Genèses 2021/1 n° 122

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Article de revue

« Monter à la confédération »

La codification des carrières de permanents syndicaux par la CFDT et la CGT (1970-1985)

Pages 35 à 58

Notes

  • [1]
    Nous tenons à remercier les lecteurs de Genèses ainsi que Vanessa Caru pour leurs conseils sur des versions antérieures de cet article. Nous exprimons également toute notre gratitude aux coordinateurs du dossier pour leur accompagnement et leur suivi scrupuleux de ce travail.
  • [2]
    Pour Georges Ubbiali, le permanent désigne un membre d’une organisation sans but lucratif rémunéré pour s’occuper, à plein temps, de la gestion de cette même organisation (Ubbiali 1997).
  • [3]
    En 1979, la CFDT décide de « recentrer » son intervention autour des seuls enjeux syndicaux délaissant, par la même occasion, les mots d’ordre politiques – notamment celui de l’autogestion – portés dans les années 1960-1970. En 1978, la CGT tient son 40e congrès confédéral, souvent présenté comme une tentative d’ouverture manquée de la direction confédérale pour promouvoir le débat entre communistes et non-communistes au sein de la centrale.
  • [4]
    Étude réalisée à partir des fonds du secteur « Promotion des cadres », Institut CGT d’histoire sociale (désormais IHS), 399 CFD 1-46.
  • [5]
    Extraits de « Pour une promotion responsable, hardie et vivante de cadres syndicaux », 1971 (IHS, 399 CFD 34) et d’une Note à la commission exécutive, février 1972 (Archives CFDT, CH/8/187).
  • [6]
    Voir sa biographie sur le site Maitron, URL : http://maitron.fr/spip.php?article9877.
  • [7]
    Notes manuscrites de Guy Moineau, 1976 (IHS, 399 CFD 39).
  • [8]
    Un vaste mouvement de renouvellement générationnel est amorcé en 1969 et se poursuit tout au long des années 1970. Pour l’accompagner, le secteur Promotion des cadres reconstitue scrupuleusement les mouvements au sein des directions d’unions départementales, avec une attention particulière à l’ancienneté et à l’âge des permanents (IHS, 399 CFD 30).
  • [9]
    Questionnaire adressé aux organisations confédérées, juin 1968, et rapport de François Rogé, mai 1970 (Arch. CFDT, CH/7/309).
  • [10]
    En février 1960, le Comité confédéral examine par exemple un rapport sur le « Problème des permanents » fondé sur la récolte de 251 questionnaires (Arch. CFDT, CH/6/183).
  • [11]
    « États récapitulatifs de la situation des permanents », 1961-1969 (Arch. CFDT, CH/7/309).
  • [12]
    « Pour une politique hardie de promotion des cadres syndicaux », Intervention d’André Allamy devant le bureau confédéral (BC), février 1976 (IHS, 399 CFD 12).
  • [13]
    « Les archives documentent par exemple l’élaboration et les différents modèles de questionnaires employés par la Fédération de la Métallurgie, entre 1977 et 1979 (IHS, 398 CFD 33).
  • [14]
    Arch. CFDT, CH/8/2171.
  • [15]
    Les archives du secteur Promotion des cadres conservent de nombreux questionnaires et projets de formulaires (IHS, 399 CFD 24).
  • [16]
    « Quelques réflexions concernant le projet de questionnaire aux responsables syndicaux de la CGT », note de Guy Moineau et André Allamy, 28 décembre 1976 (IHS, 399 CFD 39).
  • [17]
    Conclusion du BC par Henri Krasucki, 12 décembre 1984 (IHS, 399 CFD 12).
  • [18]
    Lorsque des informations concernant l’entourage familial des syndicalistes sont mobilisées, nous avons pris la précaution de modifier leurs noms et prénoms.
  • [19]
    Lettre de Louise Frémont à Georges Séguy, 24 août 1978 (IHS, 417 CFD 76).
  • [20]
    Note créant le GG26, adressée aux membres de la CE, septembre 1971 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [21]
    Chercheur en science politique, ancien dirigeant de l’Union des ingénieurs et cadres (1964-1970), devenu secrétaire général de la fédération des Industries chimiques (1970-1974). Voir sa notice biographique sur le site Maitron, URL : http://maitron.fr/spip.php?article148599.
  • [22]
    Courrier du bureau régional Rhône-Alpes daté du 23 avril 1974 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [23]
    « Projet de réponse » au comité régional Rhône-Alpes, s. d. (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [24]
    Note au Bureau national (BN), septembre 1977 (Arch. CFDT, CH/8/178).
  • [25]
    Le parcours d’André Monnier reste mal documenté. Permanent de l’appareil confédéral de la CFTC dès les années 1950, adjoint du trésorier Jean Alidières jusqu’en 1973, il fait partie des cadres invisibles, ignorés du dictionnaire Maitron, que fait resurgir l’étude des questions logistiques et du travail syndical.
  • [26]
    Arch. CFDT, CH/8/187.
  • [27]
    Arch. CFDT, CH/8/187.
  • [28]
    « Les problèmes de la conversion des cadres syndicaux », 1980 (IHS, 399 CFD 33).
  • [29]
    Brochure de présentation du secteur pour le Centre confédéral d’éducation ouvrière de la CGT, 1983 (IHS, 399 CFD 35).
  • [30]
    Rapport Allamy au BC, 12 décembre 1984 (IHS, 399 CFD 40).
  • [31]
    André Allamy, Questionnaire « responsables syndicaux », Commentaires, Note de janvier 1977 (IHS, 399 CFD 39).
  • [32]
    Cours sur « la promotion des cadres syndicaux » pour le stage supérieur, s. d. [1972] (IHS, 399 CFD 34).
  • [33]
    Formation. La promotion des militants, 1975 (IHS, 399 CFD 34).
  • [34]
    De manière à respecter son anonymat, les propriétés sociales du militant ont fait l’objet d’une modification partielle.
  • [35]
    Lettre de Christian Tarvelle, mars 1983, Archives du secteur cadres (IHS, 417 CFD 52-54).
  • [36]
    Projet de nouvelle classification, Mai 1976 (IHS, 251 CFD 2).
  • [37]
    « Première réflexion sur les problèmes posés par les secrétaires confédéraux », septembre 1971 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [38]
    BN des 19-21 juin 1975 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [39]
    BN des 19-21 juin 1975 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [40]
    Note au BN, septembre 1977 (Arch. CFDT, CH/8/178).
  • [41]
    Michel Branciard, Le secrétariat confédéral 1953-1980, Étude pour le BRAEC, 1980 (Arch. CFDT, CH/8/263).
  • [42]
    Note « Rôle, place et situation des permanents du secrétariat confédéral », février 1972 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [43]
    « Première réflexion sur les problèmes posés par les secrétaires confédéraux », septembre 1971 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [44]
    Compte rendu de la réunion plénière du secrétariat confédéral, avril 1972 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [45]
    Certains militants repèrent les standards induits par cette mobilité au sein de l’appareil et se refusent parfois à les endosser (Boulland 2013). Christian Corouge, OS chez Peugeot, affiche ainsi son refus de devenir permanent et ses réticences à participer aux négociations avec la direction : « Ça t’oblige à avoir une espèce de langage, à avoir une espèce de tenue vestimentaire, à avoir une espèce de sacoche à la main, à avoir une espèce d’attitude à la con » (Corouge et Pialoux 2011 : 271).

1En reprenant les mots de Pitirim A. Sorokin (1959 : 164), on pourrait affirmer que les organisations syndicales constituent des « canaux de mobilité » pour l’ascension sociale des classes populaires. Depuis la formation des première s centrales ouvrières, ce constat a été régulièrement réitéré, tant en France (Mischi 2016) qu’en Europe (Guillaume 2017) ou dans le reste du monde (Julliard 2018). Les témoignages des acteurs soulignent combien l’acquisition d’une culture de métier, l’octroi de mandats représentatifs, la fréquentation des formations militantes ou encore la rencontre des dirigeants de générations antérieures constituent les étapes décisives d’un changement de vie, tout à la fois improbable, éprouvant et émancipateur. Ces récits insistent sur les dimensions nobles de trajectoires d’ascension sociale (élévation culturelle, cérémonies officielles, luttes exemplaires, etc.) et passent volontiers sous silence les modalités professionnelles de ces déplacements. Alors même que les confédérations syndicales disposent d’un double statut social, en tant qu’organisation militante et entreprise de droit privé, et que ce dualisme nourrit de longue date les débats au sein du mouvement ouvrier (Delalande 2019), les responsables syndicaux aiment à répéter que « le syndicalisme n’est pas un métier », qu’il « ne rapporte rien » ou qu’on n’y « fait pas carrière ». Ce faisant, ils reproduisent une rhétorique du désintéressement bien connue de la sociologie du militantisme (Gaxie 2005), selon laquelle l’engagement constituerait avant tout un désavantage pour leur vie professionnelle (Chappe et al. 2019). Néanmoins, un certain nombre d’entre eux engagent dans le syndicalisme une véritable carrière de substitution. Employés de longues années au service de l’organisation, ils se confrontent concrètement aux enjeux d’une mobilité professionnelle opérée à l’intérieur de l’espace militant [1].

2Si les travaux consacrés aux trajectoires syndicales renseignent bien le processus de transition entre l’état de bénévole et le statut de militant appointé (Ubbiali 1997 ; Thomas 2017), on ne sait presque rien du déroulement de carrière que connaissent ensuite les « permanents [2] ». Tout se passe comme si leurs conditions d’emploi demeuraient figées, jusqu’au jour d’une reconversion ou d’un départ en retraite (Ubbiali 1999 ; Pochic 2014). En poste durant de longues années au sein d’une même structure, ne changeant apparemment jamais de catégorie ou de grade et ne bénéficiant que d’augmentations salariales dérisoires, d’un point de vue extérieur ou strictement statistique, ils semblent presque constituer des modèles d’immobilité. Ces éléments participent d’ailleurs du caractère « déviant » de la carrière syndicale (Guillaume 2014). Statutairement incertaine et matériellement précaire, elle semble s’abstraire des mécanismes élémentaires de la vie salariée.

3On peut toutefois s’interroger sur cet immobilisme apparent ou supposé. Par exemple, lorsque le secrétaire permanent d’une union départementale accède à un poste à la direction nationale de sa confédération, son statut reste certes identique aux yeux des institutions d’encadrement de l’emploi et il continue à se définir en fonction de son univers professionnel d’origine. Pour autant, ses fonctions et son activité se sont transformées, tout comme ses ressources symboliques voire sa situation matérielle. Il a expérimenté un déplacement dans l’organisation qui s’inscrit au croisement des multiples dimensions – géographique, salariale, statutaire, d’établissement – de la mobilité professionnelle (Duhautois, Petit et Remillon 2012). Comprendre comment ces éléments se combinent pour orienter la carrière de l’intéressé implique de délaisser la seule focale individuelle, pour mieux s’intéresser à la manière dont l’institution fabrique la mobilité de ses membres (Vezinat 2011). En sa qualité d’employeur, la centrale syndicale élabore des modalités de recrutement, des procédures d’avancement et des principes de promotion qui orientent la trajectoire des permanents. L’examen de ces circuits institutionnels apparaît essentiel si l’on souhaite comprendre comment se structure l’espace des mobilités ouvert aux syndicalistes. Périmètre balisé par l’institution, ce dernier est l’objet de nombreuses négociations internes, aussi bien en ce qui concerne sa délimitation que la nature des échanges qui y ont cours. Ainsi, en contrepoint de l’approche par les trajectoires, fondamentale dans l’étude des carrières militantes ou d’engagement (Fillieule 2001), cet article souhaite se concentrer sur la codification des normes de mobilité, pour tenter de comprendre comment s’élabore le cadre institutionnel qui préside aux déplacements des permanents au sein de « l’entreprise » syndicale.

4De longue date, les centrales syndicales ont cherché à soustraire la gestion de leurs responsables permanents aux principes de l’économie capitaliste (Barjonet 1968 : 61-62). Sans échapper totalement à « l’impérialisme du marché » (Bourdieu 2017 : 125), elles ont édicté des critères alternatifs de promotion professionnelle (dévouement, désintéressement, confiance, etc.) auxquels correspond une distribution des rôles (politique, technique, etc.) et des positions hiérarchiques. L’une des particularités de cet ordonnancement est qu’il cherche à mettre à distance les rétributions pécuniaires au profit d’une reconnaissance symbolique du travail. Au cours de leur carrière, s’ils bénéficient de quelques avantages matériels (augmentation des traitements, frais de représentation, etc.), les syndicalistes cherchent avant tout à accumuler des « biens symboliques » (Bourdieu 1977) dont la valeur dans l’économie interne peut concurrencer, voire dépasser, celle établie par leur rémunération salariale (Gaxie 2005). L’importance accordée à ces rétributions spécifiques (titres, statuts, positions hiérarchiques, etc.) n’est pas sans rappeler le fonctionnement des marchés artistique, littéraire ou de la recherche universitaire (Sapiro 2007 ; Cardon et Pilmis 2013) ou certaines « professions vocationnelles » (Dauvin et Siméant 2002), qui proposent eux aussi des logiques rétributives hybrides. Dans cette perspective, à travers les organisations syndicales, on observe un contexte dans lequel les tensions entre registres symboliques et matériels sont particulièrement exacerbées. La question des mobilités professionnelles agit alors comme un révélateur des injonctions contradictoires auxquelles font face ces entreprises un peu particulières, tiraillées, à l’image des partis politiques (Aldrin 2007), entre des modes de fonctionnement hérités des mondes militants et l’affirmation de leurs obligations d’employeur.

5À partir des exemples de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et de la Confédération générale du travail (CGT), appréhendées au cours des années 1970 à 1985, cet article étudie la manière dont ces deux institutions tentent – en tant qu’employeurs – de codifier les déplacements de leurs permanents, en élaborant des circuits de promotion qui combinent des rétributions symboliques et matérielles. La période envisagée est celle d’une expansion des appareils confédéraux (Encadré), en amont de la phase critique des décennies 1980 et 1990 (Béroud et al. 2019). Avant le retournement de conjoncture symbolisé par le « tournant de la rigueur » de 1983 et concrétisé sur notre terrain par le plan social qui affecte le siège de la CGT en 1984, les deux directions syndicales entendent s’approprier pleinement leur rôle d’employeur en améliorant la prise en charge administrative et sociale de leurs salariés (comité d’entreprise, mutuelle santé, caisse de retraite, etc.). À mesure que le cadre professionnel se structure et que des dispositifs de gestion de la main-d’œuvre s’élaborent et se déploient, l’enjeu de la circulation horizontale et verticale des acteurs s’exacerbe. La distribution des postes et des statuts, potentiellement porteuse d’une remise en cause de l’ordre symbolique de l’institution, impose une définition des modalités de déplacement individuel. Les deux centrales sont ainsi amenées, à plusieurs reprises et dans un temps relativement bref, à modifier les normes qui régissent le déroulement de carrière de leurs personnels. Ces recompositions ont moins pour but d’optimiser la gestion des effectifs ou de réaliser des économies que de délimiter l’espace des mobilités accessible aux permanents en leur proposant une perspective d’évolution professionnelle durable.

Croissance des appareils et impératif de mobilité

Au cours des décennies 1970 et 1980, à quelques années d’intervalle, la CFDT et la CGT font face à des enjeux organisationnels similaires nés d’un même ensemble de circonstances et de transformations de leurs activités. Elles doivent gérer l’afflux massif de syndiqués provoqué par mai-juin 1968 (Karila-Cohen et Wilfert 1998 : 370), l’accroissement de leurs prérogatives institutionnelles lié aux évolutions du droit syndical (reconnaissance des sections d’entreprises, développement des comités d’entreprise), la transformation démographique de leur corps militant, le déménagement de leur siège confédéral et les dissensions provoquées par les débats internes (« recentrage » de la CFDT, 40e congrès de la CGT [3]). Ces dynamiques endogènes et exogènes provoquent un essor brutal des appareils confédéraux. Si ceux-ci ne concentrent qu’une part minime des cadres syndicaux, la majorité travaillant dans les réseaux professionnels et territoriaux des deux appareils, les effectifs des sièges confédéraux connaissent une croissance importante. En très peu de temps, ils passent de quelques dizaines à plusieurs centaines de permanents (Tixier 1992 ; Andolfatto et Labbé 1997 : 105). Ce mouvement s’accompagne d’une hétérogénéisation du profil des intéressés. À la CGT, les nouveaux arrivants appartiennent davantage aux catégories des techniciens et des cadres, ils sont plus jeunes, moins expérimentés et moins formés aux tâches dirigeantes. À la CFDT, on assiste à un double phénomène de clôture (Defaud 2009 : 165) et de dualisation (Tixier 1992 : 222) qui favorise le recrutement de militants titulaires de diplômes universitaires et, en parallèle, la progressive marginalisation des responsables ouvriers (Defaud 2009 : 54). À partir du milieu des années 1970, les deux centrales constituent ainsi des communautés professionnelles en pleine transformation. Leur statut d’employeur s’en trouve directement interpellé. Une partie des cadres syndicaux, notamment parmi les nouveaux arrivants, réclame des garanties professionnelles et une perspective de déroulement de carrière en accord avec la hausse des moyens et des ambitions confédérales. Ces attentes tiennent en particulier à l’âge biologique et social de l’accès au statut de permanent. L’étude de 301 dossiers individuels de cadres cégétistes fait par exemple apparaître que 80 % sont devenus permanents avant 35 ans, et 51 % avant 30 ans [4]. Lorsqu’ils accèdent aux postes confédéraux, ils ont encore de nombreuses années de vie militante et professionnelle devant eux, alors qu’un retour à leur métier d’origine est bien souvent impossible (Ubbiali 1999 ; Dauvin et Siméant 2002 : 97). Face à ces attentes, les deux organisations sont conduites à réexaminer les conceptions qui guident leur politique du personnel. Elles adoptent des outils (service du personnel, conventions collectives, etc.), des méthodes (gestion prévisionnelle des effectifs, grilles de rémunérations, etc.) et des projets (améliorer les salaires, fournir une protection sociale aux permanents, etc.) leur permettant d’élaborer de véritables perspectives de promotion professionnelle pour leurs salariés.

Des outils pour penser les carrières syndicales

6Durant les années 1970-1980, les ambitions de la CFDT et de la CGT en matière de promotion de leurs dirigeants s’affichent dans les formules qui émaillent notes et rapports internes : « faire face à nos responsabilités », « disposer d’un nombre considérable de cadres syndicaux », « déterminer une politique des hommes », « assurer la montée et la formation des cadres » [5]. Les deux directions chargent donc les services confédéraux de redéfinir les principes – salariaux, statutaires, etc. – de la gestion du personnel, ce qui débouche sur des mesures de rationalisation qui modifient des pratiques administratives encore peu bureaucratisées, personnalisées et imprégnées d’un esprit égalitaire.

Des services chargés de fabriquer les carrières

7À la CGT, ces transformations sont mises en œuvre par le secteur « Promotion des cadres syndicaux » rattaché au secrétariat général (Boulland et Simonpoli 2019). Créé en 1975 et actif jusqu’en 1989, ce service de l’appareil confédéral compte trois à cinq permanents. Il est dirigé par André Allamy, né en 1927, titulaire du brevet supérieur, technicien de l’industrie chimique, militant communiste, secrétaire confédéral (1969-1982) et fin connaisseur de l’appareil cégétiste [6]. Les membres du secteur se donnent pour objectif de « rationaliser » le fonctionnement du travail confédéral et d’élaborer un système efficace de gestion des permanents à l’échelle de l’ensemble de la CGT. En 1976, André Allamy explique qu’il s’agit d’occuper un « rôle identique à la gestion des ressources humaines avec la particularité du fédéralisme et de la nature du mouvement syndical [7] ». Son action, souvent coordonnée avec l’administration confédérale, se concentre sur la régulation des carrières, ce qui implique l’élaboration de procédures d’embauche, de formation, de promotion et, au besoin, de reconversion professionnelle pour définir un ensemble de bonnes pratiques diffusées et appropriées dans toute la CGT.

8À la CFDT, les réformes internes sont portées par un groupe de gestion inter-services fondé en 1972 sous l’impulsion du secrétaire général Edmond Maire. Dans le prolongement de la refonte des statuts, lors du 35e congrès de mai 1970 (Georgi 1995 : 582), la direction cédétiste souhaite revoir le fonctionnement de son siège. Depuis plusieurs années, celui-ci est le théâtre de conflits relatifs à la distribution des rôles hiérarchiques entre membres élus (les « secrétaires nationaux ») et permanents politiques ou techniques (les « secrétaires confédéraux »). Actif à partir de 1973, le groupe est composé d’une dizaine de secrétaires nationaux représentant chacun un secteur d’activité confédéral. Dénommé « GG26 » en référence à l’adresse du siège, au 26 rue Montholon à Paris (IXe), il est d’abord chargé de redéfinir les fonctions et les statuts des personnels confédéraux. Toutefois, son action s’étend bientôt à d’autres domaines de la politique administrative de la CFDT. Considéré comme un organe de réflexion et de proposition, il est sollicité au sujet des modalités d’embauche ou des règles de rémunération et d’avancement des cadres confédéraux.

Des instruments d’objectivation des mobilités

9Chargées d’administrer les carrières des permanents et de codifier leur répartition dans une grille des postes et des salaires, les deux entités s’approprient des outils bureaucratiques permettant de renseigner la trajectoire des intéressés et de cartographier l’état des effectifs salariés. À l’instar d’autres structures – étatiques (Karila-Cohen et Le Bihan 2018), entrepreneuriales (de Barros et Zalc 2008) ou partisanes (Boulland 2018) – elles font un usage routinisé des dossiers personnels, des enquêtes par questionnaire, des courbes démographiques ou des études prospectives sur l’évolution de la masse salariale. Ces instruments constituent des outils de connaissance pour retracer le parcours des cadres syndicaux à l’intérieur de l’appareil en même temps qu’ils offrent une vue d’ensemble sur la morphologie du groupe des permanents, permettant ainsi d’identifier les transformations à l’œuvre ou souhaitables. Initialement mobilisés à l’occasion des congrès ou des stages de formation, ils s’intègrent progressivement au travail institutionnel ordinaire. Ils sont notamment utilisés pour anticiper les mouvements de cadres de grande ampleur, qu’ils soient décidés par la direction (renouvellement des directions d’unions départementales à la CGT à partir de 1969 [8]) ou induits par les conjonctures organisationnelles (départs en retraite, licenciements économiques, etc.). En ce sens, dès les lendemains du mouvement social de mai-juin 1968, à travers son secteur « Organisation », la CFDT lance une enquête interne auprès de l’ensemble des organisations confédérées afin d’évaluer le déroulement des carrières des permanents [9]. Ce recensement se concentre alors sur l’âge, l’ancienneté et le temps passé en poste. L’administration cédétiste possède un savoir-faire particulièrement développé, notamment du fait d’une gestion plus précocement centralisée des personnels. Ainsi, au début des années 1960, avant la déconfessionnalisation qui donna naissance à la CFDT, la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) procède déjà à des enquêtes par questionnaire [10] et s’appuie sur la « mise en fiche » des permanents pour dresser des bilans annuels [11].

10Le recueil d’informations est moins complet et systématisé à la CGT qui, jusqu’aux années 1970, utilise encore des notes éparses et des « méthodes artisanales [12] ». En 1977, André Allamy diffuse aux responsables cégétistes un modèle de questionnaire individuel assorti d’une « note complémentaire ». Si les dirigeants du secteur Promotion des cadres s’inspirent directement des conceptions du Parti communiste français (PCF) en matière de gestion des cadres (Boulland et Simonpoli 2019), l’analogie avec les outils du contrôle biographique communiste (Pennetier et Pudal 2002 ; Boulland 2016) ne constitue pas l’enjeu majeur : le formulaire apparaît plutôt comme un instrument neutre et dans les années suivantes, les fédérations professionnelles s’en inspirent pour élaborer leurs propres modèles [13]. La note complémentaire d’Allamy vise d’ailleurs à écarter le spectre d’un « centralisme abusif (et bureaucratique) » qui pourrait déplaire aux dirigeants des organisations confédérées. Dans le même temps, elle réaffirme le caractère essentiel des données collectées qui doivent permettre l’élaboration d’une « politique des cadres » plus aboutie, c’est-à-dire mieux à même de concilier les aspirations des permanents et de l’institution en promouvant « les meilleurs éléments ».

11Dans les deux organisations, les formulaires signalent toute l’attention accordée à la reconstitution des carrières militantes et aux conditions d’accès au statut de permanent. Au milieu des années 1970, les permanents CFDT remplissent par exemple un questionnaire d’une page recto verso (Figure 1). Outre les informations d’état civil, le premier volet invite à préciser leur métier, leur niveau d’étude, leur année d’adhésion et leur ancienneté en tant que permanents, ainsi qu’à reconstituer leurs « responsabilités syndicales successives ». La deuxième page se concentre intégralement sur les enjeux statutaires et salariaux : rémunération, « avantages » et régime complémentaire, possibilité de réintégrer le « milieu professionnel d’origine », etc. [14] On retrouve les mêmes préoccupations à la CGT, où la situation familiale est également scrutée attentivement : statut matrimonial, nombre et âge des enfants, statut professionnel du conjoint, etc. [15] En compilant ces informations biographiques, le questionnaire réinscrit la trajectoire du syndicaliste dans une perspective dynamique qui fournit à l’institution un aperçu des mobilités syndicales préalables de l’intéressé et, par la même occasion, une idée des qualités développées au cours des étapes successives de son parcours. En 1976, cet objectif est très clairement exprimé par le secteur d’André Allamy qui cherche « à établir une fiche par responsable dont la caractéristique essentielle sera de mettre en évidence le développement et le mouvement de leurs responsabilités et de leur formation [16] ». Dès les premiers jets manuscrits (Figure 2), l’élaboration des formulaires souligne l’attention accordée aux étapes de la carrière militante, à la fréquentation des stages syndicaux ou encore aux types de responsabilités exercées.

Figure 1

Questionnaire soumis aux permanents CFDT

Figure 1

Questionnaire soumis aux permanents CFDT

Source : Archives CFDT, 8/H/1271. Reproduit avec l’aimable autorisation des Archives confédérales de la CFDT.
Figure 2

Questionnaire « responsables syndicaux » CGT, 1976

Figure 2

Questionnaire « responsables syndicaux » CGT, 1976

Source : IHS 399 CFD 39. Reproduit avec l’aimable autorisation de l’Institut CGT d’histoire sociale (IHS-CGT).

12Ces documents révèlent également combien l’entrée dans la fonction de permanent constitue une bifurcation dans la carrière du militant. Point de départ d’une séquence professionnelle nouvelle, substitutive à la vie en entreprise, elle suit des temporalités spécifiques. La mobilité de l’intéressé ne relève pas uniquement d’une affaire de compétence ou de performance individuelle, elle est cadencée par le projet collectif de l’organisation. Certaines étapes de la carrière syndicale sont ainsi défi nies à l’avance par les scansions de la vie militante. À la CGT par exemple, l’usage veut qu’après trois mandats successifs, soit une dizaine d’années, un secrétaire général d’UD ou de fédération soit invité à quitter ses fonctions au profit d’un autre responsable de l’organisation qui aura été préalablement intégré à l’équipe dirigeante. Institué au cours des années 1980 dans le but de prévenir la sclérose des directions [17], ce type de pratique s’impose à l’ensemble du corps des permanents. Pour ces derniers, les changements de poste, souvent matérialisés par l’octroi d’une promotion dans une nouvelle instance (la commission, le bureau, le secrétariat, etc.), suivent ainsi des rythmes préétablis dont nombre de questionnaires portent la trace.

13On entrevoit ici l’ensemble des données sérialisées que les institutions s’efforcent de prendre en compte pour orienter les parcours des cadres syndicaux. Toutefois, ces éléments ne sont pas les seuls à la disposition de l’organisation. Outre les questionnaires, les dossiers des permanents comprennent aussi des courriers, des comptes rendus de réunion ou des notes internes qui donnent à voir le suivi individualisé appliqué aux carrières syndicales. Ces documents montrent comment la question de la mobilité peut faire l’objet d’un traitement qualitatif de la part des services confédéraux. Dans leurs correspondances, les permanents évoquent les coûts subjectifs engendrés par les recompositions de leur carrière. Certains exposent les angoisses qu’ils affrontent après leur promotion fulgurante à des fonctions dirigeantes dont ils ne parviennent pas à prendre la mesure. D’autres à l’inverse témoignent de l’usure ressentie après des années passées à un même poste. En quelques années, une situation professionnelle fortement désirée semble alors se transformer en un carcan insupportable, ce qui souligne plus largement qu’au fil de la carrière syndicale, les rétributions subissent une forme de dévaluation ou d’érosion.

14Le dossier personnel de Louise Frémont [18] en offre une parfaite illustration. Née en 1946, cette ouvrière-piqueuse dans l’industrie de la chaussure adhère à la CGT en 1968. Elle connaît une progression rapide au sein des instances de sa fédération professionnelle. En 1972, elle intègre la direction de l’organisation puis, en 1976, elle en devient secrétaire générale. La même année, elle est élue à la commission exécutive confédérale (CEC) et pénètre ainsi l’élite dirigeante de la centrale. Ouvrière qualifiée, âgée de moins de 30 ans, passée par les formations syndicales, mariée à un permanent, elle dispose de propriétés sociales alors fortement valorisées par la confédération. Toutefois, très rapidement, l’accumulation des responsabilités pèse sur son état de santé. Dès 1978, à l’issue de son premier mandat, elle renonce à siéger à la CEC. Dans une lettre à Georges Séguy, secrétaire général de la CGT, elle évoque la dégradation de sa condition physique et psychique, les « dépressions nerveuses », sa « difficulté à faire face à toutes ses responsabilités » et la nécessité « de réduire [son] activité militante [19] ». En réponse à ces situations, il revient alors à l’institution de réorienter la carrière de ses cadres en leur proposant une mobilité verticale ou horizontale (Becker 1952). En l’espèce, Louise Frémont reste permanente mais accepte une forme de déclassement symbolique puisqu’elle délaisse ses mandats confédéraux pour se concentrer sur ses fonctions fédérales.

Codifier le déroulement de carrière des permanents

15Dans chacune des confédérations, les codifications institutionnelles dessinent un espace des rétributions – matérielles et symboliques – au sein duquel se déploient les carrières des permanents. Or, cet espace n’est pas figé et au contraire, les organisations tentent d’adapter les circuits de mobilité internes en fonction de leurs possibilités budgétaires, de leurs orientations stratégiques ou idéologiques (Lagroye et Siméant 2003). Ainsi, selon des équilibres régulièrement renégociés, au gré des relations internes ou de la fluctuation des moyens de l’entreprise militante, les formes de déplacement proposées aux salariés se recomposent.

Embauche, promotion et avancement : enjeux de négociation

16Le cas de la CFDT permet de saisir comment les critères de la mobilité peuvent faire l’objet d’affrontements à l’intérieur d’une entreprise militante, particulièrement au moment où celle-ci envisage de professionnaliser le corps de ses responsables. Dès les années 1970, la centrale cherche à rationaliser les procédures de sélection de ses personnels afin de lutter contre des pratiques d’embauche désordonnées qui selon sa commission exécutive (CE) s’effectuaient jusqu’alors « au coup par coup [20] ». Pour ce faire, elle s’inspire largement des techniques de recrutement utilisées par les entreprises privées ou les administrations publiques (petites annonces, entretiens, fiches de postes, etc.). L’usage de ces outils formalise des critères d’évaluation qui laissent transparaître les attentes de l’institution (Julliard 2018), notamment les qualités recherchées chez les futurs secrétaires confédéraux. Suivant les postes à pourvoir, les profils accordent une importance plus ou moins grande aux savoir-faire techniciens ou syndicaux, en raison du statut dual du secrétaire confédéral cédétiste, censé assurer des tâches à la fois « politiques » et « fonctionnelles ». Au moment de recruter de nouveaux cadres confédéraux, à l’intérieur ou à l’extérieur des réseaux cédétistes, ces registres de compétences entremêlés s’imposent comme la nouvelle norme du métier de permanent. Les fiches de postes précisent systématiquement les « compétences » attendues du candidat, tantôt « une connaissance en matière de gestion financière », « l’aptitude à étudier un dossier » ou encore « la connaissance d’une 2e langue ». Pour certaines missions, les savoir-faire professionnels extérieurs au monde syndical prennent nettement le pas sur l’expérience militante qui n’apparaît dès lors plus comme un prérequis à la carrière syndicale. C’est le cas pour les journalistes, les juristes ou les informaticiens recrutés en dehors des réseaux de l’organisation, et dont on estime qu’à défaut d’expérience militante, un « accord profond avec la CFDT » ou « un intérêt pour les orientations de la CFDT » suffit. Imperceptiblement, cette recomposition des critères de sélection tend à élever le coût d’entrée dans la compétition pour les postes de permanent, suivant ce qui apparaît comme une technicisation des tâches et une spécialisation des fonctions.

17Les rétributions échangées dans l’espace cédétiste font également apparaître le poids de dynamiques hétéronomes. La confédération affirme sa volonté de garantir à ses personnels des conditions contractuelles comparables à celles proposées par les entreprises du secteur marchand. Elle insiste ainsi sur la revalorisation salariale qui doit accompagner l’accès au siège confédéral. L’objectif est à la fois d’assurer l’attractivité des postes au sein de l’appareil et de pérenniser les recrutements, en évitant une fuite trop rapide des nouveaux arrivants. Toutefois ces volontés d’ajustement ne sont pas sans créer quelques désaccords internes. En premier lieu parce qu’elles suggèrent une équivalence entre engagement syndical et travail salarié, ensuite parce qu’elles laissent à penser que les motivations militantes et les rétributions symboliques ne sauraient suffire à attirer les candidats. On saisit alors comment les normes en matière de promotion syndicale s’élaborent au gré d’âpres négociations entre pairs militants.

18En 1974, l’entrée de Jacques Moreau [21] à la CE de la CFDT suscite par exemple de vives réactions, explicitées dans un courrier du comité régional Rhône-Alpes daté du 23 avril 1974 et adressé à Edmond Maire. La lettre évoque d’abord le profil multi-diplômé de l’intéressé qui « laisse supposer qu’une grande importance est attachée aux titres universitaires [22] ». Or, « est-ce le principal critère pour accéder à un poste de dirigeant confédéral ? », s’interrogent les membres du comité régional. Ils reviennent ensuite sur les conditions salariales concédées à Jacques Moreau, qui font qu’il perçoit « le salaire le plus élevé » de l’appareil confédéral, avec un « supplément fixe mensuel de 1 300 F ». De fait, en février 1975, celui-ci dispose d’un salaire de 5 800 francs quand l’indemnité attribuée aux membres de la CE s’élève à 4 506 francs et que la rémunération moyenne des secrétaires confédéraux se situe autour de 3 500 francs. Cette dérogation à la grille des salaires ne semble guère convenir aux auteurs du courrier qui estiment qu’elle contrevient aux principes démocratiques et politiques de la centrale en instaurant une mobilité salariale décidée arbitrairement par la direction. Aussi réclament-ils au secrétaire général « des réponses claires afin que [les] adhérents [de la CFDT] puissent croire à [sa] volonté réelle de remise en cause de la hiérarchie du système capitaliste ». Tout se passe comme si les rétributions financières exceptionnelles obtenues par Jacques Moreau mettaient en doute « la pureté » et « l’authenticité » de son engagement en faveur de la cause (Simonet 2010 : 208). Ces réactions révèlent l’attachement d’une partie de ses camarades aux vertus du désintéressement militant, synonyme d’une valeur spécifique du travail syndical. De toute évidence, ces prises de position contradictoires participent des dissensions idéologiques qui traversent alors la centrale, notamment autour de l’analyse du système capitaliste (Defaud 2009 ; Guillaume 2014). Le télescopage entre tensions dans la communauté du travail et conflits politiques n’est d’ailleurs pas propre à l’échelon confédéral puisqu’il s’observe en termes similaires à d’autres niveaux de l’appareil, tels que les fédérations ou les cabinets d’expertise (Cristofalo 2011 :195). On mesure alors combien les déplacements des permanents sont partie intégrante des rapports de force internes à la direction cédétiste.

19Face aux critiques, la réponse de la CE argue des difficultés inhérentes à son statut d’employeur :

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« ces dérogations s’expliquent par la réalité des salaires pratiqués par les entreprises extérieures ou, dans certains cas, par les organisations de la CFDT. Les éléments qui précèdent prouvent que la Confédération a une politique salariale conforme à ses orientations, mais nous ne pouvons pas, dans certains cas, ignorer les réalités [23] ».

21Ces justifications reviennent à plusieurs reprises au cours de la période, toujours en référence aux logiques implacables d’un marché du travail où les organisations syndicales occuperaient une position dominée dans l’embauche de professionnels compétents. « Les membres du secrétariat confédéral, quels que soient leur militantisme et l’autodiscipline qu’ils s’imposent, ne peuvent s’extraire totalement de la société dans laquelle ils vivent et encore plus leur famille [24] », affirment certains dirigeants au moment d’évoquer les grilles de salaires. Ils expriment ainsi leur volonté d’ajuster les principes d’avancement, c’est-à-dire la distribution des avantages symboliques et matériels, aux besoins en main-d’œuvre qualifiée de l’organisation. Par la même occasion, la direction entend répondre aux plaintes formulées par une partie de ses personnels, soucieux de disposer de certaines garanties en termes de progression de carrière.

22Les archives du GG26 de la CFDT conservent en effet la trace de plusieurs démarches de négociations individuelles ou collectives au sujet des rémunérations des permanents. Elles témoignent des stratégies rhétoriques mobilisées par ces derniers afin de solliciter une révision de leur situation. Les arguments liés aux rétributions matérielles et symboliques de l’investissement professionnel des salariés s’y entremêlent. En 1970, dans un courrier à Eugène Descamps, André Monnier [25], chef comptable et adjoint du trésorier confédéral depuis les années 1950, revient sur les logiques de promotion à l’œuvre dans l’appareil [26]. Il expose les défaillances d’une « CFDT militante et employeur » incapable selon lui « de garantir à ses propres permanents un pouvoir d’achat qui n’aille pas en se dégradant ». Sa lettre fustige, d’une part, le resserrement des rémunérations qui provoque « le départ de plusieurs permanents » et revient, d’autre part, sur la « théorie égalitaire d’augmentation » qui conduit à un certain malaise chez les salariés de son service. « Tous nantis des diplômes sanctionnant leurs études et leurs examens, tous animés d’un même souci d’efforts en vue de leur perfectionnement », ils admettent difficilement que « la même manne tombe pour tous » ce qui implique, à leurs yeux, « qu’il est inutile de se forcer » dans la mise en œuvre du travail syndical. En miroir, rappelant les sacrifices consentis au moment de devenir secrétaire confédéral, il insiste sur les incidences biographiques négatives d’un engagement syndical à temps complet :

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« Tu connais mieux que personne les lourdes responsabilités qui pèsent sur les responsables confédéraux, responsabilités qui sont prises certes en toute connaissance de cause, et souvent au détriment de nos vies familiales. Tu sais que ces responsabilités ne peuvent être assumées qu’en assurant un horaire allongé, tant pour les réunions que pour les congrès ou les divers déplacements. Si tout ceci est voulu et accepté, c’est pour la CFDT. Mais s’il s’avérait qu’un éventail hiérarchique déjà réduit venait encore à être resserré, je crains que des problèmes graves se posent à notre niveau [27] ».

24Cette balance des coûts et des rétributions du métier syndical revient fréquemment chez les secrétaires confédéraux dotés de ressources professionnelles particulièrement recherchées sur le marché du travail (diplômes, qualifications, etc.) lorsqu’ils s’efforcent de (re)négocier leur situation salariale. Dans le même sens, ils n’hésitent pas à faire planer le doute sur d’éventuelles velléités de départ, hypothèse de mobilité externe que nombre de leurs camarades autodidactes, oblats attachés à l’institution, ne peuvent se permettre de faire valoir.

Faire vivre les « mutations » internes

25On retrouve également ces débats à la CGT où certains collaborateurs – informaticiens ou économistes – disposent de salaires plus attractifs que ceux généralement alloués aux permanents de leur catégorie. Là aussi, la situation est liée au recrutement de personnels extérieurs aux réseaux syndicaux, qui gagne en importance entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. L’embauche de cette main-d’œuvre atypique demeure néanmoins beaucoup plus restreinte qu’à la CFDT. Le secteur Promotion des cadres syndicaux veille en effet à défendre une mobilité interne des permanents en encourageant la cooptation de militants déjà en responsabilités et disposant d’une solide expérience syndicale. Aux yeux d’André Allamy, son principal orchestrateur, la sélection des collaborateurs confédéraux doit s’accomplir en priorité au sein des réseaux fédéraux et interprofessionnels. En 1980, il affirme cette position au sujet des permanents « politiques », considérant que l’embauche de « techniciens » extérieurs ne constitue pas un « enrichissement pour le mouvement », qui « devrait s’adresser au contraire à des cadres syndicaux confirmés auxquels on proposerait d’acquérir les connaissances techniques nécessaires à leur fonction [28] ».

26L’objectif de restreindre le périmètre de recrutement des permanents de l’organisation s’accompagne d’une revalorisation des qualités liées à l’expérience militante opposées, dans le discours, aux compétences techniciennes. Cette volonté de maintenir des critères de sélection autonomes, spécifiques à l’espace cégétiste, est directement connectée à la codification des mobilités. En affirmant la primauté du vécu militant, la fermeture du marché des cadres aux seuls recrutements internes constitue l’unique moyen de préserver la composition sociale de la structure confédérale et d’offrir aux catégories populaires de réelles chances de promotion au sein de l’appareil. En ce sens, André Allamy signale les effets de concurrence à l’œuvre entre élites syndicales, l’extension des moyens organisationnels et des possibilités d’embauche ne bénéficiant pas équitablement à toutes les catégories de syndicalistes (Guillaume 2014 : 147). Les propositions du secrétaire confédéral se fondent sur la foi dans la capacité des militants à se mettre au niveau des exigences de leurs tâches et à se sublimer au contact – et au profit – de la CGT. « Promouvoir signifie pousser en avant, faire avancer », rappelle-t-il à plusieurs reprises comme pour signaler que la promotion syndicale est irrémédiablement liée au grandissement, culturel autant que social, du militant. Dès lors, il affirme tout l’intérêt de mettre en œuvre une politique de formation ambitieuse qui permette aux responsables sortis du rang d’accéder aux postes confédéraux.

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« Il est des responsabilités syndicales qui exigent des connaissances techniques de haut niveau. On peut concevoir que la meilleure solution à cette question ne soit pas de rechercher le technicien adéquat, mais bien plutôt de donner à un cadre syndical la formation nécessaire pour faire face à cette responsabilité et dominer ces techniques (la promotion des OS [ouvriers spécialisés] et des immigrés restera probablement lettre morte si nous ne faisons pas des efforts réels dans ce sens) [29]. »

28Dès le milieu des années 1970, André Allamy articule sa vision d’un appareil « en mouvement » avec le projet d’un système de repérage « radioscopique [30] » des cadres – « un fichier [31] », écrit-il parfois – qui permettrait d’accélérer la « mutation », aux sens de métamorphose et de déplacement, des dirigeants cégétistes. Le tout favorisant l’expression du « potentiel militant » de l’organisation.

29Le recours assumé à ce marché militant clos encourage l’usage de la cooptation, pratique de promotion fondée sur une connaissance intime, personnalisée et prolongée des futurs embauchés. Les processus de sélection des responsables cégétistes mettent ainsi en avant « le comportement », « l’aptitude », « les liens avec les masses » du militant, ou encore « sa confiance dans la classe ouvrière », « son attachement et son dévouement à notre organisation », « son expérience, mais aussi ses possibilités de développement ultérieur [32] ». La compétence technique, objectivée par des diplômes, demeure une variable secondaire, subordonnée aux aptitudes – et aux attitudes – des acteurs. Cette personnalisation de la relation cooptative – souvent propice au « clonage » des profils – explique aussi la reproduction d’un groupe dirigeant masculin peu ouvert aux qualités perçues comme féminines (Guillaume et Pochic 2007).

30La sélection par cooptation met en lumière le caractère négocié et contingent du déplacement des cadres syndicaux. Le processus s’étale parfois sur plusieurs mois et peut connaître des revirements soudains, lorsque l’attribution du poste est finalement suspendue, faute de crédits ou parce que le militant pressenti est subitement écarté après une intervention en sa défaveur. De fait, l’accord définitif n’est entériné qu’à la suite d’une phase de négociation où les deux parties s’entendent sur les conditions contractuelles du recrutement : détachement, temps de travail, période d’essai, etc. Bien qu’opérées en interne, les embauches par cooptation connaissent donc des conditions sociales de possibilité très incertaines. D’abord, dans un respect scrupuleux des principes fédéralistes, il s’agit d’obtenir l’accord de l’organisation d’origine du candidat. Or, comme en témoignent les archives de la CGT, les dirigeants confédéraux se heurtent régulièrement à la réticence des fédérations ou des unions départementales (UD) qui « ne se défont pas facilement de leurs militants » et critiquent vertement les « promotions autoritaires » décidées par le siège [33]. S’ajoutent d’éventuelles craintes des intéressés, lorsque leur embauche implique un déplacement géographique et familial, financièrement et socialement coûteux. L’exemple de Christian Tarvelle l’exprime clairement [34]. Né en 1943, agent commercial chez Gaz de France (GDF), militant communiste, permanent de l’UD CGT de l’Isère depuis 1968, il est pressenti en mars 1983 pour intégrer un poste de collaborateur au centre confédéral de formation continue. Toutefois, avant d’engager la discussion avec les dirigeants du siège, et peut-être pour peser sur celle-ci, il insiste sur les difficultés inhérentes à son « déracinement » et donc sur les conditions matérielles qui permettent, ou au contraire entravent, sa mobilité vers un poste confédéral.

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« J’ai aussi une épouse qui travaille à GDF, un fils de 14 ans en âge scolaire et le déracinement n’est pas si simple. Mon épouse est très habituée à son confort – dans un lotissement la perspective d’un HLM de banlieue avec plus ou moins le temps de transport – ce sont des choses peut être négligeables pour des militants, mais pas simples pour une épouse. Enfin, j’ai un salaire basé sur GDF : 6 200 à 6 300 F net, un déplacement à Paris avec une perte de salaire serait mal accepté chez moi. […] Ceci pour dire qu’un travail syndical enrichissant est une perspective humaine enthousiasmante… mais lorsque l’on est marié avec une épouse d’esprit non militant, les transports posent quelques questions… [35] »

32In fine, hésitant sur les conditions d’attribution du poste et desservi par un avis défavorable de sa fédération, Christian Tarvelle décide de demeurer dans son UD d’origine. Ce type de mobilité avortée n’est pas rare. Aussi, pour atténuer le coût des déplacements, la CGT intervient parfois auprès des municipalités communistes de banlieue parisienne afin d’assurer aux futurs collaborateurs l’obtention d’un logement. Elle sollicite également les entreprises et les institutions du système d’action communiste pour faciliter l’embauche des conjoints. Elle veille enfin à assurer aux permanents des conditions salariales correctes. Le défi n’est pas aisé et il semble qu’en la matière l’appareil confédéral a bien mauvaise réputation jusqu’au début des années 1980. Si on en croit une note rédigée par son administrateur en mai 1976, la grille des salaires est telle qu’une partie des militants cooptés au sein des réseaux cégétistes se trouve pénalisée au moment d’intégrer le siège confédéral.

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« Les premiers efforts ont été délibérément orientés – conformément à la doctrine de base de la CGT en matière de salaires – vers le relèvement des situations modestes. Il en est résulté un tassement hiérarchique qui, au fil des ans, a créé des difficultés de plus en plus sérieuses au niveau du recrutement des collaborateurs politiques au point qu’aujourd’hui, la CGT est rarement en mesure de proposer à ces derniers des conditions équivalentes à celles dont ils bénéficiaient dans leur fédération, voire dans leur UD. De telle sorte que pour les plus dévoués qui acceptent, néanmoins, de “monter à la CGT”, ce qui devrait être “promotion” prend parfois l’allure d’une “pénalisation” [36] ».

34Cet extrait souligne l’écart potentiel entre la promotion symbolique au sein du siège et les rétributions salariales qui y sont attachées, les deux échelles de mobilité n’étant pas toujours superposées. L’ajustement entre ces formes de reconnaissance professionnelle, tantôt divergentes tantôt convergentes, constitue d’ailleurs le thème de nombreuses négociations internes. Celles-ci mettent en lumière la capacité de l’employeur syndical à anticiper ou accompagner les incidences de l’engagement militant sur la trajectoire biographique de ses salariés (Leclercq et Pagis 2011), mais aussi la manière dont les personnels se mobilisent afin d’influencer les opportunités qui leur sont proposées par l’organisation. Suivant leur situation professionnelle d’origine (salarié à statut, détaché, rémunéré par le syndicat, etc.) ou leur affiliation organisationnelle (fédération, union locale, départementale ou régionale), les syndicalistes cooptés disposent de conditions contractuelles ou de compensations « en nature » (logement, voiture de fonction, etc.) fort disparates. La confédération est contrainte de prendre en compte ces réalités si elle souhaite conserver son attractivité. Il s’agit de garantir des prestations salariales décentes à ses personnels, mais aussi de leur offrir des compensations symboliques au regard de la perte d’éventuelles rétributions matérielles. L’accès aux responsabilités nationales, à l’instar de l’ensemble des « promotions » opérées tout au long de la carrière syndicale (Mischi 2016), implique ainsi un savant jeu d’équilibre et de substitution des rétributions. Les discussions entourant les révisions régulières des grilles de classification permettent de saisir les ressorts de ces négociations. Elles posent très explicitement l’enjeu de l’entremêlement des rétributions symboliques et matérielles dans la codification des carrières syndicales.

Le statut « politique » comme distinction professionnelle

35Durant la période étudiée, tant à la CGT qu’à la CFDT, les directions confédérales profitent de l’instauration de nouvelles grilles de classification pour redessiner les positions et les prérogatives des différentes catégories de personnel. Le principe de ce redécoupage est double. D’une part, il consiste à distinguer les permanents selon qu’ils exercent des fonctions politiques ou techniques et, d’autre part, il vise à ordonner ces deux sous-groupes en réaffirmant la supériorité hiérarchique des cadres politiques. De telles recompositions donnent à voir le travail de délimitation du périmètre de promotion réservé aux différentes catégories puisque, au travers des échelons de la grille, chacune d’elles se voit attribuer un espace de mobilité distinct, un déroulement de carrière, un avenir probable et des avantages professionnels particuliers. Par le biais des niveaux ou des coefficients, ces nouvelles classifications instituent des effets de seuil qui fonctionnent comme autant de cloisonnements garantissant la différenciation des carrières. L’exemple de la redéfinition du statut de « secrétaire confédéral » au sein de l’appareil cédétiste démontre combien ces distinctions internes, clairement à l’avantage des cadres politiques, mettent en tension les rétributions symboliques et matérielles de la promotion syndicale.

36En septembre 1971, une note adressée à la commission exécutive de la CFDT interpelle ses membres sur « les problèmes posés par les secrétaires confédéraux [37] ». Soulignant le « malaise » ressenti par cette catégorie de permanents, elle appelle à « préciser » la place qui leur est dévolue dans « l’élaboration des positions confédérales ». Une partie d’entre eux supporte difficilement la discordance entre un statut de « salarié fonctionnel » et la réalité d’un travail qui les conduit à participer pleinement aux interventions politiques de la centrale. Ils réclament un droit de participation accrue aux instances de décision. En réponse, le rédacteur de la note propose de mettre fin à l’ambiguïté en distinguant profils « politiques » et profils « techniciens ». Les premiers disposeraient de « fonctions » et de « responsabilités » politiques, alors que les seconds en seraient explicitement privés. Si le principe de ce découpage paraît simple, l’auteur souligne toutefois les « distorsions » contractuelles et salariales « qui ne manqueront pas de faire problème ». La difficulté consiste à inclure tous les individus dans une même classification et à les faire adhérer aux logiques rétributives attachées à leur catégorie. À ce titre, il est bien précisé que si les techniciens « ne peuvent prétendre avoir une responsabilité politique », l’organisation doit être en mesure de « rémunérer certains d’entre eux à des taux voisins de ceux pratiqués dans l’industrie », quitte à dépasser l’éventail des salaires ordinairement proposé aux salariés de la catégorie. En introduisant une logique de rémunération calquée sur la valeur marchande du travail, cette clause contourne la hiérarchie salariale de l’organisation, dominée par les secrétaires confédéraux et les élus de la CE. Toutefois, en contrepartie, ce second groupe voit son autorité fonctionnelle réaffirmée. En effet, bien que disposant d’une rémunération égale ou supérieure aux permanents politiques, les cadres techniciens les mieux payés sont en théorie privés de tout pouvoir de décision et, de facto, contraints d’occuper une position subordonnée dans les collectifs de travail. Le statut de secrétaire confédéral permet ainsi d’accéder à un espace de positions symboliques (représentation de l’organisation, participation à l’élaboration des orientations stratégiques, pouvoir de décision, etc.) inaccessible aux permanents techniques. Dans la communauté militante, ces rétributions possèdent une grande valeur puisqu’elles confèrent influence et autorité à leurs détenteurs. À l’instar des distinctions hiérarchiques dans les milieux artistiques (Lehmann 2002), la promotion professionnelle des permanents s’appuie parfois plus sur l’accumulation de ces bénéfices symboliques que sur l’amplitude de l’éventail salarial. Or tout au long des années 1970, la distinction entre ces deux registres de rétribution ne va cesser de s’accentuer.

37En 1975, les débats sont relancés par une note du bureau national qui souligne combien la création de certains postes – dont « la composante technique dans le couple technique politique, est prépondérante [38] » – remet en cause l’unité du corps des secrétaires confédéraux. Cette situation poserait problème dans la mesure où l’activité concrète de certains secrétaires ne correspond plus aux attendus politiques de leur statut :

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« entre le secrétaire confédéral qui est amené à conduire une négociation, à élaborer une position, à représenter l’Organisation et celui dont la fonction sera demain de rédiger le guide pratique de l’agenda, il y a une différence de fonction telle qu’un statut unique qui les recouvre l’un et l’autre devient vite une véritable fiction [39] ».

39En creux, il s’agit de souligner combien la valeur symbolique attachée à la responsabilité politique se trouve directement entamée par la prédominance de fonctions techniciennes. La réponse proposée consiste en la création d’une nouvelle catégorie de « secrétaire permanent ». Considérée comme une position intermédiaire entre technique et politique, elle participe à réaffirmer l’autorité – pleine et entière – des secrétaires confédéraux, seuls autorisés à combiner légitimité élective, mandat de représentation et participation au travail d’élaboration politique. Ce mouvement de clarification des statuts se prolonge pendant plusieurs années, conjointement à une progressive clôture de l’accès à la catégorie politique. Cette fermeture s’accompagne d’une mise en valeur de l’expérience syndicale, présentée comme le fondement des hiérarchies internes. Tout se passe comme si la direction confédérale souhaitait réaffirmer les vertus du passé militant, progressivement mises en péril par les recompositions organisationnelles et démographiques de l’appareil. En 1977, « la CE souligne que la voie universitaire ne peut qu’exceptionnellement donner accès au secrétariat confédéral [40] ». L’année suivante, l’entrée dans la catégorie de secrétaire confédéral est subordonnée à l’exercice d’un mandat d’au moins cinq ans dans un exécutif syndical, tandis que les embauchés qui ne remplissent pas cette condition restent cantonnés au rang de permanent technicien [41].

40Enjeu d’oppositions au sein de l’appareil, l’accès au statut de « politique » a des implications concrètes dans l’activité quotidienne. Il est notamment au fondement des hiérarchies en vigueur dans les collectifs de travail. Placés sous la responsabilité des membres de la CE, les secrétaires confédéraux encadrent le travail des secrétaires permanents qui à leur tour coordonnent les cadres techniciens. Dans un univers professionnel où les principes de subordination se voient souvent opposer les règles de la collégialité, la valeur accordée au statut politique – qui sanctionne une forme de « délégation de pouvoir » de la part des instances électives [42] – permet de s’imposer face à ses collègues, selon les mécanismes de « l’autorité fonctionnelle » observée dans les milieux militants ou bénévoles (Simonet 2010 : 177). Rien n’illustre mieux l’importance accordée aux prérogatives politiques que les témoignages d’anciens cadres élus « montés » à la confédération, mais repositionnés dans des fonctions purement techniciennes. En 1971, les effets de domination éprouvés par ces permanents sont perçus par la direction cédétiste : « Ils ont, pour certains d’entre eux, l’impression d’être plus des fonctionnaires que des militants ; “avant d’être secrétaire confédéral, j’étais membre du bureau de l’UD et du conseil fédéral, j’avais des responsabilités politiques, maintenant je ne suis plus rien”, assure l’un d’eux [43] ». À l’image des footballeurs professionnels, dont la place dans la hiérarchie du collectif de travail entre parfois en décalage avec leur situation salariale et contractuelle ou avec leur « ancienneté », ces syndicalistes déclassés symboliquement sont enjoints d’accepter l’ordre établi au nom de l’intérêt supérieur de l’institution et de la « morale » militante (Rasera 2016 : 90-108).

41L’allocation différenciée des fonctions politiques et les tensions qu’elle suscite permettent d’appréhender autrement les lignes de faille séparant les gratifications symboliques et matérielles (Cardon et Pilmis 2013). On comprend notamment que les négociations internes aboutissent à la fabrication de référentiels hybrides où s’entremêlent les rétributions. La recherche d’une adéquation entre hiérarchies politique et salariale fait l’objet de tentatives réitérées au fil de la période. En 1972, lors d’un échange sur la grille des rémunérations et la définition des rôles au sein de l’appareil confédéral CFDT, les membres de la CE reviennent à plusieurs reprises sur leur attachement à la « matérialité [44] » de leur position (Memmi 1996). Au cours des débats, les principaux dirigeants nationaux, tels Edmond Maire ou Jeannette Laot, insistent pour que soient d’abord fixés les coefficients des secrétaires confédéraux, afin que celui des membres de la CE, autrement dit le leur, soit ensuite défini à partir de cette base, et en l’occurrence au-dessus. En ce sens, ils réaffirment la nécessité d’une traduction salariale de leurs prérogatives électives, laissant à penser que la valeur symbolique de leur statut militant ne peut s’exonérer d’une objectivation pécuniaire. On retrouve ce principe de différenciation salariale à la CGT. Il est même prolongé par l’attribution d’avantages matériels (voiture de fonction, frais de représentation) et logistiques (secrétaire personnelle) dont bénéficient uniquement les responsables politiques de haut niveau. Ces derniers, à l’instar des cadres d’entreprises privées (Boltanski 1982), se voient octroyer des biens en nature qui fonctionnent comme autant de rétributions discrètes, parfois même dérangeantes [45] (Corouge et Pialoux 2011 : 271-272), d’une promotion sociale et d’un statut professionnel qui sont aussi indispensables pour « tenir son rang », notamment dans les interactions avec les partenaires-adversaires que sont les représentants patronaux et de l’État, voire les homologues des autres organisations syndicales (Wagner 2005).

42* * *

43En tentant de percer la « boîte noire » des modèles de carrière proposés aux permanents syndicaux, cette contribution met en lumière le travail institutionnel de codification des mobilités professionnelles. Elle fournit, d’une part, un observatoire de la manière dont les entreprises militantes pensent les parcours professionnels des permanents. Loin de tout immobilisme, ceux-ci suivent des circuits de mobilité basés sur l’échange de rétributions à la fois matérielles et symboliques, qu’il convient de penser dans leur entremêlement et leurs combinaisons. Inscrits à la confluence de multiples formes de déplacements (sociaux, géographiques, salariaux, etc.), ils échappent en grande partie aux logiques comptables de la rationalité salariale, ce qui explique qu’ils apparaissent souvent discrets voire invisibles. Pour autant, l’attention des organisations syndicales à la mobilité de leurs salariés ne fait aucun doute. L’observation des dimensions proprement professionnelles de la carrière des permanents rappelle ainsi ce que les trajectoires individuelles doivent aux circuits, aux rythmes ou à l’ampleur des déplacements fixés par l’employeur militant. Autrement dit, si les acteurs se meuvent et bien souvent « s’élèvent » à la faveur de leur engagement syndical, ils le font en fonction du façonnage institutionnel de cette « promotion ».

44La comparaison des deux confédérations permet, d’autre part, de saisir combien les normes institutionnelles participent à définir les formes légitimes de la carrière professionnelle. Ainsi, alors que la direction cégétiste entend appuyer la fabrication de ses cadres dirigeants sur un processus de cooptation interne, où l’expérience militante demeure la valeur cardinale de la carrière syndicale, la CFDT adopte une conception du recrutement qui la positionne à la fois sur un marché du travail interne et externe aux réseaux syndicaux. Dès lors, elle s’expose davantage aux standards – matériels, scolaires, etc. – du marché de l’emploi ordinaire et à des formes de mobilité contestées. Dans les deux cas, les déplacements proposés aux permanents restent toujours le produit de négociations multiples, individuelles ou collectives, qui mettent au jour les rapports de forces internes à l’institution. Ainsi, bien que balisés, les espaces de mobilité ouverts aux salariés ne cessent jamais de se recomposer.

45Par-delà le cas des centrales syndicales, cette attention au caractère négocié et hybride des mobilités peut s’étendre au fonctionnement d’entreprises marchandes. Les travaux portant sur les mondes ouvriers, particulièrement ceux consacrés à la vie des ateliers (Beaud et Pialoux 1999), sur les cadres de la grande distribution (Benquet 2015 [2013] : 240) ou encore aux professions vocationnelles (Dauvin et Siméant 2002 ; Lehmann 2002) fournissent déjà des exemples particulièrement stimulants de l’entremêlement des rétributions. En ce sens, le cas particulier des organisations syndicales confirme que l’octroi de distinctions symboliques – parfois substituées aux avantages matériels – participe pleinement à maintenir l’investissement au travail des salariés, dans un marché de l’emploi qui tend à faire de la mobilité professionnelle un impératif de la carrière (Boltanski et Chiapello 2011 [1999] : 539).

Bibliographie

Ouvrages cités

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Notes

  • [1]
    Nous tenons à remercier les lecteurs de Genèses ainsi que Vanessa Caru pour leurs conseils sur des versions antérieures de cet article. Nous exprimons également toute notre gratitude aux coordinateurs du dossier pour leur accompagnement et leur suivi scrupuleux de ce travail.
  • [2]
    Pour Georges Ubbiali, le permanent désigne un membre d’une organisation sans but lucratif rémunéré pour s’occuper, à plein temps, de la gestion de cette même organisation (Ubbiali 1997).
  • [3]
    En 1979, la CFDT décide de « recentrer » son intervention autour des seuls enjeux syndicaux délaissant, par la même occasion, les mots d’ordre politiques – notamment celui de l’autogestion – portés dans les années 1960-1970. En 1978, la CGT tient son 40e congrès confédéral, souvent présenté comme une tentative d’ouverture manquée de la direction confédérale pour promouvoir le débat entre communistes et non-communistes au sein de la centrale.
  • [4]
    Étude réalisée à partir des fonds du secteur « Promotion des cadres », Institut CGT d’histoire sociale (désormais IHS), 399 CFD 1-46.
  • [5]
    Extraits de « Pour une promotion responsable, hardie et vivante de cadres syndicaux », 1971 (IHS, 399 CFD 34) et d’une Note à la commission exécutive, février 1972 (Archives CFDT, CH/8/187).
  • [6]
    Voir sa biographie sur le site Maitron, URL : http://maitron.fr/spip.php?article9877.
  • [7]
    Notes manuscrites de Guy Moineau, 1976 (IHS, 399 CFD 39).
  • [8]
    Un vaste mouvement de renouvellement générationnel est amorcé en 1969 et se poursuit tout au long des années 1970. Pour l’accompagner, le secteur Promotion des cadres reconstitue scrupuleusement les mouvements au sein des directions d’unions départementales, avec une attention particulière à l’ancienneté et à l’âge des permanents (IHS, 399 CFD 30).
  • [9]
    Questionnaire adressé aux organisations confédérées, juin 1968, et rapport de François Rogé, mai 1970 (Arch. CFDT, CH/7/309).
  • [10]
    En février 1960, le Comité confédéral examine par exemple un rapport sur le « Problème des permanents » fondé sur la récolte de 251 questionnaires (Arch. CFDT, CH/6/183).
  • [11]
    « États récapitulatifs de la situation des permanents », 1961-1969 (Arch. CFDT, CH/7/309).
  • [12]
    « Pour une politique hardie de promotion des cadres syndicaux », Intervention d’André Allamy devant le bureau confédéral (BC), février 1976 (IHS, 399 CFD 12).
  • [13]
    « Les archives documentent par exemple l’élaboration et les différents modèles de questionnaires employés par la Fédération de la Métallurgie, entre 1977 et 1979 (IHS, 398 CFD 33).
  • [14]
    Arch. CFDT, CH/8/2171.
  • [15]
    Les archives du secteur Promotion des cadres conservent de nombreux questionnaires et projets de formulaires (IHS, 399 CFD 24).
  • [16]
    « Quelques réflexions concernant le projet de questionnaire aux responsables syndicaux de la CGT », note de Guy Moineau et André Allamy, 28 décembre 1976 (IHS, 399 CFD 39).
  • [17]
    Conclusion du BC par Henri Krasucki, 12 décembre 1984 (IHS, 399 CFD 12).
  • [18]
    Lorsque des informations concernant l’entourage familial des syndicalistes sont mobilisées, nous avons pris la précaution de modifier leurs noms et prénoms.
  • [19]
    Lettre de Louise Frémont à Georges Séguy, 24 août 1978 (IHS, 417 CFD 76).
  • [20]
    Note créant le GG26, adressée aux membres de la CE, septembre 1971 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [21]
    Chercheur en science politique, ancien dirigeant de l’Union des ingénieurs et cadres (1964-1970), devenu secrétaire général de la fédération des Industries chimiques (1970-1974). Voir sa notice biographique sur le site Maitron, URL : http://maitron.fr/spip.php?article148599.
  • [22]
    Courrier du bureau régional Rhône-Alpes daté du 23 avril 1974 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [23]
    « Projet de réponse » au comité régional Rhône-Alpes, s. d. (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [24]
    Note au Bureau national (BN), septembre 1977 (Arch. CFDT, CH/8/178).
  • [25]
    Le parcours d’André Monnier reste mal documenté. Permanent de l’appareil confédéral de la CFTC dès les années 1950, adjoint du trésorier Jean Alidières jusqu’en 1973, il fait partie des cadres invisibles, ignorés du dictionnaire Maitron, que fait resurgir l’étude des questions logistiques et du travail syndical.
  • [26]
    Arch. CFDT, CH/8/187.
  • [27]
    Arch. CFDT, CH/8/187.
  • [28]
    « Les problèmes de la conversion des cadres syndicaux », 1980 (IHS, 399 CFD 33).
  • [29]
    Brochure de présentation du secteur pour le Centre confédéral d’éducation ouvrière de la CGT, 1983 (IHS, 399 CFD 35).
  • [30]
    Rapport Allamy au BC, 12 décembre 1984 (IHS, 399 CFD 40).
  • [31]
    André Allamy, Questionnaire « responsables syndicaux », Commentaires, Note de janvier 1977 (IHS, 399 CFD 39).
  • [32]
    Cours sur « la promotion des cadres syndicaux » pour le stage supérieur, s. d. [1972] (IHS, 399 CFD 34).
  • [33]
    Formation. La promotion des militants, 1975 (IHS, 399 CFD 34).
  • [34]
    De manière à respecter son anonymat, les propriétés sociales du militant ont fait l’objet d’une modification partielle.
  • [35]
    Lettre de Christian Tarvelle, mars 1983, Archives du secteur cadres (IHS, 417 CFD 52-54).
  • [36]
    Projet de nouvelle classification, Mai 1976 (IHS, 251 CFD 2).
  • [37]
    « Première réflexion sur les problèmes posés par les secrétaires confédéraux », septembre 1971 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [38]
    BN des 19-21 juin 1975 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [39]
    BN des 19-21 juin 1975 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [40]
    Note au BN, septembre 1977 (Arch. CFDT, CH/8/178).
  • [41]
    Michel Branciard, Le secrétariat confédéral 1953-1980, Étude pour le BRAEC, 1980 (Arch. CFDT, CH/8/263).
  • [42]
    Note « Rôle, place et situation des permanents du secrétariat confédéral », février 1972 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [43]
    « Première réflexion sur les problèmes posés par les secrétaires confédéraux », septembre 1971 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [44]
    Compte rendu de la réunion plénière du secrétariat confédéral, avril 1972 (Arch. CFDT, CH/8/187).
  • [45]
    Certains militants repèrent les standards induits par cette mobilité au sein de l’appareil et se refusent parfois à les endosser (Boulland 2013). Christian Corouge, OS chez Peugeot, affiche ainsi son refus de devenir permanent et ses réticences à participer aux négociations avec la direction : « Ça t’oblige à avoir une espèce de langage, à avoir une espèce de tenue vestimentaire, à avoir une espèce de sacoche à la main, à avoir une espèce d’attitude à la con » (Corouge et Pialoux 2011 : 271).
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