement avez établi des liens étroits avec la Norvège, votre voisin le plus proche. Quels sont pour vous les axes prioritaires de cette coopération et quelles sont les perspectives de son développement ?

24Marina Kovtun : Historiquement la région de Mourmansk a toujours eu des relations extérieures privilégiées avec nos partenaires norvégiens. Depuis que nous avons noué nos premiers contacts avec les provinces septentrionales de la Norvège, il y a 25 ans, nous avons pu développer avec ce pays une coopération étroite, fructueuse et très diversifiée dans beaucoup de domaines, allant de l’enseignement et de la culture jusqu’aux projets de développement régional. Par ailleurs, la Norvège est aussi un de nos principaux partenaires dans nos échanges économiques internationaux et dans les projets d’investissements, et à notre plus grande satisfaction notre coopération avec la Norvège évolue d’année en année tant quantitativement que qualitativement.

25Nos contacts intensifs avec la Norvège dans plusieurs domaines s’expliquent aussi par l’importance que les gouvernements de nos pays attachent au développement des relations bilatérales. Ainsi, la région de Mourmansk est un des principaux interlocuteurs dans le dialogue entre la Russie et la Norvège qui inclut plusieurs sujets : pêche, protection des ressources biologiques marines, sécurité nucléaire, exploration de l’Arctique, projets énergétiques offshore et projets logistiques et de transport à l’échelle mondiale.

26Par conséquent, dans les années qui viennent les axes principaux de la coopération entre la région de Mourmansk et la Norvège seront comme suit : développement des infrastructures portuaires, pépinières industrielles, développement des contacts avec les fournisseurs de l’industrie pétrolière et gazière. Nous attachons aussi une grande importance à notre coopération dans les domaines de l’aquaculture, du tourisme et de la stimulation mutuelle des activités économiques dans les zones préfrontalières. Par ailleurs, nous allons accorder une attention particulière aux projets de collaboration entre la Russie et la Norvège dans les domaines de la santé, de l’enseignement et de la culture.

27Nous sommes persuadés que la coopération entre la région de Mourmansk et la Norvège possède un bon potentiel et que nos contacts n’arrêteront pas de croître.

28Géoéconomie : Croyez-vous qu’il est nécessaire de développer et de renforcer les relations avec la Finlande, la Suède et autre membres du Conseil arctique ?

29Marina Kovtun : Résolument le développement et le renforcement des relations de partenariat avec les pays membres du Conseil arctique est notre grande priorité. Nous considérons que les organisations régionales, telles que le Conseil arctique, le Conseil des pays riverains de la mer de Barents (ou Conseil Euroarctique), le Conseil des ministres des pays nordiques pourront être très utiles quant à la coordination des actions visant à développer une coopération mutuellement avantageuse.

30Nous croyons que dans le contexte d’une mise en valeur croissante des ressources du plateau continental arctique, il devient urgent de préserver les systèmes écologiques de cette zone, uniques dans le monde, qui sont très fragiles. Notre ambition est de faire en sorte que l’Arctique reste une zone de paix et de coopération, et de mettre à profit les avantages des schémas de transport par la route maritime du Nord. La réalisation de l’importance de ces tâches est la meilleure garantie de la coexistence pacifique et de la coopération dans la zone du Grand Nord.

31Géoéconomie : Le projet ambitieux de développement du champ de gaz Chtokman aurait été remis à plus tard ? Est-ce vrai ? Quel impact cette décision pourrait-elle avoir sur la stratégie de développement économique et social de la région ?

32Marina Kovtun : Effectivement, la décision quant à l’investissement finale pour la mise en valeur du champ Chtokman a été remise à plus tard. Ceci est lié à toute une série de raisons objectives, dont en particulier la crise économique mondiale qui continue et qui réduit la demande des ressources énergétiques.

33La région de Mourmansk avait le plus grand intérêt à ce que ce projet se réalise – il est notoire que la solution de pas mal de nos problèmes régionaux est conditionnée directement ou indirectement par le lancement de ce projet. Ainsi, le gaz extrait de ce champ devait, entre autres, servir à alimenter en gaz notre région.

34Évidemment, nous avons déjà commencé à chercher des solutions alternatives, comme par exemple la possibilité d’importer le gaz naturel liquéfié. Avec les investisseurs potentiels, nous travaillons à la construction d’un modèle économique rentable qui permettrait d’adapter une partie de nos chaufferies à fioul à l’utilisation de gaz liquéfié et de charbon en tant que combustible.

35Grâce à la réalisation de ces projets le gouvernement régional compte réduire à 32,8 % la part de la chaleur produite par la chaufferie à fioul à l’horizon 2016.

36Je soulignerais qu’il s’agit, pour le moment, uniquement de remettre à plus tard la réalisation du projet Chtokman. Ainsi, Gazprom continue de faire des études, y compris les études géotechniques du terrain. Pour les installations en mer, l’étude, qui avait été faite suivant les standards internationaux (FEED), est déjà terminée, et l’on est en train de finaliser la préparation de la documentation technique conforme aux standards russes.

37Bien entendu, ce projet pourrait avoir un impact majeur sur le développement de l’industrie régionale et sur la création des nouvelles industries de haute technologie, il pourrait également contribuer au développement des PMI-PME et à la modernisation de l’économie régionale.

38Étant donné que la réalisation du projet a été fortement retardée, nous avons pris la décision de réviser la stratégie de développement économique et social de la région de Mourmansk à long terme élaborée précédemment.

39Géoéconomie : En dehors des projets énergétiques mentionnés ci-dessus, quelles sont les autres forces motrices de l’économie régionale ? Quels sont les secteurs économiques traditionnels que vous aimeriez faire évoluer (production des matières premières, pêche ou autres) ?

40Marina Kovtun : La position géographique et les conditions climatiques de notre région nous imposent elles-mêmes les priorités dont la plus grande est le développement du réseau de transport. Dans le cadre du projet susmentionné « Modernisation intégrale des infrastructures de transport de Mourmansk » il est prévu de créer un hub-center en mer profonde, fonctionnant tout au long de l’année qui servirait pour le transbordement des matériaux pulvérulents en vrac, des marchandises en containers et des produits pétroliers. Il fera partie intégrante du couloir de transport international « Nord-Sud ». Il jouera également un rôle important dans la conquête de l’Arctique. Nous présumons que le port de Mourmansk sera un des éléments les plus importants de cette structure logistique.

41La réalisation de nos projets d’investissements et le lancement des nouvelles productions de matières premières auront aussi un impact majeur sur l’économie régionale. À titre d’exemple je pourrais citer le projet d’une nouvelle unité de préparation de minerais associée au gisement d’apatites riches en néphéline « Oleniï routcheï ». En décembre 2012 cette unité a déjà produit et expédié à ses clients le premier lot du concentré d’apatite. On peut également envisager la construction de nouvelles unités de préparation de minerais pour le gisement de platinoïdes « Feudorova toundra » et pour le gisement de pérovskite et de titanomagnétite « Afrikandskoé » et la modernisation des unités de préparation de minerais à Kovdor.

42Nous développerons aussi l’industrie poissonnière. À l’heure actuelle nos bateaux pêchent non seulement dans les eaux territoriales, mais aussi au large du Groenland, des îles Féroé et de l’île de Spitsberg, ainsi que dans les zones définies par les conventions North East Atlantic Fisheries Commission (NEAFC) et Northwest Atlantic Fisheries Organization (NAFO) et dans les zones économiques de la Norvège et d’autres pays. La plus grande partie de produits poissonniers (90 % environ) est préparée en mer. Un grand nombre de nos usines de poissons flottantes sont homologuées en Europe. Selon les données de la mission de l’Union européenne, la région de Mourmansk est la plus proche des standards européens concernant les produits poissonniers et le contrôle de leur qualité parmi tous les fournisseurs russes de ces produits.

43Je noterais également que les conditions climatiques dans les bassins des golfes de la péninsule de Kola sont idéales pour l’aquaculture, et cela aurait était du gaspillage de ne pas en profiter. Depuis 5 ans la quantité de poissons d’élevage a été multiplié par 30, et le volume des ventes de produits finis par 16.

44La région de Mourmansk attire aussi de plus en plus de touristes, qui viennent pour la pêche, la chasse, les aurores boréales ainsi que pour les sensations exotiques que vous apportent la nuit polaire et le jour polaire.

45Géoéconomie : Une des priorités que vous vous êtes définies est l’alimentation en gaz de l’ensemble de la région dans les 4 ans à venir. Comment et avec quels partenaires comptez-vous y arriver ?

46Marina Kovtun : À l’heure actuelle dans la région de Mourmansk il n’y a pas de gaz naturel amené par pipeline, ni de réseau de distribution de gaz. La région est approvisionnée en gaz d’hydrocarbures liquéfié qui arrive dans les wagons-citernes et sert principalement à combler les besoins domestiques de la population.

47Le projet d’amener le gaz naturel dans la région de Mourmansk allait de pair avec le projet Chtokman et le projet de gazoduc « Teriberka-Volkhov ».

48Mais en l’absence de la décision d’investissement finale pour le projet Chtokman, nous cherchons d’autres solutions à ce problème. Ainsi nous sommes en train d’étudier la possibilité d’utiliser le Gaz naturel liquéfié (GNL).

49Une des ouvertures possibles serait de remplacer le fioul par le GNL dans les chaufferies dans le cadre du projet proposé par la SAAR « Radiodiagnostika », qui doit être financé par le capital privé.

50Ce projet prévoit la construction d’une usine GNL en Carélie et d’un réseau de distribution de gaz sur le territoire de la région de Mourmansk, y compris le réseau de distribution à Severomorsk et deux terminaux de réception de GNL à Revda et à Mourmachi.

51Les chaufferies concernées par ce projet sont au nombre de 12. En moyenne elles produisent 796 371 Giga calories par an (soit 11,7 % de l’énergie calorifique vendue dans la région) ; leur consommation de fioul se chiffre en moyenne à 130 000 tonnes (soit 10,1 % de la consommation de fioul par les sociétés de chauffage régionales). Le montant des investissements dans ce projet est estimé à 5 785 milliards de roubles.

52À ce jour, nous préparons la version actualisée du modèle économique du projet avant de la faire approuver par le Conseil pour la coordination des investissements et des projets d’innovation sur le territoire de la région de Mourmansk.

53Géoéconomie : La population de la région se réduit. Est-ce vrai ? Et, si oui, comment pouvez-vous expliquer cette tendance ? Est-il possible de la freiner ?

54Marina Kovtun : La réduction de la population par migration a atteint un niveau record dans les années 1990. Depuis quelques années, la réduction de la population par migration diminue. Il est à noter qu’en partie ce phénomène est lié aux programmes de migration réalisés par l’État, qui favorise le déménagement des habitants du Grand Nord vers les régions situées au sud du pays pour des raisons économiques. Je ne peux manquer d’affirmer que l’an dernier, pour la première fois depuis vingt ans, le taux de natalité a été supérieur au taux de mortalité.

55Nous comprenons évidemment que pour assurer le développement durable de la région il est impératif d’améliorer la situation démographique en mettant fin à la migration de la population apte au travail, ainsi que des jeunes et des cadres qualifiés. Aussi, pour retourner la situation, devons-nous, en collaboration avec les milieux d’affaires, créer des conditions appropriées, susceptibles non seulement de dissuader nos jeunes spécialistes de quitter la région, mais aussi de faire venir chez nous les spécialistes d’autres régions afin de remplacer ceux partis à la retraite.

56Pour ce faire il faudra en particulier diversifier des projets d’investissements et créer une infrastructure qui répondrait au mieux aux besoins d’un homme moderne. Ces actions doivent améliorer l’image de marque de la région, en la plaçant dans la catégorie des régions à haut potentiel offrant beaucoup de possibilités pour la carrière professionnelle et pour l’accomplissement personnel. Pour moi, c’est le moyen le plus sûr de retenir la population apte au travail dans la région et d’attirer celle des autres régions.

57Géoéconomie : Quel genre de partenariat aimeriez-vous avoir avec les compagnies étrangères ? Croyez-vous que ce partenariat pourrait devenir une force motrice du progrès à l’échelle régionale ?

58Marina Kovtun : Nous aurions aimé établir les liens de partenariat avec des compagnies étrangères dans un grand nombre de secteurs économiques : industrie poissonnière, travaux de radoub, production d’hydrocarbures, production et préparation de minerais, construction, énergétique, métallurgie.

59Cette coopération peut prendre différentes formes : investissements étrangers directs, participation des compagnies étrangères dans les projets internationaux communs, échanges d’expériences, intégration informationnelle.

60À l’heure actuelle sur le territoire de la région de Mourmansk il y a plus de 100 sociétés mixtes à participation étrangère qui ont été montées avec les partenaires de Norvège, de Chypre, d’Allemagne, de Hollande et d’autres pays. Dans ces sociétés travaillent 22 000 personnes, et leur chiffre d’affaires atteint 30 milliards de roubles par an. Leurs domaines d’activités sont très variés : pêche et pisciculture, industries de transformation, transport, télécommunications, commerce de gros et de détail, hôtellerie, etc.

61Le gouvernement régional cherche à attirer de nouveaux investisseurs étrangers en vue d’augmenter le potentiel économique de la région de Mourmansk et pour créer de nouveaux emplois.

62En 2012 nous avons adhéré à « L’initiative d’entreprenariat nationale » dans le cadre de laquelle le « standard des activités des organismes exécutifs visant à créer un bon climat d’investissement » sera introduit par étapes dans notre région.

63Sur le territoire de la région est apparue une nouvelle organisation non lucrative « Foreign Investors Business Association » (NGO FIBA), dont la vocation principale est d’améliorer les conditions d’accueil pour les investisseurs étrangers.

64Géoéconomie : Dans quels domaines aimeriez-vous développer la coopération avec les compagnies françaises ? À notre connaissance, Total et Schneider Electric sont les seules compagnies françaises présentes sur le territoire de votre région.

65Marina Kovtun : La France est un des principaux acteurs de l’assistance technique internationale accordée à la région de Mourmansk. Entre 2006 et 2012 la France a investi plus de 30 millions de dollars dans les projets visant à garantir la sécurité nucléaire. Un de ces projets d’importance majeure pour la région de Mourmansk, concernant le stockage des déchets radioactifs dans un centre de stockage onshore près du village de Gremikha et supervisé par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) dans le cadre du « Partenariat global pour l’énergie nucléaire », a pris fin en juin 2012.

66Nous éspérons également que la réalisation du projet Chtokman en mer de Barents donnera une impulsion nouvelle au développement de la coopération entre la France et la région de Mourmansk, puisque l’un des partenaires de ce projet est le groupe français Total. Par ailleurs, l’Association des fournisseurs de l’industrie pétrolière et gazière « Mourmanshelf » a des contacts fréquents et utiles avec son homologue français le Groupement des entreprises parapétrolières et paragazières (GEP).

67Un mémorandum de partenariat a été signé entre l’Institut français du pétrole (IFP) et le Centre arctique de formation des spécialistes pour l’industrie pétrolière et gazière concernant la formation aux métiers pétroliers et gaziers.

68Au delà, nous aimerions collaborer avec la France dans les domaines suivants : création d’un cluster pétrolier et gazier, énergies alternatives, économie d’énergie, fabrication de matériaux de construction et de finition, transports, logistique, sécurité radioactive et nucléaire.

69Géoéconomie : En 2016 Mourmansk célébrera son centième anniversaire. Y aura-t-il des changements dans l’aspect de la ville avant cette date ? Quelle est votre vision de la ville et de la région de Mourmansk dans 20 ou 30 ans ?

70Marina Kovtun : Le développement économique et social de la région est indissociable de celui de son chef-lieu – capitale polaire, « ville héro » Mourmansk. Aujourd’hui Mourmansk est le centre administratif et industriel de la région.

71La superficie de la ville est supérieure à 150 kilomètres carrés, et sa population se chiffre à plus de 300 000 habitants, ce qui représente presque un tiers de la population apte au travail de l’ensemble de la région. Mourmansk est la plus grande ville dans le monde parmi celles qui sont situées au-dessus du Cercle polaire. Sa dimension s’explique historiquement par son importance géopolitique.

72Effectivement, en 2016 Mourmansk aura 100 ans, et en prévision de cette date le gouvernement régional entend réaliser plusieurs projets visant à embellir la capitale polaire et à améliorer les conditions de vie de ses habitants.

73Parmi les principaux projets qui seront réalisés dans le cadre de la préparation à la célébration du centième anniversaire de la ville je peux citer la réhabilitation des bâtiments publics, tels que le musée régional, le théâtre dramatique, la philharmonie, la bibliothèque des sciences régionale et le palais de la culture S.M. Kirov.

74En dehors des bâtiments publics, il est prévu de réhabiliter avant 2016 les installations portuaires, et de créer le « Havre polaire » susmentionné. Ceci permettra d’améliorer l’aspect de la ville, vue de la mer, et de résoudre le problème d’accueil des bateaux de croisière. Le projet prévoit aussi l’approfondissement du port et le renforcement de ses rives, l’extension du quai principal, la réhabilitation et l’agrandissement de la gare maritime et l’autorisation pour les citoyens étrangers, arrivant à bord d’un bateau ferry ou de croisière, de séjourner à Mourmansk pendant 72 heures sans visa. Cent ans après la fondation de Mourmansk les habitants de la ville pourront enfin réaliser leur rêve de toujours : faire une promenade sur le quai Arctique du golfe de Kola.

75Pendant les jours de fête nous avons prévu d’organiser des spectacles distrayants bariolés avec la participation des artistes professionnels et amateurs, ce qui ajoutera de la couleur locale à l’image d’une ville moderne aux yeux des touristes venant des autres régions de la Russie et de l’étranger.

76Toutes les conditions sont réunies pour que la région de Mourmansk devienne une des régions les plus développées et dynamiques de la Fédération de Russie, une sorte d’enclave européenne au nord du pays qui pourrait servir de modèle de développement industriel pour les autres régions de la Russie.


Date de mise en ligne : 22/07/2013.

https://doi.org/10.3917/geoec.065.0067

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