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Article de revue

Marché des transferts et agents sportifs : le dessous des cartes

Pages 79 à 89

Notes

  • [1]
    Assemblée nationale, « Les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs », rapport d’information n° 3741, février 2007.
  • [2]
    Étude sur les agents sportifs dans l’Union européenne (Direction générale éducation et culture) commandée par la Commission européenne, novembre 2009.
  • [3]
    Étude de la Commission européenne, op. cit.

194 millions d’euros: ceci représente aujourd’hui le montant record d’indemnités de transfert en football déboursé par le Real Madrid à l’été 2009 pour acquérir le joueur portugais Cristiano Ronaldo jusque-là joueur de Manchester United.

2Dans le cadre de ce type de transferts internationaux, le règlement FIFA prévoit que la fédération nationale du club quitté n’émette un certificat international de transfert (CIT) que lorsqu’elle reçoit l’accord des trois parties concernées (le joueur et les deux clubs). Autrement dit, le transfert ne sera effectif que lorsque le club acquéreur aura obtenu l’accord du club quitté et du joueur. Le Real Madrid a ainsi versé à Manchester United une indemnité de transfert de 94 millions d’euros et a proposé à Cristiano Ronaldo un contrat de travail, jugé satisfaisant par le joueur. Par cette opération de transfert, le Real Madrid a obtenu de Manchester United l’autorisation nécessaire pour demander, ensuite, aux autorités sportives le changement d’affectation du joueur.

3Depuis 2000, on estime qu’en moyenne 3 500 CIT [1] sont émis par an dans le monde, ce qui prouve la forte mobilité des joueurs aujourd’hui. Si on jette un rapide regard sur l’historique des transferts dans le monde, on peut constater que cela est dû à la professionnalisation du football, à l’évolution de son cadre normatif et de sa jurisprudence, que l’on peut découper en trois périodes :

  • de 1930 à 1970 : le rapport de force entre clubs et joueurs est défavorable aux joueurs. Ceux-ci sont liés à leur club par des contrats « à vie » et ne peuvent donc le quitter sans son accord explicite. Il y a très peu de transferts au cours de cette période.
  • de 1970 à 1995 : les revendications des joueurs entraînent la création des premiers contrats à durée déterminée (CDD) et des chartes du football professionnel dans de nombreux pays. Cette période est propice au développement des transferts.
  • depuis 1995 : un événement en 1995 modifie profondément le cadre dans lequel les clubs acquièrent les joueurs. La Cour de justice des Communautés européennes rend cette année-là l’arrêt Bosman, du nom de ce joueur belge qui interrogeait la Cour sur l’existence de barrières à la mobilité des joueurs. Deux éléments de la décision retiennent particulièrement l’attention du monde sportif : l’obligation faite à un club de verser une indemnité libératoire au club quitté par un joueur en fin de contrat, ainsi que le principe de quotas de joueurs étrangers jouant dans chaque club, tout deux considérés comme non conformes au principe de libre circulation des travailleurs.
Depuis cette date, donc, tout joueur en fin de contrat peut librement négocier un nouveau contrat de travail. Dans ce cadre, on doit donc distinguer deux cas : si le joueur convoité voit son contrat arriver à échéance en fin d’année, le club qui désire le recruter peut directement négocier avec le joueur. Le joueur n’a plus aucune obligation contractuelle vis-à-vis de son ancien club dès lors que son contrat est échu. On ne parle donc pas à proprement parler de transfert, et aucune indemnité n’est versée au club quitté. À l’inverse, si le joueur est sous contrat, le club acquéreur doit verser une indemnité de mutation au club quitté qui, d’après les règlements FIFA, doit être fixée de gré à gré entre les deux clubs. C’est dans ce cadre qu’on parle de « transfert », qui s’assimile donc à un acte d’achat de contrat. De plus, la remise en cause des quotas de nationalité par l’arrêt Bosman accélère l’internationalisation du marché.

4Pour le club acheteur, le transfert représente l’acquisition d’une ressource mesurée par le talent du joueur. Cette acquisition entraîne pour ce club la mise en place d’une négociation parallèle avec le club qui offre le joueur et avec le joueur qui offre son talent. Le club représente le côté « demande » du marché et détermine deux « prix » que sont l’indemnité de transfert offerte au club vendeur et le salaire offert au joueur. Si ces montants satisfont les espérances des offreurs, le transfert a lieu. Pourtant, aujourd’hui, le marché des sportifs professionnels ne se résume plus à la seule rencontre des acteurs de l’offre et de la demande pour déterminer un prix. Un troisième acteur intervient : l’agent sportif. On estime ainsi qu’en 2009, il y avait environ 3 000 agents sportifs de football [2] exerçant leur activité dans l’Union européenne. Les recherches sur le terrain indiquent que les agents sportifs interviennent dans la quasi-totalité des échanges entre clubs et joueurs ainsi que dans la majorité des relations de club à club pour la plupart des sports collectifs professionnels. L’agent sportif est un intermédiaire qui a pour mission de mettre en relation les parties intéressées à la conclusion d’un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive. Cet intermédiaire est mandaté par une partie intéressée à la signature du contrat et agit pour son compte. Contre ce service, l’agent sportif est rémunéré sous la forme d’une commission pouvant atteindre 10 % du montant du contrat signé. Dès 1992, le législateur français crée, par une loi, un régime spécial applicable à l’activité d’agent sportif et, depuis, cette activité a fait l’objet d’un encadrement législatif au niveau national et international en plusieurs temps, qui demeure aujourd’hui insuffisant et peu satisfaisant (lacunes que pointent la proposition de loi n° 310 déposée au Sénat en 2010 et la volonté de la FIFA de modifier sa réglementation).

5Dans le cadre du transfert de Cristiano Ronaldo, le joueur s’est fait représenter par son agent officiel Jorge Mendes de l’agence Gestifute.

6L’objet de notre étude sera d’identifier les éléments permettant de répondre à l’interrogation suivante : pourquoi le marché des sportifs professionnels est-il « intermédié » ?

7Nous montrerons dans une première partie que les décisions des acteurs en matière de transferts sont stratégiques et complexes et nécessitent une recherche d’informations. Puis nous démontrerons que les imperfections de l’information disponible sur le marché des sportifs professionnels attribuent à l’agent sportif un rôle d’intermédiaire chargé de faciliter les échanges en révélant des informations privées.

Les décisions des acteurs en matière de transferts sont stratégiques et complexes

Des enjeux considérables pour les acteurs

8Les enjeux sur le marché des transferts pour les joueurs sont, de façon évidente, énormes puisque ceux-ci vivent de leur talent, qui se monnaie sur ce marché. Ils doivent donc offrir leur talent en tentant d’atteindre certains objectifs de revenus ou de palmarès, en adoptant une vision à moyen terme. Les carrières sont courtes et chacun des choix pris en termes d’orientation de carrière aura un impact sur les revenus et le bien-être du joueur. Des ambitions salariales injustifiées ou des orientations de carrière qui s’avèrent peu judicieuses peuvent mettre un terme à la carrière d’un joueur.

9En ce qui concerne les clubs, l’acquisition d’un contrat de joueur présente un double enjeu : c’est une opération de recrutement de talent qui répond à une logique sportive d’amélioration des performances de l’équipe, mais c’est aussi une opération comptable correspondant à l’augmentation de l’actif du bilan du club. Alors que les économistes considèrent les clubs professionnels de football en Europe comme des agents économiques qui maximisent le nombre de victoires sous contrainte budgétaire, la politique de transferts revêt des enjeux sportifs et financiers.

10Des enjeux sportifs, tout d’abord, car la présence d’un club sur le marché des transferts se justifie par la volonté durant chaque période de mutations d’améliorer le niveau de performance de l’équipe afin de le rendre plus compétitif. En effet, la maximisation du nombre de victoires se justifie entre autres raisons par l’existence en Europe de ligues ouvertes, caractérisées par le système de promotion/relégation. Celui-ci entraîne une compétition accrue entre clubs et une recherche d’amélioration constante du niveau de l’équipe pour y faire face. Son levier, si ce n’est la formation, ne peut être que le recrutement de joueurs dont le talent est censé améliorer le niveau général de l’équipe. Au-delà de la peur de la relégation ou de la course à la promotion, d’autres caractéristiques du football expliquent le recours au talent extérieur. Par exemple, l’existence de compétitions continentales, telles que l’UEFA Champions League, qui distribuent aux clubs participant des sommes importantes et dont l’accès est circonstancié aux résultats obtenus au niveau national, accentue la course au talent. On estime ainsi que durant la saison 2001-2002 les recettes retirées de l’UEFA Champions League par le Lille Olympique Sporting Club (LOSC) représentaient 41 % des revenus annuels du club. L’accès à ces compétitions rémunératrices peut donc justifier les choix sportifs visant à améliorer la compétitivité de l’équipe. La dernière logique provient du système de redistribution des droits télévisuels qui, pour partie, dépend de la position du club au championnat à la fin de la saison précédente. En France, le niveau de ces droits reçus par un club de Ligue 1 dépend en effet, pour moitié, de critères à rapprocher de sa performance sportive. Alors que la « manne » télévisuelle dont profitent les clubs français crée, selon certains économistes, une dépendance — puisqu’elle représente aujourd’hui en moyenne 60 % des revenus d’exploitation des clubs de Ligue 1 —, on comprend la tentation des clubs de recruter de nouveaux joueurs pour maximiser leurs victoires.

11En ce qui concerne les enjeux financiers, il faut souligner que les clubs de football professionnels sont, comme toute autre entreprise, obligés de présenter des documents comptables. Ceux-ci doivent donner une image fidèle de l’activité et du patrimoine de l’entreprise. Afin de contenter l’ensemble des parties prenantes et en particulier les apporteurs de capitaux (actionnaires ou associés), les clubs doivent surveiller le résultat de leur activité et également soigner leur patrimoine. Dans ce cadre, l’activité d’un club sur le marché des transferts a des conséquences multiples. Si on a vu qu’elle pouvait améliorer les performances sportives et, ce faisant, augmenter les produits d’exploitation du club (droits télévisuels, revenus provenant des compétitions européennes), elle modifie également le patrimoine de l’entreprise. En effet, depuis 2005, le recrutement d’un joueur est considéré comme une opération d’acquisition d’un élément actif, correspondant aux droits contractuels détenus par les clubs. Cet actif est enregistré comme une immobilisation incorporelle et est sujet au mécanisme de l’amortissement. De plus, le plan comptable général (PCE) de 1990 prévoit pour les clubs sportifs professionnels la présentation de deux résultats distincts, l’un relatif au résultat de l’exploitation traditionnelle appelé « contributioncompétition », l’autre dédié aux opérations d’achat-vente de joueurs appelé « contribution-mutation ». Le PCG officialise donc la possibilité pour un club de financer son activité grâce à ses opérations sur le marché des transferts, une « contribution-mutation » positive permettant de compenser un résultat d’exploitation faible.

12 On comprend donc que la santé financière (et donc la valeur) d’un club, mesurée grâce à l’analyse de ses documents comptables, est directement liée à la politique du club sur le marché des transferts.

13À la lumière des enjeux pour les acteurs, nous allons détailler quelques outils économiques que les acteurs utilisent pour se positionner sur ce marché.

Les outils d’aide à la décision utilisés par les acteurs

14Il faut tout d’abord préciser qu’il n’existe pas de normes concernant les contrats de transfert. Le seul droit applicable est le droit contractuel privé, qui laisse les acteurs négocier librement le montant du contrat. À titre d’exemple, les sports professionnels américains bénéficient dans le cadre de leur Collective Bargaining Agreement d’une batterie de normes contrôlant et guidant les acteurs.

15Dès lors, quel salaire un joueur peut-il réclamer, et quel salaire un club peut-il offrir ? Quelle indemnité de transfert un club doit-il offrir pour satisfaire un club détenteur des droits sur un joueur convoité ? Autrement dit, quel est le montant théorique/fondamental d’un transfert et la valorisation théorique/fondamentale du talent ? Soit, pour reprendre un exemple concret, comment justifier les 94 millions investis par le Real Madrid pour acquérir Cristiano Ronaldo ?

16Bien évidemment, il n’existe pas de one best way dans ce domaine, mais il est néanmoins possible de détailler quelques outils fournissant des informations éclairantes afin que les acteurs déterminent leurs dispositions individuelles à payer (pour le club acheteur) ou à recevoir (pour le club vendeur et le joueur).

17Soulignons tout d’abord que la théorie économique classique suppose que la rémunération d’un facteur de production doit récompenser la productivité du facteur. Malgré les défauts de cette théorie, ce résultat apparaît comme une bonne base de réflexion pour les acteurs. En effet, si cet outil apparaît comme peu opportun ex ante dans le cadre de la négociation du salaire entre joueur et club — car la productivité d’un joueur est difficile à mesurer dans les sports collectifs et en particulier en football —, il offre néanmoins une excellente base de calcul de l’indemnité de transfert. En effet, celle-ci peut représenter une compensation liée au départ du joueur : si on considère ex post que le salaire fixé entre le joueur et le club quitté, dans le contrat les liant, représente la productivité estimée du joueur dans ce club (comme la simple théorie économique le préconise), le club acheteur peut tenter de compenser le club quitté par un montant représentant la perte de productivité liée au départ de ce joueur, mesurée par la somme des salaires dus jusqu’au terme du contrat. Cette méthode permet dans les faits de fixer une valeur « plancher » à l’indemnité de transfert ; c’est le minimum que le club quitté exige pour laisser partir son joueur.

18En complément, on peut considérer que le recrutement d’un joueur s’assimile, pour le club, à un investissement. La théorie conseille dans ce cas d’estimer le prix à payer en utilisant la méthode de la valeur actuelle nette (VAN). Dès lors que celle-ci est positive, l’investissement est rentable. Elle se mesure en calculant la différence entre la somme des flux de trésorerie espérés liés au recrutement de ce joueur, et l’indemnité de transfert payée. Ainsi, le club calcule la valeur actuelle de l’ensemble des flux de trésorerie qu’il associe à l’arrivée de ce nouveau joueur, qui peuvent provenir des revenus associés à l’amélioration des résultats sportifs induits — la « valeur d’usage » du joueur —, mais aussi des revenus liés à la simple présence du joueur dans le club — « sa valeur de non-usage » (produits dérivés, sponsoring). Ce total fera office de niveau « plafond » du coût total du joueur pour le club acheteur, mesuré par la somme de l’indemnité de transfert et de la somme actualisée de l’ensemble des salaires bruts versés au joueur sur la durée de son contrat, afin de s’assurer que cette acquisition soit rentable.

19Ces deux méthodes font partie d’une boîte à outils théoriques permettant au niveau individuel de calculer des prix offerts et des prix exigés. Pourtant, le marché des sportifs professionnels est un marché concurrentiel, ce qui implique que les positions des acteurs sont influencées par des interactions stratégiques avec les autres acteurs concurrents. C’est dans ce cadre que l’information, détenue par les acteurs sur les positions des partenaires et concurrents paraît essentielle et que l’imperfection de l’information crée un rôle pour l’agent sportif.

Les imperfections du marché des transferts et le rôle de l’agent sportif

Les asymétries d’information du marché des transferts

20Tout prix est déterminé en confrontant l’offre et la demande. La théorie économique offre aux acteurs un arsenal d’outils permettant d’évaluer leur disposition à recevoir et leur disposition à payer. Or les acteurs du marché du football ont des difficultés à évaluer ces éléments, car ils sont en présence d’une imperfection du marché qualifiée d’« asymétrie de l’information ». Le marché détermine facilement un prix d’équilibre lorsque l’information est parfaite, c’est-à-dire lorsque les informations concernant chaque acteur sont disponibles et connues de tous. Or les asymétries d’informations sont omniprésentes sur le marché des joueurs professionnels de football et la présence d’informations privées sur le marché ne permet pas, d’après la théorie, d’atteindre l’équilibre.

21En effet, lorsque les joueurs déterminent leurs prétentions salariales, ils ne connaissent pas le salaire des autres joueurs, et sont souvent incapables d’évaluer leur propre talent. Il leur est difficile d’identifier les clubs intéressés par leurs services. Ils s’intéressent également aux informations telles que la santé financière des clubs ou la qualité de leur management, qu’ils sont incapables de collecter seuls. En l’absence de telles informations, ils ne peuvent pas déterminer leur disposition à recevoir, c’est-à-dire le salaire qu’ils peuvent exiger. Parallèlement à cela, leurs partenaires dans l’échange — les clubs — ont des difficultés à identifier des joueurs susceptibles de répondre à leur manque de talent. De plus, le talent et la productivité sont difficiles à mesurer, ce qui rend caduque l’application de la théorie économique de rémunération à la productivité. D’autres informations importantes sur les joueurs sont également « cachées », comme l’état de santé, la capacité d’adaptation, le professionnalisme. En ce qui concerne la relation entre les clubs, on peut souligner qu’il est difficile d’identifier tous les clubs potentiellement acheteurs ainsi que de déterminer leurs ressources économiques disponibles. Par conséquent, ils manquent d’informations pour fixer leurs dispositions à recevoir et à payer une indemnité de transfert.

22Les agents sportifs vont donc endosser le rôle de révélateur d’informations privées et donc de facilitateur d’accords. Dans les faits, les joueurs sont les principaux mandants pour les agents sportifs car ils souhaitent que ceux-ci gèrent leurs intérêts lors de la négociation contractuelle avec les clubs. Mais les clubs peuvent également faire appel à leurs services comme intermédiaires, notamment dans des transferts internationaux où les partenaires se connaissent peu.

Les missions de l’agent sportif

23On estime à 200 millions d’euros le total des commissions touchées annuellement par les agents sportifs en Europe [3]. Les institutions ont cherché à réguler l’accès à la profession. Ainsi, la plupart des fédérations internationales telles que la FIFA ou la FIBA conditionnent l’accès à la profession à la détention d’une licence délivrée par la fédération nationale. Cette licence crée un lien juridique entre l’agent sportif et la fédération afin de faciliter le contrôle, et est censée attester des compétences juridiques de l’agent sportif ainsi que de la connaissance des spécificités de son sport, deux qualités essentielles au regard des missions qui lui sont attribuées.

24Intéressons-nous au rôle d’agent sportif en tant que représentant de joueurs. Il n’existe pas de consensus sur les missions que l’agent sportif réalisera pour le joueur dans le cadre de son mandat. Dans les faits, son rôle principal est de défendre les intérêts du joueur qui l’a mandaté dans le cadre de la négociation avec le club en vue de la signature du contrat. Il doit donc offrir des conseils juridiques et financiers au joueur afin d’optimiser la qualité du contrat. Il peut, par ailleurs, avoir été à l’origine de la rencontre entre les deux parties et peut offrir au joueur d’autres services, tels que la gestion de son patrimoine via des conseils fiscaux et financiers, la gestion de son image via la mise en relation avec des marques désirant s’associer au joueur, etc. Ces services peuvent être facturés en sus par l’agent dans le cadre d’un nouveau contrat entre le joueur et l’agent.

25La population des agents sportifs est difficile à estimer. Malgré tout, une étude sociologique portant sur les agents sportifs nous permet de dégager trois types distincts de candidats à la licence :

  • ? les hauts diplômés universitaires qui offrent leurs compétences techniques ;
  • ? les anciens joueurs professionnels qui offrent le réseau qu’ils se sont créé lors de leur carrière ;
  • ? les proches des joueurs (parent, ami, conjoint, etc.) qui se spécialisent dans les tâches administratives du joueur sur la base d’une confiance légitime.
Par ailleurs, parmi les agents actifs, il existe différentes classes d’agents selon les services offerts, la qualité des réseaux dont ils disposent et la taille du portefeuille de leurs joueurs. On peut ainsi noter un phénomène de concentration sur le marché des agents sportifs et l’existence de sociétés d’agence sportive qui détiennent d’importantes parts de marché en Europe, surtout sur le marché des « stars », en offrant des services complets et de qualité. Ceci entraîne une grande disparité entre les revenus des agents sportifs. Si la FFF dénombre environ 280 agents licenciés en 2009, on estime que seuls un quart d’entre eux dégagent suffisamment de revenus pour en vivre. La concentration du marché entraîne directement une forme de précarité chez un certain nombre d’agents sportifs.

26Enfin, l’activité des agents sportifs fait également l’objet de réglementations, fixant par exemple un plafond au pourcentage exigé en rémunération, déterminant les obligations de l’agent sportif visà-vis de sa fédération, interdisant le double mandatement, etc. Il est à noter que, comme le souligne l’étude européenne commandée par la Commission européenne, l’encadrement de la profession au niveau international souffre à ce titre d’une grande hétérogénéité et il en découle une effectivité limitée des réglementations de la profession d’agent sportif.

27Pour conclure, il faut en effet insister sur les dérives que connaît le marché des transferts et dans lesquelles l’agent sportif est impliqué. Alors que les institutions sportives n’ont souvent aucun contrôle sur les agents car on estime que seuls 25 % des transferts internationaux se font par l’intermédiaire d’un agent licencié, les pratiques du marché posent problème. Il est ainsi aujourd’hui difficile de connaître exactement les différents bénéficiaires des indemnités de transfert (voir les cas Rooney et Kewell, sans parler des transferts impliquant les joueurs sud-américains). On peut alors s’interroger sur la manière dont les 94 millions d’euros payés par le Real Madrid ont été partagés : qui en a bénéficié ? Le manque de transparence, notamment dans les transferts internationaux, empêche le suivi des flux financiers. Par ailleurs, le double mandatement, pourtant interdit, est un usage. Pour des raisons principalement fiscales, les clubs rémunèrent les agents, mandatés au départ par les joueurs. Les acteurs détournent la réglementation en créant un mandat antidaté entre le club et l’agent alors que le mandat entre joueur et agent n’a jamais été formalisé par un contrat en bonne et due forme. Les dérives constatées remettent en cause le contrôle de l’activité des agents sportifs et les instances de régulation tentent d’adapter la réglementation, la FIFA remettant en cause le principe même de la licence et une proposition de loi étant actuellement discutée devant les assemblées françaises, points déjà évoqués plus haut.


Date de mise en ligne : 01/12/2011

https://doi.org/10.3917/geoec.054.0079

Notes

  • [1]
    Assemblée nationale, « Les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs », rapport d’information n° 3741, février 2007.
  • [2]
    Étude sur les agents sportifs dans l’Union européenne (Direction générale éducation et culture) commandée par la Commission européenne, novembre 2009.
  • [3]
    Étude de la Commission européenne, op. cit.

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